L'organisation des territoires 1/2
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Texte intégral
Configuration générale de l’habitat du quart nord-ouest de la Gaule
Premières réflexions sur l’implantation des sites
1On a pu remarquer que la distribution spatiale des sites fortifiés établis dans le quart nord-ouest de la Gaule suggérait une nette rupture entre l’est et l’ouest de la zone d’étude (fig. 131). Pour la partie occidentale, correspondant à l’ouest de la péninsule bretonne – territoires osisme, vénète et coriosolite –, les fortifications sont, en grande majorité, implantées sur le littoral atlantique. Quelques-unes sont installées le long d’un fleuve côtier et/ou à quelques kilomètres d’une ria – c’est le cas de Ploudaniel (29) et d’Arzano (29), de “Kercaradec” à Quimper (29). Dérogeant à la règle le “Camp d’Artus” à Huelgoat (29) et le promontoire du “Château” à Peaule (56) – établi sur le cours de la Vilaine à plus de 10 km de l’estuaire –, à la frontière entre les Vénètes et les Namnètes. Tandis que pour la partie orientale, chez les Aulerques Cénomans, les Diablintes et les Andécaves, les sites fortifiés se répartissent de manière plus équilibrée sur les territoires. Pour les civitas intercalaires des Namnètes, des Riedones et des Ambiliates, il est plus difficile de dégager des tendances générales étant donné le nombre limité de sites. Si l’on ajoute à cette réflexion les habitats groupés ouverts (certains et probables), beaucoup moins nombreux que les sites fortifiés, le constat reste sensiblement le même (fig. 108).
Fig. 131. Distribution spatiale des sites fortifiés sur l’ensemble de la zone d’étude sur fond orographique (réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
2En fin de compte et au risque d’énoncer des banalités, cette carte livre l’image d’une occupation de l’ouest de la péninsule bretonne largement tournée vers l’Océan. Ce constat vient corroborer celui d’A. Duval qui déclarait dès 1990 :
“Les idées formulées par P.-R. Giot sont largement confirmées par ce rapide tour d’horizon. L’Armorique paraît bien faire preuve d’une grande spécificité à La Tène ancienne pour, à La Tène finale, arriver à une certaine banalisation1, qu’il faudrait peut-être nuancer. L’ouest de l’actuelle Bretagne a des caractères originaux mieux marqués, alors que l’est se rapproche plus du reste de la Gaule2.”
3On rappellera d’ailleurs le témoignage de César à propos de l’un de ces peuples (les Vénètes) :
“Les places de la région étaient en général situées à l’extrémité de langues de terre et de promontoires, en sorte qu’on n’y pouvait accéder à pied, quand la mer était haute...” (Caes., Gal., 3.12)
4Il est désormais nécessaire de comprendre si ces grandes tendances répondent à des contraintes naturelles d’ordre topographique, géographique (cours d’eau…), à une adaptation du milieu (disponibilité des ressources naturelles et géologie des sols), ou simplement à un biais de la recherche, voire si elles ne correspondent pas à une conséquence de ces deux paramètres.
5Effectivement, le bilan documentaire a déjà souligné l’état lacunaire des données archéologiques à l’échelle de ces deux régions et pour échapper aux pièges de la recherche, il est important de prendre en compte la qualité de l’information archéologique, mais aussi l’influence des campagnes de prospections et de l’archéologie préventive sur l’espace géographique qui nous concerne, à un instant “T” de la recherche. À ce titre, il faut également considérer l’état actuel du couvert forestier qui a des conséquences sur la détection des sites.
6Enfin, d’autres paramètres doivent être évalués et se superposer à la lecture des cartes de répartition spatiale du corpus : la dispersion de l’habitat rural isolé, la place des réseaux de communication (voies fluviales naturelles et voies terrestres) et l’implantation des nécropoles de La Tène moyenne et finale.
Les biais de la recherche et les facteurs naturels (géographique et topographique)
7La répartition des sites fortifiés et des habitats groupés ouverts des iie et ier s. a.C. ne coïncide pas nécessairement avec celle de l’ensemble des entités archéologiques de l’âge du Fer recensées dans les régions de Bretagne et des Pays de la Loire (fig. 132). En effet, les zones à plus forte concentration d’entités, c’est à dire le sud du territoire riedone – entre Rennes et Visseiche –, la côte de Jade au sud de l’estuaire de la Loire, le centre-est du territoire osisme ou le nord du territoire vénète, n’ont révélé aucune agglomération laténienne (fortifiée ou non).
Fig. 132. Localisation des habitats groupés et des sites fortifiés en fonction de la répartition des entités archéologiques de l’âge du Fer (extrait de Patriarche) sur fond des modes d’occupation actuel des terres (CORINE Land Cover ; réal. J. Remy).

8L’activité archéologique préventive, bien qu’elle se concentre plus particulièrement autour des principaux secteurs d’activités économiques (Quimper, 29 ; Carhaix, 22 ; Vannes, 56 ; Rennes, 35 ; Guérande et Nantes, 44 ; Le Mans, 72 ; Angers, 49...) et des tracés autoroutiers, ne peut être tenue comme seule responsable de la répartition du corpus (fig. 133). Toutefois, on note des espaces moins dynamiques, à savoir le centre du territoire coriosolite, le nord-est du territoire cénoman, le centre/centre-est du territoire namnète, ou encore le nord du département d’Ile-et-Vilaine. Aussi, les limites retenues pour les territoires cénoman et andécave empiètent sur l’actuelle région Centre (le Loir-et-Cher et l’Indre-et-Loire), non prise en compte dans l’analyse, expliquant ainsi l’absence d’interventions dans ces zones.
Fig. 133. Distribution spatiale des habitats groupés et des sites fortifiés en fonction de la densité des opérations archéologiques préventives : diagnostics, évaluations, sondages, fouilles (extrait de la base patrimoine de Bretagne et de Pays de la Loire, fin 2016 ; réal. J. Remy).

9Le couvert forestier et les pâturages conditionnent indubitablement la détection des sites archéologiques dans la moitié sud-est du territoire cénoman, au nord-est du territoire andécave et à l’ouest du territoire présumé des Ambiliates. En Bretagne, l’importante activité de prospections pédestres et aériennes compense les difficultés liées à ces espaces naturels, mais aussi là où l’archéologie préventive fait défaut, soit au nord du territoire vénète ou au centre de celui occupé par les Coriosolites (fig. 134). Toutefois, si ce type d’intervention peut être propice à la détection de certaines fortifications, elle n’a certainement que très peu de répercussions sur celle des agglomérations ouvertes. Même si ce travail de recherche n’en bénéficie pas, les relevés LIDAR offrent une alternative bien plus performante à la prospection aérienne pour couvrir de larges zones géographiques, ainsi que celles qui sont difficiles d’accès ou sous couvert forestier. De plus, résultent du traitement de ces données une information du relief infiniment plus précise3.
Fig. 134. Distribution spatiale des habitats groupés et des sites fortifiés en fonction de la densité de l’activité de prospection pédestre et aérienne en Bretagne (réal. J. Remy).

10Le problème d’éventuelles lacunes documentaires doit être également envisagé par le prisme de la géographie et de la topographie. L’occupation moindre de certains secteurs peut correspondre soit à des reliefs élevés (chez les Diablintes et les Osismes), soit à des terrains peu fertiles comme chez les Namnètes (fig. 135). Effectivement, les plateaux d’Abbaretz et de Châteaubriant correspondent également à une zone de vide pour la période romaine, caractérisée par “des terres peu productives”, à l’écart des principaux axes routiers4.
Fig. 135. Répartition des habitats groupés ouverts et des sites fortifiés en fonction de l’ensemble des entités archéologiques recensées par les DRAC de Bretagne et de Pays de la Loire (réal. J. Remy).

11A contrario, la topographie et la nature des sols dans le nord du département d’Ille-et-Vilaine – correspondant approximativement au territoire riedone – n’offrent pas vraiment de réponse satisfaisante quant à la faible densité des entités archéologiques. L’inégalité entre le nord et le sud du département s’explique certainement par des secteurs privilégiés par les prospecteurs, du fait de la présence de paysages ouverts peu ou pas bocagés et de champs au maillage élargi5 (fig. 136).
Fig. 136. Répartition des entités archéologiques de l’âge du Fer (extrait de la base Patriarche) chez les Riedones, en fonction de la densité bocagère (d’après l’IGN BDCARTO, réal. J. Rémy)

Les autres composantes du territoire
Les nécropoles
12En Bretagne et en Pays de la Loire, les pratiques funéraires de la fin de l’âge du Fer sont relativement mal renseignées et ont déjà fait l’objet de récentes synthèses6. Seuls quatorze ensembles funéraires de cette période (les deux derniers siècles a.C.) sont recensés sur la zone d’étude qui, pour huit d’entre eux, correspondent à des inhumations individuelles isolées7 (fig. 137).
Fig. 137. Tableau récapitulatif des ensembles funéraires des IIe et Ier s. a.C. recensés dans la zone d’étude (réal. J. Remy).

13Si la raréfaction des sépultures, dès le ive et jusqu’au ier s. a.C., est souvent interprétée comme la conséquence de pratiques réservées à quelques individus privilégiés8, la nature des sols acides du Massif armoricain, peu favorables à la conservation des matières organiques, en est certainement en grande partie responsable9. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que leur distribution géographique soit très inégale. En effet, plus de la moitié des ensembles ont été découverts sur le territoire vénète et la moitié sur la presqu’île de Quiberon (56) (fig. 138). Deux sont localisés au sud-ouest de la cité osisme, deux autres sur le littoral coriosolite et enfin deux en bord de Loire chez les Andécaves. On remarquera une concentration plus importante de ces sites sur le littoral qui constitue un contexte favorable à la conservation des ossements (un apport d’amas coquilliers pour les contextes marins qui équilibre l’acidité des sols).
Fig. 138. Répartition des ensembles funéraires des IIe et Ier s. a.C. dans le quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

14D’après le corpus, qui correspond donc à un état de la recherche, la pratique de l’inhumation est majoritaire à la fin de La Tène.
15La moitié des découvertes remonte au xixe siècle (sur la presqu’île de Quiberon dans le Morbihan et à Saint-Jean-Trolimon dans le Finistère) et ne facilite pas toujours la mise en contexte des données.
16Pour les deux derniers siècles a.C., cinq sépultures ou groupes de sépultures ont livré un mobilier rare ou exceptionnel : le site de “Tronoën” à Saint-Jean-Trolimon (29), celui de Plaudren (56), de “Kerné”, de l’Île En Toul Braz à Quiberon (56) et de Beaufort-en-Vallée (49). Les trois derniers sont localisés à proximité d’un habitat groupé certain ou potentiel. À “Kerné”, les vestiges de trois bâtiments et l’abondance du mobilier découvert en prospection suggèrent la présence d’un habitat de La Tène finale, dont l’extension n’est actuellement pas connue. Les sépultures de l’île En Toul Braz ont été mises au jour sur un petit récif qui émerge au large de la pointe de “Goulvars” à Quiberon, à environ 2,5 km de l’habitat groupé de La Tène finale. Celles de Beaufort-en-Vallée sont directement en lien avec les indices qui indiquent l’existence d’une agglomération aux “Marillères” sur la même commune. Le lien entre la nécropole identifiée dès le xixe siècle à Plaudren et le potentiel habitat groupé de “Kerfloc’h” (à Plaudren) est moins évident puisqu’ils sont distants de 5 km. Si l’étude des agglomérations laténiennes n’informe que rarement des signes de distinction sociale entre les individus, qui trahirait la présence d’une éventuelle élite au sein de l’habitat, on peut espérer que les nécropoles fourniront un jour des indices supplémentaires.
17La sépulture de Saint-Jean-Trolimon est, quant à elle, située à proximité d’un important sanctuaire qui prend son origine à l’âge du Fer.
18En ce qui concerne les autres nécropoles, l’une est associée à un établissement rural (“Le Braden I” à Quimper, 29), deux autres sont localisées seulement à quelques centaines de mètres l’une de l’autre (celles de “Kergroix” et de “Port Bara” à St-Pierre-Quiberon, 56) et sont proches de vestiges d’habitats mal appréhendés. L’installation d’une nécropole, aménagée autour d’un foyer monumental, sur l’îlot submersible des “Haches”, isolé de l’île des Ebihens (à Saint-Jacut de-la-Mer, 22) – occupé par un village–, confère un caractère sacré à ces sépultures pour lesquelles l’emplacement est respecté au milieu du ier s. p.C., au moment de l’édification d’un sanctuaire.
19Le cas un peu particulier de Mozé-sur-Loué (49), interprété comme une “inhumation-offrande”, rappelle combien la frontière entre le monde funéraire et le monde religieux peut être mince à l’époque gauloise. En effet, il s’agit d’un thorax humain exhumé dans un vaste ensemble fossoyé en contexte d’habitat isolé, accompagné de restes de faune (notamment d’un crâne de bovidé) et d’un abondant mobilier céramique fragmenté. Les fouilleurs ont supposé que la découpe d’une dépouille humaine n’était pas anodine et traduisait une manipulation secondaire, évoquant une pratique de dépôt rituel10.
Confrontation du corpus avec le milieu rural environnant
20L’habitat de La Tène moyenne et finale ne peut être limité aux sites fortifiés et aux habitats groupés ouverts, qui ont jusqu’ici retenu l’attention. L’habitat rural qui est à l’origine de l’exploitation agropastorale, à la base de l’économie des sociétés de l’âge du Fer, est représenté par cent-cinq établissements répartis dans le quart nord-ouest de la Gaule, qui comprennent les douze habitats aristocratiques précédemment décrits.
21On ne s’étonnera pas du fait que leur dispersion reflète particulièrement bien la recherche préventive, les grands travaux d’aménagements du territoire et les secteurs qui sont aujourd’hui économiquement dynamiques (fig. 139). Si la nature du sous-sol ne semble pas avoir de conséquence sur l’implantation des sanctuaires, des fortifications de hauteur, ou des habitats groupés, à première vue il apparaît que l’occupation rurale évite certaines zones géologiques (fig. 140). Toutefois, il s’agit sans doute encore d’un biais de la recherche puisque les prospections aériennes ont permis de détecter dans ces secteurs des enclos ou des systèmes fossoyés (parcellaire), attribués par correspondance morphologique à l’âge du Fer et interprétés comme des habitats ruraux et/ou des domaines agricoles.
Fig. 139. Carte de localisation des établissements ruraux de La Tène moyenne et finale (en Bretagne et en Pays de la Loire), enregistrés dans la base de données datAFer2, en fonction de la densité des opérations archéologiques préventives (réal. J. Remy).

Fig. 140. Les établissements ruraux de La Tène moyenne et finale de Bretagne et de Pays de la Loire sur fond géologique (d’après le BRGM, réal. J. Remy).

22Enfin, la dispersion de ces établissements ne coïncide pas systématiquement avec celle observée pour les habitats groupés fortifiés et ouverts. Néanmoins, on remarque, sans surprise, une attraction particulière le long des principaux cours d’eau, des espaces sans doute privilégiés pour la qualité et la fertilité de leurs sols (fig. 141).
Fig. 141. Répartition des habitats groupés ouverts, des sites fortifiés et des habitats ruraux de La Tène moyenne et finale sur fond topographique (réal. J. Remy).

Les ressources minérales dans le quart nord-ouest de la Gaule
23Les ressources naturelles d’une entité géographique ont certainement joué un rôle dans la formation des territoires politiques par la richesse que les peuples ont pu tirer de l’exploitation des matières premières disponibles. En premier lieu, celles de la terre exploitée pour l’agriculture et l’élevage, comme cela vient d’être évoqué. Mais également en minerais puisque les sols du Massif armoricain sont riches en or, en fer et en étain. Le manque d’investigations archéologiques autour de ces thématiques contraint largement leur mise en perspective dans l’économie et le développement des cités à la fin de l’âge du Fer. Toutefois, depuis plusieurs années, des prospections sont réalisées dans le cadre d’un programme d’étude paléométallurgique au sein du CReAAH (UMR 6566) donnant lieu à une première synthèse, qui éclaire sur le potentiel archéologique du Massif armoricain11. Aussi, l’accès au littoral dont bénéficient cinq voire six peuples du quart nord-ouest de la Gaule, a permis le développement croissant d’une activité salicole depuis le premier âge du Fer.
24Il s’agira donc ici de présenter l’état de la recherche de ces différentes richesses et de les mettre en perspective avec l’occupation des territoires de la fin de l’âge du Fer.
Les métaux
25Il existe un paradoxe entre la richesse des sols armoricains en divers minerais et la méconnaissance de leurs exploitations, particulièrement pour les périodes anciennes et l’âge du Fer. Ce constat est renforcé par l’importance avérée de l’activité métallurgique dans ces régions, dès le début de la Protohistoire12. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces lacunes, la principale étant certainement la difficulté inhérente à l’identification de certains types d’exploitations – celles des alluvions sableuses de rivières aurifères et stannifères – et/ou l’absence de découverte de mobilier archéologique associé aux activités d’extractions, comme des outils dédiés à ces pratiques.
L’or
26L’or à l’état natif se rencontre sous deux formes, les gisements primaires ou en roche, formés au cours des âges géologiques et les gisements secondaires ou alluvionnaires, issus de l’altération et du lessivage des gisements en roche qui s’agglomèrent progressivement dans les ruisseaux. Si l’exploitation de ces derniers, plus facilement accessibles, est préférée au début de la Protohistoire, la mise en place de mines pour l’extraction de l’or se généralise dans le courant de l’âge du Fer13.
27Récemment, le travail de Master réalisé par M.-A. Dalmont sur l’exploitation de l’or dans l’Ouest de la France a fourni une cartographie précise de ces gisements aurifères, mais surtout un inventaire – recherche documentaire couplée à un travail de prospection pédestre – de ceux ayant fait l’objet d’une exploitation ancienne en Pays de la Loire et en Ille-et-Vilaine14. Ainsi, trois grands secteurs miniers ont été mis en évidence sur les départements de Loire-Atlantique, de Mayenne et de Maine-et-Loire, c’est-à-dire dans la région des Miaules, à l’extrême nord-est du territoire namnète, dans la région des Mauges sur le supposé territoire ambiliate et sur l’axe aurifère d’Anjou et de Vay qui traverse la frontière entre le territoire namnète et le territoire andécave. Pour la Bretagne, les prospections ont été moins nombreuses et aucun travail de synthèse n’a été réalisé15.
28Seules deux mines ont actuellement fourni des datations qui, pour l’une, remonte à La Tène finale, celle du “Bois Vert” d’Abbaretz (ier s. a.C. au iie siècle), commune de Loire-Atlantique qui ne recense aucun autre indice d’occupation de l’âge du Fer. Cette mine correspond à une exploitation de cassitérite, minerai qui peut être associé à l’or. Néanmoins, il reste très hypothétique que ce gisement ait été exploité spécifiquement pour l’or16.
29M.-A. Dalmont conclut, à l’issue de son étude, que l’activité aurifère ne semble pas avoir “polarisé l’occupation du sol”17. Effectivement, on ne remarque aucun lien direct entre les sanctuaires (certains et potentiels) et les ressources aurifères. Seuls les sites de “Parc-ar-Groas” à Quimper (29) et de “Trogouzel” à Douarnenez (29) sont localisés à proximité de ressources minières primaires ou de travaux miniers anciens supposés (fig. 142).
Fig. 142. Localisation des ressources aurifères et des travaux miniers aurifères anciens, confrontés à la répartition des sanctuaires de La Tène moyenne et finale (réal. J. Remy, d’après Dalmont 2013, 30, fig. 9).

30On peut difficilement établir un lien direct ou systématique entre d’une part la présence de gisements aurifères ou de ceux ayant probablement fait l’objet d’une exploitation ancienne et d’autre part, celle d’habitats groupés ouverts ou fortifiés laténiens (fig. 143 et 144). Seules les occupations du Fief-Sauvin (49) – le site fortifié de “La Ségourie” et le potentiel habitat groupé qui se développe à l’arrière de celui-ci – peuvent avoir bénéficié de l’exploitation de ce précieux minerai. Néanmoins, aucune preuve archéologique ne peut aujourd’hui le confirmer, du fait de l’absence de fouille sur ce site. D’autant que seuls quatre statères représentent le mobilier en or découvert sur la commune.
Fig. 143 : Localisation des ressources aurifères et des travaux miniers aurifères anciens, confrontés aux habitats groupés ouverts de La Tène moyenne et finale. (réal. J. Remy, d’après Dalmont 2013, 30, fig. 9).

Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 : Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
Fig. 144. Localisation des ressources aurifères, confrontées aux sites fortifiés de La Tène moyenne et finale (réal. J. Remy, d’après Dalmont 2013, 30, fig. 9).

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
31La proximité du site de “Saint-Julien” à Châtelais (49) avec le filon aurifère des Miaules doit également être signalé, bien que là encore les lacunes archéologiques ne permettent pas de démontrer qu’il ait bénéficié de l’exploitation de cette ressource.
32Par ailleurs, le traitement de l’or issu des gisements primaires nécessite l’exploitation des filons par une extraction des minerais qui sont ensuite concassés, broyés, grillés et lavés. Or, aucun site n’a livré de traces de cette partie de la chaîne opératoire en Bretagne et en Pays de la Loire. Il est probable que comme pour le fer, l’or arrivait déjà traité dans les habitats groupés, sous forme de matière première brute préparée ou plus certainement, de semi-produits déjà raffinés. En tout cas, les sites qui attestent d’une activité métallurgique aurifère, pour le raffinage et/ou la transformation de l’or en produits finis, sont peu nombreux (fig. 145). On compte seulement cinq habitats ruraux – sur les 105 sites enregistrés dans la base datAFer218 – qui correspondent, pour deux d’entre eux, à des établissements aristocratiques : “Kerven-Teignouse” à Inguiniel (56) et “Saint-Symphorien” à Paule (22). Deux établissements plus modestes, “le Petit Chambière” à Corps-Nuds (35) pour lequel l’activité métallurgique a été reconnue pour des phases plus anciennes (La Tène ancienne au début de La Tène moyenne), “Champagné” à Bais (35), mais aussi “La Ligne Anne” à Rannée (35). Ce dernier est le seul à pouvoir être clairement associé à des activités aurifères. La prospection de M.-A. Dalmont a confirmé la présence d’anciens travaux miniers – pour lesquels la datation ne peut être avancée – dans la forêt de la Guerche, précisément dans l’enceinte de la “Ligne Anne”19. Toutefois, il est possible que l’absence de gisement primaire dans les environs d’autres sites soit le reflet de l’état de la recherche actuelle.
Fig. 145. Inventaire des sites ayant livré une activité métallurgique aurifère à La Tène moyenne et finale (réal. J. Remy).

33On peut également supposer qu’en Bretagne une tradition d’orpaillage s’est perpétuée jusque dans le courant de l’âge du Fer. En tout cas, l’or alluvionnaire constitue encore une richesse dans l’ouest de la France d’après le travail de recensement de l’or alluvionnaire effectué par des géologues du BRGM (fig. 146). C’est l’hypothèse qu’a proposée P.-R. Giot concernant la provenance des globules d’or identifiés dans des restes de creusets sur le site de “Saint-Symphorien” à Paule dans les Côtes-d’Armor20. Ce type de pratique est, d’ailleurs, connu par les auteurs antiques pour d’autres régions comme la Galatie (D.S., Bibliothèque historique, 5.27).
Fig. 146. Répartition des alluvions aurifères dans le Grand-Ouest (Guigue & Devismes 1969).

34Une activité métallurgique de l’or a aussi été identifiée sur la probable agglomération de Jublains (53) et sur l’énigmatique site du “Grand-Aunay” à Yvré-L’Evêque (72), pour lequel un statut cultuel est envisagé mais non assuré (cf. supra chap. II, p. 206). À Trégueux (22) et à Vue (44) des indices orientent vers une métallurgie précieuse, mais il n’a pas été possible de préciser s’il s’agit du travail du bronze, de l’argent ou de l’or.
35L’approvisionnement en or et la pratique d’une métallurgie limitée à quelques sites posent la question de l’usage de ce matériau. Dans l’ouest de la Gaule, les émissions monétaires en or correspondent à un système régional spécifique puisque leur usage reste limité aux territoires pour lesquels les ressources en minerai sont parfois justement importantes21. Seuls les Coriosolites n’ont jamais frappé d’or22. Ces peuples émettent à partir du iiie ou du iie s. a.C. et jusqu’à la Conquête un monnayage étalonné sur le statère, alors que d’autres peuples adoptent l’argent dès le milieu du iie s. a.C.23. Si certains peuples abandonnent l’or pour l’argent puis le billon dans le courant du ier s. a.C. (Vénètes, Riedones, Pictons), d’autres évoluent vers des ors de plus en plus alliés (à l’argent et au cuivre), comme les Osismes, les Namnètes et les Cénomans. Les besoins en or sont donc importants durant La Tène moyenne et finale dans cette zone géographique, tandis que l’on note une raréfaction des mobiliers en or à la fin de La Tène24. Malheureusement et même s’il est largement supposé, le lien entre les monnaies en or des peuples du quart nord-ouest de la Gaule et les ressources présentes sur les sols du Massif armoricain ne peut toujours pas être établi25.
36L’organisation et la gestion de l’extraction du minerai aurifère ne sont pas connues dans le nord-ouest de la Gaule, mais force est de constater que les traces d’activités en lien avec la métallurgie aurifère restent limitées à quelques sites, ce qui sous-entend certainement un contrôle de l’approvisionnement en or, d’autant plus si ces besoins sont associés à la frappe monétaire. On peut supposer que certains transformaient des demi-produits en objets finis (à Paule, à Jublains, à Vue ... ?) et que d’autres servaient d’intermédiaires, restreints au raffinage et à la transformation en semi-produits, mais aucune preuve archéologique concrète n’appuie actuellement ces hypothèses. En tout cas, cet artisanat ne se limite visiblement pas aux agglomérations ouvertes et fortifiées. Il reste à définir qui contrôlait l’exploitation de l’or ? D’après l’activité artisanale mise en évidence à Paule (22) et à Inguiniel (56) (voire à Rannée ?), certains riches propriétaires terriens pourraient avoir joué un rôle dans la gestion de ces ressources.
37Il est tentant d’en conclure que le choix d’implantation des agglomérations laténiennes et de celui des sanctuaires est indépendant des lieux d’exploitations des gisements aurifères. D’ailleurs, selon J.-M. Pailler le contrôle d’une exploitation minière à l’Antiquité ne nécessitait pas forcément la proximité entre une agglomération et le site minier :
“Les cités [de tradition celtibère] qui illustrent dans leurs émissions [de monnaies d’argent] une des phases finales de l’exploitation minière ne se situent pas de manière précise à proximité des mines où ont lieu les travaux d’extraction, ni même aux environs immédiats des sites de transformation métallurgique. [...] Allons plus loin : je pense que l’apparition de certaines de ces cités n’est pas antérieure au contrôle de la métallurgie, mais que leur naissance et le choix de leur lieu d’implantation ont été le fruit du processus d’exploitation et de contrôle du territoire […]”26 ; “[…] ces considérations peuvent évidemment s’appliquer à la Gaule. La conquête y est plus tardive, l’émission autonome ou tolérée de monnaie moins abondante et diversifiée à l’époque qui nous intéresse, la richesse minière même, malgré son importance, moins fondamentale qu’en Espagne. Mais nous pouvons retenir de l’exemple espagnol qu’une ville de la Gaule en voie de romanisation, pour se dire cité de l’arganton”, n’avait nul besoin de se situer au milieu d’un secteur minier ou même métallurgique caractérisé par la présence de ce métal27.
38Toutefois, il faut garder à l’esprit les recherches conduites par B. Caduuet dans le Limousin, d’après lesquelles des districts miniers pouvaient être à l’origine d’une agglomération à la fin de l’âge du Fer, à l’image de Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne28. Rappelons à ce propos que la potentielle agglomération du Fief-Sauvin (49), est peut-être située à moins de deux kilomètres d’un district minier, que les recherches localisent au nord de la commune29. M.-A. Dalmont a d’ailleurs montré que durant l’Antiquité, le développement d’une agglomération secondaire – au même emplacement – et d’un réseau de communication “bien structuré autour des mines d’or de la zone impliquait une gestion organisée et un contrôle de la production d’or”30.
39L’organisation de l’exploitation aurifère est tout à fait inconnue pour l’âge du Fer et aucun centre d’extraction n’a été fouillé31. Par conséquent, on ne peut réellement affirmer que l’exploitation de l’or n’a pas polarisé l’habitat durant le second âge du Fer, ce que pourrait justement contredire le cas du Fief-Sauvin ? Mais, actuellement, les traces archéologiques ne permettent pas d’énoncer de généralités quant au lien (spatial) direct entre les gisements de matières premières, quels qu’ils soient et d’éventuels centres politiques. Toutefois, l’utilisation de ce métal pour la frappe monétaire, à partir des iiie et iie s. a.C., induit un contrôle probable32 de sa production et donc de l’exploitation des mines par les pouvoirs émetteurs.
40Pour l’époque romaine, l’exploitation des mines d’or en Pays de la Loire et en Bretagne est confirmée par la datation de la mine de “la Grée de Beix” à Guémené-Penfao en Loire-Atlantique (ier-iiie siècle) et celle, déjà évoquée, du “Bois Vert” d’Abbaretz dans le même département (ier s. a.C. au iie siècle), mais aucune n’a fait l’objet de fouilles. Toutefois, M.‑A. Dalmont a montré que les axes aurifères des Mauges, d’Anjou et de Vay et celui des Mauges sont traversés par des voies romaines qui convergent toutes vers Angers (49) et la Loire, permettant sans doute l’acheminement et l’exportation de la matière première33. Ces indices, couplés à ceux issus de la toponymie suggèrent une activité aurifère centralisée par Rome34. Si l’existence d’une magistrature en charge du contrôle des activités métallurgiques et monétaires est avérée pour la cité romanisée des Salasses, en Gaule Cisalpine35, la présence d’un “Argento-komaterekos” dans les territoires du nord-ouest de la Gaule n’est pas démontrée36.
Le Fer
41L’approvisionnement en minerai de fer a pu s’effectuer par de simples ramassages de surface ou par la mise en place de carrières à ciel ouvert ou à l’aide de puits miniers de 4 à 5 m de profondeur au maximum, comme le montrent les exploitations fouillées par l’INRAP sur l’autoroute A28 ou plus récemment sur la ligne à Grande Vitesse Bretagne-Pays de la Loire37. L’extraction ne nécessitant pas de moyen particulièrement complexe, il est très difficile de dater ces exploitations minières pour l’âge du Fer et l’Antiquité. En revanche, les méthodes de réduction du minerai en fer ont connu une évolution perceptible à travers la technologie des fours, qui sont aujourd’hui utilisés, tout comme les déchets de production (scories), pour établir une chronologie. Ainsi, les fouilles préventives pratiquées dans les environs du Mans (72) ont permis d’appréhender plusieurs sites de réduction du minerai de fer datés du premier et du second âge du Fer38.
42Les recherches actuelles révèlent que ces ateliers, qui s’organisent et contribuent à une intensification de la production à la fin de La Tène finale, ne sont pas directement associés à des habitations39. L’habitat devait donc être suffisamment proche de ces ateliers pour faciliter les allées et venues des artisans. D’après M. Berranger, il semble y avoir un éclatement de la chaîne opératoire du travail du fer en Bretagne : réduction, épuration, forgeage et transformation en produit fini ne se font pas sur le même site. Par exemple, à “Kergolvez” (Quimper, 29), les populations ont importé des semi-produits déjà épurés ou en partie épurés40. Il est d’ailleurs possible que le métal importé soit issu des environs proches de l’agglomération, puisqu’un atelier de réduction de minerai, daté de La Tène finale, a été découvert sur la même commune à “Kermoysan”41.
43Le Massif armoricain est reconnu pour être l’une des zones géologiques les plus riches en minerai de fer avec la Lorraine et, en dehors des travaux autoroutiers déjà évoqués autour du Mans, les prospections réalisées en Bretagne et les fouilles conduites en haute Bretagne42 ont contribué à définir des secteurs de productions datés de l’âge du Fer, pour lesquels on peut parfois préciser la datation43 : un secteur au sud de Morlaix (29) ; à l’est de Quimper autour des communes de Tourc’h, Elliant et Scaer (29) ; mais aussi plus au nord à Dinéault ou à Gouezec (29) ; sur les communes de Locminé et Moréac (56) ; dans la forêt de Paimpont (35) ; autour des communes de Quessoy et Dingé, entre le nord de l’Ille-et-Vilaine et l’est des Côtes-d’Armor44 ; dans l’est de l’Ille-et-Vilaine ; ou sur l’axe Martigné (35)/Segré (49) ; et enfin autour du Mans et de Sillé en Sarthe (fig. 147). L’apport essentiel des prospections menées en Bretagne est d’avoir mis en évidence une répartition de l’activité métallurgique s’étendant largement au-delà des zones minières. L’étude plus approfondie du massif de Paimpont a révélé une forte densité de sites, souvent proches les uns des autres, qui se succèdent entre l’âge du Fer et l’époque romaine, indiquant des secteurs d’activités fonctionnant sur un temps long45.
Fig. 147. Les sites fortifiés et les agglomérations ouvertes du quart N-O de la Gaule aux iie et ier s. a.C. confrontés aux secteurs ayant livré d’anciennes exploitations d’or, de fer, d’étain et de plomb. Le territoire des Cénomans et l’est du territoire andécave ne sont pas renseignés (réal. J. Remy, d’après Le Carlier de Veslud & Jouanet-Aldous 2015, 121, fig. 1).

44La thèse de F. Sarreste sur la sidérurgie antique dans le Bas Maine renseigne de manière plus précise sur les zones de production anciennes de cette région, définies par des concentrations de sites de réduction. Les cartes qu’il propose s’étendent au nord-est de la cité namnète et jusqu’aux environs du Mans, englobant donc les sites découverts lors des opérations préventives conduites en amont de la construction de l’autoroute A2846. Dans le cadre de cette étude, le travail de compilation des données anciennes disponibles, puis de vérification sur le terrain (prospections pédestres et aériennes), ont abouti à la datation d’un échantillon de sites et à l’établissement de séquences chronologiques, correspondant au fonctionnement de ces zones de production. De fait, au moins trois zones ont livré des vestiges de l’âge du Fer : le secteur Lavardin/La Bazoge, celui de Meslay/Sablé et celui de Sillé, qu’il sera utile de confronter au réseau viaire antique et protohistorique, ainsi qu’au tissu d’agglomérations laténiennes (cf. infra chap. III, p. 256).
45En fin de compte, les travaux sur l’exploitation du fer dans le quart nord-ouest de la Gaule sont loin d’être inexistants. Cependant, comme pour l’exploitation de l’or, il est difficile, en l’état actuel des connaissances, de mettre en perspective les données disponibles – en l’occurrence les sites de réduction du minerai de fer – dans un système économique à l’échelle régionale ou micro-régionale, pour la fin du second âge du Fer, une période relativement mal représentée. Ainsi, F. Sarreste, constatait en 2011 que quasiment aucun habitat de l’âge du Fer ou de l’époque romaine – recensés dans la base PATRIARCHE du SRA des Pays de la Loire) – ne se trouvait dans les zones de concentrations sidérurgiques mises en évidence47. Il en tirait la conclusion que les données archéologiques étaient trop lacunaires pour pouvoir affirmer que les sites de réduction directe du fer du Bas Maine se trouvaient, ou non, “au sein de zones dédiées uniquement à cette activité, à une période ou une autre”48. Toutefois, à l’issue de la synthèse sur les travaux préventifs menés sur le tracé de l’A28, les chercheurs concluaient à une intensification de la production du fer à La Tène moyenne et finale, très organisée et standardisée, induisant “une réelle gestion et probablement un contrôle de ce travail” dans les environs du Mans49.
L’étain
46Au contraire du fer et de l’or, les données tangibles quant à l’exploitation de l’étain sont extrêmement limitées pour les régions étudiées, bien que l’étude des sources antiques (Hérodote, Polybe), qui mentionnent l’existence des îles Cassitérides (les gisements d’étain), suggère une production de l’étain en “Armorique” vers le vie ou le ve s. a.C.50. Plus tard, au ier s. a.C. Diodore de Sicile – qui s’inspire probablement d’une source plus ancienne, comme les écrits du navigateur phocéen Pythéas qui avait exploré les côtes de l’Atlantique51 – évoque le commerce de l’étain acheminé depuis l’île de Bretagne52 et l’Ibérie jusqu’à Marseille et Narbonne (D.S., Bibliothèque historique, 5.38). On a d’ailleurs des témoignages d’échanges de matières premières entre l’île de Bretagne et les côtes du nord-ouest de la Gaule pour le premier âge du Fer et la période romaine53, mais aucun pour La Tène moyenne et finale.
47Si son utilisation est assurée pour la fabrication d’alliage cuivreux et que son approvisionnement local est rendu possible par le recensement des alluvions stannifères, réalisé par des géologues du BRGM, les indices de l’exploitation des ressources sont extrêmement limités54 (fig. 148). À l’évidence, l’exploitation des alluvions laisse peu de traces, mais actuellement, aucun indice d’extraction souterraine de la cassitérite n’est reconnu. De plus, les informations concernant les ateliers de traitement et de transformation du minerai en métal sont très limitées. Des scories d’étain trouvées en prospection près du site alluvionnaire de Limerzel (56), mais aussi près du filon minier d’Abbaretz-Nozay constituent les rares indices qui permettent de supposer un traitement (transformation du minerai en lingot) à proximité des lieux d’approvisionnement55. L’activité mise en évidence pour le premier site a pu être datée entre 92 a.C. et 20 p.C. – d’après l’analyse des charbons, recueillis dans la couche qui contenait les scories – tandis que l’autre est actuellement attribué à l’époque romaine56.
Fig. 148. Carte des alluvions stannifères, confrontées aux sites fortifiés et aux agglomérations ouvertes des iie et ier s. a.C. (réal. J. Remy, d’après Guigues & Devismes 1969).

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h ; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun ; 5 : Huelgoat ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 : Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
48Bien que l’on observe que certaines agglomérations laténiennes (supposées ou certaines) sont localisées à proximité immédiate ou au cœur d’une zone riche en alluvions stannifères, telles que Quimper (n° 2 sur la carte), Plaudren (n° 10), Peaule (n° 24) ou Plounéventer (n° 14), la connaissance de l’exploitation de ces ressources souffre de telles lacunes qu’il est impossible d’associer leur présence à celle des habitats groupés laténiens.
Conclusion partielle sur les minerais
49Finalement, si les populations de la fin de l’âge du Fer ont tiré profit des richesses en minerai du Massif armoricain, les connaissances dans ce domaine sont encore trop limitées pour pouvoir définir ceux qui en ont le plus bénéficié et s’il y a eu le contrôle d’une autorité politique ou économique sur l’approvisionnement et l’utilisation des différents minéraux57. Certains chercheurs pensent que des magistratures gauloises géraient et contrôlaient les émissions monétaires, à la fin de l’âge du Fer et que les responsables de ces magistratures étaient peut-être initialement en charge du contrôle du commerce de l’or et de l’étain58. La “déconnexion géographique” des activités de production, qui impliquent la transformation du minerai en métal puis celle du métal à l’objet, permet rarement d’établir un lien direct entre l’implantation des sites fortifiés et des agglomérations de La Tène moyenne et finale et la présence de gisements. D’autant qu’une partie des informations, celles liées à l’exploitation des alluvions, échappe définitivement à l’archéologie.
50Cependant, le cumul des données disponibles suggère que certaines agglomérations (certaines, probables, ou potentiels ; ouvertes ou encloses) aient pu tirer bénéfice de leur proximité avec certains gisements secondaires de minerais, par exemple Le Fief-Sauvin (49) pour l’or, ou avec des gisements primaires, comme Plounéventer (29) et Peaule (56) pour l’étain, Huelgoat (29) pour le plomb, etc. (fig. 147). Rien n’exclut en effet que chaque centre ait développé des compétences propres, plus ou moins complémentaires. Mais, encore une fois, il ne s’agit que d’hypothèses que seul l’avancement de la recherche permettrait d’éclairer (cf. supra chap. III, p. 256).
Le sel
51La question du sel marin et de son exploitation doivent maintenant être évoqués. Elle ne pourrait d’ailleurs être passée sous silence, au regard de l’espace géographique traité et de l’étendue du littoral atlantique, soit 5086 km de côtes, que se partagent les territoires des Riedones, des Coriosolites, des Osismes et des Namnètes.
52Les travaux réalisés depuis les années 1970, mais surtout dans les années 1980 et 1990, ont contribués à cerner l’évolution des techniques d’exploitation du sel de mer à travers la découverte des ateliers de briquetages ou de bouilleurs de sel59. Ces installations sont conçues pour une production ignigène, c’est à dire des sels obtenus par évaporation grâce à la chaleur d’une structure de combustion (fours ou fourneaux). Le terme de “briquetage” est emprunté aux moules en terre cuite (augets, godets, barquettes...) – dans lesquels le sel était concentré et cristallisait – et aux supports qui les maintenaient. Cette technique se développe très largement au second âge du Fer et particulièrement durant les deux derniers siècles a.C. sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique60. Ainsi et sans entrer dans le détail, en 2003, des zones de fortes concentrations de production de sel ont été identifiées dans le Trégor (22) avec 20 gisements recensés – entre “le Yaudet” sur la commune de Ploulec’h et le fleuve côtier du Trieux –, dans le golfe du Morbihan avec 40 gisements, autour de Guérande avec 10 gisements et dans le Pays de Retz en Loire-Atlantique avec 45 gisements61. Cet état de la recherche, récemment révisé par M.‑Y. Daire62, ne correspond en fait qu’à une estimation basse, de l’ordre de 10 %, de l’ensemble des ateliers de l’âge du Fer ayant existé sur le littoral français63.
53Tous ces sites n’ont pas été fouillés et ne sont donc pas précisément datés. Pour prendre l’exemple du Pays de Retz, c’est à dire de la baie de Bourgneuf (44), la présence de cet artisanat est parfois simplement supposée par la découverte de mobiliers (tels que des augets) ramassés lors de prospections pédestres (Préfailles). Certains sont assurément datés de La Tène (à Saint-Michel-Chef-Chef) voir de La Tène finale (aux Moutiers-en-Retz), pour d’autres la datation est moins précise, correspondant plus généralement à l’âge du Fer (Saint-Brévin-les-Pins, La Plaine-Sur-Mer, Pornic, Préfailles).
54Depuis que des fouilles plus exhaustives, que celles des années 1970, ont été effectuées sur des ateliers de briquetage, nous sommes en mesure d’affirmer qu’une majorité de ceux installés sur les côtes bretonnes correspond à des architectures conçues pour fonctionner durablement : “Les installations de briquetages sont généralement intégrées à des établissements ruraux ou littoraux sinon pérennes du moins relativement stables”64. Cependant, ce caractère de stabilité ne contredit pas l’hypothèse d’une activité saisonnière, bien qu’il ne soit pas possible de déterminer la durée d’une saison de travail pour un bouilleur de sel, celle-ci étant tributaire des conditions climatiques locales et donc de l’emplacement géographique de l’installation.
55Ces ateliers sont donc associés à un paysage plutôt rural, mais ces pratiques peuvent aussi se développer au sein de petits habitats groupés, comme sur l’île d’Yoc’h à Landunvez (29), ou aux Ébihens à Saint-Jacut-de-la-Mer (22).
56La densité d’ateliers contemporains sur certains secteurs et l’évaluation de la production par fournée ont permis de conclure que cette dernière dépasse largement les besoins de consommation locale à la fin de l’âge du Fer (iie et ier s. a.C.). Si l’on observe de petites unités, de dimension familiale, il s’agit bien d’une production artisanale spécialisée, qui a pour vocation une diffusion “à plus ou moins longue distance”65. La découverte de fragments d’augets dans certains habitats – sur le site des “Pichelots” aux Alleuds (territoire andécave), sur l’établissement de “Saint-Symphorien” à Paule (territoire osisme), ou sur celui du Bois Hue à Nantes (44) par exemple – témoigne d’une importation du sel à l’intérieur des terres.
57On constate donc une augmentation de la demande en sel à l’âge du Fer66, utilisé pour l’alimentation, mais aussi pour les productions agroalimentaires en tant qu’agent conservateur. Le développement de l’artisanat du sel à La Tène finale coïncide avec celui de la production pastorale, à un moment qui voit justement l’émergence des agglomérations. Le contrôle de l’exploitation du sel n’est pas bien cerné, cependant la progression des connaissances sur les habitats groupés suggère clairement que certains d’entre eux ont pu tirer bénéfice de cette production. En effet, la question de la présence d’une activité de salaison a été posée pour l’agglomération de “Kergolvez” à Quimper (29), celle de “Goulvars” à Quiberon (56)67, ou pour l’habitat groupé probable des “Noirâs” à Oisseau-le-Petit (72), qui ont tous livré de nombreux restes d’augets. Un artisanat salicole a également été mis en évidence sur l’agglomération de Trégueux (22), grâce à la découverte de moules à sel et de plusieurs piédestaux en argile cuite – qui servent à maintenir les augets lors de la chauffe de la saumure. Ajoutons que la cité d’Alet à Saint-Malo (35) et l’éperon barré du Pouliguen (44) ont livré des fragments d’augets, reste toutefois à déterminer s’ils correspondent à des déchets liés à la consommation domestique, à la confection de salaison ou à la production de sel.
58La région de Guérande (44) constitue une fenêtre d’étude particulièrement intéressante pour les nombreux ateliers de briquetage qui s’y installent, dès le premier âge du Fer, dans un environnement agricole où se développent également des établissements ruraux, parmi lesquels l’habitat aristocratique de la “Métairie de la Lande” semble d’ailleurs avoir particulièrement prospéré. À ce propos, on manque encore d’arguments pour assurer la création (au début du iie s. a.C.) d’une agglomération laténienne dans le secteur du “Moulin de Beaulieu”, au sein de cet environnement favorable.
59En tout cas, le développement de l’élevage couplé à des modifications dans la gestion des animaux entraînant un surplus de production carnée, que les techniques de salaison permettent de conserver, n’est probablement pas étranger à l’émergence des agglomérations, qui ont pu faciliter le transit et la commercialisation de ces salaisons. Malheureusement et comme l’a rappelé C. Driard à propos de la production des salaisons de poisson, il n’est pas certain que l’on soit un jour en mesure de démontrer la pratique de cet artisanat sur un site archéologique, qui ne laisse aucune trace archéozoologique spécifique68.
60En outre, M.-Y. Daire a proposé que les circuits d’échanges intégrant la partie occidentale de l’Europe celtique, aux iie et ier s. a.C. (avec le commerce du vin notamment) aient entraîné le développement des productions littorales de la Gaule et de la Bretagne insulaire69. D’ailleurs et d’après les textes antiques70, la production pastorale des Gaulois, provenant des salaisons, était très appréciée à Rome, d’où l’intérêt d’avoir une ouverture sur le littoral pour les territoires de l’ouest où l’on voit émerger des agglomérations proches du littoral.
61Enfin, il ne faut pas négliger la possibilité que ces ateliers de production de sel ignigène aient pu être suppléés par des salines solaires, d’autant que C. Briard a prouvé, par l’expérimentation, que “le sel ignigène n’est pas compatible avec la production de salaison et de garum de qualité”71. En effet, ce dernier a émis l’hypothèse de la présence de marais salants dès la Protohistoire sur des zones qui seront préférentiellement choisies, à l’époque romaine, pour l’installation d’ateliers de salaisons (fig. 149).
Fig. 149. Les sites fortifiés et les agglomérations ouvertes des iie et ier s. a.C., confrontés aux zones de production de sel ignigène de l’âge du Fer et ainsi qu’aux zones où ont été découverts des cuves “de salaisons” romaines certaines ou probables (d’après Daire 2003, 31 ; Daire et al. 2015, 158, fig. 8, réactualisé pour la Loire-Atlantique par J. Remy ; Driard 2011, 395, fig. 65).

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun ; 5 : Huelgoa t ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 : Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
Le réseau routier, fluvial et fluvio-maritime
62L’importance du réseau de communication dans l’organisation des territoires et la structuration des paysages n’est plus à démontrer. En 2011, P. Barral soulignait le rôle attractif dans la dynamique de peuplement des réseaux viaires et “le rôle des mutations du réseau viaire dans les transformations de la trame d’agglomérations précoces”72. En effet, la mobilité des tracés peut s’expliquer par l’émergence et l’abandon au cours du temps des centres (d’habitat). L’évolution de centres locaux, par exemple le déplacement d’un habitat de hauteur pour un habitat de plaine, contraint le réseau routier. À plus grande échelle, “la concurrence entre les centres régionaux ou supra régionaux” provoque également les déplacements d’axes de communication73. Les spécialistes, qui travaillent sur les questions ayant trait au paysage, définissent ce phénomène par les termes de “captage” ou de “captures”. Dans ce sens, les pôles d’habitats constituent un indice chronologique pour la datation de sections de voies. À l’inverse, le réseau routier peut être à l’origine d’une implantation anthropique pérenne, dans le cas d’un carrefour de plusieurs voies ou d’une situation topographique avantageuse le long de l’itinéraire. C’est pourquoi, l’étude des agglomérations est indissociable de celui des réseaux de communication. Ce lien a été maintes fois démontré pour la période romaine à l’échelle de la Gaule74. Il est souvent plus difficile à démontrer pour l’âge du Fer faute de données sur le réseau routier ou même sur les habitats groupés. Par ailleurs, lorsque le réseau hydrographique le permettait, les grands axes de communication naturels, c’est-à-dire les voies fluviales, semblent également avoir joué un rôle prépondérant dans le développement des habitats groupés laténiens et l’essor de leur économie75. Leur importance a déjà été soulignée pour le quart nord-ouest de la Gaule, qui bénéficie d’une large frange littorale très découpée – qui s’ouvre sur de nombreuses baies, rias et abers propices à l’accueil des bateaux – et offre de nombreuses zones de pénétrations à l’intérieur des terres via des fleuves côtiers. Ce réseau est complété par des fleuves et des rivières qui débouchent dans l’océan Atlantique, les principaux étant la Vilaine et la Loire. Il s’agira d’évaluer ici le poids des relations entre ces voies de communication terrestres et fluviales et l’occupation laténienne. Ces contextes topographiques et littoraux sont, en effet, favorables à l’établissement d’agglomérations portuaires et donc au trafic des ressources minérales, évoquées plus haut.
Les voies de communication terrestres protohistoriques et romaines
63La région des Pays de la Loire ne bénéficie d’aucun travail de reconstitution du réseau routier protohistorique et pour cause, les données sont actuellement trop limitées. La recherche se réduit à quelques observations ponctuelles76, notamment à l’occasion d’opérations préventives ou de prospections aériennes menées par G. Leroux et qui n’offrent cependant pas de datation précise des itinéraires repérés (cl. 2006, documentation du SRA des Pays de la Loire). C’est pourquoi il est, à nouveau, nécessaire de s’orienter vers une confrontation des données antiques et protohistoriques.
64Le réseau antique tel qu’il est présenté ici reprend des données disponibles dans la base patriarche (principalement pour la Bretagne), des recensements bibliographiques et un travail de révision pour les Pays de la Loire et la Bretagne, qui repose essentiellement sur les travaux des érudits du xixe ou du xxe siècle, tels que ceux de L.-J.-M. Bizeul77. L’ensemble de ces données a été harmonisé et mis en perspective à l’occasion de récentes réflexions menées sur le territoire antique de l’ouest de la Gaule78. Des prospections réalisées actuellement en Bretagne par A. Provost visent la reconnaissance de ces itinéraires et une attribution chronologique large (Protohistoire, Antiquité). Elles alimentent la plate-forme en ligne GéoBretagne, coordonnée par l’État et la région Bretagne et alimentée par le SRA et l’Atlas des Patrimoines du Ministère de la Culture. Ainsi, un réseau se dessine progressivement pour l’âge du Fer, bien que les attributions chronologiques soient rarement confirmées par du mobilier archéologique ou par la stratigraphie (fig. 150).
Fig. 150. Les agglomérations fortifiées et ouvertes aux iie et ier s. a.C. confrontées au réseau routier terrestre antique et préromain (réal. J. Remy, d’après GéoBretagne et Monteil 2012, 46, fig. 26).

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h ; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun ; 5 : Huelgoat ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 : Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
65De manière générale, pour la Bretagne, on observe que la direction des tracés protohistoriques reconnus est majoritairement reprise à l’époque romaine. D’après la carte proposée qui illustre les dernières mises à jour, 16 tracés sur 22, soit près de 3/4, sont repris (ou tangentés), au moins partiellement à l’époque romaine. Ce qui suggère une bonne corrélation entre le réseau viaire antique et protohistorique et oriente à nouveau l’analyse vers une confrontation des données antiques et protohistoriques. Rappelons qu’il s’agit de rester prudent face à ces données qui restent souvent relativement approximatives79. Cette démarche régressive n’apparaît pas aberrante et l’idée d’une pérennité des réseaux de communication n’est pas nouvelle. Ainsi, G. Chouquer pense qu’“un fait paysager majeur est sans doute la création d’un réseau de grandes voies commerçantes, dès l’Âge du Fer, au point qu’il est envisageable que bon nombre de nos voies dites “romaines” soient, en fait, des voies gauloises”80.
66De rares études menées en Pays de la Loire vont également dans ce sens. La voie de crête qui longe l’habitat enclos des “Natteries” à Cholet (49), est l’un des rares exemples datés – elle est créée entre 150 et 120 a.C. –, créé simultanément à la phase de monumentalisation du site81. Ce chemin est matérialisé par une bande de circulation, constituée de deux niveaux de recharge, d’une largeur relativement modeste, pouvant atteindre 2,60 m au maximum. Celui-ci est justement dans l’axe d’une ancienne voie attribuée à l’époque antique par C. Port82, qui passe à proximité (à environ 500 m de distance) d’une enceinte quadrangulaire à La Romagne (49), dont l’origine est placée à La Tène finale d’après l’étude du mobilier ramassé en surface (dossier communal, SRA des Pays de la Loire). Au début du xxe siècle, cet enclos était d’ailleurs déjà associé au passage d’une voie romaine83. D’après ces observations, on peut avancer l’idée selon laquelle le chemin privé des “Natteries” rejoignait cette voie, d’une envergure sans doute plus importante.
67Un chemin d’origine probablement protohistorique a également été identifié par J.‑C. Meuret le long du filon aurifère des Miaules. Suivant la direction E/O, il emprunte une ligne de crête qui relie les anciens travaux miniers précédemment évoqués84. Quelques kilomètres plus au sud, un second chemin, presque parfaitement parallèle au précédent – pour lequel on peut supposer également une origine protohistorique – a été identifié par le même archéologue. Notons qu’il est seulement distant d’environ 1,5 km de l’éperon barré de “Saint-Julien” qui surplombe de l’Oudon (Châtelais ; 49).
68Chez les Diablintes, le premier état de la voie romaine Le Mans/Rennes, qui traverse le vaste site fortifié d’Entrammes, a été daté à l’occasion d’une fouille préventive au lieu-dit “La Carie” de la transition entre les iie et ier s. a.C. voire de la seconde moitié du iie s. a.C. (La Tène C2b). Celui-ci est caractérisé par seulement deux fossés parallèles, espacés de 12 à 13 m, qui présentent des profils généralement trapézoïdaux, une largeur à l’ouverture de 1 à 1,60 m et une profondeur variant de 0,50 à 0,80 m85. Les dimensions de cet axe viaire – bien que mal conservés pour l’âge du Fer –, confrontées à celles du chemin des “Natteries”, suggèrent l’existence d’une hiérarchie entre les différents axes routiers de l’âge du Fer, qui pourrait conforter le statut des sites qu’ils desservent. Malheureusement, l’indigence des données archéologiques, actuellement disponibles, ne permet pas de vérifier cette hypothèse.
69Ces premiers indices confirment qu’une partie du réseau routier terrestre antique réutilise d’anciens axes de communication protohistoriques, bien que la part de l’héritage reste encore difficile à évaluer et qu’il faille envisager qu’une partie des voies romaines ait été créée ex nihilo. En effet, il faut être conscient des limites de cet exercice quand, ailleurs en Gaule, des études attestent d’une évolution parfois complexe des réseaux entre la fin de l’âge du Fer et le Haut-Empire86. La carte de l’Ouest de la Gaule illustre d’ailleurs ces évolutions puisqu’on observe un nœud de voies au niveau de l’agglomération de Vannes, créée ex nihilo, qui deviendra le chef-lieu des Vénètes87.
70Enfin, de rares opérations archéologiques informent sur des tronçons préromains, qui témoignent de l’existence d’une trame de dimension certainement locale, encore très mal appréhendée. Quelques exemples peuvent être évoqués :
Au lieu-dit de “L’Ouche Baraud” à Bouguenais (44), un diagnostic permet de reconnaître en 2003, les antécédents laténiens d’une voie romaine qui desservait certainement plusieurs établissements ruraux mis en évidence sur la “ZAC de la Croix Rouge” et à “La Jaguère”88.
71De plus, à l’extrême nord-est du territoire namnète, G. Leroux a identifié, sur la commune de Méral (53), plusieurs tronçons d’une voie, “matérialisée par des fossés bordiers et une cavée”, qui traverse le filon aurifère anciennement exploité des Miaules et conduit au temple romain des Provenchères à Athée (53 ; G. Leroux, dossier communal, SRA des Pays de la Loire). S’il ne s’agit que d’un repérage aérien, le lien qu’elle entretient avec un groupement d’enclos autorise à l’envisager comme un axe de l’âge du Fer, qui semble également se diriger vers le site fortifié de Châtelais (49). La présomption d’un antécédent gaulois sous le temple romain, suggérée par le chercheur, n’est aujourd’hui attestée par aucune preuve archéologique. Toutefois, ses prospections indiquent une occupation dense à l’âge du Fer dans les environs.
Voies de communication et agglomérations
Les axes terrestres
72À l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule, le nombre d’agglomérations ouvertes n’est pas suffisant pour pouvoir distinguer un réseau spécifique à ce type de site, même si l’on intègre les contextes les moins bien documentés, c’est-à-dire les agglomérations probables et potentielles. Le paysage restitué est certainement très partiel, toutefois, on remarque que pour la Bretagne les centres sont, pour la plupart, reliés au moins à l’un d’eux par d’anciens axes – certaines portions sont attribuées à l’âge du Fer –, tels que Quimper (osisme) et Trégueux (coriosolite), Quimper et Plounéventer (osisme), Plounéventer et Plaudren (vénète). En Pays de la Loire, certains habitats groupés sont reliés via des itinéraires actuellement attribués à l’époque romaine : Jublains (diablinte) et Oisseau-le-Petit (cénoman), Le Fief-Sauvin (ambiliate ?) et Beaufort-en-Vallée (andécave), Beaufort-enVallée et Blain (namnète). La communication entre ces centres peut donc être inter et intra-cité. Comme le font remarquer P. Barral, J.-P. Guillaumet et P. Nouvel, il est fort probable que dans le processus de développement des habitats groupés, “le facteur économique [soit] primordial et transcende les clivages politiques”89.
73L’absence de connexion (attestée) entre deux sites d’un même territoire, soit entre Les Alleuds et Beaufort-en-Vallée chez les Andécaves, ou Jublains et Entrammes chez les Diablintes, doit être soulignée, bien qu’il s’agisse très certainement d’une lacune documentaire. En effet, J. Naveau restitue, d’après les travaux de l’érudit H. Barbe, un itinéraire ancien entre Jublains et Entrammes, passant à Montsûrs, qui n’a pas été clairement attribué à la période antique ou gauloise90.
74Si l’on complète le paysage avec les agglomérations fortifiées des rangs 1 à 3, on remarque que l’ensemble de ces centres – pour lesquels le rôle économique a pu être successivement souligné (cf. supra chap. II, p. 105 et 148) – est globalement bien desservi par le réseau viaire terrestre tel qu’il est restitué (fig. 150). En effet, toutes les agglomérations ouvertes et les sites fortifiés sont traversés ou tangentés par une voie protohistorique ou antique. Pour les sites tangentés, la distance est de 1 km au plus, sauf pour la fortification de Huelgoat (29) qui est éloignée d’environ 2 km d’un carrefour de voies.
75Quelques sites restent toutefois en marge de ces axes terrestres, notamment des sites littoraux comme l’habitat groupé de la presqu’île de Quiberon (56), celui de Landunvez (29), ou la fortification de Sauzon (56). En admettant que l’accès à certains sites, par l’intérieur des terres, ait été réellement plus difficile, il n’est pas exclu que d’anciens itinéraires n’aient pas encore été reconnus.
76Plus étonnante est l’absence de voie en direction de Peaule (56), ou en direction de l’habitat groupé des Alleuds (49) au sud de la Loire, distant d’environ 10 km du cours du fleuve. En revanche, le premier est desservi par un axe fluvial (la Vilaine). Il est vraisemblable que ces absences ne reflètent qu’un état lacunaire de la recherche, le rôle commercial d’au moins deux de ces sites ayant été démontré. D’ailleurs, les études conduites à l’occasion de la fouille préventive de Moulay en Mayenne ont permis d’identifier au nord et au sud de “l’oppidum du Mesnil” d’anciens chemins d’accès (non figurés sur la carte), remontant à l’époque gauloise91.
77Une explication similaire peut être proposée pour Saint-Malo (35) puisque l’itinéraire qui se dirige vers la cité d’Alet débouche sur la rive ouest de la Rance, de l’autre côté du fleuve où a été installé l’habitat groupé.
Les axes fluviaux et fluvio-maritimes
78Les voies fluviales et maritimes semblent également favorables à l’établissement des habitats groupés ouverts et fortifiés laténiens de l’Ouest (fig. 151). Cependant, ce choix d’implantation le long des principaux cours d’eau de la zone d’étude n’est pas systématique, puisque Jublains (53), Oisseau-le-Petit (72) et Les Alleuds (49) ne sont pas en relation directe avec un axe de communication naturel.
Fig. 151. Les agglomérations fortifiées et ouvertes aux iie et ier s. a.C. au sein du réseau hydrographique – ne sont retenues que les deux premières catégories de cours d’eau (réal. J. Remy).

79L’ensemble des habitats groupés fortifiés et ouverts laténiens compose donc un réseau économique complémentaire, bien desservi par un ensemble de voies terrestres et fluviales, un constat partagé par des chercheurs pour d’autres régions en Gaule92. Seul le site des Alleuds (49) n’est relié par aucun itinéraire, néanmoins des amphores italiques retrouvées en fouille témoignent de liens commerciaux évidents, trahissant une lacune documentaire. À ce propos, les érudits du xixe siècle, ayant travaillé sur les voies anciennes, signalent un itinéraire entre les Ponts-de-Cé et Doué-la-Fontaine, qui traverse Notre-Dame-d’Allençon et passe par le site des “Pichelots”93. Mais, son attribution à la période antique ou gauloise n’est actuellement pas définie. Toutefois, de nombreux indices d’occupation de l’âge du Fer ont été reconnus le long de cet axe, entre Notre-Dame-D’Allençon et Doué-la-Fontaine.
Voies de communication (terrestres, fluviales et fluvio-maritimes) et sites fortifiés
80Pour rappel, la fonction des petits sites fortifiés de rang 4 est plus problématique puisqu’ils sont souvent mal documentés, la plupart d’entre eux n’ayant livré qu’une faible quantité de mobilier. Néanmoins, leur aspect défensif couplé à l’analyse de leur situation géographique offre des éléments de réponses pertinents. En effet, la position stratégique de ces sites a déjà été soulignée (cf. supra chap. II, p. 188). Lorsqu’ils ne sont pas directement implantés sur le littoral, ils sont en lien avec les voies terrestres antiques ou protohistoriques, ou bien desservis par un cours d’eau qu’on peut supposer navigable (fig. 152).
Fig. 152. Les petits sites fortifiés de rang 4 au sein du réseau viaire antique et préromain (réal. J. Remy, d’après GéoBretagne et Monteil 2012, 46, fig. 26).

81À la limite entre les territoires osismes et vénète, une boucle de l’Ellé est barrée à hauteur d’Arzano (29), formant ainsi un promontoire peu élevé qui domine le fleuve côtier de 20 m de haut. Le “camp de Kercaradec” au sud-ouest de l’agglomération de “Kergolvez” (Quimper, 29), occupe une position stratégique, établi sur le point le plus haut et le plus facile à défendre, en rive droite de l’Odet. Celle-ci lui confère une bonne visibilité sur les campagnes alentours et sur le carrefour de voies, dont l’une se dirige au nord-ouest vers le sanctuaire de Douarnenez (29), tandis que l’autre rejoint celui de Saint-Jean-Trolimon (29). Il domine également le promontoire occupé par le site (cultuel ?) du “Parc-ar-Groas” (Quimper), qui lui fait face.
82La fortification de “Castel-Penledan” à Ploudaniel (29), à quelques kilomètres de la façade maritime, est encadrée par deux voies (dont l’une, au moins, est datée de l’âge du Fer) qui gagnent l’Océan et tangentent l’Aber Wrac’h. L’utilisation d’un promontoire, formé par le cours du fleuve qu’il surplombe, suggère plus encore un contrôle de cet axe fluvial qui débouche sur une ria où pénètrent les eaux marines de l’Atlantique. Le contrôle des axes fluvio-maritimes par de petites fortifications est donc très net pour les cités osisme et vénète.
83À l’est de la zone d’étude, les sites fortifiés sont positionnés le long de frontières ou à proximité d’axes de communication. Ainsi, l’éperon de Sainte-Suzanne (53), situé à la limite entre les Diablintes et les Cénomans, surplombe de 45 m de haut le cours de l’Erve, sous-affluent de la Loire. Si son implantation géographique lui confère un rôle évident de contrôle à la frontière, le mobilier recueilli sur le site – notamment représenté par une monnaie en argent – n’informe que très peu d’une éventuelle fonction commerciale.
84Au nord de la cité cénomane, le promontoire fortifié de Gesnes-le-Gandelin (72) s’élève au-dessus d’un réseau viaire – qu’il domine de plus de 30 m de haut –, qui dessert la probable agglomération laténienne dans le contrebas, établie sur la commune d’Oisseau-le-Petit.
85Au sud de la Loire, l’éperon barré du Fief-Sauvin (49) offre quant à lui une position stratégique au contact d’un habitat groupé probable et d’un réseau de communication terrestre et fluvial, puisqu’il domine la rivière de l’Evre, affluent direct de la Loire.
86Visibilité des voies de communication depuis un site fortifié : le recours au SIG
87Il va de soi que leur position de hauteur confère à ces petits sites fortifiés une bonne visibilité de leurs environs. Afin de vérifier cette information, un calcul a été effectué à l’aide d’un Système d’Information Géographique, tenant compte du relief (fig. 153 et 154). La fonction “Viewshed analysis” du logiciel QGis permet de calculer selon un angle de 360° la visibilité d’un point précis. Précisons que, dans cette application, la vision (virtuelle) se trouve interrompue lorsque la ligne de visée rencontre le point d’une altitude supérieure à celle du point de vision de l’observateur. Le point de visée, ici, choisi correspond au niveau du regard d’un homme d’une taille moyenne (arbitrairement établi à 1,60 m), installé à hauteur du chemin de ronde d’un rempart que l’on peut estimer s’élever (en moyenne) à 2,50 m94. Le rayon de visibilité est limité à 10 km95 et l’exercice ne tient pas compte d’éventuels obstacles naturels, tel que le couvert forestier. Les limites de l’exercice se mesurent également à la faible précision de la BD ALTI96 (disponible au pas de 25 m), qui restitue le relief.
Fig. 153. Visibilité des petits sites fortifiés de rang 4 confrontés à leur environnement hydrographique et au réseau viaire antique. 1 : le territoire vénète ; 2 : le S-O du territoire osisme.

Fig. 154. Visibilité des petits sites fortifiés de rang 4 confrontés à leur environnement hydrographique et au réseau viaire antique. 3 : le N-O du territoire osisme ; 4 : le nord des territoires diablinte et cénoman ; 5 : le sud du territoire cénoman ; 6 : au sud de la Loire, chez les Ambiliates ? (Réal. J. Remy).

88Les cartes ainsi réalisées autorisent quelques remarques supplémentaires. En effet, chez les Vénètes, les petits sites fortifiés permettent un contrôle visuel de l’accès d’une majeure partie des côtes et des rias. Le petit éperon d’Arzon (56) offre même une visibilité sur l’entrée et l’intérieur du golfe du Morbihan. Des constats similaires peuvent être faits pour les sites littoraux osismes (Plougasnou et Beuzec-Cap-Sizun dans le Finistère). Il est vraisemblable que d’autres éperons complétaient ce paysage, comme le suggère la carte présentée dans la thèse d’Y. Menez, qui recense les enceintes attribuées à l’âge du Fer97. À ce propos, précisons que celles pour lesquelles les éléments de datation étaient insuffisants (en vue d’une attribution à la fin du second âge du Fer) n’ont volontairement pas été prises en compte dans cette étude. L’ajout des autres sites fortifiés qualifiés d’agglomérations fortifiées (de rang 1 à 3) offrent un tableau déjà plus complet.
89Par ailleurs, on remarque que l’orientation des sites vénètes induit une nécessité de visibilité principalement axée sur les côtes et sur le nord du territoire. Il est tentant d’y voir une orientation adaptée au contrôle d’un itinéraire maritime, pourquoi pas de transit en direction de la Grande-Bretagne98(fig. 155). Cependant, aucun argument sérieux ne permet réellement d’appuyer une telle hypothèse, d’autant que d’autres éperons barrés restent certainement encore à découvrir au sud du golfe du Morbihan au niveau de l’estuaire de la Vilaine, ou sur les côtes de Belle-Île99 (56). Toutefois, la répartition des sites dans le prolongement de l’estuaire de la Loire accrédite l’idée d’une voie maritime par cabotage, bien qu’aucune structure portuaire laténienne ne soit aujourd’hui reconnue et pour cause, il est probable que ces contacts n’aient, en fait, pas ou peu nécessité la mise en œuvre “d’infrastructures spécifiques et durables”100.
Fig. 155. L’ensemble des sites fortifiés (rang 1 à 4) autour du littoral vénète (réal. J. Remy).

90Plus au nord, à la frontière avec les Osismes, le petit éperon d’Arzano (29) contrôle un passage obligé pour ceux qui remontent le cours de l’Ellée. La visibilité assez limitée des alentours du site, de part et d’autre du petit fleuve côtier et ses flancs naturellement peu abrupts au sud et à l’ouest évoquent un rôle davantage commercial que défensif. Seuls quelques fragments d’amphores italiques ramassés en prospection permettent actuellement d’appuyer cette hypothèse. Il est intéressant de noter que dans le cas du site de Sainte-Suzanne (53), établi à la frontière entre deux peuples, la visibilité du haut de l’éperon couvre principalement la rive ouest de l’Erve, c’est-à-dire du côté du territoire Diablinte et offre donc un meilleur contrôle du cours d’eau que du territoire cénoman. À supposer que les voies antiques pérennisent des axes protohistoriques, la position du site offre également la possibilité de repérer ceux qui pénétraient ou sortaient du territoire.
91Finalement, l’apport de cet outil (SIG) reste relativement limité, bien qu’il permette d’appuyer les constats issus de l’analyse spatiale des sites, à savoir que ces derniers exercent un rôle défensif et/ou de contrôle des axes de circulation (terrestre et maritime) au sein des territoires, dont une autorité devait avoir la charge. Cette idée d’un contrôle des voies de communication fluviales et fluvio-maritimes par les petits éperons barrés ne contredit pas les conclusions émises par J.-P. Le Bihan, M.-Y. Daire et J.-F. Villard concernant le rôle des fortifications en contexte insulaire. En effet, celui-ci ne peut se réduire, d’après eux, au seul besoin de protection (des habitats environnants et associés) vis-à-vis d’éventuels assaillants101.
Voies de communication et résidences aristocratiques
92L’accès à ces voies de communication n’est pas exclusif aux sites fortifiés et aux agglomérations, puisque l’on remarque au moins deux habitats aristocratiques parfaitement bien intégrés au réseau viaire, suggérant leur implication commerciale, déjà soulignée lors de la présentation de ces sites (cf. supra chap. II, p. 171).
93L’habitat de “Saint-Symphorien” à Paule (22) est installé à un carrefour de voies anciennes102. Il n’est pas nécessaire de mentionner à nouveau les témoins matériels de puissance et de richesse recueillis sur cet établissement, qui reflètent une implication évidente dans un tissu commercial.
94Celui des “Natteries” à Cholet (49) est longé par une voie (dont l’origine remonte au début de La Tène finale), qui rejoignait probablement la Loire à en croire le corpus d’amphore – l’un des plus importants ensembles des Pays de la Loire – qu’il a livré. Il faut rappeler que ce site est d’ailleurs celui qui trouve le plus d’analogies avec l’habitat de Paule.
Voies de communication et ressources minérales
95S’il n’a pas été possible d’établir de lien direct entre les agglomérations et la gestion ou le contrôle de l’exploitation des ressources d’or ou de minerai de fer, l’implantation des habitats groupés laténiens peut être confrontée aux données des secteurs les mieux renseignés par le réseau de communication (fig. 156). De fait et d’après les travaux de synthèse de J.‑B. Vivet (déjà évoqués) sur la production de fer en haute Bretagne, on remarque une forte concentration de sites sidérurgiques – qui sont, pour certains, attribués à La Tène moyenne et finale – autour des villes actuelles de Dinan (22), de Combourg (35) et de Paimpont (35), qui sont traversées par des voies de communication romaines, voire pré-romaines. Si ces itinéraires sont jalonnés, pour la période romaine, par des agglomérations secondaires, ils desservent également à La Tène moyenne et finale, au nord des territoires concernés, d’importants pôles tels que Trégueux (22), Erquy (22), Vieux-Vy-sur-Couesnon (35) ou l’oppidum du Petit-Celland chez les Abrincates (dans le département actuel de la Manche).
Fig. 156. Localisation des ressources aurifères et des sites sidérurgiques anciens confrontés au réseau viaire antique et protohistorique, ainsi qu’au tissu d’habitats groupés de la fin de l’âge du Fer (réal. J. Remy, d’après Dalmont 2013, 30, fig. 9 ; Vivet 2007, 64, fig. 1 ; Sarreste 2011, 132, fig. 96).

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano ; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 : Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
96À l’inverse, le secteur de Paimpont, localisé au coeur du territoire coriosolite est longé par une voie orientée nord/sud qui ne distribue aucun site majeur de la fin de l’âge du Fer. L’absence déjà observée d’agglomération de plaine, de site fortifié, ou de sanctuaire dans la majeure partie de la civitates des Coriosolites (cf. supra chap. III, p. 131 et 132) et la mise en évidence, le long d’un axe viaire ancien d’une importante zone d’activité métallurgique, qui fonctionne de l’âge du Fer à l’époque romaine (cf. supra chap. III, p. 241), suggèrent la présence d’un pôle d’occupation de La Tène moyenne et/ou finale encore méconnu, situé au centre ou au sud du territoire.
97Le travail de recherche de F. Sarreste sur la sidérurgie du Bas Maine permet de visualiser les zones de concentration de sites de réduction direct du fer par rapport aux axes de communication restitués. Pour rappel, trois zones de production ont livré des vestiges protohistoriques, notamment celle de Lavardin/La Bazoge, en partie, traversée par la voie reliant Oisseau-le-petit et Le Mans103. Si l’importance du site n’est plus à démontrer pour la fin de l’âge du Fer, les antécédents de la capitale de cité romaine du Mans (72) sont encore mal cernés (cf. annexe 6). Concernant la zone de Sillé (72), la carte présentée ne rend compte d’aucun raccordement à un axe viaire, néanmoins la reprise, par F. Sarreste, des données de la Carte Archéologique de la Gaule et des recherches menées par J. Naveau sur la cité des Diablintes permet d’ajouter deux tronçons de voies anciennes supposées, qui ne peuvent cependant pas être datés104. Il est probable que l’un de ces itinéraires rejoignait la voie Jublains/Le Mans, toutefois l’état très lacunaire de ces données empêche d’aller au-delà de ces simples constats.
98La concentration de Meslay/Sablay s’étire le long de la route départementale reliant Sablé-sur-Sarthe (72) à Laval (53) qui passe à proximité du promontoire barré d’Entrammes (53). F. Sarreste a proposé que cet axe résulte d’une voie plus ancienne le long de laquelle s’organiseraient les sites105.
99D’autres concentrations de sites, qui n’ont actuellement livré aucun indice attribuable à l’âge du Fer, sont desservies par des voies qui convergent dans certains cas vers des agglomérations laténiennes – autour de Châtelais (49) par exemple. Si aucun site au sein du complexe de La Gravelle (53) n’a livré de datation protohistorique, on remarquera, tout de même, qu’il est localisé au carrefour de plusieurs axes supposés pré-romains106.
100Le réseau routier a également pu jouer un rôle dans l’approvisionnement de l’or, comme on l’a vu pour la région des Miaules – au centre de laquelle on trouve le promontoire de “Saint-Julien” à Châtelais (49) – avec deux itinéraires identifiés par J.-C. Meuret, qui longent les filons aurifères (cf. supra chap. III, p. 260). D’autre part, le relatif éloignement des voies romaines qui bordent les anciennes mines aurifères de l’axe d’Anjou et de Vay, permet à M.-A. Dalmont d’envisager que le réseau de rivières prenne partiellement le relais pour le transport du métal, en admettant la navigabilité des cours d’eau107. Aucun site majeur de La Tène moyenne et finale n’est identifié dans les environs proches de cette zone, mais la voie qui longe au sud l’axe aurifère relie l’agglomération d’Angers (49) et celle supposée de Blain (44). Le secteur des Mauges est, quant à lui, alimenté par la rivière de l’Èvre, affluent direct de la Loire et structuré autour d’un carrefour de voies antiques – dont les éventuels antécédents ne sont pas attestés –, se rejoignant au niveau de l’agglomération antique du Fief-Sauvin (49), qui succède vraisemblablement à un important pôle laténien.
101Enfin, étant donné l’hétérogénéité des connaissances sur l’exploitation des différents minerais – à la fin de l’âge du Fer et de manière générale –, il n’y a pas d’intérêt à tenter de comparer la distribution des travaux miniers aurifères et des sites de réduction du minerai de fer.
L’importance du littoral dans l’occupation des territoires de l’Ouest
102Il faut rappeler le constat de départ, selon lequel il existerait un déséquilibre entre la répartition spatiale des agglomérations et des sites fortifiés de l’est et ceux de l’ouest des régions étudiées (cf. supra chap. III, p. 231). En effet, pour les cités les plus occidentales de la zone d’étude, c’est-à-dire celles des Vénètes, des Osismes et des Coriosolites, on constate une occupation privilégiée sur le littoral à La Tène moyenne et finale. L’étude des différents biais de la recherche, pouvant influencer cette répartition spatiale, a révélé que ce constat n’est pas à l’origine de lacunes documentaires, mais plus vraisemblablement d’une réalité archéologique. Et celle-ci fait justement écho à une récente étude menée sur l’occupation littorale du nord-ouest de la Gaule à l’époque romaine.
103En effet, M. Monteil et T. Lorho ont démontré le “fort potentiel attractif du rivage et des terroirs qui en sont proches” durant le Haut-Empire108. Cette démonstration repose sur la définition d’une bande littorale dont la largeur correspond à “la distance moyenne [distance coût prenant en compte le relief] parcourue à pied par un individu dans une journée, soit 10 km”. Le Système d’Information Géographique mis en place pour cet exercice a permis de trier les différentes occupations – agglomérations, sanctuaires, villae et autres habitats, les établissements de production de salaisons etc. datés du Haut-Empire – comprises à l’intérieur de cette bande et celles localisées dans les terres. Les résultats indiquent que la zone littorale ainsi définie, qui représente seulement 32 % de la superficie étudiée (cités namnète, osisme, coriosolite et riedone), concentre 52 % des sanctuaires privés et publics, 56 % des agglomérations secondaires avérées ou potentielles.
104S’il est plus difficile de raisonner en pourcentages pour la fin de l’âge du Fer, car le corpus de sites est moins important, on observe au sein de la même zone géographique109 des tendances identiques. Ainsi, quatre agglomérations ouvertes (avérées ou probables) sur sept sont localisées sur cette bande littorale, soit plus de la moitié (fig. 157). Huit des seize plus importants sites fortifiés, qualifiés d’agglomérations fortifiées, sont compris dans cette zone, soit au total la moitié de l’ensemble des agglomérations fortifiées ou non (douze sur vingt-trois). Le calcul est d’autant plus significatif pour les petits sites fortifiés (de rang 4), puisque huit sites sur treize sont présents sur la bande côtière110. Dans ce cas, il faut tout de même concéder que cette zone est aussi plus propice à leur découverte, étant donné que la couverture forestière est généralement moins dense que dans les terres. Mais on notera que ces observations font échos au texte de César qui associe systématiquement dans son livre III les villes des Vénètes à des sites côtiers, à des éperons littoraux (Gal., 3.9 à 16).
Fig. 157. Répartition des habitats groupés ouverts et des sites fortifiés de La Tène moyenne et finale en fonction de la bande littorale large de 10 kilomètres (réal. J. Remy, d’après Lorho & Monteil 2013, 351, fig. 4).

105Le bilan concernant les sanctuaires est moins significatif que pour le Haut-Empire, puisque moins de la moitié est installé aux abords de la façade atlantique (huit sur vingt-deux), les autres étant confinés aux territoires les plus orientaux de la zone d’étude – chez les Cénomans, les Andécaves et les Aulerques Diablintes (fig. 158). Notons tout de même que si l’on ne retient que les sites certains, une moitié d’entre eux se concentre près de l’Océan.
Fig. 158. Répartition des sanctuaires et des habitats ruraux de La Tène moyenne et finale en fonction de la bande littorale large de 10 kilomètres (réal. J. Remy, d’après Lorho & Monteil 2013, 351, fig. 4).

106Ce bilan serait incomplet si l’on n’évoquait pas la répartition de l’habitat rural. Le réseau de villae sur la bande côtière est également dense (48 %), proportionnellement à la superficie considérée, tout comme les établissements ruraux des deux derniers siècles a.C. recensés dans la base nationale (soit 29 sur 63 occurrences). À l’instar de ce que l’on observe pour le Haut-Empire, leur dispersion apparaît inégale et ponctuellement plus dense autour de Quimper (29), sur le littoral vénète et coriosolite. Pour la fin de l’âge du Fer, les conséquences de l’activité économique actuelle (Quimper, Saint-Malo...) et des prospections intensives jouent un rôle évident dans cette disparité. Mais comme cela a été avancé pour la période romaine, il n’est pas exclu que ce constat résulte d’une réalité induite de “paramètres climatiques ou économiques” en jeu111. En effet, les lieux de production de sel, par exemple, – qui représentent de vraisemblables bassins économiques à La Tène finale – sont dispersées de manière plus homogène sur le littoral breton, mais forment tout de même des zones de concentrations particulières – autour du Golfe du Morbihan, sur le littoral trégor et le long de la Baie du Mont Saint-Michel112.
107La forte attractivité du littoral semble dicter le déséquilibre spatial apparent des territoires occidentaux au Haut-Empire, une organisation territoriale qui puise visiblement ses origines à la fin de l’âge du Fer. D’ailleurs, cette attractivité est confirmée pour les périodes cumulées du premier et du second âge du Fer, toutes catégories de sites confondues (dépôts, éperons barrés, sites funéraires, habitats, agglomérations fortifiées, métallurgie, saunerie, parcellaire). En effet, la concentration des sites se distribuant sur la bande littorale est de 37 %, confirmant une densité d’occupation légèrement supérieure à celle de l’intérieur des terres113. Les programmes de recherches mis en place autour du littoral Manche/Atlantique, principalement par l’équipe du laboratoire de Rennes (CReAAH)114, dévoilent toute l’étendue d’un potentiel archéologique encore inexploré.
108Si la démonstration plaide en faveur d’un important héritage gaulois, il faut malgré tout garder à l’esprit que la connaissance archéologique de l’âge du Fer accuse un retard face à celle de l’Antiquité, tout du moins pour ce qui concerne le monde urbain, susceptible de livrer encore beaucoup de surprises. Pourtant, en 2013, un collectif de chercheurs bretons soulignait le paradoxe d’une carte archéologique tout aussi fournie pour l’âge du Fer que pour la période romaine, le nombre d’entités archéologiques enregistrées dans la base Patriarche du Service régional de l’archéologie de Bretagne étant relativement proche d’une période à l’autre115. Il faut souligner qu’une part importante des données sur l’habitat rural n’est pas datée et que celle-ci ne pourra être intégrée à la réflexion que par un important travail de comparaison typologique entre les enclos repérés par prospection aérienne et ceux ayant fait l’objet d’une opération de fouille116.
109En tout cas, l’analyse des réseaux de communication et des autres composantes du territoire tend à offrir différents schémas à la fin de l’âge du Fer, opposant des cités qui se structurent via leurs propres réseaux d’échanges, c’est-à-dire le long de la Loire pour les Namnètes et les Andécaves, le long de ses principaux affluents et sous-affluents pour les Ambiliates, les Cénomans et les Diablintes et sur la façade maritime pour les peuples les plus proches de l’Océan (Vénètes, Osismes, Coriosolites). De fait, l’implantation des sites le long des principaux axes fluviaux et fluvio-maritimes sous-entend l’importance du facteur économique dans l’aménagement des territoires. Or, les changements sociétaux de la fin de l’âge du Fer, qui conduisent progressivement à une urbanisation des territoires, sont fortement liés au développement de l’économie d’après historiens et archéologues117.
110D’ailleurs et si les fonctions des monnaies sont discutées et diffèrent suivant le pouvoir émetteur – comme le révèlent les diversités (d’émissions et de diffusion) constatées entre l’“Armorique” et ses marges118 –, la répartition des monnaies dans la partie orientale de la zone d’étude “semble plus s’organiser autour de ces grands axes de circulation que sont la Loire et ses affluents ou la Vilaine que selon des territoires de cités”119. L’importance de la Loire et de ses affluents, notamment de la Maine, de la Sarthe et de la Mayenne, dans la diffusion des monnaies en or allié a été montrée à plusieurs reprises120, informant sur de véritables couloirs commerciaux.
111À ce propos, Strabon rapporte que la Gaule est partagée par un réseau de fleuves “qui constitue le principal élément de prospérité du pays”, facilitant les échanges commerciaux “des denrées et des autres produits nécessaires à la vie” et donc le développement économique (Str. 4.1.14). Aussi, les sources antiques s’accordent sur le fait que la “péninsule armoricaine” constitue un lieu de transit commercial maritime121, un passage obligatoire pour les échanges avec la Méditerranée, mais aussi avec la Bretagne insulaire122.
112Les données archéologiques de ces dernières années vont également dans ce sens. Les efforts de plus de dix ans de fouilles sur le promontoire fortifié du “Yaudet” à Ploulec’h (22), témoignent du rôle portuaire évident de ce site et de l’importance de son implication dans le commerce local, facilité par les voies maritimes – importation de sel et de céramiques provenant sans doute des ateliers et des habitats environnants – ainsi que dans le commerce extrarégional, avec la méditerranée (transport du vin d’Italie) et surtout avec la Bretagne insulaire123. En effet, des éléments de parure ont été taillés dans un schiste bitumineux provenant des falaises du Dorset, aussi quelques restes de céramiques, importées du centre de la côte sud de l’actuelle Angleterre, ont été recueillis en fouille. Des échanges trans-Manche ont également été mis en évidence entre Saint-Malo (35) et le port protohistorique d’Hengistbury Head (cf. annexe 2). La situation particulière de l’île d’Ouessant (29) et les découvertes de mobilier issues d’un long programme de fouille, conduit par J.-P. Le Bihan, amènent à la considérer comme un passage obligé, non loin de la frontière entre la Manche et l’Atlantique. La pratique, par les habitants de l’île, d’échanges commerciaux à longue distance est avéré de l’âge du Bronze à l’époque romaine, le second âge du Fer ayant livré un fourreau d’épée provenant de la Grande plaine hongroise, une céramique méditerranéenne (d’Attique ou de Grande Grèce) ainsi qu’une monnaie de Bretagne insulaire124. L’importation de mobiliers méditerranéens reste occasionnelle dans la péninsule bretonne, au premier âge du Fer et au début de La Tène125, puis s’intensifie à la fin du second âge du Fer avec l’importation de vin. La distribution des restes d’amphores italiques, découverts dans des contextes laténiens, révèlent une distribution particulièrement dense le long du littoral, confirmant une zone de contact privilégiée sur la bande côtière (fig. 159).
Fig. 159. Répartition des amphores chez les Osismes, les Vénètes, les Coriosolites et les Riedones (d’après Daire et al. 2015, 163, fig. 13).

113Les échanges avec l’île de Bretagne – et les influences constatées sur le monnayage – ont été longuement développés par B. Cunliffe et P. de Jersey qui ont proposé des itinéraires maritimes commerciaux entre les côtes du nord-ouest de la Gaule et le littoral sud de la Britannia126. L’implantation littorale de ces agglomérations (portuaires ?) de la fin de La Tène – qui sont tournées vers l’île de Bretagne –, sur les côtes osisme et coriosolite, n’est certainement pas anodine et a très probablement favorisé les échanges trans-Manche et entre les territoires gaulois127 (fig. 160).
Fig. 160. Itinéraires maritimes supposés et distances de navigation (en kilomètres et en milles nautiques) entre le N-O de la Gaule et la côte sud de la Britannia (réal. J. Remy, d’après Cunliffe & Jersey 1997, fig. 35, 48).

114La bande littorale offre indubitablement un environnement productif favorable (terres plus fertiles et présence du sel marin), dont les sociétés semblent avoir su tirer profit dès le iiie s. a.C. En effet, on a vu qu’une partie des agglomérations ouvertes et fortifiées comprises sur cette bande littorale tire clairement un bénéfice de l’exploitation du sel et s’implique très certainement dans la commercialisation et/ou la redistribution de salaisons ou de pains de sel, notamment via l’axe maritime (cf. supra, chap. III, p. 254). Les nombreux restes de briquetages retrouvés à “Kergolvez” (Quimper, 29) en témoignent, tout comme le secteur très productif autour de Guérande (44).
115Le paramètre économique apparaît donc primordial dans l’émergence des agglomérations de la fin de l’âge du Fer et plus généralement dans l’organisation territoriale telle qu’elle apparaît actuellement pour le quart nord-ouest de la Gaule et pourrait sous-tendre l’aménagement des cités du Haut-Empire. Il reste encore à définir dans quelle mesure ce constat s’avère valable pour l’ensemble de la zone d’étude.
Korbilôn, la ville portuaire protohistorique de l’Atlantique : mythe ou réalité ?
116À propos d’échanges commerciaux, on ne peut taire le témoignage de Strabon qui rapporte l’existence d’un grand port à l’embouchure de la Loire, Corbilo, dont la localisation demeure toujours une énigme malgré les passions qu’a suscité sa recherche dès le xvie siècle :
“La Loire a son embouchure entre le pays des Pictones et celui des Namnètes. Sur ce fleuve existait autrefois une place commerciale du nom de Corbilo, à propos de laquelle Polybe évoque une histoire forgée par Pythéas et s’exprime en ces termes : Un jour que les Massaliotes s’entretenaient avec Scipion, aucun d’entre eux ne put dire quoi que ce soit qui méritât d’être rapporté en réponse aux questions que celui-ci leur posait sur la Bretagne, et il en fut de même avec ceux de ses interlocuteurs qui venaient de Narbonne et de Corbilo, les villes pourtant les plus importantes du pays : voilà, dans la fiction, jusqu’où va l’audace de Pythéas” (Str. 4).
117Bien que la recherche sur Corbilo ne manque pas d’études et de travaux synthétiques, il convient de rappeler les enjeux du texte de Strabon. Il est, en effet, le seul à signaler l’existence d’un port devenu mythique du fait des difficultés auxquelles se sont heurtés nombre de chercheurs qui ont sondé les sources pour tenter de définir son emplacement ou d’établir sa chronologie, un problème certainement encore plus complexe. Ainsi, vers 18 p.C., Strabon cite un passage du livre de l’historien grec Polybe, écrit au iie s. a.C., dans lequel il évoque le voyage du navigateur marseillais Pythéas, effectué vers 320-300 a.C. La confusion avec laquelle le site est mentionné ne permet pas de trancher quant à la période de fonctionnement de cette ville portuaire, qu’on peut situer entre le ive siècle et le iie s. a.C., mais dont l’origine pourrait être encore plus ancienne. La seule certitude réside dans le fait qu’elle n’existe plus au début du ier siècle, lorsque Strabon rapporte cette histoire : “[...] existait autrefois une place commerciale du nom de Corbilo”. L’intervension d’un certain Scipion, identifié à juste titre comme Scipion Emilien le vainqueur de Carthage, placerait la date de l’entretien entre le chef romain et les habitants de Corbilo aux alentours de 150 a.C.128. Il faut donc se résoudre, dans cette analyse des propos de Strabon, à ce que la ville portuaire disparaisse rapidement entre le milieu du iie s. a.C. et l’époque augustéenne.
118Quoi qu’il en soit, les sources antiques renseignent ici de l’importance du rôle de la Loire pour le commerce lointain dès La Tène ancienne129. Parmi les nombreuses études réalisées sur Corbilo, le travail universitaire de C. Quebriac a pour intérêt de remettre en perspective le discours de Strabon dans le contexte économique de l’âge du Fer et du début de l’époque romaine. En effet, Strabon évoque l’existence de Corbilo à propos du trafic d’étain entre les Grecs et la Bretagne insulaire où se trouvaient les gisements, à une période (à la fin du ier s. a.C.) où les Romains n’avaient pas encore connaissance de la voie maritime à emprunter et échouèrent à plusieurs expéditions. Le site portuaire installé sur la Loire aurait alors servi d’intermédiaire pour atteindre les côtes bretonnes (Britannia, Grande-Bretagne)130 ? En 2004, la contribution de J. Mouchard et de L. Ménanteau au sujet de Corbilo, présentait un bref historique des différentes hypothèses qui ont conduit les chercheurs à localiser ce fameux comptoir tour à tour dans les différentes communes qui composent l’estuaire de la Loire, jusqu’à Ancenis (44) et même sur le littoral au nord de l’embouchure, à Guérande en Loire-Atlantique131. Si les sites de Saint-Nazaire (44), de Nantes (44), de Guérande, de Couëron (44) et du Pouliguen (44) sont les plus souvent mentionnés, aucun vestige archéologique ne suffit à appuyer l’une de ces hypothèses, d’où de récentes propositions à voir dans cette antique place commerciale, non pas un lieu en particulier, mais un vaste espace géographique élargi à l’ensemble de l’estuaire de la Loire132.
119Aujourd’hui, de nombreux chercheurs ont leur idée sur l’emplacement de Corbilo, qui résiste encore, après des siècles d’efforts consentis à révéler ses secrets aux archéologues et aux historiens !
Le processus d’urbanisation à la fin de l’âge du Fer dans le quart nord-ouest de la Gaule : émergence et devenir
Les regroupements d’habitats à la fin de La Tène
120L’analyse des formes de l’habitat dans le quart nord-ouest de la Gaule a permis de dégager plusieurs phénomènes liés à une densification de la population au cours de La Tène. On constate, en effet, un développement sans précédent de l’agriculture qui se traduit, dès la seconde moitié du iie s. a.C. par une densification de l’occupation rurale qui se poursuit à La Tène finale133. Des regroupements ruraux se constituent dans le courant du iie s. a.C.134, certains établissements accueillent visiblement plusieurs familles et suggèrent la mise en place de petits hameaux ruraux, qui connaissent un développement sur le long terme durant le second âge du Fer135. Ces établissements ne livrent que rarement des signes de la présence d’une aristocratie136. Les sites de “Bellevue” à Thorigné-Fouillard en Ille-et-Vilaine ou de “La Bleure” à Cholet dans le Maine-et-Loire sont deux exemples de petits habitats groupés ruraux d’un peu moins d’un hectare, caractérisés par des aménagements et du mobilier témoignant d’un statut social peu élevé, mais qui se distinguent tout de même de l’habitat rural dispersé plus “classique” qui accueille seulement une à deux unités familiales (fig. 161).
Fig. 161. Plan général du site de “Bellevue” à Thorigné-Fouillard en Ille-et-Vilaine (réal. J. Remy, d’après Le Goff 2007b, 57, fig. 27).

121À ce propos, pour le site de Gétigné (44), présenté comme une agglomération potentielle, se pose la question de l’existence de vastes regroupements d’habitats ruraux ouverts. Ce site a, en effet, toutes les caractéristiques d’un habitat rural, mis à part l’absence d’un système d’enclos. Il constitue peut-être un entre-deux, un stade moins avancé que les agglomérations fortifiées ou celles implantées en plaine, mais densément occupées. Il s’agit sans doute plus d’un hameau ouvert que d’une agglomération telle qu’on les définit actuellement (cf. supra chap. II, p. 129).
122En somme, les populations rurales semblent progressivement s’organiser et gagnent ainsi en productivité. En témoignent la multiplication des zones de stockage et la densification de ces structures sur certains habitats ruraux ou certaines agglomérations (par exemple celle de Vue et d’Entrammes). L’étude carpologique menée sur les restes issus des greniers d’Entrammes (53) apporte les preuves d’une agriculture spécialisée intensive, pratiquée à des fins de redistribution ou d’échanges (cf. annexe 14). Un rôle de stockage avant redistribution des denrées est également supposé pour certains greniers de Moulay en Mayenne (cf. supra chap. II, p. 106). En outre et malgré le constat d’un déficit historique d’études carpologiques en Bretagne, en Normandie et en Pays de la Loire, de récents travaux apportent un regard nouveau sur l’évolution de l’agriculture. Ainsi, une synthèse a mis en évidence la complexification des systèmes de culture à rotation en Basse-Normandie, qui permettent “d’optimiser la quantité de nourriture produite pour une même surface” à partir du iie s. a.C.137. Si ces résultats reposent uniquement sur quelques sites tests, l’analyse des données carpologiques issues de 29 sites138 du nord-ouest de la France informe du développement d’une agriculture intensive à La Tène, qui nécessite d’importants moyens de production et une main d’œuvre conséquente, avec pour objectif d’augmenter le rendement139.
123Le bref tableau ainsi dressé des différents types de regroupements de populations qui s’opèrent à la fin de l’Indépendance gauloise, dans le quart nord-ouest de la Gaule, ne se distingue pas des tendances mises en évidence à l’échelle de l’Europe celtique ou de la Gaule méridionale140. On a déjà montré les fortes interactions entre les établissements ruraux et certaines agglomérations de l’Ouest (Moulay, 53 ; Quimper, 29 ; Entrammes, 53 ; Vue, 44), les uns alimentant les autres (cf. supra chap. II, p. 148). L’architecture et l’organisation des aménagements qui les composent sont certes plus structurées, avec des systèmes de voies et/ou de parcellaires par exemple auxquels s’ajoutent parfois des équipements à vocation publique, mais les structures archéologiques, bien que plus denses, restent proches de celles appréhendées sur les habitats ruraux. Ainsi, le “fait urbain” semble émerger du monde rural dans l’ouest de la Gaule. L’exemple de Quimper, où l’habitat groupé est connecté à un réseau parcellaire qui fait visiblement le lien entre la “ville” et la campagne est manifeste. En ce sens, on rejoint l’avis d’Y. Menez qui considère qu’il n’existe pas de frontière majeure entre l’espace urbain et l’espace rural141.
124En outre, on a pu constater que les productions agricoles et le développement de l’exploitation des ressources naturelles, comme le sel, ont stimulé la mise en place d’habitats groupés le long d’axes de communication aux iie et ier s. a.C. L’agriculture semble, en effet, avoir fortement contribuée durant le iie s. a.C. à la naissance de certaines agglomérations gauloises dans le nord-ouest de la Gaule. À ce propos, le rôle de l’agriculture dans la genèse de l’urbanisation n’est pas une idée nouvelle et a largement été évoquée par les historiens économistes : “S’il existe de rares consensus, celui du rôle fondamental de l’agriculture dans l’émergence de l’urbanisation est un de ceux-ci, même si des nuances importantes existent quant aux modalités d’action”142. L’historien R. Leboutte reprend cette idée en affirmant que : “[...] l’existence d’un centre urbain présuppose l’échange de surplus agricoles”143. Il utilise un exemple moderne pour illustrer son propos, celui de la colonisation du Venezuela au xvie siècle par les Espagnols, qui créés des villes côtières dans le but d’exporter les produits agricoles cultivés à l’intérieur des terres. Il précise que l’organisation territoriale née de cette dynamique, dans laquelle la vie urbaine favorise les “innovations techniques” de l’agriculture qui alimente en retour la ville lui permettant de s’enrichir à son tour, compose encore actuellement le paysage urbain du Venezuela. S’il faut être conscient de l’important anachronisme géographique et chronologique de cet exemple, celui-ci apporte tout de même des pistes de réflexion pour éclairer la genèse des agglomérations laténiennes. Ce phénomène n’a, biensûr, pas échappé aux archéologues. Depuis la fin des années 1990, P. Brun reconnait dans le contrôle des moyens de productions, c’est-à-dire des ressources locales, un facteur important de stabilisation des unités politiques qui va de pair avec le développement des agglomérations à la fin de l’âge du Fer144. Il soutient le fait qu’“il a fallu attendre le iie s. a.C. pour que d’importantes agglomérations apparaissent en Celtique, à la suite d’importantes innovations techniques dans l’agriculture”145. Aussi, la Gaule méridionale n’est pas à l’écart de ce constat du rôle de l’agriculture dans le développement urbain. En effet, D. Garcia parle des surplus agricoles succeptibles “de nourrir les non-producteurs” comme l’une des conditions nécessaires “à la montée en puissance des fonctions urbaines”146. En ces termes, il rejoint les conclusions émises par le collectif de chercheurs du projet Archeomedes, selon lesquelles dans le “Bas Languedoc, et sans doute dans la plus grande partie de l’Europe, les villes sont filles des campagnes, le peuplement urbain [ayant] procédé très largement du peuplement rural”147.
125Par ailleurs, le rapport au monde rural n’exclut cependant pas la fonction artisanale présente, par exemple, à Quimper – production de meules et métallurgie du fer et du bronze pour la transformation d’objets finis avérées ; et peut-être l’existence d’un atelier de verrier –, à Trégueux – activité de transformation du lignite présumée, ateliers monétaires et de verrier supposés –, ou aux Alleuds (production de fibules) (cf. supra chap. II, p. 158). Elle pourrait avoir joué un rôle plus prépondérant dans la vie économique de certains sites, comme au Fief-Sauvin ou à Oisseau-le-Petit, pour lesquels le mobilier recueilli en prospection témoigne de la diversité et de la richesse des activités qui ont pu y être pratiquées. En fin de compte, lorsque l’économie de ces agglomérations n’est pas clairement basée sur l’artisanat et les échanges à longue distance, elles assurent une forme de centralisation pour la diffusion et la revente des richesses locales.
126Simultanément à la création d’agglomérations dans le courant du iie s. a.C., certains aristocrates, de riches propriétaires terriens, souvent établis depuis des siècles (dès La Tène ancienne voir avant) s’enrichissent des surplus de production durant La Tène moyenne et finale. Les résidences qu’ils occupent, qui se dégagent de plus en plus d’exploitations plus modestes, sont le témoignage d’une hiérarchisation à partir de la fin du ive siècle ou du début du iiie s. a.C. de la société et du contrôle grandissant d’une aristocratie sur les domaines agricoles. Ces domaines privés s’agrandissent, généralement sur quelques milliers de mètres carrés et jusqu’à 2/3 ha (en Bretagne et en Pays de la Loire) et accueillent une population nécessaire au fonctionnement de l’établissement.
127Le cas de la résidence de “Saint-Symphorien” à Paule (22) par l’ampleur de ses architectures, le déploiement de richesses et le regroupement de compétences et d’activités qu’elle agglomère pour répondre aux besoins du domaine et accompagner son fleurissement économique et celui de son propriétaire, apparaît particulièrement prospère à l’échelle du nord-ouest de la Gaule. Certains chercheurs y voient même le développement d’une véritable agglomération, voire d’un oppidum148. Néanmoins, l’analyse des données de terrain révèle clairement que la résidence de Paule génère un regroupement de population – qu’il est difficile de quantifier en l’état actuel des connaissances (cf. supra chap. II, p. 177) – et de compétences au profit d’une affaire privée, qui tranche avec le développement des habitats groupés qui se caractérisent par une organisation de l’espace au profit d’une collectivité, un partage en “quartiers” ou en “parcelles” des espaces communs qui constituent l’agglomération. Les données archéologiques informent, semble-t-il, sur deux phénomènes parallèles, l’un relevant plutôt d’un effort communautaire dans une dynamique économique, l’autre répondant davantage à une affaire privée (le siège d’une puissante famille) qui rassemble des moyens et des compétences autour d’elle et relève de la démonstration d’une puissance économique et peut-être politique d’un individu ou d’une famille de l’aristocratie gauloise.
128L’épineuse question du statut de Paule à la Tène finale soulève, en fin de compte, le problème de la place de l’aristocratie dans le fonctionnement de la société gauloise avant la Conquête, en particulier dans l’ouest de la Gaule et de son rôle dans les bouleversements qui conduisent à l’émergence des agglomérations mais aussi à la naissance de l’État à la fin de l’âge du Fer. Il ne s’agit pas ici de discuter de la complexité de l’organisation de la société gauloise, que l’on a encore bien du mal à reconstituer et dont l’étude nécessite l’examen des sources antiques en même temps qu’une approche anthropologique des vestiges archéologiques, ainsi qu’une mise en perspective sociologique des données, comme l’a expliqué S. Verger en 2009149. Mais, si l’on convient du fait que, les conditions favorables au développement d’agglomérations artisanales et rurales sont réunies à partir de la fin du iiie s. a.C. – climat plus favorable, augmentation de la démographie, amélioration de la productivité agricole...150 –, se pose alors la question de savoir qui est à l’origine de ce phénomène ?
129Pour faire simple, l’archéologie est aujourd’hui en mesure d’identifier à l’échelle de la Gaule une grande aristocratie terrienne qui fonde ses origines parfois dès le premier âge du Fer comme Y. Menez l’a démontré151. Celle-ci est installée, non pas en ville, mais dans leur domaine foncier au iie s. a.C. et dans la première moitié du ier s. a.C. – ce que confirme l’analyse de l’habitat du quart nord-ouest de la Gaule. En effet, mis à part à Bibracte152, on ne perçoit pas les demeures de ces élites dans les agglomérations ouvertes et les oppida153. Qui organise alors les agglomérations à la fin de La Tène et où résident les élites ? Cette question ne trouve actuellement pas de réponse définitive, mais deux idées majeures ressortent des différentes réflexions menées par les chercheurs à ce sujet.
130On retiendra d’abord la démonstration d’O. Buchsenschutz et de Y. Ralston qui opposent l’émergence des agglomérations ouvertes à celle plus tardive des oppida. Ils suggèrent qu’à l’échelle de l’Europe celtique, les premières se développent sous la seule impulsion d’une classe d’artisans, indépendamment de l’aristocratie terrienne – ces agglomérations sont alors comprises comme des centres à caractère essentiellement artisanaux154. Au contraire, la création des oppida, qu’ils considèrent comme étant la première forme d’urbanisme, reflètent “la reprise en main de l’ensemble de la société par l’aristocratie”155, opinion partagée par M. Vaginay156.
131A.-M. Adam et S. Fichtl, eux, rejoignent G. Kaenel qui propose que les aristocrates ne s’installent seulement qu’après la Guerre des Gaules dans les villes/oppida157. “La haute noblesse gauloise, avant tout rurale, est alors obligée d’être présente en ville pour pouvoir peser sur le destin de son peuple”, au moment où se met en place “l’administration des civitates où les villes prennent une place plus importante”158. D’après leur analyse, il est donc actuellement difficile d’évaluer l’implication de ces élites dans la fondation des oppida par le biais des vestiges archéologiques. Le problème est d’autant plus délicat pour les habitats groupés ouverts qui ne révèlent aucune hiérarchie sociale.
132Qu’en est-il pour le quart nord-ouest de la Gaule ? Actuellement, il ne s’agit pas de la zone géographique la mieux documentée d’Europe celtique, néanmoins quelques remarques méritent d’être formulées. On a déjà évoqué le problème des petites fortifications identifiées au contact de certaines agglomérations présumées et non encore explorées et pour lesquelles il reste à définir le rôle ainsi que la nature, comme pour celles du Fief-Sauvin (49) ou d’Oisseau-le-Petit (72 ; cf. supra chap. II, p. 188). Sans reprendre l’ensemble du raisonnement, les comparaisons proposées orientent vers plusieurs interprétations : s’agit-il de retranchements provisoires pour la population, du siège d’une autorité dirigeante (acropole), ou d’un lieu protégé pour le stockage des réserves et des biens de la communauté ? Actuellement, il n’est pas possible de trancher et d’ailleurs, les solutions sont peut-être multipes suivant les sites. L’analyse de leur situation géographique et topographique en fait tout de même des lieux stratégiques et propices au contrôle des voies de communication qui desservent les agglomérations. Aussi, le bourg de Moulay (53), fermé sur 12 ha par un imposant rempart mal daté, pourrait également apporter son lot de réponses. La révision du mobilier issu des fouilles, menées entre 1972 et 1975, semble indiquer la présence d’une occupation au niveau du bourg dès la fin du ve et le début du ive s. a.C. Mais la nature de cette occupation n’est pas caractérisée et rien n’indique actuellement que cette partie du promontoire soit de nouveau investie à la fin de l’âge du Fer, encore moins pour la résidence d’une élite159. Là encore la question reste posée.
133En tout cas, la situation apparaît pour le moins complexe puisqu’on a montré que les grands sites fortifiés ou les agglomérations fortifiées ne remplacent pas systématiquement les habitats groupés ouverts qui sont créés généralement plus tôt (cf. supra chap. II, p. 193). Le rapport entre Moulay et Jublains (53) en est la meilleure illustration et les activités qui y sont pratiquées évoquent, a priori, davantage des centres complémentaires que concurrentiels. On ne peut donc pas en déduire que la création des agglomérations fortifiées, dans la zone géographique concernée, “corresponde à la reprise en main de l’ensemble de la société par l’aristocratie”160. Le développement de “Kergolvez” (Quimper, 29) de la fin du iiie siècle à la fin de La Tène finale, avec une phase d’agrandissement témoigne au contraire du succès de cette agglomération et de son épanouissement jusqu’au changement d’ère, où elle est légèrement déplacée, sans doute pour favoriser sa croissance. À moins que justement la création de Moulay, à quelques kilomètres de Jublains illustre la tentative d’un aristocrate ou d’élites de concentrer les richesses locales au dépend de Jublains, de “reprendre [en quelque sorte] la main” sur l’économie accaparée par Jublains, une tentative qui aurait finalement échouée. La réponse se trouve certainement en partie dans la datation de ces sites. Effectivement, en l’état actuel des données on n’est pas certain que l’agglomération de Jublains soit créée avant “l’oppidum du Mesnil” à Moulay. Il est même probable que les deux sites soient contemporains161 (cf. supra chap. II, p. 195).
134On notera, par ailleurs, qu’on ne peut pas établir de lien (spatial et chronologique) évident entre l’implantation des agglomérations laténiennes ouvertes et fortifiées et celle des habitats aristocratiques (fig. 162). Seul l’établissement de “Brantonnet” à Guérande (44) présente une importante proximité avec l’habitat groupé potentiel du “Moulin de Beaulieu” (sur la même commune), qui coexistent durant au moins une génération avant que l’habitat rural soit abandonné. Si l’existence d’une agglomération ouverte devait se confirmer pour la fin de l’âge du Fer puis pour l’époque romaine, on serait effectivement en mesure de se questionner sur l’implication des propriétaires de “Brantonnet” dans son développement. Mais, encore une fois, les lacunes de la documentation ne permettent pas d’en juger.
Fig. 162. Distribution des habitats aristocratiques par rapports aux habitats groupés ouverts et fortifiés (réal. J. Remy).

135Enfin, l’absence de hiérarchie sociale au sein des agglomérations ouvertes laténiennes les mieux renseignées peut, pourquoi pas, trouver une explication dans la constitution d’une société mieux stratifiée, de “groupes sociaux” comme une assemblée composée des représentants de familles aristocratiques162 par exemple, dépassant le simple système du noble entouré de ses ambactes163 et de ses domestiques (ou dépendants). Ne peut-on pas y voir là le passage d’un système de royauté à un système oligarchique avec un sénat, comme cela est constaté dans certaines cités en Gaule indépendante164 ? En effet, se pose la question de l’apparition d’une nouvelle aristocratie à la fin du iie siècle et au ier s. a.C., qui fonde sa richesse sur le commerce165, ou d’institutions caractérisées par un senatus, une assemblée politique dont sont pourvues plusieurs civitates de Gaule – notamment les Vénètes (Caes., Gal., 3.16.4) – et qui se démarque et même s’oppose à la vieille classe aristocratique, d’après S. Lewuillon166. Cette opposition caractérise pour le chercheur un processus de changement politique, amorcé avant la guerre des Gaules, qui oppose un ancien système contrôlé par les aristocrates terriens (héréditaires) et une nouvelle élite qui compose des assemblées à l’échelle de la civitates ou des pagi. Le fonctionnement de ces assemblées, dont la puissance devait varier suivant les cités, semble assez proche de celui du sénat romain au début de la République comme le souligne S. Krausz, qui s’est récemment penchée sur le problème de la naissance de l’État à la Protohistoire167. On ne connait pas la composition, ni l’origine de cette classe sénatoriale, que C. Jullian considèrait comme issue de l’ancienne aristocratie (Lewuillon 1975 : 543)168. S. Lewuillon ou S. Krausz, eux, proposent une composition plus diversifiée, d’hommes “nobles ou non nobles”, comprenant outre les membres de familles aristocratiques, peut-être également des “hommes influents et enrichis, s’étant illustrés au combat ou contrôlant de grands réseaux d’échanges”169. L’origine de ce processus politique n’est pas clairement fixée mais pourrait coïncider avec la mise en place des agglomérations. D’ailleurs, M. Vaginay, réfléchissant sur le phénomène de l’émergence des agglomérations à la fin de l’âge du Fer, comprend la ville comme “un espace produit par un groupe social”, qui s’organise selon les besoins du groupe170. D’après H. Galinié, spécialiste de l’urbanisation, définir l’origine du phénomène urbain nécessite de “saisir le moment où les sociétés que nous étudions, réputées peu urbanisées, passèrent de la commande à la demande, donc de l’état de société hiérarchisée, constituée de maîtres et de dépendants, à celui de société stratifiée, constituée de groupes sociaux inter-dépendants et inter-agissants”171. L’agencement de l’agglomération de Quimper (29), qui s’organise rigoureusement autour d’une aire de circulation et de deux espaces vides, interprétés comme des places, dont les emplacements sont respectés durant toute l’occupation du site, semble avoir été préalablement réfléchie, sans toutefois que le mobilier ou l’architecture n’informe d’une quelconque hiérarchie sociale. Toutefois, l’agencement de cet habitat groupé et sa position stratégique, d’un point de vue économique, sur les rives de l’Odet indique certainement l’intervention d’une autorité. Il apparaît, en effet, peu probable que son développement ne se fasse uniquement à l’initiative d’une seule classe d’artisans.
136Dans le quart nord-ouest, il semblerait que les disparités liées aux formes de l’habitat groupé – en partie développées dans le chapitre sur les agglomérations ouvertes (cf. supra chap. II, p. 148) – ne soient, en fait, que le reflet d’une expression différente des processus sociaux à l’origine du phénomène urbain de la fin de l’âge du Fer (iiie-iie s. a.C.) en Europe celtique. Une diversification des réponses sociales et certainement politiques, qui conduisent chaque territoire à l’échelle de la civitas, du pagus ou d’entités plus petites encore telles que les fractions (Caes., Gal., 5.11), à faire leur propre expérience de l’urbanisme en fonction de leurs ressources et des pouvoirs en place.
137L’exemple de l’occupation de la basse vallée du Rhône à l’âge du Fer offre un nouvel exemple de l’évolution de la société gauloise et de ses conséquences sur l’organisation de l’habitat. L’examen de l’occupation le long de cet important axe de communication sur un temps long permet à P. Arcelin de conclure à l’existence de deux courants qui “se forment au cours du ive s. pour apparaître pleinement deux siècles tard : l’un préservant des permanences structurelles élaborées à la fin du premier âge du Fer et un autre porteur des éléments d’une lente, mais profonde mutation socioculturelle davantage orientée vers l’intégration de nouvelles valeurs”172. Effectivement, il observe que l’établissement des populations le long du fleuve facilite, dans le courant du second âge du Fer, leurs contacts avec le monde méditerranéen, permettant le développement d’une forte activité commerciale et d’un véritable réseau d’échange. Par opposition, les populations plus reculées dans les terres “paraissent développer une tendance au repli sur des valeurs rurales ‘traditionnelles’ et une structuration sociale guère différente de celle de la fin du premier âge du Fer”173. La démonstration de richesse et de puissance à Paule, notamment par la mise en œuvre d’un imposant rempart de contour, sonne comme une réponse face à l’élan économique qui fleurit, à la fin du iiie siècle et surtout à partir du iie s. a.C., au contact des grands axes fluvio-maritimes. On pourrait opposer la manifestation ostentatoire d’un pouvoir émanant d’une “volonté individuelle” à l’émergence d’un phénomène urbain, issu également d’un pouvoir, mais émanant cette fois “d’une décision collégiale”174. On peut alors se demander si le modèle de “Saint-Symphorien” n’est pas une réponse liée à l’éloignement du site par rapport à la bande littorale, à sa position très en retrait, aux confins orientaux du territoire osisme ? Cela n’enlève rien à la puissance économique et politique du propriétaire des lieux, que reflète aussi le carrefour de voies préromaines restitué au contact du domaine. Cette situation concorde d’ailleurs parfaitement avec le témoignage de César qui signale qu’“il y a un certain nombre de personnages qui ont une influence prépondérante sur le peuple, et qui, simples particuliers, sont plus puissants que les magistrats eux-mêmes” (Caes., Gal., 1.17).
Devenirs des agglomérations laténiennes
138Quoi qu’il en soit, après la Conquête romaine force est de constater que les résidences privées aristocratiques ne sont pas choisies comme lieux d’implantation des agglomérations secondaires. La plupart des habitats aristocratiques sont délaissés au changement d’ère, suggérant un déplacement des élites, qui s’accompagne certainement d’une restructuration du paysage politique. Effectivement, à partir de la fin du iiie s. a.C., la plupart des agglomérations (fortifiées ou non) sont majoritairement installées le long des principaux axes de communication fluvio-maritimes, alimentées également par un réseau routier terrestre et perdurent en grande partie après la Conquête romaine avec parfois un léger déplacement des centres, à une ou deux heure(s) de marche. On observe, en effet, une importante continuité entre les habitats groupés laténiens dits ouverts et les agglomérations secondaires romaines. Pour reprendre les précédentes conclusions, 20 habitats groupés sur 26 (fortifiés ou non, en hauteur ou en plaine), soit près de 77 %, sont à l’origine d’une ville (certaines ou supposées) à l’époque romaine, ou connaissent un léger déplacement, de moins de 5 km.
139Finalement, les habitats groupés fondés, semble-t-il, autour d’un projet économique communautaire ne sont-ils pas plus enclins au système social romain que les habitats aristocratiques ? D’après M. Tarpin qui a analysé le concept d’urbanisme chez les Romains à travers les sources antiques :
“La ville ne peut se résumer à une agglomération : elle est indissociablement liée à l’existence d’un groupe humain, lié par une sorte de contrat social, soulignant de fait que le regroupement urbain est une conséquence de la formation d’une communauté”175.
140Aussi, au changement d’ère, d’autres villes sont progressivement créées ex nihilo, notamment certaines capitales de cité telle que Vorgium (Carhaix, 29) chez les Osismes – autour de 10-20 p.C.176 –, donnant une dimension politique à la construction de la cité, comme entité administrative. Cette logique de continuité révèle un long processus social qui se met en place progressivement durant La Tène moyenne et finale. L’administration romaine tire parti d’un réseau économique mis en place dans le courant du second âge du Fer, mais participe également d’une métamorphose du jeu politique au tournant de la Conquête romaine.
141Enfin, on ne peut que souligner la correspondance entre, d’une part, la rupture observée entre l’est et l’ouest de la zone d’étude vis-à-vis de la distribution spatiale des agglomérations ouvertes et fortifiées laténiennes et, d’autre part, la création ex nihilo de capitales pour les cités occidentales en opposition avec celles de l’est dotées d’un passé laténien, ou installées sur un substrat laténien encore mal défini (dans le cas du Mans, 72) (fig. 163). La question des antécédents des villes romaines sera abordée plus loin, dans le détail, pour chaque cité étudiée, toutefois quelques remarques préliminaires peuvent être avancées.
Fig. 163. Localisation des capitales de cités à l’époque romaine en fonction de leurs antécédents (réal. J. Remy).

142La question de la naissance des capitales de cités en Gaule a récemment fait l’objet d’une synthèse réunissant plusieurs contributions qui mettent en exergue la variété des situations, entre fondations de colonie, création de villes neuves, comme à Sens capitale des Sénons, à Troyes (chez les Tricasses) ou à Saintes (chez les Santons), déplacements de centres et exemples de parfaite continuité entre l’âge du Fer et l’époque romaine comme à Bordeaux dans la cité des Bituriges Vivisques, à Reims (chez les Rèmes), à Metz (chez les Médiomatriques), à Langres (chez les Lingons) ou à Chartres dans la cité des Carnutes177. L’implication de l’Empire dans le phénomène d’urbanisation de la Gaule Chevelue ne relève certainement pas d’un mouvement unique et homogène à l’échelle de l’ensemble de la Gaule Chevelue comme l’analyse M. Reddé. On peut supposer que les décisions politiques quant au maintien du réseau urbain, à son déplacement ou sa réorganisation diffèrent suivant les situations politiques et le découpage géographique de chaque peuple avant la Conquête. Ainsi, la capitale des Osismes, Vorgium (Carhaix), constitue d’après L. Pape une création artificielle pour “fédérer étroitement des pagi quasiment autonomes à l’époque gauloise pour des raisons géographiques évidentes”178. En effet, celle-ci est créée au début de l’Empire, occupant une position centralisée vis-à-vis du découpage du littoral, qui, rappelons-le, concentre une forte densité de population179.
143Si l’on considère l’absence de substrat laténien comme une réalité et non comme un biais de la recherche, on peut alors se demander si ces villes n’ont pas pour fonction d’administrer et de fédérer des territoires, dont l’organisation politique était trop multipolaire à la fin de l’âge du Fer, ou plus simplement de rompre avec le système alors en place ?
Notes de bas de page
1 Giot, 1976a, 1976b.
2 Duval 1990, 285.
3 En témoignent l’utilisation d’un LIDAR, acquis par la DRAC Normandie, pour la détection des sites fortifiés en basse vallée de la Seine (Basset, sous presse), ou les relevés LIDAR commandés dans le cadre des fouilles préventives de Moulay en Mayenne (Le Goff 2015) ou de Mervent en Vendée (dir. O. Nillesse, INRAP).
4 Monteil 2011a, 74.
5 Leroux 1998, 31.
6 En 2009, A. Villard Le-Tiec, J. Gomez de Soto et J.-P. Bouvet proposent un bilan pour un large quart nord-ouest de la Gaule (Bretagne, Pays de la Lore et Poitou-Charente) avec l’aide d’un collectif de chercheurs (Villard Le-Tiec et al. 2011). On peut également citer l’article sur les pratiques funéraires en Bretagne, publié dans la revue L’Archéologue en 2008 (Villard Le-Tiec 2008).
7 Les découvertes d’ossements humains isolés ne sont pas prises en compte ici.
8 Villard Le-Tiec et al. 2011, 88-90.
9 Villard Le-Tiec 2008.
10 Levillayer 2006a.
11 Le Carlier de Veslud & Jouannet-Aldous 2015, 120.
12 Ibid., p. 120.
13 Cauuet 2004, 29.
14 Dalmont 2013.
15 Le Carlier de Veslud & Jouannet-Aldous 2015, 124.
16 Dalmont 2013, 71.
17 Ibid., p. 205.
18 Base de données partagée sur l’habitat rural du second âge du Fer en France mise en place par l’INRAP, sous la direction de G. Blancquaert, F. Malrain et T. Lorho : agedufer.inrap.fr.
19 Ibid., p. 174-175.
20 Menez 2008, 299.
21 Barrandon et al. 1994 ; Gruel & Haselgrove 2006, 127-129.
22 Gruel & Morin 1999, 33.
23 Ibid., p. 31.
24 Gomez de Soto 1999 ; Lewuillon 1999.
25 Aubin 1999a, 414-415 ; 2013, 27-28 ; Boudet et al. 1999, 422.
26 Burillo Mozota, 1999, 105-106.
27 Pailler 2006, 222.
28 Cauuet 1999, 66.
29 Dalmont 2013, 116.
30 Ibid., p. 209.
31 Il faut néanmoins noter la présence d’enclos à proximité des mines des Mauges, repérés par prospection aérienne par G. Leroux et s’agençant en lignes suivant une orientation identique à celle des filons aurifères (Dalmont 2013, 201, fig. 126).
32 Il faut également envisager d’autres moyens d’approvisionnement en or par le recyclage et la refonte de butins de guerre ou d’anciens numéraires, ou par l’accumulation de richesses via le mercenariat (Aubin et al. 2011).
33 Dalmont 2013, fig. 122, 204.
34 Ibid.
35 Pailler 2006, 224-225.
36 Dalmont Ibid., p. 222.
37 Cabboi et al. 2007 ; Langlois 2015.
38 Bouvet 2001, 170.
39 Cabboi et al. 2007, 60.
40 Berranger 2014, 800.
41 Vivet 2007.
42 En 2007, on recensait 320 sites paléosidérurgiques de l’âge du Fer en Bretagne (Vivet 2007, 65).
43 Le Carlier de Veslud & Jouannet-Aldous 2015, 131-134.
44 J.-B. Vivet précise qu’au moins 130 sites sont connus pour cette zone dont une majorité peut être attribuée à l’âge du Fer, d’après les fouilles et les analyses radiocarbones réalisées dans le cadre de l’UMR 6566 de Rennes (Vivet ibid.).
45 Vivet 2007, 83.
46 Sarreste 2011, 132-133, fig. 96-97.
47 Ibid., p. 152-154.
48 Ibid., p. 154.
49 Cabboi et al. 2007, 60.
50 Ramin 1965 ; Jannot 1977.
51 Cunliffe 1993, 62.
52 Les fouilles du port de Hengistbury Head ont livré de l’étain provenant de la région de Cornouaille, probablement destiné à l’exportation (Cunliffe & Jersey 1997, 53).
53 On peut évoquer les dépôts de haches à douille en bronze fabriquées et principalement stockées en Bretagne et en Normandie, également retrouvées sur la côte sud de l’île de Bretagne, à Portland, Mount Batten ou Hengistbury (Cunliffe 1993, 167). Pour la période romaine (entre le iie et le ive siècle), les échanges d’étain entre la Gaule et la Britannia sont avérés depuis peu par la découverte d’une importante cargaison de lingots d’étain, au large de Roscoff (29), fouillée depuis 2015 par le DRASSM (L’Hour & Veyrat 2016, 31).
54 Le minerai d’étain est présent sous la forme de gisements primaires, où la cassitérite est liée à la présence de magma qui donne naissance aux granites à mica blanc et sous la forme de gisements secondaires, dans des alluvions liées à l’érosion de ces roches.
55 Le Carlier de Veslud & Jouannet-Aldous 2015, 125.
56 Ibid., p. 126.
57 Domergue 2007, 29.
58 Domergue et al. 2006, 152-155 ; Pailler 2006 ; Lewuillon 2004.
59 On peut citer les travaux précurseurs de P. Gouletquer qui soutient une thèse sur le sujet en 1970 (Gouletquer 1970). M.‑Y. Daire est à l’initiative de plusieurs fouilles en Bretagne, notamment sur l’île d’Yoc’h et de plusieurs synthèses sur le sel (citées tout au long du texte). On peut également évoquer les fouilles pratiquées par N. Rouzeau en Pays de la Loire, à Brétignolles-sur-Mer (85) ou à Piriac (44) par exemple (Rouzeau 1986 ; 1999), mais également le travail des prospecteurs tels que M. Tessier dans le Pays de Retz (Tessier 1980), ou J. Lejards dans le Morbihan à partir de 1962 (Lejards 1962 ; 1968).
60 Daire 2008.
61 Daire 2003, 47, fig. 176.
62 Lors de la publication du colloque de l’AFEAF de Montpellier, M.-Y. Daire recensait 110 sites producteurs sur le littoral breton, principalement datés des trois derniers siècles avant notre ère (Daire et al. 2015, 157).
63 Ibid., p. 130.
64 Ibid., p. 124.
65 Ibid., p. 127-128.
66 Ibid., p. 115.
67 Pour rappel, une production de sel a été mise en évidence sur le site de Goulvars (fouilles de J. Hyvert : cf. supra chap. II, p. 158, annexe 3).
68 Driard 2011, 446.
69 Daire 1999, 204-205.
70 L’une des citations les plus évocatrices est tirée de Strabon : “Ils [les peuples gaulois] sont si riches en ovins et porcins qu’ils fournissent à profusion de leurs sayons et de leurs salaisons non seulement les marchés de Rome, mais aussi la plupart de ceux d’Italie” (Str. 4.4.3).
71 Driard 2011, 394.
72 Barral 2011b, 208.
73 Robert 2006, 12.
74 Bouet & Tassaux 2005, 271 ; Ferdière 2011 ; Kasprzyk & Nouvel 2011 ; Monteil 2012, 317.
75 Barral et al. 2002, 271-272 ; Gruat & Izac-Imbert 2002, 83 ; Guillaumet 2010.
76 Meuret 1993, 199-227.
77 Poilpré 2009.
78 Monteil 2012 ; Batardy et al. 2013, 151-160.
79 Monteil 2012, 317.
80 Chouquer et al. 1996, 202.
81 Maguer 2000, 61-63 et 229-232.
82 Port 1878.
83 Gabillaud 1908, 25 ; Desmazières 1911, 29.
84 Meuret 1993, 204.
85 Guillier 2006, 21.
86 Nouvel & Kasprzyk 2011.
87 Daré 2009, 342.
88 Pirault 2003 ; Doyen 2012.
89 Barral et al. 2002, 272.
90 Naveau 1997a, 57.
91 Le Goff 2015, vol. 1, 27-30 ; Le Goff & Moreau 2012, 152, fig. 2.
92 Par exemple : Barral et al. 2002, 274 ; Féliu 2008, 238, 240, 241-242.
93 Provost 1988b, 33.
94 L’exercice a également été réalisé sans tenir compte de l’existence d’un éventuel aménagement anthropique tel que le rempart. Dans ce cas, la hauteur retenue était celle de l’observateur installé sur le point culminant de chaque site. Les résultats obtenus sont sensiblement identiques. Par ailleurs, aucune trace de tour n’ayant été découverte sur l’un de ces sites, il aurait été trop hasardeux d’envisager cette possibilité.
95 Le choix de cette distance s’appuie sur les travaux effectués par L. Nuninger sur le peuplement protohistorique du Languedoc oriental. Elle définit un rayon de 10 km de visibilité, depuis le point le plus haut d’un oppidum, correspondant à la “capacité sélective [de l’oeil humain] en fonction de l’observateur dont l’objectif est de percevoir les limites de son territoire” (Nuninger 2002, 141). Cette estimation, qui se base sur l’analyse de clichés panoramiques pris depuis le point d’observation voulu, correspond à l’objectif ici fixé, qui consiste à estimer la distance à laquelle un homme est capable de repérer des mouvements sur les routes, ou de voir approcher une embarcation en mer ou sur un cours d’eau.
96 Modèle numérique de terrain fourni par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
97 Menez 2008, 538, fig. 515.
98 À ce propos, rappelons que César déclare que les Vénètes possèdent une “flotte qui fait le trafic avec la Bretagne” (Caes., Gal., 3.7).
99 Belle Île abrite au moins deux autres éperons barrés non datés : “Por-Puns” sur la côte nord-ouest et “Port-Gwen” au sud (Le Bihan & Guillaumet 2010, 238, fig. 3).
100 Daire et al. 2015, 160.
101 Le Bihan & Guillaumet 2010, 238, 240.
102 Menez 2008, 399-400.
103 Sarreste 2011, 136, fig. 100.
104 Naveau 1997b, 50, 61, fig. 18 ; Sarreste 2011, 168, fig. 120.
105 Ibid., p. 146.
106 Ibid.
107 Dalmont 2013, 203-204.
108 Lorho & Monteil 2013, 350.
109 À l’exclusion des zones du sud de la Loire qui devaient être rattachées au peuple des Ambiliates (cf. supra chap. I, p. 32).
110 Si l’on élargit la chronologie à l’ensemble de l’âge du Fer, ce phénomène est encore plus significatif (Langouët 2008, 4 ; Menez 2008, vol. 2, 538, fig. 515).
111 Ibid., p. 351.
112 Driard 2011, 389-390, fig. 63.
113 Daire et al. 205, 146.
114 On peut citer les activités de l’AMARAI (Association Manche Atlantique pour la Recherche Archéologique dans les îles), le projet ALeRT ou le projet européen Arch-Manche.
115 Ibid., p. 143.
116 Ibid., p. 144.
117 Bairoch 1985 ; Barral et al. 2002, 271-272.
118 Aubin 1999b, 94 ; Gruel & Haselgrove 2006, 127.
119 Gruel & Morin 1999, 31.
120 Gruel 2002, 205 ; Gruel et al. 2011, 248.
121 La navigation le long des côtes de l’Atlantique depuis le Néolithique n’est plus à démontrer. Pour la Préhistoire, ce sont des représentations de bateaux sur un orthostat de l’allée couverte de Mané-Lud à Locmariaquer qui en témoigne (L’Helgouac’h 1998). Les pierres de mouillages (premières ancres en pierre) découvertes sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique jusqu’à l’embouchure de la Loire, attribuées à l’âge du Bronze offrent un témoignage pour la Protohistoire (Langouët et al. 1999a ; 1999b ; 2001). Les nombreux restes de pirogues monoxyles (dont certaines sont datées de l’âge du Bronze, du Hallstatt et de La Tène ancienne), retrouvés lors du curage de la rivière Brivet, dernier affluent de la Loire qui se jettent près de son embouchure, sont eux des témoignages d’une navigation possible sur la Loire et certains de ses affluents (Devals 2008).
122 Santrot 1999, 71-72.
123 Cunliffe & Galliou 2015, 67-70.
124 Le Bihan & Guillaumet 2010, 252, fig. 15.
125 Daire et al. 2015, 162, fig. 11.
126 Cunliffe & Jersey 1997.
127 La thèse d’A. Lefort (soutenue en octobre 2015) a mis en évidence les échanges matériels et culturels entre la Normandie et la Bretagne insulaire à la fin de l’âge du Fer (Lefort 2008 ; 2011). Les recherches et les fouilles pratiquées sur le site d’Urville-Nacqueville suggèrent la présence d’une agglomération portuaire de La Tène finale, qui a livré les indices d’une importante activité commerciale et maritime (Lefort et al. 2015).
128 Quebriac 1996, 6.
129 Quelques pièces d’origine italique ou grecque, principalement datées du vie et du ve s. a.C., retrouvées le long de la Loire ou de ses affluents ou sous-affluents corroborent les sources. Ils ont été découverts à Cordemais, Donges, Nantes (44), Sainte-Gemme-sur-Loire (49), ou Thorigné-en-Charny (53) sur le cours de l’Erve à quelques kilomètres de l’éperon de Sainte-Suzanne (Gomez de Soto & Pautreau 2013, 465-466). Ce dernier exemple qui associe des statuettes datées du tout début du vie siècle et une situle du ier siècle renforce l’idée selon laquelle l’éperon de Sainte-Suzanne contrôlait un axe commercial (cf. supra chap. III, p. 264).
130 Le rôle économique de Corbilo dans le transport de l’étain, en provenance de la Bretagne insulaire ou de la “péninsule armoricaine”, a stimulé un débat basé sur l’analyse des sources anciennes (Corrard 1984 ; Ramin 1975 ; Hiernard 1982).
131 Ménanteau & Mouchard 2004.
132 Provost 1993.
133 Malrain et al. 2013, 230.
134 La fondation de ces établissements peut remonter dès le iiie s. a.C. mais ils subissent le plus souvent une restructuration et une extension dans le courant du siècle suivant (Menez & Lorho 2013, 178).
135 Maguer & Lusson 2009, 449.
136 Le Goff 2013, 214.
137 Zech-Matterne et al. 2013, 399-400.
138 Ces études ont été réalisées par E. Neveu dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur L’évolution des agricultures dans le nord-ouest de la France de l’âge du Bronze à l’époque gallo-romaine (dir. S. Cassen, Université de Nantes).
139 Neveu 2017, 400.
140 Fichtl 2013a ; Krausz 2013 ; Clerc 2014 ; Garcia 2013.
141 Menez 2008, 516.
142 Bairoch 1993, 3.
143 Leboutte 1993, 1.
144 Brun 1999.
145 Ibid., p. 41.
146 Garcia ibid., p. 193.
147 Archaeomedes 1998, 249.
148 Menez 2016 ; Buchsenschutz & Ralston 2012, 356 ; Gruel & Lejars 2015a, 356.
149 Verger 2009, 74.
150 Brun 2007, 383.
151 Menez 2008.
152 La domus PC1 dans le secteur du Parc aux Chevaux construite dès le milieu du ier s. a.C. témoigne de la présence d’un aristocrate sur l’oppidum. Néanmoins, l’architecture des premiers états qui précède la construction de la domus ne révèle aucun statut social particulier du propriétaire dans les premiers temps. Ce qui conduit A.-M. Adam et S. Fichtl à se demander si la présence des aristocrates dans les oppida ne s’est pas affirmée après la conquête [...] en même temps que se développe l’administration des civitates où les villes prennent une place plus importante (Adam & Fichtl 2014, 52).
153 Kaenel 2006, 35 ; Adam & Fichtl 2014, 51-56 ; Paunier et al. 2002, 272.
154 Buchsenschutz & Ralston 2012.
155 Ibid., p. 360.
156 Vaginay 2012, 378.
157 Kaenel 2006, 35.
158 Adam & Fichtl 2014, 52.
159 La morphologie du rempart, dont l’architecture a pu être observée à l’occasion du nettoyage d’une coupe stratigraphique, rappelle celle des remparts de la fin de l’âge du Fer, mais cela reste à démontrer en l’absence de mobilier datant.
160 Buchsenschutz & Ralston 2012, 360.
161 On peut alors encore suggérer, non pas une concurrence entre les deux sites mais une forme de hiérarchie entre deux pôles dirigés par des autorités différentes. Cette situation présente quelques points de comparaison avec l’origine de Tolosa, capitale de cité tolosate qui pourrait s’être constituée de la réunion de deux agglomérations fortifiées (Vieille-Toulouse et Ancely) et d’un habitat groupé de plaine (quartier Saint-Roch à Toulouse) qui émergent simultanéement à la fin du iiie s. a.C. (Gardes & Vaginay 2009).
162 K. Gruel et T. Lejars rappellent que la vie politique des peuples celtes (à la fin de l’âge du Fer) s’organise autour de deux assemblées principales : le sénat composé des représentants des familles aristocratiques et une assemblée populaire qui implique l’ensemble du peuple, seulement convoquée lors d’évènements exceptionnels, en contexte de guerre ou de migration par exemple (Gruel & Lejars 2015, 356).
163 On trouve une définition claire du statut de l’ambactes dans la dernière édition de L’Europe celtique à l’âge du Fer (Gruel & Lejars 2015b, 283).
164 Gruel & Lejars 2015b, 285-286.
165 Le texte de César renseigne sur l’aristocrate éduen Dumnorix, “l’un des personnages les plus influents” de Gaule, qui tirait sa richesse, non pas de l’exploitation des terres agricoles, mais du contrôle des péages et du prélèvement d’impôts de la cité éduenne (Fichtl 2014).
166 Lewuillon 1975, 542.
167 Krausz 2016, 312.
168 M. Vaginay le rejoint un peu lorsqu’il émet l’idée d’une possible “reconversion de lignées aristocratiques foncières dans ces domaines désormais lucratifs de l’artisanat et du commerce” qui conduit à la création des agglomérations ouvertes (Vaginay 2012, 378).
169 Krausz 2016, 319.
170 Vaginay 2012, 371.
171 Galinié 2009, 204.
172 Arcelin 2004, 242.
173 Ibid., p. 241.
174 Ces expressions sont reprises de P. Arcelin : “L’étape proto-urbaine n’est donc pas seulement celle de l’amorce de la seule dynamique économique et de ses prolongements commerciaux liés à une position privilégiée ou à un rassemblement humain conséquent et productif. [...] Elle reflète aussi l’émergence des notions de privé et de public qui mettent en valeur les caractères ostentatoires d’un pouvoir politique résidant, que ces marques soient issues d’une volonté individuelle ou d’une décision collégiale” (Ibid., p. 226).
175 Tarpin 2000, 28.
176 Galliou 1987, 13.
177 Reddé 2015, 3.
178 Pape 1978, 60.
179 Eveillard 2002, 60-61.
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