Formes, fonctions et hiérarchie des sites 2/2
p. 125-230
Texte intégral
Les habitats groupés ouverts
Urbanisation à l’âge du Fer : une histoire de la recherche
1L’idée de l’existence de centres urbains à l’âge du Fer s’est imposée seulement au début du xxe siècle grâce aux travaux menés par J. Déchelette. En effet, la recherche sur les oppida celtiques se développe en Europe dans le courant du xixe siècle avec d’importants programmes de fouilles archéologiques. En France, ils sont en grande partie impulsés par Napoléon III (Alésia, Gergovie, Bibracte), en quête des lieux évoqués par Jules César dans son récit de La Guerre des Gaule. J. Déchelette, qui conduit des fouilles sur le Mont-Beuvray dès la fin du xixe siècle, est le premier, par ses recherches, à faire le rapprochement entre ce vaste site fortifié et les autres oppida d’Europe, qu’il assimile à de véritables villes gauloises1. À ce propos, V. Salač propose un convaincant retour en arrière sur l’histoire de la recherche sur les oppida expliquant comment la découverte de sites exceptionnels et la cristallisation des recherches sur ce type de site en Europe centrale (en dépit des habitats ouverts) a permis de rapidement les élever au rang des plus anciennes villes du nord des Alpes2. Néanmoins, S. Fichtl montre combien cette idée a eu du mal à s’imposer malgré les nombreux travaux entrepris sur différents sites européens tout au long du xxe siècle3.
2En 1978, la discussion de clôture du colloque de Châteauroux illustre assez bien une période de tâtonnement durant laquelle les chercheurs s’interrogent sur la place des oppida dans la société gauloise et sur leurs conditions d’émergence4. Dans un tel contexte, où la question du fait urbain n’est pas tellement au centre des discussions, on perçoit néanmoins une certaine réserve à accepter la notion de “ville celtique”. Ainsi, d’après A. Duval, “l’oppidum est parfois organisé selon un modèle pré-urbain”5, tandis que pour O. Buchsenschutz, la réunion et l’organisation d’une importante masse d’habitations “préfigurent déjà le phénomène urbain”6. D’ailleurs, en 1980, à la question “y a-t-il une ville protohistorique ?”, C. Goudineau répond que les données de l’archéologie ne permettent pas encore de l’affirmer, concédant, au mieux, “des formes d’urbanisation embryonnaires, plus ou moins développées”7. Les divergences qu’il observe alors entre les modèles de “Gaule méridionale” et de “Gaule intérieure” sont révélatrices des réticences à considérer l’oppidum comme un phénomène urbanistique. En effet, on s’aperçoit que les débats sont souvent construits autour d’une opposition, ou au contraire d’un parallèle, entre les civilisations celtiques et gréco-romaines, du fait certainement de la survivance d’une longue tradition de recherche sur l’urbanisme grec et romain en France. Ce constat trouve probablement une explication dans l’histoire de la discipline protohistorique, qui s’est imposée, non sans difficultés – pas avant le milieu du xxe siècle – comme l’a démontré P. Boissinot8. En effet, la période protohistorique telle qu’on la définit aujourd’hui, a d’abord été intégrée aux temps pré-historiques (durant le xixe siècle) et donc traitée séparément de l’Antiquité. Sans reprendre l’ensemble de sa démonstration, cette situation est bien illustrée par les travaux de R. Lantier, l’une des principales figures de l’archéologie française de l’entre-deux-guerres, qui publie en 1934 un article sur Un siècle d’archéologie protohistorique, y intégrant la période du Néolithique9. Il évoque une “scission du bloc “Antiquités nationales” entre la fin du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle, perceptible à travers les écrits de S. Reinach (1898 et 1930-1931), d’A. Grenier (1931) ou de l’abbé H. Breuil. “Il est révélateur que cette discipline soit définie dans un dictionnaire de Préhistoire et ignorée dans un autre consacré à l’Antiquité” souligne P. Boissinot alors qu’il compare le Dictionnaire de Préhistoire d’A. Leroi-Gourhan (1988) au Dictionnaire de l’Antiquité de J. Leclant, publié en 200510. La Protohistoire s’est donc construite dans les pas de la Préhistoire et non de l’Antiquité, ce qui peut – en partie – expliquer pourquoi les protohistoriens ont eu du mal à s’approprier le terme d’“urbain”, d’abord réservé aux périodes classiques.
3Le début des années 2000 marque une certaine évolution dans l’appréhension de ces questions d’urbanisation, qui s’amorce même dès les années 1980, avec la publication d’ouvrages qui évoquent délibérément le caractère urbain des oppida11. Ce nécessaire changement est problématisé, en 2003, par O. Buchsenschutz qui déclare que la Protohistoire :
“est toujours considérée non pas en elle-même, mais en comparaison avec d’autres sociétés. Tantôt on insiste sur les critères qui permettent de rapprocher les Celtes des cultures classiques (ce ne sont plus tout à fait des cultures barbares), tantôt on les fait entrer dans un stade bien défini de l’évolution de l’humanité (la chefferie ou le stade pré-étatique), comme si toutes les sociétés devaient passer par les mêmes stades”12.
4Cette remise en question est également le parti pris d’autres protohistoriens, comme en témoigne la contribution de P. Brun, de M. Chartier et de P. Pion dans les actes du colloque de Bibracte, organisé en 1998, portant sur l’occupation de la vallée de l’Aisne. Les auteurs s’accordent alors déjà sur l’importance de se démarquer des modèles antiques et médiévaux pour évoquer la question de l’urbanisation à la fin de l’âge du Fer13. En effet, cette confrontation entre civilisations celte et romaine fait progressivement naître l’idée selon laquelle le modèle urbanistique gaulois ne doit pas être pensé comme une simple réplique de pratiques romaines plus abouties14.
5Cette avancée idéologique va de pair avec la mise en évidence d’un autre type d’habitat groupé, établis en plaine (cf. infra chap. II, p. 129). L’important renouvellement des données de terrain qui s’opère au cours des quinze dernières années permet, en effet, de repenser progressivement les formes qu’empruntent les modèles d’urbanisation de la fin de l’âge du Fer. Dorénavant, ils ne se cantonnent plus aux seuls oppida, longtemps reconnus comme les premières villes du nord des Alpes, comme le seul modèle d’urbanisme celte ayant précédé l’émergence des villes romaines15. Dès les années 1990, les deux types d’agglomérations, ouvertes (vici) et fortifiées (oppida), sont prises en compte dans le processus d’urbanisation16.
6La contribution de G. Kaenel à la table ronde de Cambridge illustre parfaitement une période de transition de la recherche, marquée par l’intégration progressive des agglomérations ouvertes dans le discours sur l’urbanisation de la fin de La Tène17. Par voie de conséquence et dès le début des années 2000, la place de l’oppidum dans la société gauloise se voit remise en question par certains protohistoriens. Ainsi, la première synthèse portant sur les agglomérations ouvertes de Gaule centrale à la fin de l’âge du Fer, souligne le lien étroit entre l’implantation de ce type d’habitats et le développement postérieur des villes romaines. Le rôle des oppida est alors jugé comme seulement secondaire dans ce processus18. On pourra retenir, pour preuve de cette évolution des pensées, la discussion menée entre C. Goudineau et J.-L. Huot, introduite selon ces termes :
“La perception des nouveaux rôles ou statuts de certaines agglomérations protohistoriques est l’une des grandes avancées de ces vingt dernières années. Cela s’est fait grâce au renouvellement des techniques de fouilles, certes, mais surtout grâce à un changement d’axe de réflexion sur ce qui fait qu’une ville est ville”19.
7Cette diversité des formes d’urbanisation à l’âge du Fer semble aujourd’hui bien acceptée par la communauté des protohistoriens20. À titre d’exemple, en 2012, P. Pion s’est attaché à montrer “la pluralité des modes de centralité et de regroupement possible” qu’il désigne comme “le trait le plus caractéristique de l’urbanisation” de La Tène finale21. L’évolution des débats sur la perception de l’urbanisation au second âge du Fer a récemment été exposée par S. Fichtl, dans une synthèse où la diversité des formes et des fonctions des agglomérations gauloises est placée au centre de son discours22.
8Dans une dynamique nouvelle et à la lumière des données archéologiques sur les agglomérations ouvertes, qui ne cessent de progresser, certains chercheurs sont aujourd’hui amenés à reconsidérer l’important rôle, jusque-là accordé à l’oppidum, dans le cycle urbanistique du second âge du Fer. Ce type de site se développe tardivement – à partir de 150 a.C. au plus tôt, voire pas avant 100 a.C. (cf. infra chap. II, p. 129) – à l’issue d’un processus d’urbanisation complexe qui traduit des changements sociétaux profonds, en germe dès le ive siècle23. La question qui demeure et qui divise encore les protohistoriens est celle du rôle des oppida dans ce cycle urbanistique. Pour reprendre les questionnements de G. Pierrevelcin : “l’oppidum doit-il être envisagé comme l’expression de l’apogée d’une longue évolution urbanistique ou au contraire comme celle de son déclin, c’est-à-dire comme le résultat d’une nouvelle forme urbaine avortée ?”24. Actuellement, les recherches menées en Europe centrale ont tendance à minimiser le rôle des oppida dans ce cycle étant donné le caractère éphémère de la majorité des oppida de ces régions, puisqu’ils disparaissent au plus tard dans la seconde moitié du ier s. a.C.25. Comme le rappelle S. Fichtl, cette proposition doit toutefois être nuancée par le nombre de sites qui perdurent sous la forme de ville à l’époque romaine en Gaule26. Pour exemple, en 2012, à l’occasion d’un bilan réalisé sur le centre-est de la Gaule, P. Nouvel et P. Barral notaient des disparités régionales. En effet, les exemples étudiés chez les Sénons attestent d’une permanence des agglomérations de plaine, associées à des oppida de hauteur assez éphémères, tandis que chez les Lingons, une continuité de l’occupation a pu être mise en évidence entre l’oppidum et l’agglomération romaine27. Ces contradictions reflètent visiblement de réelles diversités régionales en Europe celtique.
9Enfin, il faut rappeler que le point de vue des géographes et des sociologues sur la question de l’urbanisation, qu’ils n’abordent pas seulement à travers le spectre de l’organisation interne, a permis de faire évoluer la vision traditionnelle de l’historien et de l’archéologue, c’est-à-dire celle d’un phénomène importé du monde méditerranéen et restreint à l’oppidum. Selon le géographe, la ville “est multiforme par sa situation, par sa taille, par son architecture, par son organisation interne, par son rôle dans la vie régionale ou nationale, de même que le rôle de la ville peut être variable en fonction de sa taille, de ses équipements, de sa richesse, de son pouvoir”28. C’est dans ce sens que P. Brun, M. Chartier et P. Pion proposent dès 2000, de redéfinir les termes de ville et d’urbain, empruntant aux géographes leur définition “plus opératoire pour des champs chrono-culturels variés et, en particulier, éloignés de l’archétype européen actuel”29.
10Toutefois, si le terme d’urbanisation est aujourd’hui largement utilisé par les chercheurs, celui de “ville” reste plus discuté et tend à être rapproché des représentations que l’on se fait des villes antiques et médiévales30. Le terme choisi de “proto-urbanisation” à l’annonce du 34e colloque de l’AFEAF, en 2010, alimente cette ambiguïté qui est d’ailleurs contestée à travers plusieurs contributions : “L’urbanisation découle dans notre esprit d’une volonté politique délibérée : dans ce sens on ne peut pas parler de proto-urbanisation”31. Par conséquent afin d’évaluer le plus objectivement possible les formes de centralisation des populations à la fin de l’âge du Fer dans le quart nord-ouest de la Gaule, deux formules relativement neutres seront employées ici : celle d’habitats groupés/agglomérés et celle d’agglomération. Ce dernier terme doit être compris comme un rassemblement, un regroupement d’habitats, c’est-à-dire le résultat de l’action de s’agglomérer.
Caractériser les habitats groupés/agglomérés ouverts
11Voyons maintenant, à travers la recherche archéologique, les caractéristiques qui se dégagent de ces habitats agglomérés de la fin de l’âge du Fer. Sans prétendre remonter à l’origine des premiers travaux dirigés sur les habitats groupés laténiens, il semble qu’une dynamique émerge au cours des décennies 1970 et 1980 avec la découverte d’une dizaine de sites classés au rang de village, au nombre desquels on mentionnera Bâle-Gasfabrik (Suisse), Aulnat (63) et Levroux (36), mais également l’agglomération andécave des “Pichelots” aux Alleuds (49). Bien que la découverte de cette dernière remonte à la fin des années 1950/début des années 1960, la fouille ne débute réellement qu’au début des années 1970.
12Des spécificités propres à ces sites, les distinguant des habitats isolés ou “fermes indigènes”, sont dès lors mises en évidence avec, en premier lieu, un rôle commercial et économique que révèlent “en proportions variables selon les sites, des manifestations de la production artisanale et du commerce à longue distance”32. Par la suite, les fouilles et les études de cas vont se multiplier : Feurs et Roanne (42), Acy-Romance (08), Besançon et Mandeure (25). Du fait de la localisation de ces sites de référence, le phénomène d’émergence des agglomérations gauloises, dans le courant du iie s. a.C., a longtemps été circonscrit au Centre et au Centre-Est de la Gaule, c’est-à-dire principalement dans les plaines de la Saône et du Doubs, le bassin supérieur de la Loire et le long du Rhin. Depuis 2000, ces études ont donné lieu à des synthèses régionales, qui révèlent progressivement les caractéristiques qui définissent ces agglomérations laténiennes (cf. infra).
13En 2000, dans le cadre d’un premier bilan réalisé sur le Centre et le Centre-Est de la Gaule – qui regroupe le plus large corpus de ce type de sites – J. Collis, S. Krausz et V. Guichard rassemblent ainsi les données de onze centres dispersés sur les territoires biturige, carnute, ségusiave et arverne, aboutissant à des conclusions généralisées à l’ensemble du corpus. D’après leurs observations, ces agglomérations apparaissent dès la première moitié du iie s. a.C. (à La Tène C2), avant l’émergence des oppida. Elles peuvent être définies par une importante activité économique qui va de pair avec le développement de l’artisanat – qui prend alors le dessus sur l’activité agricole –, les importations lointaines et la présence de monnaies. Leur organisation interne se matérialise par une forte densité de structures fossoyées et une sédimentation rapide qui suggère “un rythme intense de reconstructions”33. Les chercheurs soulignent alors le rôle essentiel du réseau viaire dans le fonctionnement de ces habitats et placent la désaffectation de ces agglomérations de plaine dans le courant du ier s. a.C.
14Simultanément et pour le territoire éduen, P. Barral et J.-P. Guillaumet dressent un bilan plus contrasté qui répond, avant tout, à une évolution chronologique de ces habitats34. Ils distinguent les hameaux ou “habitats groupés de faible importance” qui se développent dans le courant de La Tène D1 (seconde moitié du iie siècle et début du ier s. a.C.) et qui regroupent des activités artisanales et économiques (échanges). Ils constatent que peu de ces sites perdurent à La Tène D2. Parallèlement, d’autres sites beaucoup plus imposants, qu’ils qualifient d’“oppida de plaine”, émergent durant La Tène D1, voire parfois plus précocement, dès le iiie ou même dès le ive siècle dans le cas de Verdun-sur-le-Doubs (71). L’importance des deux exemples évoqués (Verdun-sur-le-Doubs et Chalon) est mesurée par leurs qualités de “pôles attractifs d’activité économique et de peuplement”35. Enfin, La Tène D2 voit l’émergence de nouvelles agglomérations qui, elles, perdurent majoritairement à l’époque romaine. Ils précisent que ces sites sont moins bien appréhendés en raison de la difficulté d’accéder aux vestiges gaulois, recouverts par les niveaux postérieurs. Il ressort de cette étude une certaine diversité d’habitats groupés laténiens, traduisant principalement une évolution chronologique, mais également des niveaux hiérarchiques au sein de l’habitat éduen. Cette approche est complétée en 2003 par P. Barral, qui intègre à l’analyse les territoires séquane et lingon, lui permettant d’aboutir à des constats similaires36.
15Par la suite, C. Féliu propose la première synthèse pour les cités des Leuques et des Médiomatriques37. Ses conclusions sont principalement d’ordre chronologique, puisqu’il constate une apparition des habitats groupés ouverts au plus tôt dans le deuxième tiers du iie s. a.C. (à la transition de La Tène C2/La Tène D1), c’est-à-dire à une date plus tardive que les premières créations de la vallée de la Saône, qui voient le jour dès le début du iie s. a.C.38. De plus, les sites apparus à une phase plus récente, à La Tène D2, sont plus nombreux que ceux fondés plus anciennement. L’état de la recherche ne permet alors pas à C. Féliu d’établir “une éventuelle différenciation hiérarchique ou fonctionnelle”39.
16Fort de cette nouvelle synthèse, en 2011, l’évolution chronologique des agglomérations de l’Est de la Gaule est à nouveau précisée, à l’occasion de la parution d’un volume consacré aux Aspects de la Romanisation dans l’Est de la Gaule. Dans cette contribution, P. Barral souligne l’importance de la phase de transition des iie et ier s. a.C., marquée par “plusieurs ruptures” dans ces régions – qui recouvrent les territoires des Leuques, des Médiomatriques, des Lingons et des Éduens. Ces ruptures correspondent, d’une part, à l’abandon de “toute une série de sites d’habitats groupés ouverts” et, d’autre part, au développement de nouveaux sites agglomérés qui, pour certains, sont fortifiés (les oppida). Cette période charnière peut désormais être placée autour de 100 a.C.40. Le renouvellement de la documentation41 tend également à complexifier les schémas précédemment proposés quant à l’évolution des agglomérations laténiennes :
“L’un des acquis importants des recherches récentes réside dans la mise en évidence d’évolutions complexes des agglomérations, à l’échelle du site (maintien sur place avec changement de statut) ou du pôle de peuplement (déplacement de l’habitat à l’intérieur d’un territoire restreint, avec ou sans changement de statut)”42.
17Si l’histoire de la recherche offre les plus nombreux exemples en Centre et Centre-Est de la Gaule, l’archéologie montre aujourd’hui que ce n’est pas un phénomène absent de la frange occidentale. Toutefois, les découvertes s’avèrent plus rares sur les territoires limitrophes de notre zone d’étude.
18L’agglomération de plaine de “Clocheville” (37) chez les Turons, découverte en 200143, est le seul exemple pour la cité des Turons qui se dégage clairement du bilan proposé par J.-M. Laruaz, dans le cadre de sa thèse de doctorat44. Mais là encore, cette absence pourrait résulter d’un état de la recherche, puisque la mise en évidence d’occupations lors d’opérations ponctuelles et réduites, en contexte urbain à Chinon (37)45, ou “rue des Moissons” à Arverdon (41)46 suggère l’existence d’agglomérations antérieures à l’époque romaine. Pour l’heure, si ces vestiges apparaissent particulièrement tardifs (courant du ier s. a.C.), il est probable que ces datations soient amenées à évoluer au vu de la nature de ces interventions. Chez les Carnutes, une agglomération artisanale, datée de La Tène C1 à La Tène D1b, a été identifiée sous la ville actuelle47. Quant à la récente synthèse réalisée sur l’âge du Fer en Normandie, elle ne révèle qu’un seul potentiel habitat groupé de plaine de La Tène D1, celui de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe (14) qui correspond à un site enclos de 5 ha48. À ce dernier, il faut ajouter l’habitat groupé littoral d’Urville-Nacqueville (50) pour lequel l’activité artisanale et commerciale a été largement démontrée ces dernières années49 et l’agglomération romaine de Pîtres, dont les antécédents laténiens peuvent être mis en relation avec la nécropole de “La Remise” fréquentée entre La Tène D1 et le ive s. p.C50.
19Sur la base de ce tour d’horizon, quelques critères discriminants peuvent être retenus pour l’identification des habitats groupés ouverts laténiens :
La densité des vestiges, c’est-à-dire des structures excavées en grand nombre, est reconnue en plan. Celle-ci témoigne de constructions qui se développent, évoluent et connaissent des modifications dans un espace circonscrit et limité (par des axes de circulations tels que des rues, par exemple).
Ces sites s’étendent sur une superficie souvent de plus de 5 ha à 10 ha et jusqu’à 25 ha.
Ils sont caractérisés par des activités commerciales qui se manifestent à travers la diversité de l’artisanat (ou du développement d’un artisanat en particulier) et des importations, ainsi que par la bonne représentation des monnaies.
20Toutefois, ces critères économiques ne suffisent pas à refléter la diversité des cas observés pour la zone géographique concernée. Ces agglomérations ouvertes ne se démarquent pas toujours par leur production artisanale, mais parfois davantage par la relation qu’elles entretiennent avec le monde rural. À ce propos, il n’est pas inintéressant de rappeler l’exemple bien connu d’Acy-Romance (08) qui n’a pas toujours été envisagé comme une agglomération du fait de son caractère agricole et de l’absence d’activité artisanale. L’organisation de cette agglomération, qui couvre une vingtaine d’hectares, a été progressivement dévoilée par les fouilles programmées conduites depuis 1988 par B. Lambot. Si elle est aujourd’hui l’un des habitats des plus exhaustivement fouillés en Gaule, elle a d’abord été interprétée comme un établissement rural, puis comme un hameau et un village51. Il est aujourd’hui admis qu’elle présente une organisation urbaine rigoureuse, dont le plan préétabli est centré autour d’un complexe religieux52. L’habitat y est réparti suivant trois quartiers réservés à différents groupes sociaux qui vivaient d’une économie principalement fondée sur l’élevage et l’agriculture.
21Il faut donc garder à l’esprit qu’il existe à La Tène moyenne et finale, des habitats groupés ouverts à vocation à la fois agricole et artisanale.
État de la recherche dans le nord-ouest de la Gaule
22La question des habitats groupés présents dans le quart nord-ouest de la Gaule souffre de l’absence de synthèse et pour cause l’ensemble des huit territoires abordés ne compte que quatorze agglomérations, dont quatre seulement sont avérées par des fouilles suffisamment extensives (fig. 65). Les autres correspondent à des indices de sites issus de prospections, de fouilles anciennes, des témoins plus ou moins probants précédant souvent le développement d’une agglomération romaine. À ce propos, les antécédents des villes romaines ont constitué une piste privilégiée lors de la phase de dépouillement en vue de la mise en place du corpus. La question de ces antécédents est d’ailleurs souvent considérée comme un champ d’approche favorable pour aborder celle des habitats groupés laténiens.
Fig. 65. Localisation des habitats groupés du quart N-O de la Gaule sur fond orographique (réal. J. Remy).

23La qualité de la documentation – très inégale en fonction des sites – a conduit à classer ces habitats groupés par ordre de pertinence (avérés, probables ou potentiels).
24Les habitats groupés avérés ont fait l’objet de fouilles extensives (plus ou moins étendues) :
Trégueux, “La Porte Allain” (22) : découvert en 2008 ;
Quimper, “Kergolvez” (29) : découvert en 2003 ;
Les Alleuds, “Les Pichelots” (49) : découvert dans les années 70 ;
Quiberon, “Goulvars” (56) : découvert en 1983.
25Les habitats groupés probables rassemblent de solides arguments en faveur de leur prise en compte, mais n’ont pas systématiquement fait l’objet d’observations en fouille :
Entrammes, “Le Clos des Primevères” (53) ;
Jublains, “La Boissière” (53) ;
Oisseau-le-Petit, “Les Noirâs” (72).
26Les habitats groupés potentiels rassemblent des indices plus équivoques du fait qu’ils soient majoritairement documentés par de la prospection pédestre. Par conséquence, leur datation est beaucoup moins précise et leurs étendues ne peuvent (parfois) même pas être évaluées. Certains ont tout de même fait l’objet de fouilles préventives, dont les résultats ne suffisent pas pour trancher définitivement quant à la nature du site :
Plounéventer, “Kerilien” (29) ;
Plaudren, “Kerfloc’h” (56) ;
Le Fief-Sauvin “La Ségourie” (49) ;
Beaufort-en-Vallée, “Les Marillères” (49) ;
Gétigné, “Toutes Joies” (44) ;
Guérande, “Le Moulin de Beaulieu” (44) ;
Blain, “Blain” (44).
27L’ensemble des sites, présentés dans le catalogue en ligne, n’a jamais fait l’objet d’une synthèse générale. Il s’agit principalement de données inédites issues de prospections ou de fouilles non publiées. Un seul de ces habitats bénéficie d’une publication complète (Entrammes, 53) et quelques-uns sont renseignés par de rares notices dans des bilans régionaux53 ou via la Carte Archéologique de la Gaule. La sélection de chacun des sites retenus est systématiquement justifiée et discutée à travers les notices consultables en ligne par le lecteur (fig. 66).
Fig. 66. Liste des habitats groupés “certains”, “probables” et “potentiels” du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

Analyse des habitats groupés
La chronologie des habitats groupés ouverts : antécédents et continuité
28Lorsque l’on résume l’évolution chronologique de l’ensemble des habitats groupés avérés ou supposés, la première observation qui en résulte est une certaine disparité, tant dans la durée des occupations que dans l’émergence ou l’abandon des sites (fig. 67). Ce constat résulte, en partie, des datations, dont la précision varie en fonction de la qualité du mobilier et de ses modalités d’échantillonnage (emprises de fouilles limitées, contexte de prospection). Par conséquent, la chronologie des sites les moins bien documentés constitue un paramètre susceptible d’évoluer en cas de nouvelles interventions archéologiques.
Fig. 67. Évolution chronologique des habitats groupés laténiens dans le quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

L’occupation gauloise
29Il est tout de même possible d’avancer le fait que la plupart de ces sites sont fondés dans la première moitié du iie s. a.C., c’est-à-dire à La Tène C2. Certains, parmi les mieux renseignés, sont même plus précoces. À “Kergolvez” (29), comme à Trégueux (22), la première phase de l’occupation est placée à la fin du iiie siècle ou au tout début du iie siècle, soit dès La Tène C1.
30En admettant que le statut d’agglomération soit validé pour le “Clos des Primevères” à Entrammes (53), les premiers aménagements remontent également à la fin du iiie siècle ou au début du iie s. a.C. Dans le cas de Gétigné (44), où l’implantation est bien plus précoce, avec des indices d’occupation attestés dès La Tène ancienne, la nature du site reste discutée. En effet, en l’état actuel des données on ne peut écarter définitivement la possibilité d’un établissement rural non enclos, tel que celui de “Bel Air 2”, identifié aux Herbiers en Vendée (cf. annexe 21) (fig. 68). Pour les sites d’Entrammes et de Gétigné, l’occupation se développe plus précocement, mais s’interrompt également prématurément au regard des autres agglomérations, soit dans le courant de La Tène D1.
Fig. 68. Les vestiges ayant livré du mobilier de La Tène finale parmi l’ensemble des structures archéologiques mises au jour lors de la fouille de 2011 à Gétigné (réal. J. Remy, d’après Viau 2014, fig. 5, 25).

31En revanche, deux sites apparaissent plus tardivement. En effet, les éléments de datation les plus précoces de “Goulvars” à Quiberon (56) remontent au début du ier s. a.C., dans le courant de La Tène D1b. Les vestiges mis en évidence à Blain (44) datent, eux, du milieu du iie s. a.C., c’est-à-dire de La Tène D1a. On remarquera qu’il s’agit également des deux occupations les plus brèves, sous réserve, dans le cas de Blain, que de nouvelles découvertes viennent contredire les premières observations – l’emprise de la fouille était restreinte à seulement 2370 m² (fig. 69). Effectivement, l’occupation à Blain est actuellement limitée à La Tène D1 (sur environ 60 ans), tandis que le site de “Goulvars” fonctionne jusqu’à la fin du ier s. a.C. (sur environ 70 à 100 ans). Enfin, précisons que le lot de mobilier recueilli à Plounéventer (29), indiquant une occupation durant La Tène finale, est trop mince pour pouvoir s’y référer (fig. 70).
Fig. 69. Vestiges de La Tène finale mis au jour à Blain sous fond topographique (réal. J. Remy, d’après Le Cornec in Bellanger 2000, pl. 24 ; Le Cornec in Bellanger 2002, pl. 4).

Fig. 70. Localisation des découvertes laténiennes au sein de l’agglomération romaine de “Kerilien” à Plounéventer (29), sous fond topographique (réal. J. Remy, d’après Monteil 2012, 201, fig. 174).

Les antécédents éventuels
32Les traces d’occupation antérieures à l’époque gauloise sont rares, se limitant parfois à la présence de mobilier résiduel. À Quimper (29), quelques éléments mobiliers du Bronze final proviennent de contextes stratigraphiques laténiens, mais ils ne sont associés à aucune structure. À Beaufort-en-Vallée (49), le mobilier daté de l’âge du Bronze et du Hallstatt (importations d’Etrurie datées des viiie et viie s. a.C.) est issu de prospections de surface. Au “Clos des Primevères” à Entrammes (53), les indices sont à peine plus tangibles avec la mise en évidence d’un fossé isolé comblé à l’âge du Bronze (sans plus de précision).
33A contrario, l’habitat groupé de Trégueux (22) occupe un bord de plateau déjà investi à l’âge du Bronze, voire dès le Campaniforme, puis au premier âge du Fer. En effet, une petite occupation domestique du Bronze moyen se développe probablement jusque dans le courant du Bronze final. Les vestiges hallstattiens sont plus éloquents, matérialisés par des fosses, trous d’ancrage de poteau et lambeaux de paléosols, piégés sous l’enceinte quadrangulaire laténienne. Ils s’étendent en périphérie de l’enceinte, vraisemblablement en partie détruits et, de fait, difficilement caractérisables.
34Enfin, Gétigné (44), pour qui le statut est très controversé, apparaît comme un cas isolé puisque l’occupation est continue entre La Tène ancienne et le début de La Tène finale. Malheureusement, la faible quantité de mobilier recueilli n’a pas toujours facilité le rattachement des structures à une phase précise.
Rupture et continuité avec l’époque romaine
35Par ailleurs, sur l’ensemble du corpus traité, huit habitats groupés (certains ou non) ont été mis en évidence sous les vestiges d’une agglomération secondaire romaine, soit un peu plus de la moitié (fig. 71).
Fig. 71. Tableau récapitulatif de l’évolution chronologique des habitats groupés du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

36Notons qu’aucune des agglomérations laténiennes “avérées” ne connaît de continuité claire avec l’Antiquité. À “Goulvars” (Quiberon, 56), des vestiges de l’époque romaine ont été perçus lors d’un diagnostic en 1987, au contact de l’occupation laténienne mais sans pouvoir être caractérisés. Pour Trégueux (22), Les Alleuds (49) ou Quimper (29), l’occupation s’interrompt à la fin de La Tène finale, après la Conquête, voire à la transition avec le début de l’époque augustéenne dans le dernier cas. On constate alors une désertion de ces sites, ou une réoccupation très ponctuelle à l’époque romaine impliquant un changement radical de statut du site. Ainsi, “Kergolvez” (à Quimper) est presque totalement déserté à l’exception d’une petite installation très localisée à vocation probablement agricole construite dans le courant du ier s. p.C. Le devenir de “La Ville Pollo” à Trégueux est quelque peu similaire, puisqu’une exploitation agricole s’installe à l’emplacement de l’agglomération laténienne en grande partie désertée. Le site des “Pichelots” (Les Alleuds) est quant à lui totalement abandonné autour de 40 a.C.
37Toutefois, des agglomérations romaines se développent à proximité de ces trois centres laténiens. L’agglomération de “Locmaria” à Quimper, installée sur les bords de l’Odet, à 3 km de distance de “Kergolvez”, puise ses origines au début du ier s. p.C., marquant un léger hiatus de 40 ans avec l’abandon de l’habitat gaulois (fig. 72). Pour expliquer ce décalage chronologique, E. Le Goff propose d’envisager une fondation plus précoce de l’agglomération romaine54. Si le déplacement de population se fait bien de “Kergolvez” à “Locmaria”, le hiatus paraît effectivement difficile à expliquer, à moins que la période augustéenne soit actuellement mal cernée dans le contexte archéologique de la ville ? On compte environ 4 km de distance avec une potentielle agglomération romaine installée au nord-ouest de Trégueux, à Saint-Brieuc (22). Tandis que “Les Pichelots” est distant d’environ 2 km d’une agglomération secondaire potentielle, localisée sur la commune de Chavagnes (49).
Fig. 72. Localisation de l’emprise de fouille de “Kergolvez” à Quimper (29) et de l’agglomération gauloise dans son environnement historique, hydrographique et topographique (réal. J. Remy, d’après Le Goff 2014, 45, fig. 5).

38À Entrammes (53), quelle que soit l’interprétation des sites du “Clos des Primevères” et de la “Carie”, un déplacement de la population est fortement supposé dans le courant de La Tène finale (La Tène D voire dès La Tène D1b) vers la fortification du “Port du Salut”, avant la fondation d’une agglomération dès la première moitié du ier s. p.C.55 (fig. 73). Celle-ci est implantée à l’est de la confluence de la Mayenne et de la Jouanne, sous la ville actuelle, approximativement à mi-chemin entre la “Carie” et le “Clos des Primevères”.
Fig. 73. Situation géographique et topographique des sites de “La Carie II” et du “Clos des Primevères” à Entrammes en Mayenne (réal. J. Remy, d’après Guillier et al. 2012, 180, fig. 2).

Le problème d’un éventuel hiatus chronologique
39Lorsque le site gaulois est mis en évidence sous une agglomération romaine (certaine ou supposée), cela n’implique pas nécessairement une stricte continuité de l’occupation. En effet, à Oisseau-le-Petit (72) et Blain (44), un hiatus d’environ 50 ans pour le premier et d’au moins 80 ans pour le second ont été constatés. Bien entendu, ce constat doit être largement nuancé par l’exiguïté des contextes stratigraphiques qui ont permis ces datations. De fait, il n’est pas exclu que dans certains cas, le hiatus traduise un léger déplacement de l’occupation vers un secteur situé hors de l’emprise de fouille. De plus, ce phénomène ne semble pas lié à un déplacement de l’habitat de plaine vers un site de hauteur fortifié. L’occupation, mise en évidence aux “Noirâs” (Oisseau-le-Petit), est certes à peu de distance du site fortifié de Gesnes-le-Gandelin (72), néanmoins l’espace disponible sur ce dernier apparaît tout de même très réduit (3,3 ha enclos) au regard de l’étendue des vestiges de plaine (fig. 74). Cela dit, on ne peut pas totalement exclure l’idée d’un retranchement de l’habitat au tournant de la Conquête romaine (La Tène D2b).
Fig. 74. Localisation de l’agglomération romaine d’Oisseau-le-Petit, se développant sur l’occupation de La Tène finale, et de l’éperon barré de Saint-Evroult à Gesnes-le-Gandelin (réal. J. Remy).

40Pour l’Est de la Gaule, P. Barral affirme que “[...], la continuité d’occupation entre La Tène D2b et le Haut-Empire est un fait assez constant, sinon systématique, dans les cas où la documentation existe”56. À y regarder de plus près, il constate que certains pôles de peuplement illustrent des évolutions plus complexes. C’est le cas pour Châlon-sur-Saône ou Verdun-sur-le-Doubs (71) où des déplacements de un à cinq kilomètres sont constatés à la charnière entre le iie et le ier s. a.C. Toutefois, on notera que pour ces deux exemples, les agglomérations romaines se développent à l’emplacement de l’habitat le plus tardif.
41Alors, comment évoluent ces deux sites (Oisseau-le-Petit et Blain) durant le siècle ou le demi-siècle avant la création de l’agglomération romaine ? Pour l’heure, la question reste posée. Un autre exemple hors zone d’étude, en territoire turon, apparaît éclairant quant à ces questions de hiatus chronologique. Le site de Clocheville (Tours, 37), appréhendé en 2001, a livré une dense occupation gauloise sur 1200 m². L’étude partielle des mobiliers avait initialement conclu à une occupation de courte durée, se développant entre 180 et 120 a.C. en périphérie de la ville romaine créée environ un siècle plus tard57. C’est pourquoi, en 2009, J.-M. Laruaz posait la question d’un éventuel déplacement, de cette première agglomération gauloise vers un autre site de hauteur, avant le développement de Caesarodunum58. Or, récemment, la reprise de l’étude complète de la céramique provenant du site de Clocheville et sa confrontation à des collections anciennes issues de découvertes des xixe et xxe siècle, ont considérablement modifié nos connaissances des antécédents gaulois de ce chef-lieu de cité59. Les vestiges répartis sur environ 25 ha sous la ville romaine et médiévale perdure jusque vers 60/50 a.C. Bâtie en bord de Loire, cette première occupation a été masquée par des alluvions témoins d’inondations successives et par des dépôts anthropiques ayant permis un exaucement de la ville dès le début du ier siècle. Le contexte stratigraphique particulier de Tours n’a donc pas facilité l’identification de ses origines. Ce cas de figure illustre parfaitement les difficultés d’appréhender les occupations anciennes en contexte urbain, où les faibles superficies limitent considérablement l’interprétation de l’évolution de l’habitat.
42Concernant les autres sites, l’état de la documentation est trop insuffisant pour débattre de la continuité avec la période romaine60.
Conclusion partielle
43Finalement et en l’état actuel de la documentation, la stricte continuité de l’occupation avec la période romaine (sans déplacement) n’est assurée que pour deux ou trois sites, c’est-à-dire Jublains, Guérande et Beaufort-en-Vallée, sachant que pour les deux derniers le statut d’habitat groupé laténien est encore contestable.
44Cette conclusion, toute en nuances, est finalement assez représentative de l’état lacunaire des données accessibles pour le quart nord-ouest de la Gaule.
45Aucun schéma chronologique ne s’impose réellement à l’issue de l’analyse de l’ensemble du corpus61, qui livre des réalités trop contrastées et bien souvent partielles. D’autre part, le nombre d’habitats groupés certains est bien trop limité pour pouvoir établir des généralités. En revanche, le dépouillement, à l’origine de cette liste d’agglomérations laténiennes certaines, probables ou potentielles, éclaire sur une zone géographique qui s’éveille progressivement à ces problématiques. Un quart nord-ouest qui n’est pas tant à l’écart des grands changements qui ont marqués la société gauloise du centre et centre-est de la Gaule dans le courant du iie s. a.C. et qui peut désormais s’inscrire dans une histoire de la recherche sur les habitats groupés (fig. 75)62. À ce propos, une agglomération, datée des iie et ier s. a.C., a été très récemment mise en évidence en bord de Loire, sur la commune d’Allonnes (49), à l’extrémité occidentale du territoire andécave. La fouille préventive, achevée en novembre 2019, n’a pas encore fait l’objet d’un rapport scientifique (dir. E. Le Goff, INRAP). L’étude, qui n’a porté que sur une petite surface de cette agglomération (soit 1,5 ha), qui devait initialement s’étendre sur 10 ha à 20 ha, vient d’ors-et-déjà un peu plus enrichir le corpus pour l’Ouest de la France.
Fig. 75. La recherche sur les habitats agglomérés de La Tène moyenne et finale en France non méditerranéenne : régions et départements ayant fait l’objet de synthèses ou d’inventaires (réal. J. Remy).

Implantation et superficie des habitats groupés
46Les sites examinés sont pour la plupart installés sur des plateaux, le plus souvent sur leurs versants, à des altitudes variant de 20 m à 150 m NGF. La régularité du choix d’implantation de ces habitats s’explique très certainement du fait de la configuration topographique de la zone d’étude, globalement peu accidentée – mis à part dans le centre de la Bretagne où aucune agglomération ouverte n’a été identifiée. En effet, on remarque que les régions plus montagneuses accueillent des habitats groupés préférentiellement en fond de vallée, sans doute dans des zones plus facile d’accès63. Seuls trois sites font exception à cette observation. En effet, Beaufort-en-Vallée (49) et Quimper (29) sont établis dans des contextes de plaine (fig. 76). Quimper est installé en fond de vallée à des altitudes très basses autour de 5 m à 10 m NGF, tandis que le second site est localisé sur le versant nord de la vallée de la Loire dans la partie basse d’une éminence. Enfin, le site de “Goulvars” est situé à l’extrémité de la presqu’île de Quiberon (56) (fig. 77).
Fig. 76. Localisation géographique et topographique des vestiges de La Tène finale mis au jour à Beaufort-en-Vallée dans le Maine-et-Loire (réal. J. Remy).

Fig. 77. Contexte archéologique de l’âge du Fer sur la presqu’île de Quiberon dans le Morbihan (réal. J. Remy, d’après sources diverses notamment les dossiers communaux du SRA de Bretagne et Le Pennec 2009).

47Par ailleurs, la proximité de ces habitats avec un cours d’eau n’est pas systématique. En effet, sur les sept sites probables ou certains retenus, seuls quatre sont en contact direct avec le littoral ou une rivière. “La Porte Allain” à Trégueux (22) domine le cours de l’Urne, qui se jette dans la mer, 5,5 km plus loin dans la baie de Saint-Brieuc ; “Kergolvez” à Quimper (29) est installé de part et d’autre du Steïr, affluent du fleuve côtier l’Odet ; “Le Clos des Primevères” à Entrammes (53) est distant de 300 m de la Jouanne, sous-affluent de la Loire et le site de “Goulvars” est localisé à 200 m du rivage actuel de l’Atlantique. Le site des “Pichelots” aux Alleuds, quant à lui, se trouve à 400 m d’un petit ruisseau, mais à plus de 4 km de la rivière de l’Aubance et en retrait de 10 km de la rive sud de la Loire. Aussi, Jublains (53) et Oisseau-le-Petit sont éloignés de tout cours d’eau. À ce titre, on peut également évoquer l’emplacement de l’agglomération d’Allonnes dans le Maine-et-Loire, dont l’étude est en cours, suite à la fouille préventive qui s’est achevée très récemment (novembre 2019, sous la direction d’E. Le Goff, INRAP) et qui, de fait, n’a pas pu être intégrée à ce corpus. En effet, son lien avec le fleuve Loire est relatif, puisqu’elle en est distante de près de 6 km. De plus, 1,5 km la séparent du plus proche cours d’eau, à savoir l’Automne, un petit affluent de l’Authion qui se déverse dans la Loire. À ce stade de l’enquête, le contact avec d’importants cours d’eau n’apparaît donc pas constituer un critère primordial pour l’implantation de ces habitats groupés.
48Concernant les agglomérations potentielles ou celles pour lesquelles les limites n’ont pu être définies, on peut estimer qu’elles se développent au minimum sur 3 à 5 ha et au maximum jusqu’à 25 ha (dans le cas d’Entrammes, 53). Il faut préciser que l’extension de ces habitats groupés correspond toujours à des estimations plus ou moins précises selon les cas (fig. 78). À “Kergolvez” (Quimper), l’emprise du diagnostic (conduit en 2006), complémentaire de la fouille préventive, permet une estimation assez fiable. Les autres s’appuient le plus souvent sur les résultats de prospections ou sur des indices topographiques.
Fig. 78. Superficies estimées des habitats groupés et surfaces fouillées (réal. J. Remy).

49Si l’on ne retient que les sites les plus fiables, c’est-à-dire ceux que l’on considère comme certains ou probables, les surfaces sont alors comprises entre 7 ha et 25 ha. Le site de “Goulvars” à Quiberon constitue visiblement une exception avec une superficie un peu plus limitée (5 ha), qui correspond toutefois à un minimum (fig. 79).
Fig. 79. Localisation de l’ensemble des opérations archéologiques menées dans les environs de “Goulvars” à Quiberon (réal. J. Remy, d’après Robic, Boujot 1987, fig. 2 ; Hyvert 1987, 6).

50Enfin, une dernière remarque concerne l’estimation haute de Oisseau-le-Petit (72), qui apparaît excessive au regard de celles de ses homologues. La surface proposée s’étire sur 55 ha de manière à englober une série d’enclos fossoyés mis en évidence par photographie aérienne. Ces éléments, s’ils s’avèrent bien d’origine gauloise, correspondent peut-être davantage aux environs immédiats d’une agglomération, dont le cœur se développerait dans la partie méridionale, dans les environs des “Noirâs”, là où la concentration de mobiliers est la plus dense. Selon cette hypothèse, on peut proposer une extension plus raisonnable de 25 ha au plus (fig. 80).
Fig. 80. Emprise de l’ensemble des vestiges de La Tène finale mis en évidence à Oisseau-le-Petit (72), sous fond topographique (réal. J. Remy, d’après Bouvet 2001, fig. 371).

Caractérisation des habitats groupés du quart nord-ouest de la Gaule
51Du fait de l’état actuel de la documentation, déjà évoqué, cette partie de l’analyse est principalement réservée aux sites certains, bien que des indices d’habitats groupés puissent ponctuellement être abordés.
Organisation de l’espace interne et aménagements des habitats groupés
52La question du plan de ces habitats groupés ne peut être développée que pour les rares sites ayant été suffisamment dégagés. À ce titre, Entrammes (53) qui a fait l’objet de plusieurs opérations préventives, ne sera néanmoins pas pris en compte, puisque les fouilles ont principalement concerné un espace de stockage.
53Les sites de “Kergolvez” (Quimper, 29) et des “Pichelots” (Les Alleuds, 49) se caractérisent par une forte densité de structures excavées qui rendent toute restitution de plan délicate. Aux Alleuds, les architectures reposent sur des poteaux plantés, néanmoins aucun plan de bâtiment n’a pu être restitué. À Quimper, les constructions, édifiées sur sablières basses, ont été identifiées, mais c’est la reconstitution de l’évolution chronologique des architectures qui s’est révélée problématique. Ces deux sites se distinguent également par leur état de conservation particulièrement remarquable, puisqu’ils ont livré des vestiges de sols encore en place.
54De plus, dans les deux cas, mais également dans celui de “Goulvars” (Quiberon, 56), les constructions ne sont pas structurées par des systèmes de fossés parcellaires ou organisées en lot (fig. 81). En cela, ils se distinguent de l’habitat de Trégueux (22), organisé dès le début de son occupation par un système fossoyé qui partitionne des ensembles de constructions, évoluant sous la forme d’espaces enclos plus vastes dans le courant de La Tène finale (fig. 82 et 83).
Fig. 81. Plan cumulé des fouilles programmées de “Goulvars” à Quiberon (réal. J. Remy, d’après Hyvert 1990, 82, fig. 7).

Fig. 82. Localisation des sites de “la Porte Allain” et de “La Ville Pollo” à Trégueux dans les Côtes-d’Armor (réal. J. Remy).

Fig. 83. Évolution des systèmes fossoyés de La Tène finale de l’habitat groupé de “La Ville Pollo” à Trégueux (réal. J. Remy, d’après Allen et al. 2012, vol. 2, fig. 2.5.1.).

55Cette différence révèle, peut-être, des dynamiques différentes à l’origine du développement de ces habitats agglomérés. En effet, à “Kergolvez” (Quimper), les constructions s’organisent suivant une trame forte – dont la colonne vertébrale correspond à un axe viaire – dès l’origine, qui se maintient tout au long de l’occupation. Les vestiges suggèrent une véritable planification de l’espace, induisant la présence d’une autorité décisionnaire (fig. 84). Tandis qu’à Trégueux, l’habitat est plus lâche et son organisation évolue progressivement, ne répondant visiblement pas à une planification prédéfinie.
Fig.84. Évolution chronologique de l’agglomération gauloise de “Kergolvez” (d’après Le Goff 2014, fig. 982, 984, 985).

56Aux “Pichelots” (Les Alleuds), le plan n’étant pas précis, la structuration de l’espace est moins évidente à percevoir. Néanmoins ce qui pourrait constituer une place d’environ 1700 m² a été identifiée à l’est de la zone de fouille (fig. 85). L’espace vide de chaque côté de la voie qui traverse l’agglomération de Quimper, également interprétée comme une place, s’étend sur plus de 1000 m².
Fig. 85. Plan général de l’agglomération dans l’emprise exploitée par la carrière (réal. J. Remy, d’après Levillayer 2016, 148).

57À Trégueux, aucun espace public de ce genre n’a été décelé dans le périmètre fouillé (fig. 82). Toutefois, les aménagements collectifs ne sont pas absents, avec notamment la présence d’un bâtiment monumental sur cour, dont la fonction n’est pas bien cernée, mais pour lequel il est possible de faire quelques comparaisons avec de rares constructions mises en évidence sur des oppida de Gaule (cf. annexe 10)64 (fig. 86). Le statut et la fonction de l’enceinte quadrangulaire, édifiée à 80 m de distance de cet ensemble, posent question. Si nous privilégions ici davantage une fonction collective, elle est également envisagée comme une résidence aristocratique65.
Fig. 86. Comparaison des plans simplifiés des bâtiments monumentaux de Trégueux, de Bibracte, de la place de marché (phase 2, ier s. a.C.) et du second état du sanctuaire (ier s. a.C.) de l’oppidum de Corent (réal. J. Remy, d’après Allen et al. 2012 ; Barral et al. in : Fichtl et al. 2016, 56, fig. 5 ; Poux 2012, 91, 149).

58Si le seul grand édifice à vocation probablement publique a été découvert à Trégueux, tous les sites, ayant fait l’objet de fouilles, bénéficient d’espaces dévolus à un usage collectif et/ou répondent à une organisation spatiale réfléchie. À Entrammes, les greniers sont agencés en rangées, tandis qu’à Quiberon, des espaces communs ont pu être distingués et les bâtiments sont alignés sur un axe (fig. 87). Nous ne reviendrons pas sur l’exemple de Quimper qui offre certainement le plan le plus rigoureux.
Fig. 87. Plan des vestiges gaulois de la phase III du “Clos des Primevères” à Entrammes (réal. J. Remy, d’après Guillier 2009, fig. 9).

59En somme, bien que ces conclusions s’appuient sur seulement quelques exemples fouillés, elles semblent a priori s’opposer, dans au moins trois cas (Entrammes, Quimper et Trégueux) à des constats dressés à l’échelle de l’Europe celtique : “Les plans de ces habitats ne révèlent aucune trace d’organisation, de planification, de monuments collectifs”66.
60Si nous avons conservé la terminologie d’“habitats groupés ouverts”, c’est parce qu’ils se démarquent des habitats fortifiés, précédemment évoqués, par l’absence de système défensif. Néanmoins, certaines occupations sont quand même circonscrites par des limites matérielles. Aux Alleuds, un fossé palissadé isole la zone la plus densément aménagée. Tandis qu’à Quimper, d’imposants fossés associés à des talus sont creusés durant une phase tardive de l’occupation du site afin de délimiter le centre de l’agglomération. Par conséquent, la circonscription de l’habitat au moyen de limites fossoyées n’est pas un argument permettant à lui seul d’opposer l’établissement rural et l’agglomération (le fait urbain).
Productions, économie et réseaux viaires des habitats groupés
61Caractériser les productions des agglomérations n’est pas évident puisqu’aucun site n’a été fouillé de manière exhaustive. Il faut donc garder à l’esprit que seule une partie de l’activité de l’habitat a été perçue. À Quimper (29), par exemple, les constructions mises au jour correspondent pour la plupart à des ateliers ou à des structures artisanales. Au contraire, la “Ville Pollo” à Trégueux (22) n’a révélé qu’un secteur d’habitation, ainsi qu’un édifice public. Et bien que la présence de certaines activités soit supposée (métallurgie, orfèvrerie, verrerie ? saunerie ? transformation du lignite ?), aucun indice les concernant ne suffit pour qualifier et évaluer réellement ces productions.
62Au-delà des lacunes de la documentation et à l’issue de ce tour d’horizon, l’économie des agglomérations de l’Ouest apparaît finalement relativement diversifiée. Pour les raisons que nous venons d’évoquer il semble prématuré de classer les habitats groupés dans des catégories fixes, néanmoins certaines tendances peuvent être observées (fig. 88).
Fig. 88. Tableau récapitulatif de l’ensemble des activités et des productions sur les habitats groupés du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

La gestion des ressources naturelles
63Si une économie basée sur l’artisanat et les échanges lointains ressort clairement des ensembles mobiliers et/ou des vestiges sur quelques sites, Jublains (53) et Oisseau-le-Petit (72), à supposer que l’on puisse, à l’avenir, confirmer leur statut, l’exploitation ou plus précisément la gestion des ressources naturelles pourrait bien constituer un point fort de l’économie de certains habitats agglomérés de l’ouest de la Gaule. Le cas d’Entrammes (53), particulièrement bien documenté, en est le meilleur exemple, bien que le rapprochement entre la zone de stockage fouillée et l’habitat ne soit pas encore clairement établi (cf. annexe 14). En effet, dans la seconde moitié du iie s. a.C. “Le Clos des Primevères” est choisi pour l’emplacement d’un pôle en charge de la gestion de productions issues d’une exploitation agricole intensive. Il témoigne d’une forme de centralisation des richesses d’un territoire assez large d’après la forte densité des greniers. Malheureusement, le contexte dans lequel s’articule cet espace de stockage massif nous échappe, empêchant d’aller plus loin dans l’analyse. Qui contrôle et qui gère cet espace ? Ce surplus de denrées génère-t-il des revenus ? Des impôts ? À qui profitent de telles réserves ? À qui sont destinées ces denrées et contre quoi ? En tout cas, il a pu être démontré que ce stock de céréales ne pouvait correspondre aux seuls besoins de l’habitat groupé qu’on suppose lui être associé67.
64Dans un autre registre, la commune de Guérande (44) voit le développement – à la fin de La Tène – d’établissements agricoles mais également salicoles propres à un contexte naturel particulier, proche du littoral atlantique (fig. 89). À supposer qu’une agglomération émerge au sein de ce territoire dans les environs du “Moulin de Beaulieu” et du “Clos Flaubert”, il est probable que son identité et son économie soient empreintes de cet environnement.
Fig. 89. Guérande (44) : contexte archéologique de La Tène finale des vestiges du “Moulin de Beaulieu” et du “Clos Flaubert”, sous fond de cadastre actuel (réal. J. Remy, d’après les fouilles diverses).

65L’exemple de Quimper (29) illustre également l’existence d’un lien étroit entre l’agglomération et les populations rurales. Les productions de “Kergolvez” témoignent des besoins d’une économie agricole à travers la fabrication de meules. La présence supposée d’une minoterie pourrait également induire un rôle de l’agglomération dans la transformation des matières premières issues de l’agriculture dans des proportions dépassant les besoins domestiques de “Kergolvez” (transformation des céréales en farine). Par ailleurs, les nombreux restes d’augets, attestent l’importation de pains de sel en provenance du littoral, qui sont centralisés et captés par l’agglomération soit dans le but d’une redistribution (revente ?) de la matière première, soit pour son utilisation dans le cadre de salaisons. Dans ce domaine, Quimper n’est d’ailleurs pas un exemple isolé puisqu’à Oisseau-le-Petit, dans le secteur restreint qui a concerné la fouille des “Noirâs”, de nombreux restes de godets à sel (dans des proportions moindres qu’à Quimper) ont été découverts. Dans ce cas, leur importation est certainement liée à la production de salaisons comme le suggèrent les traces d’une intense activité de boucherie. À Quiberon (56) et à Trégueux (22), les indices salicoles supposent non pas l’acheminement de la matière première mais sa production sur place.
66Pour revenir à Quimper, le lien avec le monde rural est renforcé par la présence de systèmes d’enclos, dont l’intérieur est peu construit (espace pour le parcage des animaux ?) et qui se greffent à la frange orientale de l’agglomération, comme pour assurer le lien entre le cœur de celle-ci et la campagne alentours. Tout comme à Guérande, l’habitat groupé de Quimper s’insère dans un paysage rural densément occupé.
67Des produits, au service d’activités liées aux ressources du milieu (agriculture, élevage, saunerie et de transformation telles que la production de farine, de sel, de salaisons...), sont en tout cas présents voire disponibles pour les activités de ces habitats agglomérés. Ces exemples renvoient l’image de l’émergence, au tournant du iie s. a.C. et dans certains cas dès la fin du iiie siècle, d’habitats groupés en étroite relation avec le monde et les traditions rurales. Ils participent en ce sens à la gestion des ressources d’un territoire, comme centre d’échange et, dans certains cas, de production, ou comme centre d’approvisionnement ? D’après P. Barral et D. Lallemand, l’émergence d’agglomérations ouvertes dans le centre-est de la Gaule pourrait d’ailleurs être la conséquence du développement de l’agriculture induisant le besoin d’un lieu de rassemblement pour la diffusion et la revente des excédents de production68.
Les activités artisanales
68En parallèle, ces habitats peuvent davantage concentrer des activités artisanales rares et/ou plus diversifiées que sur des habitats ruraux isolés. On pense notamment à l’exceptionnelle concentration de puits aux Alleuds (production de céramique ou métallurgie de masse ?), à des ateliers de production de parure avérés ou supposés – à Quimper (fabrication de parures en bronze ?), aux Alleuds (fabrication de fibules) et peut-être à Trégueux (fabrication de bracelets en lignite ?) –, de verrerie – à Trégueux ? À Quimper ? –, d’orfèvrerie et peut-être de production monétaire – à Trégueux et Jublains.
69En revanche, la proportion de ces productions artisanales est souvent difficilement quantifiable. Si les mobiliers et les déchets qui leur sont associés sont parfois plus abondants que sur d’autres types d’habitats, ces productions ne sont pas nécessairement destinées à l’exportation et au commerce. À ce propos, nous pouvons reprendre l’exemple, déjà cité (cf. supra chap. II, p. 129), de l’agglomération de Bâle-Gasfabrik (Suisse) pour laquelle les études approfondies sur les nombreux déchets issus des productions artisanales indiquent que celles-ci répondaient a priori uniquement aux besoins de l’habitat69.
70Concernant le site de “Goulvars” à Quiberon (56), on note que la seule production artisanale identifiée lors de fouilles, réalisée pourtant sur 3 ha, correspond à de la métallurgie. En effet, la diversité des activités s’illustre uniquement dans le domaine domestique. Rappelons d’ailleurs que l’ampleur de la production salicole n’a pas pu être précisée. L’indigence des indices d’échanges économiques et de commerce à longue distance suppose un statut un peu différent par rapport à ses homologues. Le site semble plus à l’écart des circuits commerciaux. Ce constat est d’ailleurs renforcé par la quasi-absence de monnaies.
71Des amphores sont présentes sur la plupart des sites, sauf à Plounéventer (29) et à Oisseau-le-Petit (72). Dix sites sur quatorze, soit près de deux tiers, ont livré des éléments de parures attestant de la qualité du niveau de vie de certains habitants. Enfin, les éléments d’armement sont plus rares, mis en évidence sur seulement quatre sites : aux Alleuds (49), à Trégueux (22), au Fief-Sauvin (49) et à Oisseau-le-Petit (72). Ce dernier aspect est difficilement interprétable d’autant plus pour les sites du Fief-Sauvin et d’Oisseau-le-Petit pour lesquels on ne connaît pas le contexte stratigraphique de ces découvertes.
Premières remarques sur le réseau viaire
72Le rôle des voies de communication semble être prépondérant dans le développement de ces agglomérations. Effectivement, la phase de construction massive des greniers à Entrammes (53 ; à la charnière entre La Tène C2 et La Tène D1a), qui témoigne de l’existence d’un important pôle économique, pourrait être contemporaine – du moins chronologiquement cohérente – avec le premier fonctionnement d’un axe viaire (daté de La Tène C2b) et à l’origine de la voie romaine Le Mans/Rennes. Le rôle de cette voie dans ce processus économique n’est certainement pas anodin. Sa construction a-t-elle impulsé ce processus ? Ou bien, son origine est-elle une conséquence directe de la mise en place de cette zone de stockage ? Ou encore, leur création résulte-t-elle d’un même et unique projet ?
73En tout cas, l’importance du réseau de communication apparaît également primordiale à Quimper (29) puisque l’habitat se tisse le long d’une voie supposée desservir de grandes directions à travers le sud du territoire osisme. Le réseau de communication se complexifie au fur et à mesure de l’accroissement de l’agglomération induisant un lien de cause à effet. Si les indices d’agglomérations recueillis à Oisseau-le-Petit (72) et au Fief-Sauvin (49) méritent d’être vérifiés par des fouilles, à première vue leurs implantations apparaissent relativement similaires aux schémas observés à Entrammes et à Quimper (fig. 90). En effet, les découvertes jalonnent un ou deux axes de communication romains, dont les origines ne sont pas connues.
Fig. 90. Localisation de l’ensemble des vestiges de l’âge du Fer reconnus autour de la fortification de “la Ségourie” au Fief-Sauvin (réal. J. P. Bouvet, J. Remy, d’après prospections diverses et Monteil 2012, 251, fig. 215).

74En fin de compte, tous les autres sites sont installés à proximité d’un axe ancien, dont l’origine remonterait au moins à l’époque romaine sinon à La Tène comme à Trégueux (22).
Conclusion partielle sur les habitats groupés
75À ce stade de l’enquête, alors que nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’identification des agglomérations gauloises dans le quart nord-ouest de la Gaule et de leur caractérisation fonctionnelle et morphologique, toute perspective de hiérarchisation apparaît prématurée, l’état de la documentation étant trop hétérogène. En effet, seuls quatre sites ayant fait l’objet de fouilles suffisamment étendues peuvent assurément prétendre au statut d’agglomération, parmi lesquels “Goulvars” (Quiberon, 56) qui pourrait correspondre à un habitat groupé de statut inférieur. De plus, certains sites non fouillés offrent un corpus de mobiliers plus impressionnant – témoignant d’une qualité de vie élevée et/ou d’une dynamique économique significative – que ceux provenant des contextes stratigraphiques des agglomérations certaines. Ainsi, la densité et la diversité des mobiliers mis au jour à Oisseau-le-Petit (72), souvent hors contexte stratigraphique, apparaissent exceptionnelles à l’échelle de la zone d’étude. Il faut également ajouter au corpus d’agglomérations certaines, celle d’Allonnes (49) chez les Andécaves et celle des “chirons” au Poiré-sur-Velluire (85) chez les Pictons, dont les fouilles tout juste achevées (dir. E. Le Gofff, INRAP, 2019 et dir. O. Nillesse, INRAP, 2019) – leurs études sont actuellement en cours – apporteront à n’en pas douter de nouveaux éléments quant à l’organisation interne et à l’économie de ces habitats.
76Si nous nous sommes attachés à décrire les caractéristiques et les particularités matérielles de ces sites, l’analyse soulève des questions de fond quant aux phénomènes qui initient l’émergence de ces agglomérations, sur lesquelles nous auront l’occasion de revenir : sous quelle(s) impulsion(s) sont-elles créées et par qui ? L’identité agricole et la richesse du terroir, ancrées dans une profonde tradition – gestion des ressources alimentaires directes (élevage, agriculture) ou indirectes (sel) – sont au cœur d’une économie qui semble être à l’initiative de leur émergence. Mais quelle est la place des autres productions spécialisées, telles que la métallurgie (bronze, fer, or), la verrerie ou la céramique, au sein de ces agglomérations de l’Ouest ?
Les habitats enclos aristocratiques
Hiérarchie des habitats isolés : histoire de la recherche et clés de lecture
77Après un état des lieux sur les habitats fortifiés et les habitats groupés, une catégorie d’habitat n’a pas encore était abordée, celle des habitats ruraux isolés ou celle des aedificia de César qui regroupe plus largement les établissements ruraux. Sans revenir sur une histoire de la recherche exhaustive, rappelons qu’avec le développement de l’archéologie aérienne et préventive, qui ont entrainé la multiplication des découvertes de ces habitats, les synthèses se sont multipliées dans le courant des années 1990 et 2000. Au-delà des questions de définition des termes relatifs aux aedificia, tantôt interprétés comme des maisons, des granges, des fermes indigènes, des exploitations agricoles de formes diverses70 et de la confrontation de ces définitions aux vestiges progressivement identifiés par l’archéologie71, les chercheurs ont rapidement procédé à leur hiérarchisation par la mise en évidence de critères communs et de caractéristiques plus exceptionnelles72. Il paraît essentiel de présenter quelques-uns de ces travaux.
78La thèse de F. Malrain, soutenue en 2000, fait référence dans ce domaine. Publiée en 2002, celle-ci bénéficie des premiers résultats d’un programme collectif de recherche dirigé par O. Buchsenschutz sur les installations agricoles de l’âge du Fer, qui se concrétisent sous la forme de deux tables rondes tenues en 1993 puis en 1997. Celles-ci offrent successivement un premier catalogue des sites d’Ile de France – introduit par O. Buchsenschutz déjà préoccupé par les différences sociales que ces sites révèlent –, puis un volume qui favorise les articles synthétiques à l’échelle du nord de la France73. S’inscrivant dans cette dynamique, F. Malrain s’appuie sur l’étude minutieuse de onze habitats de la moyenne vallée de l’Oise qu’il confronte à plus de 300 autres sites du Bassin parisien inventoriés par ses soins. L’un de ses principaux objectifs est d’établir une hiérarchie entre les fermes de La Tène moyenne et finale, pour lesquelles le fonctionnement et les caractéristiques sont longuement décortiqués74. Il met en exergue quatre rangs hiérarchiques principalement établis sur la morphologie et les dimensions des enclos, ainsi que par l’organisation des différentes constructions (fig. 91). Mais, les données de terrains qu’il manipule révèlent d’autres marqueurs d’inégalités entre les sites, à savoir l’architecture des bâtiments, la richesse du mobilier, le régime alimentaire des habitants, l’aménagement des espaces funéraires, l’expression de pratiques religieuses et de banquets qui entrent également en ligne de compte. L’ensemble de ces critères le conduit à définir les “fermes de rang 4”, qui représentent les habitats les plus modestes. Elles se caractérisent par des bâtiments et des structures isolées qui ne livrent que peu de vestiges mobiliers. Elles sont interprétées comme les constructions périphériques à des occupations plus conséquentes. Les “fermes de rang 3” sont ceinturées par un système fossoyé de faible dimension (jusqu’à 1 m de large et de profondeur). Les mobiliers et la faune associés à ces sites, en quantité plus ou moins abondante, sont communs et ne révèlent que rarement des éléments de parure. Les exploitations de “rang 2”, moins nombreuses, se distinguent des précédentes principalement par les dimensions des fossés d’enclos qui peuvent atteindre 3,50 m de largeur à l’ouverture et dépasser 1,50 m de profondeur. La richesse du mobilier, de la parure, la qualité de la consommation carnée viennent renforcer la particularité de ces fermes, dont le statut apparaît plus élevé. L’architecture mise en œuvre atteste d’un plus grand soin apporté que sur les précédentes fermes avec par exemple l’aménagement de systèmes d’entrée complexes, dont la fonction dépasse le simple besoin de franchissement du fossé d’enclos. Enfin, un seul site illustre le “rang 1” marqué par des enclos monumentaux, une organisation des espaces internes qui isole et met en valeur la résidence du propriétaire. La qualité des architectures et des mobiliers qui sont, pour certains, confectionnés dans des matériaux précieux (lignite, verre, bronze), et l’association de l’habitat à un espace funéraire ajoutent au statut élevé de ces fermes.
Fig. 91. Les rangs hiérarchiques des habitats ruraux de la vallée de l’Oise d’après F. Malrain (Malrain et al. 2002, 143).

79De manière générale, ces critères ont été retenus quelques années plus tard par O. Nillesse pour les habitats ruraux du nord-ouest de la France (Bretagne et Pays de la Loire), bien que la culture matérielle constitue cette fois le marqueur principal lui permettant d’opérer des distinctions entre les habitats75. Le classement obtenu par l’analyse des objets (amphores, céramique campanienne, parures, armes, monnaies, outils en fer) et de leur distribution au sein des sites enclos est ensuite confronté aux vestiges immobiliers. Il met l’accent sur la difficulté à utiliser l’argument de la superficie des habitats, tant les disparités régionales peuvent être importantes. La nécessité de travailler à des échelles locales est d’ailleurs réaffirmée en 2013 par S. Fichtl, qui propose de confronter des établissements ruraux voisins du Loiret, pour lesquels les superficies minimums sont bien supérieures à celles rencontrées dans le quart nord-ouest de la Gaule76.
80O. Nillesse émet également des réserves quant à la question des dimensions des systèmes d’enclos (talus et fossés), qui ne peuvent être considérés selon lui comme “proportionnelles au statut de leur constructeur”77. Toutefois, il concède l’importance des travaux mis en œuvre pour l’édification de plusieurs enceintes. L’organisation de l’espace interne retient davantage son attention, puisqu’il constate que certains des sites, les plus remarquables d’un point de vue du mobilier, offrent des plans organisés (bi ou tripartite) et/ou des secteurs bien agencés. Enfin, la mise en évidence de “pratiques cultuelles” au sein de ces habitats lui apparaît comme étant une piste de recherche intéressante pour hiérarchiser les établissements.
81La représentativité des mobiliers constitue également une piste privilégiée pour le classement hiérarchique établi dans l’est de la France, alors que le corpus souffre d’une importante disparité. Effectivement, en 2008, C. Féliu observe que la forme et la superficie des enclos, rarement appréhendées par des décapages exhaustifs, ne peuvent être retenues comme des arguments décisifs pour l’analyse des habitats ruraux des cités leuques et médiomatriques. Le critère de la variété du mobilier est donc couplé au caractère enclos ou non de l’établissement et à la taille du fossé lorsqu’il est reconnu78. Pour cette région, si les données concernant La Tène moyenne ne suffisent pas à établir de hiérarchie, la fin de La Tène permet de distinguer quatre classes. La première réunit les habitats les plus privilégiés, enclos d’un fossé d’une taille importante – profondeur supérieure à 1 m et plus de 2,50 m de largeur à l’ouverture –, ayant livré une importante variété de mobilier et pour lesquels la présence d’amphores est fréquente. La seconde classe concerne des habitats enclos d’un fossé de taille moyenne – soit de 1 m à 2 m de largeur pour 0,50 m à 1 m de profondeur – qui offre deux catégories de mobilier en plus de la céramique et de l’amphore qui y sont systématiquement recueillies79. Les deux dernières catégories, envisagées comme à peu près équivalente en terme de statut, peuvent correspondre à des habitats ouverts ou enclos (d’un fossé de petite taille ou d’un palissade) ayant livré peu d’éléments mobilier en dehors de la céramique.
82La synthèse de P. Pion – sur les établissements ruraux de la vallée de l’Aisne – s’oriente vers une catégorisation uniquement chronologique et le statut des établissements ruraux n’entre pas en ligne de compte80. Quelques années plus tard et sur la base de ses travaux, un collectif de chercheurs propose pour la même région une classification hiérarchique des habitats en tenant compte des évolutions chronologiques81. Plusieurs catégories sont alors distinguées, pour le début de La Tène finale d’une part (LT C2 à LT D1a) et pour la fin de cette période d’autre part (LT D1b et LT D2). Sachant que l’absence de sites datés de La Tène moyenne exclue toute possibilité de hiérarchisation pour cette période. De nouveaux paramètres sont alors intégrés à l’analyse, c’est-à-dire l’environnement, la position topographique et la durée de l’occupation qui impliquent la perduration ou non de l’habitat et l’évolution de son plan.
83Le meilleur vecteur pour apprécier le plus impartialement possible, ce que constitue l’élite d’une société en archéologie – et plus particulièrement pour une période qui bénéficie de sources écrites très restreintes –, est l’étude de ceux qui n’en font pas partie, c’est-à-dire des autres classes sociales, celles de rang inférieur. Alors, pourquoi ne pas avoir recueilli pour cette étude l’ensemble des données sans distinction hiérarchique préalable ?
84Rappelons d’abord que les connaissances sur l’âge du Fer ont largement bénéficié, ces vingt dernières années, des avancées sur le monde rural pour lequel les études ont été extrêmement productives dans l’Ouest de la France donnant lieu à plusieurs synthèses (cf infra chap. I, p. 46). De plus, Y. Menez a soutenu en 2008 une thèse concernant l’habitat aristocratique de Paule (22), dans laquelle il propose de définir des critères pour hiérarchiser les habitats ruraux de l’âge du Fer, se nourrissant des travaux de ses prédécesseurs (cf. supra). Contrairement aux précédentes synthèses, son échelle d’étude est élargie à la France septentrionale. La grille d’analyse obtenue est ensuite appliquée à l’enquête nationale sur les habitats ruraux, initiée en 2006 par l’INRAP sous la direction de F. Malrain et G. Blancquaert, sur une large période chronologique correspondant à l’occupation du site de Paule, entre la fin du vie s. a.C. et le début de notre ère. Quatre catégories hiérarchiques sont alors obtenues et développées en fonction du cadre chronologique. Par conséquent et au vu de l’ampleur des travaux précédemment menés dans l’Ouest de la France, il a semblé plus judicieux de bénéficier des précédents acquis et de ne pas reprendre inutilement le tri réalisé par Y. Menez. Toutefois, le dépouillement des rapports d’opérations pour chaque région, examinés à la lumière de ce classement, a permis de compléter et de mettre à jour le catalogue.
Mise en place du catalogue et critères retenus
85La démarche empruntée par Y. Menez, dans le cadre de sa thèse, consistait à établir des critères permettant de détecter la présence de l’aristocratie au sein des habitats ruraux dispersés en France septentrionale. La sélection des sites présentés ici repose majoritairement sur ces critères, il est, de fait, indispensable de rappeler les fondements de son analyse.
86Pour reprendre les propos de F. Malrain : “Le pouvoir du résident se manifeste d’abord dans la capacité à mobiliser une main-d’œuvre importante”, c’est pourquoi la morphologie des enclos constitue le premier critère discriminant82. Ainsi, la superficie des parties densément bâties (résidence et annexes) de l’établissement rural doit être observée et considérée comme remarquable à partir d’un hectare. Les dimensions des fossés qui délimitent les propriétés peuvent nécessiter des travaux particulièrement imposants. En effet, à partir d’une certaine cote de profondeur, évaluée à 2,50 m, le creusement et le dégagement d’un fossé ne peuvent plus se faire sans une aide technique à l’ouvrier, qui rencontre des difficultés à rejeter les déblais et imposent le recours à des méthodes intermédiaires (seaux et paniers par exemple).
87De même, la qualité et la complexité des architectures ne demandent pas toutes les mêmes exigences de conception ni les mêmes efforts de mise en œuvre (aménagement de portes pour les accès : tours portières, porches ; bâtiments monumentaux). L’étude des architectures par leurs fondations (souvent les seules conservées) renseigne ce critère.
88L’aménagement des espaces au sein de l’habitat peut témoigner d’une véritable organisation avec des bâtiments voués à des fonctions spécifiques, des espaces réservés à l’habitat, d’autres au contrôle du bétail, ou destinés à divers artisanats. Certains habitats occupés sur de longues périodes présentent des plans étonnamment réguliers et sur les établissements les plus remarquables, la résidence du propriétaire est particulièrement mise en valeur par l’architecture.
89L’abondance des structures de stockage peut également signifier une certaine richesse. Toutefois, cette information doit être manipulée avec prudence pour la fin de l’âge du Fer puisqu’il n’est pas toujours aisé pour un site occupé sur le long terme d’établir les périodes d’utilisation des greniers et des silos.
90La présence d’un espace funéraire associé à l’habitat est un critère à prendre en compte bien que l’interprétation des codes du monde funéraire et des conditions sociales, dont il témoigne ou non, sont encore largement sujets à discussion, variables géographiquement et chronologiquement83.
91La question des pratiques religieuses au sein de ces habitats ruraux est précisée par Y. Menez qui indique qu’au-delà des dépôts votifs parfois mis en évidence, on doit aujourd’hui envisager la présence de véritables espaces dédiés aux manifestations religieuses (sanctuaires) sur certains de ces sites.
92À ces différents critères relevant des traces immobilières et architecturales, s’ajoute l’étude des mobiliers pour lesquels on retiendra, plus que leur quantité, leur qualité et leur diversité. En dehors des outillages que l’on peut s’attendre à retrouver sur un site d’habitat à vocation agro-pastorale (serpes, forces, pesons, fusaïoles...), ils sont le reflet d’une certaine qualité de vie (mobiliers prestigieux ou de haute technicité, fabriqués dans des matériaux précieux et véritables œuvres d’art), d’échanges commerciaux, de la présence d’hommes en armes, d’activités guerrières, de chevaux montés et d’attelages, d’un artisanat plus ou moins développé...
93Le régime alimentaire, quand il peut être étudié sur un site révèle également le niveau de vie des habitants (consommateurs). La consommation des animaux les plus jeunes (porcs et bœufs) est réservée aux classes les plus aisées tandis que les plus modestes se contentent davantage de caprinés et d’animaux réformés84. On constate que la présence, plus rare, d’animaux chassés coïncide avec des habitats de statut élevé85. Enfin, la découverte d’amphores, assez peu représentées sur les sites de Gaule septentrionale86, est également le signe de richesse quand elle est cumulée à d’autres critères, comme par exemple des récipients et/ou ustensiles liés aux festins aristocratiques87.
94Sur la base de ces différents critères et pour la période s’échelonnant du iiie au ier s. a.C., une cinquantaine de sites regroupant au moins deux de ces critères ont été isolés, soit un peu plus de 10 % du corpus initial (issus de la base de données nationale) et classés suivant quatre catégories hiérarchiques88. La première désigne des habitats d’aspect relativement commun qui présentent quelques caractéristiques inhabituelles en nombre limité (jusqu’à quatre), mais suffisant pour remettre en question le statut des occupants ou la vocation du site, censé correspondre à une simple exploitation agricole. Le second groupe désigne les habitats réunissant de cinq à sept caractéristiques, au-delà de quoi les sites intègrent la troisième catégorie. Enfin, ont été isolés quelques sites plus exceptionnels qui apportent les meilleurs points de comparaisons avec l’habitat de Paule (fig. 92).
Fig. 92. Classement des habitats ruraux susceptibles d’avoir été des résidences aristocratiques du second âge du Fer, en France, d’après la grille d’analyse mise en place par Y. Menez (Menez 2008, fig. 526, vol. 2).

95Excepté les sites de la première catégorie, pour lesquels l’interprétation est trop sujette à caution, l’ensemble des sites concourant à l’une ou l’autre des trois autres classes a été retenu pour cette étude. Les indices de l’aristocratie sont trop ténus dans la première catégorie de telle sorte qu’ils peuvent apparaître comme de simples anomalies au regard des habitats ruraux communs. À titre d’exemple, le site de “la Pièce de Bildoux” à Vivoin (72) n’a pas été intégré au corpus malgré la découverte de la partie supérieure d’un grand chaudron (constitué de bronze et de fer). En effet, l’occupation assez limitée dans le temps, voit trois phases d’aménagements durant La Tène D1, qui ne semblent accueillir à chaque fois qu’une seule unité familiale. Le chaudron est le seul élément qui permette réellement de proposer un statut aisé aux habitants de cet établissement. Très peu de restes d’amphores ont été mis au jour (de rares fragments qui correspondent à un ou deux individus), la parure est représentée par une unique fibule en fer. De plus, le plan du site – de moins d’un hectare de superficie – est clos par des fossés assez peu profonds (1,2 m au maximum). Par conséquence, il est probable que la résidence soit celle d’une famille “d’une certaine aisance sociale”, mais pour laquelle le statut aristocratique ne peut être démontré89. Le vaste enclos de 2,5 ha de Rannée (35), actuellement situé dans la forêt de la Guerche et dont les talus sont pour certains encore conservés sur 1 m de haut, n’a pas non plus été intégré à l’analyse. Les sondages programmés, conduits entre 1988 et 1992, renseignent sur la chronologie du site (iie et ier s. a.C. principalement). L’occupation perdure vraisemblablement jusqu’au début de l’époque romaine, entre le milieu du ier siècle et le début du iie siècle, mais en étant réduite à une superficie de 6000 m²90. Le mobilier recueilli dans les sondages effectués au sein des enceintes indique un contexte privilégié. Une monnaie en or, attribuée au peuple voisin des Aulerques Cénomans, a été découverte en contexte stratigraphique – fait rare en contexte d’habitat rural dans le quart nord-ouest de la Gaule – mais également des fragments de creusets d’orfèvre qui indiquent le travail de métaux précieux sur le site. Les restes d’amphores découverts sont peu nombreux. Finalement, ces indices témoignent du caractère peu commun de cet habitat, qui n’est pourtant pas suffisamment bien renseigné pour pouvoir être intégré à la réflexion91.
96Au final, douze sites ont été retenus (fig. 93) sur l’ensemble de la zone d’étude.
Fig. 93. Liste des habitats aristocratiques retenus pour l’étude (réal. J. Remy).

Chronologie des habitats aristocratiques retenus
97Certains sites apparaissent tardivement92, tandis que d’autres s’inscrivent dans une longue évolution depuis La Tène ancienne, voire dès la fin du premier âge du Fer93 (fig. 94). En l’état actuel de la documentation, l’un ou l’autre des schémas ne semble pas prédominer. On dénombre globalement trois épisodes de fondation, l’un démarre dès la fin du premier âge du Fer, le second peut être situé à la fin de La Tène ancienne ou au début de La Tène moyenne et le dernier à la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale.
Fig. 94. Chronologie de l’ensemble des établissements ruraux présentés (réal. J. Remy).

98Par ailleurs, dans le courant de La Tène finale, la moitié des habitats, soit six sur douze, est abandonnée ou connait un déclin qui se reflète dans un changement de statut. Il ne semble pas qu’un lien de cause à effet puisse être établi entre ce phénomène et l’origine de leur fondation. En effet, certains d’entre eux apparaissent très tôt durant la période laténienne, voire dès le vie s. a.C. pour l’établissement d’Inguiniel (56), tandis que d’autres émergent plus tardivement.
99Toutefois, la grande majorité de ceux qui perdurent après la fin de la Conquête connaissent de profondes modifications : changement de statut ou de fonction du site. Ainsi, les établissements de Guérande (44), Inguiniel (56) et ceux de Marcé (49) connaissent à l’époque romaine des occupations domestiques mais d’ampleur moindre. À Paule (22), Plouër-sur-Rance (22) et Bauné (49), les habitats sont progressivement abandonnés tandis que s’installent des espaces à vocation cultuelle à l’emplacement de l’ancien habitat ou dans ses environs immédiats. Dans tous les cas, rares sont les occupations qui perdurent au-delà du iie s. p.C. L’établissement d’Inguiniel est fréquenté jusque dans le courant du iiie siècle et le temple implanté à Bauné se maintient jusqu’à la fin de l’époque romaine. On notera tout de même, à proximité de l’habitat du “Boisanne” (Plouër-sur-Rance), une occupation romaine identifiée sur 8 ha par des prospections, pour qui la fonction de villa ou de petite agglomération reste mal assurée94.
100Enfin, l’établissement de “Rosquelfen” à Laniscat (22) fait figure d’exception puisque l’habitat se maintient et semble prospérer à l’époque romaine, bien qu’il soit restructuré dès la seconde moitié du ier s. a.C. Il voit même la création d’un hameau aux ier et iie siècles.
Situation géographique et topographique
101Les habitats présentés sont majoritairement installés sur des plateaux et occupent, pour la plupart, des versants (fig. 95). Seuls deux cas illustrent des implantations en bord de plateau ou sur un replat. Les points hauts sont également investis puisque quatre habitats, soit environ un tiers, sont établis sur des points hauts, des sommets de plateaux, de colline ou d’une ligne de crête.
Fig. 95. Graphique présentant la localisation topographique des habitats ruraux susceptibles d’avoir été des résidences aristocratiques dans le quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

102Aucun habitat n’est situé en fonds de vallée, seul l’établissement du “Bois Hue” à Nantes (44) occupe le bas versant d’une plaine alluviale (celle de l’Erdre).
103Ces observations sont globalement en accord avec les constats obtenus pour l’ensemble des habitats ruraux – issus de la base de données nationale sur l’espace rural du second âge du Fer déjà évoquée – des régions de Bretagne et de Pays de la Loire95. Toutefois ces résultats sont largement tributaires des choix d’aménagements d’époque contemporaine qui évitent les zones basses et humides pour la construction de lotissements ou de zones d’activités. De plus, ces lacunes géographiques sont très rarement palliées par l’archéologie programmée. Ces milieux sont également mal appréhendés par les prospections aériennes, puisqu’ils livrent peu d’indices phytologiques, comme le rappellent T. Lorho et Y. Menez qui en déduisent que l’occupation de ces espaces est sous-estimée en Bretagne96.
Analyse hiérarchique des habitats aristocratiques
104Les douze sites retenus ont été classés par ordre hiérarchique selon la grille d’analyse proposée par Y. Menez (cf. supra chap. II, p. 165). Pour plus de transparence et pour permettre des comparaisons, les sites de la première catégorie (qui regroupent jusqu’à quatre spécificités), qui n’ont pas fait l’objet de notices, sont présentés dans le tableau (fig. 96).
Fig. 96. Classement hiérarchique des habitats ruraux susceptibles d’avoir été des résidences aristocratiques dans le quart N-O de la Gaule, à la fin de l’âge du Fer, d’après les critères définis par Y. Menez (réal. J. Remy).

105La grille d’analyse fonctionne par la validation simple de la présence ou de l’absence de chacun des 18 critères établis. Seules les dimensions du site et de ses clôtures sont chiffrées. Toutefois, les valeurs quantitative ou qualitative de ces critères ont été prises en compte lors de l’étude des habitats. Les sites figurant dans la partie haute du classement représentent le sommet de la hiérarchie avec le plus grand nombre de critères identifiés, mettant ainsi en valeur les habitats cumulant le plus de signes de richesse et de puissance.
106Précisons que les objets liés au banquet intègrent les lots d’amphores, retrouvées en importante quantité, mais aussi les ustensiles spécifiques aux repas collectifs. Le critère des armes comprend également l’ensemble des éléments pouvant correspondre à la panoplie du cavalier (de son véhicule et de l’harnachement).
107Si l’on reconnaît trois grands épisodes de fondation de ces sites, l’échelle chronologique restreinte à La Tène moyenne et finale n’entre pas en compte dans l’analyse étant donné le nombre limité d’habitats étudiés.
108La première catégorie de site n’est donc pas retenue et la seconde correspond à celle qui regroupe le plus grand nombre d’habitats du quart nord-ouest de la Gaule – plus de trois quarts du corpus. Ils présentent plus de quatre et jusqu’à sept particularités liées à leur architecture, à leur morphologie et aux objets recueillis par rapport aux autres habitats ruraux habituellement découverts en France septentrionale : six sites désignés par Y. Menez, c’est-à-dire Laniscat (22), “Hélouine” et “Le Dreffoux” (Marcé, 49), “La Bleure” (Cholet, 49), Plouër-sur-Rance (22), Dissay-sous-Courcillon (72), auxquels on ajoute “Brantonnet” (Guérande, 44), ainsi que le site du “Bois Hue” (Nantes, 44).
109Ce dernier ne compte que quatre spécificités, en deçà de la limite fixée, tout comme Yvré-L’Evêque (72) ou le site de “La Fosse” à Vivoin (72) qui ont pourtant été écartés de l’analyse. Néanmoins, le site de Nantes (44), qui n’a pas fait l’objet d’un décapage intégral, mérite d’être conservé pour plusieurs raisons. La densité des structures et le nombre de greniers identifiés (sept) sur une surface enclose appréhendée de seulement 3500 m² sont significatifs, même si le phasage des structures n’a pu être précisé sur une occupation longue d’au moins 200 ans (fig. 97). De plus, le nombre de restes d’amphores (400 restes), mis au jour, dépasse largement les corpus habituellement recueillis sur les sites ruraux de la région. Ajoutons une remarquable pérennité du plan tout au long de l’occupation, implanté dès la fin du ive ou au début du iiie s. a.C.
Fig. 97. Plan général de l’établissement de Nantes,“Le Bois Hue” en Loire-Atlantique (DAO J. Remy, d’après Levillayer 2012, 42, fig. 42).

110La seconde catégorie hiérarchique, désignée par les habitats pour lesquels ont été reconnues plus de sept caractéristiques, n’est représentée que par le site d’Inguiniel dans le Morbihan (neuf spécificités recensées). Le site de Paule (22), quant à lui, arrive au sommet de la hiérarchie réunissant le plus grand nombre de critères, soit quinze. Trois catégories sont donc conservées à laquelle, il semble pertinent d’en ajouter une quatrième. En effet, l’écart entre les sites regroupant sept caractéristiques et ceux qui en compte cinq au maximum semble suffisamment significatif pour que l’on puisse isoler les sites des “Natteries” à Cholet, de Dissay-sous-Courcillon et de Guérande. Ainsi, les douze habitats sont répartis entre quatre catégories de la plus modeste à la plus riche :
Catégorie 1 : Plouër-sur-Rance, “Le Boisanne” ; Marcé, “Hélouine” ; Cholet, “La Bleure” ; Marcé, “Le dreffoux” ; Laniscat, “Rosquelfen” ; Bauné, “Le Haut-Soulage” ; Nantes, “Le Bois Hue” ;
Catégorie 2 : Cholet, “Les Natteries” ; Dissay-sous-Courcillon, “Beauregard” ; Guérande, “Brantonnet” ;
Catégorie 3 : Inguiniel, “Kerven-Teignouse” ;
Catégorie 4 : Paule, “Saint-Symphorien”.
111Y. Menez propose de comparer le site de “Saint-Symphorien” à six autres habitats, dont deux sont localisés dans la zone géographique ici concernée, c’est-à-dire l’établissement des “Natteries” à Cholet et celui du “Haut-Soulage” à Bauné. Précisons que le parallèle est restreint à l’enclos résidentiel, qui correspond au secteur le plus densément bâti et par conséquent au secteur habituellement visé par les fouilles préventives, qui généralement se limitent à son emprise.
112Il est en effet nécessaire d’être conscient de ces facteurs, inhérents à l’archéologie rurale et rarement (en partie) compensés par un complément d’interventions programmées comme à Bâtilly-en-Gâtinais ou à Paule, qui bénéficie d’une surface étudiée cumulée de près de 5 ha – ce qui correspond potentiellement à seulement 16 % de la surface totale estimée du site.
113L’évolution du site des “Les Natteries” à Cholet et sa morphologie sont les principaux arguments qui permettent de le rapprocher de la résidence de “Saint-Symphorien”. En effet, la première phase voit l’édification au iie s. a.C. d’un vaste enclos curviligne de 1,1 ha, à vocation résidentielle, compris dans un second enclos. Le plan évoque celui de Paule édifié quelques siècles auparavant (fig. 98). Les similarités sont également d’ordre architectural, tant du point de vue de la morphologie générale de la résidence que des constructions qu’elle abrite. À partir du iie s. a.C. le secteur résidentiel atteint une surface d’un peu plus d’1 hectare limité par un imposant système de clôture – rappelons que le fossé atteint au maximum 3,40 m de profondeur pour 8 m de largeur à l’ouverture. De grands bâtiments, de plus de 100 m², ancrés par de profondes fondations évoquent également les constructions monumentales de Paule (fig. 99). Enfin, l’abondance des restes d’amphores recueillis (2178 restes) sur le site marque, comme pour Paule, une spécificité au regard des autres corpus régionaux.
Fig. 98. Cholet, “Les Natteries” : première phase datée du iiie s. a.C. (DAO J. Remy, d’après Maguer 2007).

114Le rapprochement proposé pour le site du “Haut-Soulage” à Bauné est moins évident du fait de l’insuffisance des interventions conduites. Pour rappel, l’établissement qui est constitué par trois enclos alignés pour lesquels les surfaces intérieures n’ont quasiment pas été décapées, est certainement occupé sur une période plus courte, durant les iie et ier s. a.C. Si l’organisation de l’habitat nous échappe en grande partie, l’ampleur des fossés de l’un des enclos n’est pas anodine (jusqu’à 3,80 m de profondeur et près de 8 m à l’ouverture). L’état très lacunaire des données recueillies, l’évolution mal appréhendée des enclos ne permettent pas de pousser davantage les comparaisons.
115Qu’en est-il des autres sites placés au sommet de la hiérarchie, après Paule ?
116Le site d’Inguiniel, plus proche de Paule dans le classement hiérarchique présente évidemment de nombreuses similitudes (fig. 99). La première étant la chronologie des sites et leur longue évolution, bien que l’agrandissement de l’habitat apparaisse plus progressif dans le cas d’Inguiniel. Dans les deux cas, dès le iiie s. a.C., une profonde restructuration s’accompagne de l’abandon d’un ensemble d’enclos curvilignes pour la construction d’une résidence quadrangulaire délimitée par des fossés monumentaux, d’ampleur tout de même moindre à “Kerven-Teignouse”. Ce site est également desservi par une voie, prolongée par un pont de 50 m de long, bâti à hauteur d’un cours d’eau. Les activités artisanales y sont bien développées, mais dans une moindre mesure là encore qu’à “Saint-Symphorien”. Toutefois, on remarquera que la surface fouillée passe presque du simple (2,9 ha) au double à Paule. De fait, l’habitat d’Inguiniel est nécessairement moins bien documenté. En revanche, il se distingue du site de Paule par la rareté des restes d’amphores et par l’absence d’ustensiles voués à la tenue de repas collectifs97. Ajoutons que l’architecture est également moins imposante malgré la présence de grands bâtiments.
Fig. 99. Habitats enclos du quart N-O de la Gaule placés au sommet de la hiérarchie des habitats ruraux de la fin de La Tène, selon les critères définis par Y. Menez (réal. J. Remy, d’après sources précédemment citées).

117L’établissement de Dissay-sous-Courcillon, placé en quatrième position dans le classement, se singularise par une surface enclose de plus de 2 ha. Certains des fossés atteignent jusqu’à 2,70 m de profondeur, mais la partie résidentielle, restreinte à un enclos de près de 0,6 ha, est limitée par des fossés bien moins imposants de 1,30 m à 2,20 m de profondeur qui ne confèrent pas au site l’aspect monumental et encore moins défensif que l’on observe à Paule ou à Inguiniel. Quelques éléments mobiliers informent tout de même d’un statut particulier comme les deux lames d’épée et les restes d’un fourreau d’épée, un rasoir pour la toilette, bien que les signes mobiliers de richesse apparaissent en quantité relativement limitée. Aussi, les 96 restes d’amphores recueillis sur le site témoignent de la condition de vie confortable des propriétaires, en capacité de s’être procuré du vin, pourtant bien loin des quantités importées à Paule ou aux “Natteries” à Cholet. De plus, l’occupation dans la partie résidentielle est peu dense et le programme architectural (bâtiments et clôtures) est sans commune mesure avec celui de Paule.
118À Guérande, si les fossés d’enclos sont moins profonds, l’enclos résidentiel, dont l’accès est contrôlé par un imposant système d’entrée, est renforcé par une voire deux lignes de clôture qui lui confèrent un aspect monumental. De plus, l’espace intérieur, d’une superficie équivalente à celle de Paule, est partagé en secteurs rigoureusement délimités. Si aucune pièce d’armement n’a été découverte sur le site, plusieurs éléments de parure attestent d’une certaine aisance des habitants, peu comparable cependant à la richesse et la diversité du mobilier provenant du site osisme. Les restes d’amphores, qui sont deux fois plus nombreux qu’à Dissay-sous-Courcillon, confirment la qualité de vie des propriétaires. L’exploitation du sel a sans doute participé au développement et à l’essor de cet établissement. Ajoutons que les traces de fondation des bâtiments évoquent des constructions moins massives qu’à “Saint-Symphorien”.
119Finalement, ces quelques précisions confirment les tendances générales annoncées par le classement hiérarchique. Ainsi, les sites de statut plus élevé apparaissent dans le haut du tableau, les plus modestes dans le bas. Mais, dans le détail, l’ordre des sites peut être contesté du fait de la valeur de certains critères qui offrent des réalités archéologiques plus complexes. Par exemple, le site d’Inguiniel montre une plus grande diversité de critères que le site de Cholet qui n’a livré aucun élément d’armement ni objet confectionné dans des matériaux précieux, en revanche son corpus d’amphores est l’un des plus importants ensembles de la région. L’inégalité des interventions archéologiques est certainement l’un des principaux facteurs permettant d’expliquer l’hétérogénéité des données qui ont probablement quelques conséquences sur ce classement. Malgré ces réserves, les témoignages de puissance et de richesse de l’établissement de Paule n’ont visiblement pas d’équivalent dans ces régions.
120Le caractère exceptionnel du site de Paule, tant par son étendue que par le déploiement de richesse et de puissance dont il fait preuve, trouve difficilement de point de comparaison en Bretagne et en Pays de la Loire. Mais, au-delà des critères de monumentalité et de la qualité de vie dont témoignent ces établissements au regard de la plupart des habitats dispersés des campagnes de l’ouest de la Gaule, l’un des apports essentiels des fouilles de “Saint-Symphorien” repose sur la mise en évidence d’une enceinte périphérique associée à l’enclos résidentiel. Il faut préciser qu’elle n’a été perçue que par de petites fenêtres de fouilles qui ne permettent pas réellement de restituer la totalité de leur tracé (fig. 100). Les alentours de la forteresse sont, en fait, principalement documentés dans le secteur oriental. Ainsi, à l’ouest, le tracé des enceintes externes correspond à des hypothèses s’appuyant principalement sur des indices cadastraux et topographiques qui n’ont pu être validées par des sondages. En dehors de la forteresse, rappelons que les fenêtres d’explorations ont renseigné sur deux zones d’habitats, des espaces enclos voués au stockage. Selon les estimations précédemment évoquées, cinq à dix hectares restent donc inexplorés et il est par conséquent difficile d’évaluer le nombre de personnes que cette résidence et le domaine qu’elle semble avoir géré ont pu accueillir. Actuellement, une vingtaine de bâtiments ont été reconnus (toutes fonctions confondues), ce qui n’apparaît pas excessif en comparaison avec d’autres établissements98. L’exemple du site des “Pierrières” à Batilly-en-Gâtinais (45) montre que la surface enclose n’est pas nécessairement bâtie dans son intégralité. En effet, cet habitat, daté de la fin de La Tène, se présente sous la forme de deux enclos emboîtés couvrant une surface de plus de 19 ha. L’enclos principal (de près de 2 ha), délimité par une clôture monumentale, est le plus densément bâti (fig. 101). Il est intégré à une enceinte trapézoïdale plus vaste, qui libère un espace central vide de constructions d’environ 10 ha, interprété comme une esplanade99. L’organisation du site a permis d’établir des parallèles morphologiques avec l’aménagement des villae “à pavillons multiples alignés”, qui apparaissent dans le courant du Haut-Empire, individualisant une pars urbana et une pars rustica100.
Fig. 100. Paule, Saint-Symphorien : localisation des secteurs fouillés et des tracés connus et supposés des enceintes extérieures (réal. J. Remy, d’après Menez 2008, 502).

Fig. 101. Batilly-en-Gâtinais, “Les Perrières” (45) : plan schématique (Fichtl 2013b, 330, fig. 1).

121Comme pour Bâtilly-en-Gâtinais et comme le souligne Y. Menez, les données de fouilles amassées à Paule invitent à croire que l’activité agricole n’était pas la fonction principale du site qui a livré bien d’autres témoins d’activités artisanales. Les textes des auteurs antiques indiquent que la résidence de ces grands propriétaires terriens gaulois pouvait accueillir, dans le cadre de divers événements ponctuels, une population importante101.
122À titre d’exemple, S. Fichlt interprète le site des “Pierrières” comme “une résidence aristocratique, dans laquelle le propriétaire organiserait, régulièrement ou de manière plus ponctuelle, à l’occasion d’événements particuliers, des banquets pour un nombre important de convives”102. Effectivement, le site de “Saint-Symphorien” révèle également une fonction sociale, que traduit bien sûr la présence de l’enceinte extérieure, construite dans le courant de La Tène finale, mais également la présence d’un édifice subcirculaire dont le plan évoque celui d’un bâtiment de rassemblement pour la tenue de banquet(s) par exemple. Précisions que l’interprétation fonctionnelle de cette construction repose également sur la découverte de vaisselle luxueuse et d’importation (cf. annexe 24).
123Quels sont les sites (parmi ceux présentés) susceptibles d’avoir eu la capacité d’accueillir de telles populations, c’est-à-dire pouvant dépasser la fonction de résidence d’un propriétaire terrien aisé ? Il est difficile de répondre à cette question car bien souvent les décapages archéologiques se limitent à l’enclos principal de l’habitat, les zones périphériques étant peu étudiées. Quelques sondages ou opérations archéologiques périphériques permettent d’envisager, dans certains cas, l’étendue du site, mais dans des proportions qu’il est difficile d’évaluer ? À Guérande, à une centaine de mètres de l’habitat de “Brantonnet”, la découverte de déchets liés à une activité saunière suppose l’extension de l’établissement vers le sud sur moins de 3 ha. À Laniscat, une fenêtre de fouille, environ 200 m plus au sud, a révélé la présence d’une zone bâtie (fig. 102). Aux “Natteries” et à “La Bleure” à Cholet, des constructions et des fossés parcellaires ont également été identifiés autour de l’enclos résidentiel. L’étendue du site est estimée à au moins 2,7 ha pour le premier.
Fig. 102. Plan général de l’établissement de Laniscat dans les Côtes-d’Armor (DAO J. Remy, d’après Roy 2009, 52, fig. 33).

124Finalement, par l’ampleur de ses clôtures, la superficie des vestiges appréhendés, la qualité des programmes architecturaux et les autres critères déjà évoqués, le site des “Natteries” est celui qui présente le plus de similitudes avec Paule, sans toutefois l’égaler.
125Quelques enceintes quadrangulaires, qui n’ont pas fait l’objet de fouille, pour lesquelles les clôtures sont encore partiellement conservées dans le paysage et pour lesquelles on reconnaît une occupation à la fin de La Tène, posent question quant à leur nature et à leur fonction. Y. Menez propose qu’elles correspondent, pour les plus monumentales, à la partie résidentielle de demeures d’aristocrates. Il retient entre-autres les enceintes quadrangulaires de Trégueux et de “Kerfloc’h” à Plaudren (56), déjà évoquées dans les chapitres précédents (cf. supra).
126Quatre autres exemples, ayant livré du mobilier de La Tène moyenne et/ou finale, méritent d’être abordés. En Bretagne, l’enceinte de Plogastel-Saint-Germain (29), de 1,8 ha de superficie, forme un rectangle irrégulier de 59 m par 160 m de côté. Encore visible en 1978, le rempart de 8 m de haut pour 10 m de large, parementé en “petit appareil”, est aujourd’hui presque entièrement arasé103. Le fossé extérieur associé présente une ouverture visible de 5 m de large. La mise au jour de fragments d’amphores gréco-italiques et de Dressel 1A et de céramiques de La Tène finale, à l’intérieur, permet de supposer une occupation entre La Tène C2 et La Tène D2a104. L’enceinte de “Castellien” à Confort-Meilars (29), bien qu’elle soit en grande partie arasée aujourd’hui doit également retenir notre attention. D’une surface d’un peu plus de 1 ha, elle a fait l’objet d’une description par M. Wheeler qui observait encore en 1938 des portions de remparts atteignant jusqu’à 9,50 m de haut. Si cette indication semble démesurée, des tronçons du talus sont actuellement conservés sur 3 m à 4 m de haut. Celui-ci est doublé par un fossé qui était profond de 2,50 m à 3 m dans le courant du xxe siècle, avant son comblement définitif. De plus, la portion méridionale du rempart est doublée par un second talus, qui était encore conservé sur 4 m de large et 5 m à 6,60 m de haut dans la première moitié du xxe siècle105. La découverte de fragments d’amphores à l’intérieur de l’enceinte atteste d’une occupation à La Tène finale et peut-être dès La Tène moyenne106.
127“Le camp romain” de La Romagne, localisé à moins de 10 km au nord-ouest des “Natteries” se présente sous la forme d’une enceinte rectangulaire aux dimensions particulièrement imposantes (1,7 ha). Trois de ces côtés sont encore conservés en hauteur par un talus atteignant 5 m de haut en moyenne. Celui-ci est doublé par un fossé interne de 3 m de large et un fossé externe de 12 m d’ouverture (prospection J. Remy, 2015), profond d’au moins 3 m de large selon des observations du xixe siècle. Plusieurs mentions associent cette enceinte au tracé d’une voie romaine107. La découverte lors d’une prospection de 22 fragments de Dressel 1A suggère une occupation du site à La Tène finale. On peut également ajouter l’enceinte d’Yvignac (22), qui se démarque par la mise au jour d’un buste sculpté similaire aux sculptures anthropomorphes de “Saint-Symphorien”, de restes de sidérurgie et d’amphores de type Dressel 1A108. Néanmoins, les clôtures étant arasées, leurs dimensions ne peuvent être précisées. Enfin, l’attribution de l’enceinte de 2 ha de “Kerguilly” à Dinéault (29), ou de celle plus vaste (3,6 ha) de “Kergoulouarn” à Ploneour-Lanvern (29) n’ont pas livré d’indices suffisamment précis pour pouvoir les attribuer sans conteste à la fin du second âge du Fer.
128Les parallèles morphologiques de ces quelques sites avec l’enceinte de “Saint-Symphorien” ne sont certes pas anodins étant donné l’ampleur des clôtures de certains de ces établissements. Toutefois et bien que l’hypothèse d’habitats fortifiés paraisse tout à fait justifiée, il convient de rester prudent quant à leur interprétation en l’absence de fouille. Rien ne permet d’exclure, en effet, que ce type de clôture ait pu abriter des fonctions diverses à la fin de l’âge du Fer. À ce propos, l’enceinte monumentale de Trégueux est interprétée par certains comme la résidence d’un aristocrate109, bien que les vestiges décrits dans le rapport évoquent, au moins, tout autant un lieu à vocation collective (cf. annexe 10). Nous ne manquerons pas de revenir sur ces questions (cf. infra chap. II, p. 188).
129Pour conclure, si l’on peut présumer que d’autres établissements de même ampleur que celui de Paule restent à découvrir, comme l’attestent les quelques enceintes qui viennent d’être présentées, on rejoindra les réserves émises par F. Malrain qui note que “l’intensité des fouilles sur les habitats ruraux incline à penser que cette catégorie d’occupation n’est que faiblement présente”110. Toutefois, le corpus d’habitats ruraux de rang élevé n’est pas figé et la fouille de l’enclos de Saint-Jouan-des-Guérets (35), situé à “Blanche Roche”, à quelques kilomètres seulement de la Cité d’Alet (35), apportera sans doute des éléments nouveaux à ce sujet. Diagnostiqué en 2009 et en 2013, ce vaste établissement rural, d’une surface minimum de 3 ha, est attribué à La Tène finale111. Il se présente sous la forme d’un ensemble composé de deux enclos limités par d’imposants fossés de 5 m de largeur pour 3 m de profondeur.
Répartition spatiale des habitats aristocratiques
130La dispersion des habitats retenus pour cette étude n’apparaît pas régulière. Aucune généralité ne semble pouvoir être tirée de leur répartition (fig. 103). La prise en compte des habitats de statut social inférieur, attribués à la catégorie 1 d’Y. Menez et des quelques enceintes monumentales non fouillées, révèle tantôt une meilleure dispersion des sites (chez les Namnètes, les Cénomans ou les Osismes), tantôt des regroupements (chez les Ambiliates). La concentration observée chez les Andécaves témoigne sans doute d’un secteur d’aménagements actuel plus dynamique autour de la ville d’Angers (fig. 104). Finalement, ces cartes ne se montrent pas particulièrement éloquentes. On notera simplement l’étonnante absence de ces sites chez les Riedones et chez les Diablintes.
Fig. 103. Répartition spatiale des habitats ruraux correspondant à de probables résidences aristocratiques de la fin de La Tène (réal. J. Remy).

Fig. 104. Répartition spatiale des habitats ruraux présentant des spécificités peu communes et correspondant aux quatre catégories sociales les plus élevées selon les définitions d’Y. Menez, ainsi que les quelques enceintes quadrangulaires monumentales datées de la fin de La Tène (réal. J. Remy).

Synthèse préliminaire sur l’habitat
Les rythmes d’occupation de l’habitat dans le quart nord-ouest de la Gaule
131Afin de confronter la chronologie de l’ensemble des habitats précédemment évoqués et pour réduire le risque d’erreurs, les sites les moins précisément datés ont été retirés – ou seulement utilisés à titre de comparaison –, tels que Erquy (22), Châtelais (49), Le Pouliguen (44), “Kercaradec” à Quimper (29), “Le Camp de César” au Fief-Sauvin (49) et Plougasnou (29). Rappelons que la qualité de la documentation et de la datation de ces sites est disparate et le plus souvent susceptible d’évoluer. Cependant, il est nécessaire de dépasser ces carences afin de pouvoir proposer quelques résultats.
Le développement de l’habitat au second âge du Fer
132Premièrement, on remarque que les habitats groupés ouverts (certains et probables) apparaissent globalement plus tôt que les agglomérations fortifiées dans le courant du second âge du Fer, c’est-à-dire dès le iiie s. a.C. pour certaines (fig. 105). Seule l’occupation du “Petit Mesnil” à Moulay (53) connaît des antécédents au début de La Tène moyenne – sous une forme qu’il est difficile d’identifier –, voire peut-être dès la fin du ve ou le début du ive siècle d’après la révision du mobilier issu des fouilles menées dans les années 1970 (à l’intérieur de l’enceinte réduite du bourg). Si les sites fortifiés sont moins souvent documentés par des fouilles que les habitats groupés ouverts, ou le sont par des opérations de moindre ampleur, la chronologie de ceux qui en ont bénéficié ne contredit pas ce constat : Vue (44), Ploulec’h (22), Angers (49), Landunvez (29), “La Cité d’Alet” à Saint-Malo (35).
Fig. 105. Évolution chronologique des agglomérations ouvertes et fortifiées laténiennes (réal. J. Remy).

133Il est intéressant de noter que les sites fortifiés de rang inférieur (rang 4), qualifiés d’habitats fortifiés, eux aussi n’apparaissent pas avant La Tène C2, bien que certains livrent des indices d’occupations anciennes (à l’âge du Bronze ou au premier âge du Fer), mais sans continuité chronologique (fig. 106). D’un point de vue chronologique et pour la zone géographique qui nous concerne, c’est-à-dire le quart nord-ouest de la Gaule, les sites fortifiés tels qu’ils ont été définis précédemment (agglomérations fortifiées de rang 1 à 3), présentent la particularité de n’être occupés, dans le second âge du Fer, qu’à partir de La Tène C2. Actuellement, seul le plus vaste site peut faire exception à la règle, ce qui mérite d’ailleurs d’être précisé puisqu’à Moulay la stricte continuité de l’occupation entre le début de La Tène moyenne et le début de La Tène finale n’a pu être vérifié lors de l’opération préventive. De plus, l’occupation du plateau durant La Tène moyenne correspond vraisemblablement à un habitat ouvert.
Fig. 106. Évolution chronologique des habitats enclos aristocratiques à l’âge du Fer et des petits sites fortifiés de moins de 5 ha (rang 4 ; réal. J. Remy).

134A contrario, l’évolution des habitats aristocratiques se démarque par une étonnante longévité. Plus de la moitié des établissements, qui se développent durant La Tène moyenne et finale, correspond à une création de La Tène ancienne ou du Hallstatt final (ive siècle voire dès le vie s. a.C.).
135Dans ces régions, force est donc de constater que l’investigation des points hauts et leur fortification semblent, à la fin du second âge du Fer, assez strictement limitées et indépendantes de la taille des établissements, de leur fonction et de leur statut. En effet, l’analyse des sites fortifiés a permis d’établir quatre rangs hiérarchiques à partir desquels il a été possible de désigner deux grandes catégories : les agglomérations fortifiées d’une part et les petits sites fortifiés, pour lesquels la(les) fonction(s) est(sont) mal établie(s), d’autre part. Le rempart ne concerne donc pas que les agglomérations, ni toutes les agglomérations, d’après le nombre d’habitats groupés de plaine non fortifiés mis en évidence. Par conséquent, le phénomène de fortification paraît indépendant du processus d’urbanisation et pose forcément la question des motivations de leur construction. P. Moret a récemment démontré, par un raisonnement tout à fait convaincant, que l’architecture des remparts gaulois établis à la fin de La Tène offre des “solutions défensives parfaitement adaptées à la poliorcétique gauloise” – construits bien avant la confrontation avec l’armée romaine. Il conclut qu’ils sont d’abord édifiés selon une stratégie défensive avant d’être une expression ostentatoire et/ou symbolique. Pour reprendre ses propos, “La clé est à chercher, plus simplement, dans les circonstances historiques qui ont pu inciter les Gaulois, sur une période de temps relativement courte, à adopter une stratégie défensive...”112.
136Par ailleurs, une récente enquête collective, réalisée à l’échelle de l’ensemble du territoire national, a permis de distinguer clairement trois phases de développement des sites de hauteur fortifiés durant la Protohistoire, au ixe siècle, au ve, puis à la fin du iie s. a.C., période qui connaît sans doute le pic le plus significatif113. Ce constat partagé par l’ensemble des régions françaises suggère que la situation stratégique de ces sites ait influé sur la récurrence de l’occupation de ces sites. Les raisons de ce phénomène de perchement peuvent être multiples suivant les périodes, cependant entre la fin du iie s. a.C. et le début de l’époque augustéenne, il puise sans doute son origine dans un contexte de fortes tensions sociales, politiques et/ou militaires. Un ensemble de situations de crises – migrations germano-celtiques, pression exercée par la République romaine, révoltes successives des peuples autochtones, etc. – qui pourrait avoir incité au perchement et à la défense des habitats pour un meilleur contrôle et une protection des biens et des personnes.
Rupture et continuité de l’occupation à l’époque romaine
137La question de l’abandon des sites est plus nuancée.
Les sites fortifiés de rang 1 à 3
138Concernant les plus grands sites fortifiés (de rang 1 à 3), certains sont définitivement délaissés (sans trace de violence) à la fin de La Tène, ce qui est, sans conteste, le cas de Vue (44) et de Moulay (53).
139Les éperons barrés littoraux, dont les superficies dépassent 5 ha, tel que Sauzon (56) ou Landunvez (29) sont vraisemblablement, eux aussi, abandonnés à la fin de l’âge du Fer114. De même, quelques éléments mobiliers découverts sur le “Camp d’Artus” à Huelgoat (29), à Peaule (56) ou à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35) signalent une fréquentation de ces promontoires à l’époque romaine, sans que l’on puisse actuellement envisager l’existence d’agglomérations. Pourtant, la présence d’un important carrefour entre les voies romaines reliant Corseul au Mans et Rennes à Avranches, pour lesquelles les tracés sont bien attestés, suppose la présence d’une agglomération secondaire sur la commune de Vieux-Vy-sur-Couesnon ou dans ses environs proches115. Au contraire, cinq sites fortifiés (de rang 2 et 3) perdurent sous la forme d’agglomérations à l’époque romaine : Duneau (72), Chênehutte (49), Angers (49), Ploulec’h (22) et Saint-Malo (35). Précisons qu’Angers est le seul chef-lieu de cité romain pour lequel on reconnaît des antécédents gaulois dans le quart nord-ouest de la Gaule. Par ailleurs, s’il ne fait aucun doute de la présence d’une agglomération romaine tardive à Alet, l’occupation du Haut-Empire est sujette à discussion. L. Langouët considère un abandon brutal autour de 20-25 p.C. en raison d’un incendie qu’il associe à la révolte conduite par Julius Florus et Julius Sacrovir que rapporte Tacite116. D’après M. Monteil, ces lacunes sont la conséquence de fouilles principalement limitées à un secteur (celui des cathédrales) et à l’incidence des aménagements de l’Antiquité tardive sur les vestiges antérieurs. Plusieurs indices, telles que la mise en évidence de bâtiments maçonnés et la présence de céramiques couvrant “uniformément les trois derniers siècles de notre ère”, plaident en faveur de cette position, qui est ici préférée117.
140Entrammes (53) est le seul exemple avéré de déplacement de pôle à quelques kilomètres de distance après la Conquête romaine. L’agglomération romaine émerge justement au centre des indices d’un habitat groupé laténien, entre “La Carie” et le “Clos des Primevères” (fig. 73). Néanmoins, deux autres cas potentiels de déplacement doivent être signalés. À moins de 2 km de distance de l’éperon barré d’Erquy (22), une occupation romaine reconnue sur au moins 9 à 10 ha par des prospections et quelques sondages ne peut être interprétée avec certitude comme une agglomération littorale. En effet, elle pourrait aussi bien correspondre à une villa maritime118. Le bourg de Châtelais (49), au sud de la confluence qu’on suppose fortifiée à la fin de l’âge du Fer, est identifié comme l’emplacement de la station de Combaristum, référencée sur la Table de Peutinger. Seules quelques découvertes issues de prospections alimentent cette hypothèse, qui en l’absence de preuves suffisamment tangibles ne peut être validée119.
141Finalement, le devenir de ces sites fortifiés après la Conquête est relativement mal renseigné. Cinq d’entre eux seulement donnent le jour à des agglomérations romaines certaines ou probables. À ce propos, il est nécessaire de rappeler que l’on manque de certitudes quant à la nature fortifiée de l’occupation gauloise à Duneau (72), future agglomération secondaire antique. D’après les nombreux vestiges romains fréquemment rencontrés sur bon nombre de sites fortifiés de la fin de l’âge du Fer (de rang 1 à 3), il est probable que ce chiffre soit amené à évoluer.
Les habitats groupés ouverts
142Les habitats groupés ouverts perdurent tous au changement d’ère sous la forme d’agglomérations certaines ou présumées, ou bien font l’objet de légers déplacements vers des sites distants de moins de 4 km et ce malgré des situations parfois plus complexes, comme en témoigne le tableau contrasté présenté dans le chapitre consacré aux habitats groupés (cf. supra chap. II, p. 135). Seul Gétigné (44) fait exception à la règle. Cet argument pourrait d’ailleurs être considéré en défaveur de son statut d’agglomération.
143Au total, sur les 26 habitats groupés ouverts120 qu’ils soient fortifiés ou non, en hauteur ou en plaine, 20 d’entre eux (soit soit plus de trois quarts des sites) perdurent à l’époque romaine sous la forme d’agglomérations (certaines ou supposées) ou connaissent un léger déplacement, de moins de 5 km. En revanche, presque aucun site fortifié de moins de 5 ha (rang 4), qualifié d’habitat fortifié, n’est occupé pendant la période romaine. Toutefois, ces observations doivent être nuancées par la nature des interventions archéologiques réalisées sur ces sites, qui rappelons-le, sont souvent trop limitées. En guise d’exemple, mentionnons le “camp de Kervédan” sur l’Île de Groix (56), qui a livré un fragment d’amphore et un tesson de sigillé, des découvertes qui signalent au moins une fréquentation à l’époque romaine.
Les habitats aristocratiques
144De même, dans le nord-ouest de la France, la plupart des résidences de l’aristocratie qui, pour leur part, ont toutes bénéficié de larges décapages, ne perdurent pas au-delà de la Conquête, ou bien connaissent un changement de statut. Pour rappel, l’habitat de Laniscat (22) est le seul à afficher une réelle continuité avec l’époque romaine. Dans ce cas, l’occupation se densifie et forme un petit hameau aux ier et iie s. p.C.
Les petits sites fortifiés et l’aristocratie gauloise : quelques points de réflexions
145L’analyse des sites fortifiés a permis d’établir quatre rangs, dont les trois premiers correspondraient à des agglomérations fortifiées de différents niveaux hiérarchiques. Ces interprétations reposent d’une part sur la superficie, et d’autre part, sur les activités ou sur le mobilier découvert sur ces sites. Les plus petits établissements (de moins de 5 ha), de rang 4, sont également les moins bien documentés, d’où la difficulté à interpréter leur(s) fonction(s). Mais, cette carence documentaire n’est pas propre au quart nord-ouest de la Gaule et la fonction de ces petites fortifications de La Tène finale est fréquemment débattue malgré des indices archéologiques souvent insuffisants.
146Dans la vallée de l’Aisne, les chercheurs ont mis en évidence deux types d’habitats qui coexistent à La Tène finale : les habitats ruraux enclos et les sites fortifiés. Ils font l’objet d’un classement hiérarchique qui aboutit à deux propositions121. La première retient sept niveaux hiérarchiques, les quatre premiers étant représentés par les sites fortifiés classés suivant leur superficie, tous qualifiés d’oppida – y compris les sites de moins de 4 ha –, les trois derniers correspondent à des habitats ruraux enclos ayant fait l’objet de comparaisons. Les cinq premiers niveaux, c’est-à-dire les différents oppida et les plus importants établissements ruraux, sont supposés correspondre aux résidences de l’élite de la société gauloise. La seconde proposition opère des regroupements qui réduisent le classement à cinq niveaux. Cette formule, qui n’est alors pas celle favorisée par les auteurs, rassemble les plus importants établissements ruraux et les petits sites fortifiés, de moins de 4 ha, dans “une même catégorie de résidences aristocratiques, enrichies soit par la terre, soit par une activité artisanale spécialisée”122.
147Les sites fortifiés de rang 4 du quart nord-ouest de la Gaule peuvent être considérés comme des habitats isolés, mais pas nécessairement ruraux. Les emplacements géographique et topographique stratégiques, spécifiques à ces sites – sur le littoral ou sur des points hauts, systématiquement au contact de cours d’eau –, ne renvoient pas particulièrement au monde agricole, mais plutôt à des fonctions ostentatoires ou de contrôle sur le territoire. La présence de restes d’amphores sur au moins sept des quatorze sites et/ou de mobiliers – telle que la parure – suggère tout de même l’existence d’habitations pour lesquelles le caractère élitiste n’est assuré que dans deux cas, à Sainte-Suzanne (53) et “Beg en Aud” à Saint-Pierre-Quiberon (56).
148L’hypothèse selon laquelle ces sites seraient gérés par l’aristocratie apparaît tout à fait recevable du fait du caractère militaire et parfois ostentatoire des fortifications qui les protègent. Dans l’est de la Gaule, chez les Leuques et les Médiomatriques, les plus petits sites fortifiés (inférieurs à 8 ha), ont été interprétés comme des résidences de l’aristocratie, placés au sommet de la hiérarchie des établissements ruraux123.
149La dernière typologie de l’habitat celtique établie par S. Fichtl pour la fin de l’âge du Fer, est avant tout fondée sur la fonction des sites et non sur leur morphologie (fig. 26). Les établissements fortifiés peuvent alors recevoir plusieurs interprétations, celle d’espace de stockage fortifié ou celle de fortification aristocratique. Il reconnaît également une catégorie à part pour les sites fortifiés non interprétés. Actuellement, pour le quart nord-ouest, aucun argument ne peut être avancé en faveur des lieux de stockage fortifiés.
150Dans l’hypothèse que ces petites fortifications correspondent à des résidences aristocratiques, il faut remarquer que la chronologie très resserrée de l’occupation de ces établissements durant La Tène contraste avec celle de la plupart des établissements ruraux aristocratiques, dont les origines remontent bien souvent au début de La Tène (voire avant) et qui connaissent une remarquable continuité jusque dans le courant de La Tène finale (fig. 106). Ce qui suppose que les sites fortifiés apparaissent en réponse à un phénomène différent de celui qui voit le développement des habitats ruraux aristocratiques, qui eux s’inscrivent dans une longue évolution (cf. supra chap.II, p. 184). À ce propos, P. Moret envisage que certaines fortifications aient été édifiées comme lieux de refuge en réponse à un contexte historique probablement belliqueux124.
151Le caractère éminemment défensif de la résidence aristocratique de Paule (22) pose d’ailleurs question. C’est justement dans le second quart du iie s. a.C. que la résidence aristocratique de Paule est équipée de remparts (à poteaux verticaux) qui permettent d’accueillir ses dépendances. Le cœur du site est réaménagé à cette période durant le ier s. a.C., procurant un aspect indéniablement défensif à la forteresse, dont les accès sont soigneusement protégés et contrôlés. Sans envisager le statut d’agglomération, le territoire de cette résidence a pu offrir un abri à la population rurale alentours lors de(s) période(s) de troubles. Il est intéressant de noter que dans le Centre de la Gaule, certains habitats ruraux aristocratiques sont équipés, à la fin de La Tène, de véritables remparts analogues à ceux rencontrés sur les oppida. Les enceintes quadrangulaires de Meunet-Planches et de Luant dans l’Indre, respectivement de 1 ha et 1,8 ha, sont encloses par d’imposants murus gallicus, un type de fortification que l’on pensait jusqu’alors réservé aux grands sites fortifiés. La fonction de ces deux établissements est pourtant clairement différente de ces oppida mais l’adoption de cet équipement signe l’adhésion à une référence culturelle125 et “une volonté de démonstration sociale”126. On peut supposer qu’à la fin de l’âge du Fer, certaines résidences de l’élite sont équipées de remparts, reproduisant les défenses mises en œuvre sur les oppida (ou grands sites fortifiés).
152Finalement, les positions stratégiques de ces petits sites fortifiés (de rang 4) évoquent des lieux gérés par l’aristocratie, dont les fonctions ont pu être multiples. Certaines ont pu abriter des résidences, des habitats, d’autres correspondent plus probablement à des points de contrôle commerciaux ou militaires sur le territoire, voire à des lieux de refuges qui n’ont pas nécessairement été occupés de manière permanente. Cette dernière hypothèse pourrait expliquer l’absence de vestiges sur certains sites pourtant prospectés. Le camp de la “Ségourie” au Fief-Sauvin (49), est un bon exemple, puisque l’intérieur de la fortification ne laisse aucun indice d’occupation détectable en photographie aérienne, ni même au sol, bien que le terrain labouré sur 2,5 ha soit propice aux prospections. On est donc en mesure de supposer une utilisation autre que celle d’un habitat.
153La référence à ce site permet de soulever un dernier point concernant ces petites fortifications. On remarque qu’un certain nombre d’entre elles sont en lien avec un habitat groupé périphérique : au Fief-Sauvin (49), à Gesnes-le-Gandelin (72), à Aubigné-Racan (72) ou de manière un peu moins évidente à Saint-Pierre-Quiberon (56). Le plus souvent, les données ne sont pas suffisamment précises pour affirmer une stricte contemporanéité des sites ni pour mettre en évidence la nature de leurs interactions. À Moulay (53), par exemple, à l’arrière d’un puissant rempart (rempart du Bourg), une ville fortifiée intégrant la petite fortification a pu être dégagée grâce à une opération préventive de grande ampleur. Au Fief-Sauvin, la configuration topographique est assez similaire. La fortification est distante de moins de 500 m d’une agglomération potentielle, mais aucun indice d’un rempart englobant un site plus large n’est repérable en prospection. Avrolles dans l’Yonne ou Gondole dans le Puy-de-Dôme, apportent des points de comparaisons intéressants à ce schéma observé dans le quart nord-ouest de la Gaule, que S. Fichlt propose de rapprocher du “type Zemplin” de J. Collis, caractérisé par une fortification entourée d’un faubourg artisanal127.
154À titre de comparaison et malgré les carences documentaires du Fief-Sauvin, il est intéressant de revenir sur l’exemple d’Avrolles (89). Son histoire est d’abord marquée par l’apparition d’un sanctuaire au cours de La Tène moyenne, dans la vallée du Créanton, aux pieds du Mont Avrollot, autour duquel se développe vraisemblablement un habitat groupé d’une dizaine d’hectares, comme en témoigne un riche mobilier (découvert hors stratigraphie). Au Fief-Sauvin (49), les vestiges mis au jour dans les environs du sanctuaire romain de “La Vieille Vigne”, qui connaît peut-être un état antérieur, orientent vers un schéma d’occupation similaire à celui d’Avrolles, bien qu’il soit difficile d’en lire l’ampleur. Pour le site bourguignon, l’occupation de plaine se poursuit au cours de La Tène finale avec, en parallèle, un réinvestissement du Mont Avrollot – qui est déjà fortifié à la fin du premier âge du Fer – sur une surface de moins de 3 ha, défendue par un murus gallicus (fig. 107). Au vu de l’ampleur de la fortification de “La Ségourie”, il n’est pas exclu que le rempart ait connu plusieurs phases d’aménagements. Des fouilles anciennes attestent, au moins, la présence d’un murus gallicus enserrant 2,5 ha (cf. annexe 9). Enfin, l’occupation de plaine d’Avrolles se poursuit jusqu’à l’époque romaine durant laquelle se développe une agglomération128. Au Fief-Sauvin, une agglomération secondaire se met en place sur le plateau au ier siècle.
Fig. 107. Évolution du pôle d’Avrolles dans l’Yonne à La Tène finale (réal. J. Remy, d’après Barral & Nouvel 2012, 149, fig. 7).

155De plus, la dynamique d’urbanisation perceptible à Avrolles se développe sur un secteur à forte empreinte cultuelle, puisque la plaine accueille une nécropole de plusieurs hectares fréquentée jusqu’à La Tène ancienne. Si aucune fouille n’a été réalisée dans les environs du site fortifié de “La Ségourie” (49) (mis à part sur le sanctuaire), des indices phytologiques observés lors de prospections aériennes suggèrent la présence de tumuli. Effectivement, des enclos circulaires d’importants diamètres (de 8 m à 18 m) ont été révélés par les prospecteurs.
156La comparaison avec les sites d’Aubigné-Racan (72) et de Gesnes-le-Gandelin (72) est toute aussi, sinon plus, éloquente129. La fortification de Gesnes-le-Gandelin est distante de 2 km d’une occupation de plaine mise en évidence sur la commune d’Oisseau-le-Petit, tandis que dans le contrebas de la petite enceinte d’Aubigné-Racan, des vestiges de nature cultuelle et/ou funéraire ont été mis en évidence pour différentes périodes entre l’âge du Bronze final (IIb, IIIa) et l’époque romaine (cf. annexe 34). Il convient de souligner l’importante similitude entre ces trois sites de hauteur (Aubigné-Racan, Gesnes-le-Gandelin et le Fief-Sauvin), tous les trois distants de près de 2 km des vestiges de plaines.
157L’occupation dans les environs immédiats de l’éperon barré de “Beg-en-Aud” à Saint-Pierre-Quiberon (56) est suggérée par quelques indices encore mal définis. À environ un kilomètre de distance du rempart, des vestiges de bâtiments associés à du mobilier de La Tène finale sont signalés à “Kergroix” et à “Runaron”. L’érosion des falaises sur la plage du Fozo ou à la pointe du Percho ont livré des indices funéraires protohistoriques ou domestiques de La Tène finale (fig. 77).
158Le rapprochement avec Gondole (63) est moins évident du fait de l’importante superficie abritée par le rempart de barrage (28 ha), qui signale une fonction de l’oppidum arverne (de La Tène D2) tout à fait différente des petits promontoires du quart nord-ouest de la Gaule. Les vestiges, de natures très diverses (funéraire et/ou religieux, domestique et artisanal), attestent d’une extension de l’occupation d’environ 25 ha aux abords de la fortification130.
159À Zemplin (Slovaquie) l’espace fortifié de 3,6 ha est interprété comme une acropole à l’extérieur de laquelle se développe une agglomération artisanale131. Finalement, il est probable que ces similarités morphologiques cachent des réalités très différentes en fonction des territoires. Les exemples de Bundenbach (Allemagne), du “Camp de la Bure” ou du site de la “Pierre d’Appel” à Étival-Clarefontaine dans les Vosges, avancés par S. Fichtl, rappellent que la fouille peut révéler des occupations de natures diverses, que les apparences ne permettent pas de soupçonner132. En effet, pour ces exemples, les traces archéologiques n’attestent en aucun cas la présence directe d’une élite et de sa résidence133.
160Enfin, dans le cas du Fief-Sauvin, on peut se risquer à une dernière comparaison avec les “Territorial oppida”, selon la terminologie employée par C. Haselgrove134. Sans reprendre dans le détail, la description de ce site, rappelons que, au regard de l’importance du rempart du “Camp de César”, de la quantité et de la qualité du mobilier recueillis en prospection dans les alentours de cette fortification et du développement d’une agglomération secondaire au début de notre ère, l’hypothèse d’un habitat groupé laténien se développant au pied de la fortification a été privilégié (cf. annexe 19). Cependant, cette interprétation ne suffit pas à expliquer la présence d’une grande quantité d’enclos mis en évidence, par prospection aérienne, sur près de 300 ha et qui s’étendent bien au-delà des limites supposées de l’agglomération romaine. Bien qu’ils ne soient probablement pas tous synchrones, l’originalité dont fait preuve l’agencement de l’ensemble de ces indices archéologiques autour de la fortification – on pourrait également rappeler la présence de vestiges datés de La Tène finale sous le temple romain de “La Vieille-Vigne” – évoque quelque peu les grands ensembles de la fin du ier s. a.C. du sud-est de la Grande-Bretagne. Ces “Territorial oppida” – tels que Silchester ou Saint-Albans –, qui se distinguent des oppida “classiques” d’Europe celtique, se caractérisent par la proximité, sur plusieurs centaines d’hectares, d’habitats ruraux modestes ou aristocratiques et de leurs terroirs, associés à des espaces funéraires, cultuels et artisanaux135. Ces ensembles, qui ne sont pas interprétés comme des centres urbains, sont en partie délimités ou structurés par de gigantesques fossés aux tracés discontinus à vocation non défensive et dont on ne comprend pas bien la(es) fonction(s.)
161Bien que ces “Territorial oppida” apparaissent tardivement et que l’on n’observe pas de grands fossés au Fief-Sauvin, la comparaison n’apparaît pas si aberrante si l’on tient compte de la proximité de tous ces indices archéologiques, formant un ensemble qui se heurte à la typologie de l’habitat gaulois traditionnellement admise.
162Finalement, toutes ces comparaisons ou suggestions ont principalement pour vocation d’interpeler le lecteur sur l’éventail des possibilités, sur les progrès qu’il reste à réaliser et sur la nécessité de mettre en place des programmes de fouille sur ces petites fortifications de La Tène finale et leurs environs immédiats.
De l’agglomération ouverte à l’oppidum : un rapport uniquement évolutif ?
163Les relations chronologiques entretenues entre les habitats groupés ouverts et les oppida (ou grands sites fortifiés) ont bénéficié dans un premier temps des recherches conduites sur plusieurs sites européens qui ont permis de reconnaître un modèle d’évolution pour l’habitat de la fin de l’âge du Fer. Les habitats groupés doubles de Levroux (le “village des Arènes” et la “Colline des Tours”), de Bâle (“Gasfabrik” et “Münsterhügel”) et de Breisach (“Hochstetten” et “Münsterhügel”) indiquaient tous, en effet, une succession de l’habitat groupé ouvert vers un site fortifié de hauteur, l’oppidum. Ce schéma d’évolution, aussi considéré comme le modèle d’émergence du phénomène urbain à la fin de La Tène, est clairement énoncé en 1994 par O. Buchsenschutz et S. Krausz à l’occasion du colloque de l’AFEAF tenu à Winchester136. À partir des années 2000, de nouvelles découvertes, qui révèlent des réalités plus contrastées, vont permettre de nuancer ce modèle137. Aussi, la poursuite des recherches sur les deux habitats de Bâle (Suisse) offre des précisions chronologiques qui révèlent une période de transition à La Tène D1a durant laquelle les deux sites sont occupés. Les exemples de la haute Loire, en territoire ségusiave montrent que les habitats de plaine de Feurs, Goincet et Roanne, fondés dans le courant du iie s. a.C., subsistent durant La Tène finale malgré l’implantation d’un site de hauteur fortifié à proximité de chacun d’eux (Essalois, Le Crêt-Châtelard et Joeuvre). Une dernière situation, illustrée par l’oppidum de Manching (Allemagne) et probablement par Besançon et Mirebeau-sur-Bèze (25), peut être observée, celle d’une agglomération initialement ouverte, fortifiée dans un second temps.
164À l’échelle de l’Europe celtique, les rapports chronologiques entre habitats groupés ouverts et enclos sont donc multiples. Cependant, le schéma initialement posé est toujours valable dans certains cas, pour Levroux ou pour l’agglomération de Tonnerre chez les Lingons qui est progressivement remplacée, au cours du ier s. a.C., par l’oppidum de Montbellant138.
165Ce rapport entre l’habitat ouvert et le site fortifié ne peut être réellement observé que dans un seul cas pour le quart nord-ouest de la Gaule. Bien que ces deux types d’agglomérations se côtoient sur au moins sept des territoires concernés par l’étude, la distance entre les sites est souvent trop importante pour pouvoir établir une réelle corrélation (fig. 108). Précisons que les plus petites fortifications, pour lesquelles l(es)’ interprétation(s) est(sont) plus problématique(s) ne sont pas prises en compte ici.
Fig. 108. Répartition des sites fortifiés selon leur rang hiérarchique et des habitats groupés.

Les sites fortifiés : 1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les habitats groupés : 1 : Trégueux ; 2 : Quimper ; 3 : Les Alleuds ; 4 : Quiberon ; 5 :Oisseau-le-Petit ; 6 : Jublains ; 7 : Entrammes ; 8 : Le Fief-Sauvin ; 9 : Beaufort-en-Vallée ; 10 : Plaudren ; 11 : Gétigné ; 12 : Guérande ; 13 : Blain ; 14 : Plounéventer (réal. J. Remy).
166La fortification du “Port du Salut” et l’habitat groupé de plaine possiblement associé – dont rappelons que le statut n’est pas clairement assuré – sur la commune d’Entrammes (53) au sud du territoire diablinte, montrent une correspondance claire. En effet, le rempart n’est distant que de 250 m de la “Carie” et d’à peine plus d’un kilomètre de l’espace de stockage du “Clos des Primevères”. Malheureusement, le site de hauteur est loin d’être le mieux renseigné du corpus et les données chronologiques sont peu précises, néanmoins les trois interventions menées à l’intérieur de l’enceinte signalent une implantation à La Tène finale et peut-être dès le iie s. a.C. (La Tène C2-D1a). Il existe donc certainement une courte plage de recouvrement, d’une ou deux générations, entre l’abandon du site de plaine, qui se développe dès la fin du iiie siècle ou au début du iie s. a.C. et l’investissement de la confluence entre la Jouanne et la Mayenne. Pour rappel, l’emplacement du premier habitat est privilégié à l’époque romaine, qui voit son implantation pas avant la première moitié du ier s. a.C. Le schéma de succession entre agglomération de plaine et site fortifié est donc confirmé avec une période de chevauchement qui n’est pas incompatible avec l’aménagement certainement progressif d’un nouvel habitat.
167Cet exemple ne rend pas compte d’une réalité vraisemblablement plus complexe à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule. Effectivement, il est donc utile de discuter de deux autres cas qui témoignent de la pluralité des situations entre les habitats ouverts et fortifiés.
168L’agglomération de Jublains (53) et “l’oppidum du Mesnil” (Moulay ; 53), distants d’environ 10 km, sont contemporains et se côtoient au moins durant toute La Tène finale. Seul l’un d’eux perdure à l’époque romaine, Jublains, qui devient chef-lieu de cité. Les fouilles conduites sur ce dernier ne suffisent actuellement pas à préciser la période de fondation de l’habitat (dans le courant de La Tène moyenne), mais il est probable que les deux sites soient fondés en parallèle. La présence d’antécédents de La Tène ancienne sur les deux établissements, de nature probablement rituelle pour l’un, témoigne de la charge symbolique de ces lieux. Les datations indiquent clairement que ces deux pôles, distants d’environ deux heures de marche – si l’on convient qu’un homme peut parcourir raisonnablement 5 km par heure (cf. infra chap. III, p. 199) –, ne se succèdent pas dans le temps, mais coexistent.
169Il est intéressant également de noter que chez les Andécaves, deux agglomérations de plaine et deux agglomérations fortifiées (ou présumées fortifiées) se répartissent uniformément le long de la Loire. L’habitat groupé des “Pichelots” (Les Alleuds, 49) se développe le plus précocement, dès la première moitié du iie s. a.C. Tandis que les premières traces d’occupation observées à Angers (49) apparaissent au milieu du iie s. a.C. Les deux sites, répartis de chaque côté du fleuve, se côtoient au moins entre La Tène D1a et la fin de La Tène D2a, c’est-à-dire durant plus d’un siècle. L’agglomération présumée de Beaufort-en-Vallée (49) et le site de Chênehutte-les-Tuffeaux (49) ne sont pas suffisamment bien documentés pour étendre ce raisonnement. Toutefois, le mobilier recueilli à Beaufort-en-Vallée témoigne d’une occupation attestée durant La Tène finale (de manière large) et pourrait ne pas connaître de hiatus avec la période du Haut-Empire qui voit le développement présumé d’une agglomération secondaire. Une même plage de recouvrement chronologique avec Angers et Les Alleuds est donc tout à fait envisageable. Angers poursuit son développement et devient la capitale de la cité des Andécaves à l’époque romaine. Chênehutte laisse également place à une agglomération romaine qui s’affranchit de la limite du rempart. Le devenir des habitants des Alleuds est moins évident puisque le site est abandonné entre la seconde moitié du iie siècle et le premier tiers du ier s. a.C. Il est possible qu’il soit déplacé à 2 km de distance – avec un hiatus ? – sur la commune de Chavagnes-les-Eaux (49), qui a livré des indices d’une occupation romaine principalement renseignée par des prospections et pour lequel le statut d’agglomération reste à démontrer139.
170Les relations entre les sites de plaine et de hauteur ne suivent visiblement pas un schéma rigide. Certains habitats groupés de plaine ne sont donc pas abandonnés au profit d’un lieu défensif durant La Tène finale. Il semble même que cette situation soit privilégiée à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule. Chez les Osismes, l’agglomération de plaine de “Kergolvez” (Quimper, 29) émerge dès le début du iiie s. a.C. et connaît une évolution constante durant La Tène finale alors que le site fortifié de Huelgoat (29) est probablement créé dans le courant de La Tène finale.
171L’agglomération de la “Ville Pollo” à Trégueux (22), dont la fondation remonte sans doute à La Tène C1 (cf. supra), se développe tout au long des iie et ier s. a.C., alors que l’habitat fortifié côtier de Ploulec’h (22) est mis en place au début de La Tène C2 à environ 25 km plus à l’est. Ils coexisteraient donc durant près d’un siècle et demi.
172Malgré les lacunes de cette documentation, on remarque que les habitats groupés ouverts conservent une activité au moins durant une partie des iie et ier s. a.C., alors même que les agglomérations fortifiées sont mises en place. Malgré l’état très lacunaire des données qui offre des séquences chronologiques souvent trop lâches, particulièrement pour les agglomérations encloses et les sites fortifiés de manière générale, deux constats doivent être établis. Premièrement, les habitats groupés ouverts s’avèrent généralement légèrement plus précoces que les agglomérations fortifiées (cf. supra). Deuxièmement, on note la coexistence, au moins momentanée, de ces deux types de pôle durant La Tène finale.
173Le premier point permet de supposer un processus d’urbanisation en deux étapes, dont on ne peut être aujourd’hui totalement assuré du fait des problèmes de datation. Une première étape, timide, voit la création de quelques agglomérations ouvertes entre la fin du iiie siècle et le tout début du iie s. a.C., c’est-à-dire dans le courant de La Tène C1. En effet, aucun habitat groupé fortifié n’est mis en place à cette période140. Puis, entre le début et le milieu du iie s. a.C., les agglomérations fortifiées se développent – parfois seulement à partir du début du ier s. a.C. En revanche, il n’est actuellement pas possible d’affirmer qu’à partir de La Tène C2, tous les habitats groupés qui voient le jour sont fortifiés puisque nombreux sont ceux qui ne sont connus que par des sondages ponctuels ou par des prospections.
Les fonctions et statuts des habitats groupés ouverts et enclos
174Nombreuses sont les agglomérations ouvertes qui ne sont pas directement associées au développement d’un site fortifié et qui ne sont donc pas en concurrence avec ceux-là. De plus, les agglomérations de plaine et les agglomérations fortifiées partagent une part importante d’activités artisanales et économiques, qu’elles contrôlent. La nature des activités qui sont pratiquées au sein des sites n’a apparemment pas de lien avec le caractère fortifié ou non de l’agglomération.
175Effectivement, on a pu constater que les agglomérations ouvertes offraient pour certaines de forts indices d’activités artisanales spécialisées (Jublains, Oisseau-le-Petit) tandis que d’autres pourraient tirer leur économie du développement de l’agriculture, voire d’un contrôle des activités agricoles, comme à Trégueux, à Entrammes ou à Quimper. Un constat identique peut être fait pour les agglomérations fortifiées pour lesquelles la densité d’occupation n’est d’ailleurs pas toujours au rendez-vous.
176Chez les Diablintes on a le sentiment d’une population très ruralisée, qu’un ou plusieurs pouvoir(s) a tenté d’organiser selon des modèles voisins avec de grands sites (Moulay et Entrammes) tout en ne modifiant pas l’économie de base fondée sur l’agriculture et/ou l’élevage. Bien entendu, actuellement il reste difficile de statuer quant à la nature économique de ces agglomérations lorsque leur superficie fouillée n’excède pas 7 %. En effet, rappelons que la confluence barrée d’Entrammes n’a fait l’objet que de rares opérations archéologiques, dont les résultats ne sont pas nécessairement représentatifs de la densité et de la nature de l’occupation.
177Toutefois, il ne semble pas y avoir de modèle économique propre à une morphologie de site et pas nécessairement de hiérarchie, de concurrence entre les agglomérations fortifiées et non fortifiées, comme l’ont suggéré E. Le Goff et A. Bocquet au sujet de Moulay et de Jublains141. Plusieurs pôles coexistent au sein du même territoire et parfois à seulement quelques kilomètres de distance. Leurs relations sont probablement plus complémentaires que rivales malgré des différences de superficie parfois importante, importante. Il faut sans doute envisager des fonctions et des rôles différents au sein du territoire – soit différents types d’économie, soit des fonctions distinctes (artisanales, commerciales, politique, cultuelle, etc.).
178On aurait alors affaire à un “schéma multipolaire” pour reprendre les termes de M. Poux employés pour désigner les différents pôles fortifiés (Gondole, Gergovie, Corent) qui émergent et se succèdent avec une plage chronologique de recouvrement (dans le second tiers du ier s. a.C.) dans le bassin de Clermont-Ferrand142. Cet exemple éclaire sur la complexité des situations et des limites de cette étude. Effectivement, on a d’abord estimé que les sites de Gondole et de Corent se succédaient avec des durées d’occupations courtes, mais la multiplication des études a montré qu’ils avaient coexisté143.
179Pour reprendre l’exemple de Jublains et de Moulay, l’un est bien plus vaste que l’autre, toutefois la densité d’occupation est proportionnellement plus importante à Jublains qu’à Moulay, il en est de même pour les témoins d’échanges commerciaux. Les symboles de puissance politique sont caractérisés à Moulay par le puissant rempart et l’importante superficie enclose. À Jublains, la présence d’un lieu à vocation religieuse, implanté peut-être dès La Tène ancienne, renseigne également de l’existence d’un pouvoir politique (cf. chap. II, infra p. 211, annexe 33). La relation hiérarchique entre ces deux pôles n’est donc pas si évidente qu’elle n’y paraît au premier abord.
180Les symboles de pouvoir qu’arbore “l’oppidum du Mesnil” contrastent avec la faible représentativité des activités artisanales et des déchets, mais également avec un habitat peu dense. V. Salač, pour qui la construction des oppida en Europe centrale procède d’une “composante” d’un long processus d’urbanisation, dont elle ne représente qu’une période de crise, propose une explication satisfaisante à ces incohérences :
“La construction des oppida de hauteur était certainement motivée avant tout par des raisons stratégiques et symboliques, mais pas économiques. C’est certainement pour cela que seule une partie d’entre eux possédaient un rôle économique plus important et un véritable caractère urbain sur une partie de leur surface”144.
181Le maintien de plusieurs pôles à quelques kilomètres de distance révèle certainement un dynamisme économique et politique plus important dans certaines régions, dont il sera nécessaire de discuter à travers une approche spatiale par territoire (cf. infra).
D’éventuels rôles politiques
182La structuration de l’espace interne et le rempart sont de bons indicateurs du rôle politique joué par les agglomérations fortifiées. Celui-ci est plus difficile à déceler au sein des agglomérations ouvertes qui, pour bon nombre, échappent encore à la fouille, mais il est d’ores et déjà possible de discerner des agglomérations spécialisées “dans un secteur de production, ou de transit”145 (Les Alleuds ou Entrammes) et des centres plus complexes répondant à des fonctions plus développées au sein d’un territoire. Ce qui revient implicitement à admettre une hiérarchie entre ces centres qui ne sont cependant pas nécessairement en compétition. Au contraire, les vestiges montrent que les agglomérations (fortifiées ou non) assument parfois des rôles différents, probablement complémentaires.
183Ainsi, la rigoureuse organisation de l’agglomération de Quimper (29) est certainement la manifestation d’un pouvoir autoritaire, tout comme l’édifice monumental et l’enceinte quadrangulaire mis au jour à Trégueux (22) qui témoignent sans doute de préoccupations administratives et/ou politiques. Celle de “Kerfloc’h” à Plaudren (56) est également un indice intéressant, malheureusement trop peu documenté (fig. 109). Le caractère politique de l’agglomération de Jublains (53) a déjà été évoqué. À Guérande (44), l’existence supposée d’un lieu à vocation religieuse oriente vers une même interprétation146 si toutefois la présence d’une agglomération devait être confirmée. De plus, les petits promontoires fortifiés qui surplombent certaines agglomérations potentielles pourraient également révéler le rôle politique d’Oisseau-le-Petit (72) et du Fief-Sauvin (49). Les vestiges de l’habitat groupé qui occupent la presqu’île de Quiberon (56) ne montrent aucun signe de pouvoir ou d’implication politique, tout comme aux Alleuds (49). Les autres habitats groupés ouverts sont, quant à eux, trop mal renseignés pour que l’on puisse se prononcer sur ce rôle.
Fig. 109. Localisation des vestiges des iie et ier s. a.C. à Plaudren (56), sur fond de cadastre actuel (réal. J. Remy d’après Daré 2012, fig. 12).

184Enfin, l’analyse hiérarchique des résidences aristocratiques a montré que seul l’habitat de Paule (22) présentait réellement une dimension politique, dont témoignent les remparts et l’édifice subcirculaire qui évoque un bâtiment de rassemblement et/ou la tenue de banquets (cf. infra chap. II, p. 171).
185En fin de compte, le statut politique n’est visiblement pas réservé aux agglomérations fortifiées et les modes de centralités apparaissent diversifiés à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule. Pour reprendre l’expression de H. Galinié, on perçoit “une variété d’agglomérations, sous des formes changeantes, pour l’exploitation des ressources”147. Ces conclusions rejoignent en partie les observations de P. Pion qui suggère que La Tène moyenne et finale correspondent à une “période d’expérimentation” de l’urbanisation en Europe celtique148. Chaque peuple ayant certainement pu faire sa propre expérience de l’urbanisation. La confrontation de ces résultats aux réseaux d’échanges dans lesquels s’insèrent ces sites et aux autres composantes du territoire permettra d’évaluer les réalités qui s’appliquent à chaque peuple.
Sanctuaires/espaces rituels et territoires
Caractérisation des espaces rituels et constitution du corpus
186La vie quotidienne peut être rythmée par des actes rituels de toutes sortes qui ne correspondent pas nécessairement à des manifestations religieuses. Pour reprendre les termes de l’anthropologue A. Testart : “Dans toute société il y a une multitude d’actes et de discours à contenu symbolique, mais une partie seulement relève de la religion”149. Aussi, il est aujourd’hui possible d’affirmer que l’activité religieuse à la fin de l’âge du Fer devait se mesurer à différentes échelles et notamment au sein de la sphère domestique ou funéraire. La mise en évidence de plus en plus fréquente de dépôts ritualisés en contexte d’habitat ou funéraire participe de cette connaissance150. Les statues anthropomorphes découvertes sur le site de Paule (22) sont un exemple parmi tant d’autres qui révèle certainement une activité religieuse au sein de la sphère domestique, puisqu’Y. Menez propose d’associer l’objet à un culte de l’ancêtre151. Or l’objectif de notre propos n’est pas de mettre en évidence l’ensemble des gestes et des pratiques religieuses des peuples du nord-ouest de la Gaule, mais plutôt d’identifier des lieux à vocation religieuse d’ordre communautaire, qui pourraient avoir eu pour fonction de rassembler des populations venues d’une agglomération environnante, du pagus, ou bien du territoire. Pour cette raison, les divers indices à caractère rituel issus de contextes domestiques ou funéraires n’ont pas été pris en compte.
187L’importance que l’on accorde ici à l’étude des sanctuaires et à la religion gauloise se résume à l’intuition d’A. Testart, formulée comme une loi universelle et selon laquelle “il existe une étroite analogie entre la forme de la religion et la forme de la société”152. D’ailleurs, les auteurs antiques César et Strabon nous apprennent que religion et politique sont étroitement liées chez les Gaulois. Le passage de la Guerre des Gaules qui illustre le mieux cette idée se trouve au Livre VI (§ 13-14)153, alors que l’auteur souligne l’importance de deux classes sociales en Gaule, celle des chevaliers et celle des druides, qui possèdent à la fois le pouvoir religieux, mais également un pouvoir judiciaire. Ce passage témoigne clairement de l’autorité des druides et de l’importance de la religion et du respect des règles dictées par celle-ci dans la vie privée et publique des populations gauloises, ce que confirme Strabon154.
188Il s’agit donc ici de mettre en évidence, au-delà de la sphère domestique, les lieux qui ont pu accueillir des manifestations religieuses publiques sur un territoire donné.
189La question des sanctuaires gaulois dans l’Ouest de la Gaule a déjà fait l’objet de plusieurs publications monographiques ou synthétiques dans les années 1990 et au début des années 2000155. Si la connaissance de ces lieux n’a que peu progressé depuis, il semble nécessaire de dresser ici un bilan complet et actualisé (fig. 110). Au total, onze espaces à caractère rituel certains ont été retenus et font l’objet de notices succinctes accessibles en annexe (fig. 111), ainsi que dix indices mis au jour sous des lieux de culte romains. Précisons que certains sites ne bénéficient d’aucun plan, soit parce que celui-ci n’a pas été établi à l’issue des fouilles (ex. : Saint-Jean-Trolimon, 29), soit parce qu’aucune structure bâtie laténienne n’a été reconnue (ex. : Arzon, 56).
Fig. 110. Liste des sanctuaires certains et potentiels datés des iie et ier s. a.C. dans le quart N-O de la Gaule et des principales opérations qui les ont concernés (réal. J. Remy).

Fig. 111. Localisation des sanctuaires certains datés des iie et ier s. a.C., sur fond des limites de territoires supposés pour le quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

190Enfin, il convient de mentionner deux sites qui ont été volontairement écartés de l’analyse. Le premier, “Trouguer” à Clenden-Cap-Sizun (29), localisé à quelques centaines de mètres des côtes atlantiques et de la pointe du Van, accueille une dense occupation de l’époque romaine. À l’occasion de fouilles réalisées entre 1889 et 1907 par P. du Chatellier, puis avec la collaboration de P. Merlat dans les années 1950, un grand édifice quadrangulaire, occupé du Haut-Empire jusque dans la première moitié du ive siècle, a été dégagé. Plusieurs hypothèses sont alors formulées quant à la fonction de cette construction, tantôt interprétée comme une villa, tantôt comme une forteresse. Plus récemment, la révision du plan a permis de l’identifier à un sanctuaire dont le plan, incomplet, apparaît analogue à celui bien connu du Haut-Bécherel à Corseul dans les Côtes-d’Armor156. Les différentes campagnes de fouilles ont livré un abondant mobilier, notamment des statuettes en bronze et des armes en fer. Ces derniers éléments évoquent les dépôts des sanctuaires laténiens du nord de la Gaule, malheureusement le mobilier métallique n’a jamais été précisément examiné et ne peut être attribué avec certitude à l’âge du Fer157. Par conséquent, sans une révision complète de ces pièces d’armement, il est actuellement impossible d’avancer avec certitude l’origine gauloise du sanctuaire.
191Le second cas, qui mérite d’être évoqué, concerne trois systèmes d’enclos mis au jour en 2000, sur la commune d’Écouflant (49) en périphérie de l’actuelle ville d’Angers. En effet, deux établissements caractérisés par des systèmes fossoyés sont édifiés et occupés à partir du iiie s. a.C. à environ 350 m de distance l’un de l’autre, aux lieux-dits de “La Réculière” et de “La Chaîne”. Le mobilier recueilli dans les fossés atteste de pratiques rituelles – de l’armement en partie mutilé (des fers de lance, un élément correspondant peut-être à une plaque de fourreau d’épée, une chaîne de suspension, des lames d’épée, un fourreau d’épée), des gobelets associés à des pratiques de libation – qui ne sont plus identifiables à partir de La Tène D1. En effet, à partir de La Tène finale, l’occupation prend un caractère tout à fait classique des contextes d’habitats ruraux sur les deux sites, avec l’adjonction d’un autre établissement (de 1700 m² de superficie), installé à proximité des deux autres. S’il est difficile d’imaginer le remplacement d’un lieu de culte par de simples habitats ruraux, oblitérant le caractère sacré des lieux, l’autre hypothèse – formulée par O. Nillesse qui est ici privilégiée – propose d’interpréter les dépôts comme les vestiges de rituels de fondation158.
Quelques sites problématiques ?
192Il faut mentionner deux autres sites pour lesquels la vocation cultuelle est moins assurée et mérite d’être discutée.
Le site de Moulay (53)
193Le premier correspond à l’enclos quadrangulaire, mis au jour à l’intérieur de l’enceinte principale de “l’oppidum du Mesnil” (Moulay ; 53). Pour rappel, il est matérialisé par des fossés peu profonds (0,35 m au maximum), larges de 0,70 m au plus, qui délimitent une surface d’environ 900 m². Celui-ci est intégré à un réseau fossoyé, ainsi qu’à un groupe de bâtiments dont l’orientation similaire permet de les rattacher à une même phase d’occupation (fig. 112).
Fig. 112. Moulay (53), plan de l’enclos de La Tène moyenne et de l’ensemble des structures supposées contemporaines au centre de l’enceinte du Mesnil (réal. J. Remy, d’après Le Goff 2015, vol. 4, 360, fig. 346).

194L’hypothèse quant à son caractère rituel repose sur plusieurs arguments tels que sa position topographique, puisqu’il est implanté sur une ligne de crête (130 m NGF), sa situation spatiale, au centre de la fortification du “Petit Mesnil” et la découverte dans le comblement des fossés de pièces d’armement. Notons que la mise en évidence de trous d’ancrage de poteau au sein de l’enclos a permis de proposer la restitution de trois ou peut-être de quatre bâtiments difficilement interprétables au vu de leur mauvais état de conservation. Un fer de lance daté de La Tène C1, oriente vers une origine de cet enclos dans la seconde moitié du iiie s. a.C., ce que confirme un lot de céramique de la même période. Deux attaches de ceinture, dont l’une est datée de La Tène D1, une épée et son fourreau, attribués à La Tène finale en général, ainsi que d’autres éléments en fer – un fragment d’arme et un autre appartenant peut-être à un umbo de bouclier, une douille de fer de lance, une extrémité de bouterolle et peut-être d’un bandage de roue – complètent ces découvertes. Si l’origine ancienne de cet enclos, sa localisation au sein du plateau fortifié et la présence de mobiliers caractéristiques de l’équipement du guerrier apparaissent pour le moins étonnantes, l’interprétation de sa fonction doit néanmoins être nuancée au regard de plusieurs constats. D’une part, d’éventuelles traces ou déformations issues d’actes rituels (mutilations), telles qu’on les identifie sur les armes déposées dans les sanctuaires gaulois, n’ont pas été relevées159. De plus, les modalités de dépôts des mobiliers qui accréditeraient l’usage de pratiques rituelles n’ont pas été clairement définies. Toutefois, la forte fragmentation d’un lot céramique – soit 656 tessons de petite taille pour un faible NMI de deux vases –, daté de La Tène C1, retrouvé dans le comblement des fossés orientaux, semble, de prime abord, inhabituelle vis-à-vis des contextes détritiques classiques160. Néanmoins, la faible quantité des vases et l’examen des cassures orientent davantage vers un contexte détritique lié au nettoyage d’un habitat161. D’ailleurs, les recherches récentes informent de la complexité à valider des interprétations cultuelles d’assemblages de vaisselles, nécessitant le suivi d’un “protocole d’analyse”162.
195D’autre part, le fait que l’enclos soit recouvert, au moment du développement de l’habitat à La Tène finale, par un lot de constructions inséré dans un quartier à vocation artisanal est peu compatible avec les schémas observés sur des sanctuaires gaulois avérés qui s’inscrivent généralement sur le temps long163. En effet, en admettant que cet espace dispose d’une valeur symbolique ou religieuse au moment de sa création, celle-ci n’est pas préservée et l’enclos n’est pas intégré dans la trame de l’agglomération.
196La question d’espaces rituels, de sanctuaires à l’origine de la création de centre urbain a été posé pour quelques oppida d’Europe celtique, tels que celui du Donnersberg, de Manching164, du Martberg (Allemagne) ou de Berne-Engehalbinsel (Suisse)165. En effet, ces sites ont livré des sanctuaires avérés – dans le cas de Manching ou du Martberg –, ou bien de vastes enceintes – de 0,63 ha pour le Donnersberg –, dont les fossés ont livré des dépôts à vocation cultuelle. Ces espaces, interprétés comme des lieux de culte, présentent systématiquement des positions dominantes et remarquables à l’intérieur du site, tout comme pour le cas de Moulay. Toutefois, pour ces autres oppida la fonction sacrée de ces espaces semble avoir perdurée tout au long de l’occupation du site, voire connait une continuité à travers la construction d’un ou de plusieurs temples romains, dans le cas du Martberg ou de Berne-Engehalbinsel166.
197Finalement, les indices d’occupations attribués à La Tène moyenne, à savoir l’enclos, les bâtiments et les fossés alentour apparaissent, pour l’heure, insuffisants pour valider l’hypothèse d’un sanctuaire (la position topographique et la présence d’un seul élément d’armement). Toutefois, les pièces d’armements du début de La Tène finale rejetées dans le fossé suggèrent tout de même un acte rituel et sans doute une fonction particulière pour cet aménagement, qui est définitivement abandonné au moment de l’implantation d’une nouvelle trame. Si l’hypothèse d’un sanctuaire ne peut être clairement validée, en revanche, la nature des mobiliers, peu habituelle, oriente davantage vers un rituel de fondation.
Le site d’Yvré-L’Evêque (72)
198Le second cas concerne l’enclos quadrangulaire du “Grand-Aunay” à Yvré-L’Evêque (72), situé dans les environs du Mans, à moins de 8 km à l’est, sur les bords de la rivière de l’Huisne. Caractérisé par son implantation délibérée en zone inondable alors que l’environnement proche offre de nombreux secteurs plus salubres, le site semble bénéficier d’un statut particulier, occupé durant toute La Tène moyenne et finale (La Tène C1 à La Tène D2). Il est matérialisé par deux enclos emboités – couvrant une superficie de 0,6 ha –, dont les fossés sont en connexion au niveau de deux voire de trois de leurs angles (fig. 113). La fouille a montré que la gestion de l’eau était importante pour les occupants du site : curage des fossés qui restent ouverts et en eau, limitation du développement de la végétation et entretien des parois des fossés (qui, pour certaines, sont protégées de matière organique). Des cloisonnements de type “dos-d’ânes” (de 10 à 40 cm) sont répartis de manière symétrique dans les fossés. De plus, le site est équipé d’un puits, situé en berge gauche du paléochenal, sur une série de fossés qui bordent le ru sud. Trois autres sont implantés dans les fossés internes de l’enclos. L’étude du site montre qu’ils pourraient avoir servi à maintenir les fossés en eau.
Fig. 113. Yvré-L’Evêque (72), plan général des structures de La Tène finale du Grand Aunay et environnement du site (réal. J. Remy, d’après Vacher & Bernard 2003, fig. 4 et 7).

199La situation géographique particulière, qui témoigne de l’importance accordée à l’eau et à sa gestion, a permis d’exclure l’hypothèse d’un site d’habitat ou d’un lieu à vocation agropastorale classique – aucun mobilier ne vient contredire cette analyse167. Aussi, le mobilier découvert sur le site évoque un contexte privilégié pour la région : une pointe de javelot, un éperon en bronze coulé, une bobine en bois de cerf, un fragment de gril, de la parure (en verre et en alliage cuivreux) dont une partie provient de deux fosses marquées par des blocs de pierre pour lesquelles une fonction rituelle est envisagée : fosses à offrandes, cénotaphes168 ?
200Par ailleurs, deux importants épandages de céramiques (très fragmentées) ont été découverts, l’un à l’extérieur de l’enclos – pouvant signaler une zone de stockage ? –, l’autre à proximité, débordant sur le fossé extérieur de l’enclos, probablement déposé au moment de l’abandon du site. La nature de ces deux ensembles est difficilement interprétable. Ils pourraient simplement résulter de gestes “extraordinaires”, ponctuels, profanes ou rituels169. On peut également envisager des rejets liés à un atelier de potier, pour lequel aucune trace n’aurait subsisté ou qui serait localisé en dehors de l’emprise de fouille.
201De plus, une activité d’orfèvrerie sur le site est supposée du fait de la découverte d’un moule bivalve “à potins”, de deux fragments de moules à alvéoles ou de lingotières et de creusets d’orfèvre, sans qu’aucun atelier n’ait pu être mis en évidence.
202Une sépulture à incinération d’un individu adulte a été reconnue, au sud-est, en dehors de l’enclos. Les fragments de calotte crânienne évoquent une trépanation. Les fragments osseux ont été triés du reste du bûcher et mêlés à des ossements d’animaux, brûlés pour certains, et à des éléments de parure. Le dépôt a été réalisé soit en vrac, soit en sac, dans une fosse rapidement comblée.
203Il n’est pas exclu que l’opération préventive ne concerne, en réalité, que la moitié d’un enclos bipartite. À ce propos, on notera l’important nombre de puits au regard d’une superficie relativement modeste, puisque l’ensemble ne devait pas dépasser 1,2 ha. De plus, à l’extérieur de l’enclos quadrangulaire appréhendé, un enclos ovalaire de 155 m² a été repéré mais décapé sur seulement quelques mètres carrés. Sa fonction et sa datation n’ont pas pu être définies. S’agit-il d’un espace de dépôt cultuel ? Ou bien a-t-il une fonction funéraire ? Se rattache-t-il à l’occupation laténienne ? Autant de questions qui restent irrésolues à l’issue de la fouille. Enfin, au moment de la Conquête le site semble avoir été détruit volontairement.
204Finalement, si la vocation cultuelle du site ne peut être clairement assurée, elle reste actuellement l’interprétation la plus cohérente vis-à-vis des vestiges mis au jour. Celle d’un habitat à vocation agro-pastorale, ou celle d’un site artisanal ont été évacuées170.
Indices de sites sous les lieux de culte romains : les sanctuaires potentiels
205Au-delà des onze sites à vocation rituelle attestés et des deux autres moins certains qui viennent d’être présentés, il convient d’ajouter les traces d’occupations laténiennes mises en évidence sous onze temples romains en Bretagne et en Pays de la Loire (fig. 114). Ceux-ci n’ont souvent fait l’objet que de fouilles partielles et n’ont pas été intégralement démontés, offrant des plans souvent très incomplets (fig. 110). De fait, les niveaux gaulois sont trop peu renseignés pour pouvoir être interprétés, néanmoins on peut supposer que le choix de l’emplacement d’un lieu de culte au Haut-Empire ne soit pas établi au hasard, d’autant plus si l’on ne constate aucun hiatus avec la fin de l’âge du Fer.
Fig. 114. Localisation des temples romains sous lesquels ont été mis en évidence des antécédents laténiens, sous fond des limites de territoires supposés pour le quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

206En effet, l’édification d’un lieu de culte au début de l’époque augustéenne sur une occupation préexistante pose inévitablement la question du choix de son implantation. La recherche sur les temples à plan centré (le fanum) en Gaule romaine, s’est rapidement intéressée à l’origine de cette architecture, trouvant dès la seconde moitié du xxe siècle des justificatifs dans la découverte d’antécédents laténiens – souvent limités à du mobilier. La présence d’une galerie autour d’une pièce centrale, ou cella ne trouvant pas de parallèles dans le reste du monde romain, celle-ci a été interprétée, avec l’appui des textes de certains auteurs antiques (Strabon et Posidonios), comme la permanence de pratiques religieuses gauloises et plus précisément d’un rite de circumambulation, adapté à des méthodes de construction méditerranéennes171. Cette théorie, soutenue malgré l’absence de vestiges similaires pour la période laténienne, a d’ailleurs motivé les travaux universitaires de L. Carpentier, qui s’attache à réexaminer, à la lumière d’un corpus de sites bien documentés, l’origine des temples à plan centré, généralement désignés comme étant de “tradition celtique”. La révision de l’historiographie et l’analyse d’un corpus d’une trentaine de temples dans le cadre d’un mémoire de master lui permet de poser l’hypothèse selon laquelle la construction du fanum est une évolution, une adaptation qui découle de pratiques rituelles gauloises autour de structures fossoyées ayant évolué vers la construction d’architecture permanente pour protéger la zone de dépôt. Dans cette perspective, l’auteur conclut que “La galerie périphérique apparaît comme un ajout à partir du ier s. a.C. destiné à abriter un rituel celtique : non pas simplement celui supposé de la circumambulation, mais, peut-être, celui de l’exposition certifié par l’archéologie”172.
207L’architecture de certains sites laténiens du quart nord-ouest de la Gaule pourrait d’ailleurs illustrer ces pratiques celtiques d’exposition et de dépôts rituels, de ces “autels creux”, à l’origine probablement de l’architecture des fana d’après L. Carpentier : “Les dépôts votifs connaîtraient ainsi une évolution similaire aux rituels, c’est-à-dire une centralisation, ce qui les associeraient progressivement au temple”173.
208Ainsi, les fosses des “Sept-Perthuis” à Saint-Malo (35), les dépôts et les fosses de Juvigné (53), les puits d’Andard (49) témoignent peut-être de ce type de pratiques votives. En revanche, les vestiges n’attestent que rarement, pour l’Ouest, d’aménagements spécifiquement destinés à abriter un rituel. Cette observation est sans doute, au moins en partie, imputable à l’état des connaissances, puisque plusieurs sites ont été appréhendés par des sondages ou des fenêtres limitées (cf. annexes 31 à 35). Le bâtiment circulaire mis en évidence à Guérande (44) – et qui abrite des fosses – constitue une exception.
209Finalement, ces travaux réaffirment l’intérêt de poser un regard diachronique sur les vestiges et les phénomènes en cours à la transition entre la fin de l’âge du Fer et le début de l’époque romaine, d’où l’intérêt de prendre ici en compte l’ensemble des indices mis au jour sous les temples romains.
Analyse descriptive et chronologique
210Si aucun schéma général ne semble se dégager quant aux rythmes de ce type d’occupation à travers l’âge du Fer, plusieurs points méritent d’être soulevés. L’analyse, qui suit, repose essentiellement sur celle des sites certains et/ou probables. Les autres ne sont intégrés qu’exceptionnellement ou à titre de comparaison.
La Tène A/B et C1
211Deux sites seulement – Ouessant (29) et probablement Saint-Jean-Trolimon (29) – puisent leur origine dès le premier âge du Fer et sont caractérisés par une remarquable continuité jusque dans l’Antiquité tardive (fig. 115).
Fig. 115. Évolution chronologique des sanctuaires certains et potentiels de La Tène moyenne et final du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

212Par ailleurs, huit sites sur douze, soit plus des deux tiers (de ceux pris en compte pour cette analyse), connaissent des antécédents à La Tène ancienne ou au début de La Tène moyenne (La Tène C1) – Ouessant, Douarnenez et Saint-Jean-Trolimon (29), Allonnes et Aubigné-Racan (72), Saint-Malo (35), Juvigné et Jublains (53). Il s’agit le plus souvent de mobiliers en position secondaire ou résiduelle, parfois mêlés à des éléments plus tardifs, laténiens (Saint-Malo, Saint-Jean-Trolimon ?), voire romains (Jublains, Douarnenez). Le dépôt métallique de La Tène C2/D1 recueilli dans une fosse à Aubigné-Racan constitue, à ce jour, une exception avec un ensemble cohérent déposé en une seule fois. La présence de ces mobiliers (datés de La Tène A/B ou C1) au sein de ces espaces est souvent mal comprise et soulève, en effet, de nombreuses questions : Constituent-ils des dépôts en place, des objets conservés tout au long de La Tène dans l’espace sacré, ou des éléments rapportés tardivement (à La Tène C2/D) et provenant pourquoi pas d’un site non identifié lors de la fouille ? En tout cas, mis à part à Allonnes aucune architecture, à proprement parlé, n’est associée à ces éléments. Doit-on y voir une conséquence taphonomique, une mauvaise conservation de ces vestiges, correspondant à des pratiques qu’on ne sait pas ou qu’on ne peut pas identifier ? Ou bien faut-il envisager que les vestiges les plus anciens aient été systématiquement détruits lors de la phase suivante, à La Tène C2/D ? Les situations sont multiples tout comme les réponses qui découlent certainement de ces questions. Examinons de plus près chacun des huit sites concernés.
213Le cas de Jublains est particulier puisque le mobilier a été recueilli, sous le temple romain, sur le sommet d’un paléosol parfois aménagé d’un lit de galets, et entaillé par un fossé qui est comblé tardivement à La Tène finale (fig. 116). Le mobilier est donc vraisemblablement en place et caractérise une occupation des lieux aux ive et iiie s. a.C. (La Tène B/C1).
Fig. 116. Jublains (53), plan du sanctuaire antique du “Temple de la Fortune” et des vestiges laténiens sous-jacents (réal. J. Remy, d’après Naveau et al. 1997, fig. 56).

214L’observation rigoureuse de la stratigraphie laténienne sur le sanctuaire d’Allonnes offre un premier élément de réponse, puisque le mobilier (du début du second âge du Fer) provient d’un remblai rapporté qui recouvre les restes d’architecture. Il est donc en position secondaire. L’état d’arasement des vestiges immobiliers et l’absence de mobilier associé ont engendré des difficultés quant à leur attribution chronologique. Néanmoins, certaines structures ont pu être attribuées aux phases les plus anciennes (fig. 117). Par conséquent, on peut se demander si ces espaces religieux ne font pas l’objet de bouleversements, particulièrement au changement d’ère, qui se cumulent à une longue utilisation des aménagements en place – sanctuaire romain qui connaît plusieurs phases de construction (cf. annexe 34) –, perturbant ainsi la lecture stratigraphique.
Fig. 117. Allonnes (72), plan du sanctuaire gaulois et romain de la “Tour aux Fées” (réal. J. Remy, d’après Brouquier-Reddé & Gruel 2015, 75, fig. 24).

215Sur le site de “Trogouzel” à Douarnenez, le mobilier céramique daté de La Tène ancienne et moyenne est systématiquement résiduel, dispersé dans les différents niveaux de l’âge du Fer et de l’époque romaine. Dans ce cas, on peut supposer qu’il provient d’une occupation localisée dans les environs immédiats du temple, non couverts par la fouille programmée et qu’il a été occasionnellement rapporté en remblais lors des différents réaménagements de l’époque romaine. L’hypothèse d’une occupation de La Tène ancienne et moyenne à proximité du temple est d’ailleurs étayée par la présence aux alentours d’au moins deux stèles174. Les rares structures mises en évidence par la fouille (trois trous d’ancrage de poteau) sont attribuées aux iie et ier s. a.C. (fig. 118). Toutefois, il faut rappeler que les opérations programmées n’ont couvert qu’une petite partie du temple romain et très probablement qu’une surface réduite de l’occupation laténienne.
Fig. 118. Douarnenez (29), plan du sanctuaire de “Trogouzel” (réal. J. Remy, d’après Clément 1985, 286, fig. 4).

216La récente fouille programmée conduite à Juvigné renseigne une situation relativement similaire. Le mobilier antérieur au iie s. a.C. est certes plus rare, mais ces quelques éléments ont été récoltés soit lors de prospections de surface, soit dans une couche caractérisée par une abondance de mobiliers datés des iie et ier s. a.C. Ils apparaissent, là encore, en position résiduelle.
217Le contexte stratigraphique de l’île d’Ouessant est plus facile à interpréter, puisque l’activité religieuse est caractérisée par des mobiliers laténiens en position secondaire dans des fosses, mêlés à des éléments de périodes diverses. Si l’on en croit l’interaction entre les éléments des différentes périodes, il s’agit d’un dépotoir tardif et non d’offrandes déposées progressivement. J.-P. Le Bihan a proposé qu’ils proviennent d’un sanctuaire localisé en dehors de l’emprise des fouilles (cf. annexe 31).
218Enfin, aux “Sept-Perthuis” à Saint-Malo, la situation est encore différente puisque le mobilier attribué à La Tène ancienne a été retrouvé au contact d’éléments plus tardifs dans le comblement des structures de La Tène moyenne et finale.
219Finalement, mis à part à Allonnes, la présence de mobiliers datés des ve, ive et iiie s. a.C. est fréquente, mais ils sont rarement associés à des aménagements. Ils témoignent pourtant d’une occupation des lieux ou des environs immédiats sous une forme que l’archéologie n’est pas encore à même de définir.
Les aménagements des iie et ier s. a.C. (La Tène C2 et D)
220Quels types d’aménagements caractérisent les sites de la période suivante, c’est-à-dire des deux derniers siècles p.C. ?
221La première remarque qu’il convient de faire à ce sujet concerne la diversité des pratiques, déjà mesurée par J.-L. Brunaux en 1991 pour une zone géographique un peu élargie – incluant principalement les Pays de la Loire, la Bretagne et le Poitou : “on conviendra bien sûr de la parenté entre cette région et la Picardie, mais on ne manquera pas de remarquer, au-delà du seul examen des grands ensembles à offrandes guerrières, la grande diversité des manifestations de l’activité cultuelle”175. En effet, on constate dans le quart nord-ouest de la Gaule que certains lieux sont clairement matérialisés par des constructions, tandis que pour d’autres, seule la présence de dépôts (primaire ou seconde) signale une activité religieuse. Deux exemples illustrent cette dernière situation : les fosses dépotoirs mises au jour sur l’île d’Ouessant (29) – à moins qu’il ne s’agisse de mobiliers prélevés sur un sanctuaire détruit ? – et les actes de déposition devant le monument mégalithique (néolithique) d’Arzon (56) (fig. 119). Ce dernier site témoigne d’un choix d’implantation particulier, à l’emplacement d’un lieu remarquable, édifié longtemps auparavant et pour lequel la charge symbolique devait être suffisamment importante pour que l’activité perdure à l’époque romaine – sans qu’une architecture soit pour autant édifiée en complément du monument préhistorique (cf. annexe 33).
Fig. 119. Arzon (56), localisation du monument mégalithique néolithique du “Petit Mont” et de son environnement direct (réal. J. Remy).

222Cette diversité des pratiques semble inhérente à la religion gauloise qui n’a probablement jamais été réglementée à l’échelle de la Gaule, respectant des traditions locales, particulièrement flexibles et capables d’évoluer en fonction des contacts avec les autres peuples et le monde méditerranéen176. D’ailleurs, le témoignage des textes antiques qui évoquent la religion gauloise (chez Strabon, Diodore, César, Pline et Lucain), examinés par J.-L. Brunaux, oriente vers deux expressions différentes : “des sanctuaires comprenant des aménagements architecturaux et des lieux de cultes plus archaïques d’aspect, seulement matérialisés par une enceinte”177. Ce constat a conduit à introduire à la réflexion les dépôts monétaires du quart nord-ouest de la Gaule. L’analyse de cette nouvelle variable, conduite dans le cadre d’une thèse de doctorat178, n’a pas permis d’obtenir de résultats concluants, c’est pourquoi ils ne sont pas présentés ici.
Enceintes et délimitation des espaces
223À l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule, les aménagements compris au sein des espaces à caractères rituels sont mal représentés et généralement peu significatifs. Juvigné (53) est le seul site à vocation religieuse limité par une enceinte (fig. 120). La reprise d’un programme de fouille, couplé à une prospection géophysique, a permis de préciser les résultats des premiers sondages et d’estimer la superficie de l’enceinte entre 3500 m² et 4000 m²179. Le fossé est assez imposant – creusé sur près de 3 m de profondeur et 4 m à 5 m de largeur à l’ouverture – et sans commune mesure avec les vestiges de Neuville-sur-Sarthe (72) (fig. 121). Le site de “Buzit Bras” à Rosporden (29) a également livré un système d’enclos constitué d’imposants fossés (jusqu’à 2,50 m de profondeur), mais l’incertitude quant à la vocation de ce site – qui pourrait aussi bien correspondre à un habitat rural – ne permet actuellement pas de développer davantage les comparaisons (fig. 122). Ce type d’enceinte a été reconnu ailleurs en Gaule, le meilleur exemple étant celui de Barzan en Charente-Maritime180.
Fig. 120. Juvigné (53), plan du sanctuaire antique et des vestiges laténiens sous-jacents (réal. J. Remy, d’après Bossard 2015a).

Fig. 121. Neuville-sur-Sarthe (72), plan des différents états du sanctuaire gaulois et romain du “Chapeau” (réal. J. Remy, d’après Guillier 2013, fig. 24, 30, 39).

Fig. 122. Rosporden (29), plan du temple romain et du système d’enclos laténien de “Buzit Bras” (réal. J. Remy, d’après Pouille 2006, fig. 5).

224Plusieurs sites sont tout de même limités par un système d’enclos simple ou double181, dont les fossés sont parfois remplacés par des palissades au cours de l’occupation182 et rarement équipés d’une entrée183. Mais les surfaces couvertes et l’architecture sont de moindre ampleur qu’à Juvigné (53) (fig. 123). En tenant compte des différentes phases d’occupation, la surface enclose du site du “Chapeau” à Neuville-sur-Sarthe ne dépasse pas 750 m² et les fossés sont peu marqués (moins d’un mètre de profondeur et d’ouverture). À Saint-Malo, les deux systèmes d’enclos, qui se succèdent durant les deux derniers siècles a.C., sont tout de même un peu plus imposants (775 m² pour premier état et 1932 m² pour le second). Le fossé du premier état atteint 1,30 m de profondeur pour 1,80 m de largeur à l’ouverture (fig. 124). Le fossé externe du second état, qui fonctionne ouvert, est très peu marqué (0,60 m de profondeur au maximum). À Andard (49), deux tronçons de fossés parallèles de près d’un mètre de profondeur ont été appréhendés sur une surface trop restreinte qui ne permet pas de restituer le plan d’une enceinte (fig. 125). Le tronçon de fossé, peu profond, mis au jour au “Temple de la Fortune” à Jublains est également isolé.
Fig. 123. Tableau récapitulatif des principaux aménagements qui caractérisent les lieux à vocation rituelle du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

Fig. 124. Saint-Malo (35), plan des états 1 et 2 (gaulois) du sanctuaire des “Sept-Perthuis” (réal. J. Remy, d’après Bizien-Jaglin & Lejars 1989b, fig. 7).

Fig. 125. Andard (49), plan du sanctuaire antique du “Foyer-Logement” et des vestiges laténiens sous-jacents (réal. J. Remy, d’après Delestre 1983).

Des vestiges de bâtiments ?
225Les trous d’ancrage de poteau mis en évidence sur les sites ne sont que rarement annexés à des plans de bâtiments. Le site d’Allonnes chez les Aulerques Diablintes (72) fait figure d’exception, puisque rappelons qu’il a livré les vestiges de deux bâtiments sur sablières et poteaux plantés mal datés, mais qui sont, au moins pour l’un d’eux, encore en fonction au ier s. a.C. Aussi, une palissade non datée, reconnue sur environ 30 m de long, pourrait appartenir à un enclos quadrangulaire.
226Ajoutons que lors de la fouille de “Tronoën” à Saint-Jean-Trolimon (29), certains vestiges repérés au nord du temple romain ont été interprétés comme les restes de neufs maisons rectangulaires de 5 m à 6 m de long, incendiées et caractérisées par des soubassements en pierre. Étant donné les lacunes de la documentation des fouilles menées au xixe siècle (qui n’ont pas fourni de plan), il convient de rester prudent quant à l’interprétation de ces structures (fig. 126).
Fig. 126. Saint-Jean-Trolimon (29), localisation approximative du site de “Tronoën” sous fond topographique (réal. J. Remy, d’après Monteil 2012, 170-171, fig. 147 et 148).

227À Saint-Malo (35), au nord du double enclos du second état des “Sept-Perthuis” des trous d’ancrage de poteau forment un ensemble circulaire de 6/7 m de diamètre interne qui n’est pas sans rappeler les bâtiments circulaires sur sablières mis au jour à Allonnes (72) d’une superficie proche – qui ont été plutôt attribués aux phases anciennes de La Tène – ou du bâtiment sur poteaux plantés mis au jour à Guérande (44), légèrement plus petit (un peu moins de 6 m de diamètre interne), bien que ce dernier soit doublé d’une rangée de poteaux, correspondant peut-être aux restes d’un système de portique (fig. 127). Ce type de structure peut être observé sur d’autres sanctuaires laténiens, par exemple celui de Tintignac dans le Limousin, daté de La Tène finale (fig. 128). En effet, le premier état du bâtiment sur poteaux plantés – occupé dans le courant du ier s. a.C. –, construit à l’intérieur d’une enceinte palissadée carrée (24 m de côté), adopte un plan circulaire de près de 5 m de diamètre interne184.
Fig. 127. Guérande (44), plan des vestiges laténiens mis au jour sous le temple romain du Clos Flaubert (réal. J. Remy, d’après Pirault 1996, pl. 6).

Fig. 128. Plan du sanctuaire de Tintignac en Corrèze (Maniquet 2006, 71, fig. 4).

Les fosses
228Si des fosses de forme diverses sont mises au jour sur ces sites, la nature des comblements ne renseigne souvent que faiblement sur leur(s) fonction(s) initiale(s).
229À Saint-Malo (35), par exemple, un ensemble original de fosses caractérisées par des recreusements successifs a été mis en évidence aux “Sept-Perthuis”, se développant tout au long de l’occupation, soit entre La Tène C2 et la fin de La Tène D2, sur une surface d’environ 300 m². Mais, ce type de vestiges n’est pas inédit, puisque récemment la reprise d’un programme de fouille à Juvigné (53) a révélé de nombreuses fosses, ainsi qu’un ensemble d’excavations emboitées les unes dans les autres se développant sur une surface, cette fois-ci, plus restreinte (d’environ 15 m²). Toutefois, précisons que cet aménagement n’a pas été appréhendé intégralement. Le comblement des structures de ces deux sites n’offre que peu d’indices d’interprétations. Il semble, en tout cas, qu’elles aient fonctionné ouvertes, au moins dans le cas des “Sept-Perthuis”.
230Les fosses multiples et emboitées d’Ouessant (29) offrent, quant à elles, une superficie proche de celles de Juvigné, mais ne sont pas directement connectées à d’autres aménagements. Étant donné le caractère secondaire des dépôts de “Mez-Notariou”, qui mêlent des mobiliers de diverses époques confondues, il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elles aient joué une fonction autre avant de servir de dépotoir. La fouille de ces vestiges n’a malheureusement pas permis d’apporter plus de précisions dans ce sens.
231Finalement, les aménagements identifiés sur ces sites apparaissent relativement hétéroclites et aucune spécificité régionale ne semble réellement se dégager.
Les restes humains
232Enfin, il faut remarquer que six sites ont livré des restes humains attribués à La Tène finale. De simples fragments épars pour certains, des inhumations, voire une incinération pour d’autres.
233À Andard (49), ce sont les fragments d’un crâne mêlés à de nombreux éléments de faune qui ont été déversés dans un fossé. L’un des enclos de Saint-Malo (35) a, pour sa part, livré un fragment de fémur humain. Un autre, associé à de la faune a été découvert à Ouessant (29).
234Par ailleurs, à Aubigné-Racan (72), les ossements repérés dans une coupe stratigraphique correspondent certainement à une inhumation. Une autre isolée, accompagnée de la dépouille d’un chien et d’armements, a été identifiée à Saint-Jean-Trolimon (29). Sur le même site et sous le péribole de l’époque romaine, deux mâchoires humaines étaient mêlées de nombreux vestiges de faune (principalement du cheval) et de mobiliers laténiens. Les fouilles menées sur le site du “Parc-ar-Groas” à Quimper (29) ont offert l’occasion de dégager une urne funéraire de La Tène finale associée à des ossements, correspondant pour certains à des restes de boeuf (fig. 129). Rappelons qu’à Guérande (44), il n’a pas été possible de définir la nature des ossements incinérés que contenaient plusieurs fosses, retrouvées au niveau du bâtiment circulaire.
Fig. 129. Quimper (29), plan du sanctuaire de “Parc-ar-Groas” (réal. J. Remy, d’après Le Bihan 2003, 102, fig. 61).

235En définitive, la présence de restes humains et d’inhumations sur les sanctuaires gaulois est fréquente. Outre l’exemple bien connu de Ribemont-sur-Ancre (80), le site du “Mormont” localisé chez les Helvètes (déjà évoqués), offre un large panel des traitements rituels en lien avec le corps humain et témoigne, encore une fois, du lien étroit entre le monde des morts et les pratiques religieuses : os isolés (manipulés ou non), corps découpés, sépultures mises en scène, inhumation “habituelle”... La présence d’ossements humains peut donc impliquer des pratiques dépassant le cadre des gestes funéraires (manipulations rituelles), qui restent cependant difficilement interprétable pour les contextes du quart nord-ouest de la Gaule.
Rupture ou continuité à l’époque romaine
Remarques d’ordre général
236Les occupations laténiennes à vocation religieuse retenues dans le cadre de cette étude connaissent pour la plupart une évolution vers un temple maçonné au début du ier s. p.C. Ce qui n’a rien d’étonnant, puisque l’identification du lieu de culte romain représente généralement un argument de plus en faveur de l’interprétation fonctionnelle du site laténien. Rappelons, tout de même, que ne sont pas pris en compte dans ce constat les indices de site mal caractérisés – ayant fait l’objet d’une partie distincte – mis en évidence sous les temples romains (cf. supra chap. II, p. 208).
237Dans ces conditions, la transition avec l’époque romaine ne souffre d’aucun hiatus bien que le mobilier ne permette pas systématiquement d’avancer une chronologie fine pour la fin de La Tène. C’est le cas des sites de Jublains (53), d’Andard (49), de Saint-Jean-Trolimon (29) et d’Arzon (56), pour lesquels il n’est pas possible d’assurer une stricte continuité de l’occupation au changement d’ère (fig. 115). Seul le sanctuaire des “Sept-Perthuis”, à Saint-Malo (35), ne perdure pas au-delà de la Conquête. Par ailleurs, on note une baisse d’activité et un abandon prématuré des sanctuaires d’Aubigné-Racan (72), de Neuville-sur-Sarthe (72) et peut-être de Juvigné (53) à la fin du iie s. p.C. Les neuf autres sites se maintiennent au moins jusqu’à l’Antiquité tardive.
Antécédents gaulois des temples romains : remarque sur la stratigraphie
238Un phénomène que l’on observe de manière récurrente sur les sites réoccupés par un temple à l’époque romaine – sur cinq, voire six sites des onze sanctuaires certains, ainsi que sur quatre indices de sites –, concerne la qualité de la stratigraphie préservée sous la maçonnerie romaine. Celle-ci paraît de prime abord, assez homogène selon les exemples, caractérisée par des niveaux limoneux d’aspect organique, charbonneux et cendreux, ainsi que par des couches de remblais volontairement rapportés avant l’élévation des premières maçonneries romaines. Ce sont justement dans ces séquences que les mobiliers laténiens ont été recueillis, souvent en quantité, en position primaire ou secondaire. Mais, l’examen minutieux des données stratigraphiques pour chacun des sites renseigne finalement de réalités contrastées, comme nous allons le voir.
239À Juvigné (53), l’occupation laténienne à l’intérieur de l’enceinte est matérialisée par des structures en partie creusées dans une couche limoneuse brune, assez meuble, dont la texture est proche de celle de la terre végétale (organique), qui semble s’être formée progressivement. Elle a livré du mobilier de nature diverse (armement, parure, céramique...), daté du iie voire du iiie siècle à la fin du ier s. a.C., qui y a été déposé ou rejeté. À Douarnenez (29), les trous d’ancrage de poteau de La Tène finale sont scellés par une couche charbonneuse d’incendie, recouverte par un remblai de démolition qui contenait le mobilier laténien. Ce dernier servait de base pour les fondations romaines. À Allonnes (72), les structures laténiennes sont quant à elles arasées et recouvertes d’un remblai sableux rapporté, contenant l’ensemble du mobilier laténien mélangé (daté du ve siècle à la fin du ier s. a.C.) et sur lequel sont aussi implantées les constructions romaines. Les deux secteurs fouillés de “Tronoën” à Saint-Jean-Trolimon (29), ont livré une épaisse couche cendreuse et charbonneuse (de plus d’un mètre d’épaisseur), qui contenait un abondant mobilier laténien (daté du ve siècle à la fin du ier s. a.C.). Elle témoigne vraisemblablement d’une destruction par le feu à l’extrême fin de l’âge du Fer, matérialisée par les restes de bâtiments incendiés. Cette séquence sédimentaire est recouverte par une couche sableuse qui correspond certainement à un remblai, qui pourrait avoir été rapporté pour niveler le terrain avant de nouvelles constructions ? Le premier état du “Temple de la Fortune” à Jublains (53) offre un exemple encore différent, puisqu’il est caractérisé par un “paléosol” dans lequel a été recueilli du mobilier laténien et dont la partie supérieure est partiellement aménagée (une texture indurée, interprétée comme un niveau de sol ou de circulation) ? Celui-ci est recouvert de différents remblais, notamment par des éléments de démolition issus des états laténiens, ainsi que par des “lits de charbons de bois”185. Enfin, une couche de limon sableux, sur laquelle le premier état du temple romain est implanté, recouvre l’ensemble. Pour finir, la stratigraphie du site du “Foyer-Logement” à Andard (49) est assez mal documentée, néanmoins la documentation de fouille renseigne sur du mobilier laténien mêlé à des éléments augustéens dans un niveau de terre sableuse. Malheureusement, ces informations ne peuvent être situées chronologiquement : cette couche constitue-t-elle un apport qui sert à la fondation des bâtiments romains ?
240En outre, quatre autres exemples, classés dans les indices de sites mis en évidence sous les temples romains, ont livré des vestiges du même type. À Guérande (44), le bâtiment dégagé sous le temple romain a été détruit par incendie et recouvert par un niveau de limon brun cendreux, qui contenait de la céramique laténienne. Il est lui-même scellé par une couche de démolition sur laquelle est édifié l’état augustéen. À Breal-sous-Montfort (35), une couche de limon noir, contenant des tessons de céramiques de La Tène finale mêlés à quelques éléments du Ier s. p.C., a été identifiée sous le temple romain. Aussi, sous le bâtiment annexe du temple de Mauves-sur-Loire (44), une couche noire contenant des charbons de bois et du mobilier laténien a été repérée lors des fouilles conduites à la fin des années 1970. Ajoutons à cela que les nombreuses monnaies (gauloises et romaines) de Montreuil-Bellay (49) ont été recueillies dans une couche de terre noirâtre sous le sol maçonné du temple romain.
241Finalement, l’étude de la stratigraphie illustre des situations multiples qui reflètent, semble-t-il, trois contextes distincts :
242À Jublains (53), les mobiliers laténiens proviennent d’une couche interprétée comme un paléosol (donc probablement meuble et de nature organique), proche de celle découverte à Juvigné (53). Ces deux sites posent alors la question d’une pratique de déposition ou de rejet de mobiliers (rite d’exposition ?), mise en place sur un ancien sol préservé ou sur un temps suffisamment long pour permettre la formation de ce sol.
243Pour quatre sites (Guérande, 44 ; St-Jean-Trolimon, 29 ; Mauves-sur-Loire, 44 ; Montreuil-Bellay, 49) et peut être cinq (Breal-sous-Montfort, 35) le mobilier laténien a été recueilli dans une couche charbonneuse qui renseigne d’une destruction par le feu. On peut alors supposer que les objets étaient en place au moment de l’incendie.
244Dans deux cas (Allonnes, 72 ; Douarnenez, 29) et peut-être trois (Andard, 49), le mobilier laténien est intégré à des remblais volontairement rapportés de manière à sceller les vestiges de l’âge du Fer et à asseoir les fondations des bâtiments au début du Haut-Empire. On peut se poser la question dans le cas d’Allonnes si le mobilier n’a pas été prélevé et mêlé volontairement aux remblais avant de bâtir le premier aménagement maçonné – dans un rite de fondation. À Douarnenez ou à Andard, il est plus probable qu’il soit en position résiduelle, piégé dans des sédiments prélevés aux alentours. Pour les trois sites, l’absence de hiatus chronologique et de vestiges de destruction suggèrent que le dernier état laténien a été détruit avant d’être soigneusement nettoyé (comme à Gournay-sur-Aronde, 60).
245Pour chacun des contextes, aucun schéma d’implantation ne semble prévaloir, ni pour l’âge du Fer ni pour l’époque romaine. En effet, les sites apparaissent soit isolés, soit à proximité d’agglomérations laténiennes ; soit en contexte urbain, soit en contexte rural. En tout cas, pour ces neuf ou dix sites, on constate un démantèlement ou une destruction des états antérieurs avec une volonté de conserver les vestiges en place et de reconstruire au même emplacement un lieu de culte, emplacement qui, par conséquent, détient une forte charge symbolique.
Conclusion partielle
246L’analyse des caractéristiques qui définissent les sanctuaires mis au jour dans le quart nord-ouest de la Gaule, permet de réajuster leurs critères d’identifications. Effectivement, si les armes, ou plus largement les mobiliers sacrificiels ne sont pas absents sur ces sites, on peut considérer qu’ils ne sont pas systématiques et parfois en quantité limitée. Pour reprendre les propos de T. Lejars concernant l’Ouest de la Gaule : “Pour les dépôts de sanctuaires, nous savons peu de choses des aménagements architecturaux... Lorsque nous avons la chance de disposer d’un plan complet, comme pour le site des Sept-Perthuis, à Saint-Malo, les vestiges sacrificiels et les offrandes font complètement défaut”186. Ces constats invitent donc, à la lumière des remarques émises sur la stratigraphie, à reconsidérer le site du “Clos Flaubert” à Guérande (44), de Breal-sous-Montfort (35) et de Mauves-sur-Loire (44), comme des sanctuaires gaulois “probables”, initialement envisagés comme de simples indices.
247Finalement, la mise en parallèle de ces différentes découvertes soulève avant tout la nécessité qu’il y a à appréhender ces sites par des fouilles extensives, non plus limitées à des sondages ou à l’emprise d’un temple romain. La reprise des opérations à Juvigné (53) illustre clairement la complexité de ce type d’occupation et l’ampleur des lacunes dans le domaine religieux qui demeure pour le nord-ouest de la Gaule. L’enclos mis en évidence sur ce site n’est d’ailleurs pas sans rappeler les enceintes picardes, en partie repérées par prospection aérienne187, ou certains enclos de Bretagne et de Pays de la Loire – plusieurs ayant été repérés à Oisseau-le-Petit (72), un autre près du temple du “Port du Salut” à Entrammes (53), ceux de Breal-sous-Montfort (35), de Mordelles (35) ou de Rosporden (29) appréhendés en fouille (cf. annexes 36, 37, 39) – bien qu’on ne puisse pas les assimiler avec certitude à des aires sacrées.
Implantation géographique et topographique
248Sur les onze sites à vocation religieuse pris en compte dans l’analyse, auxquels on peut ajouter les trois indices de sites pour lesquels l’interprétation a été révisée (Guérande, 44 ; Breal-sous-Montfort, 35 ; Mauves-sur-Loire, 44), une grande majorité est implantée en plaine (Guérande, 44 ; Juvigné, 53 ; Mordelles, 35 ; Douarnenez, 29 ; Breal-sous-Montfort, 35) ou sur un plateau (Mauves-sur-Loire, 44 ; Jublains, 53 ; Allonnes, 72 ; Neuville-sur-Sarthe, 72 ; Saint-Malo,35 ; Saint-Jean-Trolimon, 29). Effectivement, rares sont ceux installés en plaine alluviale (Aubigné-Racan, 72 ; Andard, 49), sur une presqu’île (Arzon, 56) ou en contexte insulaire (Ouessant, 29).
249La topographie de chacun de ces sites apporte un renseignement plus pertinent quant à leurs environnements respectifs. Effectivement, si l’on retient l’exemple du “Temple de la Fortune” à Jublains (53), on s’aperçoit que le site – installé sur un plateau qui culmine à environ 150 m NGF –, est localisé dans une zone basse, entourée de point plus haut vers le nord-ouest et vers le sud. Au contraire, le site de “La Bouëxière” à Breal-sous-Montfort (35) – implanté en plaine –, est positionné au sommet d’une colline qui domine les environs (à seulement 61 m d’altitude), un environnement caractérisé par une plaine vallonnée. De la même façon, l’espace rituel d’Ouessant (29), est situé sur le flanc d’une colline qui ne correspond pas au point culminant de l’île, mais qui est visible en tout point de celle-ci. Ce qui nous incite à considérer l’emplacement topographique vis-à-vis de l’environnement des sites plutôt que leur implantation géographique générale. Trois configurations différentes peuvent être observées :
Les sites installés sur un point bas, dominés par des reliefs : Juvigné (53), Mordelles (35), Aubigné-Racan (72) et Andard (49) ;
Les sites occupant une position forte sans pour autant correspondre au point le plus élevé : Mauves-sur-Loire (44), Breal-sur-Montfort (35), Guérande (44), Jublains (53), Neuville-sur-Sarthe (72), Allonnes (72), Douarnenez (29), Ouessant (29) ;
Les autres étant disposés en un lieu qui domine le paysage environnant : Saint-Malo (35) et Arzon (56).
250Les sites sont donc majoritairement implantés sur des points hauts (dix cas sur quatorze).
Répartition spatiale des sanctuaires
251Si l’on tient compte uniquement des sites certains, leur répartition spatiale apparaît alors tout à fait singulière vis-à-vis des limites de territoires (définies ici). Soit ils sont centrés sur le territoire qu’ils occupent, soit ils sont situés à proximité des frontières. Au niveau de la frange occidentale de la zone d’étude, c’est-à-dire la péninsule bretonne (Osismes, Vénètes, Coriosolites), ils sont tous installés à proximité du littoral. Seul le sanctuaire de Juvigné (chez les Aulerques Diablintes) ne répond pas à cette règle puisqu’il est éloigné de plus de 7 km de la frontière présumée. Toutefois, il faut remarquer qu’il est distant d’environ 2 km de la Vilaine et de moins de 5 km de la source de ce fleuve, dont le cours actuel marque les limites territoriales entre les Coriosolites et les Riedones, entre les Namnètes et les Vénètes, puis entre les Namnètes et les Coriosolites. On peut alors se poser la question de l’exactitude du tracé actuellement admis entre les Diablintes et les Riedones, qui reprend la limite actuelle entre les départements d’Ille-et-Vilaine et de la Sarthe. Il est possible, en effet, que la Vilaine ait également joué un rôle de frontière dans ce secteur.
252La répartition des sanctuaires potentiels identifiés sous des temples romains est moins franche. Si certains, tels que Mordelles (35) ou Breal-sous-Montfort (35), se répartissent en bordure des territoires diablinte et riedone, ou encore Mauves-sur-Loire (44) qui domine la Loire – supposée constituer la limite méridionale du territoire namnète –, Rosporden (29) chez les Osismes en est plus éloigné.
253Comprendre la répartition spatiale de ces sites implique également de discuter de leur contexte archéologique. En effet, les sanctuaires certains sont pour moitié déconnectés de tout habitat contemporain. En l’état actuel des connaissances, ceux de Juvigné (53), de Douarnenez (29), d’Ouessant (29) et de Neuville-sur-Sarthe (72) apparaissent isolés. Pour le dernier, notons qu’il est installé sur le versant d’un plateau qui domine Vindunum, la capitale de cité à l’époque romaine – distante d’environ 4 km – pour laquelle les origines sont encore discutées (cf. annexe 6). “La Tour aux Fées” à Allonnes (72), localisé plus au sud, est dans une situation similaire, séparé par la même distance de la “Butte du Vieux Mans” (72). Il est nécessaire de rester prudent quant à ce constat qui pourrait être la conséquence d’un état de la recherche. En effet, pour le site d’Allonnes, il n’est pas exclu que le faisceau d’indices, mis en évidence dans les environs de la “butte des Fondues”, corresponde aux vestiges d’une importante occupation laténienne. D’ailleurs, dans un rayon de 2 km alentours plusieurs témoins d’une activité agricole (notamment deux établissements) ont été identifiés (cf. infra chap. III, p. 315).
254Au contraire, sur la commune d’Andard (49), la distance qui sépare les différentes découvertes évoquées et la mise en évidence d’un niveau gaulois caractérisé par un abondant mobilier sur un autre point de la commune (information orale J.-P. Bouvet), n’exclut pas la possibilité d’une agglomération romaine fondée sur des antécédents laténiens. La documentation ancienne de Saint-Jean-Trolimon (29) est difficile à interpréter, mais la densité de l’occupation sur un temps long (de l’âge du Fer au Moyen Âge) ne permet pas de trancher entre un sanctuaire isolé et un espace religieux intégré à un habitat groupé. Les autres sites figurent tous à proximité de fortifications ou d’habitats groupés de La Tène finale. Le mégalithe d’Arzon (56) est distant de seulement trois kilomètres de la pointe de “Pen-Castel”, sur la même commune qui regarde vers l’intérieur du golfe du Morbihan. La langue de terre sur laquelle est construit le monument est face à la pointe de Quiberon, occupée à La Tène finale par l’habitat de “Goulvars” (cf. annexe 34). Les vestiges de “La Grande Pâture” à Aubigné-Racan (72) sont, pour leurs parts, dominés par la “Butte de Vaux” occupée et fortifiée à La Tène finale (fig. 130). Le sanctuaire des “Sept-Perthuis” à Saint-Malo (35) est installé à 3 km en retrait de la Cité d’Alet, sur un plateau localisé au-dessus de l’estuaire de la Rance. Enfin, les vestiges mis en lumière sous le “Temple de la Fortune” à Jublains (53) s’inscrivaient très certainement au sein d’un habitat groupé laténien.
Fig. 130. Aubigné-Racan (72), évolution de l’occupation autour de la fortification de “la Butte de Vaux” du Bronze final à l’époque romaine (réal. J. Remy, d’après sources diverses).

255Au moins quatre autres sanctuaires potentiels se caractérisent par un contexte identique à celui de Jublains. Les indices mis en évidence au Fief-Sauvin (49), à Oisseau-le-Petit (72) et à Guérande (44) sont susceptibles d’appartenir à des agglomérations laténiennes. Le temple d’Entrammes (53), quant à lui, s’insère au centre de la vaste confluence barrée du “Port du Salut”.
256Enfin, un dernier critère est susceptible d’avoir pesé dans le choix d’implantation de ces espaces religieux, qui ne dépendent visiblement pas toujours, ou pas uniquement de la topographie ou de la géographie. Certains se développent sur un secteur à forte empreinte cultuelle puisqu’ils s’inscrivent sur un lieu de mémoire préexistant. En effet, quelques sites sont implantés à La Tène finale sur (ou dans les environs immédiats) de lieux occupés par des monuments funéraires plus anciens, probablement encore bien visibles dans le paysage – à Arzon (56), à Aubigné-Racan (72), à Ouessant (29) et peut être au Fief-Sauvin (49) – sans continuité directe (mis à part à Ouessant). Au Fief-Sauvin, il s’agit d’indices phytologiques (observés lors de prospections aériennes) qui suggèrent la présence de tumuli à proximité du site fortifié de “La Ségourie”. Effectivement, des enclos circulaires d’importants diamètres (de 8 m à 18 m) ont été révélés par les prospecteurs.
Notes de bas de page
1 Déchelette 1914, 911-1693.
2 Salač 2012.
3 Fichtl 2012b.
4 Buchsenschutz 1981, 207-209.
5 Duval 1981, 164.
6 Buchsenschutz 1981, 207.
7 Goudineau in Duby, dir. 1980, 231.
8 Boissinot 2010.
9 Ibid., p. 335-336 ; Lantier 1931.
10 Boissinot 2010, 346.
11 Collis 1984 ; Audouze & Buchsenschutz 1989 ; Fichtl 2000.
12 Buchsenschutz 2003, 201.
13 Brun et al. 2000.
14 Buchsenschutz 2000.
15 Par exemple : Collis 1984 ; Buchsenschutz 1989 ; 1999 ; Fichtl 2000 ; Brun 2002.
16 Brun 1993 ; Buchsenschutz 1994, 151.
17 Kaenel 2006.
18 Collis et al. 2000.
19 Goudineau & Huot 2007.
20 Pour citer d’autres exemples : Colin & Verdin 2013 ; Tappert 2016 ; Kysela et al. 2016.
21 Pion 2012, 53-54.
22 Fichtl 2013a.
23 Vaginay 2012 ; Collis 2012.
24 Pierrevelcin 2016.
25 Salač 2012.
26 Fichlt 2012b, 88.
27 Barral & Nouvel 2012, 160.
28 Beaujeu-Garnier 1997, 11, 14.
29 Brun et al. 2000, 83 ; Brun 2002.
30 V. Salač formule l’ambigüité qui résulte de l’utilisation du terme de ville ainsi : “On ne doit cependant pas oublier que les notions archéologiques actuelles d’oppidum ou de ville, ainsi que leurs caractéristiques et interprétations, sont des constructions artificielles, qui ne correspondaient certainement ni au regard grec, ni au regard romain sur la réalité celtique et encore moins à la réalité celtique elle-même” (Salač 2012, 333). C’est également le point de vue de M. Vaginay qui s’est récemment rallié à son propos (Vaginay 2014, 403).
31 Buchsenschutz & Ralston 2012, 347.
32 Audouze & Buchsenschutz 1989, 306-307.
33 Collis et al. 2000, 81.
34 Barral & Guillaumet 2000.
35 Ibid., p. 69.
36 Barral 2003.
37 Féliu 2008.
38 Ibid., p. 157.
39 Ibid., p. 160.
40 Barral 2011b, 210.
41 Par exemple et à l’occasion du colloque d’Otzenhausen (Allemagne), tenu en 2011, P. Barral et D. Lallemand exposent les dernières découvertes recueillies sur deux agglomérations artisanales du Centre-Est : Varennes-sur-Allier (03) et Verdun-sur-le-Doubs (71) (Barral & Lallemand 2014).
42 Ibid., p. 211.
43 De Filippo 2007.
44 Laruaz 2009a, 192-193.
45 Dalayeun 2016.
46 Djemmali 2013.
47 Peyne 2019.
48 Jahier & Vauterin 2011, 100-101.
49 Lefort et al. 2015.
50 Dechezleprêtre 2009 ; Lepert 2009.
51 Lambot 2002.
52 Lambot & Méniel 2000 ; Lambot 2003.
53 Le très récent catalogue de l’exposition de Jublains sur les villes gauloises de l’Ouest propose néanmoins de succinctes notices pour quelques-unes de ces agglomérations (Fichtl et al., dir. 2016).
54 Le Goff 2014, 825.
55 Monteil 2012, 229.
56 Barral 2011b, 210.
57 De Filippo 2007
58 Laruaz 2009 : 1779 et 196.
59 Linger-Riquier à paraître.
60 Plounéventer, Plaudren, Le Fief-Sauvin.
61 L’évolution chronologique des habitats agglomérés de l’est de la Gaule, qui bénéficie d’une base documentaire suffisamment solide, est aujourd’hui clairement établie (Barral 2011b).
62 En référence aux propos tenus par J. Metzler, qui concluait à l’issue du colloque de Bliesbruck-Reinheim/Bitche : “En l’état actuel de nos connaissances, d’importants changements interviennent en Gaule non méditerranéenne dans le courant du 2e siècle avant J.-C. dans les structures économiques et par voie de conséquence dans les structures de l’habitat. À cette époque apparaît, surtout dans une aire centrale de la koiné celtique allant du sud de l’Allemagne à la Gaule du Centre, une nouvelle forme d’habitat groupé” (Metzler, dir. 1994, 250).
63 Féliu 2008, 158.
64 La description architecturale de l’aménagement de Trégueux et sa confrontation à trois autres plans est développée en annexe 10.
65 Menez & Allen 2016.
66 Buchsenschutz & Ralston 2012.
67 Guillier et al. 2012.
68 Barral & Lallemand 2014, 225.
69 Jud 2007.
70 Nillesse 2003a.
71 La révolution que provoquent les interventions préventives sur le milieu rural en archéologie est bien illustrée par la préface à la publication du site du “Boisanne” à Plouër-sur-Rance dans les Côtes-d’Armor (Menez 1996).
72 La découverte du site de Montmartin (60) à l’occasion de la construction du TGV Nord soulève les premières questions en lien avec la résidence de l’aristocratie gauloise (Brunaux & Méniel 1997). Dans l’Ouest, la mise au jour du site des “Genâts” à Fontenay-le-Comte, en Vendée, révèle également un habitat hors du commun (Nillesse 1997).
73 Buchsenschutz & Méniel 1994 ; Marion & Blancquaert 2000.
74 Malrain 2000 ; Malrain et al. 2002.
75 Nillesse 2003a.
76 Fichtl 2013b.
77 Nillesse 2003a, 169.
78 Féliu 2008, 194-195.
79 Ibid., p. 201.
80 Pion 1996.
81 Gransar et al. 1999.
82 Malrain 2007, 24.
83 Guichard & Perrin 2002, 325-327.
84 Malrain 2007.
85 Méniel 2002.
86 Menez 2008, 442.
87 Poux & Feugère 2002.
88 Menez 2008, 454.
89 Maguer 1999, 99.
90 Meuret 1992, 48.
91 En effet, seuls quatre critères peuvent être retenus : présence d’un artisanat développé et d’un métal précieux ; quelques témoins d’échanges à longue distance (restes peu nombreux d’amphores) ; importante superficie enclose.
92 Bauné (49), Laniscat (22), Rannée (35), “La Bleure” à Cholet (49), Dissay-sous-Courcillon (72), “Le Dreffoux” et “Hélouine” à Marcé (49).
93 Paule (22), Inguiniel (56), Plouër-sur-Rance (22), “Les Natteries” à Cholet (49), “Le Bois Hue” à Nantes et “Brantonnet” à Guérande (44).
94 Bizien-Jaglin et al 2002, 48, 243-248.
95 Le Goff 2013, 198 ; Menez & Lorho 2013, 173.
96 Ibid.
97 Tanguy 2010, 23.
98 Pour rappel, le site de “la Bleure” a livré 57 constructions dont 40 greniers ; aux “Natteries”, 21 greniers ont été reconnus sur un total de 30 bâtiments ; Hors zone d’étude, on peut évoquer le site des “Pierrières” à Bâtilly-en-Gâtinais qui compte également une vingtaine de bâtiments.
99 Fichtl 2013b.
100 Fichlt 2009.
101 Perrin & Decourt 2002.
102 Fichtl 2009, 446.
103 Pape 1978.
104 Sanquer 1969.
105 Wheeler 1938, 43, vol. 1.
106 Maguer 1996, 117-118.
107 Martin 1861, 495 ; Gabillaud 1908, 25.
108 Daire & Langouët 1992.
109 Menez & Allen 2016.
110 Malrain 2007, 19.
111 Le Boulanger 2009.
112 Moret 2017.
113 Milcent et al., à paraître.
114 L’occupation perdure visiblement à “Penchâteau” au Pouliguen (44), au moins durant le tout début de notre ère. Mais, de nature probablement domestique (découverte de céramiques et de tuiles en contexte stratigraphique), elle n’implique en rien la présence d’une agglomération.
115 Monteil 2012, 168.
116 Langouët 1996, 46.
117 Ibid., p. 152.
118 Ibid., p. 149.
119 Ibid., p. 168.
120 Les sites du “Port du Salut” et du “Clos des Primevères” à Entrammes sont ici comptés comme un même habitat, déplacé à peu de distance à l’époque romaine.
121 Gransar et al. 1999.
122 Ibid., p. 434.
123 Féliu 2008, 205.
124 Moret 2017.
125 O. Buchsenschutz, S. Krausz et I. Ralston ont montré que chez les Bituriges, le murus gallicus n’est pas propre à un type de site ou à une fonction, mais davantage à une région (Buchsenschutz et al. 2010).
126 Ibid., p. 306-307.
127 Fichtl 2005, 22.
128 Barral & Nouvel 2012, 148-150.
129 Les comparaisons de ces deux sites avec celui d’Avrolles sont développées dans un article auquel le lecteur peut se référer pour plus de précisions (Remy 2016).
130 Deberge et al. 2009.
131 Collis 1975, 70-72.
132 Fichtl 2005, 167-169.
133 Adam & Fichtl 2014, 49.
134 Haselgrove 2000.
135 Ibid., 105.
136 Buchsenschutz & Krausz 2001.
137 Fichtl 2000, 144-146 ; Féliu 2005.
138 Nouvel et al. 2016.
139 Monteil 2012, 165.
140 Rappelons que l’occupation de La Tène C1 mise en évidence sur le plateau de Moulay n’a pas de lien avec la fortification du “Petit Mesnil”, édifiée au début de La Tène finale (cf. annexe 5, p. 25). La nature et la densité de ces vestiges n’ont pas non plus permis de reconnaître un habitat groupé ouvert de La Tène C1 – pour lequel on aurait été tenté d’imaginer qu’il ait donné naissance à “l’oppidum de Moulay”.
141 Bocquet & Le Goff 2016.
142 Pion 2012, 53.
143 Poux, dir. 2012, 253-254 ; 255.
144 Salač 2012, 334.
145 La formule est empruntée à H. Galinié (Galinié 2009, 203).
146 L’importance de la religion au sein de la société gauloise est développée dans la partie suivante (cf. chap. II, p. 200).
147 Galinié ibid.
148 Pion 2012, 54.
149 Testart 2006, 25.
150 Pour les régions concernées par cette étude, on peut citer l’article synthétique d’O. Nillesse sur les dépôts métalliques en contexte rural (Nillesse 2006). Quelques exemples plus ponctuels peuvent être aussi mentionnés, telle que la fosse mise au jour sur l’établissement rural des “Chaloignes” à Mozé-sur-Louet (49), interprétée comme une “inhumation-offrande” (Levillayer 2006a), ou les dépôts du “Grand-Aunay” à Yvré-L’Evêque dans la Sarthe (Vacher & Bernard 2003), ou celui de l’éperon de Saint-Suzanne, évoqué précédemment, le dépôt funéraire de la grotte de Voutré en Mayenne (Bocquet et al. 2009).
151 Menez 1999.
152 Testart 2006, 12.
153 Il s’agit d’une traduction de la Guerre des Gaules de César proposée par J.-L. Brunaux (Brunaux 2000, 244-245).
154 “Les druides, en plus des sciences de la nature, s’exercent à la philosophie éthique. Ils sont considérés comme les plus justes des hommes et, pour cette raison, il leur a été confié le jugement des conflits privés et publics ? [...] Ils ne sacrifiaient pas sans la présence d’un druide. Mais on rapporte aussi d’autres formes de sacrifice humain : ils perçaient de traits (des victimes) et les empalaient dans les sanctuaires” (Str. 4.4.4 à 6).
155 On pourra ajouter aux bilans publiés dans le colloque de Saint-Riquier (1991) ou de Gallia en 2003 (cf. supra Chap. I, p. 54), la note synthétique de T. Lejars sur les dépôts mobiliers et les lieux de culte de l’ouest de la Gaule écrite dans le cadre de la publication du catalogue d’exposition du musée Dobrée (Lejars 1999).
156 Galliou 2010, 158-162 ; Monteil 2012, 171.
157 Galliou Ibid.
158 Nillesse 2002.
159 La pratique de destructions et de mutilations des objets métalliques telles que les armes en contexte cultuel est aujourd’hui reconnue notamment depuis les études du mobilier provenant du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde dans l’Oise (Brunaux et al. 1985 ; Lejars 1994).
160 Cherel 2015, 65.
161 “Une fragmentation naturelle, en contexte de dépotoir ou à la surface d’un habitat, sous l’action conjuguée des chocs, du piétinement et des intempéries, implique un long processus, étalé sur plusieurs mois, voire plusieurs années : la fragmentation importante des récipients s’assortit généralement, dans ce cas, de cassures très émoussées et de surfaces corrodées. [...] Il en va tout différemment quant un lot très fragmenté s’assortit de tessons aux cassures très vives : un dépôt primaire, constitué très peu de temps après consommation du contenu...” (Poux 2004, 29).
162 Barral 2015a.
163 Barral 2011a, 135-136.
164 L’étude proposée, en 2000, par S. Fichtl, J. Metzler et S. Sievers retient également l’exemple de l’oppidum de Bibracte, qui n’est aujourd’hui plus valide (Fichtl et al. 2000). La reprise de la documentation sur les espaces à vocation cultuelle avérées ou supposées du Mont-Beuvray a permis de conclure qu’aucun de ces sites ne présente d’occupation contemporaine de celle de l’oppidum gaulois (Barral et al. 2012b). Quant à l’enceinte de 10 ha du Titelberg, elle correspond davantage à un espace public de rassemblement “destiné à accueillir les manifestations politiques et cultuelles de la Cité” (Metzler et al. 2006, 203-206).
165 Metzler et al. 2006.
166 Ibid.
167 Vacher & Bernard 2003.
168 Ibid., p. 211.
169 Ibid., p. 210.
170 Ibid., p. 209-211.
171 Fauduet 1993, 131 ; 2010, 9.
172 Carpentier 2013, 345.
173 Carpentier 2015, § 19.
174 Clément et al. 1987, 35, 51 ; Daire & Villard 1996, 134-135, 140.
175 Brunaux 1991, 128.
176 Brunaux 2000, 6-7.
177 Ibid., p. 81-82.
178 Remy 2017, 271-276.
179 Bossard & Dufay-Garel 2016, 149.
180 Aupert & Robin 2015.
181 À l’exemple du deuxième état de site des “Sept-Perthuis” à Saint-Malo (35) daté de La Tène finale.
182 Le dernier état de Neuville-sur-Sarthe (72) est caractérisé par un enclos palissadé. Durant La Tène C2/D1, l’enclos simple du premier état de Saint-Malo (35) accueille une palissade, puis, dans le second état (La Tène D1/D2), le fossé interne du double enclos est palissadé. Le fossé de Jublains (53) est aussi, en partie, palissadé.
183 Les systèmes d’enclos de Saint-Malo sont les seules exceptions.
184 Maniquet 2006, 59.
185 Naveau 1997b, 150.
186 Lejars 1999, 113.
187 Fauduet 1993, 118-119 ; 2010, 145-147.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Architecture romaine d’Asie Mineure
Les monuments de Xanthos et leur ornementation
Laurence Cavalier
2005
D’Homère à Plutarque. Itinéraires historiques
Recueil d'articles de Claude Mossé
Claude Mossé Patrice Brun (éd.)
2007
Pagus, castellum et civitas
Études d’épigraphie et d’histoire sur le village et la cité en Afrique romaine
Samir Aounallah
2010
Orner la cité
Enjeux culturels et politiques du paysage urbain dans l’Asie gréco-romaine
Anne-Valérie Pont
2010