Formes, fonctions et hiérarchie des sites 1/2
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Texte intégral
Les sites fortifiés
1Cela va de soi que la compréhension d’un site est dépendante de l’investissement sur le terrain, qui par conséquent influe indéniablement sur l’analyse des données. L’histoire de la recherche témoigne d’approches archéologiques diverses qui ne dépendent pas uniquement de l’évolution des pratiques, mais également du type de site (cf. supra chap. I, p. 39). Dès lors, on constate que les fortifications de hauteur sont généralement les moins bien documentées. Les données sont souvent issues de prospections ou de fouilles anciennes qui informent, rarement, à la fois de la nature de l’occupation et du système fortifié. Ces sites installés sur des points hauts, parfois difficiles d’accès, sont souvent épargnés par les plus gros aménagements nécessitant la programmation de diagnostics. Et bien que près de la moitié des sites échappent à cette logique – onze sites sur trente-et-un recensés ont fait l’objet d’une intervention préventive (fouille et/ou diagnostic) comme “Le Tertre Ganne” à Sainte-Suzanne (72), l’oppidum de Moulay (53) ou le bourg de Vue (44) – leur connaissance est souvent tributaire de l’effort des bénévoles (prospections) et de l’archéologie programmée (fig. 29). À ce titre, il faut noter les travaux de reconnaissance sur le terrain et le dépouillement documentaire pour le classement de certains sites1. La prospection est le principal moyen pour leur reconnaissance, qui a encore récemment permis d’ajouter à l’inventaire les sites du “Château” à Peaule (2008) et de “Pen-Castel” à Arzon (2015) dans le Morbihan. De plus, on compte cinq sites uniquement documentés par le biais de prospections.
Fig. 29. Représentation des sites fortifiés de la fin du second âge du Fer ayant fait l’objet d’une intervention préventive, d’un simple diagnostic (Le Pouliguen, 44 ; Entrammes, 53), ou d’une fouille (Ste-Suzanne et Moulay 53 ; Mûrs-Erigné et Angers, 49 ; Vue, 44) (réal. J. Remy).

2L’état documentaire peut également se mesurer au travers de la protection des sites puisque sur les trente-et-un retenus ici, seulement douze sont inscrits ou classés sur la liste des Monuments Historiques – seulement partiellement pour certains (www.monumentum fr). Du reste, l’un d’eux a été classé au titre de ses vestiges médiévaux et non à l’issue des découvertes de l’âge du Fer (“Le Tertre Ganne” à Sainte-Suzanne, 53). Ainsi, dans la liste des onze sites restants, cinq protections ont fait suite à des fouilles anciennes du xixe siècle, presque exclusivement regroupées en Bretagne (mis à part “Le Camp de César” au Fief-Sauvin) et pour lesquelles Sir M. Wheeler a joué un rôle primordial. Trois autres ont été protégées après des opérations programmées, menées un peu partout en Pays de la Loire, entre la fin des années 1970 et la seconde moitié des années 1980. Enfin, dans deux cas, le classement a été proposé sur la base d’une reprise documentaire complétée par des prospections aériennes et pédestres, en amont d’une fouille ou de sondages programmés (fig. 30).
Fig. 30. Liste de l’ensemble des sites fortifiés de la fin du second âge du Fer du quart N-O de la Gaule et notamment ceux ayant fait l’objet d’une protection au titre des Monuments Historiques (réal. J. Remy).

Une présentation critique du corpus
3Il s’agit de retenir ici les sites équipés d’aménagement(s) défensifs s’appuyant sur la topographie. Dans ce sens, le choix d’implantation du site est intimement lié au paysage et le système de barrage ou de contour s’y adapte : “Le choix du type utilisé est étroitement lié au paysage”2. On verra d’ailleurs que ce choix n’est bien souvent que le reflet des conditions orographiques locales, même si le rempart de La Tène finale s’affranchit parfois des contraintes du relief3.
4La(es) fonction(s) de ces sites – quel type d’occupation ils abrite(nt) et le(s) rôle(s) de leurs remparts défensif et/ou ostentatoire – soulèvent des questions qui devront être abordées ultérieurement (cf. infra chap. II, p. 85).
5En Bretagne, certains chercheurs ont retenu la catégorie des enceintes quadrangulaires dans le cadre de travaux portant sur les fortifications, s’interrogeant sur leurs fonctions et sur leur nature défensive4. En effet, nombre d’entre-elles s’apparentent à des habitats ruraux non fortifiés5, tandis que pour d’autres, le talus et/ou le fossé d’enclos présente un aspect ostensiblement défensif. Leur caractérisation n’est pas toujours aisée du fait qu’une large part de ces enceintes ait été uniquement repérée par photographie aérienne. Si la fonction de ces enceintes peut être discutée, l’adaptation au relief n’est pas un critère primordial permettant de les définir et leur choix d’implantation est sans doute davantage en lien avec l’exploitation des ressources naturelles.
6Par ailleurs, cette prise de position de certains chercheurs bretons peut sans doute trouver une explication historique à travers la tradition qui s’est développée autour des Viereckschanzen ou “retranchements quadrangulaires” – particulièrement fréquents dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière. En effet, ces enceintes quadrangulaires, pour lesquelles les talus et fossés sont souvent conservés dans le paysage, ont attirés l’attention des chercheurs allemands dès le xixe siècle. Si leurs interprétations ont été nombreuses, leur vocation militaire – camp romain, refuge, établissement rural fortifié –, puis cultuelle – sanctuaire gaulois sur un modèle proche des fana romains – ont d’abord été préférés6. Depuis la fin des années 1990, les progrès de l’archéologie ont permis de remettre en question ce modèle tant du point de vue français qu’allemand7 et, actuellement, les viereckschanzen sont, la plupart du temps, interprétés comme des établissements ruraux enclos.
7De fait et pour l’ensemble de ces raisons, il a été décidé de ne pas prendre, ici, en compte les enceintes quadrangulaires. Enfin, le terme d’“enceinte” est ici accepté de manière à désigner uniquement les systèmes défensifs ceinturant un espace : “Clôture continue enveloppant une place ou une partie de place pour sa défense”8.
8Les sites sont présentés individuellement sous forme de courtes notices – le catalogue de ces notices est accessible en ligne (Annexes) – éclairant sur leurs principales caractéristiques et l’histoire de leur recherche qui apporte un regard critique aux données exposées. Trente-et-un sites ont donc été retenus pour l’inventaire, qualifiés de “certain”, “probable” ou “potentiel” pour exprimer la valeur de la connaissance de leur système de fortification (fig. 31). Par exemple, au Mans (72), aucune fortification n’est actuellement connue : néanmoins on présume son existence depuis le xixe siècle. La “Butte du Vieux-Mans” est donc qualifiée de site fortifié potentiel. Des cartes normalisées, à échelle 1/20 000e illustrent le plan de ces sites de manière à pouvoir facilement les comparer entre eux, notamment leur environnement topographique et leur superficie.
Fig. 31. Les sites fortifiés du quart N-O de la Gaule retenus pour étude. Les numéros correspondent à ceux utilisés pour la localisation des sites sur les cartes (réal. J. Remy).

9L’ensemble des informations recueillies dans le cadre de ces notices ont ici été mises en perspectives afin de questionner l’implantation topographique et géographique des sites, la nature de leur occupation interne et l’architecture de leurs systèmes défensifs (en particulier les remparts). L’objectif de cette analyse est d’arriver à dégager les caractéristiques propres de ces sites fortifiés, afin de proposer des catégories qui pourraient être interprétées en termes de hiérarchie, exercice qui n’a encore jamais été proposé pour la zone géographique concernée.
10Sur l’ensemble des sites fortifiés de la civitates des Riedones, un seul a livré les témoins d’une occupation de la fin de l’âge du Fer : l’“oppidum d’Orange” à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35) (fig. 32).
Fig. 32. Plan du seul site fortifié connu pour le territoire riedone (réal. J. Remy).

11Chez les Coriosolites, deux sites peuvent actuellement être attribués à La Tène finale, à savoir le site de Saint-Malo (35) et le Cap d’Erquy (22) (fig. 33).
Fig. 33. Plan des sites fortifiés du territoire des Coriosolites (réal. J. Remy).

12Sept sites fortifiés osismes, de cette période, sont reconnus entre les départements des Côtes d’Armor et du Finistère (fig. 34). La cité vénète est celle qui rassemble le plus de sites (sept également), avec celle des Osismes, accueillant uniquement des éperons barrés datés de La Tène finale (fig. 35).
Fig. 34. Plan des sites fortifiés du territoire des Osismes (réal. J. Remy).

Fig. 35. Plan des sites fortifiés du territoire des Vénètes (réal. J. Remy).

13Celle des Aulerques Cénomans regroupe notamment les deux plus vastes fortifications actuellement connues en Pays de la Loire, à savoir celle de Moulay et d’Entrammes (53) (fig. 36). Deux petits sites de près de 3 ha de superficie se répartissent en limite septentrionale et méridionale de ce même territoire – Gesnes-le-Gandelin et Aubigné-Racan en Sarthe. On suppose l’existence de deux autres fortifications en Sarthe, pour lesquelles les remparts ne sont pas clairement avérés (Le Mans) ou non encore datés (Duneau) (fig. 37).
Fig. 36. Plan des sites fortifiés du territoire des Aulerques Diablintes (réal. J. Remy).

Fig. 37. Plan des sites fortifiés du territoire des Aulerques Cénomans (réal. J. Remy).

14Quatre sites peuvent être classés dans la catégorie des sites fortifiés de la fin de l’âge du Fer chez les Andécaves, dont le promontoire d’Angers, bien que l’existence du rempart soit sujet à débat (fig. 38).
Fig. 38. Plan des sites fortifiés du territoire des Andécaves (réal. J. Remy).

15D’après les limites de territoire actuellement définies pour La Tène finale, seule la “Pointe de Penchâteau” au Pouliguen est attribuée aux Namnètes (fig. 39), tandis que deux sites sont supposés appartenir à la civitates disparue des Ambiliates (fig. 40). Pour cette même cité, un troisième site de hauteur fortifié, peut être évoqué. Il s’agit de l’éperon barré de “La Sangle” à Bouguenais (44), installé en fond d’estuaire, il domine le cours de la Loire d’environ 30 m de haut. Bien qu’une occupation de La Tène finale soit avérée, la nature de celle-ci n’est pas connue et aucun état laténien n’a été mis en évidence pour le rempart, dont la construction remonte au Hallstatt moyen/final, d’après les résultats des sondages entrepris sur cet ouvrage depuis 20149.
Fig. 39. Plan du seul site fortifié connu pour le territoire des Namnètes (réal. J. Remy).

Fig. 40. Plan des autres sites fortifiés localisés au sud de la Loire dans le territoire supposé des Ambiliates (réal. J. Remy).

L’analyse des sites fortifiés
L’implantation topographique
16Pour le quart nord-ouest de la France, une grande majorité des sites de La Tène finale correspond à des systèmes de barrages. La topographie a été presque systématiquement mise à profit pour la construction des retranchements puisque l’on compte vingt-quatre éperons barrés. En effet, seuls quatre sites ont été équipés d’enceintes de contour, deux pour isoler le sommet de petites collines, à Quimper chez les Osismes (2,23 ha) et à Aubigné-Racan chez les Aulerques Cénomans (3,15 ha). Dans le troisième cas, à Huelgoat (29), le choix de construction répond à un besoin d’enclore une superficie plus vaste (30 ha). Enfin, le bourg de Duneau (72) constitue le dernier exemple d’enceinte de contour, localisé en plaine, néanmoins précisons que si une occupation de La Tène finale a été reconnue, en 2007, actuellement aucun élément sérieux ne permet d’attribuer l’origine du rempart à l’époque gauloise (fig. 41).
Fig. 41. Répartition des sites fortifiés de La Tène finale dans le quart N-O de la Gaule en fonction de leur implantation topographique (réal. J. Remy).

17La prédominance du barrage d’éperon n’est pas propre aux régions de l’Ouest, toutefois, si pour certaines civitates, comme celle des Leuques et des Médiomatriques, ce choix s’explique par un paysage particulièrement accidenté (cuestas du plateau Lorrain et le massif des Vosges), les raisons topographiques apparaissent moins évidentes dans le quart nord-ouest de la Gaule. Effectivement, les reliefs sont nettement moins prononcés et l’on pourrait s’attendre à davantage d’enceintes de plaine. Les fortifications ne se concentrent pas particulièrement au niveau des principaux reliefs qui marquent la zone d’étude (fig. 42). De manière générale, elles semblent même éviter les points les plus hauts à quelques exceptions près – Huelgoat qui est implanté sur les Monts d’Arrée, Sainte-Suzanne (53) et Gesnes-le-Gandelin (72) situé au cœur des Alpes Mancelles. La faible fréquentation de ces secteurs ne trouve donc pas d’explication topographique et n’est a priori pas non plus une conséquence de l’état de la documentation (cf. infra). En revanche, ces choix d’implantation peuvent, en partie s’expliquer par la présence du littoral découpé de la Bretagne, puisque près de la moitié des éperons barrés correspondent à des barrages littoraux, soit dix sites10 sur vingt-trois (fig. 43). Ce constat signifie que l’emplacement de ces sites ne peut être uniquement déterminé par la topographie mais que d’autres facteurs, qui devront être discutés (cf. infra chap. III, p. 272), entrent en ligne de compte – géographique, stratégiques (contrôle du littoral), économiques. D’ailleurs, en dehors du littoral, les sites sont pour la plupart établis au contact de cours d’eau : de la Loire, de la Vilaine, de fleuves côtiers (le Blavet, l’Aulne et la Rance) et d’affluents (cf. infra chap. III, p. 231).
Fig. 42. L’implantation topographique des sites fortifiés attribués à La Tène finale dans le quart N-O de la Gaule, sur fond de la BD alti au pas de 25 m (réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Fig. 43. Distribution spatiale des sites fortifiés attribués à La Tène finale dans le quart N-O de la Gaule, en fonction de leur implantation topographique, sur fond orographique et hydrographique (pour les numéros de sites se référer à la figure précédente ; réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat ; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ;17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
18Enfin, les deux îles pour lesquelles on reconnaît une fortification à La Tène finale sont équipées d’un rempart de barrage qui protège les accès les plus vulnérables. L’une d’elles est localisée au large des côtes finistériennes (Landunvez, 29), tandis que l’autre, installée à environ 5 km du cours actuel de la Loire, est entourée de marais (Vue, 44), dont la formation dès la fin de l’âge du Fer est fortement présumée d’après de récentes études géomorphologiques11 (fig. 44).
Fig. 44. Cliché aérien de l’île de Vue en hiver (en direction de l’est), cernée par ses marais inondés (cl. anonyme, copie d’un original appartenant à P. Mussat, communiquée en 2011).

La superficie des sites
19Lors de la mise en place de l’inventaire, la taille des sites a été enregistrée suivant la qualité de l’information, éclairant ainsi sur une superficie connue ou estimée et permettant des précisions dans le cas de retranchements multiples :
Surface connue,
Surface minimum avérée,
Surface minimum estimée,
Surface maximum estimée.
20Cette information est souvent l’un des premiers critères retenus pour l’analyse et la hiérarchisation des sites et ce pour la bonne raison qu’elle est, la plupart du temps, mieux maitrisée que celles qui concernent l’occupation interne, voire parfois la seule accessible. En tenant compte des limites inhérentes à ce corpus et afin d’aboutir à une réflexion sur la fonction du site ainsi qu’à sa place hiérarchique au sein du territoire, il est nécessaire d’établir des classes de superficie, qui devront être confrontées aux données sur l’occupation interne des sites. Pour réaliser cet exercice, on retiendra systématiquement la superficie maximum qu’elle soit avérée ou supposée. L’occupation gauloise au Mans est encore trop incertaine et mal cernée, par conséquent, ce site n’est pas inclus dans le classement. La réflexion porte donc sur trente fortifications.
21En amont de cette démarche, une présentation de la taille des sites par civitates permet, d’ores et déjà, d’émettre quelques remarques (fig. 45). Au premier abord, la répartition des sites sur les différents territoires apparaît tellement inégale qu’elle pénalise les réflexions d’ordre général. Ainsi, le peuple riedones ne compte qu’un seul site fortifié contre sept recensés chez les Osismes.
Fig. 45. Superficie de l’ensemble des sites fortifiés des neuf civitates (réal. J. Remy).

22Néanmoins, on constate qu’une majorité de petites fortifications (moins de 5 ha) est localisée sur les territoires vénètes et osismes, qui accueillent d’ailleurs les plus petits sites, compris entre moins de 1 ha et 2 ha. Deux sites prévalent largement sur le reste du corpus par leur superficie, Moulay (53) et Le “Port du Salut” à Entrammes (53), tous deux localisés chez les Aulerques Cénomans. Mis à part le territoire mal défini des Ambiliates, on identifie au moins une fortification de 10 ha ou plus par civitas.
23La distribution de l’ensemble des sites en fonction de leur taille offre la possibilité de proposer des regroupements par classe. Le principe est de distribuer les sites suivant une fréquence de surface de 1 ha, afin de dégager des groupes de superficie (fig. 46). Cette méthode a été retenue par P. Pion et ses collègues, en 1989, pour hiérarchiser les fortifications de La Tène moyenne et finale de la Vallée de l’Aisne12. Son emploi lui permet alors de dégager des classes hiérarchiques, nommées “rang”, au moyen de la superficie enclose, alors considérée comme seul facteur opérant. En effet, les lacunes quant aux fonctions (et la nature d’occupation) de ses sites sont telles qu’il propose d’admettre – d’après les études de trois zones géographiques – que la superficie est proportionnelle à la taille de la population. En 2008, C. Féliu, confronté aux mêmes difficultés, procède selon une méthode identique, définissant des rangs hiérarchiques hypothétiques sur la base de la superficie des sites fortifiés leuques et médiomatriques. Dans un deuxième temps, il confronte ses rangs aux données disponibles sur l’occupation interne13. Une démarche similaire sera ici appliquée.
Fig. 46. Distribution des sites fortifiés selon un classement de taille tous les 1 ha (réal. J. Remy).

24Le fort déséquilibre constaté dans la répartition des sites par territoire invite à travailler sur l’ensemble de la zone géographique sans distinction entre les peuples. En effet, pour cinq d’entre eux on ne compte pas plus de trois sites, ce qui rend l’exercice inopérant.
25Ainsi, la classe la mieux représentée comprend quatorze sites de moins de 5 ha, la seconde rassemble sept sites de tailles comprises entre 5 ha et 10 ha. La dernière comprend sept sites pour lesquels les superficies sont plus variables, entre 14 ha et 35 ha. La distribution des sept derniers sites apparaît très lâche et incite à les regrouper de manière à éviter de créer une classe pour chaque site. Ainsi, on obtient quatre classes de superficie (fig. 47) :
Rang 1 : regroupant 2 sites de 65 ha et 135 ha (Moulay et Entrammes),
Rang 2 : regroupant 7 sites de 14 ha à 35 ha (Saint-Malo, Vieux-Vy-sur-Couesnon, Peaule, Vue, Châtelais, Huelgoat, Erquy),
Rang 3 : regroupant 7 sites de 5 ha à 10 ha (Ploulec’h, Le Pouliguen, Landunvez, Chênehutte-Trêves-Cunault, Angers, Sauzon, Duneau),
Rang 4 : regroupant 14 sites de moins de 5 ha (Groix, Arzano, Beuzec-Cap-Sizun, Plouhinec, Arzon, Quimper, Le Fief-Sauvin, Sainte-Suzanne, Saint-Pierre-Quiberon, Ploudaniel, Aubigné-Racan, Gesnes-le-Gandelin, Mûrs-Erigné, Plougasnou).
Fig. 47. Répartition des sites fortifiés selon le classement par rang (réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Le tracé des remparts
26Lorsque les tracés sont suffisamment longs14 et bien conservés pour permettre des observations, ils apparaissent parfois géométriques. De fait, les remparts de barrage d’Erquy (22), du “Petit Mesnil” à Moulay (53) ou de Vieux-Vy-sur-Couesnon (35) sont particulièrement rectilignes. Les enceintes de contour de “Kercaradec” (Quimper, 29) et de Huelgoat (29) s’affranchissent, quant à eux, en partie des contraintes topographiques avec des tronçons rectilignes qui contrastent avec la morphologie du terrain. À Peaule (56), les remparts qui protègent le sommet du plateau voient même l’ajout d’une ligne de défense, implantée transversalement à la pente afin de protéger le flanc nord du promontoire qui aboutit au point de confluence de la rivière de l’Étier avec la Vilaine. À Ploulec’h (22), si le rempart de contour, construit en bord de falaise, suit au nord et à l’ouest les courbes topographiques, à l’est elle s’en affranchit. Protégeant le bord du plateau au sud-est du promontoire, il court en diagonale de la pente sur le versant est jusqu’à la rupture de pente, couvrant l’angle nord-est, avant de s’ouvrir sur une porte qui offre un accès à l’embouchure du fleuve côtier du Léguer. La géométrie des remparts n’est pas systématique, d’après ce que l’on observe sur une partie des remparts de Ploulec’h, d’Aubigné-Racan (72) ou de Gesnes-le-Gandelin (72) où la ligne de défense suit parfaitement les courbes de niveau. Si l’on admet que l’adaptation des fortifications au relief est une norme pour les périodes protohistoriques plus anciennes15, on peut envisager que la reprise opportuniste d’un ouvrage plus ancien à La Tène finale puisse expliquer ce choix d’implantation dans certains cas. À Gesnes-le-Gandelin, par exemple, un premier état du rempart parementé et conservé sur 2,50 m de haut est attribué, sans certitude, à l’âge du Bronze.
27Si le barrage d’éperon correspond à l’implantation la plus fréquemment observée, on notera que certains promontoires sont équipés, en plus d’un système de barrage, d’un rempart ou d’un parapet de contour. C’est le cas pour Ploudaniel (29), pour Ploulec’h, pour Gesnes-le-Gandelin, pour le bourg de Moulay et probablement pour Entrammes (53).
28L’extrémité du promontoire de Moulay (au niveau du bourg) est équipée sur les pourtours d’un mur de soutènement en pierres sèches, identifié en plusieurs points de l’éperon. Il est construit soit à flanc de falaise, sur les pentes de la vallée de l’Aron, soit au sommet des versants abrupts. Au sud-ouest le système est double puisqu’il se caractérise par un mur installé à mi-pente et un autre au sommet du plateau. Encore conservé sur 2,80 m de hauteur par endroits, sa construction a parfois demandé de conséquents travaux d’aménagements. En effet, à l’ouest de l’éperon, les fouilles ont révélé la présence d’une couche de remblai (en argile et en pierres) certainement rapportée pour stabiliser et compenser la forte pente avant l’édification du rempart16. Celui-ci est généralement caractérisé par un mur de terrasse parementé à l’avant. Si la datation mériterait d’être revue et précisée, les sondages réalisés par J. Naveau dans les années 1970 supposent une attribution à La Tène finale17. Un rempart daté de la même période longe le pourtour du promontoire du “Yaudet” à Ploulec’h. Il forme une terrasse de 5 m à 6 m de large, implantée en rupture de pente. Le parement de façade est doublé, dans un second temps, sur une épaisseur de 2 m. Le rempart de contour de Ploudaniel, quant à lui, présente une architecture plus complexe, dont il conviendra de préciser les caractéristiques ultérieurement (cf. infra chap. II, p. 98). Enfin, les observations de prospection qui concernent les aménagements de Gesnes-le-Gandelin (72) et d’Entrammes (53) n’apportent aucun éclairage sur leurs qualités architecturales.
L’architecture des remparts
29L’information sur l’architecture des remparts est assez peu exploitable bien que ceux-ci soient souvent le principal objet d’attention sur ce type de sites. De fait, dix-neuf remparts, soit un peu plus de la moitié, ont fait l’objet d’une opération archéologique entre le xixe siècle et 2016. La qualité très disparate de ces explorations offre des informations très inégales. Dans deux cas (sur les dix-neuf renseignés), les remparts sont documentés par un simple relevé de coupe opportuniste (Chênehutte, 49 ; Peaule, 56). Onze ont été sondés, mais les coupes sont souvent incomplètes18 et apportent une information très ponctuelle, voire parfois biaisée, de l’architecture (fig. 48). Enfin, huit sites ont fait l’objet d’une fouille à plat, plus ou moins étendue, en tenant compte du rempart d’Angers (49), dont l’existence n’est pas certifiée. Ajoutons que pour Mûrs-Érigné (49) seuls les fossés adjacents étaient conservés.
Fig. 48. Exemples de coupes pratiquées dans des remparts de l’âge du Fer dans l’ouest de la France. On remarque une évolution des moyens d’interventions (manuels puis mécaniques) et des conditions de sécurité (de gauche à droite et de bas en haut : cl. M. Wheeler ; cl. N. Rouzeau ; cl. C. Lambert ; cl. J. Remy).

30Pour les douze autres sites inventoriés, la description ne peut aller au-delà d’une description morphologique du “talus”19 (dimensions), de son état de conservation présumé et éventuellement d’une partie des matériaux le constituant (pierres et/ou sédiment). Rappelons que pour quatre sites, l’existence d’un rempart est simplement présumée (Saint-Malo, 35 ; Sainte-Suzanne, 53 ; Arzano, 29 ; Le Mans, 72). Il faut ajouter à cette liste Angers dont les fouilles ne suffisent pas, actuellement, à assurer l’existence d’un rempart et encore moins la nature de son architecture, mais également Mûrs-Érigné pour lequel seuls les fossés étaient conservés au moment de l’intervention en 1999.
Présentation des types architecturaux reconnus
Les remparts à poutrage horizontal avec ou sans fixation métallique
31Le rempart intérieur de Vue (44) offre l’un des exemples les mieux documentés d’architecture à poutrage horizontal dans le quart nord-ouest de la Gaule, pour la fin de l’âge du Fer. L’ouvrage (d’environ 4 m de large) est constitué de deux parements en pierre de 1,10 à 1,30 m de largeur, séparés par un noyau de terre de 2 m. Le tout est maintenu par un système de poutrage interne (grille orthogonale) fixé par des fiches en fer, dont les pièces de bois ont disparu. Signalons que des négatifs de longrines étaient visibles en façade20. Si l’on se réfère à la typologie traditionnelle des remparts de l’âge du Fer, celui de Vue apparaît comme une variante du type Ehrang21, avec un assemblage en partie clouté. Quant à l’emploi des fiches en fer, il est plus généralement associé à l’élaboration des murus gallicus (fig. 49).
Fig. 49. Vue zénithale du rempart intérieur de “l’oppidum de Vue” (44) et de son poutrage en bois conservé en négatif (Guillier 2016, 115, photographie 10).

32En ne tenant pas compte des fiches en fer, le barrage principal du cap d’Erquy (22), fouillé en 1968, montre un aménagement curieusement similaire au rempart de Vue. En effet, un mur en pierres, large d’un peu plus de 4 m (4,35 à 4,75 m), est formé d’un parement avant et arrière plus ou moins bien conservé. À l’intérieur de l’amas de pierres, ont été identifiés des restes de poutres transversales dans les parements ou juste en avant, ainsi que deux longrines (verticalement alignées). Si les fragments de charbons ont été datés par radiocarbone de La Tène de manière générale, l’architecture évoque clairement un type Ehrang (fig. 50). À l’avant de ce mur, un talus en terre forme un apport supplémentaire difficile à interpréter. En effet, les fouilleurs l’ont compris comme les vestiges possibles d’un parapet ayant fonctionné simultanément avec le mur. Néanmoins, la solution d’un apport postérieur réutilisant l’ouvrage en pierre apparaît également satisfaisante.
Fig. 50. Plan de l’architecture interne du talus principal d’Erquy au sommet du noyau de pierres (Giot & Briard 1969, fig. 3).

33L’état laténien du rempart de barrage du “Camp de Saint-Evroult” à Gesnes-le-Gandelin (72) est muni d’un parement en pierre à l’avant offrant un front conservé sur 2,50 m de haut. L’existence d’un poutrage interne, sans fixation métallique – pour lequel le rôle architectural ne peut être précisé –, est signalée par des traces longitudinales charbonneuses22. La lecture de la coupe, pratiquée dans le rempart, évoque également l’aménagement d’un parement arrière, aujourd’hui effondré.
34En 1938, la grande enceinte de contour du “Camp d’Artus” à Huelgoat (29) a fait l’objet d’un sondage, dans sa partie méridionale, par l’équipe de Sir M. Wheeler qui a mis en évidence une architecture conforme au traditionnel murus gallicus. Les sondages transversaux pratiqués dans l’enceinte interne révèlent une architecture proche de la précédente, caractérisée par une armature en bois régulière clouée, pour laquelle seuls les négatifs sont conservés, ainsi que les pièces métalliques. Une rampe arrière maintient la superstructure comblée de remblais, eux-mêmes bloqués à l’avant par un parement (fig. 51).
Fig. 51. Clichés d’un sondage réalisé à l’extrémité N-O du murus gallicus qui ceint le promontoire de Huelgoat. 1 : Vue de face de la façade extérieure et des négatifs de poutrage conservés dans la masse du rempart. 2 : Les fiches en fer conservées en place (Wheeler & Richardson 1957, plate VII, XI).

35À Ploulec’h (22), le premier état du rempart traversier qui barre l’éperon est composé d’une structure de pierres sèches équipée d’une rampe arrière et d’un parement à l’avant. Le maintien de cet ensemble par un système de poutres en bois est suggéré par l’observation d’espaces vides formant des alignements horizontaux dans la façade externe. De plus, la présence d’amas ferrugineux dans le rempart sous-entend que ces bois ont été assemblés par des fiches en fer23. La deuxième phase consiste en un rehaussement de 1 m de haut du premier état, selon une même architecture, qui s’apparente au type murus gallicus.
36Sur trois autres sites, la découverte de fiches en fer dans l’ouvrage autorise à envisager l’existence d’un poutrage en bois (fig. 52). Pour commencer, au Fief-Sauvin (49), la littérature du xixe siècle signale leur abondance, mais les résultats des fouilles réalisées à cette période n’ont pas été transmis et l’on ne peut que soupçonner un état de construction à poutrage interne. Si quelques assises d’un parement externe ont été identifiées, on ne peut exclure qu’il s’agisse d’un aménagement récent du talus. À Saint-Pierre-Quiberon (56) la description des fouilles du xixe siècle et l’observation récente d’une coupe à flanc de falaise témoignent d’un rempart à front parementé en pierres sèches, associé à un poutrage interne clouté, dont subsistent les nombreuses fiches en fer et quelques fragments de bois minéralisés encore conservés au musée de Vannes24. Enfin, à Peaule (56), le rempart principal n’est pas daté ; néanmoins la lecture d’une coupe renvoie à des traditions architecturales reconnues pour la fin de l’âge du Fer et la découverte d’une fiche en fer pose la question de la présence d’un murus gallicus bien que le poutrage n’ait pu être observé.
Fig. 52. Fiches en fer découvertes au xixe siècle sur “l’oppidum de Vue” (44) et conservées au musée Dobrée à Nantes (Cl. J.-G. Aubert, ArcAntique).

Les remparts à poutrage vertical
37Aucun rempart à poteaux verticaux – aussi appelé Pfostenschlitzmauern –, tel qu’ils sont définis dans la typologie classique, n’est actuellement reconnu25. Toutefois, quelques exemples d’architectures mixtes, associant un poutrage interne à des poteaux frontaux, doivent être signalés. Ainsi, le barrage du “Petit Mesnil” à Moulay (53), correspond à un murus gallicus à poteaux frontaux. Les poutres longitudinales et transversales internes ne sont pas conservées, mais leur emplacement a pu être restitué grâce à la présence de fiches métalliques. Ces dernières témoignent d’un agencement régulier, par groupes de trois traverses séparés entre eux par un intervalle plus important. Si le lien entre cette grille en bois et les poteaux de façade n’a pu être certifié par des relations stratigraphiques (perturbées), la position systématique des groupes de traverses disposées entre les poteaux suppose un assemblage cohérent26. Ce type d’architecture original connaît des exemples comparables plus au nord, en dehors de notre zone d’étude : l’“oppidum de Castillon” (14) ou “Le Châtellier” sur la commune du Petit Celland (50)27.
Les remparts à talus massif
38Un seul talus massif de La Tène finale, identifié avec certitude (à Ploulec’h), correspond à un dernier état de construction venant recouvrir les précédents, comme c’est fréquemment le cas en Europe celtique28. Un puissant talus massif de sable granitique surmonte les deux précédents états du rempart traversier qui barre l’éperon de Ploulec’h (22). Une phase caractérisée par un talus massif a été reconnue sur l’une des cinq lignes de fortification qui isolent la “Pointe de Penchâteau” au Pouliguen (44). Malheureusement, la datation proposée à la fin de l’âge du Fer n’est qu’une supposition basée sur des comparaisons morphologiques. Enfin, la hauteur considérable des remparts du Fief-Sauvin (49) et de “Beg-en-Aud” à Saint-Pierre-Quiberon (56) suggère l’élévation d’un talus massif dans un dernier état de construction, pour lequel on ne peut de toute façon pas avancer de datation. En effet, il n’est pas exclu que des rehaussements aient été mis en œuvre au Moyen Âge, comme c’est très probablement le cas pour le rempart du bourg de Moulay (53), ou celui de Gesnes-le-Gandelin (72).
Les constructions en gradins : une spécificité bretonne ?
39Si la pierre est fréquemment utilisée en parement ou en remblai, on reconnaît un emploi plus original en Bretagne, avec l’aménagement de gradins en façade (fig. 53). Sondé dans les années 1990, le talus externe de Ploudaniel est complété par un rempart de contour. Cette intervention a, en effet, révélé un talus en terre équipé à l’arrière d’un système de six gradins en pierres et peut-être d’un parement en façade – une assise est conservée sur le sommet du rempart29. Rappelons que la datation de ce rempart n’est pas formelle bien qu’on suppose son fonctionnement durant une période comprise entre la fin de La Tène moyenne et La Tène finale.
Fig. 53. Gradins internes du rempart de contour du site de Ploudaniel dans le Finistère (cl. P. Maguer).

40Autre cas de figure, l’enceinte de contour principale, qui isole le sommet de la colline de “Kercaradec” à Quimper (29). Sondée en 1938, elle est caractérisée par un parement en pierres à l’avant et une façade arrière constituée de trois parements étagés. À l’arrière du parement intérieur sommital, la mise en évidence de trous d’ancrage de poteau suggère la présence d’une palissade placée devant les deux niveaux de gradins. Là encore, son attribution à La Tène finale est supposée.
41Enfin, le troisième cas a été reconnu au “Camp de César” à Erquy (22), chez les Coriosolites. Déjà évoqué, le rempart principal, qui barre l’éperon littoral, est doublé en partie centrale d’un talus de 320 m de long en pierres (très compact), équipé de deux niveaux de gradins externes. Précisons que la façade arrière est visiblement formée d’une rampe, puisqu’aucun parement n’a été identifié. L’attribution de ce rempart à La Tène finale repose sur la supposition qu’il vient compléter le barrage principal daté de cette période. Son édification intervient vraisemblablement a posteriori de ce dernier puisque certains blocs du parement pourraient y avoir été prélevés.
Systèmes de talus et fossés multiples qui barrent les éperons littoraux
42L’autre particularité qu’il convient de remarquer en Bretagne concerne les systèmes de talus et fossés multiples qui barrent certains éperons littoraux. Ce phénomène est constaté dès le xixe siècle par Sir M. Wheeler qui en recense neuf, soit un peu moins de la moitié de l’ensemble des sites fortifiés littoraux inventoriés par son équipe. Quatre de ces sites, auxquels on ajoute le “Camp de César” à Erquy (22), sont occupés avec certitude à La Tène finale. L’examen de ces cinq sites suggère l’installation successive de lignes de défense vraisemblablement ajoutées au grès des réoccupations de ces éperons. On envisage donc une évolution chronologique de ces systèmes défensifs.
43Le meilleur exemple est celui de la pointe de “Penchâteau” au Pouliguen (44), fermé par cinq ensembles de talus/fossés. Si les indices sur lesquels repose la datation de ces ouvrages sont parfois fragiles, deux sont attribués au plus tard à La Tène ancienne, un autre à La Tène moyenne ou finale. Les deux lignes extérieures n’ont pas été formellement datées, mais la présence de mobilier tardif, médiéval voire moderne, dans le comblement d’un fossé indique que le site défensif est à nouveau investi à cette période.
44À Sauzon (56), l’ensemble défensif – divisé en quatre fortifications – n’est pas daté, néanmoins la découverte de mobilier à l’intérieur du site attribué à La Tène finale et au Moyen Âge signale au moins deux étapes dans la fortification de cette pointe. Pour rappel et d’après L.-M. Threipland qui a conduit les fouilles, le rempart interne présenterait un état médiéval. Toutefois, nous ne pouvons pas exclure l’idée selon laquelle la défense se composait déjà de plusieurs lignes à La Tène finale. Le même constat peut être fait pour les fortifications non datées de “Castel-Coz” à Beuzec-Cap-Sizun (29).
45Bien que les remparts de la “Pointe de Kervédan” à Groix (56) ne soient pas datés, on peut tout à fait envisager la contemporanéité de certains aménagements, avec un rempart principal et plusieurs lignes de talus et fossés élevés en avant, comme le suggérait déjà L.-M. Threipland30 (fig. 54). Sondé au milieu du xxe siècle, le rempart interne de Groix – conservé jusqu’à 2,80 m de hauteur – est formé d’un remblai d’argile et de blocs de pierre maintenus par deux parements en pierres (interne et externe) – distant de 7 m –, qui sont renforcés à leur base par un glacis d’argile à l’avant et une faible rampe constituée du même matériau à l’arrière. Aucun poutrage interne n’a été identifié lors des fouilles.
Fig. 54. Lignes de défenses (talus/fossés) qui barrent la pointe de Kervédan sur l’île de Groix dans le Morbihan (Threipland 1945, 132, fig. 5).

Quelques exemples mal documentés de remparts parementés
46Sur le site de Moulay (53), la lecture en coupe – obtenue en 1972 – de l’imposant rempart du bourg, qui connaît certainement plusieurs phases de remaniement et notamment une attribuée au Moyen Âge, offre un état (très probablement arasé) assez proche de l’architecture mise en évidence à Groix. De fait, à l’avant, un éboulis de pierres évoquerait un parement effondré, dont le pendant interne a été identifié.
47Un autre cas, mal documenté peut être signalé, celui de la “Butte de Vaux” à Aubigné-Racan (72). En effet, le rempart de contour, qui n’est pas non plus daté, est constitué de deux façades en pierres, distantes de 4 m, qui maintiennent un remblai. Des trous d’ancrage de poteau à l’aplomb du parement externe suggèrent la présence d’une armature en bois (palissade ? poteaux verticaux ?), néanmoins l’étroitesse du sondage entrepris ne suffit pas à renseigner sa nature, ni à assurer sa contemporanéité avec le mur parementé.
48On notera par ailleurs deux exemples supplémentaires de talus parementés à l’avant, celui de Chênehutte (49) et celui du rempart extérieur de Ploudaniel (29). L’attribution de ces deux aménagements à l’âge du Fer reste hypothétique, d’ailleurs leur morphologie n’est pas tout à fait comparable. Celui de Chênehutte est bien plus imposant avec ses 32 m de large à la base contre 7 à 8 m pour Ploudaniel. Dans ce dernier cas, il s’agit plus précisément d’un mur constitué de deux parements, conservé sur deux assises.
49À propos de talus, reste à signaler celui de l’éperon barré des “Humelles” à Mûrs-Erigné (49). Il est intéressant de noter que c’est le seul aménagement décrit, uniquement constitué des matériaux extraits du creusement du fossé qui lui est attenant. A priori, aucune connaissance technique particulière n’a donc été nécessaire à l’érection de cet ouvrage, dont on peut alors remettre en cause la nature défensive. L’hypothèse d’un couronnement du talus de Mûrs-Erigné par une palissade, aisément destructible par le feu, plaide également davantage en faveur d’une fonction symbolique, voire ostentatoire, que défensive. Ne s’agit-il pas plutôt de limites monumentales, comparables à celle des habitats ruraux (aristocratiques ou non) ? Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
Éléments de conclusion sur l’architecture des remparts du Nord-Ouest (fig. 55)
Fig. 55. L’architecture des remparts de Bretagne et des Pays de la Loire, datés de La Tène finale (dessins C. Remy).

50Au final, la majorité des remparts fouillés ou sondés montre de véritables constructions de génie civil et/ou militaire, où la mise en œuvre du bois joue souvent un rôle primordial dans le maintien de l’architecture. En effet, des dix-neuf remparts évoqués (à l’exclusion de ceux d’Angers et de Mûrs-Érigné), au moins neuf sont équipés d’une armature en bois qui sert dans le maintien de l’ouvrage. De plus, il n’est pas exclu que d’éventuelles structures en bois n’aient pas été identifiées, étant donné l’exigüité de certains sondages et la difficulté d’appréhender ce matériau, le plus souvent conservé sous la forme de négatifs ou de traces charbonneuses. À ce sujet, l’exemple de Moulay est édifiant puisque seule la mise en évidence des fiches en fer aux croisements des pièces de bois signale la disparition de ces dernières31.
51La longueur des remparts32 et/ou la complexité de mise en œuvre de leur(s) architecture(s) témoignent d’une capacité à mobiliser une importante main-d’œuvre, les compétences nécessaires à la conception et à la construction – architectes (?), ingénieurs, tailleurs de pierre, exploitants forestier, maîtres-charpentiers, forgerons ? –, au suivi du chantier – maître d’ouvrage ? –, mais aussi à se procurer une grande quantité de matériaux – que ce soit pour le bois, le fer pour les fixations, ou la pierre mise en œuvre en parement. Ces exigences induisent l’existence d’un pouvoir émetteur capable de mener à bien le projet de construction.
52La confrontation des types architecturaux avec la taille des sites qu’ils protègent montre que la qualité de mise en œuvre n’est pas en rapport avec celle-ci (fig. 56). Les remparts de “La Ségourie” au Fief-Sauvin et de “Beg-en-Aud” à Saint-Pierre-Quiberon en sont les exemples les plus significatifs. Par conséquent, le système hiérarchique établi suivant la superficie ne trouve visiblement pas d’échos dans la technicité nécessaire à l’élaboration de ces ouvrages monumentaux. Cependant, il existe un rapport évident de cause à effet entre la superficie enclose et la longueur de l’ouvrage qui la ceint. Et l’augmentation du tracé à couvrir implique un effort de mise en œuvre croissant.
Fig. 56. Dimension et architecture des remparts de La Tène finale dans le quart N-O de la Gaule, en fonction du rang des sites fortifiés (réal. J. Remy).

53Pour finir, remarquons qu’aucune spécificité n’apparaît dans la dispersion des différents types architecturaux (fig. 57).
Fig. 57. Répartition spatiale des différents types architecturaux des remparts de La Tène finale sur l’ensemble de la zone d’étude (réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ;16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ; 24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
Les portes des fortifications
54Peu de portes, le plus souvent matérialisées par une interruption du rempart33, ont été explorées. Les cinq exceptions correspondent presque toutes à des interventions menées en Bretagne par l’équipe anglaise (dir. M. Wheeler) et offrent des architectures relativement similaires. À Groix (56), une interruption du rempart interne d’environ 2,40 m de large est renforcée par des parements en pierres sèches de chaque côté, le long desquels des trous d’ancrage de poteau signalent une construction en bois tels qu’une porte ou un portique. L’entrée nord-est de l’enceinte intérieure et l’entrée sud-est de la grande enceinte du “Camp d’Artus” à Huelgoat (29), à peine plus larges (environ 2,70 m), sont construites sur le même modèle. L’accès ouest de l’enceinte principale de “Kercaradec” (Quimper, 29) présente également ce type d’architecture.
55Des sondages réalisés dans les années 1970 par J. Naveau dans le bourg de Moulay (56), à l’extrémité du plateau fortifié de 12 ha, ont permis d’appréhender au moins une porte, aménagée dans le rempart de contour. L’interruption du mur au nord et sa reprise en léger décalage, forment un étroit accès en chicane de 1,20 m de large (fig. 58). L’exiguïté de ce passage permet de lui attribuer le nom de poterne. Au sud de ce décroché, un autre mur se développe perpendiculairement au rempart, aménagement qui se dégrade en direction de l’ouest en fonction de la pente naturelle du terrain. Son attribution à La Tène finale n’est pas tout à fait certaine, néanmoins l’arasement de la portion sud de cet accès remonterait au Moyen Âge central ce qui suggère une origine plus ancienne34.
Fig. 58. Localisation des sondages réalisés à l’extrémité de l’éperon de Moulay (53), à l’ouest du bourg (Naveau 1974, pl. IV).

56Enfin, il est probable qu’un accès au rempart de barrage du “Yaudet” à Ploulec’h (22) ait été aménagé à son extrémité orientale, mais celui-ci n’a pu être appréhendé par la fouille. En revanche une entrée en chicane a été reconnue au nord-est, appelée “porte maritime”. Mal conservée (sur moins de 1 m de haut), elle constitue l’extrémité du rempart de contour qui protège le flanc est du plateau. Elle est formée d’un mur composé de blocs de granite pris dans un mélange de sable et d’argile, habillé d’un parement interne en dalles de granite. Un mur de soutènement, pour lequel ne subsiste qu’un alignement de blocs, est construit contre le versant du plateau, parallèle au rempart, limitant ainsi la largeur de l’entrée à 3,60 m de large.
L’occupation interne
L’organisation de l’occupation
57L’organisation interne des sites fortifiés est rarement documentée, ce qui est en partie imputable à l’accessibilité des sites (cf. supra chap. II, p. 85), mais aussi, dans certains cas (à Angers ou à Saint-Malo), au contexte urbain qui contraint à des sondages de surface réduite. Dans un tel contexte, la répétition des opérations à Angers (49) a tout de même permis de mettre en parallèle les vestiges mis au jour au château et au musée des beaux-arts (au “Logis Barrault”) – les seuls à offrir, à ce jour, des informations en plan. Ainsi, il apparaît que les trames mises en évidence sur chacune d’elles sont concordantes (fig. 59). Effectivement, malgré la distance qui sépare ces deux fenêtres de fouilles (environ 400 m), on observe une orientation identique du bâti, qui, par ailleurs, semble également respecter la topographie. L’idée de l’existence d’une trame urbaine pré-antique peut être renforcée par la mise au jour en 2008, avenue de la Blancheraie, d’une voie de 3 m de large, qui a d’abord été associée aux vestiges augustéens. Or, l’absence de mobilier romain dans le niveau de voirie et la découverte d’un potin suggèrent une attribution plus ancienne, à La Tène finale35. Ajoutons que l’orientation de cette voie, qui se dirige en direction du cœur de ville, est parfaitement identique à celle des vestiges laténiens exhumés au château et au musée des Beaux-Arts.
Fig. 59. Plan général des vestiges de La Tène finale à Angers (réal. J. Remy, d’après Batardy 2008).

58Au contraire, les fouilles menées dans la Cité d’Alet à Saint-Malo (35) n’ont mis en évidence que très peu d’aménagements (un seul fossé et des fosses), n’autorisant pas ce type d’observation.
59Récemment, deux fouilles préventives extensives ont offert une vision plus générale de l’occupation interne, permettant de dépasser les seuls constats chronologiques et le recensement des rares indices d’activités économiques. À Moulay (53), l’opération, menée entre 2009 et 2011 couvrait une surface de 9,5 ha, soit 7 % de la superficie totale de l’enceinte du “Petit Mesnil”. Trois quartiers distincts, à vocation artisanale ou domestique, ont ainsi été identifiés. Les espaces sont régis par des parcelles ou des îlots – dont les dimensions varient en fonction des secteurs – à l’intérieur desquels sont répartis les bâtiments, avec des espaces probablement communautaires dénués d’aménagements (places ?). De manière générale on reconnaît une orientation des aménagements nord-nord-est/sud-sud-ouest et est-sud-est/ouest-nord-ouest à l’échelle de l’enceinte du “Petit Mesnil”, du moins dans l’emprise de la fouille préventive. Les trames parcellaires des zones septentrionale et méridionale varient légèrement ce qui résulte probablement d’une adaptation à la topographie.
60À Vue (44), la fouille conduite à l’été 2014 par G. Guillier renseigne sur 4 ha, soit moins de 15 % de la grande enceinte (de 25 ha). L’organisation de l’espace apparaît de prime abord moins structurée du fait de l’absence de parcellaire, phénomène certainement conditionné par la contrainte géologique. Rappelons qu’à Moulay (53) le substrat correspond à de l’arène granitique ou de l’argile tandis qu’à Vue le rocher (granite gneissique) est affleurant. Néanmoins, deux secteurs se distinguent, l’un voué au stockage, qui regroupe un ensemble de petits bâtiments à quatre poteaux interprétés comme des greniers, l’autre, qui suit une orientation légèrement désaxée, accueille des constructions plus imposantes, qui, dans deux cas, pourraient correspondre à des bâtiments à vocation résidentielle. De plus et d’après la tradition littéraire, le bourg de Vue est traversé d’est en ouest par une ancienne voie romaine, l’actuelle route départementale 72336. On peut supposer qu’un tel axe desservait l’île dès la Protohistoire, le long duquel l’espace fortifié a pu s’organiser, bien qu’actuellement aucune opération archéologique ne renseigne cette voie, ni les accès à la fortification.
61À Ploulec’h (22), la multiplication de sondages programmés confirme deux phases d’occupation à La Tène finale, mais n’offre que de rares plans de bâtiments et aucune analyse spatiale de ces vestiges ne peut être engagée, comme pour la plupart des sites fortifiés y compris les plus imposants comme le “Camp d’Artus” à Huelgoat (29) ou “Le Port du Salut” à Entrammes (53). Sur ce dernier site et dans le cadre d’un diagnostic, une voie gauloise y a été reconnue sous la voie romaine Le Mans-Rennes, une voie qui traverse d’ailleurs en diagonale l’enceinte du “Port du Salut” et franchit la Mayenne au moyen d’un gué (non daté). Notons que certains axes du réseau fossoyé, identifié lors de sondages préventifs et au nord de l’enceinte (le long de la Départementale 103), sont parallèles ou perpendiculaires à la voie gauloise, supposant un agencement de l’espace fortifié.
62La comparaison des systèmes hiérarchiques avec l’agencement interne de l’occupation des sites fortifiés se heurte à l’état lacunaire des données, qui ne sont véritablement exploitables que sur de rares sites. Toutefois, on peut noter que les fortifications ayant livré des témoins d’une structuration de l’espace interne appartiennent aux trois rangs les plus élevés.
63L’architecture des habitats est, elle aussi, peu documentée. Des trous d’ancrage de poteau trahissent le plus souvent la présence de constructions sur poteaux plantés, mais rares sont les sites qui livrent des plans de bâtiments. L’identification moins fréquente de tranchées témoigne également de l’utilisation de sablières basses, reconnues au Mans, à Moulay et à Entrammes (53). Des bâtiments élevés sur solins ont par ailleurs été mis en évidence à Angers (49) et à Ploudaniel (29). Bien que l’utilisation du bois semble prédominer, signalons une particularité au sein de la région bretonne qui offre quelques exemples d’élévations en pierres, bien illustrés par les bâtiments quadrangulaires de Landunvez sur l’île d’Yoc’h (29). L’architecture des bâtiments dégagés sur l’éperon littoral de “Castel-Coz” à Beuzec-Cap-Sizun (29 ; datés de La Tène en général et fouillés au xixe siècle par R.-F. Le Men), se caractérise également par des élévations en pierres – des bâtiments rectangulaires excavés d’environ 15 m² et parfois associés à une élévation en pierres sèches. Un bâtiment circulaire en pierres a aussi été identifié à la pointe de “Kervédan” sur l’île de Goix. Ajoutons que les prospections conduites à “Beg-en-Aud” (Saint-Pierre-Quiberon, 56) révèlent des structures quadrangulaires en microreliefs, correspondant probablement à des architectures en pierres encore en élévation, pour lesquelles on ne peut que supposer une attribution à l’âge du Fer. Si l’utilisation de la pierre est ici uniquement reconnue sur des sites côtiers, il ne s’agit pas en réalité d’une spécificité littorale, mais plutôt d’une adaptation à l’environnement et aux ressources disponibles37.
64À l’intérieur des sites fortifiés, les types architecturaux apparaissent donc relativement variés, néanmoins les données sont trop lacunaires pour pouvoir proposer des parallèles entre la superficie des sites et les choix architecturaux retenus pour les constructions qui occupent l’intérieur des enceintes. Mis à part quelques bâtiments pour lesquels la superficie est légèrement supérieure à celle des autres, une certaine standardisation des architectures a pu être observée à Moulay (53), qui fait office d’exception avec son emprise de fouille exceptionnelle.
La nature des activités
La production métallurgique
65Huit sites fortifiés sur les trente-et-un retenus ont livré des témoins d’une production métallurgique plus ou moins importante, avec une nette prédominance de l’artisanat du fer reconnu sur chacun d’eux (fig. 60).
Fig. 60. Les témoins d’activités artisanales sur les sites fortifiés (réal. J. Remy). P : pour possible.

66En 1995, les sondages programmés réalisés par P. Maguer, à l’intérieur du coude que forme le rempart interne de Ploudaniel (29), ont permis de recueillir de nombreuses scories d’affinage et de forge qui attestent la présence d’un atelier de forge, dont l’attribution à La Tène finale est fortement supposée. Par ailleurs, quelques scories, des fragments de parois de four vitrifiées, découverts sur l’éperon de Mûrs-Érigné (49), dans le cadre d’une opération préventive menée en 1999, révèlent une activité de métallurgie du fer a priori peu dense.
67Sur l’oppidum de Moulay (53) les indices découverts en contexte stratigraphique ou en prospection de surface, sont plus nombreux, mais restent faiblement représentés – un fragment, correspondant peut-être à une barre de type “currency-bars”, des battitures et un tas en fer, qui signalent le travail de mise en forme d’objets en fer. Des scories ainsi que des parois de four vitrifiées renvoient davantage à la transformation du fer. Ces vestiges ont été mis en évidence au niveau du quartier central de l’enceinte du “Petit Mesnil” et du quartier nord. Dans ce dernier secteur, les battitures étaient parfois associées à des foyers informant clairement de la présence d’ateliers de forgeron. De plus, un artisanat lié aux métaux en alliage cuivreux a été décelé sur le site grâce à la découverte de creusets et de déchets comportant des traces de ce type d’alliage38.
68À Duneau (72, rang 3), ces deux types de métallurgie sont attestés par des déchets d’alliages cuivreux, des restes de creusets, des scories de forge et d’une barre de type “currency-bars” recueillis en fouille. À ce propos, rappelons que les fragments d’une fibule en bronze pourraient signifier l’existence d’un atelier destiné à la fabrication de ces parures.
69À Vue (44), des scories et un culot de forge découverts dans une couche attribuée à La Tène finale, à l’occasion d’exigus sondages programmés, ont été interprétés comme les rejets d’un atelier de métallurgiste39.
70Un autre atelier de bronzier de la fin de La Tène a été dégagé sous le château médiéval d’Angers (49, rang 3) à l’occasion des fouilles menées entre 1993 et 1996 (déchets de coulées, fragments de creusets et de tôles en bronze, quelques restes de parois de four vitrifiées). Aussi, la découverte de scories ferreuses sur le site sous-entend la présence d’une activité sidérurgique dans les environs de la fouille.
71Enfin, à Saint-Malo (35, rang 2), les opérations archéologiques réalisées dans le secteur des cathédrales de la Cité d’Alet ont également mis en évidence le travail du fer (forge) et du bronze. Enfin, sur l’île d’Yoc’h à Landunvez (29, rang 3), ce sont des scories qui témoignent d’une activité de forge.
L’activité potière
72Trois sites se démarquent par leur activité potière qui n’est que très faiblement représentée sur la zone géographique étudiée. Ainsi, à Angers (49) et au Mans (72), des fours de potiers ont été découverts, un peu en retrait des promontoires occupés ou susceptibles d’être occupés (dans le cas du Mans). Un four à sole pleine “certainement assez primitifs” accompagné de rebuts de fabrication, daté d’environ 40/30 a.C., a été mis au jour rue Delaâge à Angers40. Le site des Jacobins au Mans, lui, a livré un four à deux alandiers, en partie aménagé avec de la vaisselle issue d’une production, qui atteste le fonctionnement du four vers 50-40 a.C.41. Aucune structure n’assure l’existence d’un atelier de potier à Saint-Malo (35), toutefois quelques indices pourraient témoigner d’une production céramique sur le site (cf. annexe 2).
Des activités remarquables (orfèvrerie, travail du verre...)
73Des activités plus rares, comme l’orfèvrerie, le raffinage de l’argent ou le travail du verre sont représentées sur seulement trois sites, de rang 1 et 2, qui cumulent déjà au moins une activité métallurgique. Ainsi, à Vue (44, rang 2), le comblement d’une carrière d’extraction de gneiss a livré plus de 300 fragments de moules à alvéoles (de forme circulaire). Ces éléments sont généralement interprétés comme des lingotières utilisées pour calibrer des métaux précieux42, pour lesquels la nature ne peut être déterminée sans analyse en laboratoire (argent, bronze, or). La découverte sur le site d’un globule en bronze (petit lingot) s’adaptant à une moitié d’alvéole oriente vers une métallurgie du bronze, sans que l’on puisse réellement exclure les autres métaux43.
74Le deuxième exemple correspond à un atelier de frappe de statères coriosolites pour lequel on suppose l’existence dans la Cité d’Alet (35, rang 2). Cette hypothèse est étayée par la mise au jour d’une installation métallurgique de séparation de l’argent à partir du plomb argentifère (galettes de coupellation) et du fait que ces monnaies constituent les seuls objets, contenant de l’argent, découverts sur le site. Enfin, ce qui pourrait être un creuset de verrier associé à des fragments de bracelets en verre, provenant de l’oppidum de Moulay (53), évoquent un atelier de transformation de ce produit, a priori importé brut de méditerranée44. Si l’hypothèse devait être confirmée, il constituerait l’unique exemple connu pour la zone géographique étudiée.
75Finalement, ce sont des sites de rang 1 à 3 qui accueillent les artisanats les plus rares et les plus diversifiés : Moulay (rang 1), Saint-Malo (rang 2), Vue (rang 2), Angers (rang 3). Cependant, ce constat doit être nuancé par l’inégalité des données disponibles pour chaque site (fig. 60). En témoignent certains sites de rang 2, très insuffisamment documentés, qui n’offrent, de fait, que très peu d’indices d’artisanats (Vieux-Vy-sur-Couesnon, 35 ; Huelgoat, 29 ; Châtelais, 49 et Peaule, 56). On note tout de même que les sites de rang 4 ne présentent quasiment aucun indice des activités précédemment évoquées, mis à part deux sites (Ploudaniel, 29 et Mûrs-Érigné, 49) qui ont livré des traces d’une activité métallurgique. Il va de soi que l’état de la documentation est un facteur déterminant dans la représentativité des activités métallurgiques et artisanales.
Activités domestiques et vivrières (tissage, pêche, sel, séchage et fumage...)
76L’occupation de ces sites est également caractérisée par des activités domestiques et vivrières, dont la densité est, elle aussi, fonction des carences documentaires. Ainsi, la présence de fusaïoles (sur “Beg-en-Aud” à Saint-Pierre-Quiberon, ou à Moulay) ou moins fréquemment de pesons en terre cuite (à Ploulec’h, Landunvez, Quimper, Saint-Malo et Beuzec-Cap-Sizun) signale le travail du filage sur six sites. L’intensité de cette activité liée au textile peut difficilement être évaluée de manière à définir son caractère domestique et/ou artisanal.
77Sur le littoral de la Manche et de l’Atlantique, le sel constitue une ressource visiblement exploitée sur de rares éperons barrés. L’exemple le plus évident est celui de Landunvez (29) où un bâtiment, équipé de deux cuves étanches associées à deux foyers, a servi à la fabrication de sel ignigène. Des déchets de briquetage découverts à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment témoignent de sa fonction d’atelier de bouilleurs de sel. La proximité immédiate de l’océan sur l’île d’Yoc’h et l’existence d’un atelier de saunier suggèrent également des activités de pêche45 s’accompagnant certainement du séchage et du fumage des poissons. En effet, des bâtiments compris comme des zones de travail, n’ayant laissé aucun indice des activités qui y étaient pratiquées, pourraient avoir accueilli ce type d’artisanat46.
78La découverte d’un fragment de godet de four à sel à Saint-Malo (35) évoque également la production du sel bien qu’aucun aménagement n’accrédite cette idée. La seule présence de fragments d’augets, comme au Pouliguen, ne permet a priori pas d’attester une telle activité puisque ces contenants peuvent aussi bien avoir servi au transport et donc correspondre à de simples déchets de consommation.
79Enfin, la collecte lors de prospections d’un lot particulier de restes de céramiques de stockage semblables à des récipients provenant d’un atelier de bouilleur de sel, probablement utilisés comme contenant pour la saumure, pose la question d’une activité liée au sel. Ainsi, il est possible d’envisager à “Beg-en-Aud” (56), si ce n’est une production, du moins un stockage du sel ou d’autres produits ayant, pourquoi pas vocation à l’exportation comme le propose Y. Dufay-Garel47.
80Toujours en contexte littoral, des restes de coquillages témoignent d’une pratique de la pêche à pied à Ploulec’h (22) et à Saint-Malo (35) dans des proportions bien plus importantes. À Beuzec-Cap-Sizun (29) une telle activité a également été identifiée lors de fouilles anciennes, à travers la présence de coquilles de patelles, néanmoins son attribution à la fin de La Tène n’est pas certifiée. Au “Yaudet”, la découverte d’une fouëne (petit râteau) conforte la pratique de la pêche.
Les rares indices d’une activité agricole
81Pour finir, seul le site de Moulay (53) a livré des outils permettant d’attester la pratique de l’agriculture par les habitants : hache à douille, diverses serpes et couteau à battre48. À ce propos, l’étude du mobilier métallique, à l’échelle de l’ensemble des secteurs fouillés de Moulay, suggère nettement une prédominance de l’activité agricole sur l’activité artisanale métallurgique49.
82Les meules, utilisées pour broyer des graines, peuvent trouver une utilisation quotidienne, qui seule ne suffit pas à identifier la pratique de l’agriculture. Au contraire, la présence de plusieurs silos ou greniers sur certains sites pour le stockage des récoltes, constitue un indice moins direct de cette activité. D’ailleurs et d’après les études carpologiques réalisées par E. Neveu sur le site de Moulay (53), les denrées des greniers des zones résidentielles nord et sud pourraient avoir servis à un usage domestique, tandis que les zones centrale et méridionale – interprétées comme des quartiers artisanaux – pourraient avoir accueillies des greniers destinés à un “stockage ‘relais’ pour une courte durée avant une redistribution ou une vente sur des marchés de céréales cultivées localement ou provenant de régions plus éloignées”50. La question d’une fonction de stockage et de redistribution des produits agricoles à Moulay se pose, bien que l’on ne puisse pas totalement exclure l’idée selon laquelle l’ensemble des structures de stockage51 aient été destinées à nourrir la population sur place.
Les biens de prestige et les importations
83Il s’agit maintenant d’évaluer la représentativité et la qualité des biens de prestige recueillis sur ces sites fortifiés.
Les amphores
84En premier lieu, les amphores italiques (Dressel I) – témoins d’importations méditerranéennes qui traduisent l’implication d’un site dans un réseau d’échange52 – sont présentes sur dix-huit des trente-et-un sites retenus, soit plus de la moitié.
85Dans la plupart des cas, son absence peut s’expliquer par une carence d’intervention archéologique – à Châtelais ou Vieux-Vy-sur-Couesnon par exemple –, ou par la mise en œuvre de sondages de superficie limitée. On notera tout de même que R.‑F. Le Men ne mentionne aucun fragment d’amphore ou d’éléments pouvant y ressembler sur l’éperon du “Castel-Coz” (Beuzec-Cap-Sizun), malgré la description précise de ces découvertes et l’étendue de ces fouilles, réalisées en 186953. Par conséquent, il est possible que, dans ce cas précis, l’absence d’amphore ne trahisse pas un biais de la recherche.
86Si la présence de ce mobilier est presque systématique au sein des fortifications des trois premiers rangs et un peu moins fréquente pour ceux de rang 4, seule l’évaluation de ses proportions permettrait réellement de juger de l’implication des amphores dans l’économie des sites et de l’intensité de ses contacts avec le monde méditerranéen (fig. 61). Cependant, la disparité des données à ce sujet et l’acquisition trop rare du “nombre minimum d’individus” n’autorise pas l’application de cet exercice.
Fig. 61. Présentation des différents types de mobiliers et des importations mis au jour sur les sites fortifiés (réal. J. Remy).

87Sur ce point, l’enceinte du “Petit Mesnil” à Moulay (53) mérite tout de même quelques commentaires, puisque sur les 9,5 ha de décapage seuls 325 fragments ont été ramassés, totalisant trois individus minimums. Ce chiffre est particulièrement faible, d’autant plus si l’on considère qu’il s’agit du plus vaste site et de la plus importante surface fouillée à l’échelle du corpus (toutes catégories de site confondues). À titre d’exemple, le promontoire du “Yaudet” à Ploulec’h (22) a livré 162 fragments, soit 17 individus minimum, pour une surface d’intervention cumulée de 2000 m². Au musée des beaux-arts d’Angers (ou Logis Barrault), 68 individus minimum ont été décomptés (soit 252 tessons), soit une concentration importante “eu égard à la surface fouillée et aux niveaux conservés dans le secteur”54. On compte 200 individus d’amphores (italiques et gréco-italiques) provenant de la petite agglomération des Alleuds aux “Pichelots” (49), qui sera évoquée plus en détail par la suite. Ces mobiliers sont parfois même mieux représentés sur certains établissements ruraux55. Nous concèderons toutefois que l’emprise de la fouille du “Petit Mesnil”, si importante soit-elle, n’est représentative que de 7 % de la superficie totale de l’espace fortifié. De fait, il n’est pas exclu que les amphores aient été accumulées dans un autre secteur non appréhendé par la fouille. À Jublains (53), où l’on pressent l’existence d’une agglomération de La Tène finale, la plupart des tessons ont été recueillis au centre de la ville antique56, en un point précis, malgré les diverses opérations qui ont atteint des niveaux gaulois en différents points de la commune (cf. annexe 15). L’analyse des importations d’amphores apparaît donc complexe et difficilement interprétable au vu de la diversité des contextes et de la qualité de leur appréhension.
Les autres vaisselles importées
88Par ailleurs, les importations d’amphores ne sont pas les seuls témoins d’échanges extérieurs. À Saint-Malo (35), les travaux de L. Langouët et de M.-Y. Daire montrent que le site a joué un rôle dans les échanges transmanche. Une diffusion d’un type de céramique fine par voie maritime depuis Alet jusqu’au site portuaire d’Hengistbury Head a pu être démontrée57. À l’inverse, au “Yaudet” (22), de la vaisselle importée atteste, même si elle n’a pas été recueillie en très grand nombre, d’un commerce à longue distance avec la Bretagne insulaire : du sud-ouest de l’Angleterre, du Wessex et d’Hengistbury Head. L’analyse du corpus céramique du “Yaudet” a même mis en évidence des productions locales imitant certaines productions britanniques58. Aussi, des fragments d’objets en “shale” (schiste bitumineux), dont un tesson de vase recueilli en contexte stratigraphique de La Tène finale, pourraient provenir de Kimmeridge dans le Dorset59.
Les armes
89La découverte d’armes sur les fortifications, témoins de la présence d’un ou de plusieurs individus issu(s) d’une classe sociale militaire, n’apporte aucune information fiable étant donné que la plupart de ces objets sont soit mal datés – uniquement connus par des mentions anciennes60 –, soit issus de contextes spécifiques. En effet, pour Sainte-Suzanne (53) les éléments d’armement (passe-guide et umbo) proviennent d’un dépôt ponctuel d’objets remarquables, dont la provenance n’a pu être définie61. Tandis qu’à Moulay (53), une épée et un fourreau datés de La Tène finale, ainsi que d’autres éléments pour lesquels la datation n’a pu être précisée, proviennent d’un fossé d’enclos qui a également livré un fer de lance de La Tène C1 associé à quelques fragments de céramique attribuée au début du iiie s. a.C. (début de La Tène C1). L’interprétation en tant que sanctuaire de cet enclos, qui est abandonné au début de La Tène finale (malgré le dépôt d’armes daté de cette période) et remplacé par un quartier artisanal, est problématique (cf. infra chap. II, p. 203).
La parure
90Les objets de parure fournissent a priori un bon indicateur de richesse des habitants, néanmoins on constate que sur les dix sites ayant livré ce type de mobilier, le facteur archéologique semble particulièrement déterminant dans leur représentativité, puisque le nombre d’objets croit en fonction de l’ampleur des interventions pratiquées sur le site. Par conséquent, toute tentative d’interprétation liée à leur nombre s’avèrerait biaisée. Voici comment ces objets se répartissent :
91Prospections :
92Saint-Pierre-Quiberon (56) : une boucle de cuivre et une perle en verre ramassées en prospection62.
93Sondages et fouilles anciennes :
94Huelgoat (29) : un bracelet en bronze découvert par l’équipe de M. Wheeler à l’occasion d’un sondage effectué à l’intérieur de la grande enceinte63.
95Chênehutte (49) : des bracelets et pendeloques gaulois découverts sur le site – pour lesquels l’étude n’a pas été reprise – sont mentionnés dans la littérature64.
96Sainte-Suzanne (53) : deux perles annulaires en verre provenant du dépôt fouillé en 200665.
97Plouhinec (56) : une perle de verre bleu découverte dans l’un des sondages effectués par l’équipe de M. Threipland66.
98Fouilles récentes :
99Landunvez (29) : au moins 4 perles en verre et des fragments de bracelets en lignite ont été mis au jour67.
100Ploulec’h (22) : cinq fragments de bracelet en cuivre, un crochet de ceinture et quatre perles en verre recueillis lors des fouilles programmées successives conduites par P. Galliou et B. Cunliffe.
101Moulay (53) : la fouille préventive menée entre 2009 et 2011 a livré deux perles (ou fragment de perle) en verre, une en lignite, deux ou trois bracelets en alliage cuivreux, deux fragments de bracelets, un torque en fer et en alliage cuivreux68.
102Saint-Malo (35) : les fouilles pratiquées par L. Langouët dans la Cité d’Alet ont livré des bracelets, deux bagues et une perle en bronze, des perles de collier en verre et des bracelets en lignite69.
103Toutefois, on remarque que les fibules et les objets en lignite70 n’apparaissent que sur des sites de rang 1 à 3, mis à part pour le cas de “Beg-en-Aud” (rang 4) qui a livré un fragment de fibule en bronze (datation incertaine) et plusieurs autres de type inconnus, recueillis en prospection.
Les monnaies
104Le dernier type d’objet que nous souhaitons évoquer, la monnaie, peut renseigner la capacité économique et d’échange d’un site. Sur les dix-sept sites sur lesquels ont été recueillies des monnaies, quatre sont classés en rang 4. Pour chacun de ces sites, un seul exemplaire est recensé, sauf pour l’éperon de “Beg-en-Aud” (56) où plusieurs monnaies sont mentionnées71.
105On observe donc, et bien qu’il faille toujours garder en mémoire le caractère incomplet des données, que la présence des monnaies sur les sites de rang 4 apparaît anecdotique (fig. 61). Ainsi, les sites, plus ou moins fouillés, de Beuzec-Cap-Sizun (29), Sainte-Suzanne (53) et Gesnes-le-Gandelin (72) ont chacun livré une monnaie. La pointe de “Beg-en-Aud” (56, rang 4), là encore, fait office d’exception puisque la bibliographie renseigne de la découverte, dans le courant du xxe siècle, de plusieurs monnaies, dont une seule nous est parvenue (un statère attribué aux Pictons). D’autre part, on note six sites qui se distinguent par un numéraire de dix et plus, voire peut-être sept sites, si l’on inclut Le Mans (72) qui a livré un important dépôt monétaire (le trésor des Sablons). Celui-ci est malheureusement difficilement interprétable du fait de sa position secondaire. À Angers (49), la situation est plus complexe puisque seules neuf monnaies gauloises ont été mises au jour en contexte stratigraphique laténien (lors de la fouille du château), mais 44 autres, issues de niveaux romains ou postérieurs, sont également à mentionner72. Il faut signaler la présence du dépôt mixte de “la Chalouère”, localisée à une distance d’un peu plus de 1,2 km au nord-est du promontoire d’Angers, qui témoigne d’une accumulation de richesse non loin de l’agglomération. Cette découverte du xixe siècle mêle à la fois un grand nombre de monnaies gauloises, un bracelet en bronze attribué à La Tène finale, des céramiques probablement romaines, ainsi que d’autres éléments métalliques, qui indiquent que le mobilier provient de dépôts successifs et non d’un unique enfouissement (cf. annexe 7).
106En dernier lieu, il convient également de rappeler le singulier contexte de découverte des monnaies de l’enceinte d’“Orange” à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35) qui ont, pour certaines, subi une déformation. Elles étaient en effet associées à des restes osseux, supposés humains – en position primaire ou secondaire ? –, qui invitent à leur attribuer une vocation rituelle (cf. annexe 1).
107Finalement, c’est davantage le cumul de ces objets, leur diversité, associés à leur quantité qui permettent à quelques sites de se dégager du reste du corpus : Moulay (rang 1), Saint-Malo (rang 2), Ploulec’h (rang 3), Angers (rang 3), Chênehutte (rang 3) et Saint-Pierre-Quiberon (rang 4). On remarquera qu’aucun des rangs préétablis ne semble se dégager de cette liste.
Synthèse et répartition spatiale
Les sites fortifiés au sommet de la hiérarchie
108L’examen des occupations internes de ces fortifications, confronté au classement par superficie préalablement avancé, permet de dégager trois sites qui se démarquent plus particulièrement par la diversité de leurs activités ou la représentation d’une pratique artisanale peu répandue (fig. 62). Il s’agit de la Cité d’Alet à Saint-Malo (35, rang 2), du promontoire d’Angers (49, rang 3) et de l’oppidum de Moulay (53, rang 1). Auxquels on peut ajouter l’île fortifiée de Vue (44, rang 2), qui n’a livré quasiment aucun bien de prestiges (parure, armement, monnaies...), mais dont l’activité métallurgique (activité de forge et calibrage de métaux précieux) se distingue de ce que l’on rencontre habituellement sur les autres sites fortifiés ou sur les habitats ruraux de la région. Il se démarque aussi par l’ampleur de son système de défense, même si elle est moindre qu’à Moulay (53), et par la qualité de l’architecture mise en œuvre.
Fig. 62. Confrontation de l’ensemble des témoins d’activités artisanales, de productions, d’échanges commerciaux et de richesse mis au jour sur les sites fortifiés du quart N-O de la Gaule (réal. J. Remy).

109De plus, une organisation interne structurée a été mise en évidence au moins à Angers, à Moulay et à Vue, bien qu’elle réponde probablement à des règles différentes suivant les cas. À Saint-Malo, l’exiguïté des sondages et le faible nombre de structures appréhendées n’autorise pas à réfléchir sur une éventuelle trame urbaine.
110Ces quatre sites sont aussi les mieux documentés. En effet, on note que les sites de rangs 1 à 3, qui ne sont connus que par des prospections ou des sondages limités, ne livrent souvent que peu d’indices d’activités économiques (Entrammes, 53 ; Châtelais, 49 ; Peaule, 56 ; Erquy, 22 ; Le Pouliguen, 44). Finalement, les données liées à l’occupation interne sont souvent lacunaires et ne permettent que trop rarement des comparaisons entre les sites. La superficie reste le seul critère discriminant pour nombre de ces sites.
111Toutefois et au vu des arguments avancés, quatre d’entre eux peuvent d’ors et déjà être placés au sommet de la hiérarchie. Voici les caractéristiques qui les définissent :
112Ils présentent des qualités défensives naturelles évidentes, renforcées par un rempart à l’architecture complexe – lorsqu’il est bel et bien identifié – reflétant la commande d’un pouvoir émetteur.
113Ils accueillent des activités artisanales diversifiées et/ou peu répandues.
114Ils livrent des indices évidents d’échanges commerciaux extrarégionaux attestant de leur intégration dans un réseau économique étendu.
115À l’exception de Saint-Malo, il est prouvé que leur occupation interne est structurée, définissant des “quartiers” parfois destinés à des fonctions spécifiques.
116Il est important de noter que ces quatre sites présentent, tout de même, entre eux des divergences – quant à leur taille (rang 1, 2 et 3), à l’organisation interne et probablement quant à leur économie. À ce propos, on soulignera à nouveau le faible dynamisme économique apparent de Moulay (53) en provenance du monde méditerranéen, comparativement à ses homologues. En outre, la diversité des activités artisanales qui y sont pratiquées est, en fait, assez mal représentée au regard de l’étendue de la fouille, qui ne représente, rappelons-le, qu’environ 7 % de la surface totale du site. À titre de comparaison, en contexte urbain, le cumul des interventions ayant atteint les niveaux gaulois à Saint-Malo (35) et à Angers (49), totalise respectivement 2 % et moins de 5 % de la superficie maximale estimée des enceintes. Avec toute la prudence qu’imposent le faible pourcentage de ces explorations, ces éléments suggèrent peut-être une prédominance des activités en lien avec le monde agricole (dont rend compte l’outillage) sur les activités artisanales au sein de l’enceinte du “Petit Mesnil” à Moulay.
117Contrairement à ce qui a été démontré pour les cités Leuques et Médiomatriques73, il est possible d’envisager que l’assise économique de certains des plus importants sites fortifiés, reposent davantage sur les produits agricoles (transformation et revente de matières animales et végétales) que sur des produits manufacturés en lien avec les métaux, le verre ou la céramique, ou bien sur un type d’artisanat ne laissant pas de vestiges suffisamment caractéristiques ou identifiables. Nous reviendrons plus loin sur cette hypothèse, qui repose actuellement sur trop peu d’arguments pour pouvoir être démontrée par l’archéologie. Néanmoins, précisons que celle-ci n’est pas pour autant contradictoire avec l’existence d’un pouvoir politique qu’illustrent la planification de l’espace interne et le monumental rempart qui barre sur 1,2 km la confluence de la Mayenne et de l’Aron à Moulay.
118En admettant que ces quatre sites aient été initialement équipés de remparts, il serait envisageable de les inclure à la catégorie des oppida, selon la définition que nous avons rappelée précédemment (cf. supra chap. I, p. 62). Néanmoins, du fait de leurs divergences morphologiques ou de celles liées à leurs activités, il parait préférable de les qualifier d’agglomérations fortifiées – rappelons que le rempart d’Angers est seulement présumé. Ce choix terminologique a également pour objectif de simplifier le propos dans la perspective d’analyses spatiales plus complexes, à venir. Toutefois, il convient de préciser que les caractéristiques qui ont été dégagées pour ces sites les placent bel et bien au sommet de la hiérarchie.
119Par extension, nous serions tentés d’accorder un statut identique aux sites de même rang, mais cela nécessite de s’affranchir d’importantes lacunes. Cela étant dit, certaines fortifications réunissent quelques-uns des critères définis plus haut qui offrent la possibilité de dépasser prudemment ces limites documentaires.
120En effet, il est difficile d’admettre, de par leurs imposantes superficies, que le “Port du Salut” à Entrammes (53 ; rang 1) et le “camp d’Artus” à Huelgoat (29 ; rang 2) n’aient joué aucun rôle politique au sein de leur territoire. Bien que la fortification du premier ne soit pas formellement datée, la voie antique d’origine gauloise Le Mans/Rennes, qui traverse l’enceinte en diagonal, pourrait correspondre à une limite spatiale forte ayant conditionné l’organisation de l’espace interne (cf. annexe 5). À Huelgoat, les sondages réalisés à travers les remparts montrent une architecture complexe qui se développe sur plusieurs kilomètres de long, expression évidente d’un pouvoir commanditaire.
121On pourra ajouter à cette catégorie de sites “l’oppidum d’Orange” à Vieux-Vy-sur-Couesnon (35 ; rang 2) qui a livré les indices les plus tangibles d’une activité rituelle attestant74 d’une fonction religieuse exercée sur le promontoire75.
122Erquy (22) et Châtelais (49 ; rang 2), qui font partie des plus grands sites du corpus, ne sont renseignés que par un faible corpus mobilier et aucun fragment d’amphore, témoin pourtant le plus manifeste d’échanges commerciaux. Par conséquent, il paraît trop risqué de les inclure à cette catégorie. De plus, les connaissances sur Peaule (56 ; rang 2) sont encore trop fragiles pour proposer une interprétation fonctionnelle du site.
123Enfin, on peut raisonnablement supposer que l’ensemble des agglomérations fortifiées de rang supérieur, qui viennent d’être évoquées, ont joué un rôle dans l’organisation des territoires du quart nord-ouest de la Gaule, à des échelles certainement différentes qu’il conviendra de définir.
Des agglomérations fortifiées
124Par ailleurs, Chênehutte (49), Duneau (72), Landunvez (29) et Ploulec’h (22), tous de rang 3 (entre 5 ha et 10 ha), attestent, pour la plupart, d’activités moins diversifiées, ce qui est probablement en partie imputable à la nature limitée des interventions archéologiques. Mais, la relative densité et la diversité du mobilier (parmi lesquels des biens de prestige), qui y est recueilli, révèle une certaine dynamique et la présence d’une population assez aisée, renvoyant à des contextes d’habitats aristocratiques ou d’agglomérations fortifiées d’envergure moindre que celles de rang 1 et 2. Or, les superficies des habitats enclos aristocratiques identifiés pour la zone géographique concernée n’atteignent rarement plus d’un hectare, contrairement à d’autres régions (Normandie ou en région Centre-Val de Loire76), les plus grands étant ceux d’Inguiniel (56 ; 2,8 ha), des “Natteries” à Cholet (49 ; 2,7 ha). Seule la résidence de “Saint-Symphorien” à Paule (22), dont on estime qu’elle contrôlait un espace enclos d’environ 10 ha fait exception (cf. infra chap. II, p. 171). Pour cette raison, l’hypothèse d’agglomérations fortifiées de faible extension est préférée. Les sites du Pouliguen (44) et de Sauzon (56), également de rang 3, qui n’ont livré que très peu d’indices d’occupation, peuvent être considérés comme des agglomérations fortifiées potentielles.
Les autres sites fortifiés
125Les fortifications de rang 4 apparaissent nettement plus modestes que les autres sites de par :
la faible quantité et représentativité des activités, qui suggérent un rôle économique limité ;
la rareté du mobilier de prestiges ou d’armes, qui témoigneraient de la présence d’une classe sociale aisée ;
le rempart, qui est le seul indice du rôle politique que certains ont pu assurer.
126Les fortes distinctions qui se dégagent des autres sites de rangs supérieurs sont probablement amplifiées par la faiblesse des études archéologiques menées sur ces sites, qui limitent largement la possibilité d’interpréter leurs fonctions. Leur aspect défensif s’impose alors comme l’une des rares clés de compréhension, toutefois il est admis, à l’échelle du monde celtique, que ces espaces fortifiés peuvent illustrer des types d’occupations variés que seules des fouilles extensives sont capables de révéler77.
127Notons que la quantité et/ou la diversité du mobilier recueilli au “Tertre Ganne” (Sainte-Suzanne, 53) et surtout à “Beg-en-Aud” (Saint-Pierre-Quiberon, 56), dénotent par rapport à la rareté des découvertes enregistrées sur les autres sites de rang 4. Remarquons que ces exceptions ne sont pas liées au type d’intervention archéologique – sondage exigu pour l’un, prospections pour l’autre. Dans les deux cas, les données archéologiques orientent vers un établissement fortifié de statut élevé, que nous pouvons qualifier d’aristocratique. En effet, la découverte d’un umbo de bouclier et d’un anneau passe-guide – interprété comme un accessoire de char servant à maintenir les rênes d’un attelage – bien qu’ils proviennent d’un contexte particulier de dépôt (issu d’un acte rituel ou non ?), trahi la présence d’une élite guerrière au “Tertre Ganne” durant La Tène finale. Rappelons qu’à “Beg-en-Aud” le mobilier militaire est limité à une pointe de lance.
128D’autre part, l’emplacement géographique stratégique de ces sites – et de l’ensemble des fortifications de rang 4 –, installés sur le littoral ou sur des points hauts systématiquement au contact de cours d’eau, évoque des points de contrôle militaires ou commerciaux. Le caractère ostentatoire de certains remparts (Ploudaniel, 29 ; “Beg-en-Aud”, 56 ; Le Fief-Sauvin, 49), renforce l’aspect prestigieux de ces lieux.
129L’exemple de “Beg-en-Aud” pourrait ainsi correspondre à une place stratégique permettant de contrôler des échanges et pourquoi pas de favoriser la redistribution de biens avec le reste de la presqu’île et/ou le continent78. La réflexion sur la(es) fonction(s) de ces petits sites fortifiés sera abordée plus longuement dans la synthèse préliminaire sur l’habitat (cf. infra chap. II, p. 188).
130À ce stade de l’analyse, il paraît opportun d’évoquer à nouveau l’éperon barré des “Humelles” à Mûrs-Erigné (49), qui est le seul site de rang 4 à avoir fait l’objet d’une opération préventive, concernant, de surcroit, près d’un tiers de sa superficie (environ 35 % de la surface totale du retranchement). Il est donc possible de considérer les découvertes comme relativement représentatives de l’occupation du promontoire. Ainsi, aucun mobilier particulier n’atteste d’une occupation des lieux par une élite sociale, ou une population aisée. Seuls quelques restes d’amphores témoignent d’importations peu conséquentes. L’artisanat est caractérisé par une activité métallurgique a priori peu dense, vraisemblablement à vocation domestique. L’ensemble de ces indices nous invite donc à réviser son statut, d’autant que le système de barrage, non conservé en élévation, pourrait aussi bien correspondre à la délimitation d’un habitat rural isolé. Finalement, la comparaison de l’éperon des “Humelles” avec les fortifications de même rang, à l’échelle du quart nord-ouest de la Gaule, révèle de fortes discordances, autorisant à l’exclure du corpus.
Quelques éléments de conclusion
131Quoi qu’il en soit et pour revenir au système hiérarchique initial, les rangs 1 et 2 offrent globalement des caractéristiques comparables permettant de définir des agglomérations fortifiées de statut élevé. Dans un premier temps, la distinction entre les deux mérites d’être maintenue du fait de l’écart important des superficies. Toutefois, il n’est pas inutile de souligner le fait que les deux sites de rang 1, sont regroupés au sein d’une même cité et qu’ils reposent sur une économie possiblement différente de celle des autres agglomérations fortifiées (fig. 63). À Moulay (53), la prédominance de l’activité agricole sur les activités artisanales est supposée. Et si cela reste à démontrer à Entrammes (53), il est tentant de proposer la comparaison étant donné la faible densité des structures observées et la pauvreté du mobilier recueilli au cours des rares opérations effectuées sur le site. De plus, la mise en évidence d’une agglomération probable attenante du iie s. a.C. à vocation agricole79 – qui est vraisemblablement supplantée par le plateau fortifié –, offre un argument de plus quant à la fonction économique d’Entrammes80. Ces observations autorisent à émettre l’hypothèse selon laquelle, dans ses régions, la superficie de ces grands sites fortifiés pourrait être fonction d’une activité économique agricole prédominante. En effet, les importants écarts de superficie de ces deux sites se rapportent peut-être à des impératifs en lien avec leurs activités agro-pastorales ou répondent à des modèles empruntés au monde rural. L’apparente bipolarité induite par la présence de ces deux sites ayant fonctionné en parallèle, au moins durant la première moitié de La Tène finale (La Tène D1), suggère un modèle organisationnel et économique particulier à la cité des Diablintes, qui rend caduc la distinction entre les rangs 1 et 2.
Fig. 63. Répartition des sites fortifiés selon leur interprétation hiérarchique et fonctionnelle (réal. J. Remy).

1 : Erquy ; 2 : Ploulec’h; 3 : Arzano; 4 : Beuzec-Cap-Sizun; 5 : Huelgoat; 6 : Landunvez ; 7 : Ploudaniel ; 8 : Quimper ; 9 : Plougasnou ; 10 : Saint-Malo ; 11 : Vieux-Vy-sur-Couesnon ; 12 : Le Pouliguen ; 13 : Vue ; 14 : Angers ; 15 : Châtelais ; 16 : Chênehutte-Trêves-Cunault ; 17 : Le Fief-Sauvin ; 18 : Mûrs-Érigné ; 19 : Entrammes ; 20 : Moulay ; 21 : Sainte-Suzanne ; 22 : Arzon ; 23 : Groix ;24 : Peaule ; 25 : Plouhinec ; 26 : Saint-Pierre-Quiberon ; 27 : Sauzon ; 28 : Aubigné-Racan ; 29 : Duneau ; 30 : Gesnes-le-Gandelin ; 31 : Le Mans.
132Le rang 3 est relativement homogène, avec une majorité de sites interprétés comme des agglomérations fortifiées d’ampleur moindre que les précédents. Seul le promontoire d’Angers (49) peut être considéré comme un intrus pour des raisons déjà évoquées.
133Enfin, une distinction plus nette entre ces trois premiers rangs et le quatrième a été mise en évidence, rassemblant des sites de moins de 5 ha, pour lesquels les fonctions n’apparaissent pas clairement.
134Finalement, les rangs annoncent de réelles tendances qu’il convient d’expliciter (fig. 64). L’analyse a mis en exergue deux groupes de nature différente, avec d’une part les sites de rang 1 à 3, interprétés comme des habitats agglomérés et d’autre part les sites de rangs 4, correspondant à des retranchements de surface plus modeste pour lesquels l’emplacement géographique et topographique prime davantage que pour les autres sites. En effet, ces retranchements sont souvent implantés en limites de territoires ou sur le littoral, – dans des environnements moins hospitaliers ou moins accessibles –, à deux exceptions près, celles de “Kercaradec” à Quimper (29) – situé à seulement 2 km du fleuve côtier de l’Odet – et “Castel-Penledan” à Ploudaniel (29).
Fig. 64. Tableau récapitulatif du classement hiérarchique des sites fortifiés (réal. J. Remy).

135Avant de conclure, il faut remarquer l’agencement spatial des agglomérations fortifiées de rang 1 et 2 les mieux documentées, qui ne se répartissent pas uniformément sur les différents territoires. Le cas particulier des Diablintes qui accueille deux sites de ce type a déjà été évoqué. Ajoutons également les cités des Vénètes et des Cénomans où aucun site de rang supérieur (1 ou 2) n’est assurément défini, bien qu’on puisse espérer que le promontoire de Peaule (56) livre à l’avenir des indices plus déterminants quant à sa nature. Néanmoins, son emplacement, à la frontière entre deux territoires, paraît étonnant. “L’oppidum de Vue” (44) occupe quant à lui une position territoriale encore discutée, comme cela a déjà été mentionné.
136À l’issue de ce bilan, le déséquilibre et les difficultés inhérentes à la hiérarchisation de ces sites invitent à procéder à une analyse spatiale plus approfondie, alimentée par les autres formes de l’occupation du territoire.
Notes de bas de page
1 Hamon 1994.
2 Fichtl 2005, 41.
3 Ibid., p. 45.
4 Maguer 1996 ; Naas 1999 ; Arbousse-Bastide 2000 ; Menez 2008, 538, fig. 515.
5 Naas 1999, 79.
6 Von Nicolai 2009, 246-250.
7 Buchsenschutz & Olivier 1989.
8 Pérouse de Montclos 1972.
9 Remy et al. 2016 et Remy à paraître.
10 Erquy, 22 ; Ploulec’h, 22 ; Beuzec-Cap-Sizun, 29 ; Landunvez, 29 ; Plougasnou, 29 ; Le Pouliguen, 44 ; Arzon, 56 ; Groix, 56 ; Plouhinec, 56 ; Saint-Pierre-Quiberon, 56 ; Sauzon, 56.
11 Arthuis 2012, 91-93.
12 Pion 1990, 238-242.
13 Féliu 2008, 127-129.
14 Ce qui permet d’exclure tous les petits éperons barrés et notamment littoraux.
15 Si, pour les sites fortifiés de l’âge du Bronze, du Hallstatt et de La Tène ancienne, l’adaptation au relief est la règle, pour LaTène finale, par contre, le rempart se libère souvent de cette contrainte (Fichtl 2005, 45).
16 Naveau 1974a, 23, 28.
17 Des sondages, réalisés en 1974 et 1975, au niveau du mur construit à mi-pente sur le flanc nord-est de l’éperon, ont livré des tessons datés de La Tène finale, recueillis sous l’ouvrage et dans l’architecture du mur (Naveau 1974, Naveau 1975).
18 C’est le cas des sondages réalisés sur les remparts de la “Butte de Vaux” à Aubigné-Racan (72), de Gesnes-le-Gandelin (72), de La Pointe du Vieux Château à Sauzon (56) et celui du “Camp d’Artus” à Huelgoat (29). Rappelons que le rempart de “Beg-en-Aud” à Saint-Pierre-Quiberon (56) et celui du “Camp de César” au Fief-Sauvin (49) ont fait l’objet d’une intervention au xixe siècle, qui n’a pas été accompagnée de relevés.
19 Le terme de “talus” est alors employé pour désigner les remparts encore conservés dans le paysage et recouvert par une sédimentation qui leur donne l’aspect d’une simple levée de terre.
20 Guillier 2016, 116-117.
21 D’après les typologies proposées depuis les années 1980 (Buchsenschutz & Ralston 1981 ; Ralston 1996 ; Fichtl 2000).
22 Bouvet 2001, 235.
23 Cunliffe & Galliou 2005, 51.
24 Dufay-Garel 2016, 12-14.
25 Fichtl 2005, 53-54.
26 Houdusse et al. 2018, 211.
27 Ibid.
28 Fichtl 2005, 57.
29 Maguer 1995b.
30 Threipland 1945, 133.
31 Houdusse et al. 2018.
32 De quelques dizaines de mètres de long pour le plus court (Saint-Pierre-Quiberon, 56) à 3 km de circonférence pour le plus long (Huelgoat, 29).
33 Deux cas non fouillés font exceptions : l’accès de la “Butte de Vaux” à Aubigné-Racan (72) et l’accès nord-est du rempart de contour du “Yaudet” à Ploulec’h (22), toutes deux, en forme de chicane.
34 Naveau 1974a, 26.
35 Brodeur, dir. 2009.
36 “L’autre voie se dirigeait vers la cité gauloise de Vue, Vidua, en passant au nord de Brains et de Cheix où elle coupait la voie du Pellerin au passage de Pilon, célèbre par sa chaussée et ses chapelles et la découverte de 800 monnaies romaines qu’y fit M. de Grandville, en 1838. De là, le grand chemin tendait sur la station antique et mérovingienne de Saint-Père-en-Retz, autour de laquelle rayonnaient plusieurs voies” (Maître 1908, 97).
37 Daire 2001, 177.
38 Berranger & Zaour 2015, 345.
39 Remy 2012, 25.
40 Siraudeau 1974, 41.
41 Chevet & Pithon 2015, 103.
42 Fichtl 2010, 160 ; Méniel et al. 2008, 102.
43 Guillier 2016, 166.
44 Marion 2013, 355.
45 Deux pêcheries (barrages à poissons) mises en évidence au contact de l’île ont d’ailleurs fait l’objet de prélèvements, dont l’analyse radiocarbone suggère une période de fonctionnement entre 570 a.C. et 70 p.C. On peut alors envisager une utilisation synchrone de l’habitat laténien (Daire & Langouët 2011, 21).
46 Daire 1990, 46 ; Daire 2001, 166-177.
47 Dufay-Garel 2015, 16.
48 Nillesse 2016.
49 Nillesse 2015b, 190.
50 Neveu 2017, 400.
51 On compte au moins 58 bâtiments (de type PIVa0), répartis sur l’ensemble du site, pouvant correspondre à des greniers, sans compter les édifices plus grands qui ont pu jouer un rôle identique – possibles greniers ? (Ibid.)
52 Gruel et al. 2013.
53 Le Men 1873, 151-159.
54 Chevet & Mortreau 2010, 59.
55 Environ 10 NMI sur le site de “La Bleure” à Cholet (49) ; 99 NMI aux “Natteries” à Cholet (49)...
56 À l’occasion des fouilles programmées menées dans le bourg en 2011 et 2012 par A. Bocquet.
57 Daire 1992 ; Langouët 1996, 42.
58 Cunliffe & Galliou 2005, 199-200.
59 Ibid., p. 153.
60 Pour Saint-Pierre-Quiberon, il s’agit d’une mention de G. Bernier (Bernier 1964) et pour Chênehutte, d’une mention du xixe siècle (Port 1878, 679-681). Dans les deux cas ces armes ne nous sont pas parvenues.
61 Bocquet et al. 2009, 290.
62 Bernier 1964 ; Hyvert 1990.
63 Wheeler & Richardson 1957, 38.
64 Port 1878, 679-681.
65 Bocquet et al. 2009, 289.
66 Wheeler & Richardson 1957, 106.
67 Daire 2001, 183.
68 Cherel 2015, 151-154 ; Nillesse 2015, 180-184.
69 Langouët 1987.
70 Une étude des objets en lignite provenant d’un quart nord-ouest, élargi à la Basse-Normandie, a montré le caractère précieux des parures fabriquées dans ce matériau, bien que l’on constate que sa production – qui se développe dès le Hallstatt final – s’intensifie durant le second âge du Fer, ayant pour conséquence une certaine “démocratisation” de ce type de parure : “Ces objets traduisent un certain statut social et économique de leurs détenteurs...” (Le Nagard 2005, 73-74).
71 Dufay-Garel 2015, 12.
72 Bouvet et al. 2009, 431.
73 C. Féliu a montré, dans le cadre de sa thèse de doctorat, qu’un large panel d’importations et d’activités artisanales caractérisait les sites fortifiés leuques et médiomatriques de rang 1 (Féliu 2008, 141).
74 Avec toute la retenue requise par cette découverte dont le contexte stratigraphique n’est pas connu (découverte d’un dépôt associant des monnaies mutilées et des ossements humains).
75 S. Fichtl a montré à travers les sources écrites l’étroit lien qu’entretenaient les sphères politique et religieuse à la fin de l’âge du Fer en Gaule, rappelant les exemples d’oppida d’Europe celtique ayant livré un ou plusieurs sanctuaires (Fichtl 2005, 145‑158).
76 La superficie des habitats ruraux diffère en fonction des régions et ne peut être utilisée pour identifier un habitat aristocratique qu’à l’échelle régionale. À titre d’exemple, nombreux sont les sites du Gâtinais dont les superficies dépassent 3 ha (Fichtl 2013b, 334-335).
77 Fichtl 2005, 166-170.
78 Le rempart, mal appréhendé, qui barre la pointe de “Beg-en-Aud” (56), renvoie à une architecture complexe qui témoignerait davantage d’un ouvrage édifié pour durer que d’un ouvrage conçu dans l’urgence d’un contexte belliqueux. Néanmoins, il convient de rester prudent, étant donné que l’élévation actuelle correspond probablement à plusieurs phases d’aménagement.
79 Probable agglomération de plaine qui regrouperait les sites du “Clos des Primevères”, de la “Carrière d’Ecorcé” et de “La Carie II”.
80 Guillier et al. 2015.
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