De quoi les monnaies grecques trouvées en fouilles sont-elles le reflet ? Propos diachroniques de méthode
p. 239-261
Dédicace
À la mémoire de Mando Oeconomidès.
Son “étudiant belge” (1984-1985), en souvenir affectueux de tant
d’heureux moments passés au Musée numismatique.
Texte intégral
1Un matériel monétaire immense a été dégagé tout autour de la Méditerranée et jusqu’à l’Indus depuis maintenant plus d’un siècle. Quoique, et de façon regrettable, une grande partie de ce matériel n’a pas été publié (et à vrai dire ne le sera jamais)1, les publications de monnaies grecques trouvées en fouille constitue une riche bibliographie dont le rythme n’a cessé de s’accélérer. Pourtant, au-delà de ces entreprises spécifiques à un site, on a peu mené de réflexion concertée qui touche aux problèmes et aux méthodes. Vingt ans environ après le colloque organisé à Athènes en 1995 en l’honneur de M. Oeconomidès et son ensemble de contributions stimulantes2, l’heure est venue d’un nouveau bilan en forme de réflexion panoramique3.
2La présente étude est résolument méthodologique. 1) Elle recadre d’abord les particularités des monnaies de fouilles par rapport aux trésors monétaires et aux monnaies isolées. 2) Elle s’en va ensuite faire un tour du côté des spécialistes de monnaies romaines, qui – bénéficiant de conditions favorables – ont poussé plus tôt et plus loin la réflexion sur le sujet. 3) Elle esquisse ce que l’on peut attendre des études menées sur des monnayages contemporains. 4) Elle conclut enfin par quelques propos actualisés sur ce dont les monnaies de fouilles sont le reflet (ou pas).
Proportion et particularités des monnaies de fouilles par rapport aux trésors et aux monnaies isolées
3Dans un de ses articles pionniers paru en 1965, P. Grierson écrivait : “My primary concern will be the light which coin finds can throw upon problems of coin distribution, both in space and time. For this single finds, whether coming to light by chance (stray finds) or as the result of systematic search (site finds) are more relevant than cumulative finds of hoards. Stray finds are our best guide to the area over which coins were used”4. On a beaucoup débattu depuis des mérites respectifs des différentes catégories de documents, en marge de débats plus vastes où pointent les lignes de fracture identifiées qui divisent les modernistes-économistes d’une part, les primitivistes-anthropologues de l’autre.
Proportion des monnaies de fouilles
4Les fouilles officielles menées depuis plus d’un siècle à présent en Grèce et plus généralement sur les sites du monde grec antique ou en relation avec celui-ci, ont permis de mettre au jour un grand nombre de monnaies grecques. Ce nombre a très probablement aujourd’hui dépassé les cent mille. Parmi ce grand total, figurent les larges ensembles de l’agora d’Athènes (16 557 monnaies grecques identifiées)5, des fouilles de Thasos6 et de bien d’autres7.
5Il arrive cependant souvent qu’une partie du matériel soit illisible ou seulement vaguement identifiable en fonction d’un module propre à une époque. C’est particulièrement le cas en Égypte où la nature du sol mange le bronze (84 % de non identifiables pour la récente publication des fouilles du CEA à Alexandrie)8. Ailleurs, ce pourcentage peut dans les cas les plus favorables tomber sous les 10 %9 mais on rappellera aussi que, pour les fouilles de l’agora d’Athènes, deux tiers des monnaies se sont révélées illisibles et la moitié non-identifiables10.
6Par rapport aux quelques millions de monnaies grecques aujourd’hui conservées dans les collections publiques et privées, cela représente un pourcentage qui, sans être dérisoire, est néanmoins très réduit, de l’ordre de quelques pourcents tout au plus11.
7De toute façon, n’attestant presque que le bronze, les monnaies de fouilles passent à côté de l’essentiel de la masse monétaire quand on sait que, dans la France du xviiie s., toutes les frappes de cuivre et de billon ne représentaient pas 2 % de la masse monnayée12. Ajoutons que, d’après la très imprudente estimation faite par le généralement très prudent R. Reece, ce qui est retrouvé à l’occasion d’une fouille extensive correspond à moins d’un 1/100 000e de tout ce qui a circulé13.
Particularités des monnaies de fouilles par rapport aux trésors et aux monnaies isolées
8Un des Graals du numismate est d’apercevoir, fut-elle partiellement déformée, l’image de la circulation monétaire propre à une aire géographique et une époque déterminées.
9Ce qui suit vise à typer les qualités et les défauts propres aux trois grandes catégories de documentation factuelle généralement convoquée pour définir la circulation monétaire : 1) les monnaies de fouilles, 2) les trésors monétaires et 3) les monnaies isolées. Ces trois catégories ne sont pas étanches. En particulier, il est habituel que le matériel d’une fouille archéologique comprenne un ou plusieurs trésors et de nombreuses pièces isolées14.
Monnaies de fouilles (excavations finds)
10Les monnaies de fouilles privilégient de façon écrasante le petit numéraire (nb : on laisse ici entièrement de côté l’archéologie funéraire qui s’est de plus en plus constituée en champ autonome). Pour un ensemble de 38 sites, on a pu montrer que, dans quatre cas sur cinq, le pourcentage de monnaies de bronze s’élève à plus de 95 % du total des monnaies exhumées. Il est même supérieur à 99 % dans un cas sur trois15.
11Autrement dit, les chances de retrouver une pièce égarée sont inversement proportionnelles à la valeur de celle-ci16. C’est toute la différence qui existe entre un passage de Saint-Luc et un autre de Théophraste. À Saint-Luc, qui écrit : “Quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée ? Et quand elle l’a trouvée, elle assemble amies et voisines et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai trouvée, la drachme que j’avais perdue17”, Théophraste réplique en attribuant au seul mesquin le fait de rechercher une monnaie de bronze : “Sa femme a-t-elle laissé tomber un sou (trichalkon), il déplace tout, meubles, lits, coffres, et fouille le plancher18”. Sachant que le pouvoir d’achat d’un statère ou d’un aureus dépassait de loin celui d’un billet de 500 euros de nos jours, on ne s’étonnera pas de leur absence en fouilles. En revanche, il est possible que les monnaies étrangères soient surreprésentées19.
12Les monnaies de fouilles sont donc, la plupart du temps, ce que l’on ne s’est pas mis en demeure de rechercher. Il en découle, a contrario, que l’absence de preuves ne peut être tenue pour la preuve de l’absence et que des monnayages plus précieux ont pu abondamment être utilisés sans laisser la moindre trace dans le matériel mis au jour.
13En dépit des appels à collaborer20 ou de la formulation de procédures à respecter21, le dialogue entre archéologues et numismates est souvent demeuré très réduit en dépit de l’attente réciproque pour une amélioration de leurs chronologies respectives22. Le numismate se trouve frustré du peu de contextes utiles qui permettent d’affiner la datation de ses monnaies et l’archéologue dépité de ne pouvoir utiliser les dates de production, dans le cas où elles auraient été fixées précisément (ce qui pour les monnayages grecs de bronze est loin d’être la règle)23. Les esprits ont évolué de part et d’autre.
14On est loin de la situation d’il y a une ou deux générations qui voyait les numismates se plaindre de voir les archéologues, tout empressés qu’ils étaient à dater leurs couches, allègrement confondre date de production et date de perte. Il est très certain qu’un temps important, parfois plusieurs siècles, peut s’être écoulé entre la mise en circulation d’une monnaie et son abandon, et cette mise en garde a maintenant gagné les esprits sur tous les chantiers24. Sans surprise, les archéologues se sont donc tournés vers d’autres types de matériel, à commencer par la vaisselle céramique dont on peut présumer qu’elle ne résista pas dans l’ensemble à plus d’une génération d’usage. Mais il y a beaucoup mieux encore : en effet, quand elles contenaient de l’huile, les amphores n’étaient pas réutilisables, ce qui explique qu’on les ait détruites près de leur débarcadère comme l’illustre si bien le Mont Testaccio. Les archéologues des sites septentrionaux de la mer Noire ne jurent ainsi que par les amphores, sans attendre beaucoup des monnaies, pourtant découvertes en grand nombre. S. Rotroff a fourni des chiffres assez intéressants à propos des nombreux dépôts céramiques athéniens étudiés par elle. On peut les résumer ainsi25 :
Nombre de dépôts céramiques | Utilité pour la chronologie |
29 dépôts pour lesquels les monnaies sont les seuls objets datables | – 11 cas utiles – 18 cas où la céramique est largement postérieure aux monnaies |
48 dépôts contenant des monnaies et des timbres amphoriques | – 5 cas où les monnaies et les timbres les plus récents sont contemporains – 26 cas où les timbres sont bien plus récents que les monnaies |
15On voit que les monnaies ne sont jamais plus utiles que les timbres pour dater les contextes archéologiques et qu’on aurait souvent tort de s’y fier. S’agissant de préciser la chronologie, S. Rotroff conclut donc avec modération : “in most cases, most excavation coins are not very useful in this pursuit26”.
16Les numismates ont eux aussi appris qu’une couche ne fait pas le printemps et que l’archéologie méditerranéenne, avec ses habitats continus sur plusieurs siècles et parfois millénaires, est prodigue en stratigraphies perturbées et en remblais tardifs27. On rappellera ici l’inquiétant bilan offert par les quatre seules monnaies d’or ou d’électrum trouvées à l’agora d’Athènes. Si le statère d’Alexandre provient bien d’une couche de remplissage sous une stoa hellénistique, le solidus d’Arcadius (377-408) a été retrouvé dans un contexte postérieur de deux siècles à son émission. Et la situation est pire encore pour le statère de Cyzique, recueilli sur un sol byzantin, et la darique perse d’Artaxerxès Ier exhumée dans un contexte romain28.Que dire alors du groupe de bronzes romains du temps d’Hadrien retrouvé sous les fondations de la Stoa d’Attale ?29
17Fondamental – mais c’est là une tâche très délicate – est de déterminer le degré d’usure des pièces due à la circulation, qui est donc à dissocier radicalement de l’état de conservation due aux facteurs de conservation (dont la corrosion). On le fait généralement de façon relative (en déterminant des degrés d’usure) et je ne crois pas qu’il soit raisonnable de travailler d’après les poids réels des pièces30. Dans les meilleurs cas, quand les contextes archéologiques sont datés de façon sûre ou que l’usure des pièces peut être déterminée avec précision, il est possible de faire comme S. Suchodolski et produire un double graphique qui donne les dates de production et d’abandon du matériel monétaire trouvé en fouille31.
18Quoique le plus opératoire, l’usure des pièces n’est pas le seul critère qui nous permette de statuer sur la longévité de circulation. Dans le cas d’un monnayage civique abondamment documenté comme c’est le cas de celui de Thasos, il est intéressant de se pencher, comme le fait O. Picard, sur le rapport du nombre moyen de monnaies par coin pour chaque émission tel qu’attesté par la fouille. On peut ainsi espérer définir des durées de circulation, mettre par exemple le doigt sur des retraits précoces (très faible nombre de monnaies par coin) ou des circulations particulièrement longues (très grand nombre de monnaies par coin)32.
19Il ne s’agit pas simplement d’aider l’archéologue à dater des contextes, mais plus fondamentalement d’observer la monnaie en mouvement. O. Picard fait ainsi remarquer que l’on trouve à Thasos des monnaies hellénistiques des iie et ier s. dans des niveaux romains et que ces monnaies hellénistiques se trouvent “dans un état d’extrême usure”, ce qui montre “que des bronzes hellénistiques continuent à circuler sous l’Empire”33.
20La comparaison du matériel monétaire entre différents sites se doit de toujours prendre en compte le contexte général dudit site. On peut penser à différentes répartitions en catégories, dont, à tout le moins, 1) les cités de grande importance, 2) celles de taille moyenne ou modeste, 3) les sites ruraux, 4) les sites militaires et 5) les lieux sacrés34. De même, on ne comparera pas de façon ingénue l’ensemble du matériel monétaire provenant de tel site A avec celui, restreint aux fouilles de tel temple, du site B. d’autant que, comme l’écrit T. Buttrey dans le cas du sanctuaire de Déméter à Cyrène, “the find coins may reflect intensity of worship rather than of monetary circulation35”.
21Le numismate attend de l’archéologue qu’il fournisse non seulement la localisation précise de chaque pièce mais encore sa position stratigraphique et son association éventuelle à d’autres types de matériel36, ce qui se fait de plus en plus souvent. Encore faut-il pour cela que les monnaies ne soient pas des trouvailles isolées de surface et proviennent de couches archéologiques datables, ce qui élimine une bonne partie du matériel37.
22En revanche, très peu de rapports de fouille mentionnent la surface fouillée (ce qui peut encore se calculer à partir des plans fournis) et aucun pour ainsi dire le volume exprimé en mètres cube38. En dépit de tous les problèmes de comparaison que posent de tels chiffres bruts, ils seraient pourtant extrêmement utiles pour nourrir la réflexion. J’ai plaidé naguère pour un index qui donne le rapport entre la surface moyenne fouillée par monnaie retrouvée et j’avais été jusqu’à comparer les trouvailles de l’Îlot des Comédiens à Délos (507 monnaies pour c. 1 920 m2 = 1 monnaie par c. 3,8 m2) et la Maison de Dionysos à Paphos (596 monnaies pour c. 5 000 m2 = 1 monnaie par c. 8,4 m2)39.
23La comparaison se veut plus suggestive que démonstrative parce que, bien entendu, il s’agit de prendre en compte les durées respectives d’occupation (et de construction – voir infra pour le palais de Fishbourne). Tout de même, on ne peut qu’être frappé par les différences qui existent sous ce rapport entre les monnaies grecques de l’agora d’Athènes (avec un nombre de monnaies proche de celui de l’Îlot des Comédiens : 12 515 monnaies pour c. 60 000 m2 [6 hectares] = 1 monnaie par c. 4,8 m2), la richesse de ce qui a été trouvé à l’occasion du dégagement d’une petite structure à Risan (environ 1 monnaie par m2)40 et la très grande pauvreté des fouilles d’Aï Khanoum (184 monnaies grecques exhumées lors des campagnes menées de 1965 à 1978 sur une surface non spécifiée mais clairement de grande ampleur)41. On veut croire que ce type de considérations, encore dans les limbes actuellement, est promis à des développements intéressants. Il vient d’ailleurs de recevoir un premier traitement global (et certainement très critiquable en l’état) portant sur 17 sites romains situés aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne42.
Trésors monétaires
24La littérature sur les trésors monétaires est surabondante43. Nous y renvoyons pour l’essentiel en attirant l’attention au passage sur l’excellence théorique de l’ouvrage de D. Backendorf44 ainsi que sur un point qui eût étonné nos devanciers : celui d’un récent et relatif consensus sur l’impraticabilité de la séparation entre “trésors de circulation” et “trésors de thésaurisation”45.
25Pour le présent propos, il importe seulement de bien marquer en quoi les trésors se différencient des monnaies de fouilles. La différence la plus importante tient dans la répartition par métaux46. J’ai ainsi calculé que, sur les 604 418 monnaies recensées tant par les 2 387 trésors de l’Inventory of Greek Coin Hoards que par les 1 257 supplémentaires repris dans les huit premiers Coin Hoards, on obtenait la répartition suivante : 73,7 % pour l’argent (445 772 monnaies), 21,5 % pour le bronze (129 873), 4,1 % pour l’or (24 528) et 0,7 % pour l’électrum (4245)47. Il faudrait du reste aller plus loin et, comme le fait D. Hollard pour le bronze romain, voir si les bronzes des trésors ne sont pas de plus gros modules que ceux des monnaies de site48. Avec Copernic et Gresham, il faut redire que, à l’inverse des monnaies de fouille qui font le contraire, les trésors privilégient la bonne monnaie.
26Quoique trésors et monnaies de fouilles renvoient à des réalités différentes et que chacun puisse convenir que ces réalités sont complémentaires pour qui étudie la circulation monétaire, des voix se sont fait entendre pour préférer les secondes aux premiers49, mais l’inverse a pu aussi s’écrire : “Hoards preserve the relative frequency of coins in the monetary pool in better detail than site finds50”.
Monnaies isolées (stray finds)
27Naguère encore passées sous silence, les monnaies isolées (entendues comme trouvées hors de fouilles régulières) ont reçu une attention considérable ces dernières décennies. Certains n’hésitent pas de nos jours à leur trouver des vertus supérieures aux monnaies de fouilles (ce petit fretin tenu pour rien) et aux trésors (ces gros menteurs atypiques). Ce sont les chercheurs anglo-saxons qui ont le plus soutenu cette voie : P. Grierson en tête51, suivi par M. Blackburn52 et d’autres53. Il existe aujourd’hui de très puissantes bases de données consultables en ligne pour la Grande-Bretagne (Portable Antiquities Scheme) et les Pays-Bas (NUMIS)54.
28Les monnaies isolées ont pour elles d’offrir l’apparence d’une voie moyenne entre les témoignages irréconciliables des monnaies de fouille et des trésors. Bien plus que les monnaies de fouille et bien moins que les trésors, elles attestent l’existence d’une circulation des métaux précieux. Il n’en faut pas plus à l’imagination pour s’enflammer et croire tenir là les discrets vestiges de routes commerciales ou militaires. Ce doit être vrai dans quelques cas, mais il faut surtout redire avec force que cette différence de faciès tient d’abord aux facteurs modernes de transmission de l’information. En effet, alors que l’archéologue enregistre tout, tel n’est pas le cas ou est moins le cas du découvreur accidentel. C’est un échantillon non-aléatoire et tiré vers le haut qui est ici présenté, qui privilégie l’enregistrement de pièces remarquables à l’un ou l’autre titre et pénalise le petit bronze. De ceci découle notamment un surcroît d’attention aux monnaies étrangères, au détriment des numéraires locaux. Sauf raisons expresses, la découverte de monnaies grecques en Angleterre ou en Belgique, par exemple, ne doit pas conduire à imaginer a priori que ces monnaies ont circulé et été perdues dans ces régions durant l’Antiquité55. On ajoutera aussi, avec P. Grierson, que les monnaies isolées sont plus soumises que les monnaies de fouilles et même que les trésors à l’éventuelle malignité humaine56.
29S’agissant de l’étude d’un même monnayage (même métal, même dénomination), les différences entre trésors et monnaies isolées s’estompent quoique, en bonne logique, l’on puisse tenir le témoignage des trésors comme étant le produit d’une moindre dispersion que celui des monnaies isolées57.
30Pour le reste, les monnaies isolées présentent des risques de biais comparables à ceux mis en lumière pour les trésors. L’activité d’une personne, d’un cercle archéologique particulièrement actif ou l’existence d’un musée local risquent de fausser sensiblement les proportions relatives.
31Pour les monnaies isolées, on s’est plus penché sur l’or que sur les autres métaux58. Pour l’or, Morrisson conclut en une meilleure représentativité des trouvailles isolées que des trésors, tandis que pour le bronze, cette représentativité serait à peu près égale59.
Les monnaies de fouilles : l’apport des spécialistes des monnaies romaines
32Par rapport au monde grec, le monde romain bénéficie de trois avantages structurels et de cas favorables particuliers. Dès lors, autant il est indiqué, s’agissant de monnaies antiques, de prendre connaissance des travaux méthodologiques réalisés par les spécialistes des monnaies grecques pour tout ce qui touche l’étude des coins et même plus généralement la production, autant il est fondamental de se frotter à la littérature romaine, surtout celle qui traite des séries impériales60, pour tout ce qui concerne la circulation.
Avantages structurels
33Primo, les spécialistes de numismatique romaine impériale bénéficient d’une base documentaire qui se situe à l’ordre supérieur de magnitude par rapport aux monnaies grecques. C’est vrai pour les trésors (c. 5 000 trésors pour le monde grec contre c. 30 000 pour le monde romain)61. C’est vrai aussi des monnaies de fouilles62. On dispose pour les monnaies romaines de davantage de sites et de monnaies publiées pour la seule Grande-Bretagne que de monnaies grecques pour l’ensemble du monde grec. En effet, les 140 sites retenus par R. Reece totalisent à eux-seuls 168 828 monnaies, contre 35 966 pour les trente-sept sites retenus dans mon conspectus63.
34Or la capacité à pouvoir déterminer ce qui est normal de ce qui l’est moins suppose de pouvoir confronter le particulier au général et donc de disposer d’un cadre de référence. La robustesse des hypothèses émises dépend donc fortement de la solidité de ce cadre de référence. Pour les monnaies grecques de Sicile, on saluera ainsi le bel effort de S. Frey-Kupper qui, pour interpréter les 1 425 monnaies exhumées à Monte Iato (l’ancienne Ietas), s’est construit un grand cadre de près de 15 000 monnaies64. C’est encore l’abondance documentaire qui permet à D. Walker de se lancer, à partir du riche matériel retrouvé dans la source sacrée de Bath, dans des extrapolations sur la valeur totale de la monnaie de bronze circulant au iie s. en Grande-Bretagne65. Mais, même en disposant d’une meilleure documentation, Reece rappelle que : “When we study site finds we are therefore working on a sample of 0,01 % of 4 % of the money which was about at the time (NB : littéralement 1/250 000e) ; this should explain my reluctance always to be positive and predictive and my preference for warning and scepticism66”.
35Secundo, le monde romain constitue un grand système fortement centralisé à la production et dont la circulation des monnaies assure un caractère plus ou moins homogène aux échantillons qui peuvent être prélevés sur celle-ci, en tout cas au niveau provincial. R. Duncan-Jones peut donc parler de “Empire-wide patterns in Roman coin hoards” (même si, en l’occurrence, c’est pour mieux en montrer les variances régionales)67 et R. Reece déclarer que “all sites, excepting the most extreme, follow a general British pattern of coin loss68”. Jamais, il ne sera possible de produire pour le monde grec un travail aussi fin que celui de D. Backendorf pour les trésors de monnaies romaines enfouis en Italie lors des deux derniers siècles a.C.69. Les seules exceptions potentielles sont les grands royaumes hellénistiques pour lesquels les bases de données rassemblées par P. Iossif pour les Séleucides (sa “Seleucid Excavation Database” comprend 8 334 monnaies [dont 8 273 bronzes = 99 %] pour 80 sites) et par T. Faucher pour l’Égypte Ptolémaïque (2 688 monnaies [dont 2 599 bronzes = 97 %] provenant de 36 localités) présentent une robustesse documentaire qui encourage l’analyse70.
36Tertio, les bronzes romains, à la différence des grecs, se laissent la plupart du temps dater précisément. Il en résulte qu’il est possible de déterminer des indices de fréquence par périodes, le fameux indice de Ravetz, dans sa version simple ou améliorée71. L’exercice de comparaison demeure toutefois extrêmement compliqué car il faut intégrer le temps de circulation moyen de chaque monnayage et ce que, publiant les monnaies de Carthage, T. V. Buttrey a appelé un “index of tolerable loss”, à savoir les chances de perte calculées d’après le diamètre et le poids des monnaies (et donc la moyenne de ces valeurs pour chaque règne)72.
Cas favorables
37En outre et mieux que le monde grec73, le monde romain offre quelques opportunités de saisir un instantané de la circulation à la faveur d’une catastrophe soudaine : on pense bien sûr à l’éruption du Vésuve en août 79 mais aussi au désastre de la perte des légions de Varus en l’an 9 p.C., et – beaucoup moins spontanément – aux possibilités offertes par la fouille d’un camp militaire comme celui d’Oberraden.
38Pompéi. Des fouilles menées à Pompéi de 1897 à 1971, on conserve 7 890 monnaies, dont 108 en or, 2 075 en argent et 5 707 en bronze74. Le projet de recherche portant sur les monnaies découvertes à Pompéi a identifié c. 24 000 monnaies, dont 550 en or, c. 7 000 en argent et c. 16 000 en bronze. Plus intéressant encore, il appert que c. 9 600 d’entre elles proviennent d’habitations, c. 6 300 d’implantations commerciales et seulement 1 300 d’édifices publics. On trouve aussi c. 5 900 pièces isolées et 508 trouvailles fortuites. Le faciès par métaux varie beaucoup en fonction du type de contexte. L’or se trouve de façon préférentielle à l’intérieur des édifices publics et des implantations commerciales alors que l’argent provient massivement des habitations75. Pour ce qui est du bronze qui forme, certes un peu moins qu’ailleurs, la presque totalité des trouvailles, le phénomène le plus remarquable et maintenant bien identifié est la présence massive de monnaies frappées à Ebusus (Ibiza) et amenées en bloc vers 130-120 a.C. avant d’être imitées localement Il est loisible de démontrer que ce phénomène n’est pas lié au commerce mais plus vraisemblablement à un butin de guerre pris par Quintus Caecilius Metellus en 123 a.C.76.
39Kalkriese. Identifié à Kalkriese, le site historique du massacre des légions de Varus, en l’an 9 p.C., dans la forêt de Teutobourg, a aussi livré un matériel pris sur le vif dont le faciès paraît intermédiaire entre le bronze des monnaies de fouilles et l’or et l’argent monnayés des trésors. Pour s’en tenir au matériel dispersé, on y dénombre 4 aurei, 125 monnaies d’argent (c. 20 %) et plus de 500 de bronze77.
40Oberaden. D’une superficie de 56 hectares (840 x 680 m), le camp romain d’Oberaden est lié à l’offensive de Drusus contre les Germains78. Construit en 11 a.C. (datation sûre grâce à la dendrochronologie), le camp fut abandonné en 8/7 a.C. Dès lors que l’on peut se faire une idée de sa démographie (c. 10 000 ? : 2-3 légions plus des auxiliaires) et de la surface fouillée (c. 2 hectares [ ?]), il est possible – à titre bien entendu très exploratoire, plus ludique que démonstratif – d’avancer un taux de perte par occupant : en l’occurrence 1 monnaie par personne tous les c. 7 ans79.
41Divers. À ces cas favorables, on ajoutera la découverte de troncs d’offrandes ou thesauri, près de vingt au total dont celui de Sora (près de Frosinone) contenait encore scellé le fruit des dernières aumônes (50 monnaies)80.
42Ces circonstances favorables ont permis aux spécialistes des monnaies romaines de mener des réflexions qui ont toujours été méthodologiquement en avance sur leurs confrères spécialistes de monnaies grecques.
L’apport des numismates anglais
43Plus spécifiquement, ce sont les numismates anglais spécialistes des monnaies romaines trouvées en Grande-Bretagne qui ont le plus contribué à enrichir nos connaissances et on reconnaîtra à R. Reece d’avoir tenu un rôle prééminent en la matière (mais voir avant lui P. Grierson et avec ou après lui R. Duncan-Jones, C. Howgego, N. Ryan, K. Butcher, A. S. Hobley, P. Guest ou P. Walton pour n’en citer que quelques-uns)81.
44Ce que professe R. Reece est résolument empirique et peut se résumer à des idées simples au maniement complexe82. Des monnaies elles-mêmes, nous pouvons espérer connaître deux dates : celle de leur fabrication et celle de leur abandon. Au-delà de quoi presque toute l’affaire porte sur l’attention aux contextes et le danger des corrélations simples.
45Chacun comprend qu’une région n’est pas une autre83 et que les sites d’une même région peuvent différer par leur nature : milieu urbain, milieu rural (essentiellement alors les fouilles de villas)84, forts militaires, temples, autres lieux cultuels (gués, fontaines) : l’archéologie de la Grèce ancienne a depuis longtemps déjà recouru aussi à de telles typologies, sans toutefois pouvoir ambitionner définir le profil type85 de la distribution chronologique des monnaies propre à un fort, à un temple, etc. parce qu’elle n’a pas – et n’aura pas avant longtemps – l’équivalent d’un modèle aussi robuste que celui bâti par Reece pour la Grande-Bretagne, soit le produit des monnaies trouvées sur 140 sites dont les différences internes peuvent être tenues pour mineures par rapport aux faciès de n’importe quelle province continentale86.
46Mais les spécialistes de monnaies romaines nous invitent à aller bien plus loin en se montrant attentifs aux différences parfois étonnantes de faciès monétaires non seulement entre des “good towns” et des “bad towns”, mais entre des zones archéologiques contiguës87, apparemment dévolues à la même fonction, et bien entendu entre les pièces d’une même maison.
47Un des thèmes très peu abordés par les spécialistes des monnaies grecques mais qui aura retenu l’attention de leurs confrères romains est de se demander si les monnaies exhumées par l’archéologie ont été perdues accidentellement (ce qui est l’explication retenue par l’homo oeconomicus) ou si elles n’ont pas été volontairement écartées, pour des raisons économiques (elles ne valaient plus rien) ou culturelles (bien faites pour susciter l’intérêt de l’anthropologue)88.
48De même, les spécialistes de monnaies romaines auront davantage exploré les multiples raisons qui font que les monnaies sont demeurées enfouies dans le sol jusqu’à ce qu’on les redécouvre récemment. À ma connaissance, aucune publication de monnaies de fouille en Grèce n’évoque de “robbing levels” (de niveaux où les monnaies ont été récupérées)89. Parmi ces raisons, la nature du sol joue un grand rôle. Chacun a entendu parler de l’“effet Fishbourne”, popularisé par R. Reece90, à savoir l’apparent paradoxe de recueillir bien plus de monnaies lors de la phase de construction du palais (122 monnaies en 30 ans) que durant la longue occupation du site une fois construit (31 monnaies en 125 ans), pour la simple raison qu’il est bien plus facile de perdre une monnaie dans un sol boueux que sur un pavement mosaïqué, surtout si le profil social des occupants est différent91. C’est aussi le social derrière l’archéologique que Reece recherche à partir des monnaies trouvées dans les villas romaines de Grande-Bretagne92.
49En espérant être conforme à la pensée de R. Reece, qui n’entend jamais fournir une méthode rigide mais procéder par réflexions empiriques, j’ai sélectionné quelques propos qui me paraissent utiles d’avoir à l’esprit au moment de publier le matériel monétaire dégagé en fouille :
• “It seems likely that most coins completed 90 per cent of their travelling, in terms of Roman miles, in the period, if not within five years, of their minting93”.
• “but money which later came with individual detachments must pale into insignificance beside the periodic bulk movements of military pay, whatever they came from and whatever metals and denominations they comprised94”.
• “This seems a very strange paradox; that economic prosperity and money should not be connected. Yet it seems to be the case if my model is correct. The position at the moment seems to be that in the Later Roman Empire coins are where the army are, and the greater part of the army is on the frontiers95”.
• “A second barrier to a wide application of the theory of ‘constant unit loss’ is the absence of correlation, or more precisely, direct proportionality between the frequency of coin loss and the value of the coin. […] Here is the main problem: a more valuable coin is being lost in preference to a less valuable coin. As the critical reader will see, such points depend on the assumption that all coins supplied during the reign of Hadrian were lost then; this is demonstrably untrue (Reece 1974). From coin loss we may comment on coin supply, but there is bound to be error when we transfer the evidence to the subject of coin use96”.
50Le constat général de ce qui a été écrit par R. Reece invite fortement à la prudence interprétative. Disposant pour les monnaies romaines trouvées en Grande-Bretagne d’une documentation très nettement supérieure tant par la quantité que par la qualité par rapport à ce qui peut se concevoir pour le monde grec, il aura démontré combien il y a lieu de se défier de corrélations hâtives, et par exemple de celle qui lierait la fréquence des trouvailles à l’occupation du site, a fortiori à son dynamisme économique97. Il n’est pas le seul. Dans son grand livre sur l’économie monétaire byzantine, M. Hendy a d’emblée écrit combien il lui semblait : “pointless to analyse coin finds, and to derive ‘monetary’ or ‘economic’ conclusions from such analyses, either in total ignorance of the fundamental causative factors behind the production and circulation of a coinage, or on the basis of some superficial or faulty causative and behavioural framework98”. On paraît s’accorder sur le fait que les bronzes impériaux sont injectés dans la circulation via la solde des troupes99, mais les opinions divergent sur l’importance du commerce comme moteur du mouvement de ces monnaies ensuite100.
51En réalité, comme l’avait déjà observé P. Grierson, les pics de trouvailles sont souvent d’abord liés à l’histoire proprement monétaire et aux décris (“withdrawals” en anglais) à propos desquels en général nous ne savons rien et pour lesquels les monnaies de fouille sont précisément nos meilleurs guides101. C’est la même ligne de raisonnement qui a permis à O. Picard, en compagnie de T. Faucher et aidé de C. Lorber, de définir des périodes de circulation pour le bronze ptolémaïque à Alexandrie102.
L’utilité des contrépreuves contemporaines ou modernes
52En dépit de ses grands avantages par rapport à la numismatique grecque, la numismatique romaine permet rarement de contrôler le bien-fondé des hypothèses avancées103. Aussi y a-t-il profit à ne pas négliger des études portant sur des cas beaucoup plus récents pour lesquels un tel contrôle est possible. Parmi la vaste littérature existante sur le sujet, je me limiterai à quelques exemples.
53Cela fait longtemps qu’on a noté pour l’Angleterre une différence entre la circulation monétaire urbaine et rurale, la seconde étant composée de monnaies plus vieillies que la première104.
54Travaillant sur les constantes de diffusion (le temps mis par une pièce entre la frappe et l’utilisation pour les échanges) et de régression (le temps mis par une pièce entre sa mise en service et sa disparition), Goulpeau a développé un modèle qui, appliqué aux monnaies relevées à la faveur de quêtes paroissiales (en octobre et novembre 1978), d’une part, au contenu du trésor de Rance (début xviie s.), de l’autre, paraît indiquer que : “au xviie s. la vitesse de mise en circulation des doubles-tournois est donc la moitié de celle observée de nos jours pour les pièces d’un franc et leur durée de vie environ trois fois moindre105”.
55Dans The random walk, deux chercheurs australiens se sont astreints a étudier les 1 000 monnaies trouvées lors des 410 promenades autant pédestres qu’urbaines de 6-7 km faites par l’un d’entre eux à l’aube pendant 28 mois à Melbourne (déc. 2005-mars 2008)106. Il ressort que ces trouvailles isolées sont en remarquable adéquation avec les quantités produites de petites dénominations, qu’on y trouve 1,7 % de monnaies étrangères n’ayant pas cours en Australie, que les trouvailles ont été faites préférentiellement (44 %) à proximité des machines à sous (cabines téléphoniques et caisses de parking)107, qu’il a été procédé à davantage de trouvailles en début de semaine, soit juste après le pic d’activités commerciales du week-end. En revanche, les mois d’été (janvier-février) ne correspondent pas à un pic, alors que la saison touristique bat son plein.
56Dans leur article intitulé La circulation des euros, reflet de la mobilité des hommes, les auteurs de l’INED montrent comment les débuts de la diffusion de la nouvelle monnaie européenne traduisent le déplacement non pas des marchandises mais des personnes, essentiellement en fonction du tourisme avec des têtes de pont d’euros allemands sur la Côte d’Azur et d’euros espagnols à Paris108. Dix ans plus tard, on voit que le brassage a augmenté en fonction d’une logique de proximité géographique, sauf pour l’Italie109.Une autre étude permet de montrer comment, en Belgique, les euros français ont davantage pénétré les porte-monnaie (invariable) wallons que flamands110. Pour les euros allemands, le rythme auquel ils quittent l’Allemagne est de c. 5 % par an111, etc.
57Au-delà de la disparité des contextes et des époques, on voit l’intérêt pour l’historien de l’Antiquité de se pencher sur une littérature dont les modèles sont construits en fonction de paramètres bien mieux maîtrisés.
Retour aux monnaies grecques trouvées en fouilles : de quoi sont-elles le reflet ?
58Passer de l’étude des monnaies de fouilles à celle de la circulation monétaire est donc un exercice particulièrement périlleux, tant les possibilités de distorsion sont grandes et les pièges interprétatifs nombreux. Pour rappel : ce qui est publié ne constitue qu’une partie de ce qui a été trouvé ; ce qui a été trouvé qu’une partie de ce qui a été perdu ; ce qui a été perdu qu’une partie de ce qui a circulé ; ce qui a circulé qu’une partie de ce qui a été émis et chacune de ces étapes est susceptible d’avoir été biaisée par des circonstances particulières, anciennes comme modernes112.
59Les seuls cas simples sont ceux qui dévient le plus par rapport à la normalité, à supposer qu’on puisse la définir de façon satisfaisante (le cadre de référence régional). Ainsi en va-t-il de Cabyle (Jambol) à l’époque hellénistique où l’essentiel des monnaies retrouvées dans les niveaux hellénistiques sont des bronzes au nom d’Antiochos II frappés à Sardes113. Non seulement, il ne fait pas de doute que ces bronzes ont été amenés lorsque la cité a accueilli une garnison séleucide mais il est encore patent qu’ils ont continué à former l’essentiel du numéraire disponible longtemps après le départ de ladite garnison. Ce schéma, qui répond bien au modèle plaidé par R. Duncan-Jones pour l’Empire romain (arrivée rapide d’un numéraire spécifique dans une province et immobilisation captive ensuite de ce numéraire)114, est presque banal à l’époque hellénistique (garnisons macédoniennes sous Antigone Gonatas en Eubée et en Attique ; bronzes ptolémaïques dans le Péloponnèse) et prouve à l’évidence que les soldats pouvaient être payés en monnaies de bronze115.
60Dans la plupart des cas, toutefois, l’élément exogène se laisse moins facilement interpréter. La grande tentation de ceux qui ont publié les monnaies de fouilles des niveaux grecs aura été d’écrire à partir d’elles l’histoire économique de la cité. Cette ingénuité, dont les spécialistes de monnaies romaines sont revenus, doit hélas encore être dénoncée s’agissant de travaux parfois très récents et pour le reste des modèles de bonne méthodologie.
Monnaies locales : absence de lien entre la fréquence des trouvailles monétaires et la prospérité économique ?
61“Que peuvent nous apprendre les monnaies de fouille sur l’histoire et sur l’économie d’une cité ?”116. À cette “question naïve” (dixit l’auteur), O. Picard apporte lui-même des éléments de réponse dans le cas de Thasos en indiquant ce dont les monnaies de fouille… ne sont pas le reflet. En particulier, il indique son fort scepticisme quant à lier une abondance de monnaies avec une prospérité économique117. Autant, cette démarche peut se révéler fructueuse pour des grands systèmes intégrés, fortement centralisés, où la monnaie se trouve brassée de manière à gommer l’incidence géographique des lieux de production (il évoque le haut Moyen Âge en Angleterre et même Thasos à l’époque byzantine)118, autant cette liaison ne fonctionne pas pour des horizons monétaires aussi limités que celui des cités grecques119.
62Il est vrai que la liaison entre monnaies de fouilles et prospérité économique a souvent été posée ingénument comme allant de soi, alors que rien n’est moins sûr. Richard Reece va même plus loin en contestant le lien entre intensité des pertes monétaires et intensité de l’occupation d’un site120. C’est sans doute là faire l’avocat du diable (ce en quoi on sait qu’il excelle) mais il reste extrêmement difficile de cerner le rapport entre le monétaire et l’économique121.
63Il serait utile aussi – mais l’exercice est plus difficile à réaliser que pour l’époque romaine impériale – que les publications de monnaies grecques trouvées en fouille comparent non pas les nombres de monnaies trouvées à différentes périodes mais leurs pouvoirs d’achat122.
Monnaies étrangères : les cartes de distribution et leur interprétation
64S’agissant des monnaies étrangères à la cité, “la première hypothèse qui vient à l’esprit, poursuit O. Picard, est qu’à défaut de nous permettre de retracer l’évolution du commerce de la cité, les monnaies de fouille feraient au moins connaître ses partenaires commerciaux. Il faut renoncer à cet espoir123”. Et il démontre comment le commerce du vin, qui fut la grande affaire des Thasiens, n’a laissé aucune trace monétaire chez les partenaires commerciaux124. “La réalité qui se cache derrière la perte de ces menues monnaies, ce n’est pas le ‘grand’ commerce thasien, l’exportation de vin vers la mer Noire, mais l’activité sans doute beaucoup plus importante d’un cabotage qui faisait de Thasos une escale très vivante le long des côtes égéennes”125.
65C’est le même constat, mutatis mutandis, qui se déduit des cartes de répartition présentées dans leur important article par Z. Çizmeli-Öğun et M.-C. Marcellesi pour les monnaies étrangères retrouvées sur 14 sites d’Asie Mineure126. On signalera une innovation intéressante : comparer le faciès des monnaies de fouilles avec celui des inscriptions mentionnant la présence d’étrangers, ainsi qu’I. Savalli-Lestrade et J. Chameroy tentent l’exercice pour Pergame127. Là encore, ce sont les réseaux courts qui dominent nettement.
66De telles cartes de distribution sont très suggestives et doivent être encouragées absolument dès lors que le matériel le justifie128. Je plaiderais pour adjoindre systématiquement aussi un graphique qui donne l’importance des monnaies étrangères par rapport aux monnaies de la cité, en établissant quelques catégories en fonction de la distance entre le lieu d’émission et celui de la découverte. Par exemple : 1) de 0 à 10 km, 2) de 10 à 50 km, 3) de 50 à 100 km et 4) plus de 100 km129. Cela fournirait un indice de proximité de circulation, très utile pour comparer les différents types de sites130. On ne peut d’ailleurs, à ce sujet, que formuler le vœu de voir se créer une base de données propres aux monnaies de fouilles du monde grec, à l’imitation du site Nomisma.org pour les trésors monétaires.
67Au-delà d’attester un “réseau d’échanges” (pour rester prudent), il est difficile de qualifier ces monnaies étrangères : ont-elles été perdues accidentellement ou délibérément écartées parce que non acceptées dans le cadre de transactions locales ? Dans une perspective plus soucieuse d’envisager le document de façon anthropologique qu’économique, certains font valoir que – pour l’essentiel – ce qui est retrouvé par les archéologues de nos jours est, littéralement, “ce qui n’a pas circulé”131. Derrière ces critiques, on retrouve la tension naturelle entre deux conceptions : prédominance implicite de l’économique qui se laisse dès lors étudier comme tel, d’une part, économique enchâssé (“embedded”) dans le social, de l’autre. Dénier a priori à ces monnaies étrangères d’avoir pu être acceptées paraît procéder d’un rigorisme économique dont on pressent l’anachronisme et qui est maintes fois démenti sur le terrain132. Il est bien plus probable que, comme le plaide notamment L. Lacroix (qui reprend un passage maintenant bien connu des souvenirs d’enfance de G. Schlumberger à Pau dans les années 1860)133, le monde grec a fait preuve d’une souplesse sur ce point dont nous avons perdu l’idée134.
68On a souvent cité L. Robert, selon lequel la monnaie d’argent attesterait le voyage des marchandises et celle de bronze celui des hommes135. Il est difficile d’adhérer à cet adage136. Non pas que la monnaie de bronze ne soit pas indicative du déplacement des personnes (comme nous l’avons vu pour les euros qui leur servent d’équivalents aujourd’hui), mais parce qu’il est plus ruineux qu’approprié de lier la monnaie d’argent au commerce, selon une vision de la monnaie en général qui paraît très datée, aujourd’hui que la raison militaire a taillé d’importantes croupières au tout commercial d’hier.
69Mais le militaire et le commercial137 sont loin d’épuiser les motifs de voyage. Les concours panhelléniques et les grandes fêtes religieuses constituent une autre catégorie qui vient spontanément à l’esprit138. Les découvertes monétaires faites au stade de Némée ont même poussé les auteurs en charge de leur publication à imaginer des espaces réservés à différentes cités tout autour du stade, comme les tribunes d’un stade de football aujourd’hui où les supporters des équipes opposées sont placés dans des zones distinctes139.
Micro-contextes et dimension anthropologique des monnaies de fouilles
70Un aspect qui est destiné à recevoir de grands développements, parce que peu pris en compte jusqu’ici est l’étude du micro-contexte (pour lequel les avantages structurels des monnayages romains s’estompent).
71Ce type d’étude a toujours d’abord concerné l’archéologie funéraire, pour laquelle il est fondamental de savoir où et comment était présenté le matériel monétaire : dans la bouche, dans la main, sur la poitrine ? Si sur la poitrine, quelle face de la monnaie était visible ? La monnaie est-elle percée ou montée en bijou ? La valeur de la monnaie (ou des monnaies) est-elle significative ? Le type iconographique choisi à dessein ? Se peut-il que l’on ait sélectionné deux monnaies dont les types se répondent ? A-t-on sélectionné un type féminin au moment de consacrer une pièce à une divinité féminine ? Peut-on, plus généralement, reconstruire des croyances à partir du matériel monétaire étudié dans son contexte fin ?
72P. Grierson s’est certainement montré plus qu’un autre attentif à la dimension anthropologique des monnaies et il est toujours intéressant de se reporter à ses écrits sur le trésor de Sutton Hoo, le Wergeld et bien d’autres matières. J.-M. Doyen plaide aussi pour que les micro-contextes soient enfin pris en compte dans une perspective qui enchâsse résolument l’économique dans le culturel.
73À un niveau plus global, ce sont les spécialistes du Barbaricum romain qui ont sans doute le plus développé une réflexion anthropologique dans le champ des monnayages antiques. Les collègues allemands, polonais et scandinaves ont depuis longtemps avancé des idées sur la nature des monnaies retrouvées très au-delà du limes et se sont interrogés sur la fonction de ce qui, de toute évidence, n’était plus du “all-purpose money140”. Leurs réflexions s’inscrivent pleinement dans le courant dominant de l’histoire culturelle et tournent inévitablement autour des questions de statut social et d’identité, avec un retour aux travaux de M. Weber, de K. Polanyi141 et de G. Dalton142. Il ne fait pas de doute que ce regard anthropologique soit porteur d’un enrichissement potentiel considérable de nos connaissances et c’est là un secteur en grand développement.
74Pour conclure en quelques mots ce qui n’est qu’un rapide survol d’une littérature de plus en plus riche, on plaidera fortement pour que ceux qui ont la charge de publier les monnaies grecques trouvées lors d’une fouille archéologique emploient une partie de leur temps à prendre connaissance des études de nature méthodologique réalisées à propos de périodes ultérieures pour lesquelles la qualité de l’information permet d’aller plus loin tant dans la modélisation des phénomènes de circulation que dans les réponses apportées aux questions que celle-ci suscite143. On devrait par là s’affranchir des ingénuités sur le commerce et la prospérité économique du lieu fouillé.
75On plaide aussi pour une attention plus grande à tous les types de contextes situés en-dessous de l’unité régionale qui aura monopolisé l’attention, et en particulier aux micro-contextes fort négligés jusqu’ici et pour lesquels le regard anthropologique peut se révéler très stimulant.
Notes de bas de page
1 En partie parce qu’il est aujourd’hui désagrégé et réduit en poussière, notamment du fait de traitements inappropriés utilisés lors de leurs découvertes (Rotroff 1997, 9 évoque une solution d’hydroxyde de sodium et de zinc). En partie parce qu’il y a eu négligence (Grierson 1965, x-xi : sur l’attitude de Flinders Petrie à Naucratis ou le destin des monnaies des fouilles allemandes à Baalbek et Magnésie, dont un grand nombre furent reléguées avec les doubles par K. Regling voire même fondues). En partie parce que les vieux rapports de fouilles sont souvent inexploitables (Hackens 1975, 217 ; Grierson 1976, 179). En partie surtout – et c’est là un problème grandissant – parce que l’argent manque pour publier le produit des fouilles.
2 Sheedy & Papageorgiadou-Banis, éd. 1997 (voir en particulier : Picard 1997 ; Rotroff, 1997; Touratsoglou 1997 ; Walker 1997). Sur les monnaies de fouilles spécifiquement, voir aussi déjà Sorda, éd. 1989.
3 Les colloques sur la circulation monétaire en général, et traitant de trésors principalement, n’ont pas manqué : Coin finds and coin uses in the Roman world (Oxford, mars 1993 ; voir King & Wigg, éd. 1996) ; Ritrovamenti monetali nel mondo antico: problemi e metodi (Padoue, mars-avr. 2000 ; voir Asolati & Gorini, éd. 2002) ; Coins in context. New perspectives for the interpretation of coin finds (Francfort, oct. 2007; voir Kaenel & Kemmers, éd. 2009) ; Nomisma. La circulation monétaire dans le monde grec antique (Athènes, avr. 2010 ; voir Faucher et al. 2011).
4 Grierson 1965, ii ; voir aussi xiii : “One has to accept the fact that while the three categories of stray finds, site finds and hoards largely complement each other, there are certain things they cannot be asked to do. Site finds are more satisfactory than stray finds for the study of fluctuations in circulation density; stray finds are a more reliable guide than hoards to circulation areas and sometimes to the localization of mints”.
5 Kroll 1993, 1 (mais le nombre de monnaies romaines est supérieur : voir Rotroff 1997, 9 qui évoque un grand total de 54 000 monnaies).
6 Picard 1997, 29 (plus de 20 000 monnaies).
7 Mais on notera aussi que près de 20 ans de fouilles n’ont amené la découverte que de c. 1 300 monnaies d’époque grecque à Monte Iato (Frey-Kupper 2013) et de 1 022 monnaies ptolémaïques sur dix chantiers différents à Alexandrie (Picard et al. 2012). À Némée, ce sont 985 monnaies grecques qui ont été trouvées en quelque 25 années de fouille (Knapp & Mac Isaac 2005). À Didymes, les fouilles allemandes menées de 1962 à 1998 n’ont permis la publication que de 490 monnaies d’époque grecque (Baldus 2006). À Cyrène, ce sont 736 monnaies grecques (Buttrey 1997, 2) qui ont été mises au jour en dix campagnes de fouille (1969-1978).
8 Picard et al. 2012 (3 529 identifiées sur c. 22 000 exhumées). Même valeur de c. 85 % pour Doura-Europos (2 177 monnaies sur 14 017 : Bellinger 1949 et Seyrig 1958, 171).
9 Voir Frey-Kupper 2013, pour Monte Iato : 6 % (86 [n° 1340-1425] sur 1425) ou Knapp & Mac Isaac 2005, 18 pour Némée (c. 5 % des monnaies d’époque classique : seulement c. 100 sur 2 000).
10 Rotroff 1997, 10. Voir aussi Walker 1997, 22.
11 5 % si on imagine qu’il se trouve 250 000 monnaies à provenir de fouilles (estimation généreuse) sur un total de 5 millions de monnaies conservées (estimation sans doute dépassée aujourd’hui ; voir Callataÿ 1997a, 21-94).
12 Voir Morrisson, 2002 qui cite Spooner : c. 1,5 % pour les années 1726-1785.
13 Reece 2003, 65. Le calcul pour y arriver mérite d’être résumé : comme celui de Richborough, le site de Cirencester (Corinium) est susceptible de livrer c. 60 000 monnaies (mais pas 200 000), soit l’équivalent de la recette d’une boutique prospère à Rome pendant c. 2-3 mois. Considérant l’existence d’une centaine de boutiques actives à Cirencester pendant c. 100 ans (41-138), on voit que ce qui pourrait être trouvé (c. 60 000 monnaies) “is probably not one hundred-thousandth part of the money in circulation in Corinium at any one time” (60 000 monnaies [lesquelles ?] x 100 boutiques x 100 ans = 6 000 000 000). Critiques de ce calcul dans Reece 1984 = id. 2003, 311.
14 La publication par G. Le Rider des trouvailles monétaires faites à Suse (Le Rider 1965) fait ainsi connaître 12 trésors, soit 1 847 monnaies d’argent (83 % ; 10 trésors) et 384 de bronze (2 trésors), pour 2 640 monnaies isolées, soit 2 527 en bronze (96 %) et 113 en argent (voir aussi Fischer 1968). Pour Doura-Europos, Bellinger publie 22 trésors (Bellinger 1949 et Seyrig 1958, 172). Sur les raisons qui poussent à enterrer un trésor dans un cadre urbain ou non avec référence à la littérature antique, voir MacDonald 1902-1903.
15 de Callataÿ 2006, 180 (sur 38 sites, plus de 95 % dans 31 cas et plus de 99 % dans 13 cas).
16 Ce que R. Reece appelle le “risk factor” (Reece 1973 = id. 2003, 63). Cela vaut pour hier comme pour aujourd’hui.
17 Luc 15.8-9.
18 Thphr., Char., 10.6. Voir aussi Petr. 43.4 : ab asse crevit, et paratus fuit quadrantem de stercore mordicus tollere [il n’avait pas un as à son début, et il eût ramassé avec ses dents un quadrans dans un tas de fumier] (à propos d’un certain Chrysanthe (“Fleur d’or” !), devenu riche). Si besoin, Furnham 1985, 571-575 a montré que la probabilité qu’une personne conserve une monnaie trouvée augmente de façon linéaire en fonction de la valeur de ladite monnaie.
19 Seyrig 1958, 174 (“Peut-être, à vrai dire, les monnaies d’une fouille donnent-elle un tableau plus disparate que ne l’était la réalité, et comprennent-elles un bon nombre de pièces rebutées, abandonnées çà et là et dénichées seulement par l’œil perçant du fouilleur”).
20 Rotroff 1997.
21 Dolley 1974 ; Buttrey & Johnston 1981, XIV-XVII, Walker 1997 ; de Callataÿ 2006.
22 Voir entre autres Reece 1994 = id. 2003, 258 et Suchodolski 2002, 273-284.
23 Grierson 1965, iii : “Archaeologists, who value numismatic evidence almost entirely for its use in dating other objects”.
24 Le point est abordé dans presque chaque présentation de monnaies de fouille. Voir plus spécifiquement Collis 1988. Il est ainsi acquis, par exemple, qu’on a continué, en Méditerranée orientale, d’utiliser les bronzes du ive s. au ve et des ive et ve s. au vie s. (voir Butcher 2003) et Guest 2012, 105-131 (avec référence à une littérature plus ample sur le sujet).
25 Rotroff 1997, 15.
26 Ibid., 12.
27 La plupart des monnaies grecques trouvées sur l’agora d’Athènes le furent dans des remblais tardifs inutilisables à des fins chronologiques (Kroll 1993, 2).
28 Rotroff 1997, 9.
29 Walker 1997, 25.
30 Contra Pilon 2011, dont la tentative d’évaluer la date estimative de perte (DEP) des sesterces d’après leur métrologie bute sur la réalité de la grande dispersion des poids à l’émission et de leur faible perte par circulation.
31 Suchodolski 2002, 281-283.
32 Picard 2002.
33 Id. 1997, 31.
34 Voir infra les travaux de R. Reece.
35 Buttrey 1997, 1.
36 L’indication “Zone X, couche Y” ne dira rien au numismate mais lui sera utile s’il lui est précisé que la monnaie a été retrouvée sur un sol de galets associée à de la céramique de la iie moitié du ive s. a.C. (adapté de Laing 1969, 85).
37 Pour Monte Iato (Frey-Kupper 2013), restent 227 monnaies, soit 16 % environ du matériel. La réduction est aussi très importante pour les sites de la région de Caltanissetta (13 monnaies sur les 117 trouvées à Gibil Gabib sont exploitables : c. 11 % [à côté des 78 isolées sans contexte et des 26 autres provenant d’un trésor]).
38 L’exception est ici constituée par les fouilles suédoises pour des habitats allant du xiiie au xviie s. (Redin 1989, 12, fig. 3 et “The number of coins found at specific excavations must be considered in relation to the size of the excavated area and the volume of the layers investigated”).
39 de Callataÿ 2006.
40 Ujes 2011, 117 : 133 monnaies trouvées en fouille à Risan pour une petite structure de 130 m2 (il s’agit sans doute d’un trésor dispersé, peut-être caché dans le plafond).
41 Kroll 1993 et Bernard 1985. Pour le sanctuaire hors-les-murs de Déméter et Perséphone à Cyrène, on a retrouvé en dix années de fouilles 736 monnaies pour une surface fouillée de c. 40 x 65 m (Buttrey 1997, 2 et 70 [plan du site]), soit une moyenne élevée d’une monnaie par c. 3,5 m2 comparable à celle de l’Îlot des Comédiens.
42 Buringh & Boskers 2014, 242, fig. 9.3. Total stray finds of Roman coins (in 1 000s of coins, y-axis) minted before 402 p.C. and settlement size in hectares (x-axis), et p. 243: “we also find a fair relationship between town sizes and the amount of coin in local circulation” (NB : ce qui est aller extrêmement vite en besogne).
43 Sur les significations du mot “trésor”, on consultera les intéressantes observations d’Aubin 2007.
44 Backendorf 1998 et le compte-rendu dithyrambique de Buttrey 1999.
45 Backendorf 1998 repris par Buttrey 1999, 528-529.
46 Reece 2003, 322 : “Put very simply hoards are selected for their value and site finds are lost and not recovered because of their lack of value”.
47 de Callataÿ 1997a, 64-65 (travail bénédictin dont Mme Martens prit en son temps sa part).
48 Hollard 1996, 215-216, tableau 3.
49 Voir Bruun 1978, 114 ; Butcher 1988, 28 : “The selectivity of hoards and the accident of their loss makes them of less use in studying circulation than coins dropped in the market place”; Reece 1991-1993, 61 : “The factors which bias hoards, and make them highly unsuitable as a source from which to write the monetary history of an area, are intrinsic value, and political and economic expediency, in addition to the regional problems which affect all coin finds… Hoards from a given period are therefore very bad indicators of the relative frequency of denominations in circulation or in production”.
50 Casey & Reece, éd. 1988, 60.
51 Grierson 1965, ii (voir supra).
52 Blackburn 1986 ; id. 1989a ; id. 1989b.
53 Newton 2006.
54 Voir : http://finds.org.uk (plus de 300 000 monnaies) et http://numis.geldmuseum.nl/en/introduction (près de 50 000 monnaies).
55 Grierson 1965, vi-vii.
56 Ibid., vi : “One has to remember that finders are often careless and not always truthful, that the planting of coins, whether for pecuniary gain or to prove an hypothesis, or even as a joke, is not unknown, that genuine mistakes may happen, and that ancient coins have sometimes been lost or discarded in modern times and not at those periods when they were in regular circulation”.
57 Metcalf 1998, 90.
58 Callu & Loriot 1990, id. 1992 et Loriot 2003 pour une interprétation du matériel.
59 Morrisson 2002, 236-239.
60 Pour un bon résumé de la question et les particularités du monnayage romain provincial, voir Butcher 2004, 143-149 (3.1. Models for circulation and coin use). NB : on s’accordera bien volontiers avec lui, et à la suite des travaux de C. Howgego, sur le fait que les émissions monétaires n’ont pas toutes été émises pour payer des troupes (le “coin-for-state-purposes-only” modèle) ; je ne suis pas sûr en revanche de le suivre quand il fait jouer, exagérément à mon sens, les règles fondamentales de l’économie mainstream contemporaine en imaginant que les cités, qui en tiraient un bénéfice au passage, se souciaient d’alimenter et de réguler la circulation monétaire.
61 Pour l’estimation du nombre de trésors de monnaies grecques, voir de Callataÿ 1997b.
62 Citons, pour s’en tenir à quelques données, les 56 000 monnaies de Richborough dans le Kent (Reece 1968), les 12 595 à Bath (Walker 1988, 281) ou les 7 800 monnaies de Coventina (Allason-Jones & McKay 1985). On rappellera que les fouilles romaines pratiquées dans le Tibre au début du xxe s. ont permis de récupérer plus de 30 000 monnaies de bronze, représentant quelque 274 kg, lesquels, en 1936 et sur ordre du ministère des Finances furent requis pour la fonte (qui toutefois n’eut pas lieu). On avait déjà trouvé à Rome auparavant, entre 1870 et 1902, quelque 75 000 monnaies (conservées au médaillier du Musée national romain, voir Kaenel 1984, 88-91 et Bertoldi 1997). Faute de contexte (les monnaies se trouvaient pêle-mêle dans cinq caisses en bois), ce matériel est presque inexploitable.
63 Reece 1991 (qui ne donne nulle part le total des monnaies mobilisées) et de Callataÿ 2006.
64 Frey-Kupper 2013 (dont près de 10 000 il est vrai pour les seules fouilles de Serra Orlando [Morgantina]).
65 Walker 1988, 301-305 (dans un exercice dont la bravoure a été plus dénigrée qu’applaudie).
66 Reece 1973 = id. 2003, 314.
67 Duncan-Jones 1996 (appliqué aux deniers du iie s.).
68 Reece 1996, 342.
69 Backendorf 1998.
70 Je suis reconnaissant envers P. Iossif d’avoir partagé le fruit de ses recherches en cours dans le cadre de son doctorat. Pour les monnaies ptolémaïques, voir Faucher 2011.
71 Ravetz 1963 ; id. 1964 ; Williams 1992. Pour la Gaule romaine, voir maintenant Gricourt et al. 2009.
72 Buttrey & Hitchner 1978, 102 (Grierson 1985, 517).
73 Pour la Grèce, on pensera aux destructions à Olynthe en 348 a.C. (Robinson 1931 et Robinson & Clement 1938), à Koroni dans les années 260 (Vanderpool et al. 1964), à Morgantina lors de la seconde guerre punique (Buttrey et al. 1989) et à Corinthe en 146 (Price 1967).
74 Taliercio Mensitieri 2002, 80. Voir aussi Ranucci 2008, 151-175 ; id. 2014 (pour les fouilles menées par l’Université de Pérouse) ; Hobbs 2013.
75 Les quelque 1 500 monnaies découvertes dans l’Insula VI, 1, fouillée de façon extensive par une équipe anglo-américaine (Bradford University et British Museum) sont publiées par Richard Hobbs du British Museum, qui ne craint pas d’y voir un matériau de premier choix pour l’histoire économique de la cité (Hobbs 2013).
76 Stannard & Frey-Kupper 2008 et Stannard 2013.
77 Voir Berger 1999 et id. 2000. À quoi il faut ajouter 5 trésors totalisant 1 monnaie d’or et 304 d’argent (et aucun bronze).
78 Ilisch 1991 (283 bronzes, dont 258 de Nîmes).
79 10 000 hommes pour 56 hectares = 435 hommes pour 2 hectares. Dès lors, 283 monnaies perdues par 485 hommes pendant 4 ans correspond au non recouvrement d’une monnaie par personne tous les c. 7 ans. On notera que le rapport monnaie/surface est d’une pièce par c. 70 m2 (283 monnaies pour c. 2 hectares), soit un rapport bien moins élevé que celui hypothétiquement dégagé dans l’absolu (sans se prononcer sur la durée d’utilisation des sites) à Délos et à Paphos.
80 Catalli & Scheid 1994 (le thesaurus intact, encore recouvert de sa coiffe de bronze, a été retrouvé sous la cathédrale bâtie sur un temple romain). Les auteurs dressent la liste de 19 thesauri connus pour le monde romain, dont 3 ont livré des monnaies (voir à ce sujet Kaminski 1991).
81 Richard Reece qui, préfaçant, un florilège de ses articles, écrit: “The papers do not give the story of the application of a method to a body of material simply because there was, when I started, no method, and very little material” (Reece 2003, 3).
82 Typique de son approche est le propos suivant : “These coins are certainly not all the coins found in clearing the Chedworth buildings, and even if the list of coins could be made complete these would not be all the coins lost, in antiquity, on the site. Finally, we do not know the relationship of coins found to coins lost, coins lost to coins in circulation, or coins in circulation to coins minted. With all these barriers to any direct or absolute interpretation, it must be clear that any attempt to translate the presence of coins on a given site into a simple story of what happened in antiquity is pointless if the rules of formal logic are followed. If a story of the use of specific coins in a specific place is wanted, then it will be best to construct it from a general historical feel, common sense, and contemporary writings than to start from a coin list” (Reece 1988 = id. 2003, 99).
83 Reece 1982 = id. 2003, 354 : “What can be said more factually is that the British system of coin use was not the Italian system, so that if the Italian system is the archaeological remnant of a market economy the British coin loss is not”.
84 Reece 2003.
85 Comme Reece défend l’idée du “normal hoard” (Reece 1981).
86 Reece 1968 (les sites ont été divisés en cinq catégories : grandes villes, villas, temples, sites militaires et autres sites ruraux non précisés). Le modèle est tenu pour remarquablement prédictif : “Form the work of John Casey of myself, we can say roughly what coins will turn up on any site in Britain before it is excavated” (Reece 1987 = id. 2003, 137).
87 Pour un exemple dans le monde grec, voir à Délos la grande différence de faciès entre les trouvailles monétaires de l’Îlot des Comédiens (abandon lent) et celles de l’îlot voisin (abandon rapide) (Hackens 1970 et id. 1975, 217).
88 Sur cette question, voir Reece 1973 et id. 1996, 342-344.
89 Reece 2003, 33.
90 Reece 1971.
91 Reece 2003, 34 : “Secondly, large numbers of coins lost, whether common or scarce, will only accumulate in what can best be described as middle or lower class conditions. […] As this occurrence in building levels suggests, the coins of Vespasian are associated with an army of building labourers and craftsmen at work in the mud and dust of a building site. Coins of Domitian as Augustus, however, cannot have entered the site until it was a clean, well-kept place. Therefore, although the numbers of inhabitants was fairly constant, since the army of servants required to run the palace cannot have been much smaller than the army required to build it, the change in the number of coins found reflects not a difference in intensity of occupation, but a complete change in its quality”.
92 Reece 1988 = id. 2003, 102-106.
93 Reece 1973 = id. 2003, 63.
94 Reece 1973 = id. 2003, 64. On a longtemps pensé différemment. À titre d’exemple, s’interrogeant sur la très étonnante masse de 1 200 dupondii frappés en 205/206 par cinq cités du Pont et retrouvés au loin à Doura-Europos, Bellinger s’interdisait d’y voir un déplacement de légion parce que, soutenait-il, on sait bien que la solde se réglait en argent (Bellinger 1949 et Seyrig 1958, 176).
95 Reece 1977 = id. 2003, 169.
96 Reece 1975 = id. 2003, 307.
97 Reece 1973 = id. 2003, 169 ; Reece 1982 = id. 2003, 351-352. En cela, il s’oppose à Fulford 1978 (Reece 1982 = id. 2003, 352 : “Mike Fulford has suggested that much coinage moves around the Empire in course of trade; he has put forward his ideas well and carefully, and the whole scheme is very convincing except for one initial detail, and that is how the money first left the hands of the state and reached commerce. On my model I can find no place at all for distribution of coin by the state to merchants or traders, and until that point of entry for the coin can be found, Fulford’s picture is invalid”.
98 Hendy 1985, 1.
99 Casey 1986, 82 : “Military stations in the ancient world were places from which an injection of coinage into the regional economies took place”.
100 C. Howgego, dans ce qui est alors une contre-attaque face aux excès de la raison militaire, aura argumenté finement sur le rôle non négligeable, voire important, du commerce (Howgego 1994 et 1995, 88-95 [mais 102 : “This suggests that the army was in terms of numbers the most significant mobile body of population within the Empire”]).
101 Grierson 1966, vi.
102 Picard et al. 2012. La publication des monnaies ptolémaïques des fouilles du CEA à Alexandrie est toute entière tournée vers l’identification des périodes de circulation, c’est-à-dire des moments de décri, sans chercher d’ailleurs à esquisser une pseudo-trame économique des échanges.
103 Grierson 1966, xiv : “Many of the principles on which we work were formulated in the sphere of ancient numismatics, where comparatively little counter-checking with other types of evidence is possible ; or else have come to be accepted merely because they seem to be ‘obvious’, which usually implies that no one has reflected upon them at all. We labour in consequence under a number of conceptions which reference to modern situations would almost certainly show to be false”.
104 Glanville 1970 (voir aussi Kent 1974, 185 : “Even in 1967 it appeared that the currency of Great Britain was not uniform, there being a marked increase in the proportion of older coins in circulation outside London”).
105 Goulpeau 1981, 298. Il ajoute : “La moins bonne tenue à l’usure du métal (cuivre contre nickel) et le volume limité des stocks disponibles de cuivre sont en grande partie responsables de ce recyclage rapide des flans”.
106 Frazer & Touw 2010, qui cite une riche bibliographie sur la perte de monnaies telle qu’étudiée par les économistes aujourd’hui, en ce compris l’étude pionnière de Cole 1976.
107 Transposé au monde grec, on notera le bon sens de Knapp & Mac Isaac 2005, 29 lorsqu’ils observent: “As ancients’ garb had no pockets, it was not as easy to lose coins as it is today. Coins had to be removed from a pouch [...] But the question remains why the coins would be taken out of a pouch during an athletic contest. Two reasons in particular come to mind, the purchase of snacks –available for a few chalkoi– and the incidence of gaming”).
108 Grasland et al. 2002. Pour l’influence du tourisme voir aussi Grasland & Guérin-Pace 2004.
109 Grasland et al. 2012.
110 Berroir et al. 2005.
111 Stoyan 2002 et Stoyan & Döge 2012.
112 Grierson 1965, v. Voir le tableau donné dans Collis 1988, 174.
113 Draganov 1994.
114 Duncan-Jones 1990, 30-47.
115 Psoma 2009.
116 Picard 1997, 29.
117 Sur le même sujet, voir Grierson 1966, xii-xv.
118 Voir Clarke & Schia, éd. 1989 et, pour Thasos, Saulnier 1993.
119 Picard 1997, 33 (“L’exemple de Thasos, où le volume du monnayage diminue à une époque de grande prospérité et d’intense activité commerciale, vient s’ajouter à celui d’Érétrie pour me convaincre que la production monétaire n’est fonction ni de la richesse ni des activités d’une cité”), avec renvoi à Picard 1994b et id. 1996, 190-192.
120 Reece 1980 = id. 2003, 117 : “Finally, and to me proving conclusively that the exercise is, at present, a waste of time, no one has attempted to prove any connection between intensity of coin loss, and intensity of occupation or use of a site. If, in Ostia, at a temple site, there is under Julian a rise in the number of dedications recorded, and a corresponding rise in the number of coins lost on the site, then I might begin to take the idea seriously at Uley (NB: un temple fouillé dans le Gloucestershire). This vital link has not been established, hence my reluctance to build historical sand-castles between material low and high tides”.
121 On notera que Peter Guest, formé par R. Reece, a récemment soutenu que la similarité de profils monétaires observée sur 15 sites permettait une exploitation économique de leurs résultats à l’échelle de la Méditerranée orientale entre le milieu du ive et le milieu du viie s. (Guest 2012, 120 : “It has been possible to demonstrate a correlation between the coins lost at settlements and the production and supply of low-value coinage from the imperial mints. In turn, it is proposed that we can now begin to appreciate how the production of the late Roman and early Byzantine currency fluctuated between the end of the fourth and the seventh centuries, which to some extent must reflect imperial fiscal policy”). Pour une vision plus résolument économique encore des monnaies de fouille, voir Butcher 2004, 150.
122 Grierson 1966, v-vi ; Reece 1973 = id. 2003, 65 ; Hobbs 2007, 82-84 (qui mesure la valeur de tous les dépôts en les convertissant en grammes d’or (EGW = Equivalent Gold Weight)).
123 Picard 1997, 36.
124 Ibid., 36: “La contradiction est si flagrante entre les indications des amphores et celles des monnaies qu’il faut bien se résoudre à renoncer à voir dans le mouvement des monnaies de bronze un indicateur du mouvement des bateaux transportant le vin thasien”.
125 Ibid., 37.
126 Çizmeli-Öğun & Marcellesi 2011 (à quoi on ajoutera pour Pergame : Savalli-Lestrade & Chameroy à paraître).
127 Savalli-Lestrade & Chameroy à paraître.
128 Voir par exemple Picard 1984, 282 pour les nombreuses provenances des monnaies retrouvées dans l’Antre corycien.
129 Voir les cartes avec ronds concentriques données pour Némée et d’autres sites (Priène, Éphèse, Tralles, Smyrne, route sacrée entre Milet et Didymes : Knapp & Mac Isaac 2005, 20, 42-44 et 48).
130 Il est clair par exemple que Délos offre un faciès beaucoup plus international qu’Athènes, Corinthe ou Argos (Hackens 1975, 218). À Corinthe, pour les fouilles de 1896-1929, on trouve ainsi 63 % de monnaies corinthiennes (752 sur 1186), 9 % de monnaies de Sicyone (106) et 28 % pour le reste du monde grec (Edwards 1933 et Walker 1997, 23). Les monnaies de Priène constituent 68 % des pièces retrouvées en fouille (564 sur 833 ; Regling 1927, 187-193). S’agissant de provenances très lointaines, on citera à titre d’exemples les 2 bronzes de Mithridate Eupator trouvés dans le Tibre à Rome (Frey-Kupper 1995), ou, dans les fouilles de Carnuntum, la litra de Syracuse, datée de 475-450 a.C., ainsi que 3 bronzes d’Alexandre le Grand et 3 autres de Kymé (Dembski 1996, 123). Grierson cite aussi la présence d’une indo-grecque au Pays-de Galle (Grierson 1965, ii), Dolley de monnaies romaines dans les couches médiévales (Dolley 1974, 225), etc.
131 Une position presque certainement fausse si l’on entend par là que les monnaies de bronze étrangères n’étaient jamais acceptées (voir Savalli-Lestrade & Chameroy à paraître).
132 Voir les nombreux exemples plus haut évoqués, dont Seuthopolis et Pompéi. Sur le transfert massif de bronzes de Kos en Italie centrale vers le milieu du iie s., voir Frey-Kupper 1995 ; Stannard & Frey-Kupper 2008, 385-391 ; Stannard 2013, 138-139.
133 Lacroix 1969, 171-172 : “Aujourd’hui, où nous n’avons plus qu’une monnaie unique, on se ferait difficilement une idée de l’extraordinaire macédoine de pièces de cuivre de toutes sortes que pouvait contenir, vers le soir, un de ces grands tiroirs de magasin, alors que la foule de paysans des environs avait passé, dans la journée, à l’épicerie Malan ou à la mercerie Cazalis. À côté des sous flambant neufs de Napoléon III, des sous et liards déjà plus frustes des deux Républiques et de Louis XVI (les Bourbons des deux branches du xixe siècle en ont relativement fait peu frapper), on y trouvait des pièces de cuivre de tous les rois d’Espagne, des papes, des rois de Portugal, de tous les princes d’Italie, Piémont, Lombardie, Naples, puis des jetons très nombreux, français et étrangers ; surtout une immense quantité de bronzes des empereurs romains, déterrés par la charrue des paysans, presque toujours très frustes, aussitôt remis en circulation. Tout était accepté. J’ai vu, dans ces extraordinaires tiroirs, jusqu’à quelques pièces grecques antiques et beaucoup de pièces celtibériennes, frappées par les populations d’Espagne avant et après l’occupation romaine… De même, les pièces d’argent qui circulaient appartenaient à toutes les nations de la terre. Aucune n’était refusée” (tiré de Schlumberger 1934, 38-39).
134 Pensons aux friandises et aux jetons de téléphone acceptés en Italie dans les années 1963-1964, alors qu’il était devenu plus intéressant de fondre les pièces officielles de 10 lires.
135 Robert 1951, 77, n. 8.
136 Picard 2007, 113.
137 Pour un petit trésor de 46 monnaies de bronze trouvé dans les fouilles d’Ascalon et paraissant documenter les escales d’un navire marchand en Méditerranée orientale, voir Gitler & Kahanov 2002, spéc. fig. 19.2. Map of the eastern Mediterranean showing locations of seaports and mints).
138 Voir Baldus 1989 pour un lot très cosmopolite trouvé sur la voie sacrée entre Milet et Didymes.
139 Knapp & Mac Isaac 2005, 27 (fig. 9. Plan of the Stadium with coins plotted by minting city) et 28 (“The distribution of the mints also provides evidence for seating arrangements in the Stadium”).
140 Voir les contributions parues dans Bursche et al. 2008 (notamment les contributions d’A. Bursche, de R. Ciolek, de J. van Heesch et d’A. Zapolska, et la large bibliographie donnée jusqu’à cette date). Voir aussi Ciolek 2007. Pour l’Allemagne, e.g. : Berger 1996 et Wolters 1999.
141 À un niveau théorique, on ne citera qu’un article qui en résume bien d’autres : Maucourant 2000.
142 Dalton 1965.
143 Il est significatif que les deux publications récentes les plus remarquables sans doute s’agissant de monnaies grecques trouvées en fouille (Alexandrie et Monte Iato) ne fassent aucune référence aux travaux de R. Reece (Picard et al. 2012 et Frey-Kupper 2013). Et cette situation peut être étendue à l’ensemble de la littérature antérieure (e.g. Knapp & Mac Isaac 2005).
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