Des premières communautés paysannes à la naissance de l’État dans le Centre de la France : 5000-50 a.C.
|III. Modèles d’occupation de longue durée : trois exemples de formation des territoires protohistoriques en région Centre
Texte intégral
1L’analyse spatiale des sites protohistoriques de la région Centre a montré que certains secteurs étaient occupés régulièrement pendant plusieurs millénaires, sans ruptures majeures pour certains d’entre eux. On pourrait évoquer des raisons simples et déterministes pour expliquer la permanence des communautés humaines dans certains lieux, celles-ci installant de préférence leurs habitats dans des zones favorables : à proximité des sources d’eau, dans des lieux de passage, près des carrefours de routes et des sources de matières premières. Ces zones favorables ont pu être repérées depuis longtemps, peut-être dès le Paléolithique. Même si elles sont naturellement favorables à l’implantation humaine, la plupart d’entre elles ont dû être aménagées pour devenir propices à l’agriculture et à l’élevage, à l’installation de villages ou de villes. Mais elles ne restent pas favorables pendant des millénaires si les besoins des populations changent, si le réseau de communication se déplace, si les ressources naturelles s’épuisent. En définitive, ce n’est pas parce qu’un territoire est installé dans une zone favorable que son occupation devient nécessairement permanente. En effet, de nombreux événements peuvent affecter l’histoire d’un territoire : des conflits, des variations démographiques et des mouvements de populations peuvent expliquer des phases de déprise pendant des durées plus ou moins longues. Mais à ces territoires peuvent également être attachés des signes ou symboles immatériels qui ancrent profondément l’histoire des communautés humaines, consolident la mémoire et assurent sa transmission. La question des choix d’implantation des habitats et de leur régularité dans la longue durée ne peut donc être réduite à la simple logique. Si la genèse des territoires est d’abord liée à une conjonction favorable entre l’homme et le milieu naturel, les aspects historiques, culturels et sociaux ont aussi une place prépondérante dans son processus.
- 1 Brun & Pion 1992 ; Ralston 1992 ; Fichtl 2004 ; Brun 2011.
- 2 Pour passer au niveau supérieur de l’analyse spatiale de la région Centre, les données de Patriar (...)
2Les approches régionales des territoires ont été abordées par de nombreux archéologues, à l’aide de méthodes pertinentes telles que l’analyse spatiale ou les polygones de Thiessen, sur des durées chronologiques plus ou moins étendues. Elles donnent de bons résultats, en particulier pour la connaissance de l’aménagement global de l’espace dans de larges zones géographiques. Dans les secteurs où les données archéologiques sont abondantes et fiables, elles permettent d’approcher les modalités de la gestion économique et politique de ces espaces à partir de la hiérarchie des habitats1. À travers l’analyse spatiale des données de la base Patriarche, la région Centre offre un potentiel archéologique particulièrement riche pour envisager de telles études de niveau régional. On peut espérer que ces recherches se concrétiseront dans les années qui viennent, sachant qu’elles nécessitent, avant de les aborder, un important travail de reprise et de préparation des données2. En attendant d’être en mesure de poursuivre cette recherche, j’ai choisi de réaliser une analyse critique et détaillée de trois territoires en région Centre. L’objectif de cette étude est de cerner d’abord la genèse de ces trois établissements puis d’analyser les évolutions qu’ils ont pu connaître dans le temps. En entrant dans le détail de ces dossiers, je m’efforcerais ainsi de retracer l’histoire de ces territoires dans la longue durée. Les trois exemples sélectionnés offrent une séquence chronologique ample, des données archéologiques fiables et récentes, ainsi qu’une bibliographie fournie. Grâce à leur richesse archéologique, Fort-Harrouard, Sublaines et Levroux sont devenus des sites emblématiques de la Protohistoire du Centre. Ils constituent également trois grandes références historiographiques, chacun d’entre eux ayant, pour des raisons diverses, marqué l’histoire de la recherche. Je propose de les analyser ici comme trois dossiers originaux, en réexaminant l’abondante documentation accumulée depuis plusieurs siècles pour certains d’entre eux.
Le territoire, de l’objet géographique au concept
- 3 Lapierre 1977, 12.
- 4 Lapierre 1977, 24.
3Territoire fait partie de ces mots dont chacun comprend le sens mais qui recouvre en fait des réalités différentes, de la plus banale à la plus complexe. La notion de territoire concerne toutes les espèces animales, en particulier celles qui ont un comportement social. En 1977, J.-W. Lapierre se demandait s’il y avait de la politique dans les sociétés animales et si le pouvoir avait un fondement biologique3. Selon ce sociologue, la domination territoriale est un comportement très fréquent chez toutes sortes d’espèces animales, qu’elles soient sociales ou non, mais l’appropriation et la défense d’un territoire semblent être caractéristiques des espèces qui vivent en société4. Celles-ci peuvent réagir violemment lors de l’intrusion de congénères sur leur territoire, entraînant de violents combats. Mais les éthologues n’ont pas résolu la question qui porte sur l’objet que ces espèces défendent : les animaux protègent-ils collectivement leur territoire où ne serait-ce pas plutôt sa peau que chacun défendrait en cas d’agression ?
- 5 Cadoret 2000, 235.
- 6 Lévy & Lussault 2013, 995‑998.
4Le territoire, dans son acception la plus basique, serait donc lié à l’appropriation d’un espace par une espèce sociale, espace qui serait investi et protégé collectivement. En construisant son espace, la société y projette sa représentation du monde. Ainsi modelé, l’espace devenu territoire renvoie comme un miroir les modes d’organisation de la société5. Le géographe J. Lévy donne neuf définitions différentes du territoire pour rendre compte de toute la diversité et de la complexité du concept6. De l’objet géographique à la construction intellectuelle, la notion de territoire est d’abord banale, ce qui ne l’empêche pas d’être vaste. Ce qui pourrait finalement la distinguer de la notion d’espace serait l’idée d’appropriation. En effet, l’occupation d’un espace par un groupe animal peut révéler différents niveaux : la conquête peut être individuelle, collective, communautaire, organisationnelle ou encore institutionnelle comme le suggère J. Lévy. Ces différences déterminent des “rapports spécifiques d’appartenance réciproque entre l’habitant et l’espace habité”.
- 7 Bourgeot 2000, 704.
5Pour les anthropologues, le territoire est généralement étudié du point de vue de la construction sociale. Celle-ci est fonction des structures de la société, familiales, villageoises, communautaires et tribales. A. Bourgeot a montré que les processus d’organisation territoriale sont liés d’une part à l’action des hommes sur les supports matériels de leur existence et d’autre part sur leurs systèmes de représentation7. En effet, le territoire se construit à partir des supports matériels qu’une société met en place dans son milieu naturel (ressources minérales, végétales, animales), les hommes utilisant une série d’instrumentations pour les exploiter (collecte, chasse, agriculture, élevage). Plus généralement, la manière dont les ressources sont utilisées et dont le territoire est occupé laisse transparaître les modalités des rapports sociaux et de l’appropriation des potentialités.
6À partir des supports matériels se développent des connaissances, des idées et des valeurs soumises à des lois de fonctionnement et d’évolution spécifiques à chaque société au sein d’un territoire donné. Le processus de territorialisation peut alors s’accomplir dans l’ancrage au sol d’une communauté. Ce qui distingue finalement un espace habité d’un territoire occupé relève des comportements et des règles commandées par le monde social. Le territoire est le lieu d’épanouissement d’une société humaine : l’espace dans lequel son identité culturelle prend forme et se définit dans le regard que portent les communautés occupant les territoires voisins.
- 8 Cadoret 2000, 235.
- 9 Brun 2011, 216‑217.
7L’organisation du territoire est intimement liée au fonctionnement politique et social, de la stratification aux relations de parenté et d’alliance en passant par les principes de la division sexuelle du travail dans certaines communautés. Le territoire peut également être divisé selon la segmentation généalogique de lignages et de clans, débouchant sur la formation de groupes territoriaux voire de sociétés territoriales. Au sein de ce modèle de complexification territoriale, peuvent apparaître un centre (unique ou multiple) et des périphéries entraînant et régissant les activités économiques, internes et externes au territoire. La complexité d’un territoire est essentiellement liée aux formes que prend l’organisation sociale et politique et sa taille est un critère secondaire. La surface d’un territoire n’est pas proportionnelle à la complexité sociale ni à l’ampleur du groupe territorial. Un groupe territorial peut gérer un “terroir”, c’est-à-dire un espace qui peut être défini comme une forme locale du territoire8. On peut lui préférer le terme de “finage”, plus précis, et qui correspond à la plus petite unité de surface agricole, une forme de “territoire élémentaire9”.
- 10 Bourgeot 2000, 705.
8Le territoire est le produit d’un système de représentation du monde dans la mesure où il matérialise le lien entre le monde des vivants, celui des morts et des forces surnaturelles : “le territoire pérennise la présence des ancêtres et légitime celle des vivants”10. Lorsqu’ils traversent le temps, les territoires forgent leur histoire. Les générations successives qui travaillent la terre façonnent et entretiennent cette histoire. C’est généralement dans les sanctuaires qu’elle s’incarne, ces lieux garantissant la transmission de la mémoire du territoire. C’est peut-être en partie parce qu’il est fondé sur cette dimension idéelle et mémorielle que le territoire devient une notion politique. L’appropriation de la terre et sa mise en valeur par le travail humain achèvent de composer le territoire comme objet politique.
- 11 Lévy 2013, 413.
- 12 Lévy 2013, 415.
9Enfin, évoquer le territoire c’est aussi penser ses limites, ses frontières. Cette question est tout aussi complexe et multiple que celle du territoire car elle connaît de nombreuses variations dans le temps et dans l’espace. Selon J. Lévy, la notion de frontière est une “limite à métrique topologique”, sans objet avant l’apparition de l’État11. En effet, dans des communautés non militarisées et ouvertes aux échanges, elle n’aurait pas de sens. La frontière est finalement une notion moderne, même si certains empires antiques ont tenté d’édifier des barrières réputées infranchissables comme le limes romain ou la Grande Muraille de Chine. Les frontières étant difficilement contrôlables sur de grandes longueurs et en permanence, elles représenteraient une idée d’interface entre plusieurs territoires, plutôt qu’une barrière physique. Toutes les limites ne sont toutefois pas des frontières. Pendant la Protohistoire et l’Antiquité, même si de véritables frontières ont pu exister, ce qui reste à démontrer, il est plus probable qu’il s’agissait de limites floues, “confins” ou “marches” entre plusieurs aires culturelles. De plus, les territoires ne sont pas nécessairement limités par d’autres car ils peuvent être inclus les uns dans les autres (emboîtement) ou superposés (cospatialité), ils forment alors des réseaux12.
Du territoire à la civitas
- 13 On utilise dans cet ouvrage la dénomination Bituriges ou Bituriges Cubes pour désigner les Gauloi (...)
10La plus ancienne mention de territoires que l’on connaisse en région Centre, comme dans toute la Gaule, est donnée par César qui révèle des noms de peuples et livre certaines indications plus ou moins précises sur leurs limites. Si la région Centre ne peut pas être considérée comme une entité historique, elle englobe toutefois trois civitates mentionnées par César : celles des Carnutes, des Turons et des Bituriges13. Il s’agit des territoires appartenant à trois tribus gauloises connues à La Tène finale mais dont la formation est antérieure à cette phase de l’âge du Fer. À quel moment ces entités se sont-elles formées ? Et comment sont-elles parvenues à la configuration que César a pu apprécier ? Ces questions sont difficiles voire impossibles à résoudre car pour les périodes antérieures à La Tène finale, on ne détient aucune source écrite comparable à celles que nous livre César. En revanche, on pourra peut-être expliquer comment ces territoires se sont formés en utilisant une méthode régressive et en cherchant dans leur passé les éléments qui permettent de les caractériser et de reconstituer leur histoire. Les limites des civitates décrites par César étaient liées aux connaissances des géographes romains, et il est possible de les restituer avec une certaine précision aujourd’hui. Ces territoires se sont maintenus jusqu’à nos jours, c’est-à-dire depuis 2000 ans environ. Dans la plupart des régions de Gaule, leurs limites n’ont pas été modifiées sous Auguste, ni par la suite, mais leur statut politique a changé plusieurs fois au cours du temps. Au Moyen Âge, les limites de la plupart des diocèses se sont superposées aux frontières des anciens territoires gaulois. Le statut de ces entités territoriales est alors devenu juridique, fondé sur l’organisation religieuse. Enfin, à notre époque, les limites des anciens territoires gaulois correspondent à des provinces françaises, leur statut est donc de l’ordre de l’histoire et de la culture. En effet, même si les limites de diocèses ont encore une signification religieuse, leur statut n’est plus reconnu sur le plan politique. Alors, bien qu’ils aient changé plusieurs fois de statut au cours des siècles et même des millénaires, les territoires gaulois de La Tène finale ont conservé peu ou prou les mêmes limites jusqu’à nos jours. La question de la date à laquelle ils se sont constitués reste entière mais on peut imaginer qu’ils ont commencé à prendre forme à un moment situé au cours des siècles qui ont précédé la Guerre des Gaules. Des embryons de territoires ont pu se former plus tôt encore, dès la fin du Néolithique et au début de l’âge du Bronze, à des moments où l’apparition des sociétés complexes devient sensible. Celles-ci ont pu former des entités territoriales, et on ne peut pas exclure que certaines d’entre elles existaient déjà auparavant, dès le Néolithique moyen ou même ancien : en défrichant des vallées entières, les premières communautés paysannes avaient sans doute déjà fondé des territoires qu’elles ont dû préserver, défendre et transmettre. Au cours des 2000 années qui séparent la fin du Néolithique de la fin de l’âge du Fer, la surface de ces territoires a dû fluctuer à de nombreuses reprises, s’agrandissant ou se comprimant au gré de petits et grands conflits, d’échanges de terres ou encore de flux démographiques. On ne pourra pas retracer précisément une chronologie des territoires car les éléments fiables qui seraient nécessaires à la reconstitution détaillée de leur histoire sont trop lacunaires. En revanche, on peut approcher les grandes étapes de l’histoire longue de ces territoires en se fondant sur les sites qui se sont succédé dans certains secteurs pendant plusieurs millénaires.
Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (Eure-et-Loir)
11Fort-Harrouard est l’un des plus célèbres sites protohistoriques de la région Centre et il fait figure de référence dans nombre de publications consacrées au Néolithique et surtout à l’âge du Bronze. Le site est installé sur un éperon barré localisé dans la commune de Sorel-Moussel, à l’extrémité nord de la région Centre, aux frontières de la Basse-Normandie, de l’Île-de-France et de la Beauce septentrionale (fig. 22). Classé au titre des Monuments historiques en 1934, Fort-Harrouard appartient à l’État depuis 1936, grâce au don du mécène Louis Deglatigny. Dès le xixe s., les savants locaux avaient identifié une occupation préhistorique sur le promontoire et l’avaient associée aux nombreux mégalithes et polissoirs connus dans les environs. Mais son principal fouilleur fut l’abbé Joseph Philippe qui réalisa des fouilles remarquables dans la première moitié du xxe s. Elles ont brièvement été reprises par J.‑P. Mohen dans les années 1980, sous l’égide du Musée des Antiquités Nationales (aujourd’hui Musée d’Archéologie Nationale, MAN).
Fig. 22. Localisation des trois dossiers étudiés en région Centre Val de Loire : Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (28), Sublaines (37) et Levroux (36).

Historique des recherches
- 14 Philippe 1927.
- 15 Philippe 1927.
- 16 Philippe 1936.
12Le premier archéologue qui fouille à Fort-Harrouard est l’abbé Joseph Philippe (1876-1950), curé à Breuilpont dans l’Eure. Il a consacré la majeure partie de sa vie à l’exploration de ce site, entre 1900 et 1950. Ses recherches sont soutenues et facilitées par Louis Deglatigny (1854-1936), mécène et archéologue, qui achète une grande partie du promontoire dès 1914 puis en fait don à l’État en 192114. En 1934, il acquiert les pentes est et sud de l’éperon et les offre à l’État début 1936. Il participe lui-même activement aux fouilles de Fort-Harrouard aux côtés de l’abbé Philippe dès la fin de la Première guerre mondiale. C’est lui qui finance la majeure partie des frais de fouilles, subventionnées également par le MAN. Louis Deglatigny accumule une grande collection d’objets dont il fera régulièrement puis intégralement don au MAN à partir de 1918. Deux publications fondamentales ont été rédigées par l’abbé Philippe : la première paraît en 1927 dans un bulletin hors-série de la Société Normande d’Études Préhistoriques15. Elle fait état des fouilles réalisées par l’abbé entre 1921 et 1925. La seconde paraîtra neuf ans plus tard en deux parties dans L’Anthropologie et prendra la forme d’une synthèse des connaissances sur Fort-Harrouard16. L’abbé Philippe avait probablement prévu une suite à cette publication, mais il n’y en aura hélas pas d’autre entre 1937 et son décès en 1950. Dans cet ultime bilan qu’il dresse à partir des 2 ha cumulés qu’il a fouillés sur le promontoire, l’abbé Philippe fait état de “138 foyers néolithiques, 593 de l’âge du Bronze et 23 cabanes gauloises, situés dans la même zone fouillée, au sud du camp”. Les fouilles et les études très minutieuses de l’abbé montrent que le site de hauteur de Fort-Harrouard est occupé dès le Néolithique et jusqu’à la fin de l’âge du Fer. Dans la première moitié du xxe s., il met en valeur les périodes les plus riches et les mieux documentées, le Néolithique et l’âge du Bronze.
- 17 Sandars 1957.
- 18 Bailloud 1964.
- 19 Philippe 1936.
- 20 Mohen & Bailloud 1987.
- 21 La chronologie en 6 phases telle que je la présente ici n’a pas été publiée explicitement ainsi, (...)
13Il faudra attendre le début des années 1980 pour que J.-P. Mohen, alors conservateur au MAN, rouvre le dossier de Fort-Harrouard. Avant de reprendre les fouilles qui débuteront en 1983, J.-P. Mohen fait réviser les identifications de mobiliers archéologiques des fouilles Philippe. En effet, l’intérêt du gisement de l’âge du Bronze avait déjà été souligné par N.K. Sandars17 mais les mobiliers, toujours conservés au MAN, ne seront étudiés qu’au début des années 1960 par G. Bailloud dans le cadre de sa thèse sur le Néolithique du Bassin parisien18. Au début des années 1980, les mobiliers de l’âge du Bronze sont réexaminés par J.-P. Mohen et parallèlement, A. Villes et J. Roussot-Laroque reprennent l’importante collection de mobilier néolithique des fouilles Philippe. Ces études préalables aux nouvelles fouilles permettent de préciser que les couches néolithiques correspondent au Néolithique moyen et final, celles de l’âge du Bronze à la fin du Bronze moyen et au Bronze final et le niveau gaulois à La Tène finale. Une occupation sporadique subsiste à l’époque romaine, peut-être jusqu’au ive s. p.C. Sur le modèle de la numérotation des tells au Proche-Orient, l’abbé Philippe avait établi une chronologie en 6 phases (Fort-Harrouard I à VI), du Néolithique à l’époque romaine19. Elle sera reprise par J.-P. Mohen et G. Bailloud20, et peut être synthétisée ainsi21 :
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Fort-Harrouard I : correspond à un niveau situé dans la partie sud-est et sur le grand côté est de l’éperon. Occupation du Néolithique moyen, Chasséen.
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Fort-Harrouard II : talus de craie correspondant à une fortification du Néolithique final.
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Fort-Harrouard III : couche de l’âge du Bronze, probablement Bronze moyen.
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Fort-Harrouard IV : âge du Bronze, probablement bronze final.
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Fort-Harrouard V : LT D (et peut-être C ?).
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Fort-Harrouard VI : époque romaine, jusqu’au ive s. p.C.
- 22 Mohen et al. 1989.
14En 1983, J.-P. Mohen, alors conservateur au MAN, lance son nouveau programme archéologique sur Fort-Harrouard. Son objectif est de réinvestir certains secteurs explorés par l’abbé Philippe, de vérifier des questions laissées en suspens et de compléter les recherches par l’ouverture de nouveaux secteurs non touchés par les fouilles anciennes. Il associe plusieurs chercheurs à ce projet, en particulier des spécialistes du Néolithique, A. Villes (SRA Orléans) et J. Roussot-Laroque (CNRS, institut du Quaternaire, Bordeaux). En débutant ce programme, l’objectif de J.-P. Mohen est d’intégrer les nouvelles problématiques qui attirent les archéologues au début des années 1980 : il veut d’une part éclaircir les questions de stratigraphie et de chronologie pour le Néolithique et l’âge du Bronze, comprendre les processus liés aux activités artisanales, en particulier la métallurgie du bronze et d’autre part développer les recherches sur le paléoenvironnement. Les fouilles de J.-P. Mohen se succèdent jusqu’en 1988 puis le programme est abandonné. Cet abandon a probablement des causes diverses. Entre les lignes des rapports de fouille, on perçoit dès le début du programme des mésententes entre les membres de l’équipe, mais surtout une absence de vision spatiale d’ensemble, accentuée par la multiplication des chantiers au fil des années et probablement dégradée par le manque de cohésion entre les chercheurs. Il semble que le programme scientifique soit parti un peu dans tous les sens, stratigraphique, chronologique, paléoenvironnemental, avec comme souci supplémentaire de faire de Fort-Harrouard un parc archéologique (qui ne verra jamais le jour). Ce projet, très ambitieux pour l’époque, n’a peut-être pas eu les moyens humains nécessaires à sa réalisation. Finalement, le Conseil Supérieur de la Recherche Archéologique recommandera de ne conserver que le chantier néolithique, le seul qui aura en définitive livré des résultats cohérents. A. Villes tentera de poursuivre ses fouilles sur le secteur néolithique entre 1989 et 1992, mais ses responsabilités de conservateur régional au SRA de Champagne-Ardenne ne lui permettront pas de mener son projet à terme. Fort-Harrouard sera alors de nouveau abandonné en 1992. Malgré ces difficultés, J.-P. Mohen et G. Bailloud ont publié un important ouvrage en 1987. Constituant le 4e volume de la série sur l’âge du Bronze en France aux éditions Picard, il contient une synthèse des connaissances sur Fort-Harrouard, essentiellement pour l’âge du Bronze. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, une série d’articles est également publiée sur les moules de bronzier et les analyses métallographiques22. En revanche, les données sur le Néolithique et sur l’âge du Fer restent presque totalement inédites aujourd’hui.
Les occupations protohistoriques
- 23 Villes 1991, 6.
15Le site archéologique est installé sur un promontoire de forme sub-quadrangulaire orienté nord-sud, culminant à une altitude moyenne de 128 m. Cet éperon rocheux correspond à une cuesta du Crétacé située en limite occidentale de la forêt domaniale de Dreux. Le grand côté ouest, le plus escarpé, domine la vallée de l’Eure qui s’écoule du sud vers le nord (fig. 23 et 24). En contrebas, la rivière dessine une série de méandres dans lesquels les villages de Sorel-Moussel et de Marcilly-sur-Eure (Eure) se sont installés. Une vallée sèche, la Vallée-Moulin, serpente le long des côtés sud et sud-est du promontoire. La route de Marcilly à Houdan suit le tracé de ce paléochenal et la confluence de l’ancienne rivière avec l’Eure délimitait le côté sud du promontoire. Au nord, l’éperon se prolonge par un plateau. Il est barré par un rempart encore bien visible aujourd’hui : le talus est précédé d’un fossé de 28 m de large, la fortification étant légèrement incurvée sur une longueur de 260 m. L’espace enclos par ce rempart de barrage est évalué à environ 7 ha. L’Eure sépare deux zones naturelles : à l’ouest, une zone humide et inondable de fond de vallée ; à l’est une zone sèche, incluant le promontoire composé de craies sénoniennes, celui-ci se prolongeant par un plateau favorable à l’agriculture. Le promontoire de Fort-Harrouard est incliné de l’ouest vers l’est. La pente ouest, la plus escarpée, domine la vallée de l’Eure de 71 m. Quant à la vallée sèche, sur les côtés sud et est, elle se situe entre 30 à 40 m en contrebas. Les possibilités d’accès les plus aisées se trouvent sur les côtés nord, sud et est. C’est au sud et à l’est que l’abbé Philippe localisait deux vieux chemins (fig. 23). Le plus ancien pour lui, utilisé au Néolithique et à l’âge du Bronze, aurait été aménagé et creusé à mi-pente, formant une boucle et englobant le petit côté sud du promontoire. Les matériaux extraits auraient été rejetés vers le sommet de la pente pour former le “talus de craie”. Un autre chemin, qu’il datait de l’époque gauloise, dessine un tracé rectiligne et pouvait relier la Vallée-Moulin à l’angle sud-est de l’éperon. Pendant 50 ans, les fouilles de l’abbé Philippe se sont concentrées dans l’angle sud-est du promontoire, avec des prolongements sur les côtés sud et est. Sur ce grand côté, elles se sont étendues jusqu’en son milieu. Le fouilleur semble s’être ainsi concentré sur le rebord du plateau, là où il avait détecté la fortification néolithique qu’il nomme alors “talus de craie”. Lorsqu’il a étendu ses fouilles vers l’intérieur, il a rencontré des niveaux archéologiques bien préservés, avec des structures d’habitat et des centaines de structures de combustion qu’il a pu dater entre le Néolithique et l’âge du Fer. Mais il ne s’est pas aventuré plus loin vers l’intérieur du site et son but semblait plutôt d’observer l’extension du rempart néolithique sur le grand côté est, en se dirigeant progressivement vers le nord pour rejoindre le rempart de barrage. Il ne l’a toutefois pas fait, faute de temps sans doute. L’existence du chemin d’accès a été remise en question par A. Villes car cette interprétation de l’abbé Philippe ne reposait pour lui sur aucune donnée de fouille23. A. Villes y voyait plutôt un aménagement en terrasse de nature domestique “mi-résidence, mi-fortification “. Mais ses propres fouilles n’ont hélas pas apporté de preuves permettant d’exclure définitivement l’hypothèse d’un chemin. Localisé à mi-pente et parallèle à la fortification néolithique, la fonction de chemin semble aujourd’hui parfaitement vraisemblable. En fouillant le talus de craie, l’abbé Philippe pensait qu’une sorte de parapet avait été construit en bordure du promontoire pour empêcher les glissements de terrain. Il avait pu associer chronologiquement des structures d’habitat à ce talus. Au sud du promontoire, il avait identifié et daté au moins 593 foyers de l’âge du Bronze et 23 “cabanes gauloises”. Il relevait alors l’absence de vestiges du Premier âge du Fer et du début du Second. Quant au rempart nord, il avait pu réaliser une coupe près de l’entrée actuelle du site et localisé un rempart de craie qu’il datait, comme celui du sud, du Néolithique. Une seconde phase du rempart était attribuée à l’âge du Bronze, période à laquelle correspondent des habitats, foyers, structures métallurgiques et des sépultures à inhumation.
Fig. 23. Plan général de Fort-Harrouard et de son environnement immédiat (Philippe 1936, planche I).

16À partir de ces connaissances, en 1983 et 1984, quatre chantiers sont ouverts dans différents secteurs de l’éperon (fig. 25) :
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Chantier 1 : décapé sur 300 m2 dès 1983, il est situé dans un secteur non touché par les fouilles anciennes. Il livre des vestiges de toutes les périodes, du Néolithique à l’âge du Fer (sépulture à inhumation gauloise, fosse avec un vase entier du Bronze final…).
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Chantier 2 : il est ouvert en 1984 par J.-J. Cleyet-Merle pour explorer le talus de craie côté interne et retrouver la stratigraphie décrite par l’abbé Philippe. A. Villes et J. Roussot-Laroque identifient dès la première année un niveau datant du Néolithique moyen, surmonté par un probable niveau du Néolithique final/Bronze ancien, puis du Bronze final. Cette dernière couche contient de nombreux éléments brûlés.
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Chantier 3 : ouvert également en 1984 par A. Villes, sur la pente ouest du promontoire, il s’agit d’un sondage ayant pour but de fouiller un niveau de maison ainsi que le chemin supposé néolithique qui contourne l’extrémité sud du camp. Cette exploration ne sera pas poursuivie.
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Chantier 4 : ouvert en 1985 par J. Roussot-Laroque et A. Villes. Il correspond à une extension du chantier 1 pour fouiller en plan une portion du talus de craie sur le grand côté est de l’éperon. La fouille montre que le rempart est composé d’un noyau de craie blanche compacte, prélevée dans le banc qui forme l’assise naturelle du plateau, mais dont on a retiré les rognons de silex. Le sommet de la couche de craie a chauffé ou brûlé et des traces de poteaux ont été observées.
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- 24 Mohen 1986a ; Mohen 1987.
Le chantier 5 est ouvert par J.-P. Nicolardot en 1986 pour explorer le talus qui barre l’éperon au nord. Il n’y aura que deux campagnes de fouilles successives24.
Fig. 25. Schéma de Fort-Harrouard : topographie générale et localisation des fouilles archéologiques di XXe s. (DAO S. Krausz).

Le Néolithique
- 25 Roussot-Larroque & Villes 1989.
- 26 Roussot-Larroque 1984.
- 27 Gauvry 2001.
17La publication la plus récente sur l’occupation néolithique de Fort-Harrouard est due à J. Roussot-Laroque et A. Villes dans le Bulletin de la Société des Amis d’Anet25. Ils publient en effet dans cet article relativement confidentiel l’essentiel de ce qu’ils ont étudié et compris sur la fortification du Néolithique final. Cette publication ne sera hélas suivie d’aucune autre et le mobilier sur lequel reposent les propositions de datation reste inédit. Elle avait été précédée en 1984 du grand article de synthèse sur l’Artenac de J. Roussot-Laroque dans la Revue Archéologique du Centre de la France, qui livrait quelques réflexions sur l’occupation néolithique de Fort-Harrouard tout en ne dévoilant pas l’intégralité des données26. Ceci est somme toute logique, car au moment où paraît cet article essentiel sur l’Artenac en France, le programme sur Fort-Harrouard a débuté seulement un an plus tôt. On retiendra toutefois que J. Roussot-Laroque accorde une place particulièrement importante à Fort-Harrouard dans cette synthèse sur la culture d’Artenac, en particulier à cause des mobiliers lithiques et céramiques qui proviennent des fouilles Philippe et qu’elle a étudiés préalablement au lancement du nouveau programme. Plus récemment, Yoann Gauvry a repris l’étude de la céramique chasséenne issue des fouilles de l’abbé Philippe dans le cadre d’une maîtrise soutenue à l’université de Paris 1. Celle-ci ne bouleverse pas les connaissances mais permet de réactualiser la chronologie et la typologie27.
Le rempart néolithique de Fort-Harrouard
- 28 Philippe 1936, 297.
- 29 Philippe 1936, 298.
- 30 Philippe 1936, 293.
- 31 Philippe 1936, 292-293.
18Pour le Néolithique, l’abbé Philippe avait identifié deux périodes d’occupation qu’il nommait Néolithique inférieur et supérieur et qui peuvent être attribuées respectivement au Néolithique moyen et final. L’abbé a suivi la fortification sur les côtés sud et est de l’éperon sur une longueur totale de 211 m28. Elle correspondait pour lui a un rempart composé d’un “talus presque entièrement transformé en chaux par un procédé tout primitif” : les Néolithiques auraient prélevé de la craie sénonienne sur les pentes du promontoire et l’auraient rejetée sur des troncs d’arbres, dressés et entrecroisés, les vides entre les troncs auraient servi de cheminées d’aération pour attiser le feu29. L’abbé Philippe pensait donc que le rempart de Fort-Harrouard, exploré sur le côté est du promontoire, avait été calciné volontairement. On peut y voir une analogie avec des remparts sur noyau de chaux de l’âge du Fer dont l’abbé Philippe avait sans doute connaissance, mais il ne mentionne pas de comparaisons ni ses références. Ses fouilles se sont concentrées sur les côtés sud et est du plateau, mais il a également ouvert une coupe près de l’entrée actuelle du site au nord et découvert “une couche d’argile à silex et de craie” de 2 mètres d’épaisseur30. Sans doute par analogie avec la couche de craie qu’il connaissait sur le côté est, il pensait que le rempart nord avait lui aussi été aménagé par les Néolithiques qui avaient extrait la craie du fossé que l’on voit encore à l’avant. Ce rempart aurait ensuite été surélevé à l’âge du Bronze par une recharge d’argile à silex. Au nord-ouest du promontoire, l’archéologue a observé une interruption de 10 m de largeur entre la fortification nord et le bord du plateau. Il pensait qu’elle pouvait correspondre à une porte31.
- 32 Villes 1999, 28.
- 33 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43 ; Villes 2010.
- 34 Villes 1999, 30.
- 35 Roussot-Larroque 1984, 158.
19Entre 1984 et 1986, une nouvelle tranchée stratigraphique est ouverte sur le talus de craie, à proximité de l’extrémité nord de la dernière fouille Philippe. À cet endroit, qui se situe à peu près au milieu du grand côté est du promontoire, l’abbé pensait avoir perdu le talus de craie. La fouille de 1984 a montré que quelques mètres plus loin, le talus continuait vers le nord. La lacune observée par l’abbé Philippe pourrait bien correspondre à une interruption dans l’enceinte, donc à une porte située à peu près au milieu du grand côté est. Le talus de craie a été observé dans la fouille Roussot-Laroque/Villes (chantier n° 4) sur une longueur de 15 m et une largeur de 5 à 8 m. Des logements de poutres verticales et horizontales ont été notés par les fouilleurs dans toute l’épaisseur du talus. Elles sont signalées par des concentrations de charbons, et dans certains cas, des comblements de craie poudreuse grise et de blocs de silex brûlés, dépôts comblant les vides laissés par le bois décomposé. Les poutres sont souvent serrées et parfois jumelées, la présence de caissons est alors soupçonnée. Il s’agit d’un rempart très élaboré, composé à l’avant d’un mur coffré de bois de plus d’un mètre d’épaisseur32. Ce mur est renforcé par des poutres massives qui forment des chaînages horizontaux. À l’arrière du rempart, côté interne, des structures en bois étaient adossées et formaient des plateformes sur lesquelles des habitations ont pu être aménagées. À l’avant du rempart, les poutres, la craie et les blocs de silex portent les traces d’un violent incendie. Dans l’article de 1989, les fouilleurs écartent l’hypothèse du rempart à noyau de chaux calciné volontairement, pour privilégier plutôt un incendie33. Ce rempart est daté du Néolithique final et attribué par les auteurs à la culture d’Artenac sur la base de mobiliers caractéristiques, en particulier de la céramique : sont typiques en effet, des anses nasiformes, des carènes sinueuses et une industrie pressignienne spécifique, notamment des poignards et scies à encoches. En 1999, A. Villes précise que les éléments céramiques appartiennent probablement à une phase tardive de l’Artenac34. Et comme l’indiquait déjà J. Roussot-Laroque en 198435, ce rempart complexe a pu être l’œuvre des Artenaciens, mais peut-être pas en totalité. L’auteur évoque bien une phase de construction attribuable à l’Artenac suivie d’une autre qu’elle situe au Bronze ancien à partir d’éléments céramiques non artenaciens (vases à bord et/ou cordons digités, impressions au peigne).
- 36 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43.
- 37 Villes 1999, 30.
- 38 Gauvry 2001.
- 39 Mohen 1986b.
20Sur le plan topographique, il est probable que ce rempart protégeait les côtés sud, est et nord du promontoire (fig. 26). Une couche située sous le rempart du Néolithique final permet de penser qu’il a scellé un niveau du Néolithique moyen, contenant de la céramique attribuable au Chasséen du Bassin parisien36. Les fouilles n’ont pas permis d’attester la présence d’un rempart dès le Néolithique moyen. On ignore si cette couche a pu appartenir à un site ouvert établi sur le promontoire, ce qui semble toutefois peu vraisemblable dans le contexte de l’époque. A. Villes pense que l’éperon a pu être barré au Néolithique moyen II37, déserté au Néolithique récent pour être réoccupé au Néolithique final. On peut regretter qu’aucune datation radiocarbone ne soit venue confirmer les propositions chronologiques des fouilleurs. On ne connaît en définitive presque rien de cette occupation chasséenne, représentée uniquement par du mobilier archéologique issu des fouilles Philippe : un corpus de 3933 tessons a permis à Y. Gauvry d’étudier 414 formes caractéristiques du Chasséen septentrional38. Au sein de cet ensemble, on retiendra des éléments de vases-supports décorés et la célèbre série d’une quinzaine de statuettes féminines en terre cuite39.
Fig. 26. Le tracé du rempart de Fort-Harrouard au Néolithique final et les hypothèses de localisation des portes (DAO S. Krausz).

- 40 Burnez et al. 1991.
- 41 Burnez et al. 1995 ; Burnez 2010, 44.
- 42 Duval & Buchsenschutz 1979 ; Buchsenschutz et al. 1988, 156.
- 43 Buchsenschutz & Ralston 1981.
- 44 Hamon 2007.
21Si elle a permis d’observer la structure complexe du rempart du Néolithique final de Fort-Harrouard, la tranchée stratigraphique du chantier 4 n’a hélas pas été poursuivie par une fouille en plan. Celle-ci aurait permis de mieux comprendre la structuration des différentes parties du rempart et de déterminer si son mode architectural s’appuyait sur des caissons comme sur le site des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre) ou à partir d’un poutrage composé de pièces longitudinales et transversales. Un doute demeure sur la possibilité de classer le rempart de Fort-Harrouard parmi les remparts sur masse calcinée ou noyau de chaux, ce que des analyses des températures de cuisson de la craie établies à différents endroits de l’ouvrage auraient sans doute pu éclairer. L’architecture du rempart de Fort-Harrouard ne trouve que peu de comparaisons. Malgré de nombreuses recherches dans la littérature, l’existence de remparts à noyaux de chaux ne semble pas démontrée pour le Néolithique final, même si elle a parfois été supposée, comme au Gros-Bost à Saint-Méard-de-Drône où des taches blanchâtres apparaissaient sur les photographies aériennes40. Les fouilles de C. Burnez sur le rempart du Gros-Bost en 1994 et 1995 n’ont pas confirmé que cette fortification artenacienne était construite à partir d’un noyau de chaux. En revanche, il s’agit d’un ouvrage qui comprend probablement un poutrage interne et des aménagements de pierres qui pourraient délimiter des terrasses ou des caissons. De même, le rempart Artenac de Challignac, que C. Burnez a fouillé à peu près à la même époque, est un ouvrage monumental composé de deux palissades de gros poteaux qui pouvaient être reliées par un poutrage interne41. Si la structuration interne de ces remparts reste encore à préciser, les fouilles de C. Burnez ont permis d’attribuer ces ouvrages sans conteste à la culture d’Artenac et de démontrer qu’il ne s’agissait pas de simples talus mais de fortifications complexes avec poutrage interne et aménagements en pierres (qui peuvent être externes ou internes). Le rempart des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons pourrait présenter certaines analogies avec celui de Fort-Harrouard. Fouillé entre 1979 et 1983, il s’agit d’un rempart à poutrage interne, formé de caissons de bois remplis d’argile. Les poutres décomposées, situées à la base de l’ouvrage, ont fourni des datations C14 qui convergent autour de 2160 a.C.42. Les fouilleurs de Moulins-sur-Céphons ont pu identifier un rempart de type Kastenbau qui reste unique en France, mais répandu en Suisse (le Wittnauer Horn par exemple) et en Pologne (Biskupin), mais plus tardivement, au Bronze final et au Premier âge du Fer pour ces sites43. Grâce à plusieurs fouilles, les traces d’un habitat ont été mises en évidence à l’intérieur du camp des Châtelliers. Elles ont livré du mobilier lithique à forte dominante pressignienne en particulier des scies à encoches et des poignards. Mais la céramique, bien que relativement abondante, ne permet pas de trancher en faveur d’un groupe culturel précis : on trouve quelques éléments Artenac mais la céramique grossière s’apparente bien plus à celle du Montet à Déols, un site d’affinité Horgen44. Une couche d’argile brûlée (rouge) est visible en surface du camp après les labours. Elle a été mise en évidence au cours des fouilles sur le côté interne du rempart : elle constitue un talus triangulaire reposant sur une couche brûlée (noire). Ces couches sont manifestement liées à un incendie, mais rien n’indique que le rempart néolithique de Moulins-sur-Céphons a été brûlé volontairement. Alors que les modes de construction présentent des analogies à Fort-Harrouard, Moulins-sur-Céphons, Saint-Méard-de-Dronne et Challignac, en particulier la présence de caissons et/ou de poutrages, l’incendie volontaire ne peut être démontré formellement pour aucun de ces cas.
- 45 Bailloud & Burnez 1962.
- 46 Gomez de Soto 1975.
- 47 Pautreau 1975.
- 48 Claude Burnez a défini deux cercles géographiques pour la culture d’Artenac (Burnez & Fouéré 1999 (...)
22Quant à l’attribution culturelle du rempart néolithique final de Fort-Harrouard, rien n’exclut aujourd’hui qu’il soit bien l’œuvre des Artenaciens mais cette question reste depuis plusieurs décennies au cœur des discussions entre spécialistes. L’hypothèse artenacienne pour Fort-Harrouard avait déjà été avancée par G. Bailloud et C. Burnez dans leur célèbre article de 1962, celui-là même dans lequel ils définissaient la culture d’Artenac45. La céramique issue des fouilles de l’abbé Philippe avait été réexaminée par G. Bailloud dans le cadre de sa thèse, et il avait pu rapprocher à l’époque les anses nasiformes recueillies au Fort-Harrouard des formes identiques trouvées dans le Centre-Ouest. Mais en 1962, à l’époque de cet article fondateur, l’Artenac était attribué au Bronze ancien et non au Néolithique final. Ce sont les datations C14, obtenues au cours de la décennie suivante sur des sites artenaciens qui sont venues confirmer que ce type mobilier devait être classé au Néolithique final, comme par exemple dans le rempart de la Pierre Dure à Voeil-et-Giget en Charente46 et surtout dans le niveau Artenac situé sous le rempart de l’âge du Bronze du Camp Allaric à Aslonnes qui a pu être daté de 2310-2270 a.C47. Mais cette question de chronologie reste incertaine, en particulier pour les sites qui se trouvent hors du premier cercle de la culture d’Artenac48. C’est précisément le cas de Fort-Harrouard, mais aussi de tous les autres gisements qui seraient concernés de près ou de loin par cette culture en région Centre. Pour C. Burnez, les sites du Centre font partie du second cercle de l’Artenac, résultant de l’expansion de cette culture dans différentes directions, en particulier vers le nord-est depuis le noyau originel localisé dans le Centre-Ouest. C’est au cours de cette expansion que les influences campaniformes seraient entrées en contact avec les Artenaciens, brouillant encore un peu plus les cartes.
- 49 Burnez & Fouéré 1999, 270.
23C. Burnez se demande si les mobiliers artenaciens de Fort-Harrouard n’auraient pas fait l’objet d’une sélection à l’époque des fouilles Philippe, sélection qui aurait eu tendance à surévaluer leur présence par rapport à d’autres éléments moins caractéristiques49. Étant donnée la position géographique de Fort-Harrouard, il suggère que le site pourrait être rattaché à un l’ensemble culturel “Gord avec des marqueurs chronologiques artenaciens”.
- 50 Burnez & Fouéré 1999, 262.
- 51 Roussot-Larroque 1984, 139.
- 52 Communication personnelle de T. Hamon.
24La question des activités pratiquées par les Artenaciens du second cercle est fondamentale, car cette communauté a été très tôt associée au gisement du Grand-Pressigny. En effet, l’industrie lithique pressignienne classique serait caractéristique de l’Artenac II, en particulier les grands poignards, les scies à encoches et les pointes de flèches à pédoncule et ailerons équarris50, et ils abondent plutôt sur les sites du second cercle que dans les gisements du noyau originel. J. Roussot-Laroque a suggéré dès 1984 que les Artenaciens avaient pu contrôler les ateliers du Grand-Pressigny, les réseaux d’échange de produits pressigniens et même la technologie des livres de beurre51. Cette proposition est loin de faire l’unanimité parmi les chercheurs et d’autres pensent que les Artenaciens, détenteurs de compétences architecturales, notamment pour construire des remparts à poutrage, ont pu réaliser des monuments “sur commande” hors de leur région d’origine, précisément dans le second cercle52. Il s’agit d’une question fondamentale pour comprendre ce qui se passe au Néolithique final en région Centre. Je reviendrai plus loin sur cette question en discutant du cas de Moulins-sur-Céphons.
Habitats et sépultures néolithiques
- 53 Philippe 1936, 239.
- 54 Mohen & Bailloud 1987, 30.
- 55 Villes 1991, 6.
25Les structures appartenant aux habitats du Néolithique moyen et final sont essentiellement conservées sous les éboulis internes du rempart, à proximité immédiate de l’enceinte. L’abbé Philippe avait émis l’hypothèse selon laquelle l’habitat était établi en couronne le long et contre le rempart, laissant un espace vide à l’intérieur du promontoire, comme s’il y avait eu une grande place. Mais il reconnaissait lui-même dès 1936 que les quelques sondages négatifs qu’il avait pu faire au milieu du camp n’étaient pas suffisants pour démontrer que seulement les bords du plateau avaient été occupés53. J.-P. Mohen a repris cette hypothèse54 alors qu’aucune fouille à l’intérieur du plateau n’est venue confirmer soit l’existence de cette place, soit l’absence de structures d’habitat. Aujourd’hui, on ne peut pas affirmer que Fort-Harrouard a connu ce type de structuration interne, car aucun contrôle n’a été fait. De son côté, A. Villes n’excluait pas que des habitats aient pu être installés sur le côté externe du rempart, à mi-pente du promontoire “un ouvrage domestique complexe, du genre habitat en terrasse, sorte d’espalier mi-résidence, mi-fortification”55. Il contestait ainsi l’hypothèse du chemin néolithique proposée par l’abbé Philippe, dont on aurait extrait la craie pour l’aménager en même temps que le talus.
- 56 Philippe 1936, 259.
26La plus ancienne occupation du promontoire remonterait au Néolithique moyen comme l’attestent les nombreux tessons de céramiques décorées et de vases-supports chasséens56 mais la présence d’un rempart n’a pas été démontrée pour cette période. On peut toutefois l’envisager sans trop de risque dans la mesure où de nombreux sites sont fortifiés à cette époque dans le Bassin parisien, et parce que le choix d’un promontoire dominant l’Eure par une communauté chasséenne n’est sans doute pas aléatoire.
- 57 Mohen & Bailloud 1987, 30.
- 58 Mohen & Bailloud 1987, 33.
27Les structures d’habitat attribuées par l’abbé Philippe au Néolithique sont concentrées dans une bande de 20 m de largeur le long du côté sud du promontoire et elle s’élargit de 30 à 50 m sur le côté est57. D’après l’abbé Philippe, ce sont des cuvettes naturelles qui ont été aménagées pour implanter maisons et foyers. Les relevés ne sont pas assez précis pour assurer que ces cavités étaient naturelles et qu’il ne s’agit pas plutôt de fosses creusées au Néolithique. Les fouilles du début du xxe s. ont permis de mettre en évidence des structures variées, fosses, trous de poteau et de nombreux foyers. Ceux-ci peuvent présenter des morphologies diverses, la plus fréquente étant une plateforme d’argile cuite, de forme circulaire. Il existe également des aires circulaires de 3 m de diamètre environ qui pourraient correspondre à des sols de bâtiments58, maisons ou constructions annexes.
- 59 Philippe 1936, 541.
- 60 Philippe 1936, 542.
28L’abbé Philippe a fouillé plusieurs sépultures néolithiques, mais aucun dénombrement n’a été fait pour ces structures et il n’existe aucun plan de répartition générale. D’après lui, il existait des sépultures du Néolithique moyen, mais elles étaient perturbées, comme le groupe qu’il a découvert au sud-ouest de l’enceinte, là où des ossements humains mêlés à des restes animaux étaient répartis sur 20 m de longueur59. La plupart de ces ossements n’étaient plus en connexion, mais l’abbé Philippe a pu observer que les corps étaient allongés et non en position fléchie. Cette concentration pourrait signaler une zone funéraire au sud-ouest du site. Mais l’état de ce niveau semble particulièrement perturbé et on peut douter de son attribution au Néolithique étant donné la position des squelettes. Des ossements d’enfants sont signalés à plusieurs reprises ainsi qu’une sépulture complète dans le niveau du Néolithique final, au sud-est de la fouille Philippe, entre le bord du talus de craie et le bord du promontoire (donc à l’extérieur de l’enceinte). L’enfant était replié sur le côté droit, accompagné de poinçons en os, d’éléments lithiques, de plusieurs vases ainsi que d’une plaquette d’ambre60.
- 61 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43.
29Enfin, les fouilles Villes/Roussot-Laroque ont permis de mettre au jour des lots conséquents d’ossements humains, en particulier dans une couche appartenant à l’aménagement de la façade interne du talus de craie61. Les auteurs datent ces dépôts du Néolithique final, et évoquent la possibilité qu’ils soient de nature rituelle (manipulations ? cannibalisme ?). Ils pourraient également être liés à un niveau de destruction violente du site.
L’âge du Bronze
- 62 Verney & Mohen 1991.
- 63 Mohen & Bailloud 1987, 7.
30Cette période est représentée dans son ensemble au Fort-Harrouard, du Bronze ancien au Bronze final. Il n’y a pas de rupture entre l’occupation du Néolithique final et celle du Bronze ancien, d’autant que certains éléments attribués à l’Artenac II pourraient appartenir à un Bronze ancien. L’âge du Bronze est assurément la période la mieux appréhendée au Fort-Harrouard, en particulier par J.-P. Mohen qui en avait fait le cœur de son programme archéologique. À la lecture de ses travaux, on comprend d’emblée que ce qui l’intéressait était précisément la continuité de l’occupation depuis le Néolithique moyen jusqu’au Bronze final et surtout les modalités de la mise en place d’une production métallurgique soutenue. Dans un article de 1991, il insiste sur le fait que Fort-Harrouard est le site qui a livré le plus grand nombre de moules de l’âge du Bronze62. Et comme il l’indique dans l’introduction de son livre en 1987, le nouveau programme qu’il mettait en place en 1983 devait permettre de comprendre comment fonctionnait un habitat à vocation métallurgique à une époque qui était essentiellement connue en Europe à travers les dépôts et les tombes63. Mais entre 1983 et 1988, aucun des cinq nouveaux chantiers de fouille n’a recherché spécifiquement les structures de l’âge du Bronze. On peut s’étonner de cette stratégie. Aujourd’hui, si on suppose qu’il y a eu à l’âge du Bronze un rempart, des structures d’habitat et des ateliers métallurgiques, les données sur l’organisation interne de ce site font totalement défaut. Au cours du programme de fouilles dirigé par J.-P. Mohen, il semblerait que l’accent ait surtout été mis sur les activités artisanales et la typologie des mobiliers en bronze à partir de la collection rassemblée par l’abbé Philippe. Au moment de l’abandon du programme, ce sont surtout les analyses métallographiques des objets issus des “locus” fouillés anciennement qui ont été privilégiées et plusieurs thèses ont été soutenues sur le sujet à Paris VI-Jussieu.
- 64 Roussot-Larroque & Villes 1989, 38.
- 65 Mohen & Bailloud 1987, 33.
- 66 Philippe 1936, 280.
- 67 Philippe 1936, 282.
- 68 Mohen 1988b, 539.
- 69 Verney & Mohen 1991, 91.
31L’âge du Bronze ancien n’est pas distingué du Néolithique final, ni pour les structures, ni pour le mobilier qui est inclus dans Fort-Harrouard II. Les structures de l’âge du Bronze sont identifiées en tant que telles par les derniers fouilleurs dans la phase Fort-Harrouard III qui s’individualise plus nettement dans le Bronze moyen. C’est au cours de cette phase qu’apparaît l’activité métallurgique sur le site. Un plan synthétique publié par J. Roussot-Laroque et A. Villes64 met en évidence la concentration des structures de l’âge du Bronze lorsqu’ils superposent les plans des fouilles Philippe et ceux des fouilles du chantier 2 (fig. 27). Les structures de toutes les phases identifiées sur le site (Néolithique, âge du Bronze et du Fer) sont représentées sur ce plan et il est clair que celles qui sont attribuées au Bronze dominent largement. Elles semblent particulièrement concentrées dans la partie sud du promontoire et suivent nettement la courbe interne du talus de craie. Quant aux structures néolithiques, elles sont plutôt groupées près de l’interruption du rempart (porte ouest ?), à un endroit où les structures du Bronze semblent moins nombreuses. Les structures du Bronze moyen et final correspondent à de nombreux foyers qui sont morphologiquement similaires à ceux du Néolithique65 : ce sont des plateformes d’argile cuite dont les diamètres varient de 0,40 à 1,20 m. Certaines plateformes sont surélevées de 0,10 à 0,20 m par rapport à un sol d’occupation. Ces foyers sont généralement groupés et semblent avoir une vocation plutôt domestique. À proximité, on trouve fréquemment de petites fosses dont les parois sont recouvertes d’argile rubéfiée. Il peut s’agir d’anciens foyers transformés en structures de stockage ; l’abbé Philippe y a trouvé des grains de blé, des glands, du millet mais pas d’ossements animaux. Il existe également des fosses circulaires et quadrangulaires ; certaines sont de grandes dimensions comme la fosse appelée “maison des fondeurs” par l’abbé Philippe et dont les dimensions sont très inhabituelles, en particulier la profondeur indiquée de plus de 4 m (L=10,20 ; l = 3,60 ; p = 4,25 m)66. Mais il n’y a aucun détail sur la fonction de cette imposante structure, ni sur son comblement, à part la mention de végétaux conservés au fond, dont ces étranges feuilles de fougères “à peine décolorées”67. La métallurgie du Bronze semble s’imposer comme une activité régulière à partir du Bronze moyen et pendant tout le Bronze final. Pour J.‑P. Mohen, au BF I (Fort-Harrouard III) le site devient un centre métallurgique prospère et brillant et il se renforce davantage au BF IIb/IIIa (Fort-Harrouard IV). Mais l’activité métallurgique semble s’essouffler à la fin de cette période car le BF IIIb n’est pas représenté68. L’abbé Philippe avait déjà mis en évidence la présence des ateliers de bronziers avec la découverte de 166 locus ainsi que des maisons d’habitation reconnaissables grâce à leur foyer domestique conservé. L’activité métallurgique a été confirmée par les fouilles Mohen, notamment dans le chantier 1 où il a pu mettre en évidence l’abondance et la diversité des outils artisanaux (creusets, tuyères, moules, marteaux), les structures dédiées à la métallurgie (ateliers avec foyers) et les déchets artisanaux (scories, objets en cours de fabrication et lingots). Les moules trouvés à Fort-Harrouard indiquent que les objets en bronze fabriqués sur place sont principalement des armes (épées pistiliformes, pointes de lance) et des parures (bracelets, très nombreuses épingles) ce qui laisse penser que Fort-Harrouard était peut-être spécialisé dans ce type de production69. La fabrication des armes a pu devenir une spécialité des bronziers de Fort-Harrouard dans la seconde phase de production (BF IIb/IIIa).
Fig. 27. Plan synthétique des structures archéologiques découvertes sur les bordures internes sud et est de Fort-Harrouard (Roussot-Laroque & Villes 1989, 38).

32Quant à la physionomie du promontoire à l’âge du Bronze moyen et final, il est probable qu’elle ait changé depuis le Néolithique. Le talus de craie est toujours présent dans le paysage, mais les structures de l’âge du Bronze le surmontent par endroits comme la “maison des fondeurs” qui se trouve sur la pente externe du talus de craie. Les fouilles réalisées sur le talus de craie ne semblent pas montrer qu’une réfection du rempart ait été réalisée à l’âge du Bronze moyen ou final, après l’incendie de l’ensemble, en tous cas pas sous forme d’une recharge du talus. Le talus de craie étant en élévation aujourd’hui, il était sans doute bien conservé à l’âge du Bronze et pouvait encore jouer un rôle défensif, sinon faire office de barrage ou de clôture.
- 70 Mohen 1986a, 11.
33L’observation de la fortification de l’âge du Bronze était précisément l’objectif des fouilles engagées par J.-P Nicolardot (chantier 5) et exécutées au cours de deux campagnes, 1986 et 1987. Il ne s’agissait pas de réaliser une coupe de la fortification, mais un sondage positionné sur la pente interne. Dans les rapports de fouille, ce sondage est annoncé comme le préalable à une grande coupe, qui n’a toutefois jamais été réalisée. C’est peut-être la limite de propriété de l’État, localisée au sommet du talus, qui n’a pas permis d’étendre vers le nord cette fouille amorcée en 1986. C’est sans doute la raison pour laquelle les fouilleurs ont prolongé le sondage vers le sud l’année suivante (c’est-à-dire côté interne et non externe). En 1986, il s’agit d’une fouille en plan sur une surface de 30 m2, à laquelle sont ajoutés 30 m2 supplémentaires en 1987 (fig. 28, A et D). Dès 1986, J.-P. Nicolardot identifie une couche de craie qui apparaît à moins de 0,50 m de profondeur. Il ne le signale pas dans le rapport de fouille, mais sa description permet d’identifier formellement le talus de craie néolithique. Sur la pente interne, il découvre un “terrassement de pierres” qui perfore la craie par endroits (fig. 28-C). Cette structure comprend un parement de pierres calcaires orienté vers l’intérieur du promontoire. J.-P. Nicolardot le datait du Bronze final car il a trouvé du mobilier céramique et métallique “à son contact”70. Mais ce mobilier pourrait être postérieur à l’empierrement dont la datation reste incertaine. Dans la fouille en plan qu’il réalise en 1986 et 1987, J.‑P. Nicolardot isole plusieurs trous de poteau qui semblent appartenir à un habitat qui pourrait dater du Bronze final (faune et céramique abondants). Il découvre également dans les carrés B54 et 55 un dépôt d’objets du Bronze final, composé d’un poignard à languette et de plusieurs spirales en bronze appartenant à des parures (fig. 28-B).
Fig. 28. Relevés des fouilles de J.-P. Nicolardot sur le rempart nord de Fort-Harrouard.

Chantier 5, localisation des fouilles du rempart en 1986 et 1987, Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 21 ; B. Dépôt du Bronze final : poignard et spirales, Nicolardot in Mohen, dir. 1986a, 24 ; C. Dépôt et structures vues en plan, Nicolardot in Mohen, dir. 1986a, 20 ; D. Plan des sondages sur le rempart en 1986 et 1987, Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 20.
- 71 Mohen 1988a.
34L’exploration du chantier 5 est interrompue en 1987 et il n’y a plus aucun chapitre de la main de J.-P. Nicolardot dans le rapport suivant71 qui est le dernier écrit par J.‑P. Mohen sur Fort-Harrouard. Au cours des deux campagnes de sondage, les fouilleurs ont pu mettre en évidence que des structures d’habitat, et peut-être artisanales, ont été installées à l’âge du Bronze final sur la pente interne du talus nord. Mais il est impossible aujourd’hui d’avoir une vision claire sur la fortification nord de Fort-Harrouard, que ce soit sur son architecture ou sa chronologie. Le seul élément qui semble certain est la présence du talus de craie dans cette partie du site, la fortification datée du Néolithique final et/ou du début du Bronze ancien (fig. 29). Quant à la présence d’une fortification au Bronze moyen/final, à un moment où le site est en pleine activité, il n’y a actuellement aucune preuve qui permette d’affirmer aujourd’hui qu’elle a bien existé.
Fig. 29. Fort-Harrouard, coupe dans le chantier 5. Plan interprété d’après Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 22.

35Même s’il n’a pas été rechargé pour être réparé ou surélevé, on ne peut pas exclure un renforcement palissadé au sommet du talus de craie par exemple. On peine à imaginer un promontoire accueillant des ateliers métallurgiques et des artisans manipulant des matières premières et des objets très coûteux, sans que le promontoire ne soit protégé par un dispositif quelconque permettant de surveiller les entrées et les sorties. Mais dans l’état actuel des connaissances archéologiques, il est impossible d’affirmer qu’un rempart autre que le talus de craie a été construit à Fort-Harrouard. Tout au plus pouvons-nous imaginer que celui-ci était encore en état de fonctionnement au Bronze moyen et final, ou que des aménagements de renforcement (palissades, parapets, portes) ont pu être complétés au cours de l’âge du Bronze.
L’âge du Fer
36C’est probablement la phase la moins bien traitée à Fort-Harrouard. L’abbé Philippe ne lui avait pourtant pas accordé moins d’attention qu’aux autres phases, mais les fouilles Mohen ne l’ont clairement pas privilégiée. De ce fait, les données concernant l’occupation de l’âge du Fer doivent être recherchées dans les publications de l’abbé Philippe, et elles ont été très peu exploitées par ses successeurs.
- 72 Philippe 1936, 287.
- 73 Philippe 1936, 285.
- 74 Riquier 2008a, 220.
37L’abbé Philippe avait établi qu’il existait un hiatus entre le Bronze final et La Tène finale car aucun vestige du Premier âge du Fer, ni de La Tène ancienne et moyenne n’avaient été identifié, du moins dans les zones qu’il avait fouillées. Il en concluait que le site avait été abandonné pendant plusieurs siècles pour être réoccupé à La Tène finale. Il signale “23 fonds de cabanes, très disséminés au sud et à l’est, plus groupés au nord”72. Nous ne trouvons hélas aucun détail sur ces structures qui semblent correspondre plutôt à des fosses quadrangulaires (ateliers ?) qu’à des maisons d’habitation. Des couches brûlées sont mentionnées dans la plupart des “cabanes”, ce qui conduit à penser que le site a subi un incendie. Les mobiliers archéologiques découverts par l’abbé Philippe sont classiques dans les agglomérations de LT D : céramiques, amphores italiques, outils et armes en fer, parures en pâte de verre, fibules en bronze de type Nauheim et filiformes, monnaies (quart de statère, potins, bronzes frappés). Il faut également noter la relative abondance de la céramique peinte dans les fouilles Philippe73. Comme elle n’a jamais été analysée, on ignore si cette céramique a été fabriquée sur place ou s’il s’agit d’importations. Une piste est donnée par S. Riquier qui a étudié la céramique laténienne des Carnutes. Elle propose l’existence d’un atelier ayant produit des céramiques peintes, peut-être situé à proximité de Cenabum74.
- 75 Mohen & Bailloud 1987, 82.
38Meules et pesons indiquent la présence des activités artisanales habituelles dans les habitats de cette période. Aussi, une activité métallurgique n’est pas exclue comme le suggère la présence de scories, de marteaux et la mention de lingots75. Un gisement de fer est localisé à 5 km de Fort-Harrouard, entre Bois-le-Roi et Croth (Eure). Il est connu et intensément utilisé au Moyen Âge et à l’époque moderne, mais son exploitation n’est pas démontrée à l’âge du Fer. Quant au rempart, l’abbé Philippe pensait qu’il avait subi une réfection à La Tène finale, mais aucun indice archéologique ne peut confirmer cette hypothèse. Aujourd’hui, il n’est pas possible d’affirmer que le talus nord de Fort-Harrouard a connu une phase laténienne, transformant le promontoire en oppidum.
- 76 Fischer 1981.
- 77 Fischer 1981, 50.
- 78 Troubady 2011, 476.
39L’aspect le plus intéressant pour la fin de l’âge du Fer demeure la présence probable d’un atelier monétaire qui conférerait un rôle particulier à Fort-Harrouard au sein de la cité des Carnutes. Les monnaies issues des fouilles Philippe ont été étudiées par Brigitte Fischer76. Parmi les 133 pièces qu’elle a pu analyser, elle dénombre 3 monnaies d’or et 2 d’argent, les autres étant des bronzes frappés ou coulés. Les potins au sanglier sont les plus nombreux et l’auteur envisage leur fabrication locale, de même pour une série de “potins au loup” à la légende SNIA. Ces deux types de monnaies représentent les trois-quarts du corpus étudié par B. Fischer (76 potins sur 109). Malgré l’absence d’objets spécifiques prouvant la frappe monétaire, la découverte de scories de bronze, de lingots d’étain ou encore de creusets dans les fouilles Philippe indique bien une activité de bronzier77. La frappe monétaire sur place, en particulier de potins, serait attribuable d’après B. Fischer à une période située autour de la guerre des Gaules, donc à LT D1/D2. M. Troubady a repris l’étude de l’ensemble monétaire dans sa thèse et indique que certaines pièces de Fort-Harrouard sont des ratés de fabrication78. Son décompte précise que 61,6 % des monnaies proviennent du territoire carnute contre 17,3 % des civitates voisines (Sénons, Véliocasses, Ambiens, Rèmes) et 13,5 % de régions plus éloignées (Armorique, est de la Gaule). Si elle pouvait être confirmée, l’hypothèse d’un atelier monétaire des Carnutes à Fort-Harrouard remettrait en question la fonction et l’importance de ce site à La Tène finale, à peine entrevue à travers les fouilles anciennes et seulement par quelques vestiges d’habitat.
Le territoire de Fort-Harrouard et sa place dans la cité des Carnutes
- 79 Villes, éd. 1985.
40L’environnement archéologique de Fort-Harrouard est particulièrement riche pour la Protohistoire. De nombreuses découvertes ont été signalées pour les périodes du Néolithique et de la fin de l’âge du Fer, mais elles correspondent toutes à des mentions anciennes ou à des découvertes fortuites. Parmi les nombreux vestiges qui peuvent être cartographiés, aucune fouille ne peut être mentionnée, à part celle de Fort-Harrouard. Plusieurs dolmens, polissoirs et tumulus étaient connus à l’époque des fouilles de l’abbé Philippe, le chercheur ayant cartographié ceux dont il avait connaissance, en particulier dans la forêt de Dreux. Ces données ont été complétées au xxe s. par plusieurs prospecteurs aériens, particulièrement actifs dans le département d’Eure-et-Loir79.
41La carte des sites répertoriés dans le secteur de Fort-Harrouard montre une dispersion préférentielle dans la vallée de l’Eure et dans la forêt de Dreux qui se développe à l’est du promontoire (fig. 30). À partir de cette carte, on peut dégager deux cercles de concentration de sites : le premier signale les abords immédiats du promontoire de Fort-Harrouard dans un rayon d’1,5 km. Le second cercle montre une plus grande dispersion des vestiges, mais comme il s’agit du couvert forestier actuel, on peut supposer que cette carte est incomplète et que les gisements sont potentiellement plus nombreux.
Fig. 30. Le territoire de Fort-Harrouard (DAO S. Krausz d’après la carte des sites archéologiques de R. Dodin in Villes, dir. 1985, 84-85).

- 80 Dodin & Villes 1985, 87.
- 81 Duval & Verron 1993.
42Le premier cercle polarise des vestiges situés de part et d’autre de la vallée de l’Eure, aussi bien sur le plateau que dans la plaine alluviale. Ces vestiges sont attribuables au Néolithique et aux âges des métaux. Le promontoire et l’Eure se trouvent à peu près au centre de ce premier cercle ce qui indique que les deux rives de l’Eure sont comprises dans cet espace. Dans la vallée, on trouve deux dolmens qui appartiennent selon toute vraisemblance au Néolithique moyen. L’un est situé au sud du promontoire, rive droite de l’Eure, l’autre au nord, rive gauche. Ils peuvent être contemporains de la première occupation du promontoire mais ont pu être utilisés jusqu’au Néolithique final. À proximité immédiate du rempart nord de Fort-Harrouard, l’abbé Philippe avait signalé plusieurs tumulus, ils sont encore visibles aujourd’hui. Aucun d’entre eux n’a été réellement fouillé, mais l’un a été sondé par P. Dabat qui a découvert “des caissons internes de pierre sèches mais pas de preuve formelle de sépulture”80. Étant donnée la proximité de ces structures avec le promontoire, on peut supposer que certains d’entre eux ont pu contenir les tombes des habitants qui ont vécu à Fort-Harrouard aux âges du Bronze et/ou du Fer. De même, les cinq cercles repérés par photographie aérienne à l’ouest du promontoire révèlent une nécropole des âges des métaux à environ 1 km à vol d’oiseau de Fort-Harrouard. Située sur la commune de Marcilly-sur-Eure (Eure), cette nécropole comprend une tombe à char fouillée en sauvetage urgent en 1967 (La Croix du Breuil). Dans des conditions très difficiles et hâtives, les fouilleurs ont pu observer la présence d’un char probablement démonté, d’armes (une grande épée de La Tène finale, un umbo de bouclier), des ustensiles de cuisine et des outils (anse de chaudron ? anse de seau, rasoir)81. À ces objets métalliques, étaient associées des céramiques mais pas d’amphores. Cette tombe à char, datée du début de La Tène finale, révèle la présence d’un aristocrate gaulois enterré dans la vallée de l’Eure à environ 1 km du promontoire. Le premier cercle contient également une série d’enceintes repérées au sol grâce à la présence de talus peu élevés. Elles sont rectangulaires et leur grand côté mesure au moins 100 m. On remarque qu’elles ne sont pas orientées de la même manière et que leurs morphologies sont variables. R. Dodin signale des “tumulus longs” associés à ces enceintes. En l’absence de fouilles, on peut difficilement proposer une interprétation. La présence des tumulus dans le même secteur laisse penser que ces enceintes pourraient correspondre à des enclos funéraires plutôt qu’à des habitats ou à des structures agricoles.
- 82 Lardé, dir. 2013.
- 83 Dodin 1985, 83.
43Les données disponibles pour le second cercle ne concernent que la rive gauche de l’Eure correspondant à la grande boucle de la rivière au sommet de laquelle est situé le promontoire82. Les sites recensés dans cet espace concernent principalement des enceintes en terre repérées dans la forêt de Dreux et dans la vallée de l’Eure. Au sud de cette zone, une concentration de tumulus et de structures de l’âge du Fer est mentionnée à la confluence de l’Eure et de la Blaise83.
- 84 Brun 2011, 217.
44Malgré l’absence de fouilles dans l’environnement de Fort-Harrouard, la cartographie des vestiges permet de proposer quelques hypothèses. Le promontoire de Fort-Harrouard se trouve au milieu d’un espace qui couvre une surface de 7 à 8 km2 (rayon du cercle = 1,5 km environ) dans lequel les habitants du site ont installé leurs sépultures, des dolmens au Néolithique moyen/final puis des tumulus aux âges du Bronze et/ou du Fer. En poussant le raisonnement plus loin, on peut formuler l’hypothèse selon laquelle ce cercle correspondrait au territoire local de Fort-Harrouard, intégrant le promontoire et ses abords immédiats. La rivière se situerait au centre de cet espace, l’établissement contrôlant les flux dans les deux sens et sur les deux rives. Cet espace, restreint au plus près du promontoire, peut correspondre à un finage. P. Brun le définit comme “le plus petit territoire possible”, un terroir proche de l’habitat et réservé à des activités agropastorales84.
- 85 Mohen et al. 1989, 407.
- 86 Brun 2011, 218.
45À Fort-Harrouard, on remarquera que la localisation de l’habitat n’a pas changé au cours des différentes phases de la Protohistoire. Malgré des épisodes d’abandon, les communautés qui se sont succédé dans le temps ont systématiquement réinvesti le promontoire pour installer leur habitat. En revanche, les nécropoles et des tombes ostentatoires se sont largement déployées à l’intérieur du premier cercle entre le Néolithique et la fin de l’âge du Fer. Au-delà de celui-ci, un espace plus vaste de 8 km de rayon environ est décelable à l’ouest du promontoire, dans la boucle de l’Eure. Cet espace correspond à une zone favorable à l’agriculture dans laquelle des établissements agricoles, champs et prairies ont pu être aménagés au cours du temps. Il pouvait également concentrer des habitats périphériques, des tombes aristocratiques (tombe à char d’Anet et d’autres tumulus probables dans la vallée de la Blaise) ainsi que des exploitations agricoles à l’âge du Bronze et du Fer, à l’image de celles que l’on connaît dans la région de Nonant (Calvados). On sait que l’espace occupé aujourd’hui par la forêt de Dreux était beaucoup plus ouvert au cours de l’âge du Bronze. Ce sont en effet les études palynologiques de Dominique Marguerie qui ont montré ce fait à partir d’une colonne prélevée dans une tourbière à proximité de Fort-Harrouard. À partir de ces résultats, J.-P. Mohen propose l’hypothèse d’un déboisement qui pourrait avoir un lien avec les quantités croissantes de bois nécessaires pour les activités métallurgiques, à partir de l’âge du Bronze moyen et pendant le Bronze final85. Le second cercle, dont le rayon de 8 km doit être considéré comme un minimum en l’état actuel des connaissances, mériterait d’être étudié beaucoup plus en détail. En effet, de nombreux points restent obscurs dans l’environnement de Fort-Harrouard, en particulier la datation des nombreux enclos circulaires et quadrangulaires relevés dans la forêt de Dreux et sur ses marges. Par ailleurs, on ignore si le terroir exploité par les communautés habitant le promontoire se limitait à la rive est de l’Eure ou s’il s’étendait également de l’autre côté. Cette information est inconnue pour toutes les phases chronologiques, même si la tombe de Marcilly laisse penser qu’à l’âge du Fer, le territoire pouvait englober les deux rives. Enfin, on ignore si d’autres sites existaient au-delà de la forêt de Dreux, encore plus vers l’ouest, en particulier à LT D. Ces lacunes, trop nombreuses, ne permettent pas de trancher définitivement sur la détermination du territoire de Fort-Harrouard. Si le second cercle n’excède pas 8 km de rayon, cet espace pourrait correspondre seulement à une extension du finage ou alors à un petit territoire politiquement autonome. Dans ce cas, la surface demeure particulièrement restreinte et a peu de chances de correspondre à un territoire de type supra-local dont le rayon se situe en moyenne autour de 25 km selon P. Brun86.
- 87 Mohen et al. 1989, 407.
46Quant à la position géographique de Fort-Harrouard, de nombreux auteurs ont noté sa situation stratégique. Alors que ses fonctions ont changé au cours du temps, ce site a pu occuper une position clé au carrefour de plusieurs routes, fluviales et terrestres. Au Néolithique final, l’occupation ou la fréquentation du promontoire par les Artenaciens et l’abondance d’outils pressigniens laissent penser qu’il aurait pu jouer un rôle dans les réseaux de diffusion de cette matière première et/ou des outils sur grandes lames : ces produits pouvaient arriver par les vallées du bassin ligérien, Fort-Harrouard servant de relais vers le bassin de la Seine. À l’âge du Bronze, les contacts avec les îles britanniques et la Bretagne sont attestés par les analyses métallographiques réalisées sur 200 objets en bronze87. Au Bronze moyen et au Bronze final I, le minerai de cuivre est d’origine atlantique, provenant de Bretagne et des îles britanniques (minerai de cuivre chalcopyrite). Au Bronze final, les provenances se diversifient, les artisans de Fort-Harrouard utilisent du cuivre gris ou falherz au BF II et III : ces minerais peuvent provenir des îles britanniques, du Massif armoricain, du sud du Massif central ou avoir même une origine continentale, mais l’origine alpine est exclue. Ces échanges placent Fort-Harrouard au contact des complexes culturels nord-alpin et atlantique tout au long de l’âge du Bronze. Quant à son rôle à l’âge du Fer, on ne peut faire que des suppositions en l’absence de données suffisamment consistantes. Après un abandon total au Premier âge du Fer, un habitat s’installe à La Tène finale sur les ruines du Bronze final. Utilise-t-il les fortifications anciennes qui sont encore debout ? On l’ignore, mais aucun élément n’indique la présence d’un murus gallicus, là où le talus de craie néolithique affleure si près de la surface. De l’habitat de La Tène finale, on ignore presque tout, sauf qu’il s’implante dans le même lieu que les habitats antérieurs, au sommet du promontoire, profitant peut-être des mêmes avantages stratégiques terrestres et fluviaux. La présence toute proche de la tombe à char de Marcilly-sur-Eure atteste de l’existence d’une élite aristocratique qui devait se trouver à la tête de ce territoire et du promontoire de 7 ha qui en était le centre.
- 88 Riquier 2008a, 315.
- 89 Riquier 2008a, 315.
- 90 Joly & Gibut 2009, 318.
- 91 Joly & Gibut 2009, 325.
- 92 Riquier 2008a, 14.
- 93 Caes., BG., 6.13.
- 94 Riquier 2008a, 20.
- 95 Caes., BG, 7.11 :quod oppidum Cenabum pons fluminis Ligeris contingebat.
- 96 Riquier 2008a, 32.
- 97 Troubady 2011, 446.
47À La Tène finale, la cité des Carnutes comprend deux sites importants : Chartres/Autricum et Orléans/Cenabum auxquels on peut ajouter Saumeray (Eure-et-Loir). À 10 km de Châteaudun, Saumeray est une agglomération de plaine occupée depuis LT C2 jusqu’à LT D, sans trace d’enceinte. Sa surface pourrait atteindre 35 ha dont 20 ha ont été fouillés en préventif au fur et à mesure de l’avancement des carrières d’extraction en bordure du Loir. S. Riquier a montré qu’à LT D1, la civitas des Carnutes relevait de deux entités culturelles différentes : l’une au nord, l’autre au sud88 (fig. 31). Ces deux entités se distinguent par la culture matérielle, des faciès numismatiques et des rites funéraires différents. Aussi, les flux commerciaux qui desservent ces villes ne sont pas les mêmes : ils viennent de la vallée de la Seine pour le pôle de Chartres, de la vallée de la Loire pour celui d’Orléans. Cette “bipolarisation” du territoire carnute existerait depuis le iie s. a.C. et pourrait être à l’origine de la division de la civitas en deux parties à la fin du iiie/début ive s. p.C. : à cette époque, Chartres est le chef-lieu de la civitas Carnutum et Orléans celui de la civitas Aurelianorum89. Du fait de ces péripéties et de l’absence de mention précise de la part de César, on ignore laquelle de ces deux villes était la capitale des Carnutes à la fin de l’âge du Fer. Peut-être n’y en avait-il pas qu’une, mais plutôt deux pôles se partageant les fonctions politiques et religieuses au sein de la civitas. En effet, à Chartres, si on connaît une nécropole à enclos de LT D (boulevard Chasles et Pasteur/Cinéma, fouilles inédites) et de nombreuses découvertes monétaires, l’habitat laténien n’est en revanche pas connu90. Un grand fossé, repéré à plusieurs endroits autour de Chartres, a pu enclore un oppidum de 240 ha. Cette vaste structure (20 m de large pour 6 m de profondeur) est attribuée à un rempart massif par D. Joly et L. Gibut. Bien que séduisante, cette hypothèse n’est confirmée actuellement par aucun élément de datation relevant de LT D91. En revanche, le vaste sanctuaire urbain antique découvert par H. Sellès en contrebas de la ville actuelle (sanctuaire de Saint-Martin : 316 m de longueur) affirme la fonction religieuse ou politico-religieuse de Chartres92. Ce grand sanctuaire pourrait avoir un lien avec le locus consacretus que César place chez des Carnutes, lieu des réunions annuelles de druides93. L’occupation laténienne d’Orléans est mieux connue, révélée essentiellement à la fin des années 1990 par une série de fouilles urbaines préventives, réalisées en bord de Loire. L’agglomération s’est installée en rive droite du fleuve, la rive gauche étant inondable94. On accédait à l’oppidum par un pont dont les vestiges ont été datés par dendrochronologie du début du ier s. a.C. Celui-ci pourrait correspondre au pont évoqué par César95. Aucun vestige de la fortification de cet oppidum n’a été découvert jusqu’à présent, mais il est très probable que cette agglomération a été fortifiée, au moins à LT D1, à l’aide d’un rempart de barrage au nord (un murus gallicus ou un autre type de rempart), le sud de la ville étant naturellement protégé par la Loire. L’occupation débute à LTC1, se développe rapidement à LT C2 puis continue à LT D. Un espace funéraire et des îlots d’habitats séparés par des rues sont connus, révélant une agglomération laténienne urbaine de type oppidum de plaine. Un autre quartier est interprété comme un espace communautaire (fossés et amphores brisées volontairement) qui pourrait s’apparenter à celui du Titelberg96. L’artisanat est diversifié et la métallurgie du fer et du bronze est attestée. Des flans non frappés témoignent de l’existence d’un atelier monétaire vers -60 à Orléans, émettant probablement des monnaies des séries à l’aigle97. S. Riquier a fait remarquer qu’avant la conquête, l’oppidum d’Orléans ne redistribuait pas les nombreuses importations qu’il recevait. En effet, les produits livrés à Cenabum étaient consommés sur place car on ne les retrouve pas dans les établissements ruraux de sa périphérie. Cenabum semble fonctionner de manière indépendante, sans être un centre distributeur de produits importés. L’émission de monnaies à Orléans dès LT C2 est un argument qui atteste de sa fonction politique dans la civitas. De même, d’autres centres émettent leur propre monnaie, comme Chartres, et peut-être Fort-Harrouard et Saumeray. La spécificité des espèces tend à montrer que ces centres étaient indépendants les uns des autres, peut-être des chefs-lieux de pagus.
Fig. 31. Aperçu des entités culturelles gauloises et de leurs influences (flèches) au sein du territoire carnute au ier s. a.C. sur fond de carte de la division de la cité de la fin du iiie s. p.C. (cartographie : S. Linguer-Riquier, in Linger-Riquier & Troubady 2014, 42).

- 98 Contrairement à Fort-Harrouard, Meunet-Planches et Luant (Indre) possèdent un murus gallicus édif (...)
- 99 Gruel 1995a ; Gruel 1995b ; Gruel & Haselgrove 2006.
48L’émission monétaire constitue le seul argument permettant d’entrevoir une fonction spécifique pour Fort-Harrouard à LT D. En effet, nous avons vu qu’il ne fallait pas compter sur les rares vestiges l’habitat de cette phase, et il faut insister sur l’absence d’un rempart caractéristique de la fin de l’âge du Fer. Il n’y a aucune piste sérieuse pour attester que Fort-Harrouard a été un oppidum à LT D, encore moins une agglomération urbaine. Le sommet du promontoire a pourtant accueilli une occupation, un habitat ou un village abritant quelques artisans. On ignore si celui-ci était protégé, mais pour le moment, aucune trace de murus gallicus ni de rempart massif n’a été détectée sur ce site. Il n’est cependant pas exclu que le rempart néolithique ait pu encore, à cette époque, jouer un rôle de défense ou de clôture. À l’image des petites enceintes laténiennes du Berry, comme Meunet-Planches ou Luant98 (Indre), Fort-Harrouard a pu être le siège d’une résidence aristocratique. Cette hypothèse serait confortée par la présence de la tombe à char de Marcilly, installée tout près du promontoire. À l’extrémité nord de la cité des Carnutes, la position stratégique de Fort-Harrouard a pu favoriser une fonction de surveillance de la frontière, le contrôle d’un probable port et des flux commerciaux sur l’Eure. La présence d’un atelier monétaire des Carnutes, administré par un aristocrate ou un magistrat représentant le pouvoir de la civitas, pourrait révéler la gestion d’un pagus de limite de cité. K. Gruel et C. Haselgrove ont proposé une série d’hypothèses au sujet de la fonction de la monnaie de potin qui va bien dans ce sens : dans certains cas cette monnaie a pu être émise par des prêtres et réservée à l’activité propre aux sanctuaires ; dans d’autres, elle a pu être frappée par des aristocrates pour un usage restreint et réservé à leur clientèle99. Fort-Harrouard pourrait correspondre au second cas, celui d’une petite entité politique, pagus ou fraction de pagus, située sur la frontière nord des Carnutes. Réactivé à LT D après une longue phase d’interruption, Fort-Harrouard a pu réguler des flux de marchandises en provenance de la vallée de la Seine et de l’ouest de la Gaule. Les données archéologiques sont insuffisantes pour connaître plus précisément son activité, sa place dans la cité des Carnutes ou encore la taille de son territoire ou de sa zone d’influence. Pour le moment, sa configuration évoque un point de rupture de charge probable, capable de ravitailler par exemple l’oppidum de Chartres situé à moins de 50 km vers le sud.
Sublaines (Indre-et-Loire)
- 100 Bailloud et al. 1965.
49Les découvertes archéologiques étonnantes et exceptionnelles qui se sont accumulées entre le xixe s. et 2013 font de Sublaines un objet d’étude diachronique incontournable en région Centre (fig. 22). La célébrité de Sublaines est d’abord liée à la nécropole tumulaire des Danges qui contient deux énormes tertres et dont le “petit tumulus” a livré en 1962 un vase exceptionnel à décor de lamelles d’étain daté du Bronze final. Mais Sublaines est également bien connu des néolithiciens car c’est un site éponyme : la pointe de flèche ou armature de type Sublaines et sa retouche particulière ont été définies par Michel Dauvois en 1965100. Plus récemment, en 2005, à environ 5 km à vol d’oiseau des Danges, une très grande fouille préventive a été réalisée dans le cadre des travaux autoroutiers de l’A85, sur une surface de près de 20 ha. Elle a révélé plusieurs habitats et nécropoles dont la chronologie s’étend du Néolithique ancien à l’époque romaine. La qualité et la quantité de sites archéologiques sur la commune de Sublaines permettent d’envisager l’existence d’un territoire, régulièrement investi entre le Néolithique ancien et l’âge du Fer, dans lequel les occupations se sont succédé pendant près de 5000 ans.
50La commune de Sublaines est localisée en Champeigne tourangelle, une région naturelle de 28 000 ha dont le nom évoque une grande plaine cultivée au sous-sol calcaire. La Champeigne s’étend sur un plateau calcaire au relief peu accentué. Elle s’inscrit principalement entre les rivières de l’Indre et du Cher (fig. 32), avec une extension au sud de la vallée de l’Indre, jusqu’à l’Echandon. Les formations lacustres de Touraine affleurent (calcaires et marnes du Ludien) et sont recouvertes par endroits par des poches de limons des plateaux ou de sables et graviers continentaux post-helvétiens. Les sols sont naturellement fertiles et l’exploitation agricole actuelle est spécifiquement céréalière. Aujourd’hui, la Champeigne offre un paysage d’openfield où l’élevage a disparu au cours de la décennie 1970/80.
51Sur le plan topographique, le bourg actuel de Sublaines se trouve dans l’interfluve, à mi-distance entre la vallée du Cher au nord et celle de l’Indre au sud, soit une distance d’environ 7 km à vol d’oiseau de chacune des rivières. Des sites protohistoriques sont connus dans toute la commune de Sublaines et quelques-uns dans les communes limitrophes. Il faut noter qu’aucun site important n’est localisé dans les vallées, que ce soit la grande enceinte néolithique, les habitats et les nécropoles des âges des métaux. Tous sont au contraire installés sur le plateau calcaire de Champeigne. Au nord-ouest de la commune, au lieu-dit Bois Gaulpied, se trouve l’un des points les plus élevés du plateau (102 m NGF) ; il ne s’agit pas d’un promontoire mais c’est sur ce point haut qu’a été construite la vaste enceinte néolithique découverte en 2005. Les tumulus des Danges sont situés à environ 5 km à vol d’oiseau vers le sud-ouest, sur l’autre point élevé de la commune (105 m NGF). On ne connaît pas de site de hauteur dans les environs immédiats, ni aucun promontoire qui aurait pu accueillir un habitat fortifié. Le promontoire le plus proche se trouve à 18 km au nord dans le val de Loire et accueille l’oppidum d’Amboise.
Historique des recherches
- 101 Cordier 1975.
- 102 Brabant & Cordier 1972.
- 103 Frénée, dir. 2008.
- 104 Lardé, dir. 2013.
52Le site de Sublaines est connu dès le xixe s., grâce à de nombreuses découvertes, soigneusement rassemblées par les membres de la Société Archéologique de Touraine. Ces indices ont été inventoriés et étudiés dès le début des années 1960 par Gérard Cordier. Membre de la Société Préhistorique Française depuis 1942, ce chercheur tourangeau (1924-2014) est entré au CNRS en 1966 comme spécialiste de l’âge du Bronze. Son impressionnante bibliographie, qui couvre toutes les périodes du Paléolithique au Moyen Âge, le désigne sans aucun doute comme l’un des derniers grands savants de la région Centre. G. Cordier est un homme de terrain qui a réalisé de nombreuses prospections et fouilles en Touraine. Il a également écrit plusieurs synthèses, dont la première, en 1963 sur les mégalithes de Touraine, révisée par lui-même en 1984. Il débute la fouille des tumulus des Danges à partir de 1962 et c’est dans le “petit tumulus” qu’il découvre le célèbre vase décoré de peintures et de lamelles d’étain, aujourd’hui conservé au MAN101. Puis, à partir de 1964, il engage la fouille du “grand tumulus”. Cette même année, la fouille de la nécropole est interrompue et G. Cordier se consacrera l’année suivante à l’exploration du dolmen de Villaine à Sublaines qu’il achèvera en 1966102. Il reprendra ensuite brièvement la fouille des tumulus en 1968 ou 1969 puis arrêtera définitivement. Il faudra attendre plus de 30 ans pour compléter les connaissances archéologiques à Sublaines. En effet, à partir de 2003, le projet de l’autoroute A85 (Vierzon-Tours) détruira plusieurs dizaines d’hectares à l’extrémité nord de cette commune, en limite de Bléré. Les prospections mécaniques systématiques permettront la découverte de plusieurs sites protohistoriques totalement inédits dont une grande enceinte néolithique, des habitats et des nécropoles qui appartiennent à différentes périodes du Néolithique ancien à l’époque romaine. Un énorme chantier de fouilles de 20 ha est confié à Éric Frénée début 2005103 (fig. 33). Après la mise en service de l’autoroute en 2006, le dynamisme économique de ce secteur de Touraine, peu éloigné de Tours, donne lieu à de nouvelles fouilles, en particulier dans des ZAC qui sont progressivement installées entre l’A85 et Bléré. À Sublaines, les fouilles les plus récentes ont été réalisées par Sophie Lardé dans une ZAC située immédiatement au nord de l’A85 et à quelques dizaines de mètres du chantier d’E. Frénée. Ces fouilles ont révélé un village du Néolithique ancien comprenant des maisons danubiennes104.
Sublaines au Néolithique
Néolithique ancien
- 105 Lardé, dir. 2013, 67.
- 106 Demoule, éd. 2007.
- 107 Lardé, dir. 2013, 106.
- 108 Cordier 1950.
- 109 Cordier 1954.
- 110 Cordier 1975, 607.
- 111 Cordier 1975.
- 112 Cordier 1975, 619.
53C’est le site archéologique le plus récemment découvert à Sublaines qui donne aujourd’hui l’ancrage le plus ancien dans la chronologie. En effet, la fouille préventive réalisée au cours de l’été 2012 par S. Lardé dans le cadre de l’aménagement de la ZAC de la communauté de communes Bléré-Val de Cher, a permis de mettre au jour plusieurs maisons danubiennes. Elles appartiennent à un village qui se développe probablement en grande partie hors emprise de la fouille et qui est aujourd’hui préservé (fig. 34, n° 27). Les bâtiments fouillés sont tous parallèles et orientés ouest-nord-ouest/est-sud-est. Le mieux conservé est le bâtiment 1 qui mesure 30 à 36 m de long pour 5 à 6 m de large, caractéristique des maisons danubiennes avec ses poteaux en tierces105. Le mobilier collecté permet de proposer une datation du Néolithique ancien et une attribution à la culture de Blicquy-VSG. Deux foyers ont été localisés dans la partie sud de la maison 1 et des fosses latérales ont livré un abondant mobilier, céramique, lithique, torchis et ocre. La présence de nombreux fragments de bracelets de schiste laisse supposer l’existence d’un atelier de taille, hypothèse soutenue par la découverte d’un grand nombre de perçoirs et de pièces appointées. Entre les bâtiments, des fosses contiennent du mobilier céramique et lithique du Néolithique ancien. L’un des poteaux de tierce a livré du charbon qui a pu être daté par radiocarbone : une seule date a été obtenue et donne 6260 ± 40 BP (probabilité située autour de 5300-5210 a.C.). Cette date est un peu plus ancienne que les références conventionnelles données pour le Néolithique ancien106, mais selon S. Lardé il est possible que l’arbre qui a servi pour tailler ce poteau était âgé de plusieurs siècles et en remploi (effet vieux bois ?). L’approvisionnement en silex est majoritairement local, mais on trouve aussi des matières exogènes comme du silex du Grand-Pressigny et du silex tertiaire du Bassin parisien qui ont été utilisés pour un débitage laminaire bien caractéristique du VSG. Pour S. Lardé, l’assemblage lithique serait à placer chronologiquement en début de période107. Ce village danubien est le seul indice d’une occupation du Néolithique ancien à Sublaines. Il faut toutefois mentionner la découverte d’un bracelet en schiste complet près des tumulus des Danges à Sublaines vers 1875108. La localisation exacte de cette découverte ancienne ne peut pas être assurée, et d’après l’auteur, elle proviendrait de la zone des tumulus. En 1950, G. Cordier ne savait pas à quelle période attribuer cet anneau. Il penchait pour le Chalcolithique ou l’âge du Bronze et le mettait en relation avec les tumulus dont la chronologie n’était pas encore connue à cette époque. Dans une note complémentaire de 1954109, il indique l’origine géologique de la pièce qui serait “un gneiss à amphibole ou une pyroxénite” et il cite des comparaisons de bracelets en pierre néolithiques mais ne remet pas en question la datation qu’il avait donnée en 1950. Enfin, en 1975, dans la publication monographique de la fouille du grand tumulus de Sublaines, il attribue ce bracelet au Premier âge du Fer110. Un petit fragment provenant d’un autre bracelet en pierre a été découvert par G. Cordier, en surface, près du tumulus, au cours des fouilles des années 1960111. Il est évident aujourd’hui que ces bracelets appartiennent bien au Néolithique et non à l’âge du Fer. Leur présence dans le tumulus hallstattien (ou à proximité) est plutôt à mettre sur le compte d’une occupation néolithique dans le secteur des Danges. La présence de mobilier résiduel est d’ailleurs confirmée par la découverte de très nombreux outils, pointes de flèches et éclats lithiques issus des fouilles des tumulus112.
Fig. 34. Vestiges néolithiques de Sublaines (Indre-et-Loire), carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1.

54Quoi qu’il en soit, le village danubien de Sublaines révèle que les premiers agriculteurs de Touraine ont défriché la Champeigne très tôt, aux alentours de 5000 a.C. La communauté de Sublaines constitue désormais le point le plus éloigné vers le sud-ouest du cadre de l’expansion de la culture VSG. La construction de ce village, vraisemblablement dès la phase ancienne de cette période, révèle la bonne connaissance des potentialités agricoles de la Champeigne par les Néolithiques, un plateau qui était probablement couvert auparavant par la forêt primaire. S’ils ont choisi ce lieu pour cultiver la terre, la situation géographique de cette partie de la Champeigne leur permettait également de profiter des voies de communication naturelles par l’intermédiaire des vallées de l’Indre et du Cher, vers la Loire puis vers l’Atlantique. Ce village correspond à une implantation pérenne des premiers agriculteurs néolithiques qui se poursuivra sans rupture au Néolithique moyen.
Du Néolithique moyen au Néolithique final
- 113 D’après Jean-Mary Couderc, page internet sur les toponymes Saint-Martin : http://archive.is/mpnXP
- 114 Cordier 1972, 32.
55Cette période est connue à Sublaines par différents types de vestiges : il y a d’une part une série de mégalithes répertoriés anciennement, d’autre part une enceinte et des tombes fouillées par E. Frénée en 2005 sur l’A85 (Le Bois Gaulpied/Le Grand Ormeau). Les mégalithes comprennent des dolmens et des menhirs, certains sont encore debout, d’autres ont disparu. Plusieurs lieux de la commune sont liés à des légendes anciennes comme la Pierre du Pas de la Mule de Saint-Martin au nord de l’Étang de Villaine (fig. 34, n° 2). D’après J.-M. Couderc, il y avait une pierre, cassée suite à l’élargissement de la route. À la fin du xixe s., on déposait sur cette pierre des monnaies pour lutter contre la stérilité et des processions se déroulaient à cet endroit113. Cette pierre pouvait correspondre à un polissoir ou à un mégalithe peu éloigné de l’enceinte du Bois Gaulpied. La concentration de monuments relevée par G. Cordier114 autour de Sublaines est remarquable : 8 dolmens et 4 menhirs. Elle révélait déjà une implantation stable sur le plateau au Néolithique moyen, avant la découverte de la grande enceinte en 2005. Les quatre polissoirs fixes, répertoriés dans les environs de Sublaines, pourraient appartenir à cette période mais ces outils sont difficiles à dater et il est plus raisonnable de les attribuer plus largement au Néolithique.
Le monument mégalithique de Villaine
- 115 Cordier 1972, 37.
- 116 Cordier 1972, 43.
- 117 Cordier 1972, 78.
- 118 Salanova et al. 2011, 82.
- 119 Hamon 1997.
- 120 Augereau et al. 2007, 172.
- 121 Selon T. Hamon, communication personnelle.
- 122 T. Hamon, communication personnelle.
56Au nord de la commune de Sublaines et à proximité du hameau de Villaine, le dolmen est localisé à environ 2 km à vol d’oiseau au sud-est de l’enceinte du Bois Gaulpied. Ce monument a été fouillé par G. Cordier de 1964 à 1966 et publié en 1972. Il avait été signalé en 1894 par L. Bourez qui avait pu observer une dalle presque ronde de 3 m de diamètre au niveau du sol (fig. 35). Une cavité était visible en-dessous révélant pour lui une crypte plutôt qu’un dolmen. Au moment où G. Cordier commence la fouille en 1964, le monument n’est plus visible et la grande dalle a disparu, détruite à l’explosif en 1907. Les fouilleurs ont retrouvé un fragment de la dalle de couverture, épais de 0,80 m, seul vestige du dynamitage. Si cette destruction a perturbé une partie du monument, la fouille a permis de mettre en évidence des niveaux stratigraphiques en place à l’intérieur de la chambre unique. Elle contenait d’abondants restes humains, de la céramique et des silex néolithiques. La présence de mobilier de l’âge du Bronze à l’extérieur du monument montre que son utilisation a perduré bien au-delà du Néolithique. En effet, la découverte de plus de 200 tombes mérovingiennes autour du monument mégalithique révèle une réutilisation du lieu comme nécropole plusieurs millénaires plus tard. La chambre funéraire est sub-circulaire, délimitée par des orthostats soigneusement disposés et jointifs (fig. 36). À l’extérieur de la chambre, trois orthostats indiquent la présence d’une enceinte mégalithique qui devait mesurer 5 m de diamètre d’après les estimations de G. Cordier. Elle a été aménagée dans un fossé annulaire peu profond d’1,20 m de large115. Elle pourrait correspondre à un peristalithe ou à un cercle de pierres dressées délimitant la base du tumulus qui devait recouvrir la chambre. Mais d’après les descriptions anciennes et récentes, aucune trace de ce tumulus n’est mentionnée. Les roches ayant servi à la construction mégalithique sont locales, calcaire lacustre et meulière. Le fond de la chambre sépulcrale, totalement dallé, a été atteint à environ 1,20 m de profondeur depuis la surface. La chambre a été vandalisée en 1947 et une partie de son contenu a été répandu à l’extérieur. G. Cordier a pu reconstituer la provenance du mobilier déplacé, issu des niveaux supérieurs de la chambre et plutôt de sa moitié nord-est. Le mobilier néolithique a été retrouvé majoritairement à l’intérieur de la chambre (275 pièces lithiques à l’intérieur et 18 à l’extérieur116). Le silex est local à l’exception de quelques pièces pressigniennes (grandes lames et poignard) et de roches métamorphiques qui ont été utilisées pour confectionner une hache polie et des pendentifs. On note la présence à l’intérieur de la chambre de 21 flèches tranchantes de type Sublaines. Le reste du mobilier est très varié et comprend des galets, 9 pièces en os et bois de cerf, des parures (dents percées, perles en calcaire, en os, en coquillages provenant de l’Atlantique et des faluns de Touraine). Les vases en céramique ont beaucoup souffert du dynamitage et ont été fragmentés et très abîmés. À partir d’un millier de tessons, G. Cordier a pu reconstituer une quinzaine de “pots de fleurs” ayant appartenu aux dépôts funéraires. Les restes humains sont particulièrement nombreux, encore en place ou peu perturbés dans la partie sud-ouest de la chambre, la plus profonde. Le fouilleur a noté quelques cas de connexion anatomique, en particulier des vertèbres, mais de nombreux ossements étaient dispersés et déconnectés à l’intérieur de la chambre. Quelques pièces ont pu être appariées avec des parties dispersées à l’extérieur lors du dernier épisode de vandalisme. Le dénombrement a montré que 100 adultes et 40 enfants avaient été rassemblés dans une chambre dont le volume ne dépassait pas 5 m3, un trop petit espace pour autant de corps117. Le caractère partiel des squelettes humains ne peut pas s’expliquer uniquement par les perturbations du xxe s. Il est plus probable que des corps incomplets ont été introduits à l’intérieur de la chambre et on ne peut pas exclure que les plus anciens ont été manipulés et réduits. Cette hypothèse est confortée par l’accumulation de calottes crâniennes rassemblées en un point de la chambre, sur le dallage. G. Cordier signale également des restes d’incinération, les comparant à des cas connus en région Centre (Éteauville à Lutz-en-Dunois en Eure-et-Loir, Villerable en Loir-et-Cher) ou encore en Île-de-France. Sur le plan culturel, G. Cordier attribuait en 1972 le mobilier (pots de fleurs, armatures type Sublaines, pendentif arciforme) du dolmen Villaine à la “Civilisation Seine-Oise-Marne”. La révision récente de la chronologie et des groupes culturels dans la moitié nord de la France118 permet de classer désormais Villaine à la seconde étape du Néolithique Récent (3350-3000 a.C.) et sur le plan culturel dans la sphère d’influence du groupe du Montet défini par T. Hamon en 1999. La présence de débitage pressignien en contexte Néolithique Récent 2 est attestée dans l’habitat du Montet119, dans les sépultures de Sublaines et du Bec-des-Deux-Eaux à Ports-sur-Vienne (Indre-et-Loire). Ces deux tombes sont assez proches du Grand-Pressigny, et les poignards qu’elles contiennent sont des modèles anciens en silex turonien qui préfigurent la production sur livre de beurre caractéristique du Néolithique final120. Si le Néolithique Récent est bien la période principale d’utilisation du monument de Villaine, il existe probablement dès le Néolithique moyen II. En effet, une partie des parures appartient probablement à cette phase et le tesson décoré de triangles emplis de points attribué à l’Artenac par G. Cordier pourrait être un petit fragment de vase-support chasséen121. Le monument de Villaine continue à être utilisé au Néolithique final, comme en témoignent les vases à quatre languettes et la scie à encoches en silex pressignien122.
- 123 Cordier 1972, 67.
57Pour G. Cordier, le monument de Villaine ne peut pas être classé parmi les dolmens classiques car il appartient à un type intermédiaire entre “les ossuaires enterrés du Bassin parisien et les tombes mégalithiques sous tumulus de la Vienne-Charente”123. Une série de monuments de ce type, mégalithique comme à Sublaines ou semi-mégalithique, est connue en région Centre au Néolithique récent et peut-être ont-ils été utilisés jusqu’au Néolithique final (Éteauville, Eure-et-Loir ; Villérable ; Bec-des-Deux-Eaux…). Certains sont dallés et comportent plusieurs niveaux de dallages, séparant plusieurs strates d’ossements, comme au Bec-des-Deux-Eaux, dont une couche du Néolithique moyen est surmontée d’une autre du Néolithique récent. Le dallage de la chambre de Villaine n’a pas été déposé et on ignore ce qu’il y a en-dessous : repose-t-il sur le substrat ou sur une couche plus ancienne d’ossements ? Villaine est un monument mégalithique original et singulier, témoignant de pratiques funéraires et rituelles complexes, puisant leur origine dans le Néolithique moyen et se poursuivant au Néolithique récent et final.
Enceinte et tombes du Bois Gaulpied
- 124 Frénée, dir. 2008.
- 125 Frénée et al. 2014, 92.
- 126 Aubier et al. 2008, 67.
- 127 Datations radiocarbone (Frénée et al. 2008, 76) : Ly-13245 : 5825 BP ± 75, calibrée 4895-4465 a.C (...)
- 128 Frénée 2008a, 75.
- 129 Frénée et al. 2014, 96.
- 130 Frénée & Irribarria 2011, 56.
- 131 Frénée, dir. 2008, 80.
58L’enceinte du Bois Gaulpied été découverte en 2005 au cours de la fouille préventive préalable à la construction de l’autoroute A85 (fig. 37). Seule la partie sud de l’enceinte a pu être mise en évidence au sein de l’emprise autoroutière et l’espace intérieur n’a été que très peu concerné par l’aménagement124. L’enceinte est formée par un double alignement de trous de poteau (620 trous de poteau fouillés), installé sur le point topographique le plus élevé du secteur, sur la courbe de niveau des 100 m. Le tronçon mis au jour, suivi sur une longueur totale de 600 m, comprend une partie rectiligne orientée nord-ouest/sud-est et un angle large et arrondi au sud-est. Le côté sud n’est pas rectiligne, mais légèrement sinueux, suggérant la juxtaposition de tronçons segmentés125. Au moins quatre interruptions, dont deux situées dans le tiers ouest de la partie fouillée, peuvent correspondre à des entrées dans l’enceinte. S’il paraît évident aujourd’hui que l’enceinte se poursuit au nord de l’A85, aucun indice archéologique n’est visible au sol dans le Bois Gaulpied. De ce fait, il est difficile d’évaluer sa surface et E. Frénée a formulé plusieurs hypothèses qui la situerait entre 7 et 15 ha126. Sa situation topographique indique qu’elle englobait très probablement l’intégralité du relief, suivant un tracé ovale ou elliptique. Elle couvrirait ainsi une surface d’au moins 10 ha. Trois dates radiocarbones, établies à partir de charbons recueillis dans les trous de poteau, livrent des valeurs anciennes, convergeant dans la première moitié du Ve millénaire, désignant soit la fin du Néolithique ancien ou le début du Néolithique moyen I127. Cette enceinte serait ainsi la plus ancienne construction monumentale de la région Centre. Un grand vase à provisions presque complet, recueilli dans un trou de poteau de l’enceinte, a été attribué par R. Irribarria au Néolithique moyen, avec une forte probabilité qu’il appartienne au groupe de Chambon128 (milieu du Ve millénaire). Il révèle une utilisation longue de cette enceinte jusqu’à la transition Néolithique moyen I/ Néolithique moyen II (voire au début du Néolithique moyen II). La principale discussion porte sur l’architecture de cette enceinte qui ne trouve actuellement pas de comparaison sérieuse, ni dans le Néolithique moyen, ni même dans la phase suivante au cours de laquelle les équipements défensifs se développent et se diversifient en Europe. En effet, les enceintes connues au Néolithique ancien et moyen sont généralement formées de fossés interrompus, doublés ou non d’une palissade. E. Frénée a établi que les deux lignes de poteaux avaient fonctionné de manière contemporaine car elles ne se croisent ni ne se superposent à aucun endroit du tracé mis au jour, mais il note que les poteaux des deux lignes ne sont pas en face les uns des autres. L’auteur propose finalement plusieurs hypothèses129 : une simple palissade (une ligne de poteaux qui aurait été renforcée par une autre dans un second temps) ; une double palissade dès le début de la construction, dont la ligne interne soutiendrait une sorte de coursive130. C’est cette dernière hypothèse qu’il privilégie en s’inspirant du plan de Rams Hill en Angleterre, un rempart qui a fonctionné entre le Néolithique et l’époque romaine. L’enceinte de Sublaines mesure environ 1,5 km131 et l’auteur a estimé que sa construction a représenté la coupe d’un minimum de 600 troncs prélevés dans 2 à 3 ha de forêt. La question de la fonction de cette enceinte reste entière car aucun vestige contemporain n’a été découvert dans l’espace interne. La surface fouillée à l’intérieur représente environ 1,2 ha, sur 500 m de long et 10 à 45 m de large dans l’emprise de l’autoroute, un échantillon insuffisant pour se faire une idée d’une enceinte de 10 ha.
Fig. 37. Sublaines, Le Grand Ormeau/Le Bois Gaulpied, plans des vestiges archéologiques du Néolithique (DAO E. Frénée).

- 132 L’ensemble funéraire néolithique a été étudié par E. Sagétat, M. Texier et P. Chambon (in Frénée, (...)
- 133 Texier 2008a, 98.
- 134 Chambon 2008, 126.
- 135 Irribarria 2008, 115.
- 136 Irribarria 2008, 128.
59À 300 m au sud-est de l’enceinte, en limite sud de l’emprise de la fouille, un petit ensemble du Néolithique moyen a été découvert132. Couvrant une surface de 1200 m2, il est composé de 13 fosses dont trois contiennent des inhumations. Six fosses, sans squelette humain, contiennent des gobelets retournés sur le fond, dans certains cas situés dans une moitié, dans d’autres au centre de la structure. L’une des fosses (F.1012) contenait une lame en silex insérée à l’intérieur d’une moule d’eau douce placée sous le vase retourné. Les structures sont assez arasées, laissant supposer que d’autres, moins profondément ancrées dans le substrat ont pu disparaître et que ce secteur était plus dense que ce que nous percevons aujourd’hui. Au moins quatre sépultures sont supposées mais seules trois d’entre elles contenaient des squelettes humains. La quatrième fosse a en effet fourni un vase et des vestiges osseux dont l’origine humaine n’a toutefois pas été démontrée avec certitude133. Dans deux cas, les anthropologues ont pu restituer la position originelle des défunts : tête à l’est ou au nord-est, inhumés sur le côté gauche, jambes et bras repliés (F1003 et 1033). Ces orientations sont récurrentes dans les sépultures du groupe de Chambon. Dans les deux cas les mieux conservés, ils ont pu déterminer que les corps se sont décomposés dans un espace vide et probablement à l’intérieur d’un contenant rigide. L’une des sépultures contenait des blocs de calcaire (F.1003) interprétés par P. Chambon comme les vestiges d’un coffre funéraire ou ciste, aménagement bien connu dans les sépultures Chambon134. Cette nécropole s’étend très probablement hors de l’emprise autoroutière et combine des fosses sépulcrales et des fosses contenant des dépôts liés aux défunts ou à des rites spécifiques. On ignore si les fosses contenant les vases retournés étaient des sépultures dont les squelettes ont totalement disparu ou s’il s’agit de fosses contenant des dépôts cultuels. Il faut cependant noter que les structures contenant des ossements humains ne possèdent pas de vases et vice-et-versa, ce qui plaide en faveur de l’hypothèse de fosses d’accompagnement et pas seulement de sépultures mal conservées. Sur le plan chrono-culturel, R. Irribarria identifie pour la nécropole une phase finale du Chambon (post-Chambon) dans laquelle il perçoit les premières influences du Chasséen135. Il propose de voir dans cette nécropole une population inhumée plus simplement que les individus privilégiés qui prennent place au Chasséen dans les tombes monumentales136. Son utilisation aurait été longue, du milieu du Ve millénaire au milieu du IVe, pendant tout le Néolithique moyen. Elle témoignerait de la transition entre le Chambon (Néolithique moyen I) et le Chasséen (Néolithique moyen II). Cette nécropole aurait donc fonctionné pendant un temps avec l’enceinte située au nord…ce qui laisse imaginer que l’habitat n’était pas très éloigné.
Autres vestiges du Néolithique à Sublaines
60G. Cordier signale des découvertes qui peuvent révéler d’autres sites néolithiques à Sublaines :
-
- 137 Cordier 1975, 618-619.
aux Danges, à proximité des tumulus de l’âge du Bronze et du Fer, les silex taillés sont nombreux (dont une pointe de flèche et une grande hache polie en dolérite)137. Du mobilier lithique a été découvert lors de la fouille du grand tumulus et même si ce matériel n’est pas en place, il confirme une occupation néolithique dans le secteur des Danges. On peut ajouter un bracelet en schiste plus un fragment, déjà évoqués, les deux proviennent du secteur des tumulus.
-
- 138 Cordier 1975, 619.
- 139 T. Hamon, communication personnelle.
À 500 m au sud de la ferme de Bellevue (Sublaines), G. Cordier a localisé une station néolithique qui se présente sous la forme d’une concentration de mobilier principalement lithique : éclats, nucléus, outils divers, une dizaine de haches polies, une douzaine de pointes de flèches à pédoncule, des armatures de type Sublaines, des tessons (âge du Bronze ?), des fusaïoles et des aiguisoirs en pierre138. Certains mobiliers révèlent une phase du Néolithique récent à cet endroit139.
Synthèse sur le Néolithique à Sublaines
- 140 Demoule, éd. 2007, 69.
- 141 Andersen 1997.
- 142 Demoule, éd. 2007, 84.
61Alors que de nombreuses questions restent en suspens sur la période néolithique à Sublaines, plusieurs jalons chronologiques et culturels peuvent désormais être posés lorsque l’on fait la synthèse des données issues des fouilles anciennes et récentes. La plaine de Champeigne, et en particulier le secteur le plus élevé sur le plateau dominant le Cher, est investie par une ou des communautés porteuses de la culture VSG, dès le début du Néolithique ancien. Elles construisent un village, tout en défrichant la forêt primaire pour aménager des surfaces agricoles sur ce plateau aux fortes potentialités. À la fin du Néolithique ancien, les habitants de Sublaines commencent la construction d’une grande enceinte sur le point le plus élevé de leur territoire, à environ 500 m au nord-ouest du village danubien. S’inscrivant dans la continuité du lieu du tout premier habitat, cette construction monumentale peut correspondre à un déplacement de l’occupation. En l’absence de preuves archéologiques, la fonction de cette enceinte ne peut pas être tranchée, entre habitat et/ou lieu de pratiques cérémonielles collectives. En effet, la fonction de ce type d’enceinte, qui se répand largement en Europe à partir du milieu du Ve millénaire, fait l’objet d’un débat de spécialistes depuis plusieurs années et rares sont les sites pour lesquels la fonction a pu être clairement mise en évidence. C’est grâce à une fouille complète que la fonction d’habitat a été écartée pour l’enceinte Michelsberg de Bazoches-sur-Vesle (Aisne), celle-ci révélant une zone interne totalement vide140. Les dépôts intentionnels dans ses fossés (crânes de bovidés, bois de cervidés, céramiques) ont permis d’entrevoir des pratiques collectives et rituelles. Il en est de même pour le célèbre site de Sarup au Danemark où ont été fouillées plusieurs enceintes successives des IVe et IIIe millénaires. Elles ont essentiellement livré des vestiges de pratiques collectives et rituelles et les traces d’habitat demeurent particulièrement discrètes141. J.-P. Demoule a souligné le lien entre le développement des activités cérémonielles, l’augmentation du nombre de ces enceintes et la complexification des pratiques funéraires, en particulier mégalithiques142. En effet, la période d’érection de ces grandes enceintes coïncide avec celle des tombes mégalithiques qui ont nécessité la mobilisation de nombreuses populations, accomplissant des “efforts immenses, sinon disproportionnés”. La ou les fonctions de l’enceinte de Sublaines ne sont pas connues, mais sa construction pourrait être mise en relation avec un accroissement démographique sensible à la fin du Néolithique ancien. Celui-ci a pu être généré par l’amélioration de l’alimentation des populations VSG et plus généralement de leurs conditions de vie. Cette nouvelle enceinte symboliserait alors la stabilité de la communauté dans son territoire, elle ferait ainsi la démonstration de son pouvoir et des limites de son domaine. Cette communauté s’épanouit pendant le millénaire du Néolithique moyen (I et II : 4500-3500) et continue probablement à utiliser l’enceinte et la nécropole située à 300 m au sud. Celle-ci est réservée à des individus modestes alors que le monument de Villaine, situé à 1,5 km vers le sud-est, est utilisé peut-être dès le Néolithique moyen II pour des individus privilégiés ou des rituels particuliers. Au Néolithique récent, alors que ce monument est encore utilisé, on perd la trace de l’habitat qui a probablement été déplacé dans un autre endroit. De même au Néolithique final, l’habitat n’est pas localisé alors que le monument de Villaine est toujours fréquenté.
Sublaines à l’âge du Bronze
62Cette période est caractérisée sur deux sites majeurs (fig. 38) : d’une part un habitat découvert lors de la fouille préventive sur le tracé de l’A85 (Bronze moyen et final), d’autre part un tumulus contenant une urne funéraire d’une qualité exceptionnelle. À ces deux sites, il faut ajouter une occupation identifiée dans la périphérie du dolmen de Villaine (Bronze final) ainsi qu’un dépôt d’objets du Bronze final découvert en 1985 dans la commune (dépôt de la Basse-Calonnière). Comme le Néolithique final, l’âge du Bronze ancien n’a pas fourni de vestiges à Sublaines. Cette lacune peut s’expliquer soit par une véritable rupture chronologique, soit par le déplacement des lieux de vie dans un autre endroit du plateau qui n’a pas encore été découvert.
Le Bronze moyen
- 143 Lyon-3916 (OxA) qui propose comme date 3185 BP ± 30, l’âge calibré (intervalle à 95% de confiance (...)
- 144 Gomez de Soto 1995.
- 145 Frénée, dir. 2008, 146.
63Les vestiges ténus d’une occupation du Bronze moyen ont été mis au jour dans la partie sud de la fouille de l’A85 (fig. 33). Cette découverte représente l’un des tous premiers habitats du Bronze moyen connu en région Centre, et à ce titre est plutôt exceptionnelle. Ces vestiges, qui comprennent plusieurs fosses et des bâtiments sur poteaux, s’étendent sur une surface d’environ 5000 m2. La plus grande fosse (11,5 x 8 m), probablement une fosse d’extraction de limon, a livré 8 kg de céramique attribuable au Bronze moyen. Une datation radiocarbone confirme cette attribution avec une bonne probabilité vers 1444 a.C.143 Quatre bâtiments sur poteaux ont été associés à cette période, bien que deux d’entre eux ne puissent pas être strictement datés par le mobilier, ils en sont rapprochés. Il s’agit de constructions de plan quadrangulaire dont l’une compte quatre poteaux et correspond à un grenier. Le mobilier céramique du Bronze moyen est issu de deux fosses et de plusieurs trous de poteau, mais provient aussi de contextes gallo-romains où il se trouvait en position résiduelle. La céramique grossière comporte des décors plastiques de cordons digités et les céramiques fines présentent des motifs excisés qui permettent de les rapprocher du groupe des Duffaits défini par J. Gomez de Soto144. D’après E. Frénée, l’appartenance culturelle à ce groupe du Bronze atlantique est très probable dans la mesure où l’influence du groupe des Duffaits est connue jusque dans le Cher145.
- 146 Cordier 2009, 73.
64Situé à près de 10 km à vol d’oiseau au sud de cet habitat, un seul dépôt est connu pour le Bronze moyen dans ce secteur (fig. 38, n° 8). Découvert en 1950 au confluent de l’Indre et de l’Indrois, le dépôt de Morillon sur la commune d’Azay-sur-Indre contenait trois haches décorées de cannelures sur les flancs146. Découvertes dans une sablière en exploitation, on ignore si elles seules constituaient le dépôt ou si elles ont pu être accompagnées d’autres objets. G. Cordier les date de la phase moyenne du Bronze moyen.
Fig. 38. Carte de synthèse des vestiges de l’âge du Bronze à Sublaines et dans les environs, carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1.

Le Bronze final
L’habitat du Grand Ormeau au Bronze final
- 147 Frénée, dir. 2008, 147.
65Après un hiatus de 500 ans, le site du Grand Ormeau/Bois Gaulpied est de nouveau occupé au Bronze final. Mais à partir de cette époque, l’étude archéologique est gênée par la superposition d’un très grand nombre de structures. Elles se rapportent à deux vastes habitats successifs, dont le premier date du Bronze final, le second de La Tène ancienne. L’absence de niveaux de sol et l’indigence du mobilier dans les trous de poteau n’ont pas permis à l’équipe d’E. Frénée de démêler intégralement ces deux habitats répartis sur une surface très ample de 7 ha. Cette zone comprend “67 bâtiments sur poteaux, 32 fosses, 39 silos et 14 tranchées de palissade”147. Parmi cet ensemble, ont pu être datés :
-
par radiocarbone : 3 bâtiments sur les 67,
-
par la céramique : 5 bâtiments, 2 pour l’âge du Fer et 3 pour l’âge du Bronze,
-
mais 59 bâtiments ne sont pas datés.
- 148 Baguenier 2008b, 159.
- 149 Texier 2008b, 160‑161.
- 150 Frénée 2008b, 162.
66Les structures du Bronze final sont dispersées dans toutes les zones de l’emprise fouillée avec une concentration privilégiée vers le nord-ouest (fig. 33). Sont attribués au Bronze final avec certitude, des fosses, des structures de stockage et des foyers. Plusieurs bâtiments sur poteaux sont probablement associés à ces structures d’habitat mais ils n’ont malheureusement pas pu être datés avec certitude. Toutefois, l’un d’entre eux contenait de la céramique attribuée au BF IIIa : c’est une construction à deux nefs et à abside (st.2.46 : 12,50 à 12,80 m de long pour 3,70 à 4,45 de large)148. À l’extrémité sud-est de la zone, une sépulture à incinération a été découverte (E.3058). Arasée en surface, l’urne contenait des fragments de bronze non identifiables et des ossements brûlés appartenant à un individu adulte ou sub-adulte149. Le mobilier d’accompagnement comprend deux vases dont un gobelet à épaulement, fréquent dans le groupe RSFO et une assiette à marli dont seul un bord subsistait150. L’urne funéraire est un vase biconique d’un type fréquent au Bronze final. E. Frénée attribue cette incinération à la culture RSFO (BF IIb-IIIa). Cette datation est contemporaine des structures d’habitat fouillées au nord-est. Les autres mobiliers comprennent quelques éléments de vaisselle métallique, deux aiguilles, un bois de cerf perforé et des fragments de bracelets en MOF (type lignite). Ils peuvent témoigner de la pratique d’activités artisanales au Bronze final, mais le corpus reste très mince pour l’affirmer.
- 151 Baguenier 2008d, 191.
67Malgré son caractère lacunaire, l’occupation du Bronze final du Grand Ormeau révèle un habitat et une probable nécropole à incinérations qui fonctionnent ensemble. De nombreuses structures archéologiques ont dû disparaître, en l’occurrence des bâtiments peu ancrés dans le sol et les tombes à incinération dont les fosses étaient de petite taille et peu profondément creusées. Cet habitat s’étend sur 7 ha dans l’emprise de l’autoroute, et il est probable qu’il se poursuit encore plus au nord et à l’ouest. Il caractérise l’un des plus grands habitats fouillés pour cette période, car même si le nombre de villages connus tend à augmenter en France (sites lacustres, Malville-sur-Bec, Calvados, La Grande-Paroisse, Seine-et-Marne ; habitats de la Bassée…), les fouilles sur des surfaces supérieures à 1 ha restent rares151. La surface importante sur laquelle les structures du Bronze final sont réparties (7 ha) laisse penser qu’il s’agit d’un village ouvert, sans fortifications, plutôt que d’une ferme. Cet habitat s’inscrit bien dans la continuité de l’occupation du Bronze moyen et il révèle sa stabilité et son agrandissement. Faute d’éléments complémentaires, on peut imaginer que ses activités sont essentiellement agricoles, en tous cas la métallurgie n’est pas mise en évidence comme à Fort-Harrouard à la même époque.
Deux dépôts métalliques et une tombe isolée
- 152 Cordier 2009.
- 153 Cordier 2009, 213.
68Les dépôts d’objets en bronze sont abondants dans ce secteur de Touraine. Pour l’Indre-et-Loire, G. Cordier en a répertorié six pour le Bronze moyen et sept pour le Bronze final152. Le plus célèbre et le plus riche est celui d’Amboise découvert en 1861 (plus de 500 pièces : armes, outils et surtout des parures). G. Cordier date son enfouissement du BF IIIa/IIIb153. Les autres dépôts sont un peu plus récents, comme Azay-le-Rideau, Esvres-sur-Indre, Saint-Matin-le-Beau, Chédigny et Sublaines, tous datés du BF IIIb. Ces deux derniers sont les plus proches de l’habitat du Grand Ormeau (fig. 38 n° 3 et 4), à environ 2 km pour le dépôt de la Basse Calonnière et près de 7 km pour le dépôt de Code à Chédigny. Ces dépôts sont chronologiquement très proches de l’habitat du Grand Ormeau et ont sans doute été constitués pendant son occupation.
- 154 Cordier 1988.
- 155 Hundt 1988.
69Le dépôt de la Basse Calonnière, découvert en 1958, contenait 46 objets en bronze enfermés dans un vase. L’ensemble est composé de haches à ailerons et à douille, d’un tranchet à soie, d’un ciselet double, de couteaux à douille, d’un poignard à languette, de bracelets, anneaux, appliques à griffes, phalères, rasoir, clous154 ainsi que d’un fragment de tissu conservé dans la douille d’une hache155.
- 156 Cordier et al. 1960.
70Le dépôt de Code à Chédigny, découvert en 1913, était lui aussi probablement contenu dans un vase dont seulement quelques tessons sont signalés156. Il correspond à une masse d’au moins 50 kg de métal et comprenait des objets variés dont une partie a été dispersée : haches, épées, pointes de lances, umbo, racloirs, rasoir, bracelets, culots de coulée et lingots.
71La signification de ces dépôts reste énigmatique et les hypothèses privilégient généralement la fonction de cachette d’objets métalliques entiers ou non, ou de dépôt rituel.
- 157 Cordier 1975, 615.
72Enfin, sur la commune de Chédigny au lieu-dit Bellevue, une tombe plate à inhumation a été découverte en 1950. Le défunt était installé dans une fosse de 0,60 m de profondeur, délimitée par des pierres posées de chant et couvert de pierres plates “disposées comme des tuiles”157. Autour du cou, il portait un collier dont subsistaient une chaînette et plusieurs plaques de bronze. Des traces de cuir étaient conservées sur les pieds. Une épingle de bronze, de 15 cm de long, à tête biconique ornée d’un décor rayonnant a été recueillie, puis perdue. La datation donnée par G. Cordier situe cette tombe au Bronze final sans plus de précisions.
La réutilisation du dolmen de Villaine au Bronze final : une nécropole à incinérations ?
- 158 Cordier et al. 1974 ; Cordier 1985.
- 159 Cordier 1972, 88.
- 160 Cordier 2009, 516.
73Alors que le monument mégalithique de Villaine semble délaissé après le Néolithique final, et qu’il n’y a pas de vestiges du Bronze ancien ou moyen, sa fréquentation reprend au Bronze final. Après cette phase, il faudra attendre près de 1500 ans pour voir l’installation d’une vaste nécropole mérovingienne dans l’entourage immédiat du dolmen158. Au Bronze final, la dalle de couverture est toujours visible et le peristalithe probablement aussi. En effet, aucune tombe mérovingienne n’a été installée à l’intérieur du cercle de pierres, ce qui indique que les orthostats étaient encore dressés au début du Moyen Âge ou que leur trace était perceptible (et le tumulus en terre peut-être encore présent ?). Au cours de la fouille qu’il conduit à l’intérieur et autour de la chambre du dolmen entre 1964 et 1966, G. Cordier identifie huit “locus” : ce sont des concentrations de tessons de céramique au sein d’une terre sombre, les cassures des tessons lui paraissent anciennes (fig. 39). Il n’avancera que très prudemment dans la conclusion de son article de 1972 qu’il s’agit peut-être de sépultures à incinérations159 et reniera presque totalement cette hypothèse dans son ouvrage publié 37 ans plus tard160, tout en admettant qu’une nécropole du Bronze final pourrait s’inscrire dans la tradition funéraire de ce site.
Fig. 39. Plan des vestiges situés dans la périphérie du dolmen de Villaine à Sublaines d’après Cordier 1985, 248.

- 161 Brabant & Cordier 1972, 86.
- 162 Cordier 2009, 516.
- 163 Frénée, dir. 2008, 162.
74Dans les huit locus qu’il fouille, il ne trouve pas de vase entier et tout semble très abîmé. Comme sur le site du Grand Ormeau, où les incinérations ont probablement disparu à cause des travaux agricoles, celles de Villaine ont pu être dégradées par la fréquentation active du monument mégalithique au Haut Moyen Âge. Au sein de la céramique, G. Cordier a identifié des urnes biconiques à cannelures et mamelons qu’il date du BF IIb161 puis il se ravise et les attribue au BF IIa162. Malgré l’absence de forme complète, on peut rapprocher ces urnes de celle qui provient de l’incinération F.3058 du Grand Ormeau, biconique également163. Le mobilier métallique est rare et se limite à trois objets en alliage cuivreux. Deux d’entre eux, trouvés dans les locus, peuvent provenir d’une incinération perturbée, le troisième a été recueilli entre le locus I et le dolmen : il s’agit d’une pointe de flèche à pédoncule et ailerons qui n’est pas caractéristique d’une phase en particulier, car ce type existe depuis le Bronze ancien jusqu’au Premier âge du Fer. Ensuite, un fragment de fibule provient du locus II : un fragment d’arc de fibule en archet de violon dont il existe plusieurs variantes mais datées entre 1200 et 1100 a.C. (BF IIa et IIb). Enfin, un fragment d’une épingle en crosse (ou plutôt à tête en col de cygne) provenant du locus V est fréquente au Bronze final.
- 164 Cordier 1972, 79.
- 165 Cordier 1972, 92.
75G. Cordier s’étonnait de l’abondance des céramiques grossières de type domestique et c’est cet argument qui semble l’avoir retenu de conclure que cet ensemble correspondait à une nécropole à incinérations. Les nécropoles de cette époque contiennent une majorité de céramiques fines, ce qui ne semble pas être le cas à Villaine. Aussi, le fouilleur a-t-il été troublé par la fragmentation excessive des tessons, l’absence d’urne complète avec des cendres à l’intérieur et la rareté des ossements brûlés (pourtant bien présents mais non analysés). À le lire, on comprend que les fosses ont été écrêtées et partiellement détruites, anciennement sans doute, parce qu’elles n’étaient pas profondément creusées dans le sol. Dans son article de 1972, G. Cordier n’indique pas à quelle profondeur se trouvaient les locus par rapport à la surface, ni si l’épaisseur de terre végétale était particulièrement faible comme on peut le soupçonner à travers cette phrase : “Les “locus” se présentent comme des points de concentration de tessons à cassures anciennes, souvent plus ou moins corrodés en raison du voisinage de la surface”164. Il semble donc tout à fait probable que les locus de G. Cordier ne sont que les fonds de petites fosses à incinération dont la majeure partie a été détruite. D’ailleurs, il donne les dimensions des locus en longueur et largeur, mais ces taches n’ont pas d’épaisseur, ce qui est logique si les fosses à incinération sont très arasées. La destruction a entraîné la fragmentation des urnes funéraires et des autres vases, ainsi que la dispersion des ossements humains donnant cette image de mobilier “étalé” dans l’espace et inclus dans un sédiment foncé. Aussi, la nécropole mérovingienne, qui comprend au moins 200 tombes connues dans l’espace fouillé par G. Cordier, a pu elle aussi perturber celle du Bronze final : le creusement des sépultures, les mouvements de terre, la circulation et les piétinements pendant des décennies. Le plan montre que les tombes du Haut Moyen Âge sont réparties essentiellement à l’est et au nord du dolmen, respectant la chambre néolithique et le peristalithe : sous la dalle de couverture, toujours en place au Moyen Âge, la chambre devait être encore remplie jusqu’à ras bord d’ossements humains. Dans le secteur de la nécropole du Bronze final aucune tombe mérovingienne n’a été installée. Mais il est possible que la nécropole à incinérations se poursuivait au nord et à l’est du monument mégalithique, les inhumations médiévales ayant pu détruire totalement les fragiles incinérations. La nécropole du Bronze final était très certainement beaucoup plus étendue qu’elle n’apparaît aujourd’hui. En effet, G. Cordier signale la découverte d’un fragment de hache à douille en bronze à une trentaine de mètres au nord-ouest du dolmen ainsi que des tessons quelques dizaines de mètres plus loin, dont un tesson à décor torsadé datant du Bronze final165.
Le petit tumulus
- 166 Cordier 1975, 453.
- 167 Cordier 1975, 455.
76Les tumulus des Danges ont été signalés au début du xixe s. et même dès le xiie s. Ils ont fait l’objet de plusieurs descriptions et sont attachés à des légendes locales166. Ils sont encore bien visibles aujourd’hui dans le paysage plat de la Champeigne, au lieu-dit les Buttes ou les Danges. Ce terme de dange serait une appellation tourangelle pour désigner des mottes de terre artificielles et en particulier des tumulus167. Il y a aux Danges deux tumulus, un “grand” et un “petit”. Le petit tumulus est le plus ancien : il est daté du BF IIIb et contenait le célèbre vase peint à décor d’étain. Le grand tumulus sera traité dans le chapitre suivant car il appartient au Ha D.
- 168 Cordier 1975, 459.
- 169 Cordier 1975, 460.
- 170 Cordier 2009, 532.
- 171 Cordier 2009, 538.
- 172 Maitay et al. 2013.
- 173 Maitay et al. 2013, 106.
77Le petit tumulus a été fouillé par G. Cordier en 1962, 1963 et 1968. Avant ces fouilles, il n’avait été ni exploré ni pillé semble-t-il et il mesurait 40 m de diamètre pour une hauteur de 1,50 à 1,65 m, des dimensions qui le classent parmi les très grands tertres d’Europe. La masse du tertre est composée d’une terre très noire contenant de nombreuses coquilles de mollusques. Grâce à des analyses sur ces mollusques, la provenance de ce sédiment a pu être identifiée au lieu-dit les Ruaux, une zone marécageuse située à environ 1 km au sud-est du tumulus168(fig. 38, n° 7). Au cours de ses trois campagnes de fouilles, G. Cordier n’a pas exploré intégralement le tumulus. Il a réalisé deux tranchées radiales de 16 et 17 m de long pour 1 m de large, l’une de direction nord-sud, l’autre est-ouest. Ces deux tranchées délimitent le tumulus en quarts et atteignent le centre du monument. À leur jonction et au milieu du tertre, G. Cordier a ouvert une fenêtre de fouille de 7 x 7 m (fig. 40). À ces ouvertures, ont été ajoutés deux secteurs de 20 m2 chacun dans le quadrant sud-est, à proximité de la base du tumulus. Les tranchées radiales n’ont pas permis de préciser si la base du monument avait été aménagée. On ne sait rien de l’aménagement ni de l’architecture du monument et il n’y a aucune trace de fossé externe. Le résultat principal des fouilles de G. Cordier concerne le centre du monument : à cet endroit se trouvait “un noyau vaguement cylindrique de 96 blocs de calcaire lacustre local de 1,30 m de hauteur et 1,50 m de diamètre”169. Le démontage soigneux des blocs a montré qu’ils ne recouvraient rien. La sépulture principale a été découverte à 1 m au sud-ouest de la base de cet aménagement : l’urne était posée sur le substrat sans aucune protection ni couverture. Elle était “totalement écrasée et aplatie, mais bien en place et complète”. Les 229 tessons recueillis ont été remontés et le vase a été restauré au MAN où il est toujours exposé. L’urne présente une forme bulbeuse de 22 cm de hauteur totale, à panse galbée et col évasé (fig. 41). L’épaule est munie d’une petite anse. La pâte est d’une extrême finesse atteignant 2 mm d’épaisseur par endroits. Elle est recouverte de trois engobes ou peintures différentes : des bandes rouge vif et brun foncé alternent à l’extérieur, divisant le décor en cinq registres horizontaux. À l’intérieur, le col est couvert de peinture brun foncé, presque noire. Sur l’épaule de l’urne, un décor plastique se combine à la peinture sous forme de petites incisions obliques qui alternent avec des incisions horizontales et de petites cannelures. Le décor le plus spectaculaire est composé d’un ajout de lamelles d’étain. Celles-ci figurent un thème décoratif bien identifiable : un char à quatre roues et deux chevaux attelés. D’autres motifs géométriques se développent sur cette bande décorée, chevrons, triangles, losanges. Les vases à décor d’étain sont particulièrement rares et leur répartition désigne principalement la Savoie et la région des lacs nord-alpins. Ils apparaissent au BF IIb mais sont plus fréquents au BF IIIb170. On notera qu’une urne de forme très proche est connue à Vix, également munie d’une petite anse ainsi que de décors géométriques, de figurations humaines, l’usage de lamelles d’étain est supposé mais non démontré171. Plus proche de Sublaines, un vase décoré de lamelles d’étain a été découvert lors d’une fouille préventive à Dissay (Vienne). En effet, la fouille d’enclos funéraires protohistoriques par C. Maitay en 2011 a permis la mise au jour d’un vase de forme ouverte172. Le décor de lamelles d’étain se développe à l’intérieur du vase. Alors que la forme est différente de l’urne de Sublaines, le vase de Dissay est fin et ses parois particulièrement minces (maximum 4 mm). C. Maitay classe ce vase à l’étape moyenne du Bronze final. Il indique que plusieurs découvertes de décors d’étain (réels ou en négatifs) sont connus dans le Centre-Ouest (Rancogne, Agris par exemple). Mais seulement deux vases comportant ce type de décor présentent des motifs figuratifs, à Sublaines et au Bourget173. Après avoir été particulièrement controversée depuis les années 1960, l’attribution chronologique du petit tumulus de Sublaines semble désormais calée pour la plupart des auteurs au BF IIIb. Cette datation ne repose que sur l’urne décorée car aucun autre mobilier n’a été recueilli dans les fouilles de ce tumulus, mis à part quelques tessons et des silex. La qualité exceptionnelle de cet objet et sa rareté ont souvent été soulignées par les spécialistes qui attribuent cette sépulture à un personnage de haut rang qui a vécu à Sublaines au BF IIIb. Le fait que cette urne précieuse se trouvait au milieu du monument peut être interprété comme le vestige de la tombe à incinération primaire, mais en l’absence de fouilles plus étendues, on ignore si ce tertre a accueilli d’autres défunts. La qualité de l’urne, l’ampleur du tumulus et le soin particulier apporté à sa construction (plusieurs dizaines de m3 de terres des marais transportée sur 1 km) ne peuvent que révéler la tombe d’un personnage important, un chef ou un prince qui détenait de son vivant un pouvoir certain au sein du territoire de Sublaines.
Synthèse sur l’âge du Bronze à Sublaines
- 174 Brun & Pion 1992, 125.
78On peut tout d’abord remarquer que l’occupation de Sublaines s’étend pendant le Bronze moyen et final et connaît un développement durant les deux phases. On ignore tout du Bronze ancien dont les vestiges n’apparaissent pas dans les mêmes lieux que ceux qui sont occupés au Néolithique et au Bronze final (Danges, Grand Ormeau et Villaine). Malgré ce hiatus, l’habitat s’installe au Bronze moyen au même endroit que celui du Néolithique moyen, sur l’un des deux points topographiques élevés de Sublaines (fig. 38). Dans l’environnement de cet habitat, on ne connaît que le dépôt d’Azay-sur-Indre qui se trouve tout de même à une dizaine de kilomètres vers le sud. Au Bronze final, l’habitat du Grand Ormeau, toujours installé dans les mêmes lieux, se densifie et se développe sur une surface d’au moins 7 ha. Il comprend probablement une nécropole contiguë dont il ne reste que peu de vestiges conservés. À la même époque, le monument mégalithique de Villaine est réinvesti. Alors qu’il ne semble plus fréquenté après le Néolithique final, il redevient un lieu funéraire et cultuel à 1,5 km au sud-est de l’habitat. Les datations de la nécropole de Villaine et de l’habitat du Grand Ormeau étant synchrones, il y a de grandes chances qu’ils aient fonctionné ensemble, au sein du même territoire. Deux dépôts d’objets métalliques du Bronze final illustrent la pratique des cachettes dans différents points de ce territoire. Sublaines donne ainsi l’image d’un territoire polarisé, celui d’une communauté du Bronze final qui s’organise autour d’une agglomération et d’une tombe-sanctuaire très ancienne, proche du modèle proposé par P. Brun et P. Pion pour la vallée de l’Aisne174. En effet, le dolmen de Villaine serait devenu au Bronze final un monument-sanctuaire dans lequel l’ossuaire néolithique a été parfaitement préservé. Ce lieu a été sauvegardé à cause de son ancienneté et sa monumentalité symbolise la présence du passé et des ancêtres fondateurs de la communauté. À environ 5 km au sud-est de l’habitat, le tumulus d’un prince a été construit au BF IIIb. Ce personnage important détenait un pouvoir dans sa communauté et sur le territoire de Sublaines. Peut-être vivait-il dans l’agglomération du Grand Ormeau ou dans un domaine situé à proximité des Danges.
Sublaines à l’âge du Fer
79Les phases du Ha B et C ne sont pas représentées pour le moment à Sublaines. Une occupation est connue à partir du Ha D et elle sera continue jusqu’à LT C. Elle concerne les deux pôles géographiques principaux qui existaient à l’âge du Bronze, Le Grand Ormeau et Les Danges.
Le grand tumulus
- 175 Cordier 1968, 8.
- 176 Cordier 1975, 582.
- 177 Cordier 1975, 583.
- 178 Cordier 1975, 585.
- 179 Cordier 1975, 587.
80Situé à environ 150 m à l’est du petit tumulus, G. Cordier a commencé la fouille du grand tumulus en 1963. La première tranchée qu’il réalise jusqu’au centre du monument montre que la sépulture centrale a été détruite intégralement, sans doute avant 1870175. Dans la note préliminaire qu’il publie en 1968, G. Cordier indique que la masse du grand tumulus est constituée comme le petit, du même sédiment noir chargé en coquilles provenant des marécages des Ruaux situés à 1 km. Au moment où il commence la fouille, ce tumulus mesure 40 m de diamètre et 3 m de hauteur, justifiant son surnom de grand tumulus. Mais il était sans aucun doute beaucoup plus élevé si on en croit les mentions des savants du xixe s. qui indiquent des hauteurs de 6 à 10 m176. Même si ces mesures ont pu être exagérées, elles rapportent que le tertre était plus haut et moins étalé avant les manœuvres et les destructions qu’il a subies, en particulier à la suite du passage du 9e corps d’armée de Napoléon III installé sur le plateau de Sublaines. D’après G. Cordier, il était fréquent que des officiers “se piquent d’exhumer des vestiges celtiques…qu’une habile diplomatie conseillait d’offrir à l’empereur”177. C’est peut-être lors du séjour de ces soldats que la sépulture centrale a été détruite et qu’on y aurait découvert des “épées très rouillées” comme le rapporte A. de Salies. Mais malgré une enquête détaillée auprès des habitants du secteur et dans les archives de l’armée, G. Cordier n’a pas pu établir la date et les circonstances exactes du pillage de la sépulture centrale. Il en a seulement retrouvé l’emplacement au centre du tertre et, par chance, il a pu localiser les déblais des pilleurs, déblais contenant du mobilier archéologique et des ossements humains. G. Cordier a entrepris une fouille très fine de ces déblais ce qui a permis de rassembler de précieux et fondamentaux détails sur le contenu de la sépulture centrale. Quatre campagnes de fouilles se sont succédé sur le grand tumulus, en 1963, 1964, 1967 et 1968. Au cours de ces années, plusieurs tranchées et quadrants ont été ouverts, permettant d’avoir une vision partielle mais plutôt bonne de la moitié sud du tertre (fig. 42). Le contour du monument était intact au moment des fouilles et un muret de pierres sèches bien conservé a pu être observé. Muni d’un parement externe soigné, il marque la base du tumulus sur une hauteur de 0,50 à 0,70 m et il est large de 0,30 à 0,50 m178. Cet aménagement délimite un cercle de 23 à 24 m. Contre ce muret, on trouve un petit fossé externe mesurant 1 m de large pour 0,30 à 0,40 m de profondeur. Il s’interrompt brutalement au milieu du quadrant sud-ouest et à partir de cet endroit, il se prolonge par un amas de blocs calcaires irrégulier formant un arc de cercle. Pour G. Cordier, il pourrait s’agir d’un second parement externe effondré. À 2 m environ du petit fossé, se développe un autre fossé, beaucoup plus vaste, de 3 à 3,50 m de large pour 0,80 m de profondeur en moyenne. C’est ce grand fossé qui délimite le monument et son diamètre est estimé entre 38 et 39 m179. Cinq sépultures à inhumation ont été découvertes à la périphérie du tumulus. Quatre d’entre elles sont situées entre les deux fossés (S1, S3, et S4-S5) et la dernière (S2) est localisée entre l’amas de pierres du quadrant sud-ouest et le grand fossé. S4 et S5 semblent placées “tête-bêche” l’une contre l’autre sur le bord interne du grand fossé. Mais ces deux inhumations ne sont pas synchrones car il a été clairement démontré que la fosse de S5 était postérieure à celle de S4. Le creusement de la seconde a entraîné le déplacement du fémur gauche de S4 et d’une partie du bras du même côté.
Fig. 42. Plan général de la fouille du grand tumulus de Sublaines (Indre-et-Loire), d’après Cordier 1975, 581.

81Les défunts sont couchés sur le dos. Leurs orientations diffèrent mais toutes suivent la courbe du tumulus (fig. 43). Ces inhumations ont été installées dans des fosses rectangulaires et des pierres d’entourage sont présentes dans tous les cas. Mais aucun mobilier n’accompagnait ces sépultures dont la datation est de ce fait difficile à établir (aucune datation radiocarbone n’a été tentée à l’époque de la fouille).
- 180 Riquet & Brenot 1976.
82Les résultats de l’étude anthropologique des cinq sujets, réalisée par les anthropologues Raymond Riquet et Philippe Brenot du laboratoire d’anthropologie de l’université de Bordeaux, peuvent être résumés ainsi180 :
-
S1 est l’inhumation d’un homme adulte “pas très vieux mais proche de l’âge mûr” (p. 246). Sur le cubitus gauche, l’anthropologue a noté un cal important qui a entraîné une infirmité du sujet : l’extension de son bras devait être réduite de 25 %.
-
S2 : un individu masculin ayant atteint l’âge mûr, peut-être sénile.
-
S3 : un adulte jeune de moins de 30 ans, de sexe masculin. Son fémur gauche porte une tumeur osseuse (peut-être un sarcome osseux).
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S4 : un homme ayant atteint l’âge adulte, voire la maturité.
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S5 : un jeune adulte de sexe masculin. Son crâne a reçu quatre coups d’épée : le rebord orbitaire droit a été tranché, ouvrant largement le sinus longitudinal. D’après l’anthropologue, la victime se trouvait en position debout au moment où elle a reçu ce coup et ce choc a entraîné une mort rapide. Les autres coups ont été donnés alors que l’homme était à terre : un coup violent a traversé le frontal, un autre a tranché le côté de la tête dans la région auriculaire (prélèvement de l’oreille ?). La victime a voulu se protéger avec sa main droite et un 4e coup d’épée lui a tranché le poignet, juste au-dessus de l’articulation.
- 181 Riquet & Brenot 1976, 260.
83Les anthropologues ont pu établir que les hommes inhumés dans les sépultures adventices étaient plutôt grands : 1,71 m pour S3 ; 1,68/1,69 m pour S4 et 1,72 m pour S5. À partir des mesures biométriques des os longs, ils ont pu déterminer que l’homme de S1 et ceux de la sépulture centrale étaient encore plus grands181. Si ces individus sont grands, les anthropologues insistent à plusieurs reprises sur la gracilité de leur squelette, un critère qui a rendu la diagnose sexuelle particulièrement délicate. Ces hommes leur ont semblé peu robustes et peu musclés. On retiendra également plusieurs pathologies du squelette (S1 et S3) ainsi que des dentitions très abîmées chez tous les sujets, signe de problèmes de santé et de mauvaise hygiène de vie. Quant à S5, il est mort violemment, emporté par un premier coup d’épée au crâne, victime ensuite d’un acharnement certain. La forme des entailles relevées sur son crâne (fig. 44) signe sans aucun doute l’usage d’une épée. Les circonstances de son décès ne peuvent pas être reconstituées, mais on peut envisager une mort au combat ou une mise à mort. En tamisant les déblais du pillage de la sépulture centrale, G. Cordier a pu recueillir des éléments mobiliers et anthropologiques. Cette sépulture se trouvait exactement au centre du tertre délimité par le parement de pierres. Elle n’était pas creusée dans le substrat, ce qui laisse envisager la présence d’une ciste ou d’une chambre en bois. Les débris osseux et les dents recueillis dans les déblais des pilleurs indiquent la présence de trois individus inhumés :
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un adulte d’au moins 40 ans, probablement de sexe masculin ;
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un adolescent de 12 à 18 ans (mais les os sont graciles, il pourrait s’agir d’une jeune femme ou d’une adolescente) ;
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un enfant d’environ 8 ans.
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Fig. 44. Le sujet n° 5 du grand tumulus de Sublaines.

Vue de face avec deux coups d’épée en croix au-dessus de l’orbite droite ; b. Entaille longitudinale recoupée perpendiculairement par une vaste brèche transversale au niveau du vertex ; c. Ouverture de ka région auriculaire par un coup d’épée tranchant (Riquet & Brenot 1976, 257, fig. 6).
- 182 Cordier 1975, 590.
- 183 Cordier 1975, 606.
84Les déblais ont également livré 150 g de “débris incinérés”182 et l’auteur a envisagé que la sépulture centrale a pu contenir l’incinération d’un quatrième individu183, le conduisant à penser qu’elle avait pu accueillir deux rites funéraires. Même si cela est possible, ce fait n’est pas démontré car les ossements brûlés n’ont fait l’objet d’aucune étude anthropologique. Dans leur article de 1976, R. Riquet et Ph. Brenot signalent la présence des restes de trois sujets contenus dans les déblais du pillage de la sépulture centrale mais n’évoquent aucune incinération dans ce texte.
85Sur le plan de la datation de la sépulture centrale, quelques éléments de mobilier métallique recueillis avec les ossements humains dans les déblais du pillage donnent des indications (fig. 45) :
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le pied d’une fibule en bronze : le porte-ardillon et l’extrémité du pied sont conservés. Celui-ci se termine par un bouton vasiforme creux. Le porte-ardillon est formé d’une gouttière et il peut s’agir de l’extrémité d’une fibule à disque d’arrêt, datée du Ha D2-3. Le bouton a pu accueillir un décor de corail.
-
Une épingle en fer à tête de corail qui pourrait être contemporaine de la fibule.
Fig. 45. Mobiliers recueillis dans les déblais de la fouille ancienne du grand tumulus de Sublaines (Cordier 1975, 589, fig. 20).

Fibule en bronze à extrémité vasiforme ; 2. Feuille de bronze avec décor de points au repoussé ; 3. Épingle en fer à tête de cheval ; 3 à 15. Bandes incurvées portant des traces ligneuses côté interne ; clous en fer.
- 184 Milcent 2014.
- 185 Milcent 2004, 472 et pl.39, 18.
86Pour P.-Y. Milcent, le mobilier métallique du grand tumulus “datable du Ha D (540-510 av. J.-C.), est importé ou imité des productions de l’Est de la France”184. Le rapprochement avec l’est de la France est probablement inspiré par la présence de la fibule, car s’il s’agit bien d’un type à disque d’arrêt, celui-ci est en effet plus fréquent dans l’est (tumulus des Moidons dans le Jura cité par Cordier, 1975 p.606 ; fibules du Britzgyberg et de Salins-les-Bains signalées dans la base Artefacts). On peut ajouter deux fibules d’un type proche (avec bouton vasiforme) provenant de l’un des tumulus de Dun-sur-Auron (Cher), daté du Ha D3185. La sépulture centrale du grand tumulus de Sublaines daterait donc du Ha D et plus précisément du Ha D2-3.
- 186 Cordier 1968.
- 187 “Néanmoins, la présence d’une crémation et de plusieurs défunts dans la même sépulture est origin (...)
87Les déblais du pillage ont également livré environ 80 fragments de pièces en fer dont des clous de différentes tailles et des bandes plates dont certaines sont côtelées. La pièce n° 7 comporte un clou ou un rivet et G. Cordier pensait que certains éléments pouvaient appartenir à des bandages de roue. Sur plusieurs fragments, des traces ligneuses ont été observées, révélant leur application sur des pièces de bois. D’abord interprétés comme les restes d’un char186, l’auteur s’est ravisé dans la publication de 1975. Même s’il ne renonce pas définitivement à l’hypothèse du char, G. Cordier ne détient pas les éléments indiscutables pour le démontrer car ce petit corpus ne contient pas de pièce caractéristique d’un véhicule. Les éléments métalliques recueillis, avec leurs traces de bois, pourraient tout aussi bien appartenir à un coffre ou à un meuble. Alors que la présence d’un char ne serait pas incongrue dans la tombe centrale du Ha D de Sublaines, les preuves font hélas défaut pour l’affirmer aujourd’hui. Si la datation a pu être approchée grâce à la présence de quelques petits éléments mobiliers, la destruction de la tombe centrale du grand tumulus de Sublaines nous empêche de connaître sa configuration et d’affirmer qu’il s’agissait bien d’une tombe à char. Si la présence de plusieurs inhumations est démontrée (3 dans la sépulture centrale et 5 sépultures adventices), la présence d’un individu incinéré n’est pas démontrée et on peut remettre en question la pratique conjointe des deux rites funéraires sur laquelle P.-Y. Milcent s’avance sans preuve formelle187. De même pour la présence d’un char qui ne peut pas être affirmée, faute d’éléments caractéristiques et indubitables.
- 188 Buchsenschutz et al. 1994, 84.
- 189 Feugère 1985, 186.
- 190 Cordier 1975, 595.
88La fouille de la masse du tumulus a livré du mobilier de différentes périodes, du Néolithique à l’âge du Fer. De même, dans le grand fossé, G. Cordier a recueilli des silex taillés (lames et éclats de débitage) et 690 tessons de céramique. La grande majorité de ces tessons (n=450) appartient au Ha C/D2-3 (par exemple le tesson de la fig.46 n° 6 est caractéristique, ainsi que les bords à impressions digitées ou incisées. Quelques tessons sont attribuables à LT C et/ou D. On notera en particulier un tesson avec décor d’ocelles qui rappelle les céramiques laténiennes de tradition armoricaine ou l’écuelle à décor interne estampé de cercles ocellés de la structure L56 de Levroux188 (fig. 46 n° 16). Les décors ondés et d’ocelles pourraient être attribués à LT C ou D. Quant à la fibule en fer, elle pourrait dater de LT C2 (fig. 46 n° 10) : il s’agit d’une fibule à corde externe à deux fois deux spires, avec retour sur l’arc terminé par une petite boule. Ce type de fibule est fréquent à Levroux dans les fosses de LT C2 et correspond au type 1a2 de M. Feugère189, nommé “type de La Tène II”. Le fossé contient également du mobilier postérieur à l’âge du Fer. G. Cordier signale environ 200 fragments d’objets gallo-romains dont 5 tessons de sigillée, des tuiles et des anses d’amphore190. Les amphores ne sont pas décrites et on ne peut pas exclure la présence d’amphores républicaines qui pourraient être contemporaines du mobilier de LT C2 et D.
- 191 Cordier 1975, 611.
89En définitive, si la sépulture centrale peut être attribuée au Ha D, avec une bonne probabilité au Ha D2-3, la datation n’est pas assurée pour les sépultures adventices qui ne contenaient pas de mobilier et dont les squelettes n’ont pas fait l’objet de datations au radiocarbone. G. Cordier a proposé une série d’arguments pertinents pour caler leur date de manière relative191 :
-
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quatre sépultures sur cinq présentent des modes d’installation très similaires. Le seul critère de distinction pour S5 est sa plus grande profondeur par rapport aux quatre autres : les cinq sépultures adventices ont de grandes chances de dater de la même phase chronologique.
-
L’argument le plus pertinent proposé par G. Cordier est celui de la visibilité des structures périphériques du tumulus au moment de l’installation des tombes à inhumation. En effet, comme elles sont situées entre le parement et le grand fossé, ces deux structures étaient en état de fonctionnement lorsque les sépultures adventices ont été installées ; elles ont respecté leur tracé.
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G. Cordier note que les cinq défunts ne sont pas orientés selon les points cardinaux mais que leur disposition suit la courbe du tumulus ce qui pour lui est le signe de l’association de ces tombes aux structures circulaires.
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90Pour G. Cordier, ces arguments sont le signe de l’ancienneté des sépultures, et même s’il ne l’écrit pas, il pensait probablement qu’elles pouvaient dater de l’âge du Fer, tout en envisageant aussi qu’elles pouvaient être postérieures à la sépulture centrale. Elles ont pu en effet s’échelonner dans le temps, prendre place au sein du tumulus dans les siècles qui ont suivi la mise en place de la sépulture centrale et fondatrice du Ha D. Nous ne détenons aucun élément fiable pour les dater entre le Ha D et LT D, nous avons donc un flottement de 500 ans minimum. Alors que la visibilité des structures périphériques est probablement un argument fondamental, on peut difficilement s’appuyer sur la chronologie du grand fossé car son comblement terminal se met en place au cours de l’époque romaine. On peut seulement observer qu’il était encore visible à cette époque et qu’il a été entretenu depuis le Ha D, phase au cours de laquelle il a commencé à se combler comme le montrent les nombreux tessons recueillis dans les niveaux inférieurs. Comme le souligne G. Cordier, les sépultures adventices étaient probablement signalées en surface, car le creusement de S5, juste à côté de S4 (volontairement ?) ne l’a qu’à peine effleurée. On peut difficilement aller plus loin aujourd’hui car il n’y a pas suffisamment d’arguments scientifiques probants pour assurer une datation pertinente de ces sépultures. La seule solution serait de réaliser des datations physico-chimiques sur les ossements des défunts si on peut encore les retrouver.
Une sépulture à incinération à 80 m du grand tumulus
- 192 Cordier 1975, 612.
- 193 Cordier 1975, 614, fig. 39.
- 194 Communication personnelle de Laurence Augier.
91En 1968, G. Cordier repère une trace de terre noire contenant de petits fragments de bronze et d’os incinérés à environ 80 m au nord-est du grand tumulus. Cette couche et le mobilier qu’elle contenait ont été remontés au cours d’un labour profond et un sondage archéologique de 5 x 4 m à cet endroit révèle finalement la présence d’une sépulture à incinération. Au moment de la fouille, la fosse était très arasée et conservée sur seulement 0,15 m de profondeur pour 1 m de diamètre au niveau de l’observation des fouilleurs. Environ 200 petits fragments d’os ont été recueillis (50 g), quelques charbons de bois, 1 gros éclat de silex, 4 tessons de céramique. On dénombre également de très nombreux petits fragments de bronze : 58 clous, à tête pleine et arrondie (7 à 10 mm de diamètre ; longueur = 10 à 12 mm ; épaisseur = 2,5 à 3,5 mm), ainsi qu’une quinzaine de “grains de bronze arrondis de 3 à 4 mm de diamètre, assez bien conservés, ayant pu garnir l’intérieur de grelots ou d’anneaux-grelots”192. La présence de seulement quatre tessons laisse supposer que l’urne et les éventuels vases d’accompagnement ont disparu avec les labours. Les os incinérés n’ont pas été étudiés par les anthropologues et on ne peut assurer qu’il s’agit de restes humains, même si cela est très probable. Les petits clous en bronze ont pu appartenir à une boîte ou un coffret. Mais ils ont également pu garnir un accessoire comme une ceinture ou un vêtement de cuir. De même, les grains de bronze ont pu appartenir aux grelots d’une ceinture. G. Cordier ne dit pas si ces éléments semblaient être passés au feu. Les deux tessons découverts apportent des éléments de datation193 : le fragment n° 4 est un tesson de panse incisée géométrique et le tesson n° 3, mal orienté sur la planche, est en fait un bord d’assiette horizontal cannelé194. Ces deux tessons pourraient dater du Ha B2-3 ce qui placerait cette très probable sépulture à incinération à une phase antérieure à celle de la sépulture centrale du grand tumulus.
L’habitat et la nécropole de l’âge du Fer du Grand Ormeau
92Nous avons vu précédemment que le site d’habitat du Grand Ormeau cessait d’être occupé après le BF IIIa. En effet, l’occupation ne semble pas se poursuivre au BF IIIb à cet endroit précisément, alors que les environs continuent pourtant à être fréquentés au cours de cette phase, comme l’indiquent les dépôts métalliques de Code et de la Basse-Calonnière ainsi que la tombe à incinération du petit tumulus. À la transition Ha D3/LT A, le Grand Ormeau est de nouveau investi par un vaste habitat et une nécropole, à l’endroit même où s’étaient développées les occupations de l’âge du Bronze et du Néolithique. Au début de La Tène ancienne, un habitat composé de fosses, silos et bâtiments sur poteaux s’installe et va perdurer jusqu’à LT C. Associée à cet habitat, la nécropole s’inscrit dans la même durée. Au Bronze final, l’habitat s’étendait sur 7 ha à l’intérieur des emprises autoroutières, il se déploie à présent 20 ha, habitat et nécropole compris. Le plan général des vestiges (fig. 33) laisse penser que l’autoroute n’a pas touché l’intégralité de l’habitat et qu’il peut s’étendre vers le nord, le sud et l’ouest. Quant à la nécropole, elle est bien circonscrite dans l’espace et semble donc avoir été observée dans son intégralité. Cependant, si elle est composée de plusieurs groupes de tombes et d’enclos, son extension reste envisageable vers le sud (le plan montre qu’elle ne se prolonge pas vers le nord, ni vers l’est ou l’ouest dans les parcelles qui sont incluses dans les emprises autoroutières).
93Les structures de l’âge du Fer du Grand Ormeau sont réparties en deux groupes bien distincts dans l’espace :
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à l’ouest : l’habitat se développe avec des bâtiments sur poteaux, des fosses, une zone d’ensilage délimitée par des tranchées de palissades (environ 6 à 7 ha).
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à l’est : la nécropole composée d’un tumulus et d’une série d’enclos quadrangulaires (environ 2 ha).
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Le secteur de l’habitat
- 195 Peu de datations radiocarbone ont été réalisées, à cause de l’absence de charbons. Quatre datatio (...)
- 196 Frénée, dir. 2008, 244.
- 197 Baguenier 2008a.
94Le problème de la datation des bâtiments sur poteaux, déjà exposé dans la partie consacrée à l’habitat de l’âge du Bronze, se pose de nouveau pour l’âge du Fer. En effet, parmi les 72 bâtiments fouillés dans l’ensemble du site, seulement quelques-uns ont pu être datés grâce à du mobilier ou des analyses radiocarbones195 : 3 pour l’âge du Bronze et 4 pour l’âge du Fer196. Cette situation nous gêne pour bien comprendre l’organisation et l’évolution de l’habitat au cours du temps. À partir des 72 bâtiments sur poteaux, J.-P. Baguenier a réalisé des calculs de modules de manière à regrouper les bâtiments (fig. 47). Alors que son étude présente un intérêt indéniable sur le plan architectural, elle ne résout pas la question de l’attribution chronologique des bâtiments et le problème reste entier197. Il faut être conscient que toutes les études qui ont été menées sur les bâtiments de Sublaines englobent l’ensemble des constructions sur poteaux, sans tenir compte de leur chronologie. Celles-ci appartiennent aux habitats principaux du Bronze final et de La Tène ancienne, et il n’est pas possible de dire aujourd’hui si l’une des deux périodes a comporté plus de bâtiments que l’autre. La question ne peut pas être résolue par l’analyse spatiale car le plan général ne dégage pas d’orientations ou d’alignements qui permettraient de discriminer des groupes. Dans l’état actuel, le problème semble malheureusement insoluble et je me contenterais de reprendre les acquis essentiels concernant ce corpus et tenterais de dégager les caractéristiques qui permettraient d’apporter des éléments nous éclairant sur la fonction de cet habitat.
- 198 Buchsenschutz & Frénée 2009, 110.
95Éric Frénée a fait remarquer que 95 % des constructions sont de plan simple à 4 ou 6 poteaux198 :
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4 poteaux : 26 unités,
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6 poteaux : 31 unités,
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96– 8 ou 9 poteaux : 3 unités.
- 199 Ce type de bâtiment est parfois désigné sous l’appellation peu élégante et peu explicite de “bâti (...)
97Les bâtiments à 4 poteaux peuvent être carrés ou rectangulaires et couvrir des surfaces variables de 1,90 à 17,15 m2. Les constructions à 6 poteaux concernent des surfaces un peu plus grandes, de 9,16 à 25,27 m2. Ces petites constructions, majoritaires à Sublaines, ne sont sans doute pas des habitations et semblent pouvoir être interprétées comme des structures de stockage, de type grenier surélevé. Cette proposition est confortée par l’association de silos datés de LT A et B dans le même secteur. Mais pour E. Frénée, certains bâtiments à 6 poteaux présentent des écartements entre poteaux trop importants pour être considérés comme des constructions à plancher surélevé (fig. 48 : par exemple st.2.9). L’auteur considère que dans ce cas, les 6 poteaux peuvent constituer l’armature interne d’un bâtiment plus vaste dont les parois externes auraient disparu199. Si certaines constructions à plan simple appartiennent à des structures de stockage de type grenier surélevé, ce n’est sans doute pas le cas pour l’intégralité de la série qui peut comporter des bâtiments à plan plus complexe. Il faut donc envisager qu’une partie de ces plans a pu concerner des maisons d’habitation.
Fig. 47 Sublaines, Le Grand Ormeau : proposition d’organisation spatiale (plan interprété d’après Frénée, dir. 2008, pl. 142).

Fig. 48. Plans de bâtiments sur poteaux, Sublaines, Le Grand Ormeau (Buschenchutz & Frénée 2009, 112).

- 200 Baguenier 2008a, 228.
- 201 Krausz 1993.
- 202 Krausz 1993, 96.
- 203 Baguenier 2008a, 237.
98J.-P. Baguenier a identifié 6 constructions complexes caractérisées “par une architecture plus élaborée et des surfaces comprises entre 25 m2 et 65 m2”200. Toutes les constructions de cette catégorie sont de plan rectangulaire sauf la st.2.5 qui présente un plan carré et possède la plus grande surface avec ses 64,97 m2. Cette construction est identique à un bâtiment à 16 poteaux et d’une surface de 63 m2 de Levroux. Fouillé dans l’agglomération des Arènes, il est daté de LT C2/D1201. Ces constructions régulières évoquent des greniers surélevés de grande capacité comme il en existe en Allemagne du Nord dès le ve s. a.C. et à la Feddersen Wierde entre l’âge du Fer et l’époque romaine202. Les autres constructions complexes de Sublaines sont des bâtiments de grandes dimensions à une ou deux nefs et évoquent des habitations plutôt que des structures de stockage (st.2.46, st.2.80). Mais elles n’ont pas livré d’éléments de datation et pourraient appartenir à l’une ou l’autre phase de l’habitat. L’analyse spatiale des bâtiments proposée par J.-P. Baguenier apporte des éléments intéressants. L’auteur fait en effet remarquer que les constructions simples sont concentrées par groupes de 5 à 6 unités et semblent organisées en périphérie des bâtiments complexes203.
- 204 Thiery 2008, 266.
99Si l’organisation des petites unités ne se dessine pas très nettement par rapport aux bâtiments complexes, une structuration spatiale se dégage toutefois, avec des axes d’orientation (fig. 47). En effet, la zone d’ensilage est bien délimitée au nord-ouest de la zone fouillée, séparée des bâtiments qui forment un groupe lâche au sud-est de l’emprise. Le groupe de silos semble matériellement dissocié de la zone des bâtiments par des tranchées de palissade qui ne sont probablement que partiellement conservées. Toutes affectent la même orientation, nord-ouest/sud-est. Ces tranchées sont des segments de fossés armés de poteaux verticaux, il s’agit donc de palissades comme l’a montré G. Thiery204. Comme pour les bâtiments, leur datation est délicate en l’absence de mobilier mais la présence de quelques scories de fer dans les comblements orienterait plutôt vers l’âge du Fer, et en toute logique, d’une phase contemporaine des silos. On ignore si ces palissades délimitent des parcelles, des groupes de bâtiments ou une entrée protégeant la zone d’ensilage.
100On retrouve l’axe d’orientation principal, à l’est, dans la zone des bâtiments. Ils semblent organisés selon deux alignements principaux (fig. 47 : pointillé rouge) : les grands bâtiments présentent globalement la même orientation (NW/SE) au moins pour deux d’entre eux (st.2.46 et 2.4). Une structuration spatiale se dégage dans cet habitat qui est finalement moins désordonné qu’il n’y paraît. Cette observation reste toutefois hypothétique à cause des problèmes non résolus de datation des bâtiments.
- 205 Thiery 2008, 250.
- 206 Thiery 2008, 252.
- 207 Gransar 2002.
101En marge des bâtiments, les structures les mieux datées sont les silos. L’aire d’ensilage, bien distincte des bâtiments, compte 39 silos tous attribués à La Tène ancienne grâce à l’abondant mobilier qu’ils contenaient (fig. 49). Ils appartiennent à trois types morphologiques : cylindriques (8 %), en forme de bouteille (36 %) et tronconiques (53 %) ; 3 % des silos sont de profil inconnu205. Les volumes varient de 0,66 à 8,21 m3. Ce sont les profils cylindriques qui présentent les volumes les plus conséquents. G. Thiery a fait remarquer que les silos les plus volumineux se trouvaient au centre de la concentration et elle pose la question de l’usage de ces structures en fonction de leur capacité : les gros silos regroupés au centre de l’aire d’ensilage ont-ils une vocation de stockage communautaire alors que les silos plus petits, plus près de l’habitat, pourraient être réservés à une consommation plus familiale206 ? L’auteur pose la question de la fonction de cette zone d’ensilage en reprenant les hypothèses proposées par F. Gransar dans sa thèse207 : stockage de semences, de surplus agricoles, communautaire ou supra-communautaire.
Fig. 49. Sublaines, Le Grand Ormeau : la zone d’ensilage de La Tène ancienne (d’après Frénée, dir. 2008, pl. 269) (agrandissement de la zone des silos).

- 208 Thiery 2008, 247.
- 209 Poupon 2008.
102Les comblements des silos, riches en mobiliers archéologiques, permettent de mieux cerner le fonctionnement du site à La Tène ancienne. L’association de débris artisanaux et de déchets domestiques assure que l’habitat est tout proche et que les silos en fin d’utilisation primaire ont servi de dépotoirs. Les activités artisanales semblent liées essentiellement à la métallurgie comme le montrent quelques scories de fer, des battitures et des fragments de parois de four vitrifiées208. Les ossements animaux et la céramique témoignent de rejets domestiques : 5346 restes animaux ont été étudiés par F. Poupon209. Ils appartiennent essentiellement à des espèces domestiques, habituellement élevées dans les habitats laténiens : porc, bœuf, mouton, chèvre, chien, cheval. La faune sauvage est peu représentée mais certaines espèces ont été chassées et consommées (chevreuil, lièvre et oiseaux sauvages). Les ossements représentent les déchets d’activités diverses, de la découpe de boucherie à la consommation courante, un autre indice de la proximité de l’habitat.
- 210 Di Napoli 2008.
103L’étude de la céramique a permis à F. di Napoli d’attribuer l’abandon de tous les silos à La Tène ancienne210. Au sein de cette période, trois phases ont été distinguées :
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phase 1 : Ha D3/LT A,
-
phase 2 : fin de LT A/B1,
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phase 3 : LT B2/C1.
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- 211 Lusson 2008, 372.
104Ces datations, établies à partir de la céramique, sont confirmées par quelques objets métalliques recueillis dans les silos211 : plusieurs fibules de La Tène ancienne dont une fibule filiforme en bronze à pied relevé ; une fibule à timbale commune à Bourges à La Tène ancienne, associée à de la céramique de LT B2 (silo F2096). Parmi le petit mobilier, on note également 2 perles (non décrites) et plusieurs fusaïoles dans les silos. On remarquera l’absence totale d’outils en fer, agricoles ou autres.
- 212 Krausz 2000, 222.
- 213 Delattre 2013.
105Un silo (F2074) a livré un squelette humain appartenant à un sujet post-périnatal bien conservé dont l’âge est évalué entre 1 et 5 mois. Il était couché sur le côté droit, bras et jambes fléchis. Dans un autre silo, un fragment de crâne humain a été recueilli, témoignant de manipulations de sépultures ou d’intrusion de matériel plus ancien dans des fosses. Ces phénomènes sont fréquents dans les silos laténiens, mais le squelette péri-natal de Sublaines s’apparente plutôt à un “rejet détritique” en fosse, dépôt récurrent dans les contextes LT C, comme à Levroux ou à Bâle Usine à gaz212. Il se distingue des individus relégués comme on en voit par exemple dans les silos de Bourges et du Bassin parisien213.
- 214 Pradat 2008.
106Les silos ont également livré des carporestes. Tous sont carbonisés et ont été étudiés par B. Pradat qui a montré que de nombreuses espèces végétales étaient représentées dans l’habitat laténien de Sublaines214. Le contenu végétal des silos des trois phases chronologiques ne montre pas de différences, et l’auteur en déduit qu’il n’y a pas d’évolution notable entre LT A et LT C de ce point de vue. Les céréales dominent le corpus, en particulier les blés vêtus amidonnier et l’engrain, ce qui semble habituel sur les sites de l’âge du Fer de la région. B. Pradat a pu déterminer que plusieurs activités liées aux plantes avaient été pratiquées sur le site : les silos contiennent des restes de consommation et de préparations alimentaires ; ils révèlent également la pratique d’une activité agricole avec le traitement final des céréales dans l’habitat. L’auteur a également pu identifier des déchets probables de fourrage qui caractérisent l’élevage des animaux. Aussi, la présence de nombreuses plantes adventices des cultures assure que les champs cultivés étaient très proches de l’habitat.
La nécropole
107En usage au cours des mêmes phases que l’habitat et la zone d’ensilage, la nécropole est installée à 300 m vers l’est (fig. 50). Entre les deux secteurs, aucun vestige de La Tène n’a été découvert et on peut insister sur ce vide significatif, sorte de no man’s land entre monde des vivants et monde des morts. Il peut en effet s’agir d’une zone symboliquement vide, volontairement déserte ou occupée par des jardins, des champs, prairies ou bois. La nécropole a fait l’objet de plusieurs contributions dans le rapport de fouille : E. Sagétat a étudié les structures, D. Lusson le mobilier métallique, S. Riquier la céramique et M. Texier les ossements humains. Une synthèse sur les enclos quadrangulaires est proposée par L. Baray.
Fig. 50. Sublaines, Le Grand Ormeau, phasage de la nécropole de l’âge du Fer (synthèse proposée d’après les datations établies par D. Lusson, S. Riquier et L. Baray in Frénée, dir. 2008).

108Le tableau ci-dessous regroupe toutes les structures observées dans la nécropole : tombes, enclos et bâtiments. Il contient les critères discriminants sur le plan architectural et chronologique.
Nécropole laténienne de Sublaines, le Grand Ormeau, synthèse des données sur les tombes et monuments funéraires.

109La nécropole s’étend sur une surface d’environ 2,8 ha. Elle se présente sous la forme d’une unique concentration composée de tombes et de monuments funéraires. Les objets recueillis ne sont pas très nombreux et ne concernent que les tombes. En effet, la fouille des enclos n’a livré que très peu de mobilier, généralement des tessons de facture protohistorique qui ne permettent pas de préciser la datation mais qui suggèrent une attribution à l’âge du Fer, confortée par la morphologie des enclos et les mobiliers recueillis dans les tombes. La nécropole est composée de plusieurs types de structures :
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Des enclos à fossé continu (n=8) : la plupart sont carrés et leurs dimensions varient de 3 m de côté à 8,50 m. Un enclos beaucoup plus grand se dégage de l’ensemble avec 11,75 m de côté (3480). Les enclos affectent des orientations variables avec une dominante NW/SE. Certains d’entre eux sont axés sur les points cardinaux mais ce sont les angles et non les côtés qui sont orientés.
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Des enclos à fossé + palissade (n=2) : ce type d’aménagement concerne seulement deux enclos dont un petit (3230) et le plus grand de la série (3480).
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Des enclos à fossé interrompu (n=4) : trois d’entre eux présentent une interruption du côté est.
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Des enclos carrés à 8 ou 10 poteaux (n=4) : aucune sépulture n’a été découverte dans ces enclos qui sont interprétés comme des monuments funéraires.
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Un tumulus arasé.
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Des incinérations et des inhumations. Les mobiliers qu’elles contiennent permettent de proposer des datations.
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110Toutes les structures funéraires, tombes et enclos, sont très arasées. L’érosion est due aux activités agricoles intensives qui sont pratiquées à Sublaines depuis des siècles. De nombreuses structures ont dû disparaître, en particulier les tombes en fosse peu ancrées dans le sol, que ce soient des incinérations ou des inhumations. Il est possible aussi que certains enclos aient disparu et le tumulus, conservé sur une hauteur de moins de 40 cm, n’était peut-être pas unique dans cette nécropole. L’érosion importante pourrait expliquer que la majorité des enclos quadrangulaires de cette nécropole ne contient pas de sépulture. On peut en effet supposer que les enclos protégeaient des incinérations, comme l’enclos 3415, le seul qui ait révélé une incinération en son centre. La fosse (3416) contenant les restes de l’urne était conservée sur seulement 0,16 m. On imagine aisément que nombre de ces petites fosses très peu profondes ont pu disparaître avec les labours, dispersant depuis longtemps les mobiliers et les ossements. Ce problème de conservation est récurrent à Sublaines et a déjà été évoqué pour la probable nécropole du Bronze final du Grand Ormeau dont une seule incinération est conservée dans l’emprise de l’autoroute. Malgré ce sérieux problème de conservation, on peut établir la durée d’utilisation de la nécropole au cours de l’âge du Fer. Plus précisément, les sépultures qui ont livré du mobilier indiquent que la nécropole est en usage pendant plusieurs siècles, entre le Ha D2/3 et LT C2. Le nombre de défunts observé est inférieur à 10 individus alors que le nombre de monuments funéraires est bien supérieur, proche de 20 unités. Rapportés aux quelques 300 années d’utilisation de cette nécropole, ces chiffres paraissent dérisoires et confirment la disparition d’une grande partie des tombes.
Le tumulus
- 215 Sagetat 2008, 317.
- 216 Coupes et logs : Frénée, dir. 2008, vol.2, pl. 363 et 364.
- 217 Riquier 2008b, 320.
- 218 Lusson 2008, 377.
- 219 Lusson 2008, 378.
111Très arasé, il était signalé au décapage par une trace circulaire composée d’un sédiment exogène. Il mesure 14,65 m d’est en ouest et 13,20 m du nord au sud. Aucun fossé annulaire n’a été détecté en périphérie de la structure. Le décapage mécanique a préservé un léger dôme au centre du cercle, mais la hauteur conservée du tertre n’excède pas 0,38 m. Une pointe de lance en fer a été découverte au décapage, mais le rapport ne livre aucun relevé précis de l’emplacement de cet objet. De ce fait, il est impossible de savoir si cette arme se trouvait à l’origine dans la probable sépulture découverte par la suite dans le quart nord-est du tumulus. Dans ce secteur, les fouilleurs ont localisé une fosse profonde de 0,30 m pour 1,68 m de long et 0,68 m de large. Elle ne contenait pas de défunt mais une épée en fer, une agrafe de ceinture et une céramique complète écrasée. E. Sagétat indique que la pointe de lance se trouvait “à 5,60 m de la pointe de l’épée, quelques centimètres plus haut que cette dernière”215 mais il n’y a aucune donnée topographique précise concernant ces objets, les informations sont donc insuffisantes pour savoir si l’épée et la pointe de lance se trouvaient à l’origine dans la même sépulture ou si cette dernière a pu appartenir à une tombe adventice installée à l’intérieur du tertre. Malgré une tentative de rapprochement avec les tumulus des Danges, le sédiment subsistant de la masse tumulaire n’a pas été analysé. Une étude géomorphologique semble pourtant avoir été conduite sur le tumulus216, mais l’origine des sédiments n’a pas été recherchée, alors que sa nature exogène a bien été notée. Les commentaires indiqués sur les logs stratigraphiques font état de la présence d’escargots, mais aucune étude malacologique n’a été réalisée sur ces mollusques. On ignore donc si le tertre du Grand Ormeau était constitué des mêmes sédiments que ceux des Danges, une information pourtant capitale dans le contexte protohistorique de Sublaines. Le contenu du vase a été analysé mais ne recelait aucune incinération, on peut donc en conclure qu’il s’agit d’un dépôt à l’intérieur de la tombe. S. Riquier relève la rareté de cette forme, un gobelet tourné, orné de bandes de peinture rouge, probablement de l’hématite217. L’auteur a pu établir quelques comparaisons avec des vases recueillis à Saumeray (Eure-et-Loir), Bourges (Cher) et Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), avec des datations qui oscillent entre LT B2 et LT D2b, cette date récente concernant un vase de la nécropole de Saumeray. S. Riquier retient toutefois une attribution au iiie s. pour le vase du tumulus, car le mobilier métallique est conforme à cette datation. L’épée a été déposée sans fourreau et peut être rapprochée d’exemplaires connus à Saumeray, et plus loin en Franche-Comté à Mathay, où une épée de ce type est associée à deux fibules de La Tène II218. Le fer de lance correspond au type Ic défini par A. Rapin, attesté dès le début du iiie s. et jusqu’à la fin du iie a.C.219.
Les inhumations
- 220 Lusson 2008, 375
112Quatre inhumations ont été fouillées au sein de la nécropole. Toutes sont des sépultures individuelles, installées dans le même type de structure, une fosse quadrangulaire à angles arrondis. Certaines contiennent des pierres calcaires dans les niveaux supérieurs, révélant un dispositif de condamnation de la tombe. Les squelettes sont plutôt mal conservés mais l’anthropologue a pu déterminer que les défunts étaient allongés sur le dos, bras et jambes en extension. Ils sont tous orientés de manière identique, dans un axe nord-sud, la tête au nord (seul le défunt de 3241 est légèrement décalé NW/SE). Trois tombes appartiennent à des adultes dont la diagnose sexuelle et l’âge n’ont pas pu être établis à cause de la mauvaise conservation des ossements. La quatrième sépulture est celle d’un enfant de 5 à 9 ans (3305). Une partie de son squelette a été conservée grâce à la présence d’un torque en bronze au niveau du cou, placé entre les vertèbres cervicales et thoraciques. Une fibule en fer a été découverte au niveau de l’abdomen. Il n’en reste que deux spires ainsi que des éléments de l’arc ou de l’ardillon et son type n’a pas pu être identifié. Le torque est composé d’un jonc torsadé terminé par des tampons coniques à renflements globulaires. Des décors d’ocelles et de triangles incisés sont observés dans la partie lisse à proximité des tampons. Ce type de torque et les décors trouvent des analogies avec plusieurs parures de Champagne (Les Jogasses à Chouilly), du Loiret (Bromeilles) ou du Sénonais et D. Lusson propose une datation à la fin de LT B1 ou courant LT B2220.
- 221 Lusson 2008, 399.
113La fosse 3304 était très arasée et n’était conservée que sur une profondeur de 5 cm. Il s’agit très probablement d’une tombe à inhumation dont le squelette a totalement disparu. Les fouilleurs n’ont pu recueillir qu’un tesson ainsi qu’une fibule. Selon D. Lusson, il s’agit d’une fibule de Marzabotto, type 8 de Tendille221 qu’elle propose d’attribuer à LT B1 ou au début de LT B2.
- 222 Texier 2008c, 336.
- 223 Lusson 2008, 398.
- 224 Le rapport ne présente ni description ni dessin de cette canine. On ignore si elle était perforée (...)
114La sépulture 3241 contient elle aussi une fibule de Marzabotto, posée sur la partie gauche et centrale de la cage thoracique222. La tombe appartient à un individu adulte dont l’âge et le sexe n’ont pas pu être déterminés. Mis à part la fibule qui est attribuée à LT A223, le défunt portait une canine de suidé sur le front224.
- 225 Texier 2008c, 338.
115Le défunt de la sépulture 3343 est un adulte mal conservé dont le sexe et l’âge n’ont pas pu être déterminés. Une fibule a été découverte sur la partie médiane de l’hémi-thorax gauche à l’exception de tout autre mobilier archéologique225. Il s’agit d’une fibule en fer partiellement conservée et dont le pied est manquant. D’après D. Lusson cette fibule pourrait dater de La Tène ancienne ou du début de La Tène moyenne.
- 226 Texier 2008c, 440‑447.
116D’autres inhumations ont été découvertes dans le secteur de la nécropole laténienne mais elles ne contiennent pas de mobilier et leur attribution chronologique ne peut être assurée. D’autant que cette nécropole est réutilisée à l’époque gallo-romaine, alors qu’elle cesse d’être fréquentée après LT C2. En effet, plusieurs inhumations recoupent les fossés d’enclos laténiens. Grâce à leur mobilier, elles ont pu être datées entre le ier et le iie s. p.C. Aussi, cinq sépultures à inhumation sans mobilier demeurent non datées et leur localisation au sein des nécropoles laténienne et antique ne permet pas de trancher définitivement226 :
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sépulture 3060 : un enfant d’environ 11 ans, inhumé dans une grande fosse rectangulaire aux angles arrondis de 2,25 x 0,97 m, probablement dans un cercueil en bois. Elle est située à une trentaine de mètres du groupe des sépultures laténiennes bien datées. Le défunt est orienté tête au nord.
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Sépulture 3303 se trouve à 3 m de la tombe 3304 ; un enfant d’environ 10 ans orienté nord-sud, tête au nord, et inhumé dans une fosse quadrangulaire à angles arrondis.
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Sépulture 3284 : un jeune adulte orienté NW/SE (même orientation que 3241). La tombe contient des blocs calcaires comme les sépultures laténiennes.
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Sépultures 3489 : située à une dizaine de mètres des sépultures laténiennes 3303 et 3304. Grande fosse de 3,33 x 1,05 m, orienté nord-sud, tête au nord.
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Sépulture 10500 : découverte dans le cadre du diagnostic en 2004, elle est très éloignée du secteur des enclos. Son orientation diffère totalement des autres, avec un axe NE/SW.
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117Quatre inhumations non datées sur cinq sont situées dans le secteur des enclos et sont susceptibles d’avoir été installées au cours de l’âge du Fer. Les arguments en faveur de cette attribution sont : la similitude morphologique des fosses sépulcrales (quadrangulaires à angles arrondis) ; la présence de blocs calcaires au-dessus des défunts témoignant d’un dispositif de condamnation des tombes et enfin une orientation récurrente nord-sud, tête au nord. Mais la présence d’une nécropole gallo-romaine superposée à la précédente ne permet pas de trancher définitivement sur ces attributions éventuelles.
Les incinérations
118Deux incinérations laténiennes sont attestées dans la nécropole :
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- 227 Texier 2008c, 343.
3416 est une urne en fosse située au milieu de l’enclos 3415. La structure est très mal conservée avec un diamètre de 0,28 m pour une hauteur de 0,16 m sous le niveau de décapage. À cause de l’érosion, l’urne funéraire a été écrêtée et elle a été recueillie totalement écrasée. Elle contenait 444 g d’ossements brûlés appartenant à un individu adulte227. L’urne est un vase modelé dans une pâte grossière, à carène haute, sans aucun décor. Selon S. Riquier, cette forme est connue dans plusieurs sites de la région Centre entre le Hallstatt final et LT C1 (Montierchaume et Liniez dans l’Indre). Ce type existe également dans la zone d’ensilage de Sublaines, dans des contextes attribués aux phases 2 et 3. Un petit fragment de bronze a été recueilli contre la paroi de la fosse mais l’objet n’est pas identifiable (fragment de fibule ?).
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- 228 Riquier 2008b, 342.
3251 est une incinération recueillie dans une fosse de 0,26 m de diamètre, conservée sur une épaisseur de 0,13 m. L’urne contenait les restes de deux individus et 123 g d’os brûlés. Le premier est un adulte d’âge indéterminé et le second un enfant de 3 ou 4 ans, identifié grâce à deux dents. L’urne funéraire était, comme celle de 3416, écrasée en place et le bord est manquant. Il s’agit d’une coupe à pied surélevé et décoré de cannelures et de peintures rouges (hématite probablement). Pour S. Riquier, ce type de vase est caractéristique du Hallstatt final/LT A, bien représenté à Vix par exemple228.
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3273 est une incinération éventuelle, découverte dans la zone des enclos. Il s’agit d’une petite fosse sans aucun mobilier qui a livré 4,5 g d’ossements brûlés dont l’origine humaine ne peut pas être affirmée.
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Les enclos et les monuments funéraires
- 229 Baray 2008.
- 230 Baray 2003.
119Ces constructions sont toutes de plan carré et appartiennent à deux types : enclos fossoyés ou enclos sur poteaux. Certains enclos fossoyés sont entourés d’une construction en bois ou palissade (n=2) et l’un d’entre eux se détache de l’ensemble par sa taille très supérieure aux autres (F.3480). Une synthèse sur les enclos a été rédigée par L. Baray229 qui a montré que les constructions de Sublaines appartiennent à des types parfaitement connus dans les nécropoles du Bassin parisien. Elles s’intègrent dans la typologie de L. Baray230 :
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6 enclos de petite taille : type A71,
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4 enclos à fossé interrompu : type A81,
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1 enclos : variante du type A71 (F.3230),
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1 enclos : variante du type A72 (F.3480).
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120Pour L. Baray, ce dernier est le plus grand et le plus original de la série. L’auteur ne propose qu’une comparaison pour ce type d’enclos, à Basly (Calvados) qui est toutefois plus grand et daté du Ha B1. Sur ce site, les alignements de trous de poteau sont très près du fossé alors qu’à Sublaines, un espace de 5 m de largeur est observé entre les poteaux et le fossé. Celui-ci laisse penser que la circulation était possible et même aménagée à Sublaines, ce qui ne semble pas être le cas à Basly. Selon L. Baray, l’absence totale de sépulture dans le monument 3480 de Sublaines ainsi que dans les autres enclos, peut être liée à la destruction d’un tumulus qui protégeait les tombes. Les grands monuments de même type qui ont livré des sépultures datables sont attribués au Ha D3/LT A (Ardennes, Sénonais, Bourgogne…). C’est cette date que L. Baray retient pour le plus grand monument de Sublaines, qui serait fondateur de la nécropole (phase 1 de la nécropole). La proposition de la transition Ha D2/D3 est un peu osée car il n’y a aucun argument pour remonter la date aussi haut, même à partir des comparaisons que l’auteur expose et qui convergent plutôt au Ha D3/LT A.
121L. Baray définit un groupe d’enclos (3404 ; 3415 ; 3479) qui auraient été édifiés à proximité du premier et grand monument. Ils sont de dimensions et de morphologies analogues, avec des fossés larges et profonds qui sont caractéristiques des phases anciennes, Ha D et LT A. Ils correspondraient à la phase 2 de la nécropole.
122Au cours de la phase 3 (LT A/B), l’enclos 3230 est construit en marge du groupe initial.
123Enfin, au cours de la phase 4 (LT C), le petit enclos F.3275 aurait été construit (daté par la pointe de lance). L’enclos 3216 qui a la même morphologie et la même orientation pourrait être contemporain.
- 231 Baray 2008, 419.
124Concernant les quatre bâtiments carrés sur poteaux (1.01 ; 1.02 ; 1.03 ; 1.11) L. Baray propose de les associer à un système de signalisation des sépultures qui succède aux enclos fossoyés. Ce type de construction apparaît en Picardie, dans les Ardennes, en Champagne et en Seine-Maritime dans un contexte de LT C231. Les monuments de Sublaines constitueraient la découverte la plus méridionale de ce type dans le Bassin parisien.
125Pour conclure, on peut observer que la nécropole du Grand Ormeau est parfaitement contemporaine de l’habitat et de la zone d’ensilage située à l’ouest. Elle est aménagée à la transition Ha D/LT A avec l’édification probable d’un grand enclos fondateur, une construction monumentale composée d’un fossé doublé et encadré par une palissade (fig. 50, F.3480). Cet enclos pouvait protéger un tumulus et/ou des sépultures à inhumation ou incinération, mais toute trace de tombe a disparu. Une sépulture à incinération, située à une trentaine de mètres au nord-ouest du grand enclos pourrait dater de cette phase 1 (3404). Au cours de la phase suivante (LT A), au moins trois monuments fossoyés sont construits dans la périphérie du grand enclos. Ils sont plus petits et présentent tous des orientations différentes. Une seule tombe hors enclos peut être attribuée à cette phase 2 (3241). Aucun enclos ne peut être daté précisément de la phase 3 (LT A/B) mais on identifie trois tombes à inhumation hors enclos (3343, 3304 et 3305), groupées à 25 m à l’est du grand enclos (datées de LTB1 ou B2). Enfin, la phase 4 concerne LT C, période au cours de laquelle est installée la tombe à épée découverte dans le tumulus. Ce tertre très arasé et situé à 50 m au nord-est du grand enclos, a pu être construit dès La Tène ancienne mais la seule sépulture retrouvée date de LT C1/C2. L’enclos 3275 peut-être attribué à cette phase, au moins le comblement du fossé qui contenait une pointe de lance de LT C. Les enclos carrés sur poteaux pourraient également appartenir à cette phase, remplaçant les enclos funéraires fossoyés. Mais il n’y a plus aucun indice de la fréquentation de la nécropole à LT D.
Établissements ruraux de l’âge du Fer
- 232 Maguer & Lusson 2009.
126Dans le cadre des fouilles de l’autoroute A85, deux établissements ruraux de l’âge du Fer ont été fouillés à proximité immédiate du site du Grand Ormeau. Tous les deux sont situés sur la commune de Bléré : l’un à 2,5 km à l’ouest du Grand Ormeau (Les Pentes du Vaugerin), l’autre à 1 km à l’est (Les Fossés Blancs). Ces deux sites ont été fouillés par D. Lusson au début de l’année 2005 et aucun n’a fait l’objet d’une publication, à part une mention dans la synthèse présentée au colloque AFEAF de Chauvigny en 2007 sur les habitats ruraux232.
- 233 Lusson, dir. 2006a.
- 234 Lusson, dir. 2006a, 52.
- 235 Pradat 2006, 50.
127Sur le site des Fossés Blancs, fouillé sur une surface de 1,7 ha, une première occupation rurale s’installe au Ha C et va perdurer jusqu’à LT B233 (fig. 51). Elle comprend des fosses, cinq à six petits bâtiments de type grenier, un puits et cinq silos. L’un d’entre eux est de grande capacité, estimée à 10 m3 (F7), les quatre autres pouvant contenir de 0,7 à 1,4 m3. Cet ensemble correspond à une petite zone d’ensilage associant silos et bâtiments de stockage. Elle n’est probablement pas très éloignée d’un habitat comme en témoignent la présence d’un puits et l’abondant mobilier domestique rejeté dans les fosses et silos. Plus tard, probablement dans le courant de LT C, un enclos est construit au sud de la zone de stockage qui n’est plus utilisée. Il n’a été que partiellement dégagé, sur une longueur de 160 m et ses dimensions exactes ne sont pas connues car il se développe au sud de l’emprise de l’autoroute. Avec ses partitions internes, cet enclos révèle l’implantation d’un établissement rural laténien dont les fossés connaîtront une phase de réfection. Malgré la petite fenêtre d’observation à l’intérieur de l’emprise autoroutière, D. Lusson a pu étudier un grand nombre de structures (fosses et trous de poteau) au sein de l’enclos. L’occupation est dense à l’intérieur de cet établissement agricole qui est abandonné au tournant de LT C2/D1234. L’étude carpologique de B. Pradat met en évidence la prédominance d’orge vêtue dans les échantillons. Pour elle, ce site révèle la pratique d’activités agricoles plutôt que domestiques235. Aussi, la découverte de fragments de meules atteste l’élaboration de farines sur place, dans un cadre domestique ou artisanal.
Fig. 51. Bléré, Les Fossés Blancs, plan des vestiges des phases 1 et 2 (d’après Lusson, dir. 2006a, fig. 10 et 24).

- 236 Lusson, dir. 2006b.
- 237 Lusson, dir. 2006b, 59.
128Sur une surface de près de 2 ha, la fouille des Pentes du Vaugerin a permis de mettre en évidence un établissement rural occupé dans le même intervalle que celui des Fossés Blancs236 (fig. 52). Les vestiges les plus anciens, un bâtiment sur poteaux et cinq fosses, peuvent être attribués aux Ha C/D1. Ils sont trop ténus pour affirmer qu’il s’agit déjà d’une ferme, mais les rejets domestiques indiquent la présence d’un habitat ouvert. L’étude carpologique a montré que l’environnement du site était cultivé et que l’orge et le millet dominaient. La Tène ancienne n’est pas représentée, mais dès LT C2, un réseau fossoyé structure l’établissement rural. Il comprend des fosses, des bâtiments d’habitation et de stockage. D’après la céramique recueillie dans les fossés, il est abandonné à la fin de LT D1237. Puis il est de nouveau fréquenté à l’époque augustéenne comme l’indiquent les comblements d’une mare et d’un puits, mais la nature de cette occupation n’est pas déterminée.
Fig. 52. Bléré, Les Pentes du Vaugerin, plan des vestiges des phases 1 et 2 (Lusson, dir. 2006b, fig. 9 et 16).

129Ces deux établissements à vocation agricole sont situés dans la périphérie immédiate du grand Ormeau, dans un rayon d’1 à 2,5 km. Tous les deux s’installent dès le Hallstatt et connaissent une phase d’expansion à LT C2/D1. Ils sont ensuite abandonnés avant la fin de LT D1. On notera qu’aucune sépulture n’est connue en marge de ces deux sites.
Découvertes anciennes et isolées
130Pour terminer ce tour d’horizon des vestiges de l’âge du Fer, il faut encore évoquer trois découvertes attribuées à cette période dans les environs immédiats de Sublaines. La première concerne un trésor de monnaies gauloises mis au jour à Francueil, commune jouxtant Sublaines. Les deux autres découvertes ont été datées de l’âge du Fer mais ces attributions sont contestables.
Le dépôt monétaire des Ouldes à Francueil (Indre-et-Loire)
- 238 Blanchet 1901.
- 239 Blanchet 1905.
- 240 Troubady 2011, 71.
- 241 Barthélémy 1995, 35.
- 242 Troubady 2006, 51.
131La découverte de ce trésor est relatée pour la première fois dans un article d’Adrien Blanchet238. Le célèbre numismate indique que c’est M.G. Bonnery, alors trésorier de la Société Archéologique de Touraine qui l’a informé de la découverte d’environ 500 monnaies gauloises au lieu-dit les Ouldes tout près du bourg de Francueil. Mais on ignore dans quelles circonstances et à quelle date cette découverte a été faite, probablement à l’extrême fin du xixe s. En 1905, A. Blanchet identifie dans ce trésor des bronzes à la tête de taureau et nomme ces monnaies singulières “type des Ouldes”239. Plus tard, cette dénomination sera remplacée par celle de potin “à la tête diabolique” à la suite de plusieurs découvertes de trésors de même type en territoire turon, entre Langeais et Mazières (200 potins) puis à Fondettes en 1956 (791 potins). Ces potins circulent partout en Gaule et même au-delà, mais cette série reste attribuée aux Turons, à la Touraine ou à la Loire moyenne240. On ignore tout du contexte du dépôt des Ouldes, mais ces potins sont généralement attribués à la période de la guerre des Gaules car plusieurs dépôts se trouvaient dans des contextes de la deuxième moitié du ier s. a.C.241 Dans les environs de Sublaines, nombreuses sont les découvertes de potins à la tête diabolique selon l’inventaire de F. Barthélémy : à Amboise, Athée-sur-Cher, Courçay, Francueil et Luzillé. On peut leur ajouter trois potins découverts dans la fosse F16 de la phase 2 de l’établissement rural des Pentes du Vaugerin242.
Puits de Château-Gaillard à Sublaines
- 243 Laruaz 2009a, 204.
- 244 Dubreuil-Chambardel 1909.
- 245 Krausz 2013b.
132Enregistré sous un numéro d’indice de site dans la base Patriarche (37253901AH), le puits de Château-Gaillard est attribué à l’âge du Fer. Cette datation est probablement liée au signalement d’une Viereckschanze observée en avion par J.-M. Courderc, audacieusement interprétée par J.-M. Laruaz comme “enceinte cultuelle”243. D’autant que le toponyme évoque plutôt une motte médiévale ou une maison forte. En réalité, la documentation se limite à un article de 1909-1910 publié par Louis Dubreuil-Chambardel dans le tome I du Bulletin de la Société Archéologique de Touraine244. L’auteur relate la découverte d’une grosse pierre circulaire de 1,15 m de diamètre par M. Guérin, agriculteur à Sublaines. En déplaçant la pierre qui le gênait, Mr Guérin découvre une seconde pierre, puis en dessous, l’ouverture circulaire d’un “puits comblé de terre”. Informant successivement l’instituteur puis le médecin de Bléré, le docteur Louis Dubreuil-Chambardel est finalement saisi et il subodore l’existence d’un puits funéraire. Il faut dire qu’en ce début de xxe s., les puits sont plus souvent soupçonnés être des tombes que des structures pour puiser de l’eau. Un peu partout en France, les savants ont en effet eu vent des découvertes de puits à Toulouse, au Bernard en Vendée et ils voient des puits funéraires partout, comme E. Chénon à Châteaumeillant qui reniera finalement et clairement cette affirmation à la fin de sa vie245. Le puits de Sublaines est fouillé en février et mars 1909 et ne livrera aucun os humain ni cendre suspecte si on en croit la publication. Le fond du puits a été atteint à 10 m de profondeur (si c’est bien le fond !) (fig. 53). Ce puits est formé d’un conduit à section circulaire dont le diamètre interne mesure 1 m. D’après les descriptions, la paroi est parementée sur une hauteur de 1,80 m, en-dessous, elle est taillée dans le rocher en place et comprend des encoches pour monter et descendre. Le mobilier archéologique n’était pas très abondant et on peut résumer et commenter les descriptions :
Fig. 53. Sublaines, coupe restituée du puits de Château-Gaillard (Dubreuil-Chambardel 1909-1910, 161-166).

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des squelettes d’animaux (on ignore s’ils ont été identifiés par une personne compétente ou à vue de nez…) : dont 3 sangliers (ou plutôt des cochons ?), 3 cerfs, 5 ou 6 chèvres, 4 chats (très étonnant ! auraient-ils été confondus avec des petits chiens ?), 1 fouine, 1 renard ; des restes de lièvres, d’oiseaux de basse-cour et autres animaux indéterminés. À ces animaux s’ajoutent de nombreuses coquilles de mollusques qui n’ont pas été déterminées. D’après les descriptions, la plupart des squelettes étaient complets : ce fait, associé à la diversité des espèces ne détonne pas dans un puits gallo-romain.
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Des débris végétaux dont un tronc d’arbre de 92 cm de hauteur, identifié comme du tilleul (p. 165).
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La céramique était abondante, surtout dans la couche du fond du puits. Malheureusement, aucune forme n’a été identifiée ni datée, aucune proposition ne figure dans l’article, aucun dessin. On peut seulement s’inquiéter de la mention de “fonds et poignées de vases ; quelques-uns recouverts d’un vernis multicolore” (p. 165). Serait-ce là une allusion à de la sigillée ou de la céramique métallescente ? En tout état de cause, la mention de vernis ne nous oriente pas vers l’âge du Fer, le fait qu’il soit multicolore encore moins...
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Des objets métalliques : uniquement en fer, il s’agit de 2 clous, un bracelet, une fibule et un anneau en très mauvais état. Il n’y a aucune description, ni dessin, ni proposition de datation.
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133L’auteur de cet article ne suggère pas de datation pour ce puits qu’il situe toutefois quelque part entre le ive s. a.C. et le iiie s. p.C. (p. 166). Il est difficile de trancher sans voir le matériel, mais plusieurs indices plaideraient plutôt en faveur d’un puits gallo-romain : la section circulaire de la structure, la présence d’un parement interne, les squelettes complets d’animaux. On apprend dans les dernières lignes de l’article que quatre autres puits ont été identifiés dans le secteur et que l’auteur souhaite les fouiller. L’histoire semble avoir perdu leur trace et aucune autre fouille ne parait avoir été réalisée après 1910.
Le petit canard en bronze de Chédigny (Indre-et-Loire)
- 246 Cordier 1966.
- 247 Cordier 1975.
- 248 Gomez de Soto & Pautreau 2013.
134En 1966, G. Cordier publie un petit canard en bronze découvert sur les terres de Bellevue à Chédigny par le maire de cette commune246. Ce canard est une fonte de bronze (L=40 mm ; hauteur = 30 mm ; largeur = 16,5 mm ; poids = 35 g) (fig. 54). Malgré l’éloignement du lieu de cette découverte par rapport aux tumulus des Danges (1,200 km), G. Cordier a insisté sur l’attribution de ce canard à l’âge du Fer, sur une provenance présumée italique et sur sa symbolique rituelle247. Cette datation a été contestée à plusieurs reprises et en dernier lieu par J. Gomez et J.-P. Pautreau qui y voient plutôt un objet gallo-romain, très semblable à un canard d’Argentomagus248.
Synthèse sur l’âge du Fer
135À Sublaines, il y a un hiatus d’environ 250 ans dans l’occupation, après la fin de l’habitat du BF IIIb. En effet, il n’y a plus de vestiges archéologiques entre le Ha C1 et le Ha D1, ni au Grand Ormeau ni aux Danges. À la fin du Hallstatt, au cours de la phase D2/D3, une communauté réinvestit Le Grand Ormeau, y installe une zone d’ensilage, un habitat et une nécropole (fig. 55). Cette occupation sera stable jusqu’à LT C2 puis ces lieux seront de nouveau abandonnés pendant toute LT D et jusqu’à l’époque augustéenne. L’habitat du Grand Ormeau appartient à une communauté qui pratique des activités essentiellement agricoles. Dans un rayon de 2,5 km, elle est probablement en relation avec deux établissements ruraux contemporains, dont l’un a livré des vestiges du Ha C (Les Pentes du Vaugerin), preuve que le secteur n’est pas totalement désert à cette époque. L’habitat qui se développe au Grand Ormeau connaît sa plus grande extension au cours de LT A et B. Son ampleur n’a pas varié en comparaison de la surface occupée à l’âge du Bronze, et demeure autour de 6 à 7 ha. Mais elle s’est densifiée par rapport à la période précédente et la communauté a installé une nécropole dont la surface atteint 2 ha, dans un secteur bien distinct. L’occupation laténienne s’étend sur une surface importante, une vingtaine d’hectares au total. On serait tenté de voir au Grand Ormeau un village ou une agglomération concentrant une population nombreuse issue de regroupements familiaux ou de lignages. Mais cette hypothèse est difficile à démontrer, d’abord parce que la nécropole ne révèle pas un grand nombre de défunts, ensuite parce que les activités ne semblent pas particulièrement diversifiées dans l’habitat. S’agit-il d’une grosse ferme ou d’une véritable agglomération ? En l’absence d’activités diversifiées (il n’y a pas d’activités artisanales avérées, à part quelques éléments liés à la métallurgie recueillis dans les silos), le seul argument qui paraît recevable en faveur d’une l’agglomération serait sa longévité entre LT A et C2…mais on pourra objecter qu’une ferme bien tenue et bien organisée pourrait maintenir une production soutenue pendant 250 ans. Ces incertitudes sont liées à l’interprétation des vestiges archéologiques, d’abord les bâtiments mal datés, ensuite des vestiges mal conservés ou détruits. La question de la conservation différentielle est récurrente dans tous les sites de Sublaines et de nombreux vestiges ont pu disparaître, en premier lieu les tombes à incinération, disparition qui fausse notre représentation de la nécropole. Ont pu également disparaître totalement, des vestiges artisanaux qui ont pu exister dans l’habitat, comme des fours de potier ou de métallurgiste. La disparition de ces structures, souvent peu ancrées dans le substrat, peut suggérer finalement une image tronquée des activités qui ont réellement été pratiquées dans cet habitat.
Fig. 55. Vestiges de l’âge du Fer de Sublaines et de ses environs (Indre-et-Loire), carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1.

136Le Grand Ormeau livre toutefois des données fiables, sur la vaisselle en céramique, sur l’alimentation carnée et végétale. Les études menées par l’équipe d’E. Frénée montrent que l’alimentation et le mobilier domestique sont variés et de bonne qualité. Les défunts inhumés ou incinérés dans la nécropole appartiennent à l’élite locale qui contrôle l’organisation de la communauté et gère les stocks agricoles. Ceux-ci constituent la richesse des habitants et sont entreposés dans une zone bien circonscrite d’environ 2500 m2 au sein de l’habitat. La zone de stockage, probablement protégée par un système de palissades, associe des silos de grande capacité et des petits bâtiments sur poteaux. À la même époque, l’établissement rural des Fossés Blancs, situé à 2,5 km, stocke lui aussi des denrées agricoles mais dans des silos moins nombreux et de plus petite capacité. On peut se demander quels sont les liens entre les établissements ruraux situés dans la proche périphérie du Grand Ormeau : sont-ils autonomes ou au contraire totalement dépendants de l’établissement le plus grand ? La proximité entre l’établissement du Grand Ormeau et les deux fermes pose la question des liens qu’ils ont pu entretenir non seulement entre eux, mais aussi avec la nécropole tumulaire des Danges, éloignée de 5 km vers le sud-est. La tombe centrale, datée du Ha D2/D3 est contemporaine des prémices de l’habitat du Grand Ormeau et de certaines tombes de sa nécropole. Les éléments précis manquent, mais il est probable que le tumulus des Danges a été fréquenté et utilisé jusqu’à LT C comme la nécropole du Grand Ormeau. Doit-on voir deux nécropoles séparées appartenant à deux communautés distinctes ? Ou bien la permanence aux Danges d’un lieu ancestral où sont enterrés les personnages de haute lignée d’une même communauté ? À LT C, le stockage en silo sera abandonné au Grand Ormeau. L’habitat se maintient, mais on ignore quelles activités sont désormais pratiquées. À cette époque, les deux établissements ruraux vont se structurer avec la construction d’enclos fossoyés qui vont perdurer jusqu’au début de La Tène finale. À LT C2, la nécropole du Grand Ormeau est toujours en usage et témoigne du maintien des élites avec l’inhumation d’un guerrier sous tumulus. L’habitat et la nécropole sont abandonnés après LT C2 et il n’y a plus aucune trace d’occupation à LT D. Il en est de même dans les deux établissements ruraux dont l’un est abandonné au début de LT D1, l’autre avant la fin de cette phase.
Le territoire de Sublaines et sa place dans le territoire des Turons
137Sublaines constitue un complexe archéologique exceptionnel, un terroir dont on peut suivre l’évolution pendant 5000 ans, depuis le Néolithique ancien jusqu’à la fin de l’âge du Fer. Deux hiatus chronologiques subsistent toutefois aujourd’hui : le premier se situe entre le Néolithique final et le Bronze ancien, le second à la fin du Premier âge du Fer (fig. 56). On ignore si ce territoire est totalement abandonné aux cours de ces parenthèses ou si elles sont liées à un état lacunaire de la recherche. C’est probablement la deuxième hypothèse qu’il faut privilégier car depuis 2005, à chaque nouvelle fouille, de nouvelles phases d’occupation sont découvertes comme par exemple les grands ensembles fouillés sur 20 ha d’emprise de l’A85 ou plus récemment le village danubien complétant les connaissances sur le Néolithique ancien, une phase totalement inconnue auparavant.
Fig. 56. Sublaines et ses environs : mise en séquence de la chronologie des sites du Néolithique ancien à la fin de l’âge du Fer (DAO S. Krausz).

138Le site du Grand Ormeau se distingue par sa longévité. Alors que les fouilles ont montré une occupation discontinue, avec des phases plus ou moins longues d’abandon ou de raréfaction des habitants, les communautés sont régulièrement revenues dans ce lieu pendant cinq millénaires. Le Grand Ormeau a été le premier lieu d’occupation (village VSG) mais aussi le dernier (LT C2). Alors que ces occupations sont épisodiques, elles sont toutefois de grande ampleur à chaque réinstallation et ne se limitent pas à quelques structures. C’est une caractéristique constante des habitats du Grand Ormeau, au Néolithique, à l’âge du Bronze puis à l’âge du Fer. Le choix récurrent du Grand Ormeau est incontestablement lié à sa position topographique, car il est le lieu le plus élevé du secteur, entre les vallées de l’Indre et du Cher. Il est aussi le lieu fondateur de la communauté du Néolithique ancien et à ce titre évoque peut-être un lieu symbolique et ancestral. La carte de synthèse montre que le Grand Ormeau ne constitue pas le centre du territoire (fig. 57). Au contraire, il est et demeure toujours situé à l’extrémité nord-ouest de l’ensemble des occupations, une observation qui vaut pour trois phases de la Protohistoire.
Fig. 57. Sublaines et ses environs : carte de synthèse de l’évolution du territoire du Néolithique ancien à l’âge du Fer (DAO S. Krausz).

139Au Néolithique ancien, Le Grand Ormeau est le seul point sur la carte. On ignore comment le village VSG s’intégrait dans le territoire, et si celui-ci avait déjà été délimité par cette communauté néolithique par rapport à d’éventuelles communautés voisines. Le territoire était à cette époque en cours de constitution grâce à l’avancement des défrichements de la forêt primaire et la mise en place progressive des cultures et des prairies d’élevage. La carte donne plutôt l’image du territoire tel qu’il devait être entre le Néolithique moyen et final. Pour ces phases, les sites appartiennent à différents types : des habitats, des polissoirs fixes, du mobilier isolé et de nombreux mégalithes, dolmens et menhirs, qui resteront visibles pendant toute la Protohistoire. Au Néolithique, la concentration de sites archéologiques est nettement délimitée dans une ellipse orientée nord-ouest/sud-est. Elle se situe au milieu du plateau de Champeigne, entre les vallées de l’Indre et du Cher, son centre approximatif étant le bourg actuel de Sublaines. Cette ellipse couvre une surface d’environ 8 x 6 km, soit 48 km2. Cette surface peut correspondre au territoire originel de Sublaines, un premier cercle que les communautés VSG auraient convoité dès 5000 a.C. Ses limites se seraient matérialisées plus tard dans l’espace, à un moment où la communauté est bien implantée et son territoire clairement marqué. Ce moment a pu se produire dès la fin du Néolithique ancien quand la communauté organisait et contrôlait son territoire à partir d’un lieu particulièrement stratégique, la grande enceinte du Bois Gaulpied. De cet endroit, les habitants pouvaient surveiller leur territoire, vers le sud et vers le nord, ainsi que contrôler les flux qui circulaient dans la vallée du Cher, un axe particulièrement fréquenté au Néolithique. L’enceinte a pu protéger les habitants ainsi que leurs richesses agricoles et son utilisation a perduré jusqu’au Néolithique moyen. C’est à cette phase que l’on peut attribuer l’érection des premières tombes mégalithiques. Disposés sur l’ensemble du territoire, les mégalithes peuvent marquer des limites, des frontières ou des propriétés appartenant à des clans familiaux. Au Néolithique récent et final, alors qu’aucun habitat ne peut être localisé, ces tombes mégalithiques sont encore utilisées, signe que les communautés sont toujours implantées dans ce territoire et attachées à leurs monuments ancestraux. Au sud du premier cercle délimité par l’ellipse, plusieurs mégalithes pourraient marquer les limites d’un second cercle qui suit plus ou moins les rivières de l’Indre et de l’Indrois. On ne retrouve pas de ligne mégalithique équivalente au nord, en direction du Cher. Ce second cercle pourrait matérialiser une extension plus tardive du territoire de Sublaines au Néolithique moyen et final, constituant une réserve complémentaire de ressources naturelles, de bois, de gibier et de terres potentiellement défrichables. L’habitat du Grand Ormeau/Le Bois Gaulpied est occupé du Néolithique ancien à la fin du Néolithique moyen II (de 5000 à 3500 environ) puis ce lieu est délaissé. L’utilisation du dolmen de Villaine au Néolithique récent et final confirme que les communautés n’ont pas abandonné le territoire, elles ont seulement déplacé leur habitat. Ce déplacement pourrait être lié à un épuisement des terres cultivées après un millénaire et demi de pratiques agricoles intensives. Des problèmes environnementaux, écologiques ou climatiques ont pu avoir des conséquences désastreuses sur les communautés humaines, entraînant un ou plusieurs épisodes de déprise démographique et nécessitant des changements radicaux dans les stratégies d’acquisition des denrées alimentaires. Si les terres affaiblies étaient situées au nord-ouest du territoire, la communauté de Sublaines a pu les mettre en jachère puis réinstaller un habitat à proximité de terres intactes et fertiles, dans un autre lieu de son territoire. Un tel changement suppose qu’une rotation des terres puisse être envisagée et anticipée à l’intérieur d’un territoire suffisamment vaste, maîtrisé et contrôlé. L’utilisation du dolmen de Villaine jusqu’à la fin du Néolithique constitue un argument archéologique fondamental pour confirmer la stabilité de la communauté dans ce territoire malgré un ou plusieurs déplacements inéluctables de l’habitat.
140À l’âge du Bronze, la configuration du territoire n’a pas changé et on retrouve l’ellipse formée au Néolithique, mais elle s’est légèrement contractée. Le territoire couvre désormais une surface inférieure à celui de la période précédente, de 8 x 4 km, soit 32 km2. L’habitat du Grand Ormeau redevient au Bronze moyen la tête de pont du territoire à son extrémité nord-ouest. Le développement de la communauté semble tourné vers le sud-est, avec l’installation de la nécropole des Danges et l’enfouissement des dépôts métalliques qui sont exclusivement situés au sud de l’habitat principal. Les mégalithes néolithiques sont inclus dans ce territoire et peut-être en marquent-ils symboliquement des limites, des lieux de mémoire ou les deux. L’installation d’une nécropole à incinération autour du dolmen de Villaine au Bronze final matérialise la création d’un sanctuaire dans un lieu de mémoire, fondateur de la communauté néolithique. Il sera curieusement réactivé au Haut Moyen Âge avec une fonction funéraire entourant encore une fois le dolmen néolithique. L’occupation de l’âge du Bronze ne s’étend pas hors du premier cercle, et seul un dépôt d’objets métalliques est connu à proximité de l’Indrois (dépôt de Code à Chédigny). Au Bronze final, deux nécropoles sont connues à Sublaines, à Villaine et aux Danges. La première est légèrement antérieure à la seconde et les défunts se distinguent peut-être par une origine sociale différente. À Villaine, l’absence de mobilier prestigieux dans les ensembles du BF IIa/IIb peut révéler l’incinération de populations modestes. En revanche, au BF IIIb, la sépulture d’un prince est installée dans un énorme tertre de 40 m de diamètre et accompagnée d’un vase exceptionnel dont la figuration d’un char attelé à deux chevaux renvoie au pouvoir et au prestige. Ainsi, c’est au BF IIIb que la présence d’une élite aristocratique se manifeste pour la première fois à Sublaines. Au cours de cette phase, les différences sociales deviennent sensibles, le tumulus et son mobilier prestigieux renvoyant à une classe sociale qui contrôle le territoire, ses productions et ses richesses. La sépulture de ce prince se situe à 5 km du Grand Ormeau et on doit s’interroger sur les liens entre les deux sites : cet homme vivait-il au Grand Ormeau où dans une résidence proche des Danges ? Cette seconde hypothèse est la plus probable car Le Grand Ormeau ne semble plus occupé au BF IIIb. Cette tombe monumentale, située à l’extrémité sud-est du territoire de Sublaines pouvait marquer la frontière ou l’entrée contrôlée dans le pays de la communauté, constituer un symbole fort et visible lorsqu’un visiteur approchait Sublaines de ce côté. On ignore tout des voies de communication qui ont pu exister à cette époque entre les vallées du Cher, de l’Indre et de la Loire. Les indices les plus anciens de ces axes sont des voies antiques, parfois bien attestées par l’archéologie. On peut imaginer que certaines ont pu exister à l’âge du Fer et même bien avant, même s’il n’est pas possible de le démontrer formellement.
- 249 Yvard 1995, 551
141Sur la carte de synthèse des sites de l’âge du Fer (fig. 57-C), sont reproduits les tracés connus de chemins attestés à l’époque romaine ou au Moyen âge249. Certains pourraient marquer des itinéraires plus anciens : à proximité des Danges, se trouve l’intersection de deux chemins : le premier (n° 2), orienté nord-ouest/sud-est reliait la vallée du Cher, vers Bléré puis Amboise, au Berry. Le chemin n° 3 est perpendiculaire au n° 2 et se dirige vers Loches.
- 250 Poitevin 2004
142Le chemin n° 3 est parallèle à la voie romaine (n° 1) qui passe au nord du Bois Gaulpied. Elle est dénommée localement “Chemin d’Espagne” et a fait l’objet d’une fouille dans le cadre des opérations archéologiques de l’A85. Dirigée par G. Poitevin, cette opération a permis de découvrir une voie empierrée bordée de fossés, un ensemble très large, de près de 28 m250. Plusieurs documents, dont la carte de Cassini, montrent que le tracé de cette voie reliait Amboise à Port-de-Piles en passant par Bléré. Dans le secteur de Sublaines, son toponyme évoque un chemin se dirigeant vers le sud de la Gaule puis vers l’Espagne, sans aucun doute un axe important traversant la cité des Turons. Les fouilles n’ont pas permis d’assurer la datation précise de la voirie, comme c’est souvent le cas pour ce type de structure. Une origine antérieure à l’époque romaine est probable lorsqu’on replace ce tracé dans le contexte de Sublaines : il est situé à quelques mètres des gisements protohistoriques du Grand Ormeau et peut désigner un axe de communication ancien, celui qui reliait ces habitats aux deux vallées encadrant la Champeigne (l’Indre et le Cher).
143Concernant les axes de circulation probables pendant la Protohistoire, on retiendra les éléments suivants :
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Deux voiries sont parallèles entre elles, n° 1 et n° 3, la voie n° 2 leur est perpendiculaire. Ces trois voiries créent un réseau orthogonal, orienté dans le même axe que l’ellipse formée par le territoire de Sublaines depuis le Néolithique.
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Les voies 1 et 3 encadrent le territoire de Sublaines, l’une au nord-ouest, l’autre au nord-est.
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Les tumulus des Danges se trouvent au carrefour de deux chemins. Aujourd’hui, la voie n° 2 constitue la limite de commune (et de paroisses) entre Luzillé, Sublaines et Saint-Quentin-sur-Indrois. La concordance entre limites de commune et chemins antiques est un phénomène bien connu et récurrent.
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144Deux voies convergent vers le Cher, en direction de Bléré. L’une se dirige vers le sud-ouest de la région, l’autre vers le Berry.
145À l’âge du Fer, la forme du territoire de Sublaines n’a pas changé. La nécropole des Danges, inaugurée avec un premier tumulus au Bronze final, est toujours utilisée à l’âge du Fer. On y construit un nouveau tertre de 40 m de diamètre, tout près du précédent. La morphologie et les techniques de construction de ces tumulus sont identiques au Bronze final et au Hallstatt : ils ont les mêmes dimensions et leur masse est composée du même sédiment noir provenant d’un marais situé sur la commune de Sublaines. Ce sédiment très noir et chargé de mollusques devait avoir une signification particulière pour qu’il soit entré dans la composition des tertres funéraires. Sa mise en œuvre n’a sans doute pas été simple, car le lieu de prélèvement dans le vallon marécageux des Ruaux est éloigné d’1,5 km. On ne peut pas calculer le cubage de chacun des tertres car on ne connaît pas leur hauteur initiale, mais on peut imaginer que le transport et la mise en place de ces sédiments a représenté une œuvre colossale, pour plusieurs dizaines voire centaines de personnes, et que la communauté avait de bonnes raisons d’entreprendre ces ouvrages. Le grand tumulus protège une tombe centrale et collective, installée au Ha D2/D3. D’autres sépultures seront placées dans ce tumulus dans le courant du Deuxième âge du Fer à une date qui ne peut pas être précisée. À l’autre extrémité du territoire, l’établissement rural des Fossés Blancs s’installe à la fin du Ha C ou au tout début du Ha D. Les établissements ruraux semblent avoir précédé le développement de l’habitat du Grand Ormeau qui ne réapparaît qu’au Ha D3/LT A. À ce moment-là, l’habitat des Pentes du Vaugerin semble abandonné, révélant peut-être un déplacement des habitants vers le Grand Ormeau, situé à 1 km environ. Ce nouvel habitat a pu en effet concentrer des familles implantées en différents points du territoire pour répondre au développement de ses activités et à un besoin de ressources humaines. Une période climatique particulièrement favorable au développement de l’agriculture, associée à une augmentation démographique pourrait être à l’origine de l’essor de l’activité agricole, provoquant la création d’un village et le regroupement de plusieurs familles. Cette activité se maintient jusqu’à LT B. Les membres de la communauté sont enterrés dans une nécropole associant des enclos, incinérations et inhumations, enfants et adultes, personnes modestes et plus riches. Les tombes ne sont toutefois pas assez nombreuses pour appréhender la composition de cette communauté, et savoir si plusieurs niveaux sociaux sont représentés. Si cette nécropole était le cimetière communautaire du territoire, elle a pu accueillir les individus qui vivaient dans le village mais aussi ceux des établissements ruraux les plus proches. À partir de LT C, la nécropole du Grand Ormeau est toujours en usage, preuve du maintien de la communauté et de l’habitat. Mais les silos ne sont plus utilisés et on ignore à cette date quelles activités sont pratiquées au Grand Ormeau. Elles ont probablement changé et ce changement annonce peut-être déjà le déclin de la communauté. L’agglomération se maintiendra jusqu’à LT C2, époque d’installation des dernières tombes dans la nécropole et de la construction d’un tumulus qui abrite la sépulture d’un guerrier. L’habitat et la nécropole du Grand Ormeau, ainsi que l’établissement des Fossés Blancs cessent d’être occupés après LT C2. Seule la ferme des Pentes du Vaugerin se maintiendra encore quelques décennies, jusqu’à la fin de LT D1. L’abandon de Sublaines semble presque total à LT D. Son déclin a commencé à LT C2 avec la fin de l’habitat, incitant éventuellement les habitants à se replier dans les fermes comme les Pentes du Vaugerin. C’est un repli ou un répit, annonçant la désertion totale du territoire au tournant de LT D1/D2. Celui-ci ne sera réinvesti qu’au ier s. p.C. avec l’aménagement d’une ferme au Grand Ormeau. Ses habitants réinvestiront alors la nécropole de l’âge du Fer, lui redonnant sa fonction deux siècles après son abandon, assurant ainsi la continuité de ce lieu ancestral. À l’époque romaine, le tumulus était probablement visible et toujours bien signalé, ce qui n’était sans doute plus le cas des enclos funéraires laténiens dont les fossés sont recoupés par plusieurs sépultures antiques.
- 251 Brun & Ruby 2008, 99.
146Mais que s’est-il passé à LT C2 puis dans le courant de LT D1 à Sublaines ? La communauté a-t-elle rencontré des difficultés entraînant une décadence économique et démographique ? Un problème d’organisation ou de politique interne provoquant le départ de certains membres et précipitant l’effondrement de la communauté ? De telles difficultés peuvent être liées à des événements climatiques et naturels occasionnant des famines et des maladies, avec des conséquences désastreuses sur la démographie. Des conflits locaux ont pu entraîner des pertes humaines avec les mêmes conséquences catastrophiques sur la démographie. Dans un contexte historique plus large, on ignore les répercussions que les mouvements celtiques des ive et iiie s. ont pu avoir sur une communauté comme celle de Sublaines. P. Brun et P. Ruby ont insisté sur la désorganisation des échanges et la déprise démographique consécutive aux installations des Celtes en Italie251. Les textes nous disent que les populations du Centre ont participé à ces mouvements (Bituriges, Carnutes, Sénons et Arvernes…) mais on ignore quelle part les Turons ont pu prendre à ces voyages. Des groupes ont pu partir et certains ne sont jamais revenus, décimés au cours des conflits ou s’établissant définitivement en Italie du Nord. Si les hommes ne sont pas rentrés au pays à la suite des migrations ou d’engagements dans le mercenariat, une communauté pourtant solide comme celle de Sublaines a pu se trouver fragilisée sans pouvoir finalement redresser son équilibre démographique et social.
- 252 Müller et al. 2008.
147Il est bien dommage de ne pas pouvoir dater les sépultures adventices du grand tumulus ! En évoquant ces événements historiques et les troubles qui ont pu toucher cette communauté de l’âge du Fer, on se demande qui sont ces cinq hommes inhumés dans ce tertre, sans aucun mobilier d’accompagnement. G. Cordier avait montré que ces défunts avaient très probablement été inhumés au cours de l’âge du Fer mais à une date impossible à préciser, nécessairement postérieure à la tombe principale, à une époque qui peut être resserrée entre LT A et C d’après le mobilier résiduel. Les anthropologues ont souligné les similitudes physiques des cinq hommes, caractérisées par leur haute stature et la gracilité de leur squelette. Ces critères communs laissent penser qu’ils appartenaient à une même lignée familiale. Leur haute taille et leur silhouette particulière pourraient être les signes distinctifs de leur origine aristocratique et la marque de leur lignage. Plusieurs personnages aristocratiques celtiques sont connus pour leurs particularités physiques comme le prince de Hochdorf qui mesurait 1,87 m, la princesse de Vix qui souffrait de déformations faciales ou les membres du clan familial de Münsingen-Rain porteurs d’une pathologie crânienne. Dans cette nécropole suisse (LT A2 à C2), les études récentes ont montré que plusieurs crânes étaient plagiocéphales (aplatissement du crâne d’un côté, avec front en retrait et élévation de l’orbite)252. Cette pathologie est liée à un torticolis congénital d’origine héréditaire. L’anthropologue W. Alt a montré que les individus de la nécropole de Münsingen, la plupart porteurs de cette pathologie, étaient de la même famille et même consanguins. Les cinq défunts du grand tumulus de Sublaines appartenaient très probablement eux aussi à la même famille. Ils étaient tous en mauvaise santé, leur dentition était dans un état déplorable révélant une piteuse hygiène de vie. L’état sanitaire de ces hommes révèle sans aucun doute les temps très durs qu’ils ont vécus. Ont-ils connu des situations et une vie particulièrement difficiles à Sublaines ? Ou bien étaient-ils dans cet état parce qu’ils revenaient au pays après plusieurs années de guerres épuisantes ? L’homme qui a été victime d’acharnement, tué de plusieurs coups d’épée portés au visage a de toute évidence été mis à mort ou est mort au combat. Cette sépulture pose la question d’éventuels conflits locaux qui auraient pu se dérouler dans le courant de La Tène. Ceux-ci auraient-ils affaibli la communauté et précipité son déclin ? Si l’on retient cette hypothèse, l’absence de dépôt de mobilier métallique ou céramique dans les tombes adventices pourrait-il être le signe d’un appauvrissement extrême des défunts et de leurs familles suite à des guerres ? Ces questions ne peuvent hélas trouver aucune réponse, car il manque des éléments archéologiques suffisamment précis pour aller plus loin.
- 253 Krausz 2013b.
- 254 À Levroux, il a été démontré que le murus gallicus avait été construit sur l’oppidum de la Collin (...)
- 255 Krausz 2013a.
- 256 Buchsenschutz & Ralston 2012, 360.
148Si ces hypothèses font référence à des causes catastrophiques pour expliquer l’abandon du territoire de Sublaines, il peut aussi s’agir de tout autre chose. En effet, ce sont peut-être des raisons politiques qui ont conduit la communauté à quitter Sublaines. La fin de l’habitat du Grand Ormeau date de LT C2/D1, et celle des deux fermes de LT D1. C’est précisément le moment de la création des oppida, en région Centre et partout en Europe. Dans les cas bien connus où il existe des agglomérations de LT C, très actives économiquement, comme Levroux et Châteaumeillant dans le Berry, ou plus loin Manching en Allemagne, on peut démontrer aujourd’hui que ce sont bien les communautés locales qui créent un oppidum253. À Levroux, c’est au tournant de LT C2/D1 qu’un murus gallicus est construit sur la colline, à 1,500 km de l’agglomération ouverte. Le Village des Arènes connaît à cette époque son plus grand développement sur près de 30 ha et n’est en aucun cas sur le déclin, bien au contraire. À Levroux, le déplacement de l’agglomération est un choix délibéré, programmé par les habitants de la plaine et lorsque la construction du rempart est achevée sur l’oppidum, la population et les activités glissent sur la hauteur254. À Châteaumeillant, la chronologie est identique à celle de Levroux mais la configuration est différente : une agglomération de LT C2 se développe non pas en plaine, mais sur un promontoire. À cette époque, celui-ci n’est pas encore fortifié mais au tournant de LT C2/D1, il s’équipe d’un murus gallicus. À Châteaumeillant, il n’y a pas de déplacement de la population, l’agglomération ouverte devient un oppidum. Le cas de Manching est similaire, à la différence que l’oppidum est en plaine dans la vallée du Danube et non sur une hauteur comme Châteaumeillant. À Sublaines, il n’y a pas de création d’oppidum, ni de hauteur, ni de plaine. C’est pourtant sur une hauteur que l’habitat du Grand Ormeau est installé depuis le Néolithique mais il ne s’est pas développé à LT C2 pour devenir une agglomération active économiquement, comparable à Levroux, Manching, Bâle ou Lacoste255. Avait-il finalement les atouts pour accomplir une telle évolution ? La communauté était pourtant bien implantée depuis le Ha D, pendant LT A et B, mais avait-elle les capacités politiques, démographiques et économiques suffisantes pour créer une agglomération de grande ampleur ? Sans aucun doute, elle n’avait pas ces ressources, ni économiques, ni humaines pour accomplir une telle mutation. Sublaines a probablement manqué sa chance de développer une agglomération urbaine au Grand Ormeau à LT C2, et elle a également manqué le rendez-vous des oppida 100 ans plus tard. Au moment où les grandes agglomérations de La Tène moyenne ont commencé à concentrer les activités économiques, à devenir des pôles politiques et commerciaux dans les civitates gauloises, Sublaines est restée un établissement rural, en marge des centres artisanaux qui se développaient. La question est de savoir si cette situation a été volontaire et délibérée de la part de l’élite dirigeante, ou si elle a été subie. Son déclin étant enclenché dès LT C2, il est probable que la communauté de Sublaines ait décidé de prendre son destin en main à LT D1. Au moment où des populations se rassemblaient dans les oppida pour vivre et travailler, l’attractivité de la ville a-t-elle eu raison de la communauté à bout de souffle de Sublaines ? A-t-elle été attirée par les communautés puissantes qui ont fondé les oppida, des aristocrates convaincants dont le but était de reprendre en main l’ensemble de la société256 ?
149Pris dans ce mouvement qui va se poursuivre jusqu’à la conquête de César, ils sont peut-être partis rejoindre d’autres Turons dans les agglomérations les plus proches. Se sont-ils dispersés dans plusieurs oppida ou la communauté entière a-t-elle été accueillie dans un seul, le principal ? À partir de l’inventaire dressé par J.-M. Laruaz pour la cité des Turons, on peut relever trois sites proches de Sublaines, dans un rayon de 18 à 23 km : Esvres-sur-Indre, Loches et Amboise (fig. 58). À Esvres-sur-Indre, plusieurs établissements agricoles ont été fouillés récemment, en partie sur le tracé de l’A85. Par exemple, S. Riquier a fouillé à Vaugrignon une importante nécropole occupée entre LT C2 et le Haut-Empire. Malgré l’absence d’indice d’habitat, il est très probable que cette nécropole était reliée à une agglomération laténienne. En ce qui concerne Loches, J.‑M. Laruaz propose d’y voir un lieu d’installation éventuel pour un oppidum, sans doute à cause de l’imposant promontoire sur lequel est installé le château royal de Charles VII. Mais cette hypothèse ne repose sur aucun argument valable et il n’y a surtout aucun indice relevé pour la Protohistoire, ni à Loches ni dans les environs. Ce site doit donc être écarté.
Fig. 58. Le territoire des Turons et les agglomérations laténiennes (d’après Laruaz 2009a, vol. 2, p. 55).

- 257 Laruaz 2009a, 85.
- 258 Cordier 2002.
- 259 Le second rempart d’Amboise n’a pas été fouillé, mais il a été coupé par une route en 1978. C’est (...)
- 260 Laruaz 2009a, 196.
- 261 Laruaz 2009a, 261.
150Situé rive droite de la Loire, Amboise se trouve à 18 km seulement au nord de Sublaines. Installé sur un promontoire dominant le fleuve, il n’a pas du tout la même histoire ni le même développement que Sublaines. Il s’agit d’un site remarquable et très riche, occupé pendant plusieurs millénaires et couronné par un château royal. Les plus anciens vestiges recueillis sur l’éperon des Châtelliers sont attribuables au Néolithique moyen. En effet, un ensemble Chasséen stratifié a été fouillé dans la partie sud-ouest du promontoire, non loin d’un rempart de barrage qui ferme le petit côté de l’éperon sur une surface de 8 ha257 (fig. 59). On ignore la date d’édification de ce rempart car il n’a jamais fait l’objet de fouilles, mais sa configuration évoque le Néolithique. Pour l’âge du Bronze, on connaît quelques objets épars et surtout un dépôt métallique de près de 500 pièces, découvert à 200 m de l’enceinte du château royal. Il est daté de la transition BF IIIa/IIIb258. C’est probablement au Second âge du Fer qu’il faut attribuer la construction d’un nouveau rempart, parallèle et situé à 500 m environ du précédent. La surface enclose atteint alors 50 ha. Mais la période d’édification de cet ouvrage de 800 m de longueur reste confuse car les observations ont été très partielles259. Sous le rempart, O. Buchsenschutz et A. Peyrard ont pu observer en 1979 une fosse qui contenait des os calcinés, un amas ferreux et au moins 12 formes céramiques attribuées au Hallstatt final. Dans la coupe ménagée par les travaux de la voirie, un rempart composé d’une masse d’argile et d’un poutrage interne ont été observés sur une hauteur de 2 m (des poteaux verticaux sont attestés mais pas de poutres horizontales). Une datation radiocarbone a donné 410 ± 70 a.C. ce qui placerait cet ouvrage à LT A. Ces indices sont les seuls éléments qui révèlent une occupation de l’éperon entre le Ha D et LT A et aucun autre vestige de ces phases n’a été décelé aux Châtelliers pour le moment. On peut toutefois évoquer la “Butte de César” située sur le plateau (60 m de diamètre et 6 m de hauteur) et qui partage les auteurs, les uns en faveur d’un tumulus, les autres d’une motte féodale (pourquoi pas les deux successivement ?). Une occupation de grande ampleur sur le plateau des Châtelliers s’amorce dès LT D1b, mais la période de son plus grand développement se situe à LT D2 : c’est la phase qui a livré les vestiges les plus nombreux et les plus diversifiés, répartis dans l’ensemble du site. Le rempart externe est probablement rechargé à cette époque : sa morphologie évoque clairement un rempart massif caractéristique de La Tène finale, comme il en existe plusieurs exemples bien connus chez les Bituriges (Levroux, Châteaumeillant, Argentomagus, Hérisson). C’est un rempart de barrage qui relie sur 800 m de longueur les extrémités nord et sud de l’éperon, de la Loire au vallon de l’Amasse. Sa hauteur actuelle atteint 5 à 6 m, pour 35 m de largeur. Il est précédé d’un fossé à fond plat de 30 m de large, parfaitement conforme pour ce type de rempart (high dump). Sa date exacte d’édification ne peut pas être établie en l’absence de fouilles, mais par analogie avec les oppida de la cité des Bituriges, on peut supposer qu’il est construit à LT D2, ce qui correspondrait bien à la principale période de fonctionnement de l’oppidum. Il n’y a pas d’indice probant d’une occupation du promontoire ou des environs immédiats à LT C et on ignore si une agglomération a pu précéder l’installation de l’oppidum d’Amboise. En revanche, une agglomération ouverte de LT C2/D1 a été découverte en bord de Loire à Tours lors de la fouille préventive de l’hôpital Clocheville par R. de Filippo260. Elle se développe rive droite de la Loire, dans la même position topographique et avec la même chronologie que Cenabum/Orléans chez les Carnutes. Le site de Tours ne semble plus occupé à LT D2 et c’est précisément à ce moment que l’oppidum d’Amboise se développe à 25 km de là. Cette séquence permet à J.-M. Laruaz de proposer l’hypothèse de la création de la capitale des Turons à Amboise à La Tène finale261. Ambacia serait restée la capitale de ce peuple jusqu’à l’époque augustéenne, au moment où le siège administratif est transféré à Caesarodunum (Tours). À Tours, les fouilles ont montré que le développement urbain commence à l’époque augustéenne, la ville s’équipant rapidement de monuments prestigieux. À cette époque, le site d’Amboise n’est pas abandonné, mais sa fonction administrative et politique au sein de la cité des Turons a changé.
151Au moment où Amboise se développe, au début de La Tène finale (et peut-être même plus tôt, on l’ignore), cet oppidum a pu attirer les populations des environs, surtout si sa fonction de capitale des Turons s’est affirmée dès cette époque. La communauté de Sublaines a pu se laisser tenter par l’appel des fondateurs de l’oppidum et ses membres ont pu trouver leur place dans cette ville en pleine expansion. Ceci n’est qu’une hypothèse car lors de l’abandon de Sublaines, les habitants ont pu rejoindre d’autres communautés, urbaines ou rurales, en territoire turon ou ailleurs. Mais l’hypothèse de leur rattachement à la capitale de cité reste une très bonne probabilité. Elle pourrait être confirmée par l’étude d’autres communautés, situées comme Sublaines dans les environs d’Amboise. L’examen minutieux de leur chronologie permettra peut-être de faire avancer cette hypothèse qui touche la question fondamentale des conditions de la genèse des oppida et de l’origine des populations qui les ont contribué à leur fondation.
Des territoires entre Levroux et Châteauroux (Indre)
- 262 Buchsenschutz 1968.
- 263 Buchsenschutz et al. 1988.
152La recherche dans le canton de Levroux est emblématique de l’histoire de l’archéologie dans le Berry. Elle est attachée à la personne d’Olivier Buchsenschutz qui a arpenté ce petit territoire pendant plus de 40 ans et formé autour de lui une équipe d’archéologues. Après avoir rédigé une maîtrise sur les fortifications protohistoriques du Berry262, il commence la fouille de l’oppidum de Levroux la même année. Alors que le cœur de son projet concerne l’âge du Fer, O. Buchsenschutz ne conçoit pas sa recherche archéologique hors d’un programme diachronique et pluridisciplinaire. Pour comprendre comment l’oppidum de Levroux s’intègre dans son terroir, il s’entoure de préhistoriens, d’antiquisants, de médiévistes et d’historiens. Ils choisissent un espace géographique de bonne taille, ni trop grand, ni trop petit, le canton de Levroux. Pendant une vingtaine d’années, les chercheurs vont examiner le canton sous toutes les coutures, depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, et à travers différentes disciplines : l’archéologie, l’histoire et l’environnement. O. Buchsenschutz est considéré comme un pionnier dans ce domaine dès la fin des années 1960, car il met en place un véritable SIG, mais bien avant l’apparition des premiers ordinateurs et de cette méthode. Il fait également appel à divers spécialistes : pour la prospection pédestre (le britannique N. Mills), la prospection aérienne (J. Holmgren) et la prospection thermique aéroportée (A. Tabbagh). La synthèse de ces travaux a été publiée en 1988263 constituant le premier volume de la monographie de Levroux qui en comporte cinq, dont le dernier est paru en 2000. Les prospections réalisées pendant 20 ans dans le canton de Levroux ont permis la découverte de plusieurs centaines de sites archéologiques, du Paléolithique à l’époque moderne. Dans le même temps, plusieurs sites ont fait l’objet de fouilles préventives ou programmées, en particulier dans les communes de Moulins-sur-Céphons et de Levroux.
- 264 Krausz 1995.
- 265 Krausz 1994.
153L’étude de territoire présentée ici est centrée sur les deux gisements principaux du canton de Levroux, considérés comme deux sites majeurs au plan national et international. Moulins-sur-Céphons est un ensemble remarquable du Néolithique final qui détient le record de la plus grande maison d’Europe avec ses 120 ou 130 m de long. Quant à Levroux, c’est un site incontournable pour l’âge du Fer, un modèle emblématique de la création des oppida, bien connu des protohistoriens européens pour son double site de LT C et D, de plaine et de hauteur. Levroux a fait l’objet de très nombreuses publications et pour donner un peu de nouveauté à son réexamen, la recherche sera étendue vers le sud du canton pour bien mettre en valeur l’évolution de son territoire. En effet, les opérations préventives qui se sont multipliées ces dernières années autour de Châteauroux et de Déols ont permis la découverte d’un grand nombre de nouveaux sites archéologiques, en particulier pour la Protohistoire. Elles ont mis en évidence un ensemble archéologique qui n’était pas connu à l’époque des fouilles de Levroux (1968-1993) et dont les données ne sont pas encore publiées. Il s’agit de résultats de la Carte Archéologique Nationale et de prospections pédestres264 et surtout d’opérations préventives exécutées depuis vingt ans à l’occasion de plusieurs aménagements de ZAC autour de l’aéroport de Châteauroux-Déols, mais aussi de la transformation de l’ancienne route nationale 20 en autoroute A20265.
154La prise en compte des sites découverts entre Levroux et Châteauroux permet de confronter l’évolution de plusieurs entités territoriales entre le Néolithique et l’âge du Fer, dont celle de Levroux/Moulins-sur-Céphons qui est la mieux documentée aujourd’hui et sur laquelle les travaux de terrain continuent grâce à l’équipe de T. Hamon. Entre Villedieu-sur-Indre et Châteauroux, la vallée de l’Indre constituera la limite sud de cette étude. Elle marque une transition importante dans le Berry, celle de la frontière naturelle entre la Champagne berrichonne et le Boischaut sud. Aussi, la connaissance de la rive gauche de l’Indre est beaucoup moins bonne que celle de la rive droite à cause de la Forêt domaniale de Châteauroux. Celle-ci s’étend en effet immédiatement au sud de l’agglomération, entre Luant à l’ouest et Ardentes à l’est, l’expansion sud de la forêt étant grosso modo limitée par la vallée de la Bouzanne.
Le cadre géographique et géologique
- 266 Pour éclaircir mon propos pour les non-Berrichons, je précise qu’il y a en Berry un Boischaut nor (...)
- 267 La Ringoire correspond en fait au prolongement sud de l’Angolin : il s’agit vraisemblablement d’u (...)
- 268 Bavouzet et al. 2003, 10.
155La zone choisie entre Levroux et Châteauroux s’étend entre le Boischaut au nord266 et la vallée de l’Indre au sud (fig. 22). Entre ces deux pôles s’étend la Champagne berrichonne, de Levroux à Châteauroux. La ville de Levroux est située précisément sur le point de jonction entre ces deux régions naturelles. Le Boischaut nord est caractérisé par un sous-sol argilo-sableux, son paysage est vallonné, humide et boisé. La Champagne est au contraire une plaine plate et sèche, dont le substrat est composé de calcaires jurassiques riches en fer sidérolithique. Avant la mécanisation agricole de l’après-guerre, la Champagne berrichonne était couverte de troupeaux de moutons et cette exploitation a entraîné la construction des mégisseries pour la production de peaux, cuirs et parchemins. Elles ont fonctionné depuis le Moyen Âge jusque dans les années 1980 et il n’en reste plus qu’une seule en activité à Levroux. Aujourd’hui, la Champagne berrichonne constitue l’un des terroirs les plus riches de France pour la culture des céréales, à l’image de la Beauce. Le relief est peu accentué en Champagne et la topographie est plutôt monotone entre Levroux et Châteauroux. L’altitude s’élève à Levroux, où la Colline des Tours marque le premier promontoire du Boischaut dominant la Champagne. Sur le plan hydrographique, Levroux est situé en limite des bassins versants de l’Indre et du Cher. La plupart des petits cours d’eau s’écoulent lentement vers l’Indre qui baigne Châteauroux et Déols. La Trégonce prend sa source au sud de Levroux et rejoint l’Indre à Villedieu après un parcours de 17,2 km. L’Angolin prend sa source à Brion et rejoint la Ringoire à Coings puis cette rivière se jette dans l’Indre à Déols267. Quant à la Céphons (les Sept Fonds ou Sept Fontaines), elle appartient au bassin du Cher et prend sa source à Levroux dans les calcaires jurassiques, s’écoule sur 17 km avant de rejoindre le Nahon. Les travaux de Michel Gratier ont permis d’attester l’ancienneté de la fréquentation humaine dans la région de Levroux. En effet, les vestiges les plus anciens remontent à l’Acheuléen supérieur, livrés principalement par le gisement de Moulins-sur-Céphons (bifaces de type acheuléen, micoquien et moustérien)268.
Les territoires au Néolithique
Du Néolithique ancien au Néolithique récent
- 269 Audoux & Dubant 1989.
- 270 Communes du canton de Levroux : Baudres, Bouges-le-Château, Bretagne, Brion, Coings, Francillon, (...)
- 271 Déols, Liniez, Montierchaume, Châteauroux, Chézelles, Villedieu-sur-Indre, Villers-Les-Ormes, Nih (...)
- 272 Hamon, dir. 2009, annexe 1.
156Dans le canton de Levroux, les données sur le Néolithique proviennent de quelques fouilles anciennes de mégalithes, des opérations programmées et surtout des prospections pédestres. Dans le secteur de Châteauroux, on peut mentionner les prospections actives de D. Audoux et D. Dubant dans les années 1980, essentiellement au nord de Déols qui ont permis de découvrir plusieurs sites préhistoriques269. Mais les données les plus fiables proviennent de diagnostics et de fouilles préventives dont le nombre a augmenté dès le début des années 1990 autour de Châteauroux, préfecture de l’Indre. La zone sélectionnée pour cette étude comprend les 13 communes du canton de Levroux270 associées à 9 communes des environs de Châteauroux271. 104 sites néolithiques sont répertoriés dans la base Patriarche pour ces 22 communes. Ont été ajoutés quelques sites supplémentaires dont la datation a été révisée récemment par T. Hamon : il s’agit d’indices découverts en prospection pédestre dans le canton de Levroux et dont les éléments lithiques et céramiques ont été réexaminés et recalés chronologiquement dans une phase précise. Dans son dernier rapport de fouille sur le site des Vaux à Moulins-sur-Céphons, T. Hamon a présenté un tableau et une cartographie de synthèse de la répartition des sites du Néolithique récent et final dans un rayon de 30 km autour de Moulins-sur-Céphons272.
157La cartographie des sites néolithiques (n=104), toutes phases confondues, montre qu’ils sont répartis un peu partout dans ce secteur de l’Indre densément occupé au cours de cette période. Plusieurs concentrations se dessinent, révélant l’état de la recherche (fig. 60) :
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à Coings : la concentration désigne les fouilles réalisées autour de l’aéroport et de l’autoroute A20, les sites s’égrènent sur la rive droite de la Ringoire,
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à Déols : l’archéologie préventive est particulièrement active depuis le début des années 1990, principalement dans des ZAC et aménagements sur l’A20 ; les sites sont répartis rive droite de l’Indre, dans la vallée et sur les plateaux,
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entre Levroux et Moulins-sur-Céphons : la connaissance est liée aux résultats de prospection du canton obtenus par O. Buchsenschutz et aux fouilles programmées sur les sites des Châtelliers et des Vaux ; les sites sont répartis dans la vallée de la Trégonce mais aussi en plaine ; autour de Moulins-sur-Céphons, ils s’intègrent dans les ramifications de la Céphons,
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à l’ouest de Villedieu-sur-Indre : la connaissance est liée aux prospections pédestres réalisées dans le cadre de la carte archéologique nationale (canton de Buzançais), les sites sont concentrés de manière préférentielle dans la vallée de l’Indre.
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- 273 Hamon 1998, 42.
- 274 Hamon 1998, 44.
- 275 Hamon, dir. 1995, 168-169.
158Sur le plan chronologique, la plupart des 104 sites du corpus ne sont pas datés mais attribués globalement au Néolithique. Il n’y a pas de site d’habitat clairement identifié ni de sépulture attestée au Néolithique ancien (fig. 61). À Vineuil et à Levroux, cette phase est représentée par des indices de mobilier recueillis en prospection pédestre. Au Montet à Déols, T. Hamon a pu observer quelques éléments appartenant au Néolithique ancien, en particulier de la céramique, un fragment d’anneau-disque et une chute de fabrication en schiste273. Les sites de cette partie du Berry sont sans attribution culturelle pour le moment et leur rattachement au VSG ne peut pas être assuré. À Nohant-en-Graçay (Cher), un site fouillé sur l’autoroute A20 par T. Hamon à environ 25 km de Brion, a livré de la céramique qui ne peut pas être rattachée au VSG mais qui révèle plutôt des influences méridionales274. À Brion, les fouilles de Clanay/La Pièce de la Grande Route sur l’A20 ont permis de recueillir du mobilier lithique de la fin du Mésolithique ou du début du Néolithique ancien275. La connaissance que nous avons du Néolithique ancien reste très partielle car cette phase n’est représentée que par des indices. Sur le plan géographique, ce sont la vallée de l’Indre et la plaine dans le secteur de Levroux qui rassemblent ces éléments. Ils attestent de la fréquentation de cette partie du Berry dès le début du Néolithique ancien, avec l’amorce probable des défrichements de l’actuelle Champagne berrichonne et l’investissement de la vallée de l’Indre près de Déols/Châteauroux. Mais aucun site n’ayant été fouillé pour le moment dans ce secteur, aucune attribution culturelle ne peut être proposée pour ces groupes.
- 276 Hamon 1998, 45.
- 277 Hamon 1998, 39.
- 278 Buchsenschutz et al. 1979.
- 279 Hamon, dir. 1995, 175.
- 280 Hamon, dir. 2000, 24.
- 281 Hamon, dir. 2000, 213.
- 282 Munos & Holzem 2013.
- 283 Munos & Holzem 2013, 102.
- 284 Froquet-Uzel & Hamon 2013, 174.
159Le nombre de sites augmente au Néolithique moyen et on peut distinguer trois pôles : autour de Levroux, de Brion et de Déols. Un seul habitat est clairement attribué au Néolithique moyen I, au lieu-dit Clanay à Brion, une fouille réalisée par T. Hamon dans le cadre de l’aménagement de l’A20276. Ce site est installé en partie sur le rebord d’un plateau et dans la vallée de l’Angolin. Les structures sont dispersées sur un peu plus de 5000 m2, de part et d’autre de l’ancienne RN20 et comprennent six fosses et quelques trous de poteau qui ont livré du mobilier du Néolithique moyen I. Le lithique est représenté par de nombreux déchets de taille et on note la présence de burins dans l ‘ensemble du site277. La céramique présente des affinités avec des formes connues dans les cultures de Cerny et surtout de Chambon (par exemple les préhensions alternées). Des indices d’une autre occupation du Néolithique moyen, représentés par quelques tessons de céramique et des outils en silex, ont été découverts lors de la fouille du site tout proche des Grandes Chapelles278. En 1995, T. Hamon a proposé d’attribuer ce mobilier au Néolithique moyen I279. À Déols, cette phase est connue par des indices : des ramassages de lithique sur le site du Chagnat, du mobilier résiduel au Montet appartenant à une phase Chambon du site et enfin une série de tessons dont un fragment probable de vase-support chasséen découvert au lieu-dit Les Grandes Pierres Folles280. T. Hamon envisage que ce petit plateau localisé à 150 m environ du Montet ait pu accueillir une enceinte du Néolithique moyen281. Plus récemment, des vestiges de la fin du Néolithique moyen ont été découverts lors d’un diagnostic dans la ZAC d’Ozans282. Une fosse ou petit silo a livré de la céramique, du lithique et des charbons qui ont fait l’objet d’une datation AMS283. Celle-ci place le comblement de la structure entre 3890 et 3700 a.C. (date calibrée à deux sigma). Une forme céramique peut être identifiée en rapport avec cette datation : T. Hamon qui l’a étudiée propose de la rattacher au Néolithique moyen Bourguignon (NMB)284.
- 285 Martinet 1878.
- 286 Krausz & Constantin 1995, 6.
- 287 Krausz 1995.
160Présentée sur la carte du Néolithique moyen, la dispersion des mégalithes donne une idée de la présence des populations au cours de cette phase. Les dolmens sont en effet probablement construits dès cette époque, même s’ils sont utilisés également au cours des phases suivantes. On remarque qu’ils sont tous situés au nord de la zone, à proximité de Levroux, et ils semblent éviter la vallée de l’Indre. Tous ces dolmens sont connus au xixe s. et ont été inventoriés par Ludovic Martinet285. Les monuments les plus spectaculaires se trouvent à Liniez et à Moulins-sur-Céphons. Le premier est un dolmen à couloir de type angevin. Fouillé en 1875 et 1876, c’est le plus grand dolmen de ce type dans l’Indre. Long de 8 m pour une largeur de 4 m, trois tables reposent sur un minimum de onze supports verticaux. À l’époque de la fouille, aucun tumulus n’est signalé au-dessus de la chambre. La Pierre de Moulins-sur-Céphons est également un dolmen à couloir de type angevin, deux tables effondrées reposant à l’origine sur quatre piliers. Un cercle de pierres était visible vers 1870, signalé comme un cromlech par O. Charbonnier286, mais il pourrait plutôt s’agir de pierres plantées à la base d’un tumulus, un probable péristalithe. Les fouilles anciennes de ces monuments n’ont malheureusement pas laissé suffisamment d’éléments précis pour les dater. Si leur érection se situe probablement dans le courant du Néolithique moyen, il n’est pas exclu qu’ils aient pu être utilisés pendant le Néolithique récent voire jusqu’au Néolithique final pour certains d’entre eux. Au Néolithique récent, les données deviennent plus nombreuses encore et permettent de discriminer de plus en plus clairement les deux groupes principaux qui s’ébauchent depuis le Néolithique ancien : le premier est installé dans la vallée de l’Indre entre Châteauroux et Déols, le second se situe autour de Levroux. Un troisième groupe concerne très probablement la vallée de l’Indre entre Buzançais et Villedieu-sur-Indre, mais les données de prospection n’ont pas été exploitées et les nombreux indices néolithiques découverts n’ont pas été datés précisément287.
- 288 Krausz 1994.
- 289 Hamon 1997.
- 290 Andersen 1997.
- 291 Le Montet st.249 : LY 8224 : 4470 ± 50 : 3353-2942 a.C. ; Le Montet st.247 : LY8225 : 4410 ± 45 :(...)
- 292 Hamon 1997 ; Salanova et al. 2011, 82.
- 293 Salanova et al. 2011.
161Le site le plus important pour cette phase est sans aucun doute Le Montet à Déols. Découvert dans le cadre du contournement de Châteauroux et de l’aménagement de l’autoroute A20288, il a été fouillé par T. Hamon sur une surface d’environ 1,5 ha. L’enceinte est installée sur un plateau dominant la vallée de l’Indre de 10 m (153 m NGF). En 1995, seule la partie nord de l’enceinte a été fouillée sur une longueur de 95 m289. La partie ouest de l’ouvrage se prolonge probablement sous les lotissements de ce quartier de Déols, quant à la partie sud, on ignore comment elle était reliée à la rivière. Sur ses 95 m de longueur connus, l’enceinte est composée de segments de fossés séparés par des interruptions de 1,20 à 5 m. Les tronçons mesurent environ 2,50 m de largeur pour une profondeur conservée de 0,60 à 1,20 m et les fonds sont plats. À l’intérieur de l’enceinte, T. Hamon a pu fouiller une série de structures d’habitat qui sont éloignées d’au moins 4,5 m du fossé. Il en déduit qu’un talus de terre pouvait prendre place côté interne des fossés comme cela est fréquent dans ce type d’enceinte, par exemple à Sarup290. Le mobilier céramique était particulièrement abondant sur ce site, notamment dans les comblements des segments de fossés, avec au total près de 13 000 tessons recueillis. Le Montet a livré un ensemble exceptionnel de plus de 70 vases archéologiquement complets du Néolithique récent. Le lithique est taillé principalement sur différents types de silex locaux (armatures de type Sublaines, armatures perçantes, microdenticulés) et le Grand-Pressigny est représenté par une dizaine de pièces sur lame. Parmi celles-ci, il n’y a toutefois aucun élément caractéristique du Néolithique final (pas de poignard ou racloir à encoches produit sur livre de beurre). Trois datations radiocarbones291 placent ce site au cours de l’étape 2 du Néolithique récent (3350-3000 a.C.)292, ce que confirment les assemblages céramiques et lithiques. Dès 1997, T. Hamon a mis en évidence des analogies entre certaines céramiques du Montet et celles de la culture suisse de Horgen, en particulier les décors de cannelures sous le bord des grands vases tronconiques. Il est alors le premier à attirer l’attention sur les affinités Horgen dans la culture matérielle d’une communauté néolithique du centre de la France. Il insiste toutefois sur le fait que les enceintes ne sont pas connues dans le Horgen et que certains vases du Montet, en particulier de très petits pots, ne trouvent pas de comparaisons dans cette culture suisse. Les singularités du mobilier de Déols le conduiront à définir le groupe du Montet en 1999 dans son mémoire de l’EHESS. Dans l’article collectif qu’ils publient en 2011 sur le Néolithique récent dans le Centre-Nord de la France, les néolithiciens montrent qu’ils cernent de mieux en mieux cette phase qui correspond à l’ancien assemblage Seine-Oise-Marne293. Elle est contemporaine du Horgen et présente des affinités culturelles avec elle. Le groupe du Montet, tel que défini par T. Hamon, s’étoffe peu à peu et son extension enveloppe désormais une partie de l’Essonne au nord, jusqu’à la confluence de la Vienne et de la Creuse vers le sud-ouest de la région Centre (fig. 62).
Fig. 62. Les sites du Néolithique récent 2 dans le centre-nord de la France : le groupe du Montet (carte complétée d’après Salanova et al. 2011, 83).

Le Néolithique final
- 294 Hamon, dir. 2000, 213.
162Les deux groupes de sites du Néolithique récent sont stables au Néolithique final et semblent même s’être renforcés et étoffés, en particulier celui de Levroux qui s’étend désormais vers l’ouest, c’est-à-dire vers Moulins-sur-Céphons. Le groupe sud se déploie le long de la vallée de l’Indre, entre Saint-Maur et Coings. Le Montet n’est plus occupé, mais la vallée de l’Indre reste fréquentée entre Saint-Maur et Déols. Le site du Chagnat qui a livré des produits pressigniens en prospection pédestre est principalement occupé au Néolithique final294. Le gisement de Villegongis (n° 5), quant à lui, concerne des ramassages de surface au Gros Caillou, lieu supposé d’un dolmen. L’ensemble le mieux connu est celui de Moulins-sur-Céphons qui comprend deux sites majeurs : le camp des Châtelliers, situé dans le bourg actuel, et le site des Vaux, localisé à moins de 3 km du premier, en limite des communes de Moulins et de Levroux.
Le camp des Châtelliers
- 295 Krausz & Constantin 1995.
- 296 Ralston & Buchsenschutz 1975, 13.
- 297 GIF 5112 = 3700 ± 70 ans, soit 2284-1881 a.C. ; GIF 5113 = 3720 ± 70 ans soit 2318-1907 a.C. (da (...)
- 298 Duval & Buchsenschutz 1979.
163Localisé sur un léger promontoire à proximité du bourg de Moulins-sur-Céphons, le camp domine la confluence de la Céphons et du Lamps. La fortification enclot une surface de 10 à 12 ha, et dans sa partie est, elle est encore en élévation sur 6 m de hauteur en moyenne et précédée d’un fossé de 20 m de large. Les nombreuses découvertes archéologiques qui se sont accumulées au xixe s. à Moulins-sur-Céphons, ont forgé l’idée que ce camp pouvait dater de l’âge du Fer. Le trésor gaulois composé de 596 monnaies d’argent et 4 monnaies d’or exhumé en 1893 a probablement contribué à renforcer un peu plus cette idée295. Aussi, dans leur article paru en 1975 dans Antiquity, O. Buchsenschutz et I. Ralston classent le camp de Moulins-sur-Céphons parmi les enceintes potentielles de l’âge du Fer du Berry296. Pour vérifier cette hypothèse, O. Buchsenschutz et A. Duval ouvrent une coupe de la fortification en 1979. Ils découvrent alors un rempart à caissons dont la configuration les conduit d’abord à penser qu’il pourrait appartenir au Hallstatt. Mais l’absence de mobilier ne permettant pas de confirmer cette proposition, ils font alors réaliser des datations radiocarbones297 sur les restes de poutres et c’est la surprise : la fortification des Châtelliers est chalcolithique298.
- 299 Buchsenschutz et al. 1988, 155.
- 300 Ralston 2007.
- 301 Burnez et al. 1991.
- 302 Burnez et al. 1995.
- 303 Burnez & Louboutin 1999, 278.
- 304 Burnez & Fouéré 1999, 279.
164Le rempart des Châtelliers est un modèle unique en Europe pour le Néolithique (fig. 63). Il est composé d’un poutrage interne, bâti à partir de caissons de bois remplis d’argile (fig. 64 et 65). Les fouilles d’A. Duval et O. Buchsenschutz ont mis au jour ces caissons conservés sur une hauteur de 0,50 m299. Ils sont rectangulaires et mesurent 3,50 m sur 1,60 m. Ils sont disposés en deux lignes parallèles pour constituer un rempart qui atteint 7 m de largeur. Dans tous les sondages, sur le côté interne, les chercheurs ont observé une couche d’argile reposant sur une couche brûlée de couleur noire. Elle pourrait correspondre soit à une façade interne érigée contre les caissons, soit à une superstructure accolée contre le rempart. O. Buchsenschutz a pu déterminer que ce rempart était de type Kastenbau. Ce terme allemand est synonyme de “construction en caissons” et désigne des remparts qui appartiennent à la série des box ramparts qui rassemble des “murs” élaborés à partir de différents matériaux, bois, pierre, terre. Les box ramparts apparaissent à l’âge du Bronze et se diversifient à l’âge du Fer en Europe tempérée300. Le type Kastenbau, qui forme un véritable mur de bois et de terre, est connu sur le site du Bronze final du Wittnauer Horn en Suisse et pour l’âge du Fer, à Biskupin en Pologne. Selon I. Ralston, des variantes de ce modèle sont connues en Allemagne de l’est et en Pologne, mais elles ne concernent que l’âge du Fer. C’est pourquoi l’enceinte des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons demeure un unicum, un exemple précurseur du rempart à poutrage interne et peut-être l’ancêtre du type murus gallicus qui connaîtra un grand succès 2000 ans plus tard. Depuis sa découverte en 1979, d’autres remparts à caissons ont été mis au jour en France dans des contextes du Néolithique final et en particulier dans le Centre-Ouest de la France. Le rempart artenacien du Gros-Bost à Saint-Méard-de-Dronne (Dordogne) fouillé par C. Burnez, est fondé sur des caissons en pierre qui semblent renforcés par un poutrage en bois301. Plusieurs caractéristiques sont analogues aux Châtelliers et au Gros-Bost : la morphologie circulaire de l’enceinte, la présence d’un fossé à l’avant du rempart à caissons et la datation dans le Néolithique final. De même, le rempart du Camp à Challignac, fouillé également par C. Burnez, présente lui aussi les mêmes analogies. Comme au Gros-Bost, il appartient à l’Artenac II302. Il enclot une surface de 18 ha, avec un rempart de contour, comme sur les deux autres sites. Même si leur type de construction est différent, ces trois remparts sont fondés sur des compartimentages, utilisant le bois et/ou la pierre. Dans la publication de synthèse consacrée à la chronologie de l’Artenac, C. Burnez avait déjà établi un rapprochement entre ces remparts auxquels il avait également ajouté celui du Fort-Harrouard303. En effet, ce rempart de craie daté du Néolithique final comprend lui aussi des structures internes, assurément un poutrage, le compartimentage n’étant cependant pas absolument démontré. C. Burnez a posé la question de l’objectif défensif de ces remparts et il y voyait plutôt une fonction ostentatoire304. La présence d’un fossé, au moins 20 m de large aux Châtelliers, va plutôt dans le sens d’une fonction défensive. Mais comme pour les murus gallicus qui seront construits à La Tène finale, on peut en effet insister sur la complexité de conception de ces remparts à poutrage, le fait qu’ils soient de contour sur plusieurs centaines de mètres, voire des kilomètres, la diversité des matériaux et le temps de montage qu’ils nécessitent. Ce sont des arguments qui ne privilégient pas la construction rapide pour une protection urgente, mais ils n’excluent pas non plus la fonction défensive de ces remparts.
Fig. 64. Architecture du rempart des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre), Buschenschutz et al. 1988, 156.

Fig. 65. Le rempart des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre), les caissons et la couche d’argile brûlée, Bavouzet et al. 2003, 17.

- 305 Hamon 2007, fig. 9 et 10.
- 306 Les mobiliers étudiés par T. Hamon proviennent des fouilles réalisées aux Châtelliers entre 1979 (...)
- 307 Hamon 2007, 261.
- 308 Hamon 2007, 258.
165Les remparts du Centre-Ouest appartiennent au second cercle de l’Artenac et il faut noter que l’ouvrage des Châtelliers et celui du Fort-Harrouard se situent dans les mêmes intervalles chronologiques305. Si la présence artenacienne est attestée à Fort-Harrouard (nous avons vu qu’elle n’a peut-être pas été appréciée à sa juste valeur), elle reste discrète au sein du mobilier des Châtelliers. Celui-ci a été réétudié en totalité par T. Hamon306 qui voit dans le corpus des analogies avec les formes du Montet à Déols. Mais il identifie également d’autres formes, profils bas et ouverts, qui ne sont pas présents au Montet307. Aussi, deux formes carénées et fines ne trouvent d’analogie qu’avec la céramique Artenac des Vaux à Moulins-sur-Céphons. Aux Châtelliers, le mobilier lithique est au contraire de la céramique, très caractéristique : les objets pressigniens dominent, poignards et racloirs à encoches, armatures perçantes, un ensemble qui désigne bien le Néolithique final régional. Pour T. Hamon, seul le rempart des Châtelliers est bien daté aujourd’hui. Il appartient à une phase tardive du Néolithique final alors que le mobilier se rapporterait à une phase plus précoce, mais toujours au Néolithique final. Les deux tessons artenaciens carénés sont identiques à ceux des Vaux, ce site étant plus ancien que celui des Châtelliers. Les dates C14 du rempart des Châtelliers placent sa construction plutôt dans le dernier tiers du IIIe millénaire. Bien que très ténus, quelques indices observés à proximité de La Laiterie sur environ 25 m2, pourraient indiquer que le rempart à caissons a succédé à une fortification antérieure308. Selon T. Hamon, ce premier rempart pouvait être constitué de deux palissades parallèles renforçant un talus d’environ 4 m de largeur. Cet ouvrage, pour lequel aucune datation ne peut être déterminée par du mobilier, serait scellé par le rempart à caissons. Son mode de construction évoque le Néolithique récent voire le Néolithique moyen, et on pense au rempart du Grand Ormeau à Sublaines formé d’une double palissade, construit peut-être dès le Néolithique ancien et ayant fonctionné pendant tout le Néolithique moyen.
Le site des Vaux
- 309 La découverte date du 12 juillet 1984 et porte le numéro JH1206.
- 310 Krausz 1987.
- 311 Krausz & Constantin 1995.
- 312 Krausz & Hamon 1999.
166Situé à 2,5 km vers le sud-est de l’enceinte des Châtelliers, l’ensemble exceptionnel des Vaux a été découvert lors d’une prospection aérienne de Jean Holmgren en juillet 1984309 (fig. 66). Trois bâtiments sur poteaux et une palissade ont été observés par le prospecteur dans un champ de blé appartenant à Mr Marcel Massias. La grande maison qui apparaissait sur les clichés de J. Holmgren évoquait une construction protohistorique. En effet, on distinguait parfaitement le corps d’une maison à deux nefs mais ses pignons n’étaient pas visibles. En effet, le pignon ouest était masqué par une grande tache sombre sur la culture, le pignon est se trouve dans le jardin attenant à la ferme. L’absence de tierces, les façades bien parallèles et la largeur de plus de 15 m écartaient d’emblée l’hypothèse d’une maison danubienne. La longueur visible de la maison, environ 60 m sur les clichés de J. Holmgren, évoquait les grandes constructions régulières laténiennes de Manching et rendait probable une attribution à l’âge du Fer. Dans le but de vérifier cette hypothèse, un sondage dans le jardin de la ferme a été réalisé en 1987310. Cette exploration limitée a permis de fouiller 6 trous de poteau, dont 5 appartenant à la façade nord et le dernier à la travée centrale du grand bâtiment nommé “maison 1”. La st.2 a livré du torchis brûlé ainsi qu’un lot de 400 tessons de céramique, dont des fragments de grande taille. L’identification et la datation de ces tessons ont posé problème pendant plusieurs années et après de nombreuses péripéties, c’est Claude Constantin qui a proposé le premier une attribution à l’Artenac311. La fouille programmée du site des Vaux a commencé en 1998 avec le décapage d’une grande partie de la maison visible sur la photographie aérienne312. Cette première campagne a permis d’observer le pignon arrondi sur le côté est de la maison. Le programme est toujours en cours actuellement, dirigé par T. Hamon.
Fig. 66. Les sites néolithiques de Moulins-sur-Céphons : le camp des Châtelliers et l’habitat des Vaux (Krausz & Hamon 2007, 243).

- 313 Hamon & Hulin 2011.
- 314 Hamon, dir. 2009, 119.
- 315 Hamon et al. 2014, 318.
- 316 Antran poteau D12 (GIF 9610) : 4150 ± 70 ans, CAL 2888-2500 a.C. ; Antran poteau G12 (GIF 9611) : (...)
- 317 Fouéré 1998.
- 318 Ollivier & Pautreau 1994.
- 319 Je remercie Tony Hamon de m’avoir autorisée à reproduire sa carte inédite des bâtiments de type A (...)
- 320 Tinévez, éd. 2004.
- 321 Hamon, dir. 2009, 227.
- 322 Hamon & Hulin 2011, 448.
167En 1984, trois bâtiments sur poteaux étaient connus aux Vaux à partir de la photographie aérienne. Une palissade formée de gros trous de poteau et paraissant enclore cet ensemble était également visible sur les premiers clichés. En 2007, T. Hamon a fait réaliser une prospection magnétique sur une surface de 12 ha qui a permis de mettre en évidence l’existence de nouveaux bâtiments et de plusieurs palissades structurant l’ensemble313 (fig. 67). La grande enceinte, que l’on devinait sur les photos aériennes de 1984, est désormais visible au nord et à l’est du site sur des tronçons de 250 m et 60 m. Elle forme un arc de cercle presque parfait d’un diamètre de 380 m. On ignore si l’arc de cercle se prolonge vers le sud, mais il est probable que le bâtiment 1 en constitue la limite. Si c’est bien le cas, cette enceinte tracerait un demi-cercle dont la surface interne atteindrait 5,6 ha314. Trois palissades (n° 1, 2 et 3) sont rayonnantes et relient le bâtiment 1 au sud et l’enceinte au nord. Elles délimitent des parcelles allongées dans lesquelles se trouvent des bâtiments (bâtiments 2, 3 et 4). Ces trois édifices sont à deux nefs et leurs longueurs sont variables : 15 m (bât.3), 20 m (bât.4) et 26 m (bât.2). En revanche, leurs largeurs sont identiques, ils mesurent tous 8 m. Le bâtiment 4 possède une cour palissadée de 851 m2, accolée à son pignon est. Une cour de ce type est également connue au sud du bâtiment 1. Les bâtiments, les palissades rayonnantes et la grande enceinte forment un ensemble cohérent, globalement attribuable à l’occupation du Néolithique final. En l’absence de fouilles, il n’est toutefois pas possible d’affirmer aujourd’hui que toutes les structures visibles sur le plan sont contemporaines, mais il est clair qu’elles s’insèrent dans un ensemble homogène et leur contemporanéité est une bonne hypothèse. Le bâtiment 1 a été fouillé entre 1998 et 2011 sur une longueur de 112 m, mais son pignon est n’a pas encore été localisé. Il doit se trouver quelque part entre la cour actuelle et le garage situé dans son prolongement. Selon T. Hamon, cette construction serait aujourd’hui explorée aux trois-quarts de sa longueur totale qui pourrait atteindre 130 à 150 m315. La typologie de ce bâtiment, à deux nefs, de grande largeur et pignon arrondi le rapproche du type d’Antran. Sur le site de La Croix Verte à Antran (Vienne) fouillé par J.-P. Pautreau, l’enclos 6, d’abord attribué à l’âge du Fer, a finalement été daté de l’Artenac par radiocarbone316. Par la suite, d’autres bâtiments de même type ont été découverts dans des habitats du Néolithique final : les deux maisons de Beauclair à Douchapt (Dordogne) fouillées par P. Fouéré317 et le site des Chavis à Vouillé (Vienne) repéré en photographie aérienne318 (fig. 68319). D’autres très grands bâtiments existent dans le Néolithique final, par exemple à Pléchatel (Ille-et-Vilaine)320 mais leur morphologie est différente du type Antran car s’ils sont très longs, ils sont aussi plus étroits, avec des tierces internes et des pignons droits. La comparaison entre Antran et les Vaux ne s’appuie pas seulement sur la typologie des bâtiments. En effet, dans les deux sites, on peut observer une enceinte en arc de cercle et des palissades internes rayonnantes321. Encore faudrait-il assurer que maisons et enceinte sont contemporaines à Antran, ce qui est soupçonné mais pas formellement démontré. Le site de Douchapt présente lui aussi des indices de palissades mais aucune enceinte n’a été détectée322. Tous les espoirs sont permis sur ce gisement qui a seulement fait l’objet d’une opération préventive et n’a pas été exploré en totalité.
Fig. 67. Moulins-sur-Céphons, Les Vaux. Plan général des bâtiments et des palissades (Hamon & Hulin 2011, 440).

- 323 Rodot 2009, 159.
- 324 Hamon, dir. 2009, 171.
- 325 Hamon, dir. 2009, 222.
- 326 Hamon et al. 2014, 322.
- 327 Hamon et al. 2014, 333.
- 328 Rousselet 2009.
- 329 Hamon et al. 2014, 326.
168Dès 1998, le premier décapage du bâtiment 1 des Vaux avait montré une architecture bien plus complexe que ne le laissaient supposer les clichés aériens. La maison est particulièrement large avec ses 18,50 m : les contraintes de la charpente reposent sur des parois doubles, composées de tranchées de fondation accueillant des poteaux de différents types. La faîtière est supportée par une ligne centrale d’énormes poteaux régulièrement espacés. La fouille des trous de poteau a confirmé dès 1998 que le bâtiment 1 avait subi un incendie général. De nombreux éléments de torchis sont conservés dans les comblements des trous de poteau ainsi que des milliers de tessons de céramique, des pièces lithiques et des grains carbonisés. La quantité de mobilier céramique est exceptionnelle et avait déjà été notée en 1986 lors du premier sondage puisqu’un trou de poteau avait livré plus de 400 tessons. Les vases devaient se trouver en grande quantité dans le bâtiment au moment de l’incendie, posés au sol ou sur des rayonnages placés le long des parois. Les pots se sont fracassés et les débris se sont étalés sur le sol lorsque la toiture et les murs se sont effondrés. La fouille a montré que ces débris ont migré dans les trous de poteau, prenant peu à peu la place des pièces de bois décomposées. La céramique a été étudiée par M.-A. Rodot qui a pu déterminer que la grande majorité des pots avait été fabriquée sur place avec des argiles locales prélevées au nord de Moulins-sur-Céphons. Les poteries fines représentent 92,5% du corpus céramique323. Ce sont les formes à carène sinueuse qui dominent, une caractéristique stylistique de l’Artenac. De même, comme dans la région éponyme du premier cercle de l’Artenac, la céramique est à dominante fine, de très bonne qualité et les surfaces sont bien finies. Mais T. Hamon note également que le corpus céramique des Vaux se distingue de ceux de Saintonge par plusieurs particularités324. La céramique des Vaux n’est en effet pas décorée et le site livre des “céramiques épaisses” qui ne sont pas ou peu présentes dans l’Artenac classique. Il fait remarquer que ces céramiques épaisses appartiennent probablement à des grands récipients de stockage (environ 100 litres) dont la répartition est concentrée dans la partie occidentale du bâtiment 1325. Une analyse spatiale des vestiges archéologiques a montré que les différents espaces de cet immense bâtiment sont réservés à des activités spécifiques, et en l’occurrence au stockage de denrées dans l’extrémité ouest de la maison (fig. 69). Une concentration de caryopses de céréales dans cette pièce ouest accréditerait cette hypothèse et l’absence de lithique plaiderait en faveur d’une zone réservée au stockage de denrées végétales. Les outils en silex (1318 pièces dans les tranchées et trous de poteau du bâtiment 1), étudiés par S. Bourne, sont essentiellement issus de roches d’origine locale, à l’exception des quelques pièces pressigniennes. Si une grande partie de l’outillage est caractéristique de l’Artenac, la présence de burins constitue une originalité au sein de cette série326. Les déchets du débitage sont situés plutôt près des entrées du bâtiment, révélant des zones d’ateliers à proximité des sources de lumière. Il faut noter que les pièces pressigniennes sont rares aux Vaux : 27 unités sur un total de 1664 pièces lithiques327. Cette rareté est surprenante dans un site artenacien, aussi proche géographiquement du Grand-Pressigny. Elle pourrait être expliquée par l’absence d’activités nécessitant des outils pressigniens dans le bâtiment 1. Mais il pourrait tout aussi bien s’agir de l’absence ou de l’éviction des activités de débitage lithique de cette maison. L’étude des carporestes réalisée par O. Rousselet montre que les habitants des Vaux cultivaient le blé amidonnier, l’orge et probablement des Fabacées (pois, vesces)328. La préparation des céréales à l’intérieur du bâtiment 1 est attestée par la présence de furcas329. La découverte de huit graines de lin est exceptionnelle pour le Néolithique final, cette plante étant très rare dans les habitats. Le lin a pu être cultivé pour son huile et/ou ses fibres végétales. Des fruits sauvages étaient également cueillis, principalement la noisette, mais aussi le sureau, le prunellier sauvage et les glands devaient être ramassés.
- 330 Hamon et al. 2014, 327.
- 331 Hamon, dir. 2009, 229.
- 332 Hamon & Hulin 2011, 448.
169Le site des Vaux est un gisement singulier qui comprend une longue maison dont la vocation semble principalement de nature domestique330. Les prospections géophysiques réalisées par l’équipe de T. Hamon en 2007 permettent de replacer cette construction monumentale dans un ensemble. Celui-ci est enclos dans une enceinte palissadée qui dessine un demi-cercle. Dans l’état actuel des connaissances, il n’y a pas trace d’un demi-cercle symétrique qui pourrait se développer au sud du premier et placer le bâtiment monumental au centre d’un parcellaire circulaire. T. Hamon a toutefois suggéré cette hypothèse par comparaison avec le site Artenac de Diconche à Saintes331. Celui-ci s’inscrirait en effet dans un parcellaire sub-circulaire dans lequel les zones agricoles seraient séparées des espaces domestiques. Sur le site des Vaux, l’arc de cercle semble fermé par le bâtiment 1, la construction la plus monumentale de l’ensemble. L’enceinte dessine au nord les limites d’un parcellaire divisé par des palissades rayonnantes. Les divisions forment des parcelles d’ampleur inégale dans lesquelles sont installés des bâtiments rectangulaires. Ceux-ci pourraient correspondre à des constructions agricoles comme l’a suggéré T. Hamon332. En effet, les parcelles pourraient matérialiser des champs ou des prairies pour le bétail. Mais en l’absence de données archéologiques plus précises, toutes les hypothèses sont ouvertes pour ces bâtiments qui ont pu avoir un usage d’habitation, de gestion agricole, de stockage de denrées pour l’hiver ou encore pour la stabulation des animaux.
- 333 Hamon & Hodara 2005.
- 334 Hamon & Hodara 2005, 310.
170Quant au bâtiment monumental, sa taille nous déconcerte et sa fonction reste énigmatique. Si la longueur de 130 à 150 m était confirmée, sa surface interne atteindrait entre 2400 et 2775 m2. La présence de plusieurs foyers et l’abondance du mobilier archéologique indiquent qu’il a été habité et qu’il ne s’agit de toute évidence pas d’un hangar agricole. On s’interroge alors sur le nombre de personnes qui ont pu l’occuper. D’autant que sa grande largeur pourrait impliquer une très grande hauteur de la faîtière qui devait se situer entre 10,5 m et 12 m par rapport au sol d’après les calculs réalisés par un architecte333. On peut donc imaginer la présence d’un étage qui multiplierait par deux la surface utile, c’est-à-dire jusqu’à 5000 ou 5500 m2 pour les deux niveaux cumulés. Peut-on envisager une maison collective dans laquelle aurait vécu l’ensemble d’une communauté Artenac ? L’équipe de T. Hamon a montré que la maison était organisée autour d’un vaste espace central, flanqué de deux grandes pièces, à l’est et à l’ouest. Les activités présentent une discrimination spatiale, mais toutes relèvent clairement de la sphère domestique. Cette maison a-t-elle été occupée par des familles ou bien des groupes de personnes rassemblées selon leur fonction ou leur classe d’âge au sein de la communauté ? Si l’étage existait, il est probable que le plancher n’était pas présent d’un bout à l’autre du bâtiment mais seulement dans une ou plusieurs parties, donc plutôt des mezzanines (?). En effet, le foyer central du rez-de-chaussée devait nécessiter une évacuation directe des fumées dans le toit, un indice de l’inadéquation d’un plancher au-dessus de l’intégralité de la surface334.
Quelques réflexions sur l’organisation sociale et politique des Artenaciens de Moulins-sur-Céphons
- 335 Krausz & Hamon 2007.
- 336 Van der Linden 2007, 78.
- 337 Par exemple, le site archéologique de Lanoraie près de Montréal au Québec, fouillé en 1970 et occ (...)
- 338 Métraux 1982.
- 339 Staden 1557.
- 340 Métraux 1928, 47.
- 341 Métraux 1982, 34.
- 342 Métraux 1982, 32.
171La configuration particulière de la longue maison soulève la question du mode d’organisation sociale de cette communauté. Nous avions déjà proposé, avec T. Hamon, l’hypothèse d’une maison communautaire à vocation agricole, une “maison-village” entièrement contenue dans le bâtiment 1 des Vaux335. Cette suggestion évoque un modèle collectif et communautaire, dont le fondement pourrait correspondre à un ou plusieurs lignages familiaux. Ce modèle de société est bien connu des anthropologues et de nombreux cas de communautés vivant dans de longues maisons ont été observés depuis plusieurs siècles. Des constructions gigantesques ont été étudiées dans différentes cultures, passées ou actuelles, comme sur l’île de Pâques, dans les îles Samoa, en Nouvelle-Guinée ou en Indochine. L’archéologie a montré que les longues maisons existaient dans le Néolithique scandinave, par exemple dans le complexe cordé du IIIe millénaire, à Limensgård au Danemark336. Sur ce site, on connait des maisons rectangulaires à deux nefs, avec une extrémité en abside, pouvant mesurer jusqu’à 28 m de long pour 6 à 7 m de large. Ce modèle d’architecture est utilisé en Scandinavie sans interruption depuis le plus ancien Néolithique jusqu’à l’époque Viking. Selon les cultures et les époques, ces grands bâtiments ont des fonctions diverses qui varient de l’habitation communautaire aux édifices cérémoniels où les pratiques rituelles et sociales dominent, comme par exemple les maisons des hommes en Amazonie. Insérée dans le parcellaire d’un établissement agricole, la maison des Vaux évoque plutôt une habitation collective dans laquelle pouvaient prendre place plusieurs familles. Le foyer central peut révéler un espace commun avec de part et d’autre des pièces réservées à des activités spécifiques : préparation des céréales et de l’alimentation végétale ; taille du silex. Ce mode d’organisation n’est pas incompatible avec la présence de cellules réservées à l’habitation des familles, à l’image des maisons amérindiennes qui existaient vers 1000 p.C. chez les Iroquoiens, nommées native american longhouses. Celles-ci mesuraient en moyenne de 25 à 30 m de long mais les plus grandes pouvaient atteindre 100 m. Elles permettaient de loger des familles auxquelles des cellules étaient réservées, les enfants pouvant dormir à l’étage337. Un parallèle intéressant peut être fait avec les longues maisons des Indiens Tupinamba de la baie de Rio de Janeiro, l’une des tribus Tupi Guarani dont l’histoire pré- et post-colombienne a été étudiée par l’anthropologue et ethnologue suisse Alfred Métraux (1902-1963). L’auteur s’appuie sur le témoignage de H. Staden, un aventurier allemand prisonnier de cette tribu entre 1541 et 1554338. Staden a publié en 1557 un ouvrage sur sa captivité dans cette tribu anthropophage (dont il a réchappé de justesse !), dans lequel il reproduit le dessin d’un village Tupinamba : on distingue quatre longues maisons disposées autour d’une grande cour339. Selon le témoignage de Staden, chacune de ces maisons pouvait loger entre 200 à 400 personnes. Ce village était entouré d’une double palissade et de part et d’autre de l’entrée principale, les têtes des ennemis sacrifiés et mangés étaient fichées sur des piquets. La cour servait de place publique pour les réunions et les cérémonies. Les recherches d’A. Métraux ont montré que les grandes maisons des Tupinamba mesuraient jusqu’à 100 de long pour 10 à 16 m de large et pouvaient loger jusqu’à 200 personnes chacune340. Dans les sociétés de Guyane et d’Amazonie, ces grandes maisons, appelées malocas, abritent des groupes composés de plusieurs familles, correspondant à un ou plusieurs clans, voire à la totalité d’une tribu. Souvent, le village ne comprend qu’une unique longue maison. Dans certains cas, d’autres bâtiments plus petits sont réservés à des activités spécifiques dans la périphérie des longues maisons, comme des hangars où les femmes cuisinent, des greniers de stockage, ou encore des cabanes réservées aux femmes enceintes ou d’autres encore pour que les sorciers conversent avec les esprits341. A. Métraux raconte encore que l’explorateur Lange, recueilli à demi-mort par les Indiens Mangeroma du Purus a eu la surprise de se réveiller dans une “hutte colossale” haute de 12 m et de 35 m de diamètre dans laquelle vivait toute une tribu, soit 258 personnes342. Les longues maisons des Tupi Guarani étaient soigneusement construites mais elles n’étaient pas destinées à rester debout pendant plusieurs décennies. En effet, après 5 ou 6 ans, la tribu démontait les poutres de la maison et les emportait pour construire une autre maloca ailleurs. Ce déménagement avait pour but de laisser aux terres épuisées par les cultures le temps de se renouveler. Si le modèle d’organisation sociale et familiale évoquée pour ces tribus d’Amérique du sud peut ressembler à celui du Néolithique final, le projet des Vaux n’a sans doute pas été construit pour être démonté après quelques années. Tout porte en effet à croire le contraire : la technologie architecturale complexe, l’investissement en temps et la mobilisation de la main d’œuvre pour collecter et mettre en œuvre les matériaux, mais encore l’implantation d’un parcellaire sont autant de critères qui montrent plutôt qu’elle a été construite pour durer. La grande maison des Vaux et le parcellaire qui lui est associé révèlent l’existence d’un mode d’organisation social et politique particulièrement élaboré pour faire fonctionner un domaine agricole d’au moins 6 ha. Dans une zone favorable à l’agriculture et à l’élevage, cette communauté cultivait des plantes variées (céréales, légumineuses, lin) et élevait des animaux dont certaines espèces pouvaient être parquées dans les grandes parcelles délimitées par des palissades et en stabulation l’hiver dans des bâtiments adaptés. L’enceinte palissadée limitait un premier cercle au sein du territoire (un finage) et le domaine pouvait s’intégrer dans un territoire plus vaste, contrôlé par la communauté des Vaux. Ce second cercle permettait un accès aux ressources naturelles telles que la forêt (prélèvement des bois, du gibier, de fruits sauvages), les gisements d’argile pour la production de céramique et les matières premières minérales pour la taille des outils.
- 343 Johnson & Earle 2000, 36.
- 344 Rivière 2013, 113. Dans un système unilinéaire, la parenté, les statuts et les biens sont transmi (...)
- 345 La notion de souveraineté est entendue comme le droit exclusif d’exercer l’autorité politique sur (...)
- 346 Selon la théorie d’Émile Durkheim (1893), l’intégration est une propriété de la société elle-même (...)
- 347 Clastres 2005, 62.
- 348 Johnson & Earle 2000, 126.
- 349 Pelegrin 2014.
172La configuration sophistiquée du site des Vaux renvoie à la question du modèle d’organisation sociale et politique de cette communauté du Néolithique final. La capacité d’accueil de la grande maison permettait de loger plusieurs dizaines voire centaines d’individus, d’autant plus que les habitants pouvaient également résider dans les autres bâtiments du domaine. Ces chiffres évoquent une communauté trop nombreuse pour se limiter sociologiquement à un groupe familial. La complexité architecturale et structurelle du domaine des Vaux ne va pas non plus dans ce sens et conduit à envisager un système d’organisation sociale de niveau supérieur. Celle-ci pourrait s’apparenter à un “groupe local” selon la typologie de Johnson et Earle343. Ce modèle rassemble plusieurs familles qui mettent en commun leurs intérêts et leur force de travail. Une telle société s’appuie sur des réseaux familiaux, le fait de la parenté étant prépondérant sur l’attachement au territoire. Un leadership décisionnel, composé des chefs de familles, peut gérer l’économie du domaine et la sécurité de la communauté. Claude Rivière les nomme “sociétés à pouvoir diffus” et celles qu’il a observées reposent sur un système de parenté unilinéaire344. Elles sont caractérisées par une agriculture extensive, horticulture ou pastoralisme, une propriété collective des terres révélant un certain égalitarisme social (Yanomami du Venezuela, Kpellé de Guinée et du Liberia par exemple). Ce modèle correspond à une société sans gouvernement stable mais politiquement souveraine sur son territoire345. Il s’agit d’une société de type segmentaire dont la structure se calque sur une immense généalogie qui situe tous les segments lignagers les uns par rapport aux autres. Les segments correspondent à des groupes emboités les uns dans les autres (familles, clans, tribus), unis par des normes sociales, une morale, des rituels communs et un principe de solidarité. Ces principes fondamentaux permettent aux segments de se coaliser et de fusionner pour faire face temporairement à des conflits. Chez les Nuer du Soudan ou les Tiv du Nigéria, ce principe permet de mobiliser des milliers de personnes sans le recours à une organisation étatique. Plus les relations internes à la communauté sont intenses, plus la communauté en question est intégrée346. À Moulins-sur-Céphons, l’enceinte pourrait être le signe d’une forte intégration politique de la communauté, d’autant plus forte si les autres communautés du secteur exercent pressions et menaces, capturent animaux et femmes, volent les récoltes. Dans ce type de communauté, la cohésion sociale est entretenue par une combinaison d’activités rituelles et par le rôle des leaders. La notion de territorialité est particulièrement développée, la guerre étant non seulement un état permanent mais aussi un vecteur de cohésion sociale. En effet, les conflits externes ont un effet intégrateur sur chacune des parties adverses et renforcent la cohésion interne des communautés. À un autre niveau, la guerre a une fonction d’intégration et peut favoriser le changement social. La fréquence et l’intensité des conflits dépendent de la densité d’occupation de la région : la proximité géographique d’autres communautés engendre aisément des liens pacifiques alors que plus les groupes sont éloignés, plus ils sont considérés comme des étrangers. Comme l’a écrit Pierre Clastres, “la guerre est une structure de la société primitive et non l’échec accidentel d’un échange manqué347”. Si le groupe local est une entité autonome, souverain sur son territoire et responsable de sa défense, il est néanmoins toujours lié à d’autres groupes locaux par des réseaux qui permettent échanges et alliances. Les échanges économiques peuvent concerner des produits de subsistance et des objets de prestige. Quant aux alliances, elles peuvent être scellées par des accords et concrétisées par des échanges exogamiques. Ces systèmes régionaux, malgré l’absence d’un pouvoir centralisé, peuvent être fortement intégrés dans des réseaux de leaders qui coordonnent l’économie de prestige348. Le groupe local est dès lors intégré dans un système de coopération supra-local. Ce modèle pourrait s’appliquer particulièrement bien au Néolithique final qui est caractérisé par une période d’intense production et de circulation de biens de prestige. On pense en particulier à la diffusion des roches rares, et plus précisément pour ce qui nous concerne ici, aux produits pressigniens dont la circulation sur des milliers de kilomètres a nécessité de nombreux relais géographiques, des accords et des alliances, ce que J. Pelegrin a associé à l’existence de “chefs de place349”. Quel que soit le nom qu’on leur donne, ces leaders ont mis en place, régulé et contrôlé le marché des produits de prestige, pressigniens et autres (roches rares, sel, métaux…). Cette question mérite d’être développée et j’y reviendrai dans la conclusion de ce chapitre en discutant de la présence des Artenaciens dans le Berry.
173C’est la complexité architecturale du domaine des Vaux, replacée dans le contexte des sociétés du Néolithique final européen qui suggère l’existence d’un système social complexe, capable de coordonner une construction monumentale, d’assurer la gestion économique d’un grand domaine agricole, de gérer les ressources humaines sur le long terme et d’assurer la protection de la communauté tout en s’intégrant dans un réseau. Toute la question est de savoir quel est le degré de complexité de ce système qui pouvait exister au Néolithique final à Moulins-sur-Céphons : s’agit-il d’un groupe local sans pouvoir central ? Ou pourrait-il s’agir d’une société de niveau supérieur dans laquelle des organes de coordination apparaissent, c’est-à-dire une chefferie ?
- 350 Sahlins 1963.
- 351 Laburthe-Tolra & Warnier 1993, 121.
- 352 Godelier 2000.
174Les données archéologiques paraissent encore insuffisantes pour avancer sur cette question, mais il est possible de proposer quelques pistes de recherche en se fondant sur des modèles anthropologiques bien connus. Parmi les sociétés sans pouvoir central, le pouvoir peut toutefois émerger épisodiquement, sur le modèle des sociétés à big man. Défini en Mélanésie et Polynésie par Marshall Sahlins350, le big man est une figure charismatique et prestigieuse, capable de produire et de redistribuer des richesses. Contrairement à l’aristocrate, son pouvoir n’est pas acquis par héritage, mais grâce à son éloquence et à ses capacités de persuasion. C’est aussi grâce au mérite qu’il se hisse dans l’échelle sociale, en persuadant les autres de le suivre et de le servir351. Dans les cas étudiés par les anthropologues (Mélanésie, Papouasie, Afrique…), le big man est un homme de réseau, maitrisant dons et contre-dons. Il produit des richesses, les rassemble et les redistribue avec une générosité calculée352. Il est en compétition permanente avec d’autres hommes, et il risque d’être délaissé à tout moment pour un autre. Le big man n’est pas à proprement parler un maillon fondamental d’un système politique car son pouvoir est fragile. Il peut apparaître à un moment ou dans un lieu où des richesses sont susceptibles d’être troquées, en particulier dans des contextes où coexistent la guerre et les échanges compétitifs. Il est possible que de tels personnages aient pu exister au Néolithique final et qu’ils aient joué un rôle essentiel dans les réseaux d’échanges, en particulier dans l’économie des biens de prestige. Et on peut se demander si de tels hommes hors du commun n’ont pas joué un rôle fondamental dans la construction des monuments ostentatoires et prestigieux, remparts, longues maisons et tombes mégalithiques.
- 353 Laburthe-Tolra & Warnier 1993, 123.
- 354 Clastres 1974.
175Si l’autorité qui présidait dans le domaine des Vaux dépassait le cadre de la famille, il faut se poser la question de l’existence d’un système de type chefferie. Ce modèle politique est plus complexe que celui du groupe local et il s’en distingue par deux critères au moins : un individu exerce un pouvoir ou un leadership certain ; généralement ce leadership est héréditaire353. La chefferie peut résulter de l’agrégation de familles se plaçant sous un commandement unique, formant une sorte de congrégation autour d’un personnage charismatique ou religieux. Il est souvent difficile de savoir si le leader est un gouvernant, un prêtre, un père fictif ou tout cela à la fois. Pour P. Clastres qui a étudié la chefferie amazonienne, celle-ci fonctionne avec le consensus du groupe. Le leader est choisi et contrôlé par la communauté pour éviter la prise de pouvoir personnel et la transformation de la chefferie en État354. Cela n’empêche pas la chefferie de favoriser dans certains cas l’émergence de l’institution monarchique : le développement économique d’un réseau de groupes locaux ou de chefferies peut inciter une évolution hiérarchique dans la région, provoquant une recomposition politique. De nouvelles chefferies ou des royaumes peuvent ainsi émerger, ils se superposent alors aux groupes de parenté et les articulent entre eux.
176On peut difficilement aller plus loin, car il nous manque les données essentielles sur la nature des liens qui unissaient les membres de la communauté des Vaux. Ce sont surtout les données funéraires qui pourraient apporter des informations capitales sur les statuts sociaux des individus et la hiérarchie au sein de la communauté, mais nous ne pouvons compter sur aucun élément archéologique fiable pour aborder cette question actuellement.
De la Saintonge au Berry : la segmentation d’un lignage artenacien ?
- 355 Burnez & Hamon 2010, 183.
- 356 Burnez & Fouéré 1999, 256.
- 357 Laporte & Gomez de Soto 2008, 560. Dans son dernier ouvrage, C. Burnez propose de remplacer l’Art (...)
- 358 Léonard & Vimard 2005, 57.
177Au Néolithique final, le nombre de sites a augmenté en Berry, signe que la démographie s’est développée, stimulée par des pratiques agricoles en progrès, des activités économiques diversifiées favorisées par un réseau dynamique. Le groupe de Levroux/Moulins-sur-Céphons se distingue avec l’arrivée d’une communauté Artenac qui construit aux Vaux un établissement agricole d’au moins 6 hectares, doté d’un parcellaire en arc de cercle, organisé autour d’une maison communautaire monumentale. Celle-ci sera abandonnée vers 2800/2600 à la suite d’un incendie. Puis entre 2300 et 1900 a.C., le rempart à caissons des Châtelliers est construit sur un promontoire qui était fréquenté auparavant, peut-être déjà fortifié355. La découverte de tessons artenaciens et de produits pressigniens caractéristiques atteste que les Artenaciens n’ont pas quitté Moulins-sur-Céphons après l’incendie des Vaux, ils sont toujours là. On ignore à quel moment ce groupe artenacien est arrivé mais on peut situer cette date entre 3000 et 2800, car la maison 1 des Vaux brûle entre 2800 et 2600. Cette date correspond à l’Artenac I de C. Burnez (2900- 2500), une phase qu’il définit comme pré-campaniforme356. Quant à l’Artenac II, il est découpé en deux phases, la première étant caractérisée par une influence campaniforme (IIA : 2500-2250), la seconde étant post-campaniforme (IIB : 2250-2000). Selon cette périodisation, l’Artenac couvrirait l’ensemble du IIIe millénaire, mais la fin est mal cernée, se confondant avec le début du Bronze ancien357. Sur le plan géographique, C. Burnez a distingué deux zones : un premier cercle de l’Artenac qui offre la plus grande concentration de sites, sur la façade maritime du Centre-ouest, la Saintonge, le Poitou méridional, l’Angoumois et le nord de l’Aquitaine. Le second cercle intègre des zones périphériques, mais les limites ne sont pas définies car les ensembles archéologiques ne sont pas encore assez nombreux. Ce second cercle s’étendrait du marais poitevin jusqu’à la Loire et pourrait intégrer Fort-Harrouard. Dans la définition de C. Burnez, des sites appartenant aux phases I et II de l’Artenac sont identifiés dans les deux cercles géographiques. Le second cercle ne correspond donc pas à une expansion de l’Artenac au cours de la deuxième phase. Il faut donc comprendre que les Artenaciens avaient déjà commencé à s’éloigner de leur pays d’origine dès l’Artenac I et ils ont continué à le faire au cours de la phase II. Les dates radiocarbones indiquent que leur implantation aux Vaux a lieu au cours de l’Artenac I, et plutôt plus près du début que de la fin de cette phase (fig. 70). La question est de savoir pour quelles raisons ils se sont éloignés de leur région d’origine pour s’installer de manière pérenne ou définitive à plusieurs centaines de kilomètres. À l’évidence, il ne s’agit pas de migrations massives et totales de populations. En effet, d’une part la région d’origine continue à être occupée tout au long de l’Artenac et d’autre part l’évolution de cette culture ne semble pas être affectée par ces départs. On aurait donc tendance à interpréter ces déplacements comme la migration de certains groupes artenaciens dans le cadre d’une segmentation ou fragmentation de la communauté originelle. La segmentation des lignages est un phénomène particulièrement commun dans les sociétés humaines, bien connu et largement étudié par les ethnologues. Si le résultat de la segmentation aboutit toujours à l’installation des groupes dans un territoire plus ou moins éloigné de la communauté d’origine, les raisons des départs peuvent être diverses. Après une guerre par exemple, l’ampleur de la sphère d’échange peut s’élargir, entraînant une augmentation des flux de transactions et d’alliances358. Les leaders peuvent alors décider de segmenter un lignage de manière à réguler les besoins locaux en évitant la surpopulation, tout en favorisant l’expansion géographique des échanges. La segmentation et l’essaimage deviennent alors un instrument privilégié de la régulation sociale et un facteur fondamental de la dynamique démographique. Tout en stabilisant la communauté originelle, la segmentation permet alors l’appropriation d’un nouveau monopole économique. Transposée dans le contexte du Néolithique final, la segmentation d’un lignage Artenac a pu avoir pour objectif la conquête d’une route commerciale existante ou la mise en place d’une voie d’échange alternative, même si celle-ci devait s’implanter à grande distance de la communauté d’origine.
- 359 Evans-Pritchard 1937, 175.
- 360 Sahlins 1961.
- 361 Horton 1971.
178Dans d’autres cas, un chef de lignage peut décider d’expulser une partie ou une branche de son lignage et la forcer à partir : la cause peut être un risque de surpopulation et des ressources alimentaires insuffisantes. Mais il peut s’agir également de l’éviction de jeunes gens concurrents dans le but de préserver un monopole économique, l’équilibre de la communauté, un leadership ou tout cela à la fois. Dans ce cas, le groupe qui part va tenter de s’implanter dans un nouveau territoire. S’il y parvient, son ancrage territorial pourra être à l’origine d’un nouveau lignage. La segmentation se traduit ainsi par un processus de fission/fusion défini par E.-E. Evans Pritchard pour les Nuer du Soudan359. Selon l’anthropologue britannique, fission et fusion sont deux aspects du même principe segmentaire. Ces deux tendances semblent contradictoires, mais elles sont en fait complémentaires et constituent la base de l’équilibre du système segmentaire. Chez les Nuer, la fission d’un groupe entraîne la fusion d’un segment dans un autre groupe, plus ou moins éloigné géographiquement. Pour M. Sahlins, les sociétés segmentaires pratiquent une “expansion prédatrice” par fission et il s’appuie sur l’exemple des Nuer pour la décrire360 : ceux-ci infiltrent le territoire occupé par les Dinka, profitant de la dispersion géographique de leurs clans. La stratégie du chef de lignage Nuer consiste à envahir le territoire des Dinka à l’aide de son abondante progéniture. Ce que Sahlins appelle “prédation” pourrait alors être synonyme de colonisation dans ce cas. Selon R. Horton, l’apparition de certaines chefferies pourrait résulter de “migrations disjonctives”361 : la migration provoque la disjonction des relations de parenté et l’installation dans un autre lieu entraîne la fusion de groupes de descendance non apparentés. La société se recomposerait alors autour de conglomérats composites qui ne parviendraient pas à trouver dans la parenté les instruments nécessaires pour mettre en place une constitution politique de type segmentaire. La société devrait alors inventer des institutions de type fédéral (c’est-à-dire fédérer des familles qui n’ont pas de lien de parenté) et à partir de là, pourraient apparaître des systèmes de chefferies et de royaumes.
- 362 T. Hamon, communication personnelle.
179Ces exemples empruntés à l’anthropologie permettent d’entrevoir différentes hypothèses pouvant expliquer l’essaimage des Artenaciens au tournant du IIIe millénaire. Leur expansion vers le Berry a pu être pacifique ou au contraire agressive, tout dépend de l’accueil et de la réceptivité des populations locales dont nous n’avons aucune idée. De cet aspect pourtant fondamental, dépend le choix qu’ils ont fait de s’installer à Moulins-sur-Céphons : avaient-ils des liens de parenté ou des alliés à cet endroit ou constituaient-ils un groupe conquérant et offensif ? La communauté des Vaux était-elle fondée sur un segment lignager exclusivement artenacien ou a-t-elle fusionné avec des groupes locaux de la région de Levroux/Moulins-sur-Céphons ? Un début de réponse peut être donné en observant la culture matérielle des Vaux. En effet, T. Hamon pense que la communauté Artenac qui s’est installée à Moulins-sur-Céphons n’avait pas l’intention de se mêler aux autochtones362.Pour avancer cette hypothèse, il s’appuie sur l’observation de la céramique des Vaux qui est artenacienne à 97 ou 98 % (la céramique nonartenacienne représente moins de 10 vases), de même pour le lithique, typique de cette culture. Cette communauté a manifestement préservé son identité et sa culture matérielle, sans y introduire d’éléments étrangers. Cependant, T. Hamon fait remarquer que contrairement aux modèles artenaciens du premier cercle, la céramique des Vaux n’est pas décorée. Pourtant, pour tous les autres critères, elle correspond parfaitement aux canons artenaciens, que ce soit du point de vue des formes, de la qualité et de la finesse des pâtes. L’absence de décors plastiques a pu toutefois être palliée par des décors peints qui auraient disparu. Cette éventuelle adaptation des décors, ou suppression délibérée d’ornements, pourraient correspondre à la signature de la communauté Artenac implantée dans le Berry, une manière d’affirmer la forte identité de son groupe par rapport à son lignage d’origine.
- 363 Roussot-Larroque 1984, 139.
- 364 Mallet 2012, 134.
- 365 Mallet 2012, 141.
- 366 Mallet 2012, 143.
180Abordons enfin le choix des Artenaciens pour le Berry : leurs motivations étaient-elles seulement liées à la subsistance et à l’agriculture ? À la volonté de rejoindre des groupes de parents ? Ou cherchaient-ils à se rapprocher de certains lieux de production ou de réseaux d’échanges, en particulier dans la sphère d’influence du Grand-Pressigny comme l’a suggéré J. Roussot-Laroque363 ? Leur choix pourrait être lié à toutes ces motivations à la fois, mais la proximité du Grand-Pressigny est un atout fondamental sur lequel il faut discuter. J. Roussot-Laroque a fait remarquer l’abondance des objets pressigniens dans les tombes artenaciennes et écrivait en 1984 au sujet de la technologie du nucléus sur livre de beurre : “Artenac serait un candidat très vraisemblable pour la diffusion de cette technologie”. Cette proposition suppose que les Artenaciens auraient pu interagir, de près ou de loin, avec les ateliers de production de grandes lames du Grand-Pressigny. Le silex turonien était déjà exploité au Néolithique récent (phase ancienne des ateliers du Grand-Pressigny) mais pour fabriquer des lames courtes issues de nucléus coniques, lames dont on retrouve des exemplaires dans des tombes mégalithiques de Bretagne364. Puis, selon les spécialistes, la technologie des grandes lames issues des nucléus sur livre de beurre serait apparue vers 3000 a.C. Les dates dendrochronologiques obtenues dans les niveaux de Clairvaux qui contenaient des poignards pressigniens permettent de caler la phase de fonctionnement des ateliers entre 2850 et 2400 a.C. C’est au cours de cette période d’environ 400 ans que s’organise l’exportation des grandes lames : elles apparaissent discrètement dans la culture de Lüscherz entre 2850 et 2700 puis deviennent de plus en plus fréquentes à partir de 2600 dans toute la France, jusqu’aux Pays-Bas et l’Allemagne du nord365. Aussi, ce ne sont pas seulement les grandes lames pressigniennes qui ont été exportées, mais également la technologie sur livre de beurre. Alors qu’on ignore encore à quelle culture appartenaient les inventeurs de la livre de beurre et de la technologie des grandes lames, les chercheurs pensent aujourd’hui que ces spécialistes étaient itinérants et non sédentaires au Grand-Pressigny366. Ce sont ces mêmes spécialistes qui auraient taillé de grandes lames sur livre de beurre en silex local en Dordogne, en Charente, à Vassieux-en-Vercors et dans la région de Reims. Ces lieux éloignés du Grand-Pressigny constitueraient des “ateliers satellites” de fabrication de grandes lames selon la technologie pressignienne.
- 367 Hamon 2013, 503.
- 368 Roussot-Larroque 1984 ; Burnez & Fouéré 1999 ; Laporte & Gomez de Soto 2008.
- 369 Burnez & Fouéré 1999, 271.
- 370 Il y a une exception dans le centre de la France : le site du Clos des Gués à Pezou dans le Loir- (...)
- 371 Tinévez 2005, 317.
- 372 Burnez & Fouéré 1999, 279.
- 373 Les maisons appartenant au type Antran sont : Antran, les Vaux, Douchapt, Vouillé.
181On remarquera que la période de fonctionnement des ateliers de grandes lames correspond précisément à l’Artenac I. Mais c’est finalement la méconnaissance des ateliers pressigniens qui nous empêche de connaître aujourd’hui les relations qui auraient pu se tisser entre le Grand-Pressigny et les Artenaciens. Comme nous l’avons déjà vu, aucune détermination culturelle précise ne peut actuellement être proposée pour les habitants du Grand-Pressigny au Néolithique final, et pas un seul tesson de céramique Artenac n’a été identifié jusqu’à présent dans les sites fouillés ou au cours des prospections. Cette observation doit toutefois être nuancée car T. Hamon a fait récemment remarquer de possibles influences artenaciennes au sein du corpus céramique du Néolithique final du site du Petit Paulmy à Abilly : sur un fond culturel du Néolithique récent qui rappelle celui du Montet à Déols, il observe des céramiques fines, une pâte rappelant celle des Vaux, une anse nasiforme, quoi que peu typique367. En l’absence d’attribution culturelle précise, toutes les hypothèses sont permises : en suivant J. Roussot-Laroque, on pourrait imaginer que les Artenaciens ont pu jouer un rôle dans la diffusion des produits pressigniens, voire dans l’organisation de la production des grandes lames et comme l’auteur l’écrivait en 1984, de la diffusion de la technologie. Cette hypothèse est séduisante et reste vraisemblable car les Artenaciens ont montré qu’ils appartenaient à une culture particulièrement dynamique, inventive et expansionniste. Pour ces raisons, il est tout à fait possible qu’ils aient joué un rôle fondamental dans le phénomène pressignien, à une ou plusieurs étapes de la chaîne opératoire et contribué au succès de ces objets de prestige. Mais si cela était le cas, on ne saurait expliquer pourquoi les ateliers cessent de fonctionner après 2400 alors que l’expansion artenacienne reste soutenue pendant plusieurs siècles après cette date. On retiendra qu’Antran (Vienne) est le site artenacien le plus proche du Grand-Pressigny, environ 30 km. Moulins-sur-Céphons quant à lui se trouve à 70 km au nord-est des principaux gîtes de silex turonien. À cette distance, environ 2 jours de marche, son implication directe dans les ateliers est discutable mais pas impossible. Le contrôle d’une route, d’un relais ou d’un lieu de redistribution reste également envisageable. Aussi, les sites de Moulins-sur-Céphons n’ont pas livré plus d’objets pressigniens qu’ailleurs (pas plus à Antran), et même plutôt moins pour le site des Vaux. En effet, aux Châtelliers, seulement quelques pièces ont été recueillies (poignards, scies à encoches) et le site des Vaux n’a livré que des fragments d’outils utilisés et cassés, peut-être ont-ils servi à couper des céréales comme c’est souvent le cas. Plusieurs auteurs ont mentionné l’implication des Artenaciens dans de vastes réseaux d’échanges, avec les Cordés de Suisse, les communautés du Bassin parisien, celles de la civilisation Saône-Rhône et jusqu’aux cultures méridionales Ferrières et Fontbouisse368. Pour expliquer la présence de mobiliers artenaciens dans les sites du second cercle et au-delà, la question essentielle qui n’a pas fini d’être débattue, est celle de l’expansion réelle des Artenaciens. Les outils sur grandes lames que l’on trouve dans ces cultures ont pu faire l’objet d’échanges (dons et contre-dons) entre des Artenaciens habitués aux voyages et aux contacts plutôt que témoigner d’installations définitives de groupes parmi les autochtones. C. Burnez a fait un parallèle entre le comportement des Campaniformes et celui des Artenaciens : il s’agissait pour lui plutôt d’un “rayonnement qui reflète plus des trocs ponctuels qu’une présence événementielle369”. Mais les Artenaciens n’ont-ils troqué que des objets avec d’autres communautés ? Il est probable qu’ils pouvaient échanger leur savoir et en particulier celui qui concernait leur connaissance si spéciale de l’architecture. En effet, on peut remarquer que tous les remparts à caissons (et/ou à poutrage) connus au Néolithique final sont liés de près ou de loin aux Artenaciens de la phase II : d’abord ceux du Gros-Bost et de Challignac dans le premier cercle, ensuite ceux des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons et de Fort-Harrouard. Ces deux derniers, situés dans le second cercle, ont probablement été construits par des Artenaciens comme l’atteste la présence de mobilier appartenant à cette culture sur ces sites. Les remparts monumentaux à caissons semblent apparaître à l’Artenac II alors que dans la phase précédente, certains sites étaient équipés d’enceintes fossoyées (Diconche par exemple) dans la tradition du Néolithique récent (Matignons/Peu-Richard). Seulement quatre remparts à caissons sont attestés dans le Néolithique final et ils ont pour point commun une structure architecturale particulièrement complexe et élaborée, sans comparaison avec ce que l’on connaît dans d’autres cultures du Néolithique final. Cette observation suggère que les Artenaciens détenaient la connaissance de cette architecture et les techniques de sa mise en œuvre. Peut-être étaient-ils les seuls à détenir ce savoir et ils ont pu s’imposer comme les constructeurs spécialistes de ces remparts. Ils ont pu les construire pour leur propre compte, à moins que ces ouvrages ne leur aient été commandés par des communautés qui n’étaient pas artenaciennes. La maîtrise d’une technologie architecturale complexe ne se limite pas aux remparts chez les Artenaciens. Elle concerne également les longues maisons dont ils maîtrisaient la conception et la construction. En effet, toutes les longues maisons connues dans le Centre-ouest et dans le centre de la France370 sont artenaciennes, le seul site qui fait exception est celui de la Hersonnais à Pléchatel (Ille-et-Vilaine). Parmi les quatre grandes maisons fouillées sur ce site par J.-Y. Tinévez, le bâtiment A est le plus long (104 x 12 m). Plusieurs datations radiocarbones et dendrochronologiques convergent dans la première moitié du IIIe millénaire371. Le mobilier céramique présente des ressemblances avec les styles armoricains Conguel/Croh-Collé, bien caractéristiques du Néolithique final local. Mais pour C. Burnez, ce matériel serait plus proche de l’Artenac II, l’attribution au Conguel lui paraissant assez éloignée372. Les maisons de Pléchatel présentent des caractères architecturaux que l’on retrouve clairement dans le type Antran373 en particulier la longueur, la présence d’une cour contiguë sur l’une des façades. Mais il y a aussi des divergences comme une plus petite largeur, des pignons droits, la présence de poteaux de tierces et des entrées complexes. Ces différences avec la série des longues maisons du Centre-ouest éloignent ces bâtiments bretons des techniques artenaciennes, mais la conception et la datation restent très proches. Uniques aujourd’hui en Bretagne, il paraît évident que les longues maisons de Pléchatel ont un lien avec les Artenaciens, mais on ignore lequel.
182À Moulins-sur-Céphons, on ne sait pas encore ce qu’il s’est passé après l’incendie de la longue maison. Il est certain qu’elle n’a pas été reconstruite sur place mais on ignore si le domaine a continué à être exploité après sa destruction, l’habitat ayant pu être transféré dans un autre lieu du territoire. Mais si la grande maison logeait les habitants d’un village et qu’elle était au cœur du domaine, il est probable que sa destruction totale a entraîné l’abandon du domaine des Vaux. Les données archéologiques, et en particulier les datations, ne sont pas encore assez précises pour savoir si la communauté des Vaux aurait pu se replier sur le promontoire des Châtelliers après la destruction de son habitat. Si cela est le cas, le rempart à caissons aurait pu être construit au cours d’une phase d’insécurité nécessitant une meilleure protection du groupe. Nous n’avons pour le moment aucune preuve de ces événements, mais la culture matérielle révèle qu’une communauté artenacienne s’est bien maintenue à Moulins-sur-Céphons pendant près d’un millénaire.
Conclusion sur le Néolithique entre Levroux et Châteauroux
183Entre Boischaut nord et Champagne berrichonne, des communautés humaines ont commencé à défricher dès le Néolithique ancien. Même si les données sont incomplètes et lacunaires, les cartes de répartition montrent que deux communautés distinctes sont installées dès le début du Néolithique, l’une dans la vallée de l’Indre, l’autre dans la plaine calcaire située au nord. Elles sont éloignées l’une de l’autre de 20 à 25 km, une distance qui donne une idée de l’ampleur de leur territoire respectif ou de la zone de confort qui leur permettait de garder leurs distances. Les données archéologiques sont encore trop imprécises pour identifier les affinités culturelles de ces deux communautés, et on ignore si elles appartenaient à une même culture ou si au contraire elles différaient. La question reste entière, comme elle l’est encore d’ailleurs dans une grande partie de la région Centre, zone de contact entre les influences VSG et épi-cardiales. Au Néolithique moyen, ces deux communautés se développent et elles se situent alors probablement dans la sphère Chambon comme le révèlent plusieurs indices sérieux. La communauté du nord construit des dolmens, ce que ne fait pas celle qui occupe la vallée de l’Indre. Alors qu’au Néolithique moyen le groupe du sud avait déjà investi les promontoires les plus élevés dominant la vallée, on construit au Néolithique récent une grande enceinte à fossés interrompus au Montet à Déols. La communauté qui se développe à cet endroit montre des affinités avec la culture suisse de Horgen, des traits culturels que l’on retrouve jusqu’aux Châtelliers à Moulins-sur-Céphons. Ces deux communautés se sont régulièrement développées et au Néolithique final elles sont stables. Cette stabilité des données peut révéler qu’elles ont évolué parallèlement et plutôt pacifiquement sans chercher à se nuire pendant un certain temps, sans doute étaient-elles même en contact et réceptives aux échanges. La situation a probablement changé au Néolithique final avec l’arrivée et l’implantation d’une communauté Artenac à Moulins-sur-Céphons. L’incendie de la grande maison des Vaux peut révéler une phase de conflits violents, à une époque où les structures sociales et politiques se sont nettement complexifiées.
Les territoires à l’âge du Bronze
184À l’image de la région Centre, l’âge du Bronze est la période la moins bien représentée au cours de la Protohistoire entre Levroux et Châteauroux. La base Patriarche comprend en effet 55 sites dans la zone étudiée, alors qu’elle contient plus de 100 sites néolithiques (fig. 71). Cette situation est probablement liée en grande partie à l’état de la recherche mais aussi aux modalités de conservation des structures de l’âge du Bronze. On sait désormais grâce aux fouilles préventives, que lorsqu’ils existent, les sites d’habitat de cette période sont souvent mal conservés dans notre région. Cette situation est due à plusieurs facteurs, en premier lieu la morphologie des habitats qui sont peu denses et composés de structures en creux peu profondes. Les bâtiments sont relativement de petites dimensions et souvent peu ancrés dans le sol. Ils sont de plus plutôt localisés en plaine, l’érosion étant potentiellement plus active et plus destructrice. Le cumul de ces facteurs défavorables nous laisse des sites d’habitat dont les structures sont généralement peu nombreuses et dispersées, sur des surfaces pouvant atteindre plusieurs hectares. Ces habitats pouvaient en réalité être plus denses, avec des structures plus nombreuses bien que peu profondes. De même, les sépultures de l’âge du Bronze, qu’elles soient plates, sous tumulus ou dans des fosses à incinération, sont des structures particulièrement fragiles. Les premières ont pu être pillées de longue date ou arasées par les agriculteurs, les secondes sont de petites dimensions et souvent peu imprimées dans le substrat, elles peuvent donc disparaître totalement sans laisser de traces.
185La carte de répartition des sites de l’âge du Bronze montre qu’ils sont dispersés un peu partout entre Levroux et Châteauroux, mais la concentration augmente sensiblement aux environs de la vallée de l’Indre. Cette observation peut être liée à un état de la recherche et à une meilleure connaissance de ce secteur grâce aux prospections pédestres et aux opérations préventives, plus nombreuses au sud de notre zone. Un secteur en particulier semble plus dense, entre Déols et Brion. Cette densité correspond à une occupation solidement implantée (Les Grandes Chapelles à Brion), mais il faut remarquer que c’est aussi la zone la plus fréquemment fouillée au cours des 20 dernières années entre l’aéroport de Châteauroux, les ZAC et l’autoroute A20 qui a coupé le site protohistorique de Brion.
L’âge du Bronze ancien
- 374 Hamon, dir. 1993, 77.
- 375 Raudin, dir. 2012, 50.
186Cette phase n’est représentée que par cinq sites qui sont plutôt des indices (fig. 72-A). Trois d’entre eux sont localisés entre Déols et Étrechet et concernent quelques structures ou mobiliers dispersés découverts en fouille préventive (ZAC Grandéols) et des objets isolés recueillis en prospection pédestre (Petits Maussants). À Villegongis, il s’agit de tessons de céramique découverts en prospection pédestre à proximité du supposé dolmen du Gros Caillou. Le site de Clanay à Brion a livré quelques tessons du Bronze ancien, recueillis dans de petites fosses mal conservées374. Les indices sont trop peu nombreux et trop dispersés pour interpréter cette répartition. Dans la ZAC d’Ozans à Étrechet, où le diagnostic a concerné 200 ha, la fouille de plusieurs sites protohistoriques et antiques au Four à Chaux a permis de localiser deux fosses contenant quelques tessons de céramique du Bronze ancien375. L’une d’entre elles se trouve au sein d’un espace occupé au Bronze final. On retiendra que le secteur de Déols, qui était densément investi au Néolithique final est toujours occupé au Bronze ancien, ce qui ne semble pas être le cas à Moulins-sur-Céphons. En effet, ce pôle majeur du Néolithique final semble abandonné à l’aube du Bronze ancien, abandon qui se confirmera au cours des phases suivantes de l’âge du Bronze.
Fig. 72.

Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze ancien. B. Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze moyen. C. Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze final. D. L’âge du Bronze selon les types des sites et des indices.
L’âge du Bronze moyen
- 376 Hamon, dir. 1995.
- 377 Hamon, dir. 1995, 29, fig. 16.
187Le nombre de sites reste stable par rapport à la phase précédente et n’augmente pas (n=5) (fig. 72-B). Une concentration commence à prendre forme entre Déols et Brion, on verra qu’elle se confirmera au Bronze final. On connaît au moins un habitat du Bronze moyen sur la commune de Coings, découvert lors des travaux d’extension de la piste de l’aéroport de Châteauroux-Déols. Il a fait l’objet d’une fouille préventive dirigée par T. Hamon en 1995 sur une surface d’environ 9 ha376. Cette fouille a permis de mettre au jour plusieurs occupations superposées, du Bronze moyen à La Tène pour ce qui nous intéresse, mais aussi de l’Antiquité et du Moyen Âge. Ces occupations sont installées sur une butte limoneuse mais l’érosion a du faire disparaître les structures qui pouvaient être fondées au sommet, et elles ne sont conservées que sur le versant sud du relief. Pour le Bronze moyen, les vestiges sont particulièrement rares et dispersés sur une surface de 3 ha377. T. Hamon a en effet dénombré 6 anomalies contenant de la céramique du Bronze moyen. Il s’agit de fosses correspondant à des structures de stockage, des silos cylindriques ou en forme de cloche. L’une des fosses contenait un grand vase de stockage effondré. Le mobilier céramique est abondant et certains tessons présentent des décors excisés ou de cordons. Ils appartiennent sans aucun doute à la culture des Duffaits. L’une des fosses contenait une épingle en bronze décorée de 13 cm de long. Associée à 9 vases dans la fosse n° 668, elle pourrait dater de la fin du Bronze moyen ou du début du BF I.
- 378 Buchsenschutz et al. 1979, 412.
- 379 Hamon, dir. 1993, 35.
- 380 Hamon, dir. 1993, 79.
188Le site des Grandes Chapelles à Brion constitue un pôle majeur pour l’âge du Bronze dans le secteur. Il est surtout connu grâce à des prospections pédestres réalisées sur près de 250 ha, par plusieurs générations de la famille Gablin, propriétaire de la ferme des Grandes Chapelles, une famille passionnée d’archéologie depuis de nombreuses décennies. En 1975, une fouille a été réalisée par O. Buchsenschutz à l’emplacement d’un tumulus hallstattien. Aux Grandes Chapelles, les vestiges de plusieurs dépôts métalliques ont été rassemblés ainsi qu’une série de mobiliers appartenant à une nécropole tumulaire datée de la transition Bronze final/Hallstatt. Mais l’occupation des Grandes Chapelles commence avant l’installation de cette nécropole, dès le Néolithique. Les données sont toutefois incomplètes pour déterminer la fonction des occupations qui se rattachent aux vestiges découverts. Pour l’âge du Bronze moyen, trois haches en bronze ont été recueillies en prospection pédestre. Elles faisaient probablement partie d’un dépôt378 (fig. 73). Les haches n° 1 et 2 sont des haches à talon : la première est de type breton, brute de coulée, à tranchant droit (transition BM/BF). La seconde est de petite taille et originale avec son extrémité spatuliforme. La troisième est une hache à rebords élevés, probablement d’origine atlantique. À Clanay, une hache à rebord et un bracelet en bronze décoré ont été découverts lors de la fouille préventive de 1993379. Ces deux objets ont été recueillis à une distance de 5 à 10 m des dépôts découverts dans les années 1960 aux Grandes Chapelles. Ils devaient se trouver à l’origine dans une petite fosse (st.97.50) localisée à l’extrémité nord de l’emprise de la fouille préventive. Il n’est pas exclu que les deux objets métalliques mis au jour en 1993 à Clanay et ceux des Grandes Chapelles aient pu faire partie du même dépôt. La hache est de type atlantique, à larges rebords et attribuable au Bronze moyen. Selon T. Hamon, le bracelet pourrait être rattaché au type de Bignan et dater du BM/BF I380.
L’âge du Bronze final
189Au cours de cette phase, le nombre de sites augmente sensiblement, atteignant 15 unités. La répartition désigne principalement la vallée de l’Indre, le secteur où les fouilles préventives ont été particulièrement nombreuses au cours des dernières années. La concentration s’étend désormais sur un axe situé entre Brion et Étrechet (fig. 72-C).
- 381 Rossignol 1996.
190Au lieu-dit Les Ressours à Saint-Maur, C. Rossignol a fouillé un habitat du Bronze final dans le cadre des travaux de contournement de l’A20381. Le site est localisé en Champagne berrichonne, au sommet d’une butte et à environ 500 m à l’est de l’Indre. Le décapage a concerné une étendue de 5027 m2. La fouille a permis de mettre au jour 47 structures, fosses et trous de poteau, réparties en trois groupes : 9 fosses au nord du site ; 7 fosses avec recoupements multiples à l’ouest ; 14 fosses et trous de poteau au nord. Les autres structures (n=13) sont dispersées entre les trois concentrations. Aucun bâtiment n’a pu être reconstitué et la dispersion des structures est trop importante pour révéler une quelconque organisation. Du mobilier céramique a été recueilli en abondance dans les fosses du groupe nord, assurant une datation du BF IIIb ou du début du Hallstatt ancien. L’étude carpologique réalisée par L. Bouby a mis en évidence de nombreux rejets témoignant d’une activité domestique liée au traitement des céréales, en particulier des vestiges de millet (balle et grain) ; ces rejets semblent plutôt concentrés au nord de la fouille. Au moins quatre espèces de blés cultivés sont attestées sur ce site (froment, amidonnier, engrain, épeautre) auxquelles s’ajoutent d’autres céréales comme le millet et l’orge. Seule l’orge nue est présente aux Ressours, une céréale destinée à l’alimentation humaine, alors que l’orge vêtue est plutôt réservée aux animaux. Le millet est l’espèce la mieux représentée aux Ressours, comme c’est le cas aussi à Fort-Harrouard. De nombreux fruits sauvages ont été consommés, témoignant de l’importance de la cueillette sur ce site.
- 382 Hamon 1993, 80.
- 383 Hamon 1993, 81.
191Aux Grandes Chapelles à Brion, la nature de l’occupation n’est pas plus claire au Bronze final qu’au Bronze moyen. La pratique des dépôts ou cachettes s’est probablement poursuivie dans ces lieux comme l’attestent plusieurs objets recueillis en surface : un marteau à douille du Bronze final, isolé mais pouvant être issu d’un dépôt (fig. 73, A n° 5 ; C n° 1). La douille est quadrangulaire et aucune trace d’utilisation n’a été relevée sur l’outil (L=85 mm). À environ 500 m au nord-ouest du lieu de découverte de ce marteau, a été recueilli un fragment d’épée de type langue de carpe, non loin d’une hache à ailerons et anneau latéral (fig. 73, A n° 2 ; C, n° 6 et 5). De l’épée, ne subsiste que la partie inférieure de la poignée et l’amorce de la lame. Aucune structure archéologique ne peut être datée du Bronze final aux Grandes Chapelles, seuls les mobiliers recueillis en surface témoignent de la fréquentation de ce lieu au Bronze moyen et final. D’autres mobiliers découverts en surface, plus nombreux, appartiennent au tout début du Hallstatt (haches en fer, épées, anneaux de jambe) et jusqu’à LT C ou D. Ces mobiliers évoquent plutôt un contexte cultuel et funéraire, ce qu’a bien confirmé la fouille du cercle (tumulus 1) découvert en 1975 par O. Buchsenschutz à l’emplacement d’une concentration de parures hallstattiennes (fig. 73, A n° 6). Après cette date, les fouilles n’ont pas été poursuivies aux Grandes Chapelles et on ne peut donc pas démontrer aujourd’hui que la nécropole de l’âge du Fer succédait à une autre plus ancienne, ancrée dans l’âge du Bronze. On ignore où l’habitat correspondant à ce site pouvait se trouver, mais de bons indices désignent la petite vallée toute proche de l’Angolin, située au sud-ouest des Grandes Chapelles. En effet, la fouille préventive réalisée par T. Hamon en 1993 avait révélé une occupation ténue du Bronze moyen se poursuivant au Bronze final. Plusieurs structures contenaient du mobilier du BF IIa, dont l’une, profonde de 2,60 m pourrait correspondre à un silo ou à un puits382. Une autre série de fosses est rattachée au BF III, période à laquelle pourraient correspondre une série de trous de poteau non datés383. Au nord de cette concentration de fosses, T. Hamon a découvert deux enclos circulaires qui sont très probablement associés à la nécropole des Grandes Chapelles mais aucune sépulture n’a été mise au jour car les enclos sont très arasés. Quelques tessons de céramique recueillis dans l’un des fossés permettent de supposer que ces fossés circulaires cernaient des tumulus du Bronze final.
- 384 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 15.
- 385 Raudin, dir. 2012, 51.
- 386 Raudin, dir. 2012, 12.
- 387 Froquet-Uzel 2012, 15 et 23.
192Au sud de Brion, les indices du Bronze final se multiplient, mais les vestiges sont généralement isolés et aucun site important ne se dégage pour le moment de cet ensemble. On note la présence d’objets et de structures isolés en plusieurs points : à Rosier sur la commune de Montierchaume ; au Montet à Déols ; des épandages de céramiques du BF IIb/IIIa sont signalés sur le site laténien fouillé dans la ZAC d’Ozans par B. Pescher384. Aussi, un bâtiment sur 6 poteaux et trois concentrations de fosses ont été mis au jour sur le site du Four à Chaux à Étrechet (ZAC d’Ozans). L’auteur de cette fouille préventive de 6,5 ha signale en effet trois zones de concentration, distantes entre elles de 150 à 250 m, correspondant pour lui à trois unités domestiques distinctes385. L’ensemble des structures du Bronze final a livré plusieurs milliers de tessons de céramique qui permettent d’affiner la datation, ainsi qu’un peu de faune (bœuf et caprinés dominent) et des fusaïoles. L’occupation du secteur 3, avec un probable bâtiment sur 6 poteaux et des fosses daterait du Bronze final IIb selon l’étude de la céramique menée par H. Froquet-Uzel386. Les secteurs 1 et 2 ont livré plusieurs fosses contenant de la céramique rattachée au BF IIIa et IIIb, dont certaines formes sont inédites dans la région pour ces phases387.
- 388 Joly, dir. 2004.
- 389 Froquet 2004, 10.
193En marge des indices d’habitat, les enclos circulaires sont plutôt bien représentés dans le secteur d’étude. Dans la plupart des cas, ils ont été découverts au cours des diagnostics préventifs, à un ou deux exemplaires. Paradoxalement, ce sont des structures dont la fonction funéraire est bien identifiée mais elles sont toujours très mal datées à cause de leur mauvais état de conservation. Le site du Petit Verger à Coings a livré un enclos probablement funéraire, mis au jour par St. Joly au cours d’une évaluation archéologique (non suivie de fouilles). Selon l’auteur, il s’agirait d’un enclos de type A21 de la typologie de L. Baray388. L’enclos mesure environ 11 m de diamètre, montre une interruption au nord-est et comprend deux petites fosses internes. Leur fouille n’a livré ni mobilier ni sépulture. Cette absence laisse imaginer que les sépultures pouvaient se trouver à l’intérieur d’un tertre disparu. À quelques dizaines de mètres au sud de cet enclos, une sépulture à incinération a été découverte (F13). Elle a livré une urne biconique partiellement détruite par les labours qui pourrait, d’après H. Froquet, être datée du BF IIb/IIIa389. Un fond de pot biconique recueilli dans le comblement du fossé de l’enclos pourrait appartenir à la même phase.
- 390 Frénée, dir. 2004.
194Deux enclos comparables ont été observés en 2004 sur le site de la Fleuranderie à Montierchaume. Sur ce site protohistorique et antique, il s’agit de deux enclos ouverts, dont les ouvertures se font face, l’ensemble formant un 8390. Ils mesurent 11,40 et 12,50 m de diamètre interne. Chaque enclos contient une fosse centrale dont la fouille n’a livré aucun mobilier. L’exploration des fossés d’enclos n’a pas permis non plus de recueillir de mobilier archéologique. Par analogie avec d’autres enclos de même type, du Petit Verger à Déols et de l’aéroport de Châteauroux, on peut supposer que les structures de Montierchaume avaient une fonction funéraire et relèvent du Bronze final ou du début du Hallstatt.
- 391 Baguenier 2004, 4.
195Un autre enclos a été découvert lors d’une évaluation archéologique aux Maussants à Déols. Celui-ci est l’un des plus grands mis au jour dans le secteur avec son diamètre externe de 18 m391. Le fossé a livré quelques tessons de céramique attribués au Bronze final ou au début du Premier âge du Fer dont un cordon pincé à décor incisé. Aucune sépulture n’a été découverte au sein de l’enclos dont le fossé annulaire devait ceinturer un tumulus arasé.
- 392 Hamon, dir. 1995, 58, fig. 46.
- 393 Hamon, dir. 1995, 60.
- 394 Hamon, dir. 1995, 63.
196À Coings, sur le site de l’aéroport, deux anomalies correspondent à deux petites fosses très arasées. L’une d’entre elles (st.27) contenait trois vases attribués au BF IIa. Les fouilles de T. Hamon ont également permis de découvrir deux cercles funéraires, l’un sur la butte au nord-est, l’autre en contrebas à l’ouest392. Ils sont tous les deux très arasés et ne contenaient ni sépulture, ni mobilier. Leurs diamètres sont très similaires : 9 m pour A379 et entre 8,5 et 9,5 m pour A1644393. Ce dernier présentait de probables trous de poteau dans sa périphérie ainsi qu’une fosse en son centre, mais aucun mobilier n’a été recueilli dans ces structures. Ces deux cercles ne peuvent pas être datés, faute d’éléments mobiliers ou stratigraphiques qui permettraient de les caler. Selon T. Hamon, ils ont peu de chance d’être contemporains du site BM/ BF I, car ils sont situés au même endroit que les silos. Ils pourraient donc être soit antérieurs, soit postérieurs. L’auteur écarte l’hypothèse d’une attribution au Bronze ancien car les enclos de cette phase présentent généralement des diamètres supérieurs à 20 m394. Il privilégie l’hypothèse de tumulus arasés du Bronze final ou du tout début du Premier âge du Fer, comme ceux des Grandes Chapelles à Brion qui se trouvent à 3 km du site de l’aéroport.
- 395 Coulon & Holmgren 1992, 60.
- 396 Munos, dir. 2010, 50.
- 397 Milcent 2004, 390.
197Pour le Bronze final, on ne connaît qu’un seul dépôt d’objets métalliques, celui des Ménas à Étrechet. La découverte est antérieure à 1868, année du legs au musée Bertrand de Châteauroux, et sa description n’est pas d’une grande clarté : hache en silex, anneaux de différentes formes, bracelets, deux petites pendeloques et deux cimiers de casques…auraient été découverts dans “une espèce de soucoupe en terre ordinaire pétrie à la main”395. Ce dépôt a récemment été étudié par l’équipe de l’Inrap chargée d’une série de diagnostics à Étrechet dans la ZAC d’Ozans. En effet, le domaine des Ménas est situé dans l’emprise de ce projet d’aménagement396. Selon cette étude, le lot actuellement conservé au musée de Châteauroux comprend des objets mélangés provenant des Ménas mais aussi une épée de Levroux et des pendeloques en bronze dont la provenance est peut-être levrousaine également. Ce dépôt avait été publié dans la Revue Archéologique en 1902 par l’abbé Breuil et P.-Y. Milcent a révisé la datation de cet ensemble, le classant parmi les dépôts complexes et le situant au Ha A2-B1 (BF IIb/IIIa)397.
Conclusion sur l’âge du Bronze entre Levroux et Châteauroux
198Comme on l’observe d’une manière générale en région Centre, l’âge du Bronze reste une période mal cernée et dont les vestiges sont finalement toujours moins nombreux que ceux du Néolithique et de l’âge du Fer. Entre Levroux et Châteauroux, on peut assurer qu’il y a bien une continuité des occupations entre le Néolithique final et le Bronze ancien. Mais alors que le nombre des habitats avait considérablement augmenté au cours de la dernière phase du Néolithique, la situation au Bronze ancien est confuse et il est difficile de proposer une interprétation. En tout état de cause, les deux grandes entités qui s’étaient mises en place au Néolithique ancien, en plaine autour de Levroux d’une part et dans la vallée de l’Indre près de Châteauroux d’autre part, ne semblent plus exister. Ces deux entités, que nous avons interprétées comme deux communautés évoluant parallèlement, auraient réussi à coexister pendant 3000 ans, mais à l’âge du Bronze ancien, auraient-elles disparu ? Les habitats du Bronze ancien ont pu se déplacer car il est certain que les grands sites du Néolithique final comme les Vaux ou les Châtelliers de Moulins-sur-Céphons ne possèdent pas de phase d’occupation au Bronze ancien…sauf si on accepte que la fin de l’Artenac, dans un Néolithique très final, correspond aux prémices du Bronze ancien. Le secteur nord de notre zone d’étude, aux environs de Levroux/Moulins-sur-Céphons semble donc délaissé dès le Bronze ancien, une situation qui perdurera jusqu’à la fin du Bronze final et qui ne s’inversera pas au cours de la période. Les occupants sont-ils partis ? Se sont-ils déplacés vers la vallée de l’Indre ou ces vides correspondent-ils aux lacunes de la recherche ? Il est difficile de trancher actuellement cette question car l’archéologie préventive maintient un fort déséquilibre entre le secteur de Châteauroux qui concentre l’activité économique et celui de Levroux, une zone très rurale où il ne s’est presque rien passé sur le plan préventif depuis la construction du supermarché en 1993, date de la dernière grande fouille préventive dans l’agglomération laténienne. Il y a bien des indices de l’âge du Bronze autour de Levroux, objets isolés, prestigieux ou non, quelques structures observées ici ou là, mais on ignore si des communautés ont réellement occupé ce secteur au cours de cette phase. Il n’y a en effet pas d’indice sérieux d’habitat ou de nécropole, même à Levroux où plusieurs hectares ont été décapés au cours des diverses fouilles programmées et préventives.
199En revanche, dans la vallée de l’Indre autour de Châteauroux, en particulier dans la partie est de la zone, les sites sont particulièrement nombreux entre Brion et Étrechet (fig. 72-D). Cette zone désigne principalement le plateau situé rive droite de l’Angolin jusqu’à la confluence entre la Ringoire et l’Indre. Les habitats sont encore mal cernés, mais il y a des indices dans plusieurs lieux pour le Bronze moyen et le Bronze final. La commune d’Étrechet, et en particulier la ZAC d’Ozans dont les fouilles ne sont pas toutes achevées, recèle probablement les occupations parmi les plus denses et les plus riches dans la vallée, livrant des indices d’habitat pendant toute la durée de l’âge du Bronze. D’une manière générale, les nécropoles sont plutôt mal conservées. Autour de Levroux, il n’y a aucun indice, mais entre Brion et Châteauroux, plusieurs sites sont désormais supposés, même si leurs datations ne sont pas encore bien calées. Aucune nécropole de grande ampleur n’est connue, seulement des vestiges de plusieurs tumulus et une seule incinération, fouillée au Petit Verger à Coings. On remarquera l’homogénéité de ces vestiges funéraires, des cercles fossoyés de dimensions situées autour de 10-12 m, avec peu de variations. Plusieurs dépôts d’objets métalliques sont connus, en particulier aux Grandes Chapelles à Brion pour le Bronze moyen et peut-être final, mais on est loin des concentrations de dépôts de centaines de pièces de la vallée de la Loire en Touraine. Aussi, il faut remarquer qu’aucune tombe riche ou potentiellement aristocratique (type petit tumulus de Sublaines) n’est connue dans notre secteur à l’âge du Bronze. De même, on note l’absence totale d’enceintes ou de sites de hauteur fortifiés. Ces observations tendraient à montrer que malgré la forte densité archéologique, bien sensible désormais autour de Châteauroux, ces occupations de l’âge du Bronze pourraient être liées à des domaines ruraux, petits ou moyens. Cette idée est renforcée par le fait qu’aucun site ne paraît plus important qu’un autre aujourd’hui, aussi bien dans le domaine funéraire que dans celui des habitats. Le site le plus spectaculaire reste celui des Grandes Chapelles à Brion à cause des dépôts métalliques multiples et surtout de la nécropole hallstattienne, mais on ignore si celle-ci succède à un cimetière de l’âge du Bronze ou à une occupation d’une autre nature. Quoi qu’il en soit, le site des Grandes Chapelles révélerait plutôt l’implantation locale et pérenne d’une communauté rurale et riche, mais son occupation ne s’est jamais développée pour aboutir à une agglomération, même à l’âge du Fer. De même, dans le secteur d’Étrechet où de grandes surfaces ont été décapées, la répartition des vestiges d’habitat évoque de petites unités rurales formant un tissu dense, accaparant la plaine alluvionnaire de l’Indre au fort potentiel agricole. Les indices montrent que ces groupes, installés dès le Néolithique moyen (ou plus tôt ?), semblent se stabiliser dès le Bronze moyen et ils se sont maintenus jusqu’au Bronze final. Ils vont d’ailleurs perdurer pendant tout l’âge du Fer, révélant le profond ancrage des communautés rurales protohistoriques dans la vallée de l’Indre.
Les territoires à l’âge du Fer
200Entre Levroux et Châteauroux, la base Patriarche rassemble une centaine de sites SDA attribués à l’âge du Fer (fig. 74). Comme pour les autres périodes chronologiques, ils correspondent à des vestiges dont le degré de connaissance est variable, depuis l’objet isolé jusqu’à l’oppidum. Un grand nombre d’indices n’est pas daté avec précision, par exemple des enclos observés en photographie aérienne ou des tumulus en élévation dont l’attribution à l’âge du Fer reste hypothétique, faute de fouilles. La base de données sur laquelle cette étude est fondée contient d’une part des sites fouillés dont les datations sont fiables, d’autre part des indices provenant des prospections aériennes (principalement des enclos et des fermes) ou de découvertes anciennes (tumulus avec descriptions de mobiliers peu claires). Pour ces sites, les datations restent approximatives en l’absence de sondages ou de fouilles, mais ils constituent une base de données abondante qu’on ne peut pas laisser de côté. Les sites de l’âge du Fer sont dispersés un peu partout entre Levroux et Châteauroux et il n’y a pas de secteur notablement vide. La Champagne berrichonne a été largement prospectée par l’équipe d’O. Buchsenschutz d’une part (canton de Levroux) ainsi que par D. Dubant et D. Audoux d’autre part (nord de Châteauroux et une partie de la vallée de l’Indre). L’ensemble de ces prospections livre une bonne série de sites dont le mobilier permet de caler la chronologie mais n’indique pas toujours la fonction des occupations. Aussi, la connaissance est largement redevable aux prospections aériennes dans le canton de Levroux car elles ont fourni des lots de sites qui sont classés dans l’âge de Fer à cause de leur morphologie et dont certains sont confirmés et précisés par les prospections pédestres : ce sont essentiellement des enclos circulaires interprétés comme des tumulus et des enclos quadrangulaires qui appartiennent vraisemblablement à des établissements ruraux.
201Deux groupes principaux se détachent sur la carte de répartition :
-
-
Au nord de la zone d’étude : Levroux concentre une série de sites. Ils sont denses autour du bourg actuel, désignant le village des Arènes et l’oppidum. Ce groupe semble limité au sud par les sources de la Trégonce et son extrémité nord se trouve aux environs de Moulins-sur-Céphons.
-
Dans la vallée de l’Indre : un groupe se développe entre Déols et Brion, plus dense dans la vallée de l’Indre, les sites s’égrènent sur la rive gauche de la Ringoire.
-
202On note deux concentrations plus petites :
-
-
Entre Villedieu-sur-Indre et Niherne : de part et d’autre de la vallée de l’Indre.
-
À Étrechet : la concentration correspond spécifiquement aux découvertes récentes dans la ZAC d’Ozans.
-
Sites de l’âge du Fer |
Nombre |
% |
Hallstatt |
22 |
20,37 |
La Tène |
47 |
43,52 |
Âge du Fer (indet.) |
39 |
36,11 |
Total |
108 |
100 |
- 398 Le total est ici de 108 sites entre Levroux et Châteauroux alors que le corpus comprend 98 sites (...)
- 399 Milcent 2004, 524.
203Du point de vue de la chronologie, on constate que 43,52% des sites présentent une occupation de La Tène et 20,37% du Hallstatt398. Mais près de 36,11% du corpus ne peuvent être affectés précisément ni à l’une ni à l’autre phase de l’âge du Fer. Sur la carte de répartition, on remarque que les sites hallstattiens sont présents principalement dans la vallée de l’Indre : Déols, Étrechet, Villedieu-sur-Indre, Niherne (fig. 75). Le site des Grandes Chapelles à Brion assure le maintien de l’occupation installée à l’âge du Bronze dans la vallée secondaire de l’Angolin. Quant au pôle de Levroux, alors qu’il n’y avait plus rien depuis le Néolithique final, il commence à se développer au Premier âge du Fer. Aux Arènes, les fouilles de l’agglomération de LT C/D ont livré du mobilier du Ha C399 mais il s’agit d’objets résiduels qui ne permettent pas de démontrer que l’habitat était déjà important à cette époque. Au contraire, le caractère ténu de cette phase révélerait plutôt une occupation d’ampleur limitée, peut-être une unité agricole implantée à la jonction de la Champagne et du Boischaut nord. D’autres sites d’habitat s’installent au Hallstatt à proximité de la vallée de la Trégonce (La Petite Rivière à Vineuil, Montbaron à Levroux) et dans la vallée de la Céphons (L’Irlandaise, La Pièce de la Marmagne). Ce sont probablement des établissements agricoles qui exploitent les riches terres des vallées.
204La carte met en valeur l’augmentation du nombre des sites au cours de la période de La Tène, désignant deux pôles :
-
-
d’une part entre Déols et Coings, de la vallée de l’Indre à la rive gauche de la Ringoire ;
-
d’autre part autour de Levroux, à la limite de la Champagne et du Boischaut nord, entre les rivières Céphons et Trégonce.
-
205En marge de ces deux groupes, des sites laténiens forment de petits ensembles (Villedieu-sur-Indre ; Étrechet) ou correspondent à des points isolés (Liniez, Baudres, Bouges-le-Château).
Sites de l’âge du Fer |
Nombre |
% |
Habitats |
42 |
42,86 |
Enclos |
21 |
21,43 |
Funéraire |
18 |
18,37 |
occupations indéterminées |
11 |
11,22 |
mobilier isolé |
3 |
3,06 |
site cultuel ? |
2 |
2,04 |
dépôt (monétaire) |
1 |
1,02 |
TOTAL |
98 |
100 |
206Du point de vue des types de sites, ce sont les habitats qui sont les plus nombreux à l’âge du Fer avec près de 43 % des occupations identifiées entre Levroux et Châteauroux.
207Les enclos sont nombreux, 21,43 %, et correspondent à des sites repérés en prospection aérienne. Cette catégorie regroupe des enclos circulaires (potentiellement funéraires) et quadrangulaires (plutôt des fermes lorsqu’ils sont de grande taille). Les sites funéraires sont eux aussi assez nombreux (18,37 %) et correspondent à des nécropoles, des sépultures isolées et à quelques tumulus encore en élévation auxquels il faut ajouter des monuments arasés connus par prospection aérienne. Les sites supposés cultuels (non fouillés) sont tous les deux localisés dans la périphérie de Levroux et associent également une probable nécropole (Grangedieu et les Sources de la Trégonce, des enclos et diverses structures connus seulement par photographie aérienne). Enfin, on ne connaît qu’un seul dépôt dans le secteur d’étude, un ensemble monétaire découvert au xixe s. à Moulins-sur-Céphons.
Le Hallstatt
208Parmi les 22 sites ou indices inventoriés pour le Premier âge du Fer, les habitats sont majoritaires et représentent plus de 63,64 % du corpus.
Sites du Premier âge du Fer |
Nombre |
% |
Habitats |
14 |
63,64 |
Funéraire |
7 |
31,82 |
Occupations indéterminées |
1 |
4,55 |
Total |
22 |
100 |
Sites du Premier âge du Fer |
Nombre |
% |
Ha C |
5 |
22,73 |
Ha D |
9 |
40,91 |
Hallstatt |
8 |
36,36 |
Total |
22 |
100 |
209Au plan de la chronologie, on remarquera que les deux phases du Hallstatt sont représentées (Ha C et D) (fig. 76-A). Les sites pour lesquels une datation est proposée dans les rapports de fouilles sont plus nombreux pour le Ha D ou final (40,91 %), minoritaires pour le Ha C (22,73 %). Mais un certain nombre de sites reste globalement attribué au Hallstatt sans précision (36,6 %) : il s’agit généralement de mobilier issu des diagnostics préventifs ou des prospections pédestres. Dans plusieurs cas, des habitats sont associés à des nécropoles (fig. 76-B). À Montierchaume, deux enclos funéraires ont été fouillés par E. Frénée (La Fleuranderie), non loin du site d’habitat de Coings (Aéroport de Déols). Mais on ne peut pas assurer la stricte contemporanéité des structures : les enclos funéraires pourraient dater du Bronze final ou du Hallstatt ancien alors que l’habitat de la Fleuranderie est attribué au Ha D.
Fig. 76. Sites attribués au Hallstatt entre Levroux et Châteauroux.

A.Les phases du Hallstatt. B. Sites d’habitat et funéraire.
- 400 Froquet-Uzel 2011.
210À Niherne, une découverte ancienne fait état d’une inhumation avec torque à Parçay, attribuée avec prudence par P.-Y. Milcent au Ha D3. Cette sépulture pourrait être mise en relation avec un ensemble de fosses fouillé récemment au même lieu-dit par H. Froquet, un ensemble daté du Ha D1400.
- 401 de Belvata Balasy 2012.
- 402 On aurait trouvé dans ce camp deux poignards pressigniens mais aussi des tessons d’amphore (témoi (...)
- 403 Audoux 1992.
211À Villedieu-sur-Indre, les vestiges d’un habitat hallstattien ont été découverts en 2012 à La Petite Nouraie/Grande Nouraie au cours d’un diagnostic401. Dans la tranchée 4, plusieurs fosses et trous de poteau ont livré de la céramique caractéristique du Ha D1-D2. Cet habitat pourrait être en relation avec un grand tumulus situé au lieu-dit Chambon dans la même commune. Ce monument n’a jamais été fouillé, mais je l’ai prospecté dans le cadre de la Carte Archéologique Nationale et ramassé en surface du tertre des tessons qui pourraient dater du Premier âge du Fer. Ce tumulus est situé rive droite de l’Indre, en face d’un éperon barré par un rempart (le Camp de César au lieu-dit Chambon, commune de Villedieu/Indre) dont la datation est incertaine402. De même à quelques dizaines de mètres à l’est de ce tumulus, plusieurs dizaines de petits tertres ont été repérés dans le Bois Moret403. Aucun n’a été fouillé mais on peut soupçonner pour eux aussi une attribution au Premier âge du Fer à titre d’hypothèse.
- 404 Hamon, dir. 1993, 88.
- 405 Buchsenschutz et al. 1979.
- 406 Milcent 2004, 552.
- 407 Milcent 2004, 522.
- 408 Buchsenschutz et al. 1979, 410.
- 409 Milcent 2004, 522.
- 410 Toutes les datations sont celles que donne P.-Y. Milcent (2004, p.521) car elles correspondent à (...)
212À Brion, la nécropole hallstattienne des Grandes Chapelles peut être associée aux vestiges d’un habitat fouillé par T. Hamon sur l’A20 (Clanay/La Pièce de la Grande Route) mais qui n’a livré que quelques fosses très arasées et quelques tessons du “Hallstatt moyen final404”. Le site des Grandes Chapelles à Brion constitue la nécropole la mieux connue dans notre zone d’étude pour le Premier âge du Fer. Découverte par la famille Gablin, propriétaire du domaine des Grandes Chapelles, elle a fait l’objet d’un sondage puis d’une fouille en 1975/76405. Celle-ci a été réalisée à l’emplacement de la découverte de plusieurs fragments d’un bracelet en bronze et a permis de mettre au jour les vestiges d’un tumulus arasé ainsi que cinq sépultures à inhumation dans sa périphérie (fig. 77). Le tumulus était ceint d’un fossé de 10 m de diamètre. Tous les squelettes étaient en très mauvais état de conservation et les fouilleurs ont renoncé à entreprendre des études anthropologiques. Pour le n° 1, seules les jambes étaient encore présentes. Les défunts sont tous couchés sur le dos, les bras le long du corps. Leurs orientations sont très variables et ils sont tous installés à l’extérieur du fossé circulaire, sauf les n° 1 et 2 qui le croisent en partie. Cette situation laisse penser que les inhumations sont postérieures à la construction du tertre. Au centre du cercle, aucune sépulture n’a été trouvée mais en revanche, une concentration de 17 fragments d’anneaux en bronze a été mise au jour. C’est au même endroit qu’ont été recueillis les fragments trouvés en surface, ce qui porte le nombre de bracelets reconstituables à 8. Ces parures sont en bronze massif, à section en D. Le décor est composé de bossettes séparées par des plages lisses. P.-Y. Milcent les attribue à une femme dont l’inhumation a disparu. Cette parure correspondrait à des jambarts comprenant au minimum quatre anneaux chacun406. La tombe de la défunte devait être située au centre du tertre, peut-être en partie dans sa masse, à moins que son squelette, trop fragile, n’ait disparu dans le sédiment. Ces parures permettent à P.-Y. Milcent de dater cette tombe du Ha D1-2 ancien407. D’autres bracelets de ce type existent dans le Berry, dans le tumulus de Senneçay (Cher), à Ségry (Indre) ou encore à Dun-sur-Auron408. Les inhumations n’ont pas livré de mobilier et il donc délicat de les dater par rapport à la tombe centrale. Au nord du fossé, les fouilleurs ont mis au jour une couche charbonneuse contenant des éléments de bronze fondu ainsi qu’une armature en fer. Cette couche pourrait correspondre à une incinération qui appartiendrait à un homme409. La pointe de flèche en fer est fréquente pendant tout le Premier âge du Fer et pourrait appartenir à une incinération contemporaine de la tombe centrale du tumulus ou être plus tardive. Selon P.-Y. Milcent, une autre pointe de flèche de même type aurait été découverte par P. Gablin sur la propriété. Les fouilles réalisées aux Grandes Chapelles en 1976 (O. Buchsenschutz) puis en 1992 (T. Hamon) ont montré qu’il existait une vaste nécropole, dont ne subsistent que des tumulus arasés (visibles aussi sur des clichés aériens). Les premières tombes remonteraient au Bronze final mais le site est déjà occupé auparavant. On ignore quelle était sa fonction au Bronze moyen mais c’est au cours de cette phase que plusieurs dépôts d’objets métalliques sont enfouis. Au Hallstatt, la plus ancienne tombe fouillée est celle du tumulus 1 (Ha D1-2 ancien), mais la découverte de plusieurs épées en prospection pédestre pourraient indiquer la présence de tombes sous tumulus dès le Ha C ancien. En effet, plusieurs éléments d’armement indiquent la présence de tombes masculines du Ha C : une épée de type Villement (Ha C ancien) ; un fragment d’épée de type Weichering (début Ha C récent) ; une bouterolle à ailette en V (Ha C ancien) ; une agrafe en bronze de la fin du Ha C ou du début du Ha D1410.
Fig. 77. Fouille du tumulus des Grandes Chapelles à Brion (Indre) (d’après Buchsenschultz et al. 1979).

- 411 Milcent 2004, 127.
- 412 Buchsenschutz et al. 1979, 419.
- 413 Milcent 2004, 125-126.
- 414 Le groupe nord-ouest de la Champagne est caractérisé par des tertres tumulaires en terre.
- 415 Coulon & Holmgren 1992, 218.
- 416 Milcent 2004, 127.
- 417 Coulon & Holmgren 1992, 115.
- 418 Milcent 2004, 128.
- 419 Milcent 2004, 133.
- 420 Buchsenschutz et al. 2013.
213D’autres mobiliers, recueillis en surface par la famille Gablin, révèlent que la nécropole a été utilisée jusqu’au Ha D : un fragment de bracelet creux en bronze de type Creuzet (Ha D1-2) ; un fragment de torque en bronze (Ha D3-LT A). L’armement hallstattien pourrait appartenir à deux sépultures de guerrier successives411. On sait d’après les fouilles de 1976 et de 1992 que le site des Grandes Chapelles est occupé par un habitat depuis le Néolithique moyen. Même si la continuité ne peut pas être actuellement assurée depuis cette phase, il est possible que cet habitat se soit maintenu à l’âge du Bronze. Ses fonctions se sont diversifiées avec l’installation d’une nécropole tumulaire mais aussi avec l’enfouissement de plusieurs dépôts métalliques au Bronze moyen et final. Dès le Bronze final et pendant tout le Premier âge du Fer, des sépultures sont installées dans des tumulus appartenant probablement à une petite communauté rurale dont l’habitat pouvait être situé dans la vallée de l’Angolin. Cette nécropole se maintient jusqu’à LT A, et même au-delà comme en témoigne la découverte de mobilier de LT C et D412. P.‑Y. Milcent a fait remarquer que les guerriers inhumés au Ha C et D dans ce secteur de l’Indre étaient accompagnés uniquement d’armes en bronze, ce qui correspond selon lui à un choix socio-culturel plutôt qu’à un critère chronologique. En effet, les objets en fer ne sont pas rares dans cette région et le choix des armes en bronze est une originalité de ce groupe, une preuve de son dynamisme au Ha C et le signe d’échanges actifs avec des communautés nord-occidentales413. La nécropole hallstattienne de Brion fait partie d’un ensemble de nécropoles tumulaires connues dans le nord-ouest de la Champagne berrichonne comme Villement à Saint-Aoustrille (Indre) ou Le Moulin Barie à Liniez (Indre)414. Celle-ci comprenait près de 20 tertres, dont 15 à 18 petites buttes entourant un grand tertre allongé415. Des mobiliers en bronze et en or auraient été trouvés au xixe s., ils ont hélas disparus, mais l’indice le plus sûr est une épée en bronze découverte en 1982, identifiée au type Miers du Ha C récent416. Une épée de même type, isolée mais provenant probablement d’une nécropole, a été découverte au nord-est de Déols vers 1885417. Les tombes sous tumulus du groupe nord-ouest de Champagne (Villement, Brion, Liniez et sans doute Déols) sont caractérisées par le dépôt exclusif d’armes en bronze et elles s’opposent géographiquement à un autre groupe de nécropoles préférant les épées en fer au Ha C, les défunts étant installés dans des tertres en pierres. Ce second groupe, qui présente selon P.-Y. Milcent des affinités avec des communautés de l’est de la France, rassemble des sites du sud-est de la Champagne berrichonne (département du Cher : Coust, Vornay, Lunery)418. L’auteur a individualisé un troisième groupe, le groupe des tumulus de Sologne, dans lequel on trouve des guerriers accompagnés d’épées en fer au Ha C419. Ces trois groupes présentent des affinités entre eux (affinités qui restent toutefois à établir clairement à travers la culture matérielle), mais aussi des différences culturelles que l’on perçoit à travers le choix délibéré du métal de l’armement déposé. Il pourrait s’agir de trois groupes culturels différents qui pourraient correspondre à des clans familiaux ou des groupes locaux, indépendants les uns des autres. P.-Y. Milcent a fait remarquer que ces trois groupes occupent une grande partie de ce qui sera un peu plus tard la cité des Bituriges. Leurs affinités pourraient révéler, dès le Ha C, un niveau d’intégration territorial qui dépasse le niveau des groupes locaux. De son côté, O. Buchsenschutz a récemment montré que les nécropoles de ces groupes locaux sont stables du début jusqu’à la fin de l’âge du Fer420. Ils révèlent le pouvoir des familles aristocratiques du Berry, qui ont dominé et contrôlé la campagne dans la longue durée. C’est dans ce contexte de partage territorial qu’émergera le complexe princier de Bourges au vie s.
- 421 Munos, dir. 2010, 124
- 422 Raudin, dir. 2012.
- 423 Cherdo, dir. 2012, 84.
- 424 Querrien 2003, 78.
214À Étrechet dans la ZAC d’Ozans, les diagnostics et les fouilles ont mis en évidence plusieurs ensembles du Ha C et D appartenant à des habitats. Aucun vestige funéraire n’a été mis au jour pour le moment dans ce secteur mais les opérations archéologiques dans cette ZAC de 200 ha ne sont pas terminées. Les vestiges mis au jour au cours des diagnostics et des fouilles concernent des fosses, dispersées et peu nombreuses. Dans la plupart des cas observés, elles sont mêlées à des structures plus récentes dans l’âge du Fer. La céramique permet de désigner le Hallstatt final, par exemple un lot de 900 tessons, dont de la céramique peinte, datée du Ha D2-D3421. De même, la fouille du site du Four à Chaux a permis de mettre au jour une occupation très diffuse sur une surface d’environ 4000 m2, comprenant un bâtiment sur quatre poteaux ainsi que cinq fosses ayant livré du mobilier du Ha C et D422. Sur une autre fouille de la ZAC (La Perrière et Le Croc au Loup), plusieurs groupes de fosses très érodées ont été découvertes (mais pas de silo avéré), associées à de probables bâtiments et peut-être un tronçon de palissade423. La céramique livrée par ces fosses se situe à la fin du Hallstatt voire au début de LT A. Dans le secteur de Levroux, on ne connaît que des vestiges d’habitats : quelques tessons dans des fosses du Village des Arènes et aussi des ramassages de céramique à Vineuil (Petite Rivière) et à Levroux (l’Irlandaise et la Pièce de la Marmagne). Ces derniers révèlent probablement des établissements ruraux dans les vallées de la Céphons et de la Trégonce, mais on ne peut l’assurer car aucun n’a été fouillé. Le seul site dans lequel des structures ont été mises au jour est celui de Montbaron à Levroux, fouillé par A. Querrien424. Cette résidence seigneuriale des xie-xiiie s. s’est installée à l’emplacement d’une occupation de l’âge du Fer. En effet, une fosse Hallstatt et un foyer de La Tène, révèlent une probable unité agricole à environ 5 km au sud de Levroux.
- 425 Colin & Buchsenschutz 1984, 198.
215Sur le plan funéraire, aucune sépulture ne peut être attribuée de façon certaine au Premier âge du Fer dans le secteur de Levroux. Il faut cependant tenir compte de notre méconnaissance concernant la datation des nombreux cercles repérés en prospection aérienne en Champagne berrichonne ainsi que de l’absence de fouille dans les tumulus connus à Levroux : par exemple, la Butte Saint-Phalier est un tertre de 10 m de diamètre pour 6 m de hauteur, encore en élévation. Dans ce tertre, des roues auraient été découvertes au xixe s., il pourrait peut-être s’agir d’une tombe à char. Mais en l’absence de précision sur le mobilier disparu, nous ne pouvons avancer aucune datation, pas plus que pour le second tertre, La Motte-Thevrault, détruit vers 1766 et qui se situait à proximité de Saint-Phalier425. A. Colin a fouillé en 1982 les restes d’un probable tumulus de LT C à Levroux, au sud-ouest du village des Arènes. La datation de cette sépulture montre que la chronologie des tumulus et des enclos circulaires en général est particulièrement longue, et ne désigne pas uniquement les phases anciennes. L’usage de ce type de tombe peut perdurer jusqu’à la guerre des Gaules.
La Tène
216Entre Levroux et Châteauroux, sur un total de 59 sites laténiens, on dénombre 47 sites occupés pendant l’une ou plusieurs phases identifiables de La Tène. Le tableau ci-dessous montre que le nombre de sites augmente progressivement tout au long de la période, depuis LT A/B (8 sites) jusqu’à LT D (19 sites), en passant par LT C (15 sites). Mais près de 30 % des sites ne peuvent pas être attribués à une phase précise.
Sites laténiens, phase représentée |
Nombre |
% |
LTA |
6 |
10,17 |
LTB |
2 |
3,39 |
LTC |
15 |
25,42 |
LTD |
19 |
32,20 |
La Tène (non précisé) |
17 |
28,81 |
TOTAL |
59 |
100 |
Sites de La Tène |
Nombre |
% |
Habitats |
20 |
38,46 |
Funéraire |
12 |
23,08 |
Occupations indet./mobilier isolé |
7 |
13,46 |
Fermes |
6 |
11,54 |
Ensilage |
4 |
7,69 |
Site cultuel (?) |
2 |
3,85 |
Dépôt monétaire |
1 |
1,92 |
Total |
52 |
100 |
217Ce sont encore les habitats qui sont les plus nombreux avec près de 40% du corpus, mais les sites funéraires sont bien représentés (23,08 %). Les gisements qui présentent une zone d’ensilage sont au nombre de quatre et datent de LT A à LT C1 : Liniez Le Grand Jaunet, Montierchaume La Fleuranderie, Coings aéroport, Déols Les Bapaumes.
- 426 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
218Le nombre des fermes, estimé ici à 6 unités, ne peut être que très inférieur à la réalité car plusieurs dizaines d’enclos quadrangulaires sont connus par la photographie aérienne en Champagne entre Levroux et Châteauroux426. Mais cet imposant corpus n’est pas daté et peut concerner des établissements ruraux de LT C jusqu’à l’époque gallo-romaine. Entre Levroux et Châteauroux, on découvre deux zones de concentration principales, bien distinctes l’une de l’autre (fig. 78-A) :
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autour de Levroux, une concentration de sites de LT C et D, très dense à la hauteur du bourg actuel. Elle désigne l’agglomération de plaine (LT C2/D1) et l’oppidum (LT D1/D2). Dans un rayon de 10 km environ autour de Levroux, on observe des sites périphériques, habitats, fermes, tombes et nécropoles (fig. 78-B).
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Fig. 78. Les sites attribués à La Tène entre Levroux et Châteauroux.

A.Les phases de La Tène. B. Types de sites.
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Entre Déols et Montierchaume, c’est-à-dire entre la vallée de l’Indre et la rive gauche de la Ringoire : la concentration qui existait à l’âge du Bronze et au Hallstatt se maintient pendant La Tène. Elle comprend à LT A des aires d’ensilage (Coings aéroport, Montierchaume et Déols). Puis des habitats et des fermes se développent à LT C et D. Les sites funéraires sont également connus dans la périphérie sud des habitats à Déols.
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Un troisième petit groupe désigne le secteur de Villedieu-sur-Indre, rive gauche de la rivière. Il est particulièrement mal connu car peu de fouilles ont été réalisées, mais il est probablement le lieu d’une agglomération laténienne dans laquelle était installée une officine de potier au lieu-dit Mehun. Aussi, le Camp de César, situé rive droite, pourrait avoir été occupé à LT C et/ou D, mais nous n’avons pas d’arguments pertinents à part le signalement de tessons d’amphore trouvés dans le camp.
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On peut également observer le petit groupe d’Étrechet dans lequel toutes les phases de La Tène sont représentées. Il s’agit d’une série d’occupations plus ou moins bien conservées, découvertes en diagnostic ou en fouille dans la ZAC d’Ozans. On remarquera que ces découvertes récentes, dont l’exploitation scientifique est encore en cours, ne concernent que des vestiges d’habitat mais aucun indice funéraire.
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- 427 Buchsenschutz et al. 1979.
219Deux ensembles paraissent isolés : le premier à Brion aux Grandes Chapelles où du mobilier de LT C et D a été découvert mais on ignore s’il appartient à des sépultures ou à des habitats427. Le second est situé à Liniez au Grand Jaunet, où une aire d’ensilage de 15 silos de LT A et B associée à un bâtiment, a été fouillée sur l’A20 en 1992.
La Tène A et B : les aires d’ensilage
220La phase La Tène ancienne (A et B) n’est pas représentée dans le canton de Levroux ou alors sous forme de quelques tessons résiduels dans les fosses du Village des Arènes et peut-être quelques autres fragments découverts en prospection pédestre à l’Irlandaise (non différenciés de fragments potentiellement hallstattiens). On peut remarquer qu’aucune sépulture n’est attestée dans notre secteur d’étude pour cette phase de La Tène. Mais encore une fois, les enclos circulaires connus par la prospection aérienne pourraient correspondre à des sépultures de cette phase.
- 428 Hamon, dir. 1995, 108.
- 429 Augier 2012, vol. 2, 263.
- 430 L. Augier, communication personnelle.
221Dans le secteur de Châteauroux, plusieurs sites ont livré des vestiges de La Tène ancienne, dont deux comprenant des aires d’ensilage, à Déols et à Montierchaume. Ce type de site ne semble pas représenté à Étrechet ni à Coings-aéroport. Sur ce dernier en effet, 8 fosses dispersées sur 3 ha sont très arasées et si certaines d’entre elles pourraient éventuellement être des fonds de silos, leurs morphologies n’évoquent pas cette fonction428. Elles ont livré du mobilier céramique, la plus riche étant st.4213 (10 vases). Ce mobilier, qui ne comprend aucune forme d’importation, a été rapproché de celui du Grand Jaunet à Liniez qui est daté de LT A1 et B1429. La céramique de Coings-aéroport trouve en effet des analogies avec celle de Liniez et peut être attribuée à LT A au sens large, mais elle ne présente aucune forme caractéristique de LT B430.
- 431 Munos, dir. 2010, 232.
- 432 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 15.
222À Étrechet, aucune batterie de silos n’a été mise au jour pour le moment, mais l’un des diagnostics de la ZAC d’Ozans (phase 1 tranche 2) a permis de découvrir quelques trous de poteau et des fosses contenant de la céramique datée du Ha final/La Tène ancienne431. Sur cette opération, il faut mentionner que des traces de réduction du fer ont été identifiées dans le cadre de l’occupation antique, mais pas pour la Protohistoire. Dans la même ZAC, les fouilles réalisées par B. Pescher ont permis de mettre au jour plusieurs fosses liées à l’extraction d’argile et contenant de la céramique de La Tène ancienne. Aucune trace d’habitat n’a été identifiée, mais B. Pescher suggère qu’il a pu exister à proximité des fosses d’extraction, peut-être hors emprise432.
- 433 Champagne & Froquet 2000.
- 434 Buchsenschutz & Frénée 2009, 116.
223Une première batterie de 28 silos a été fouillée en 2000 au lieu-dit Les Battes à Déols par F. Champagne433. Des tessons du céramique du Bronze final, découverts dans les comblements des silos avaient d’abord conduit l’auteur à penser que ces structures de stockage pouvaient dater de cette période. Mais par la suite, cette datation a été remise en cause car les silos de grande capacité sont plutôt caractéristiques de l’âge du Fer434. Les tessons de l’âge du Bronze, très petits et érodés, sont plus probablement résiduels dans les comblements. Les profondeurs des silos de Déols varient de 1,1 à 3,2 m et leurs volumes de 2,8 à 14,5 m3 pour une capacité de stockage cumulée de 200 m3 pour les 28 silos. L’attribution à l’âge du Fer, entre le Ha D3 et La Tène ancienne est supposée mais ne peut pas être démontrée, faute d’éléments matériels. Cette lacune est probablement liée à l’éloignement de l’habitat, car aucun bâtiment n’a été découvert à proximité. Il s’agit donc ici d’une batterie de silos de grande capacité, mais peut-être isolée de l’habitat.
- 435 Cette fouille est divisée en 3 zones : la zone I a livré la batterie de silos, la zone II un habi (...)
- 436 Augier 2012, 283.
- 437 Pradat 2004, 56.
- 438 Frénée, dir. 2004, 58.
224À Montierchaume, 12 silos ont été fouillés en 2004 au cours de l’opération préventive de la Fleuranderie par E. Frénée (ZAC de la Malterie)435. Étendus sur une surface de 4000 m2 environ, ils sont moins nombreux qu’à Déols et leur capacité est plus restreinte : les profondeurs varient de 1,50 à 1,98 m et les volumes de 2,2 à 4,7 m3. Ces silos sont partagés en 2 groupes : le premier comprend 5 silos livrant de la céramique caractéristique de LT B. Le second groupe serait un peu plus tardif, composé de 6 silos utilisés au cours du iiie s. a.C. L. Augier a confirmé ces datations dans sa thèse : le premier groupe de silos est attribué à LT B1, le second à LT B2/C1436. L’habitat situé dans la zone III s’étend sur environ 8000 m2 et comprend des traces de bâtiments, dont deux ou trois probables greniers sur quatre poteaux, quelques fosses et une structure quadrangulaire avec poteaux internes, de type fosse-atelier. Cette fosse contenait un foyer dans le quart sud-ouest et a livré un important corpus de céramique qui a permis à L. Augier de dater son comblement de LT A1. Cet habitat est situé à moins de 300 m au nord-ouest de la batterie de silos et il correspond à une occupation antérieure à la mise en place de la zone d’ensilage. La présence de plusieurs greniers montre toutefois que dès LT A, le stockage de céréales était organisé sur ce site, il a pu se développer ensuite à LT B. Les silos ont livré de grandes quantités de restes carpologiques, près de 3000 carporestes, étudiés par B. Pradat. Toutes les céréales cultivées à La Tène sont présentes sur le site, l’orge polystique vêtue, le blé type froment, l’amidonnier, l’engrain, l’épeautre et les deux millets437. Bien que nombreuses, les graines ne sont pas bien conservées mais B. Pradat a pu évaluer une représentation dominante de l’amidonnier et de l’engrain. Dans son rapport, elle indique que l’orge est généralement la céréale la plus cultivée pour cette phase chronologique et pose la question de la spécialisation éventuelle du site de Montierchaume. Les restes de plantes (en particulier des furcas d’amidonnier et d’engrain, vannes de plantes sauvages) montrent que des préparations agricoles ont été réalisées à proximité des structures de stockage de Montierchaume438. L’auteur atteste également la présence de légumineuses dont l’ers qui semble être une caractéristique régionale, toujours présente sur les sites du Berry.
- 439 Bouvet et al. 1992. Après le décès accidentel de notre collègue Jacqueline Hascouët, c’est J.-P. (...)
- 440 Les volumes des silos de Liniez n’ont pas été calculés dans le rapport de 1992 et le site n’a pas (...)
- 441 Augier 2012, 263.
225Dans le secteur d’étude, une troisième batterie de silos est connue à Liniez, à environ 15 km au nord de Montierchaume (fig. 79). Celle-ci a été fouillée en 1992 par J. Hascouët dans le cadre de l’aménagement de l’autoroute A20, au lieu-dit Le Grand Jaunet439, une fouille préventive d’environ 1 ha. Elle a permis de mettre en évidence deux zones de stockage dont l’une est composée d’une quinzaine de silos, l’autre d’au moins trois greniers disposés en arc de cercle. Un bâtiment sur poteaux (sub-rectangulaire à une nef, 9 poteaux, surface = 21 m2) des foyers et des fosses indiquent la présence probable d’une zone d’habitat à proximité du secteur d’ensilage. Cette hypothèse est renforcée par la présence d’abondants rejets domestiques à l’intérieur des silos en fin d’utilisation : pesons, fusaïoles, céramique et faune. Les silos de Liniez sont de capacité moyenne à grande, les profondeurs atteignent entre 0,50 m et 2,30 m440. L. Augier a étudié la céramique provenant principalement des silos et elle individualise deux phases d’occupations du site. La première se situe à LT A1, la seconde à LT B441. Parmi les mobiliers du Grand Jaunet, on trouve une fibule en bronze à pied en faux ressort caractéristique de LT A1 ainsi qu’un fragment d’amphore de Marseille.
Fig. 79. Liniez (Indre) Le Grand Jaunet. Plan général des structures (d’après Bouvet 1992 revu par Augier 2012, vol. 2, 265).

- 442 Buchsenschutz & Frénée 2009, 116.
- 443 Ferdière & Guiot, éd. 2015.
- 444 Buchsenschutz & Frénée 2009.
226Alors que l’aire d’ensilage de Déols ne peut pas être datée précisément, les batteries de Montierchaume et de Liniez appartiennent aux mêmes phases chronologiques, entre LT A1 et LT B. Dans l’Indre, les aires d’ensilage ne semblent pas perdurer au-delà de LT C1. Aussi, on ne connaît aucune sépulture en silo dans ce département, alors qu’il en existe à Bourges, en particulier à Lazenay et à Port-Sec Sud. Les batteries de silos de ce secteur de l’Indre s’intègrent dans une série de sites qui s’étoffe de plus en plus en région Centre comme l’ont montré O. Buchsenschutz et E. Frénée442. Ils sont représentés en Touraine (Sublaines, Le Grand Ormeau et Sainte-Maure-de-Touraine, Les Chauffeaux), dans le Val-de-Loire (Les Ribets à Mer et La Chaussée-Saint-Victor, Loir-et-Cher) et une belle série de sites a été récemment fouillée sur l’A19 dans le Loiret : parmi d’autres, on peut citer une batterie de 40 silos sur le site du Climat de Laveau à Villerau (Loiret), Corquilleroy et Treilles-en-Gâtinais (32 silos et 5 greniers) ou encore à Chevilly (Loiret)443. Ces aires d’ensilage, qui peuvent comprendre plusieurs dizaines de silos, présentent des datations homogènes, centrées sur LT A et B, débordant parfois sur LT C1. Elles concernent donc une période qui va de 460 jusque vers 200 a.C. et à LT C2, il semble qu’elles ne sont plus utilisées. Aux ve et ive s., les batteries de silos caractérisent le modèle d’établissement rural le plus répandu en France, en particulier dans une large moitié nord du pays où elles sont fréquemment associées à de petites unités d’habitat. Les études carpologiques confirment que les activités de préparation des grains pour le stockage sont réalisées sur place, à proximité des silos qui accueilleront les récoltes. Les batteries de silos correspondent à des fermes qui exploitent des terres aux alentours, cultivent des plantes diversifiées et sont équipées pour stocker des quantités variables de grain. Certaines batteries de silos représentent en effet des capacités de stockage qui varient de quelques m3 à plusieurs centaines de m3, comme à Sublaines444 ou aux Battes à Déols. Même si tous les silos ne sont pas contemporains et que la capacité de stockage a pu varier avec le temps, il est clair que certains établissements ruraux correspondent à de petites unités familiales engrangeant leur propre stock annuel, alors que d’autres entreposent de plus grandes quantités de denrées agricoles pour un usage qui peut dépasser le cadre familial. Il peut correspondre aux besoins alimentaires d’une grande communauté ou de plusieurs, ou encore constituer un mode de stockage supra-communautaire et centralisé appartenant collectivement à plusieurs groupes locaux. Mais les grandes batteries de silos peuvent révéler aussi une véritable activité économique qui serait développée par une communauté qui stocke des surplus agricoles pour en faire le commerce. L’existence d’aires d’ensilage de plus ou moins grande ampleur, associées ou non à des habitats, groupant des silos de plus ou moins grande capacité, sont autant de critères qui révèlent la diversité du monde rural à LT A et B et les disparités qui pouvaient exister entre les communautés. Elles illustrent une hiérarchie de ces établissements agricoles, dont certains sont pauvres, d’autres riches et certains très riches. Cette hiérarchie et les disparités s’accentueront au cours de LT C avec l’apparition des fermes à enclos fossoyés et les premiers grands habitats centralisés.
La Tène C : fermes et agglomérations de plaine
a. Le secteur de Châteauroux
- 445 Musch 2004, 11.
227Dans la vallée de l’Indre, plusieurs établissements ruraux de LT C sont connus à Déols et à Étrechet. Le premier a été découvert en 2004 au cours d’un diagnostic réalisé par J. Musch à La Petite Borde à Déols. Cette opération n’ayant été suivie d’aucune fouille, il est difficile d’imaginer l’ampleur de cette occupation qui comprend deux bâtiments dont un grenier sur quatre poteaux et un autre bâtiment dont la dimension n’a pas pu être déterminée avec exactitude. Les trous de poteau de celui-ci contenaient du torchis brûlé évoquant son incendie445. La découverte de céramique, de mobilier métallique (anneau et fragment de tôle de bronze ; une lame et une bande en fer) révèle la présence d’un habitat qui peut correspondre à une unité domestique ou agricole à La Petite Borde. Les tessons de céramique recueillis dans plusieurs trous de poteau ont permis de caler la datation à LT C et de rapprocher les formes de celles de La Fleuranderie à Montierchaume.
- 446 Munos, dir. 2010.
- 447 Cherdo, dir. 2012, 136.
- 448 Di Napoli 2012, 86.
- 449 Cherdo dir. 2012, 98
228Les diagnostics dans la ZAC d’Ozans ont livré de petits ensembles de structures, fosses et trous de poteau446 et de la céramique résiduelle de LT C au Four à Chaux. Un ensemble bien structuré a été fouillé sur le site de La Perrière/Croc au Loup à Étrechet par F. Cherdo. Cette opération préventive s’étendait sur une surface de 6,5 ha découpée en quatre secteurs. Trois phases chronologiques sont représentées : période 1 = Hallstatt final/LT A ; période 2 = LT C ; période 3 = début de La Tène finale. L’établissement rural se structure à LT C1447. Fouillé sur une surface d’environ 2500 m2, il est constitué d’un petit enclos palissadé interprété comme un parc à bétail, au sud duquel sont répartis 12 bâtiments sur poteaux. Les trous de poteau, les tranchées de fondation de l’enclos et quelques fosses livrent un mobilier céramique homogène daté par F. Di Napoli de LT C1. La céramologue indique que la phase de fonctionnement de ce site est contemporaine de la phase 2 de la Fleuranderie à Montierchaume et de la phase 1 de la grande ferme des Bapaumes à Déols448. Les bâtiments sont presque tous orientés dans le même axe, nord-ouest/sud-est449. Ils sont de petite taille et leurs surfaces varient de 5 à 23 m2 avec une moyenne de 11 m2. Les surfaces cumulées pour les 12 bâtiments avoisinent les 2500 m2. Les dimensions modestes des constructions et l’architecture très simple sur des modules de quatre poteaux évoquent davantage des bâtiments à usage agricole plutôt que des maisons d’habitation. Cette hypothèse est renforcée par l’absence de fosses détritiques riches en mobilier dans les environs immédiats des constructions, telles qu’on les attend généralement à proximité des maisons d’habitation. Les fosses découvertes à 150 m vers le sud-ouest pourraient faire partie d’un habitat, mais F. Cherdo les interprète plutôt comme des structures d’extraction. Ce type d’installation évoque un établissement agricole ouvert, équipé de structures de stockage associées à des bâtiments d’exploitation et des enclos pour animaux. Il présente l’avantage d’être bien daté de LT C1 et il est probable qu’il était situé à proximité d’une zone d’habitat, celle-ci n’ayant pas été détectée dans l’emprise fouillée. Ce type d’installation évoque l’ensemble de greniers de Liniez et pourrait se situer éventuellement en périphérie d’une zone d’ensilage.
- 450 Baguenier, dir. 2011.
- 451 Baguenier, dir. 2011, 14.
- 452 Raudin 2011, 146.
- 453 Pradat 2011, 125-126.
- 454 Baguenier, dir. 2011, 131.
- 455 Baguenier, dir. 2011, 148.
229Le site le plus spectaculaire pour cette phase dans le secteur de Châteauroux est la grande ferme des Bapaumes fouillée par J.-P. Baguenier en 2010 à Déols450. Elle constitue la seule ferme complète de l’époque de La Tène fouillée dans l’Indre. Cette opération a concerné 3 ha et permis d’observer deux phases chronologiques au sein de LT C, suivies d’une phase LT D1. À LT C1, une petite aire d’ensilage (6 silos) est peut-être associée à des bâtiments sur poteaux et à 3 grandes fosses polylobées451. La batterie de silos est située au nord de la fouille, en limite d’emprise (fig. 80). Les volumes des silos varient de 4,53 m3 à 8,48 m3, avec une moyenne de 6,73 m3 452. Selon l’auteur, ce sont des silos de taille moyenne, et on peut remarquer qu’il n’y a pas dans cette batterie ni de très petits silos, ni de très gros. La capacité cumulée de l’ensemble des 6 silos atteint 40,36 m3. Elle correspondrait à l’une des plus petites aires d’ensilage du secteur, en particulier par rapport à celle de La Fleuranderie. Cependant, étant située près de la limite de l’emprise de la fouille, il n’est pas exclu que l’aire d’ensilage ait pu être beaucoup plus vaste. L’étude carpologique de B. Pradat a montré que le blé nu était très largement dominant aux Bapaumes (85 % des restes), ce qui distingue ce site de celui de la Fleuranderie (qui est toutefois antérieur car daté de LT A et B)453. Cette étude a également montré que le traitement des grains a été particulièrement minutieux aux Bapaumes, écartant les adventices et les vannes pour que ne soit stockés dans les silos que des grains très propres. Plusieurs bâtiments pourraient être associés à l’aire d’ensilage : deux à l’extérieur du grand enclos et 3 ou 4 à l’intérieur (bâtiments 14, 15 et 16)454. Leur attribution à la phase 1 de l’occupation est proposée car leurs orientations diffèrent de celles des bâtiments de la phase 2, mais c’est l’unique argument avancé. Il n’est donc finalement pas clairement démontré que l’aire d’ensilage était associée à des structures bâties à LT C1. Quant aux fosses polylobées situées au nord du décapage, leur taille et leur morphologie évoquent des structures d’extraction. Leur datation n’est pas claire, et seule la plus petite des trois a livré trois tessons attribués à La Tène moyenne/finale455. Ce matériel peut dater les comblements de ces fosses qui ont peut-être été creusées pour extraire des limons argileux destiné à fabriquer du torchis, mais il pourrait tout aussi bien être résiduel dans des fosses plus récentes.
- 456 Baguenier, dir. 2011, 173.
230Dans le courant de LT C2, une ferme est aménagée à l’intérieur d’un enclos. Celui est d’un type totalement inconnu en région Centre, construit sur 5 côtés, formant un pentagone. Couvrant une surface de 7600 m2, l’enclos enferme des maisons d’habitation, des silos, celliers, citerne et puits. Longeant les côtés internes de l’enclos, une bande de 4 à 5 m vierge de structures, évoque la présence d’un talus interne élaboré à partir du creusement des fossés456. Une unique entrée est située près de l’angle sud-ouest de l’enclos. Elle correspond à une simple interruption à LT C2 et deviendra plus complexe ou monumentalisée au cours de la phase suivante. À LT D1, de nouveaux bâtiments seront construits, remplaçant les précédents qui ont brûlé. La ferme est abandonnée dans le courant de cette phase, et il n’y a plus aucune occupation à LT D2.
b. L’agglomération de plaine des Arènes à Levroux
- 457 Krausz 2013b.
- 458 Buchsenschutz et al. 1988 ; Buchsenschutz et al. 1993 ; Buchsenschutz et al. 1994 ; Horard-Herbin (...)
231La célèbre agglomération a été découverte en 1971 à l’occasion d’un sondage de 25 m2 à l’emplacement du théâtre antique de Levroux, réalisé par O. Buchsenschutz et R. Lequément. Sur un petit terre-plein situé à l’angle de la rue nationale et de l’avenue des Arènes, à l’entrée sud de la ville, ils mettent au jour un mur du monument antique. Mais une tranchée de fondation du théâtre recoupe des fosses plus anciennes et ils découvrent des tessons de céramique gauloise et de campanienne A. Cette découverte révèle la présence d’un nouvel habitat laténien, à environ 1,5 km de l’oppidum de la Colline des Tours qui est connu depuis le xixe s. Celui-ci est en cours de fouille depuis 1968, en particulier le rempart qu’O. Buchsenschutz et I. Ralston ont identifié comme étant du type murus gallicus. À partir de 1971, tous les travaux du quartier des Arènes sont surveillés. Dès 1973, des prospections géophysiques sont entreprises par O. Buchsenschutz et le centre de Garchy dans tous les terrains non lotis et disponibles : les mesures d’A. Hesse et d’A. Tabbagh révèlent la présence de centaines de fosses. En 1974, O. Buchsenschutz a l’opportunité d’ouvrir une fouille dans un terrain appartenant à Mr Jean Rogier et il découvre une occupation particulièrement dense avec des trous de poteau et des fosses (fig. 81). Dans les années qui suivent, plusieurs fouilles sont réalisées dans le quartier des Arènes au gré des constructions de maisons individuelles. Ce quartier situé en périphérie de Levroux est en effet en cours d’urbanisation dès le début des années 1970, une urbanisation qui continue encore aujourd’hui, menaçant ce qui reste de l’agglomération laténienne (fig. 82). Les noms des propriétaires des terrains sont donnés aux fouilles qui se succèdent : Vinçon (600 m2), Michel (180 m2) et Lacotte (1200 m2) puis le lieu-dit Château-Gaillard (3750 m2). En 1982, O. Buchsenschutz commence une fouille de sauvetage programmé sur le terrain Rogier (3000 m2) et étend sa première fouille en décapant des bandes parallèles successives du nord au sud du terrain. Cette fouille s’achèvera en 1986 et à partir de cette date, O. Buchsenschutz me passera la main pour les sauvetages dans le quartier des Arènes : je fouillerais le terrain Philippe Rogier en 1986 (3000 m2), Gangneron en 1988 puis je serai responsable de la grande fouille préventive de l’Intermarché sur près de 2 ha en 1992-1993 (terrain Charbonnier). Celle-ci sera la dernière grande fouille à Levroux, clôturant une période de 25 ans d’exploration de l’agglomération laténienne, période au cours de laquelle l’équipe d’O. Buchsenschutz, composée de chercheurs de l’ex URA33 du CNRS et d’étudiants en Protohistoire de Paris 1, a assuré chaque été les chantiers de fouille aux Arènes. Au cours de cette période de 25 ans, ce chantier peut témoigner des avancées de la recherche en Protohistoire, avec d’abord des fouilles fines en trois dimensions (terrain Rogier avant 1983, terrain Vinçon), des prospections géophysiques, les premières études paléoenvironnementales puis les fouilles extensives (Lacotte, Rogier après 1983, Philippe Rogier et Charbonnier) privilégiant l’analyse spatiale à partir du milieu des années 1980457. La plupart des travaux de recherche ont été publiés dans une monographie en cinq volumes458.
Fig. 82. Levroux (Indre) : l’agglomération des Arènes, emplacement des interventions archéologiques (plan recalé d’après Belvata-Balasy 2011).

- 459 Buchsenschutz 2007, 236.
232Après une période relativement calme, les opérations préventives ont repris dans les années 2000 avec des archéologues de l’Inrap : C. de Belvata-Balasy, J.-P. Baguenier et moi-même sommes intervenus sur de nouveaux projets de lotissements, Centre de secours ou des maisons individuelles dans le quartier des Arènes. Ces dernières opérations préventives permettent de réactualiser l’extension du village des Arènes, en particulier vers le nord, secteur pour lequel on a longtemps manqué de données. En 2007, O. Buchenschutz avançait le chiffre de 25 ha pour la surface de cette agglomération459, on peut aujourd’hui l’étendre à 31 ha lorsqu’on relie toutes les fouilles au plus juste. Cette surface reste minimale, car aucune limite n’a été atteinte sur ce site, sur aucun de ses côtés. Elle pourrait donc se situer entre 30 et 40 ha, voire beaucoup plus si on lui ajoute la surface de la nécropole identifiée au nord-est et les espaces qui les relient. Je ne serais finalement pas étonnée d’apprendre un jour qu’elle atteint 50 ha au total.
- 460 Firmin 2000, 156.
- 461 Marinval 2000.
233L’agglomération est installée en plaine, sur un terrain plat qui présente un pendage de l’ouest vers l’est (fig. 83). Elle est située en contrebas de la Colline des Tours, dernière ondulation du Boischaut nord devant la Champagne berrichonne. Ce secteur est drainé par le bassin de la Céphons, un affluent du Cher alimenté par plusieurs sources (fontaine du Gour, fontaine Sainte-Rodène). Dans le secteur des Arènes, le sous-sol est calcaire (tuf est son appellation locale) alors qu’il est composé d’argiles à silex à environ 1 km au nord sur l’oppidum. Le choix d’implantation de l’agglomération des Arènes est stratégique : ce lieu offre en effet des terres aux potentialités naturelles variées, idéales pour des élevages et des cultures agricoles diversifiées. Les études palynologiques réalisées par G. Firmin ont montré que l’environnement de l’agglomération était largement déboisé, probablement constitué entièrement de champs de céréales460. Les habitants ont exploité les qualités du sous-sol calcaire de la Champagne en cultivant principalement de l’orge polystique et du froment-blé compact461. Cet emplacement est aussi très riche en ressources de fer, un atout qui ne constitue pas un détail et qui explique sans aucun doute en grande partie la localisation de cette agglomération artisanale, sa spécialisation dans une métallurgie de très haute qualité et son succès à LT C. Levroux se situe en effet au sein des gisements du Sidérolithique qui s’étendent sur le plateau jurassique. Le minerai se présente sous forme de grains pisolithiques que l’on peut ramasser à la surface du sol mais on le trouve également en filons, dans des lentilles intercalées entre les calcaires jurassiques et lacustres (fer en grain ou fer pisiforme : Bohnerz ou limonite).
- 462 Krausz 2000, 222.
- 463 Buchsenschutz et al. 2000, 170.
234L’agglomération des Arènes n’est pas une création ex nihilo. Elle se développe à partir d’une implantation antérieure qui pourrait remonter au Bronze final. Elle prend de l’ampleur dès 200 a.C. et ne cessera de se développer, de s’agrandir et se densifier jusque vers 80 a.C. Quelques tessons du Bronze final découverts sur le terrain Charbonnier ou de larges bracelets en lignite hallstattiens sur le terrain Rogier témoignent des occupations antérieures, mais celles-ci ont été en grande partie détruites par les structures laténiennes. Les ossements humains, relativement nombreux dans les fosses laténiennes du terrain Lacotte, pourraient résulter de perturbations de sépultures antérieures à LT C462. Elles pourraient appartenir à un habitat qui était vraisemblablement en place depuis plusieurs siècles, une unité agricole par exemple, lieu de vie d’une petite communauté. Quelques mobiliers de LT C1 sont présents aux Arènes, par exemple des perles à décor ocellé ou une fibule avec sphère sur l’arc et sphère sur l’appendice sur le terrain Vinçon463, signe que le moment de l’émergence de l’agglomération se situe à la transition LT C1/C2.
- 464 Buchsenschutz et al. 2000, 179-180.
235Le phasage de l’agglomération a été proposé par O. Buchsenschutz dans la synthèse de 2000464 :
-
-
phase 1 : installation de l’agglomération vers 200/180 a.C. (transition LT C1/C2)
-
phase 2 : LT C2
-
phase 3 : transition LT C2/LT D1a
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- 465 Colin 1998, 103.
phase 4 : LT D1b. L’occupation s’arrêterait “plutôt au milieu qu’à la fin de LT D1b “, à une date qui pourrait être placée vers 90/80 BC. Elle correspond à la phase 2 d’ A. Colin465.
-
236Il y a aux Arènes une occupation plus tardive, de la fin du ier s. a.C. (phase 5 d’A. Colin, correspond à l’époque augustéenne, gallo-romain précoce).
237Mais il n’y a pas de continuité entre la phase 4 et cette occupation gallo-romaine aux Arènes.
- 466 Pion et al. 1997.
- 467 Guillaumet 2000, 119.
- 468 Tournaire et al. 1982.
- 469 Buchsenschutz et al. 2000, 310.
238L’agglomération des Arènes comprend des milliers de structures, fosses, bâtiments sur poteaux et tranchées de fondation, fossés et palissades. Les fouilles, réalisées jusqu’en 1992 sur de petites surfaces, ont permis de collecter plusieurs centaines de milliers d’objets et fragments. Par exemple, la faune représente plus de 200 000 ossements, l’une des plus grandes collections d’Europe. L’ensemble matériel livré par l’agglomération laténienne de Levroux est exceptionnel sur le plan quantitatif mais aussi par la qualité de sa conservation. Les milliers de fosses permettent de disposer d’un corpus typologique sans comparaison pour cette période : entre autres, des ateliers du travail de l’os, de la corne, de bronziers et forgerons, des silos, des fours, des puits, des dépôts. La forte densité des structures que l’on observe sur les plans des zones fouillées révèle à la fois une occupation serrée mais aussi des réaménagements et reconstructions pendant toute la durée d’occupation du site. L’habitat domestique et les constructions artisanales ont occupé tout l’espace disponible. Malgré l’image brouillée que les plans nous renvoient, cette agglomération devait être structurée par des rues et des enclos délimitant des propriétés comme on en connaît par exemple à Condé-sur-Suippe466. En effet, des vestiges d’enclos palissadés subsistent sur le terrain Rogier et un espace vide linéaire sur le terrain Lacotte évoque une voie de circulation le long de laquelle des fosses sont alignées, sans doute une rue. Toutes les fouilles ont largement montré que l’agglomération des Arènes regroupait de nombreuses activités artisanales. Ses productions sont partiuclièrement variées et concentraient tout ce qu’il était possible de fabriquer ou presque à LT C : d’abord des objets en fer et en bronze qui constituent la spécialité de Levroux, ensuite des parures de lignite, des objets en os, bois de cerf et en corne, des viandes et probablement de la céramique (sans oublier les matières périssables, bois, cuir, vannerie dont nous n’avons pas de traces directes). Les terrains Vinçon, Rogier et Lacotte sont les plus riches et les plus denses, ils sont situés au cœur du quartier artisanal de Levroux. Quant au terrain Charbonnier, il est localisé sur sa marge ouest, comme l’indique le long et étroit fossé qui semble séparer les ateliers artisanaux d’un secteur périphérique dont la fonction est résidentielle ou liée à du stockage. Les ateliers ont livré plusieurs emplacements de forges et plus d’1,5 tonnes de déchets métallurgiques ont été collectés. Les chutes, fabricats, ratés, lingots, moules, creusets et scories se comptent par centaines. Les déchets sont plus nombreux près des grandes fosses des terrains Lacotte et Rogier, désignant les ateliers. J.-P. Guillaumet a pu déterminer que des fibules en bronze et en fer avaient été fabriquées à Levroux, en particulier du type La Tène moyenne467 et on devait produire d’autres objets comme des couteaux en fer. Si des pièces de char et d’armement étaient réparées à Levroux, on n’a pas pu démontrer qu’on en fabriquait sur place. La présence de moules à alvéoles, en particulier sur le terrain Vinçon, témoigne d’une activité d’orfévrerie ou de frappe monétaire, activités que confirment la présence de petites balances en bronze. Les analyses des lingotières ont permis de découvrir des traces de métaux précieux au fond des alvéoles, argent et or468. Si les matières premières utilisées pour fabriquer des objets en bronze étaient importées à Levroux, le fer est local, présent dans l’ensemble de la cité des Bituriges sous forme de veines souterraines ou de pisolithes que l’on peut ramasser ou tamiser à partir des sédiments de surface de Champagne. Les artisans fabriquent des parures en métal, peut-être aussi en lignite. On a en effet trouvé sur le terrain Lacotte un disque en lignite, déchet de débitage d’un bracelet. Ce type de parure, souvent considéré comme archaïque, semble être à la mode dans le Berry jusqu’à La Tène finale. Les bracelets en lignite sont en effet les parures les plus abondantes à Châteaumeillant à LT C et surtout D, mais il n’y a pour le moment aucun témoin de fabrication sur cet oppidum. Leur typologie est plus standardisée qu’à Levroux (presque exclusivement des joncs fins à section circulaire) qui offre une grande variété typologique avec par exemple des bracelets à cannelures ou à côtes qui ressemblent beaucoup aux bracelets en verre. Il ne fait aucun doute que l’agglomération des Arènes est tournée dès le début de LT C2 vers des productions intensives de produits variés, principalement en métal et plutôt des parures. Ces productions sont destinées à être échangées car il est évident qu’elles dépassent largement les besoins de la population locale. Nombreux sont les témoins de ces échanges, éclairant la fonction de marché à Levroux à LT C2 et D1. Bien que moins nombreuses qu’à Châteaumeillant à la même époque, les amphores arrivent à Levroux vers 150 a.C., peut-être dès 175 a.C. pour les premières. Ce sont d’abord les petites amphores gréco-italiques qui voyagent dans les mêmes bateaux que les vases en campanienne A. Les échanges avec le monde celtique sont attestés par les parures en pâte de verre qui peuvent avoir été fabriquées en Gaule ou venir de plus loin. Aussi, deux tessons de céramique graphitée découverts sur le terrain Rogier témoignent de contacts entre les habitants de Levroux et ceux de l’est de la France, peut-être même avec des communautés qui vivaient au-delà du Rhin469. Enfin, les monnaies confirment des échanges au sein même de la civitas des Bituriges et avec les civitates voisines ou plus éloignées, Turons, Carnutes, Éduens, Séquanes…
- 470 Horard-Herbin 1996.
- 471 Krausz 2000.
- 472 Krausz 2013a.
- 473 Berranger & Fluzin 2009.
239Toutes les études ont montré que l’agglomération de plaine des Arènes a été utilisée principalement par des artisans qui ont fabriqué des produits variés. Ils se sont regroupés pour faire fonctionner un lieu de marché dynamique dans lequel transitaient des produits de différents endroits du monde, celtique et méditerranéen. Ils ont habité sur place, sans doute à proximité de leurs ateliers, ce qui n’exclue pas l’existence d’une zone résidentielle à Levroux, mais celle-ci n’a pas été découverte. Les puits, régulièrement espacés dans l’agglomération, témoignent de l’usage de l’eau pour les activités artisanales et domestiques. Les silos et les greniers indiquent que des denrées alimentaires étaient stockées sur place, dans les maisons ou les annexes, dans de grands dolia ainsi que dans des caves ou des celliers. Mais le stockage de produits alimentaires, en tous cas végétaux, était plutôt destiné à l’alimentation des habitants et non au commerce. Il y a peut-être une exception pour ce qui concerne la production de viandes car M.-P. Horard a montré que des salaisons ont été produites à Levroux470. La boucherie représente en effet sur ce site une activité artisanale intensive et professionnelle, comme je l’ai montré dans ma thèse471. Contrairement à son apparence, cette agglomération était structurée et organisée, avec des parcelles, des rues et des places, des quartiers artisanaux fonctionnels et dynamiques. J’ai montré à plusieurs reprises que les agglomérations de La Tène moyenne révélaient des activités que l’on trouve dans les villes472. À Levroux et ailleurs en Europe, elles sont caractérisées par un développement rapide sur plusieurs dizaines d’hectares. Leur dénomination comme “agglomérations de plaine” insiste sur l’absence d’une quelconque fortification, elles sont donc ouvertes, par opposition aux oppida de la phase suivante dont le rempart est un élément fondamental de la conception. En l’absence de bâtiments publics (réelle ou parce que non découverts ?), l’agglomération de La Tène moyenne de Levroux n’a peut-être pas l’apparence d’une ville, mais un certain nombre de composantes urbaines sont pourtant réunies et elle fonctionne comme une ville. En effet, elle consomme des produits de luxe, elle assure une production artisanale intensive et diversifiée, notamment une métallurgie de haute qualité comme l’ont démontré M. Berranger et B. Fluzin473, elle s’insère dans des réseaux de commerce à longue distance et la frappe monétaire est très probable. Mais elle ne ressemble pas à une ville au sens classique du terme, plutôt à un habitat anarchique qui se serait développé de manière opportuniste. L’expansion rapide de l’agglomération des Arènes, l’intensification des activités et des productions sur quelques générations seulement, laissent penser que l’activité urbaine s’est développée dans une agglomération qui était rurale à l’origine. Dans ces agglomérations de La Tène moyenne d’Europe, le caractère urbain ne peut être finalement perçu qu’au travers des activités. Ce sont elles qui déterminent la fonction de l’agglomération et non l’inverse : ceci laisse penser que la ville n’a pas précédé l’activité urbaine, mais c’est bien du développement des activités que la ville a émergé.
- 474 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
- 475 Buchsenschutz et al. 1988, 159.
- 476 Hamon, dir. 2009, 220.
240L’agglomération de plaine de Levroux était sans doute environnée d’établissements ruraux. En effet, plusieurs dizaines d’enclos fossoyés ont été repérés par photographie aérienne dans le canton de Levroux mais aucun ne peut actuellement être daté précisément474. Des tessons de céramique de LT C ont été recueillis en prospection pédestre à Grangedieu et à Trégonce au sud-est de Levroux, indiquant peut-être la présence de fermes en marge de l’agglomération. À Trégonce, J. Holmgren a repéré une grande villa gallo-romaine qui succède probablement à une ferme antérieure. De même, lors des fouilles de deux établissements ruraux à La Theurace (antique) et Montbaron (médiéval), des mobiliers laténiens ont été recueillis. Ils n’ont pas été datés précisément à Montbaron mais il semble qu’ils pourraient remonter au début du ier s. a.C. à La Theurace475. Enfin, aux Vaux à Moulins-sur-Céphons, un établissement rural enclos a été détecté lors des prospections géophysiques réalisées sur le site néolithique en 2007476. Sa configuration permet de soupçonner une datation LT C ou D.
- 477 Buchsenschutz et al. 1988, 176.
- 478 Buchsenschutz et al. 1988, 75.
- 479 Colin & Buchsenschutz 1984.
241Quant aux sites funéraires de LT C, ils sont mal connus. Une seule nécropole est fortement pressentie, au Mas de Gour. Elle est située très près de l’agglomération des Arènes et elle est utilisée à LT C et D comme l’indiquent les ramassages de mobilier en surface477 (tessons protohistoriques, amphores de type Dressel 1a). Son utilisation perdure à l’époque romaine comme l’attestent plusieurs petits édifices carrés repérés en photographie aérienne, probablement des fana478. En surface, des ossements calcinés, du verre et de la sigillée révèlent la présence d’incinérations antiques. À Levroux, une seule tombe est bien datée de LT C/D. Fouillée par A. Colin en juillet 1982, le cercle de la Pièce de la Chapelle était menacé par la construction de la zone industrielle à la sortie sud-ouest de la ville479. Ce cercle fossoyé mesure 27 m de diamètre externe et comprend en son centre un bâtiment carré composé de 8 trous de poteau. Au centre du bâtiment se trouvait une fosse carrée de 1,80 m de côté dans laquelle quelques très petites esquilles osseuses ont pu être recueillies. Quelques tessons, des petits fragments de fer et de bronze ont également été collectés dans cette fosse très arasée. La fouille du fossé annulaire a livré 220 tessons de céramique fine et grossière dont les formes sont semblables à celles que l’on trouve dans l’agglomération des Arènes. Ont été également été recueillies dans le fossé trois fibules en fer dont deux sont de schéma La Tène II, ainsi qu’une épée en fer dont la soie et une partie de la lame étaient conservées. La lame présente une nervure axiale et daterait de LT C ou transition LT B/C. Cette épée a été ployée à la jonction entre la lame et la soie. Enfin un bronze frappé des Bituriges complète cet ensemble et daterait du ier s. a.C., donc plutôt de LT D. Cette tombe, dont l’incinération centrale a été détruite par les labours, paraît contemporaine de l’occupation principale de l’agglomération des Arènes, à LT C2/D1. Elle est située à environ 1 km du centre de l’agglomération. L’épée ployée découverte dans le fossé rappelle la pratique de rituels celtiques bien connus au iiie s. a.C.
242L’agglomération est abandonnée vers 80 a.C. et la phase LT D2 n’est pas représentée. En revanche, celle-ci est attestée sur l’oppidum situé à 1,5 km au nord. C’est le murus gallicus qui est construit d’abord, vers 100 a.C. alors que l’agglomération de plaine fonctionne encore. Ce sont sans doute ses habitants qui construisent ce rempart et les artisans peuvent voir de la plaine, en levant les yeux vers la colline, l’avancement de la construction de cette fortification. Ils quitteront le village de plaine pour investir l’oppidum vers 80 a.C., transportant leurs activités dans une ville nouvelle et fortifiée. La fin de l’agglomération des Arènes n’est donc pas un abandon qui serait la conséquence de problèmes économiques ou politiques, c’est au contraire un déplacement programmé des habitats et des activités urbaines dans un autre lieu mieux organisé. La genèse de l’oppidum peut être ici expliquée par une saturation de l’espace dans l’agglomération de plaine et une mauvaise organisation des activités dans un habitat qui n’a pas été prévu pour cela à l’origine. Le dynamisme des activités ne s’est jamais ralenti au cours des 120 années de son existence, avec pour conséquences une augmentation démographique et un enrichissement des populations. Ce sont des populations toujours plus nombreuses et plus riches qui sont à l’origine de la fondation d’une ville nouvelle sur la colline la plus proche.
c. Une agglomération laténienne dans la vallée de l’Indre à Villedieu-sur-Indre ?
- 480 Coulon & Poplin 1974, 40 ; Coulon & Holmgren 1992, 107.
- 481 Coulon & Poplin 1974.
- 482 Bouchet 2015, vol. 2, 187.
- 483 Coulon & Odiot 1980.
- 484 Coulon & Holmgren 1992, 107.
243Une série de découvertes archéologiques, issue de fouilles réalisées dans les années 1970, permettent de supposer la présence d’une agglomération à Mehun, un village situé sur la commune Villedieu (fig. 84). Une série de fosses, au moins neuf sur une surface de 450 m2, ont été découvertes dans une sablière en octobre 1969 au lieu-dit Les Sables480. Elles ont livré une grande quantité de mobilier, de la céramique, des tessons d’amphore, de la faune, des objets en fer et en bronze (anneau, fibule) ainsi qu’un fragment de bracelet en verre bleu à côtes. Deux fosses ont été publiées dans la Revue Archéologique du Centre de la France et datées à l’époque de La Tène finale, les auteurs ayant bien noté des analogies avec les sites de Levroux et de Châteaumeillant481. Pour Marion Bouchet, la datation de l’ensemble de mobilier publié en 1974 doit être remontée à LT C2 (peut-être même dès LTC1), le site perdurant jusqu’à LTD1a482. Les objets recueillis se rapportent en effet à une période antérieure à La Tène finale : les formes de céramique commune, la présence de vases peints, d’amphores italiques de type Dressel 1a, des fibules de schéma La Tène II et un bracelet en verre bleu. Cet ensemble de mobilier est de fait très semblable à ce qu’on trouve à Levroux et à Châteaumeillant dans les contextes de transition LT C2/D1. Entre 1973 et 1976, trois fours de potiers ont été fouillés à Mehun, étudiés puis publiés par G. Coulon et T. Odiot483. 206 formes complètes ont été reconstituées pour ces trois fours, permettant de déterminer que leur fonctionnement est vraisemblablement contemporain des fosses fouillées au cours des années précédentes. Ces fours ont cuit des vases de grandes dimensions (30 % d’écuelles à bord rentrant, 38 % de vases à cuire, 26 % de vases à provision et seulement 5,5 % de petites écuelles carénées)484. L’étude géologique a permis de déterminer que l’argile avait été prélevée dans un rayon de 2 km.
- 485 Prospections de surface de Daniel Audoux, communication personnelle.
- 486 Audoux 1992.
- 487 de Belvata Balasy 2012.
- 488 Coulon & Holmgren 1992, 107.
- 489 Froquet-Uzel 2011.
244Alors que les fouilles ont été limitées à deux fosses et trois fours de potier, l’abondance du mobilier et le calage de la datation permettent d’entrevoir à Mehun une éventuelle agglomération de LT C2/D1 contemporaine du celle de Levroux. En effet, la présence de plusieurs fours de potiers permet de privilégier l’hypothèse d’une activité artisanale d’une certaine ampleur, écartant celle d’un établissement agricole. Les vestiges ne sont pas assez nombreux pour attester l’existence d’une agglomération aussi importante que celle de Levroux, mais on peut envisager qu’il s’agit d’un village (de potiers ?), placé dans une position topographique stratégique. Mehun est en effet localisé à la confluence de l’Indre et de la Ringoire, sur la voie antique qui reliait Levroux à Argentomagus. Le site de Villedieu-sur-Indre mériterait d’être étudié en détail car plusieurs gisements protohistoriques sont inventoriés mais restent mal connus : le plus important est probablement le Camp de César au lieu-dit Chambon où un clou de murus gallicus aurait été découvert en 1999485. Il y a également dans ce secteur une belle série de tumulus dont un grand tertre en face du promontoire fortifié ainsi qu’une possible nécropole tumulaire dans le Bois Moret486. Récemment, une occupation Ha D1-D2 a été fouillée par C. de Belvata-Balasy487 et on relève la découverte d’une sépulture en 1950 à Mehun. Celle-ci contenait une fibule La Tène II, un fragment de bracelet torsadé en bronze et des bracelets de “schiste” (probablement du lignite)488. À Niherne, le long de l’Indre, on note la présence d’un autre Camp de César (non daté) ainsi qu’une occupation du Hallstatt489.
La Tène D : le temps des oppida
245Un seul oppidum se forme dans notre zone d’étude à LT D, il s’agit de celui de Levroux. Arrivée à ce point de l’étude, il semble intéressant de souligner que des deux pôles d’habitat qui apparaissent dès le Néolithique ancien entre Levroux et Châteauroux, un unique oppidum émergera. Ces deux pôles se sont développés parallèlement, mais nous avons vu qu’ils n’ont pas connu la même évolution : à l’âge du Fer, seul l’un d’entre eux développe successivement une agglomération de plaine puis un oppidum.
a. Le secteur de Châteauroux-Déols
- 490 Di Napoli 2011, 96.
- 491 Hamon, dir. 1995, 78.
- 492 Hamon, dir. 1995, 111.
- 493 Landreau 2010. Ce diagnostic n’a pas été suivi de fouilles, il est en attente.
- 494 Landreau 2010, 42.
- 495 Buchsenschutz & Frénée 2009, 107.
246Les occupations qui existaient à LT C ne se maintiennent pas toutes, mais un groupe de plusieurs habitats de LT D s’étend désormais le long de la rive gauche de la Ringoire (fig. 78-A). À Déols, la ferme des Bapaumes est réaménagée à LT D1, de nouveaux bâtiments sont construits, avec de nouvelles orientations, la porte est renforcée, peut-être monumentalisée (fig. 80). Les rejets du bâtiment 3, qui se trouve à l’intérieur de l’enclos, sont composés d’éléments céramiques de LT D1 comparables à ceux de Levroux, une preuve des contacts entre les deux pôles. Mais la ferme des Bapaumes est abandonnée après LT D1 et il n’y a plus aucune trace d’occupation à LT D2490. À Coings-aéroport, une petite occupation se poursuit à LT D avec 9 structures, dont 8 fosses très arasées de morphologies variées et un puits. Le mobilier, qui présente des similitudes avec les formes céramiques des phases récentes de Levroux, semble pouvoir être attribué à La Tène finale491. Aucun bâtiment n’a pu être identifié et il est difficile de donner une interprétation pour cette occupation, qui d’après T. Hamon, pourrait être plus vaste et s’étendre vers le sud, sous la partie déjà construite de l’aéroport492. Sur l’aéroport de Déols, au lieu-dit Les Arpents, les vestiges partiels d’une ferme laténienne ont été mis au jour par C. Landreau lors d’un diagnostic réalisé en 2010493. Il s’agit d’un enclos fossoyé dont la surface n’est pas connue. À l’intérieur, on devine la présence de nombreux bâtiment et de fosses. La morphologie du site évoque les fermes de LT C et D, et la présence de céramique de LT D2 dans les fossés date l’abandon de cet établissement rural494. À Montierchaume, Le Tavoir, J.-P. Chimier a fouillé une occupation de LT D2 qui se poursuit à l’époque augustéenne495. Et à Déols, B. Pescher a découvert en 2013 des bâtiments sur poteaux et un puits datant de La Tène finale aux Chamberlaines.
- 496 Munos dir. 2010
- 497 Cherdo, dir. 2012.
- 498 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 77.
247Enfin dans la ZAC d’Ozans, plusieurs occupations perdurent à LT D comme l’indiquent des structures et de la céramique résiduelle de cette phase dans presque tous les diagnostics496. Sur le site de La Perrière, F. Cherdo a fouillé un habitat ouvert composé de 12 bâtiments497, répartis sur une surface de 6000 m2. L’auteur distingue des habitations, des greniers mais aussi un enclos fossoyé de 6500 m2. C’est l’absence de bâtiments à l’intérieur, la présence d’un enclos pour des animaux et le système d’entrée original qui le conduisent à proposer une fonction agro-pastorale pour cet ensemble qu’il attribue à la transition LT C2/D1a. B. Pescher a lui aussi fouillé un habitat composé de fosses et de sept bâtiments complets. Parmi eux, il y a peut-être des habitations mais aussi 4 greniers498. Deux phases d’occupation ont été déterminées sur ce site : LT D1/D2 puis La Tène finale/augustéen.
248Entre Déols et Montierchaume, l’occupation reste dense à LT D, centrée sur plusieurs habitats qui s’organisent entre les vallées de l’Indre et de la Ringoire. Toutes ces occupations, y compris celles découvertes récemment à Étrechet, évoquent des établissements ruraux. Aucune agglomération, ni de plaine, ni oppidum, ne se développe dans ce secteur qui reste finalement totalement rural. Il faudra se poser la question des liens qu’ont pu entretenir les habitants de ce secteur avec ceux de Levroux. En effet, les relations existent, elles sont assurées par les céramologues qui ont souligné à de multiples reprises les analogies entre les matériels découverts dans ces établissements et ceux de Levroux.
b. La création de l’oppidum de Levroux
- 499 Krausz & Buchsenschutz 2008.
- 500 Blanchet 1905.
- 501 Buchsenschutz et al. 1988, 97.
- 502 Les constructions ne sont plus autorisées aujourd’hui, la Colline des Tours est classée en zone n (...)
249L’oppidum de Levroux est connu depuis le xixe siècle, en particulier grâce à A. Lemaigre qui découvre des milliers de monnaies ainsi que plusieurs objets celtiques en bronze. Sont parvenus jusqu’à nous un personnage en bronze et deux plaques au repoussé décorées d’animaux (fig. 85-C et D). Ces objets ont été reproduits à l’aquarelle dans le Recueil d’Antiquités Suisses du baron de Bonstetten en 1868 (fig. 85-B). Le personnage masculin porte un torque autour du cou, ainsi qu’un autre saisi entre ses deux mains. Ce motif est récurrent dans l’art celtique, le plus connu étant le Cernunnos du chaudron de Gundestrup ou le personnage courant sur le potin des Rèmes qui lui aussi porte un torque dans sa main499. Les deux plaques en bronze réalisées au repoussé sont conservées au musée Bertrand de Châteauroux. D’abord interprétées comme les éléments d’un casque, elles appartiennent plutôt à un couvercle de situle et figurent un cerf, peut-être deux, dont les pattes se terminent par des boules. On peut voir également sur cet objet des masques humains ou des têtes coupées. À la suite du baron de Bonstetten, c’est Adrien Blanchet qui attire l’attention sur la collection de monnaies gauloises dans son ouvrage majeur500. Puis J. Déchelette classe Levroux parmi les principaux oppida de La Tène finale501. Après la seconde guerre mondiale, des historiens locaux, en particulier plusieurs membres de la famille Pêcherat, avaient réuni une importante documentation sur Levroux et ses environs et O. Buchsenschutz s’intéresse à l’oppidum alors qu’il rédige sa maîtrise sur les fortifications du Berry en 1968. À la fin des années 1960, sous l’impulsion du Dr J. Allain et du directeur des Antiquités le Pr G.-C. Picard, O. Buchsenschutz commence des fouilles sur l’oppidum. Elles ont concerné essentiellement des sauvetages à l’emplacement de constructions de maisons individuelles à une époque où l’oppidum n’était pas encore protégé502. Entre 1968 et 1979, O. Buchsenschutz et I. Ralston ont l’occasion de fouiller le rempart à trois endroits différents (terrain Roussel, terrains Franchet-Marchais et terrain Triomphe) mais aussi l’habitat dans plusieurs lieux (Ruelle aux Roses, terrain Larmignat, terrains Lambert et Courtault, terrain Triomphe). Ces fouilles ont été réalisées sur de petites surfaces et aucune opération d’ampleur n’a finalement été envisagée sur l’oppidum. Il faut dire que ce site a été perturbé par la construction du château médiéval dont il reste deux tours au sommet de la colline. Plusieurs mètres de remblais ont été apportés pour constituer la terrasse du château, recouvrant les niveaux anciens. Ceux-ci sont peut-être bien protégés mais encore faut-il pouvoir y accéder sous les remblais au prix de travaux de terrassement démesurés.
Fig. 85. L’oppidum de Levroux.

A. Plan de la fortification (Buschsenschutz 2008, 48). B. Objets découverts sur l’oppidum (Baron de Bonstetten, Second Supplément au recueil d’Antiquités suisses, Lausanne 1867). C. L’une des deux plaques en bronze de Levroux (cl. O. Buschsenschutz, musée de Châteauroux). D. Personnage au torque, bronze, dessin O. Buschsenschutz, musée d’Issoudun (Krausz & Buschsenschutz 2008, 85).
c. Les remparts et l’habitat
- 503 Buchsenschutz & Ralston 1975, 34.
250C’est sur le terrain Triomphe que les premiers clous de murus gallicus ont été recueillis en 1971 mais sur une surface très limitée ne permettant pas d’observer l’architecture du rempart. La répartition régulière des fiches en fer suggérait qu’elles étaient encore en place alors que le parement de blocs de grès était effondré. C’est sur les terrains Franchet et Marchais, 100 m plus à l’est, que l’architecture du rempart a été la mieux appréhendée grâce à une tranchée mécanique de 25 m de long sur 2,50 m de large et 2 m de profondeur. La chronologie du rempart peut être décomposée en 5 phases503 (fig. 86) :
Fig. 86. Coupe du rempart de Levroux : le murus gallicus et le rempart massif (Buchsenschutz & Ralston 1975, 30).

-
le substrat correspond à un niveau de sable qui a été nivelé pour aplanir la pente de la colline et ménager une surface horizontale pour installer le rempart ; un dépôt anthropique de 10 cm d’épaisseur s’est accumulé au-dessus du substrat.
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- 504 Buchsenschutz & Ralston 1975, 37.
Le murus gallicus a été installé sur cette couche préparée. Ont été retrouvées des poutres transversales et longitudinales, de grandes fiches en fer à section carrée (25 à 30 cm de longueur). La fouille du cœur du rempart a livré du mobilier caractéristique de LT D, en particulier un bracelet en bronze garni de 8 perles en verre datable de LT D2. Cet objet a peu de chances d’avoir été perdu, il s’agit plutôt d’un dépôt de fondation. Les vestiges des deux parements ont été fouillés (interne et externe). Le parement externe est composé de blocs de grès de taille variable pouvant mesurer jusqu’à 50 cm de côté. Ce parement a été fouillé sur une hauteur de 2 m et son élévation est estimée à 3,50 m504. Le parement interne est un plan incliné à 45°, composé lui aussi de blocs de grès, dont la taille maximum observée se situe autour de 30 cm. Les fouilleurs n’ont pas pu déterminer si une rampe avait été aménagée à l’arrière du murus gallicus comme c’est souvent le cas sur ce type de rempart. Aucun fossé fonctionnant avec le murus n’a pu être localisé à l’avant.
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- 505 Colin 1998, 103.
Effondrement du parement externe : il recouvre une couche dans laquelle ont été recueillies deux fibules, dont une de schéma La Tène II et l’autre de type Nauheim ainsi que des bronzes des Bituriges505.
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Des matériaux sont apportés sur le murus gallicus effondré : cet apport correspond à la construction d’un talus massif (high dump). Il est composé d’une alternance de couches sableuses et calcaires qui auraient été prélevées au sommet de la colline et en contrebas, car aucune trace de fossé n’a été détectée à l’avant du rempart. La stratigraphie montre que le rempart massif pouvait mesurer au moins 4 m d’épaisseur. On ne dispose pas d’éléments de datation pour la construction de cet ouvrage, dont les couches contiennent quelques tessons protohistoriques. Les fouilleurs ont toutefois observé qu’il n’y avait pas eu de sédimentation entre le niveau de destruction du murus gallicus et la recharge du rempart massif. Cette information stratigraphique capitale indique que le rempart massif a été construit très peu de temps après l’effondrement du murus.
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Des failles naturelles, au nombre de trois dans la coupe, ont affecté l’ensemble du rempart et ont déstabilisé l’ouvrage. Ce phénomène géologique est postérieur à l’effondrement du murus et à la construction du rempart massif.
- 506 Gruel et al. 2009, 128.
- 507 Buchsenschutz et al. 1988, 113.
- 508 Buchsenschutz et al. 1988, 176.
- 509 Buchsenschutz et al. 1988, 75.
251La construction du murus gallicus de Levroux, vers 100 a.C., est le point de départ de l’aménagement de l’oppidum. La présence d’amphores, de céramique campanienne A et B ainsi que de formes indigènes très semblables à celles qui étaient en usage dans l’agglomération de plaine des Arènes laisse penser que les deux sites ont coexisté pendant un temps. L’agglomération des Arènes étant abandonnée vers 80 a.C., cette coexistence a pu durer le temps d’une génération. C’est dans ce laps de temps que la construction du rempart a été réalisée ainsi que la programmation d’un transfert total de l’habitat et des activités sur la colline. On ne connaît pas l’habitat de LT D1b sur l’oppidum, celui qui est contemporain de la construction du rempart, mais du mobilier de cette phase est pourtant bien présent sur la colline, en particulier dans le murus gallicus et dans ses éboulis. De même, la présence de monnaies gauloises, en particulier des bronzes frappés des Bituriges, atteste une occupation de la colline à LT D2506, mais l’habitat de cette phase n’est pas bien cerné. La fouille de La Ruelle aux Roses a toutefois permis de localiser des vestiges d’habitat, des niveaux stratigraphiques conservés et des trous de poteau. En 1988, O. Buchsenschutz date ces niveaux de la seconde moitié du ier s. a.C. au début du ier p.C.507. Alors que les structures ne peuvent pas être attribuées à des phases précises, le matériel archéologique recueilli dans la fouille de la Ruelle aux Roses concerne des mobiliers de LT D (pâte de verre, monnaies antérieures à la conquête, campanienne A et B, amphores Dressel 1), mais aussi augustéens (céramiques et tuiles). Les autres terrains explorés sur la Colline des Tours (Lambert et Courtault, Larmignat, Légeron) ont livré des vestiges augustéens, un puits, des fours métallurgiques et des monnaies ayant circulé au cours de la seconde moitié du ier s. a.C. La période la mieux représentée sur l’oppidum est la phase augustéenne, signe que l’habitat est bien installé à cette époque. Plusieurs nécropoles contemporaines sont connues dans les environs et en contrebas de l’oppidum, en particulier au nord (La Tibie) et à l’est (Le Bois Maussant), mais aussi plus loin vers le sud. En effet, la nécropole gallo-romaine du Mas de Gour située près de l’agglomération des Arènes existe probablement dès LT C et D comme l’indiquent les ramassages de mobilier en surface (tessons protohistoriques, amphores de type Dressel 1a)508. Son utilisation a continué à l’époque romaine comme en témoignent plusieurs petits édifices carrés repérés en photographie aérienne, probablement des fana509. En surface, des ossements calcinés, du verre et de la sigillée révèlent la présence d’incinérations antiques.
- 510 Krausz 2014.
- 511 Ralston 2006, 61 ; Buchsenschutz et al. 2010.
- 512 Krausz 2007a.
- 513 Krausz 2015.
- 514 Krausz & Ralston 2009.
- 515 Caes. BG., 7,15.
252Les recherches sur la topographie du rempart ont montré qu’il entourait la Colline des Tours, enfermant une surface située entre 20 et 25 ha. Il forme un contour qui cerne le sommet de la colline sur un peu plus de 2 km de longueur. Deux ou trois portes sont probables, mais non démontrées et de type inconnu : la première, et la plus logique, s’ouvrirait au sud, en direction de l’agglomération des Arènes. La seconde porte est supposée dans l’angle nord-est de l’enceinte. Une troisième pouvait se situer au nord, près du thalweg qui sépare la Colline des Tours de celle de la Garenne. Si la présence d’un murus gallicus de contour fait peu de doute aujourd’hui, on ne connaît en revanche pas le tracé du rempart massif. Ce rempart a été formellement identifié dans la partie sud de l’oppidum (terrains Franchet et Marchais), mais sa présence sur les autres côtés n’est pas garantie. Elle n’a peut-être pas été indispensable, à l’instar des high dumps connus sur les oppida bituriges qui sont tous des remparts de barrage protégeant le côté le plus vulnérable de l’enceinte510. Il s’agit de grands talus massifs, que I. Ralston nomme high dumps pour les opposer à des talus plus petits (low dumps) comme ceux que l’on trouve dans les remparts multiples de la vallée de la Seine par exemple511. La stratigraphie observée dans la grande coupe de Levroux laisse penser que le rempart massif a été construit très peu de temps après l’effondrement du murus gallicus. Cette situation ressemble à ce qui a été observé à Châteaumeillant par E. Hugoniot et J. Gourvest. En effet, ils avaient établi dès 1961 que le rempart massif recouvrait le parement externe du murus gallicus ruiné. Dans la coupe réalisée côté interne de la fortification de Châteaumeillant en 2001, on a pu observer que le rempart massif reposait directement sur une couche d’occupation de LTD1b. Ces indications permettent de caler sa construction à LT D2. Comme à Levroux, le rempart massif de Châteaumeillant recouvre un murus gallicus en mauvais état que l’on a pas pris la peine de restaurer mais qui a servi de base ou de noyau pour monter le talus massif constitué d’argile extraite de l’énorme fossé à fond plat de 45 m de large qui se trouve à l’avant512. À Châteaumeillant, la datation des deux fortifications a été calée à partir de la stratigraphie relevée dans l’habitat fouillé côté interne, datation confirmée par celle des tessons protohistoriques recueillis au fond du fossé. La séquence chronologique permet de placer la construction du murus gallicus vers 100 a.C. et sa ruine dans les décennies qui suivent. Le rempart massif a pu être construit au moment de la guerre des Gaules pour protéger Mediolanum de l’agression romaine, les Bituriges étant directement menacés par le proconsul dès le début de l’année 52 au moment où ils se rallient à Vercingétorix513. Les datations obtenues dans la grande tranchée réalisée sur le rempart de Levroux donnent la même tendance, il en est de même sur les sites d’Argentomagus et d’Hérisson. Enfin, une séquence identique a pu être reconstituée pour la capitale des Bituriges, Avaricum514. On connaît en effet son murus gallicus grâce à la célèbre description de César515 et nous avons montré avec I. Ralston qu’un rempart massif existait au moment du siège de 52 a.C. sur le côté sud-est de l’oppidum. Les principaux oppida des Bituriges, dont les surfaces sont supérieures à 20 ha, montrent tous la même séquence : d’abord la construction d’un murus gallicus vers 100 a.C. au moment de la fondation, ensuite le renforcement de la fortification par un rempart de type high dump au milieu du ier s. a.C. À Châteaumeillant et à Levroux, le murus gallicus est de contour, mais pas à Argentomagus ni à Hérisson qui sont des éperons barrés. Sur ces oppida, les deux remparts successifs étaient probablement de barrage. À Châteaumeillant, le rempart massif est un barrage de près de 560 m de longueur qui protège le côté sud de l’oppidum, celui qui était le plus exposé et donnait sur une voie de communication majeure qui reliait Saintes à Lyon. À Levroux, on ignore si le rempart massif était un barrage, mais il serait assez logique qu’il ait servi à renforcer le côté le plus exposé, celui où se trouvait la porte principale du côté de la Champagne. On ne peut pas définitivement régler cette question, il faudrait réaliser des sondages sur les côtés nord, est et ouest pour vérifier si le rempart massif est présent ou si l’on trouve directement le murus gallicus sous la surface. Quant à la hauteur de ces fortifications, si le murus gallicus peut être évalué entre 4 à 6 m de hauteur, le rempart massif de Levroux l’a surélevé d’au moins 4 mètres d’après les observations d’O. Buchsenschutz et de I. Ralston. Cette mesure porterait la hauteur du rempart massif entre 8 et 10 m, ce qui correspond à une hauteur minimale qui ne tient pas compte de l’érosion. À Châteaumeillant, où le rempart massif est particulièrement bien conservé et à peine érodé, il mesure encore 14 m par endroits et sa hauteur primaire peut être évaluée entre 15 et 17 m, avant érosion naturelle et agricole. Une hauteur de 10 à 14 m semble être une moyenne chez les Bituriges, car c’est ce que l’on observe à Argentomagus (entre 10 et 12 m de hauteur conservée aujourd’hui à l’est de l’oppidum), à Hérisson (12 m) ou à Neung-sur-Beuvron. Ce rempart n’a jamais été fouillé, mais il mesure encore 10 m de haut contre son fossé à fond plat. Ce high dump est érodé et s’est étalé vers l’avant car il se trouve en zone urbaine et a subi plusieurs destructions.
- 516 Krausz 2014, 203.
- 517 Buchsenschutz & Ralston 1975, 38.
253Reste un mystère à Levroux, l’absence de fossé à l’avant du rempart massif. Ces high dumps présentent généralement des fossés à fond plat (Argentomagus, Hérisson, Châteaumeillant, Amboise), mais Avaricum fait exception avec un fossé en V. Malgré leurs différences typologiques (en V à Avaricum, à fond plat à Mediolanum), ces fossés ont pourtant livré le même cubage de terre au mètre linéaire et donné la même masse pour construire le talus massif516. Si le modèle à fond plat est le plus fréquent, il nécessite un grand dégagement à l’avant de l’ouvrage et un terrain plutôt plat. À Avaricum, il n’y avait pas de place pour construire un tel fossé devant la porte principale de la capitale des Bituriges, l’option d’une structure moins large mais plus profonde a été choisie. Il semble logique que la morphologie de l’ouvrage s’adapte aux contraintes topographiques. En l’occurrence à Levroux, les pentes de la colline sont assez raides et il est certain qu’il n’y a pas de dégagement aplani à l’avant du rempart. O. Buchsenschutz et I. Ralston ont précisé que la tranchée de fouille du rempart était négative dans les 12 m situés à l’avant du murus gallicus et qu’ils n’ont vu aucune trace de fossé517. La masse nécessaire pour construire le talus massif est énorme et si on n’envisage pas de creuser un fossé pour l’extraire, cela signifie qu’il faut organiser le transport des matériaux prélevés plus loin. L’utilisation de niveaux sableux et calcaires dans le talus massif de Levroux confirmerait le prélèvement de matériaux à différents endroits, d’une part au sommet (sables) et d’autre part en contrebas de l’oppidum (calcaire en Champagne). Il est difficile d’imaginer comment ce chantier a pu s’organiser, mais ce mode opératoire est probablement plus long à mettre en place que lorsqu’on creuse un fossé au pied du futur talus pour extraire des sédiments. Aussi, les failles géologiques qui ont affecté l’oppidum et déstabilisé le rempart, ont pu altérer également un éventuel fossé. La coupe publiée en 1975 montre que le rempart massif est très étalé vers l’avant, il s’est visiblement éboulé vers le bas de la pente. Il a pu recouvrir voire combler un fossé dont la trace aurait pu totalement disparaître, ce qui n’est pas exclu dans cette configuration topographique. La question du fossé du rempart massif de Levroux reste énigmatique et on ne peut pas trancher actuellement en faveur de son absence ou de sa présence cachée. Pour certifier qu’il y a absence totale de fossé à l’avant du rempart massif de Levroux, il faudrait refaire des sondages.
- 518 Baguenier 2008c.
- 519 Baguenier 2008c, 15.
- 520 Lallemand 2009, 77.
254On doit s’interroger sur l’emprise de l’habitat laténien sur l’oppidum car une découverte récente a remis en question l’exclusivité de l’occupation “intra-murus”. En effet, des vestiges d’habitat de La Tène finale ont été découverts au pied de l’oppidum sur le côté ouest, au Bois Maussant (fig. 87). Ces vestiges sont apparus au cours d’un diagnostic réalisé en 2008 par J.-P. Baguenier à l’occasion d’un projet de lotissement qui devait détruire près de 5 ha518. Les structures de La Tène finale concernent au moins 8 fosses, 2 silos et 13 trous de poteau (tranchées 1, 2 et 3)519. Ce diagnostic réalisé sous forme de tranchées n’a pas permis de détecter une quelconque structuration spatiale et une partie des structures n’a pas été explorée, réservées pour une future fouille. Cette découverte est importante car elle permet de localiser un habitat au pied de la colline, hors du rempart mais qui a toutes les chances d’être contemporain de l’oppidum. De même, la découverte de tessons laténiens au nord de l’oppidum, hors du rempart également, indique que l’occupation de la colline n’était pas limitée par l’enceinte. Ces indices montrent que si le rempart, et en premier lieu le murus gallicus, constitue une limite, celle-ci n’est pas une limite absolue. Le rempart peut délimiter un quartier, protégeant des fonctions et des installations politiques et/ou sacrées, mais il ne limite pas nécessairement l’habitat. On peut envisager, comme cela existe sur d’autres sites, une ville haute, sorte de citadelle qui concentre le cœur urbain, limitée par une enceinte. L’habitat peut s’étendre à l’intérieur des murs mais aussi à l’extérieur, sur des terrasses ou en contrebas. De même, on peut observer que la Colline des Tours représente la proue d’un relief plus vaste : elle est en effet prolongée par une colline allongée orientée nord-est/sud-ouest. L’altitude est de 172 m NGF au sommet de la Colline des Tours, elle atteint 170 m à La Garenne puis monte à 179 m au Méez. Les deux collines sont séparées par un thalweg, sans doute une vallée sèche. En mai 2014, nous avons pu observer la topographie du tronçon nord du rempart qui permet d’envisager l’éventualité d’une porte sur ce côté. Le chemin de terre qui traverse l’oppidum en son centre se prolonge également au milieu de la colline de La Garenne jusqu’au Méez. Il pourrait constituer un ancien tracé et donner accès aux probables portes sud et nord. Du sommet de la colline de la Garenne, on domine la vallée de la Céphons et le regard peut embrasser au sud la Champagne avec une visibilité d’au moins 10 km. Vers le nord-ouest, la visibilité est moins nette car le Boischaut nord est vallonné. Aucune fortification n’a été détectée sur cette colline, mais des vestiges archéologiques sont signalés, en particulier du mobilier néolithique (protohistorique ?) au Méez et jusqu’à Romsac. Cette colline a pu constituer une extension du territoire de l’oppidum, ce qui ne signifie pas que cet espace était obligatoirement urbanisé ni même occupé par des habitats. L’oppidum de Châteaumeillant présente une configuration analogue : le promontoire quadrangulaire couvre une surface de 60 ha, mais seule la partie sud, la plus haute, était fortifiée par un murus gallicus enfermant 25 ou 27 ha. Le nord du promontoire a pu constituer une réserve pour des jardins, des bois, des pâtures pour les animaux. Le site biturige d’Hérisson (Allier) présente une configuration de même type, découverte récemment par D. Lallemand520. Cet oppidum est en effet composé de deux enceintes, dont la première est un murus gallicus de barrage qui enclot une surface de 18 ha. La seconde enceinte englobe la première portant la surface de l’oppidum à 73 ha. À travers ces exemples, le murus gallicus symboliserait non pas la limite de l’oppidum, mais la limite du centre urbain, du noyau politique et névralgique de la ville.
d. L’oppidum de Levroux et son environnement
255Alors que de très nombreux sites ont été détectés autour de Levroux en prospection pédestre et aérienne, il est encore difficile de reconstituer précisément l’environnement archéologique autour de l’oppidum à LT D. En effet, si une partie de ces sites peut être datée par le mobilier collecté en prospection pédestre, on ignore dans presque tous les cas de quels types d’occupation il s’agit : fermes, petits villages, nécropoles ou sanctuaires ? Pour une autre partie du corpus, les fonctions peuvent être identifiées grâce à la morphologie des structures détectées en photographie aérienne, mais dans ces cas, c’est la datation qui pose problème. Plusieurs centaines de sites et indices archéologiques ont été inventoriés autour de Levroux grâce aux prospections intensives réalisées dans les années 1970/80, mais très peu de sondages ou de fouilles ont été entrepris pour compléter ces données. Le seul exemple est finalement le site des Vaux à Moulins-sur-Céphons pour lequel une attribution à l’âge du Fer avait été d’abord avancée pour la longue maison, contredite définitivement par un sondage puis par la fouille archéologique programmée.
- 521 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
- 522 Gandini 2008, 314.
- 523 Adam 1979.
- 524 Gandini 2008, 198.
256La photographie aérienne a permis de détecter des centaines de traces, en particulier en Champagne berrichonne entre Levroux et Châteauroux. Le Boischaut nord, couvert de bois et de prairies, est une zone beaucoup moins favorable pour cette méthode de prospection. Les sites détectés au cours des vols réalisés par O. Buchsenschutz, J. Holmgren ou moi-même, se rapportent à des formes linéaires, circulaires et quadrangulaires. Ces dernières sont largement les plus nombreuses et atteignent une centaine de découvertes en Champagne berrichonne521 (fig. 88). Ces enclos, dont les tailles varient de 100 m2 à 50 000 m2 pour les plus grands, concerneraient d’après les auteurs des prospections, essentiellement des villae antiques. Toutefois, un certain nombre d’enclos trapézoïdaux pourraient signaler des fermes laténiennes et il n’est pas exclu que nombre de villae, caractérisées par leurs plans classiques et la présence de murs, aient succédé à des fermes gauloises. La récurrence de cette succession dans le temps a été largement démontrée dans la plupart des régions françaises grâce à l’archéologie préventive. Dans la cité des Bituriges, C. Gandini a pu montrer que 40% des villae antiques étaient installées sur un site de la fin de l’âge du Fer522. Un seul exemple est attesté par des fouilles dans le canton de Levroux, celui de la Theurace, une ferme à enclos emboîtés, fouillée partiellement par R. et A.-M. Adam en 1977/78523. Cette fouille a permis de déterminer que l’établissement a été construit avant la Conquête puis réaménagé à l’époque romaine524. Malgré les imprécisions concernant les datations des enclos quadrangulaires du canton de Levroux, la cartographie montre que la Champagne berrichonne était couverte d’exploitations agricoles pendant l’Antiquité. L’oppidum de Levroux était ainsi environné par des espaces ruraux bien organisés et largement exploités dans un milieu naturel particulièrement favorable à l’agriculture. On ne peut proposer cette hypothèse que pour la Champagne au sud de l’oppidum, car au nord, en Boischaut, les prospections n’ont pas fourni de résultats équivalents. Cependant, cette région naturelle a pu être exploitée aussi intensivement que la Champagne sur le plan agricole, mais elle a du se tourner vers d’autres productions en accord avec ses potentialités spécifiques. Plus humide que la Champagne, le Boischaut est en effet propice à la polyculture et à l’élevage des animaux, en particulier le grand bétail (bovins et équidés).
- 525 Laüt 2001.
257Les traces linéaires relevées en prospection aérienne permettent de localiser une série de voiries et de chemins (fig. 89). Ils convergent tous vers le pied sud de l’oppidum de Levroux où ils forment un carrefour. Celui-ci s’accorde avec l’importance économique et politique de l’oppidum mais symbolise également le point de passage du Boischaut vers la Champagne. Les voies antiques du Berry ont été étudiées par L. Laüt et certaines d’entre elles sont désormais bien attestées par l’archéologie525. Les deux voies les plus importantes qui se croisent à Levroux sont de direction nord-sud et est-ouest. L’ancienneté de ces voies fait peu de doute car elles relient des oppida notoires dans la cité des Bituriges et au-delà. La première relie Levroux à la cité des Carnutes (Orléans via Gièvres) et les oppida du sud de la civitas (Argentomagus via Villedieu-sur-Indre). La seconde permet de joindre Levroux à la capitale des Bituriges (via Saint-Ambroix) et de l’autre côté, vers la cité des Turons (via Clion-sur-Indre). Les traces d’un autre chemin sont attestées vers Déols et la vallée de l’Indre.
258Quant aux sites funéraires contemporains de l’oppidum de Levroux, ils sont particulièrement mal connus. Une seule nécropole est identifiée à Levroux, au Mas du Gour. Elle est probablement utilisée dès LT C par les habitants de l’agglomération de plaine et elle a pu rester leur principale nécropole à LT D après le transfert des activités sur l’oppidum. On connaît également plusieurs tumulus ou tombes de type aristocratique sur la commune de Levroux, mais à part l’enclos circulaire daté de LT C/D de la Pièce de la Chapelle fouillé par Anne Colin, les autres tombes sont de datation très incertaine. Il s’agit de découvertes anciennes dont les mobiliers sont perdus et seules les descriptions (parfois pour le moins elliptiques) pourraient évoquer des tombes d’aristocrates de la fin de l’âge du Fer ou du début de l’époque romaine, difficile de trancher.
- 526 Colin & Buchsenschutz 1984, 198.
- 527 Villard-Le Tiec 2008.
259À Saint-Phalier, un petit village à l’est de Levroux, deux tumulus sont mentionnés et l’un d’entre eux, La Motte Saint-Phalier, est encore en élévation. Le tertre mesure 6 m de hauteur pour 10 m de diamètre à la base. En 1920, deux tranchées ont été ouvertes par M. Bougault-Fauchais mais il n’existe aucune description de cette fouille. Plusieurs habitants de Levroux ont rapporté l’existence d’une tombe à char et de bandages de roues en fer526. Probablement dans le même secteur, au coin des vignes de Saint-Phalier, un autre tertre est signalé en 1766 : la Motte Thevrault aurait livré des ossements humains, un squelette de cheval et “toute l’armure d’un capitaine romain”. La description évoquerait une autre tombe de l’âge du Fer à Saint-Phalier, la présence du cheval pourrait avoir été liée à un char. Enfin, au Bois-Maussant, au pied de l’oppidum sur son côté ouest, une tombe est décrite par A. Guillard en 1866. Il pourrait s’agir d’un tumulus, l’auteur rapportant que l’inhumation était entourée de pierres calcaires, la tête soutenue par deux grosses pierres grises. Le mobilier était composé d’un casque, d’une boucle de ceinture et d’une épée en fer dans son fourreau (0,65 m de longueur pour 0,08 m de large). À droite du défunt, une amphore était posée ainsi que des monnaies dans ses mains. Ces objets ont hélas été perdus et la datation des monnaies n’est pas connue. Cette sépulture pourrait dater de LT D, mais on ne peut pas exclure une attribution un peu plus tardive car ce type de tombe, appartenant à des aristocrates celtiques, est connu dans le Berry jusqu’à l’époque augustéenne dans le groupe de Fléré-la-Rivière. En effet, les tombes augustéennes de Fléré-la-Rivière, de Châtillon-sur-Indre, de Berry-Bouy ou encore de Neuvy-Pailloux, contiennent les corps d’aristocrates gallo-romains inhumés dans la tradition celtique : à Fléré-la-Rivière, la tombe est augustéenne, mais la mise en scène des riches mobiliers dans la chambre en bois ainsi que les épées en fer déposées sur la poitrine du défunt révèlent un rituel laténien527.
260Grâce aux données rassemblées autour de l’oppidum de Levroux, on peut proposer un schéma de l’extension de son territoire comprise dans deux cercles (fig. 90) : le premier se limite à l’emprise de l’oppidum et des habitats connus dans sa proximité immédiate, nécropole incluse. Ce cercle s’inscrit dans une ellipse couvrant une surface d’environ 8,75 km2 (3,5 x 2,5 km environ). Un cercle plus large inclut les éventuelles tombes de LT D ainsi que les établissements ruraux datés. Ce cercle couvre une surface de 90 km2 environ (10 x 9 km environ). Alors que le premier cercle correspond probablement au territoire propre de l’oppidum, c’est-à-dire à l’emprise de la ville celtique de Levroux, l’ampleur du second cercle est plus incertaine car cet oppidum avait un rayon d’influence beaucoup plus important. En effet, les oppida bituriges sont distants de 50 à 60 km les uns des autres, il est donc plus probable que le second cercle s’étendait sur un rayon de 25 à 30 km, pour Levroux et pour les autres oppida bituriges.
L’âge du Fer entre Levroux et Châteauroux : la place de l’oppidum de Levroux dans la civitas des Bituriges
261Entre Levroux et Châteauroux, deux pôles d’habitats se développent à l’âge du Fer. Nous avons vu qu’ils se sont formés dès le Néolithique et qu’ils se sont plutôt bien maintenus dans le temps, surtout celui de la vallée de l’Indre : au sein de ce pôle, toutes les phases chronologiques sont représentées depuis le Néolithique ancien jusqu’à la fin de l’âge du Fer, attestant d’une continuité et d’une certaine stabilité des communautés, deux critères que l’on ne retrouve pas dans le pôle de Levroux. Celui-ci semble en effet avoir connu une phase de déclin après le Néolithique final, conduisant à un quasi-abandon des lieux pendant tout l’âge du Bronze. Le pôle de Levroux se réactive timidement au Hallstatt et s’imposera définitivement à la fin du iiie s. a.C. avec la création de l’agglomération de plaine. Malgré une histoire parallèle, mais pas identique, les deux pôles de peuplement ne semblent pas avoir eu les mêmes fonctions au cours de la Protohistoire. Les caractéristiques fondamentales qui les distinguent ne paraissent pas perceptibles avant l’âge du Fer, peut-être à cause du déséquilibre des données, en particulier les lacunes qui persistent à l’âge du Bronze autour de Levroux. Dans la vallée de l’Indre, les habitats installés à l’âge du Bronze se maintiennent à l’âge du Fer mais l’activité semble s’être déplacée ou plutôt concentrée. En effet, ces établissements étaient nombreux et répartis de manière plutôt homogène sur un axe nord-sud, d’Étrechet à Brion, polarisés sur la rive gauche de la Ringoire et dans sa zone de confluence avec l’Indre (fig. 91). Au Hallstatt, la configuration change et semble éclater en petits groupes qui occupent désormais la rive droite de la vallée de l’Indre, de Villedieu à Étrechet, mais aussi la vallée de la Ringoire de Déols à Brion. L’apparition de ces petits groupes de sites signale en premier lieu une augmentation importante des espaces cultivés, en particulier vers l’ouest de la vallée de l’Indre qui ne semble pas occupée au Bronze final. En second lieu, elle pourrait être le signe de la fusion des petites exploitations agricoles du Bronze final dans de plus grandes. Cette situation peut résulter d’un changement d’organisation politique au début du Premier âge du Fer, conduisant à l’absorption et à l’assimilation des petites exploitations rurales par de plus grandes. À l’origine de cette réorganisation, ce sont probablement des aristocrates qui mettent en place les conditions d’une gestion plus efficace de ce territoire avec l’objectif d’améliorer et d’augmenter les rendements agricoles. À LT A et B, ces établissements agricoles sont présents dans la vallée de l’Indre et de la Ringoire, peut-être à Levroux, mais ce n’est pas certain. Ils sont révélés par les batteries de silos, caractéristiques de cette phase chronologique à Déols, Montierchaume et Liniez. Les grandes capacités de stockage de certains silos, en particulier à Montierchaume, attestent de la richesse agricole accumulée par les élites et du succès de la réorganisation amorcée au Hallstatt. Compte tenu de l’évolution de ce terroir depuis le Néolithique, il est probable que l’apparition des aires d’ensilage révèle une période d’opulence et non un repli du monde rural. En témoigne l’accumulation de richesses par plusieurs groupes aristocratiques qui exploitent de manière particulièrement dynamique leurs terroirs agricoles. Entre LT A et LT C1, les communautés qui gèrent ces terroirs et qui accumulent des richesses vont créer les conditions d’apparition d’une nouvelle forme d’organisation politique et sociale, grâce à laquelle une agglomération urbaine va surgir. En effet, vers 200 a.C., l’émergence de l’agglomération de plaine de Levroux a du constituer un événement capital dans la région. Les activités artisanales qui se développent dès le début de son existence et les flux commerciaux qui s’organisent rapidement autour d’elle ont du nécessiter l’adaptation des populations locales, voire le recrutement de populations exogènes. En effet, même si l’agglomération de plaine n’est pas une création ex nihilo (nous avons vu qu’elle succédait à un site plus ancien qui pouvait remonter au Bronze final, mais plutôt à une ferme qu’à un village), la population résidant autour de Levroux au tournant de LT C1/C2 n’était pas très nombreuse d’après les données archéologiques que nous possédons aujourd’hui. Les fondateurs de l’agglomération ont du attirer de nouvelles populations, et en premier lieu des artisans compétents dans le domaine de la métallurgie, entre autres. L’intensité de l’activité métallurgique est telle qu’on ne peut pas envisager à Levroux une pratique saisonnière, il s’agit nécessairement d’une installation permanente destinée à assurer une production artisanale soutenue. Les artisans pouvaient venir de différents lieux, peut-être de la vallée de l’Indre où les communautés agricoles étaient nombreuses et solidement implantées. En effet, l’augmentation régulière du nombre de sites depuis l’âge du Bronze jusqu’à LT C est le signe que la population n’a cessé de se développer dans cette région. Les établissements ruraux de la vallée de l’Indre, bien peuplés, ont pu fournir des contingents de jeunes gens capables de s’adapter à l’apprentissage de nouveaux métiers, en particulier de la métallurgie. Reste à savoir si ces populations ont été captées dans l’agglomération naissante par la contrainte ou si elles y sont venues d’elles-mêmes par attraction de la nouveauté et des promesses d’une vie meilleure. À peu près à la même époque, au tournant de LT C2/D1, une autre agglomération prend forme dans la vallée de l’Indre à Villedieu. Celle-ci a pu se spécialiser dans la fabrication de céramique, ce qui la distingue de Levroux où l’on n’a pas trouvé la preuve de production de poterie. Si leurs spécialités n’étaient pas les mêmes, ces deux agglomérations n’ont probablement pas été en concurrence directe, mais celle de Villedieu n’a pas connu le même développement que Levroux, ni le même succès. Alors que l’agglomération de plaine se développe rapidement à Levroux, les habitats de la vallée de la Ringoire et de l’Indre se maintiennent à LT D, mais ils restent manifestement ruraux. Les fermes sont nombreuses et forment un tissu dense laissant penser qu’aucune parcelle exploitable n’est délaissée, ni dans les vallées, ni sur les plateaux les plus proches de la rivière. Cette configuration agricole s’est mise en place au cours de l’âge du Bronze et elle s’est affirmée jusqu’à la fin de l’âge du Fer. On le voit en particulier à Étrechet (ZAC d’Ozans) où toutes les phases chronologiques sont représentées entre le Bronze ancien et LT D à travers le maintien de nombreuses petites unités rurales. Ainsi, la vallée de l’Indre et son principal affluent dans le secteur, Angolin/Ringoire, ont été exploités continuellement et habilement pendant plusieurs millénaires. Cette continuité dans le temps a assuré une grande stabilité des établissements, et ainsi, la fixité des propriétaires terriens. Ceux-ci appartiennent probablement à des familles aristocratiques, dont le pouvoir est d’abord fondé sur la propriété foncière et leur richesse, en partie ou en totalité, sur les produits de la terre. Leur durabilité est liée à un mode de transmission familiale de la propriété agricole. Le meilleur exemple que nous connaissons dans ce secteur d’étude est le site des Grandes Chapelles à Brion. C’est finalement le seul site de la série qui est connu par ses sépultures élitaires. Il montre la perduration d’un terroir détenu par une famille aristocratique, principalement entre le Bronze moyen et le Ha D (peut-être dès le Néolithique moyen, puis au-delà du Ha D, jusqu’à LT C ou D). Au Hallstatt, la densité d’occupation dans les vallées révèle que les propriétés aristocratiques occupaient l’ensemble des terres disponibles. Il faut alors imaginer une mosaïque de domaines juxtaposés dont la taille pouvait varier. On ignore tout des relations qui pouvaient exister entre les propriétaires, chefs des familles aristocratiques, ainsi que les conditions politiques et sociales dans lesquelles l’espace agricole a été réorganisé au début du Premier âge du Fer. Le partage des espaces s’est-il fait de manière pacifique ou sous la contrainte et par la conquête des plus puissants d’entre eux ? Quelques temps plus tard, à LT A et B, les zones d’ensilage nous donnent quelques pistes mais peuvent être interprétées diversement : soit elles correspondent à des zones de stockage communautaire, soit elles appartiennent à de grands propriétaires qui se sont constitué de grandes exploitations dans le courant du Hallstatt. La première hypothèse suggère que plusieurs familles exploitant des terres auraient mis en commun des récoltes : cela supposerait l’existence d’un système politique qui repose sur des règles communautaires. La seconde hypothèse plaiderait plutôt en faveur du stockage des richesses agricoles appartenant seulement à des familles dominantes possédant les zones d’ensilage. Plusieurs observations me conduisent à privilégier cette deuxième hypothèse : d’abord, les zones d’ensilage ne sont pas nombreuses (on n’en connaît que quatre) et pourraient correspondre à quelques familles particulièrement riches. Ensuite, la seule batterie de silos associée à une ferme dans le secteur d’étude est celle des Bapaumes à Déols, dont la configuration monumentale et la longévité sont les signes de son statut élevé. Dans la cité des Turons, Sublaines révèle une zone d’ensilage liée à un habitat de grande ampleur ainsi qu’à une nécropole dans laquelle sont inhumés des personnages appartenant à une élite. Tous ces aspects réunis me conduisent à favoriser l’hypothèse de “trésors agricoles aristocratiques” stockés dans les zones d’ensilage, à une époque où la société biturige semble nettement dominée par des familles possédant de grandes exploitations agricoles. Ces stocks ont pu cependant être constitués en collectant des céréales cultivées dans ces grandes exploitations, mais aussi dans les plus petites situées dans leur périphérie. Rien n’indique hélas, si les stocks ont été achetés aux petits exploitants ou prélevés comme des impôts. Cette question fondamentale interroge sur les relations entre les grands propriétaires et les petits, y-avait-il des limites à leur pouvoir dans la vallée de l’Indre ? On ignore pour quelles raisons ces stocks de céréales ont été constitués. Stockés pour être consommés plus tard certes, mais par qui et pour qui ? Aujourd’hui encore, les agriculteurs qui le peuvent, c’est-à-dire ceux qui possèdent dans leur ferme des silos de grande capacité, stockent une partie des grains et les revendent en hiver. Les cours sont alors plus élevés et ils peuvent vendre le blé plus cher à un moment de l’année où il devient plus rare et très demandé. Il est possible que le blé des aristocrates laténiens, produit dans de grandes quantités et donc en surplus, ait pu être stocké en silos dans le but d’être vendu bien après les récoltes. Les capacités des zones d’ensilage sont telles qu’elles dépassent manifestement les besoins immédiats voire même annuels de la communauté qui les possède, surtout si les grains sont destinés à être stockés plus d’une année. Ces stocks constituent une réserve représentant une richesse potentiellement importante. Le traitement extrêmement soigneux apporté au nettoyage des grains, observé par exemple aux Bapaumes à Déols par B. Pradat, est le signe que cette marchandise devait approcher la perfection.
Fig. 91. Schéma de l’évolution de l’organisation des territoires entre Levroux et Châteauroux, du Bronze final à La Tène finale.

- 528 Augier & Krausz 2012.
262Ainsi, depuis le Ha D et jusqu’à LTC1, les vallées de l’Indre et de la Ringoire sont vraisemblablement partagées par plusieurs communautés aristocratiques, détenant un solide pouvoir territorial et foncier, enrichies par une agriculture performante dégageant de larges surplus. Ceux-ci semblent concerner surtout des céréales pour ce qu’on en sait, mais ces groupes ont pu également capitaliser d’autres denrées alimentaires, végétales et animales (légumineuses, viandes séchées, boucanées ou conservées au sel). Ces stocks ont pu approvisionner un commerce à moyenne ou longue distance, attesté par des échanges bien connus dans le Berry, en particulier la céramique attique et les amphores de Marseille présentes à Bourges, mais aussi par un tesson à Liniez. Ces clans aristocratiques du Berry se sont enrichis tout au long du Hallstatt et ils ont encore augmenté leur richesse au cours de LT A et B. Celle qui a le mieux réussi est sans aucun doute la famille aristocratique qui vivait dans les environs de Bourges et qui est à l’origine du complexe princier qui émerge sur le promontoire au vie s. a.C.528 Dans le même temps, l’évolution des familles aristocratiques laténiennes des vallées de l’Indre ou de l’Angolin ne conduit à l’émergence d’aucun complexe princier comparable à celui de Bourges. Rien de tel ne se produit. En revanche, les aristocrates de notre secteur, enrichis et puissants, sont peut-être à l’origine de la création de l’agglomération de plaine de Levroux au tournant de LT C1/C2. En effet, alors qu’ils se sont épanouis dans une dynamique de croissance depuis plusieurs générations, mais jusque-là centrée sur leur capital agricole, leur stratégie a pu se transférer vers le développement de nouvelles activités et précisément sur l’artisanat. En s’appuyant sur leur réseau commercial existant à moyenne et longue distance, ils vont créer une agglomération dont l’activité est principalement non-agricole et fondée sur des productions artisanales diversifiées, en premier lieu la métallurgie.
- 529 Augier et al. 2012, 192.
- 530 Augier et al. 2012, 206.
- 531 Augier et al. 2012, 210.
263Le modèle de l’agglomération artisanale n’est pas tout à fait une nouveauté, car avant LT C2, on connaît en Gaule plusieurs sites de LT A concentrant de telles activités : par exemple, Bragny-sur-Saône (Saône-et-Loire) qui développe une activité métallurgique de qualité, avec des contacts à moyenne et longue distance, en particulier avec les communautés du nord de l’Italie, ou plus près de Levroux, le site de Port-Sec à Bourges. Fouillé sur 12 ha, celui-ci est localisé en périphérie du promontoire et a pu constituer un faubourg de la résidence princière. Il s’installe à la transition HA D3/LT A1, sa principale phase de développement et d’activité se situant à LT A1529. L’organisation spatiale est confuse et aucun critère ne permet d’affirmer que cette installation était permanente. Les chercheurs ont envisagé que les artisans se sont installés à Port-Sec “dans une grande liberté” sans exclure l’éventualité qu’ils aient pu être saisonniers530. Ces artisans fabriquent des parures en bronze (fibules à timbale) et des petits objets en os, corne et lignite. Ils consomment du vin étrusque et de la céramique attique. Mais on ignore qui ils étaient et d’où ils venaient. Étaient-ils dépendants des princes ? Appelés par eux périodiquement pour des commandes spéciales ? De nombreuses questions sont liées au statut de ces occupations, considérées généralement comme des faubourgs situés en périphérie de résidences princières comme La Heuneburg. Alors que Lyon-Vaise et Bragny livrent des vestiges artisanaux comparables, on n’y connaît pas de résidence princière : ces artisans auraient-ils pu fonder leurs propres installations commerciales indépendamment des princes531 ? C’est peut-être aussi le cas de Port-Sec, car nous n’avons pas la preuve aujourd’hui que le promontoire était encore occupé au moment de la plus grande phase d’expansion de ce site à LT A. Cette question ne semble pas pouvoir être tranchée aujourd’hui car elle est liée à la mauvaise connaissance que nous avons, d’une part du fonctionnement des résidences princières et d’autre part de l’amplitude du pouvoir des princes dans la société. La composition sociale de ces communautés reste très mal cernée et les fouilles de tombes ont surtout mis en valeur les élites, beaucoup moins les autres niveaux de la société.
- 532 Les vestiges du Hallstatt/La Tène ancienne ne sont pas assez nombreux aux Arènes pour assurer qu’ (...)
264Les auteurs de l’ouvrage sur Port-Sec ont comparé le plan de ce site à celui des agglomérations postérieures de LT C (Levroux, Bâle-Usine à Gaz). La comparaison est fondée sur l’aspect désordonné des plans de ces agglomérations. Ils donnent en effet l’impression d’avoir surgi subitement, sans projet préconçu, occupant l’espace de manière opportuniste. C’est probablement le cas de Port-Sec qui disparaît aussi soudainement qu’il est apparu après un peu plus d’un siècle de fonctionnement. L’histoire de Levroux est toutefois très différente, même si l’agglomération a pu émerger dans des conditions similaires. Il est certain que la première installation de plaine, au tournant de LT C1/C2, ne répond à aucun plan prédéfini : il n’y a manifestement pas de concept d’ensemble ni aucune limite définissant l’espace, pas de structuration interne (parcelles, îlots), ni externe (fossé ou rempart). Nous avons vu que l’habitat ne s’établit pourtant pas ex nihilo car il s’installe dans un lieu déjà habité. Les premiers ateliers d’artisans ont pu s’établir au sein d’une ferme en exploitation ou dans un lieu qui avait été habité mais qui ne l’était peut-être plus à LT C1/C2532. Toujours est-il qu’ils semblent s’installer de manière opportuniste et libre, une tentative de structuration du quartier artisanal se produira lorsque les artisans seront déjà bien implantés : ils aménageront alors des parcelles (terrain Rogier), creuseront un fossé pour délimiter le quartier artisanal (terrain Charbonnier) et implanteront des rues pour la circulation (terrain Lacotte). Ces équipements attestent d’une volonté de structurer un habitat qui s’est développé de manière anarchique car il n’y avait pas de plan ni de programme à l’origine. Mais cette tentative échoue, car après quelques décennies, l’espace est finalement totalement saturé par les ateliers et les fosses remplies de détritus domestiques et artisanaux.
- 533 Buchsenschutz & Ralston 2012.
265À un moment où l’agglomération de plaine est à l’apogée de son développement, une réorganisation structurelle a sans doute été tentée, peut-être parce qu’elle nécessitait la construction de nouveaux quartiers, de nouveaux bâtiments liés au fonctionnement urbain. Mais cette réorganisation n’a pas eu lieu, en tout cas pas aux Arènes. C’est l’option d’un déplacement radical qui a été choisie, le transfert de la population et des activités sur la colline la plus proche. La dernière phase d’occupation de l’agglomération de plaine correspondant à la phase de construction du murus gallicus de la colline des Tours, ce projet est celui des habitants de la plaine, ce sont eux qui ont décidé de la création de l’oppidum. Celui-ci n’est pas entré en concurrence avec l’agglomération artisanale, il constitue au contraire sa continuité, à travers le choix d’aménager un site neuf. Contrairement à l’agglomération de plaine, l’oppidum a fait l’objet d’un programme architectural, dont le rempart a constitué la première tranche du projet. Les tranches suivantes incluaient sans aucun doute un plan d’urbanisme interne, mais nous en ignorons tout. Dans le courant de LT D1, la création de l’oppidum de Levroux a constitué sans nul doute un événement majeur dans la région. Une des questions essentielles est de savoir qui a commandité et organisé la création de ces agglomérations : d’abord vers 200 a.C. en plaine, puis un siècle plus tard sur la colline. Comme l’ont suggéré O. Buchsenschutz et I. Ralston, ces programmes peuvent être dus à des aristocrates qui ont rassemblé les conditions favorables à la création des oppida533. En effet, seule l’aristocratie a les moyens de proposer des alliances entre familles, de rassembler des ressources matérielles et humaines. La création et la promotion des agglomérations artisanales au début du IIe s. a.C. correspondent à un nouveau projet de société, à la fois économique et politique. Il tranche avec la situation précédente car il intervient dans une société qui était jusque-là tournée fondamentalement vers l’agriculture.
- 534 Caes., BG., 7.23.
- 535 Caes., BG., 7.12 ; Krausz 2015 : Neung-sur-Beuvron correspond au Noviodunum des Bituriges attaqué (...)
- 536 Caes., BG., 7.14.
- 537 Krausz 2014.
- 538 Krausz & Ralston 2009.
266Alors, comment cette idée a-t-elle pu prendre forme ? Se sont-ils inspirés de modèles qu’ils ont pu observer dans des régions éloignées du monde au retour d’aventures des ive et iiie s. a.C. ? Ou ont-ils inventé et innové selon leurs besoins spécifiques ? La création de l’oppidum de Levroux a bouleversé durablement la configuration des territoires entre Levroux et Châteauroux : la cartographie des sites montre en effet que Levroux constitue à LT D le pôle principal d’activité de ce secteur, se développant autour d’une ville concentrant une population importante (fig. 91). Il n’y a aucune ville de ce type à 50 km à la ronde et les pôles qui existaient auparavant ont perdu de leur importance et peut-être leur indépendance. En effet, le pôle de la vallée de l’Indre, même s’il subsiste toujours à LT D semble s’être rétracté et replié dans la zone de confluence de l’Indre et de la Ringoire. Ne subsistent que des exploitations rurales : aucun village, ni agglomération, ni oppidum ne sont créés dans ce secteur. La grande exploitation agricole des Bapaumes à Déols est abandonnée après LT D1, signe que le moment des oppida a bouleversé l’organisation du secteur. Le site de Villedieu-sur-Indre, où fonctionnaient des ateliers de potiers jusqu’à LT D1a, à proximité d’une voie fluviale et terrestre, ne s’est pas développé et n’a pas donné lieu à la création d’un oppidum. La carte de répartition des oppida bituriges montre qu’ils sont insérés dans un maillage particulièrement régulier (fig. 92) : on trouve un oppidum équipé d’un murus gallicus tous les 50 à 60 km. Dans la cité, des murus gallicus enferment des surfaces de 20 à 25 ha sur des oppida exclusivement de hauteur. Avaricum, siège de la résidence princière puis capitale de la civitas des Bituriges Cubes, est un oppidum beaucoup plus vaste de 50 ha, dont le célèbre murus gallicus est décrit par César534. On connaît aujourd’hui cinq grands oppida des Bituriges : Avaricum, Levroux, Argentomagus, Châteaumeillant, Hérisson et peut-être six, si on ajoute Neung-sur-Beuvron. Ces oppida sont caractérisés par leurs surfaces encloses analogues et surtout par la même séquence de fortifications : un murus gallicus d’abord, recouvert ensuite par un rempart massif. Dans cette série, seul le site de Neung-sur-Beuvron n’a pas été exploré535, on ignore si un murus gallicus existe sous le high dump de 10 m de hauteur, bien visible mais enchevêtré dans la ville actuelle. César signale pourtant que 20 villes bituriges ont été brûlées sur l’ordre de Vercingétorix quelques jours avant le siège d’Avaricum au début de l’année 52 a.C.536. On ignore si le général romain a exagéré le nombre de villes sacrifiées par le chef de la coalition gauloise ou si toutes ces villes ont réellement existé. Il est peu probable que le nombre des grands oppida (de 20 à 25 ha) puisse être complété dans l’avenir, en tous cas même si on peut en découvrir un ou deux nouveaux, il paraît très improbable qu’on puisse en trouver 14 autres ! En revanche il est tout à fait possible que de plus petits oppida, de hauteur ou de plaine, aient existé sur le territoire des Bituriges à LT D et qu’ils n’aient pas encore été localisés. Il faudrait compléter les fouilles des sites de Meunet-Planches, de Luant et de La Groutte pour lesquels O. Buchsenschutz a montré qu’ils étaient équipés d’un murus gallicus. L’hypothèse d’une ferme aristocratique a été retenue pour Meunet-Planches dont les fouilles récentes n’apportent pas d’éléments en faveur d’un habitat de type urbain. Mais les doutes sont encore permis à Luant et surtout à la Groutte qui est peut-être plus vaste qu’il n’y paraît (et l’intérieur de ces sites de hauteur n’a jamais été exploré). Bien que tous ces oppida soient contemporains, on ignore si les murus gallicus ont été construits en même temps. Malgré les fouilles minutieuses et récentes des remparts du Berry, des datations précises restent toujours très difficiles à établir pour ces ouvrages et on admet généralement qu’ils ont été édifiés entre 120 et 100 a.C., ce qui laisse apprécier des décalages éventuels entre eux, étalés sur une génération au moins, voire deux. De même, à part celui de Châteaumeillant, les remparts massifs ne sont pas encore précisément datés. Certaines analogies et caractéristiques récurrentes permettent toutefois de les situer à LT D2 : ils sont présents uniquement sur les grands oppida, leur conception est élémentaire, réduite à l’essentiel, révélant une construction dans l’urgence, probablement dans le cadre de la guerre537. Les remparts massifs constituent sans doute la meilleure réponse stratégique et militaire des Gaulois devant la menace romaine. Mais en dehors de la question de la datation, les analogies sont particulièrement nombreuses lorsque l’on compare les oppida bituriges : ils sont tous situés sur des hauteurs, à une distance presque identique de la capitale (50 à 60 km) ; ils sont équipés d’un murus gallicus surmonté d’un rempart massif ; ils sont disposés à la périphérie du territoire propre d’Avaricum. La récurrence de ces critères, associée à la régularité de la configuration de la civitas, laisse penser que les oppida des Bituriges ont été créés au sein d’un programme politique commun. Le texte de César atteste que les Bituriges avaient une capitale, sa prise en avril 52 a représenté un enjeu stratégique majeur pour le général romain538. De même, la construction synchrone des remparts massifs au milieu du ier s. a.C. aurait eu pour but de protéger les pôles les plus importants de la cité, leurs populations et leurs richesses. Une telle décision n’a pu être prise que par un pouvoir central, celui d’un État organisant la défense de son territoire, l’État des Bituriges. Celui-ci a décidé d’organiser une défense globale des villes de la civitas, protégeant les oppida derrière leurs high dumps, comme un front commun faisant face à l’armée de César.
Notes
1 Brun & Pion 1992 ; Ralston 1992 ; Fichtl 2004 ; Brun 2011.
2 Pour passer au niveau supérieur de l’analyse spatiale de la région Centre, les données de Patriarche concernant les sites protohistoriques doivent être vérifiées et contrôlées et une nouvelle base de données doit être préparée : la vérification devra porter sur plus de 14 000 EA et plus de 1600 rapports d’opérations préventives et programmées. Pour l’âge du Fer, les données devront être confrontées à celles de la BaseFer, un corpus national dont le contenu des sites et les datations ont été déjà vérifiés pour la région Centre (Batardy et al. 2008). Mais cette base n’intègre pas encore l’intégralité des données récentes de l’archéologie préventive.
3 Lapierre 1977, 12.
4 Lapierre 1977, 24.
5 Cadoret 2000, 235.
6 Lévy & Lussault 2013, 995‑998.
7 Bourgeot 2000, 704.
8 Cadoret 2000, 235.
9 Brun 2011, 216‑217.
10 Bourgeot 2000, 705.
11 Lévy 2013, 413.
12 Lévy 2013, 415.
13 On utilise dans cet ouvrage la dénomination Bituriges ou Bituriges Cubes pour désigner les Gaulois du Berry. Le nom de Cubes n’est jamais employé par César mais apparaît sous la plume de Strabon (4.2.2 : Βιτούριγες οἱ Κοῦβοι), Pline (4.33) et Ptolémée d’Alexandrie. Selon la tradition, le nom des Bituriges Cubes apparaitrait dans le courant de l’époque augustéenne.
14 Philippe 1927.
15 Philippe 1927.
16 Philippe 1936.
17 Sandars 1957.
18 Bailloud 1964.
19 Philippe 1936.
20 Mohen & Bailloud 1987.
21 La chronologie en 6 phases telle que je la présente ici n’a pas été publiée explicitement ainsi, ni par l’abbé Philippe, ni par ses successeurs. Les indications données pour ces 6 phases sont issues de la compilation de plusieurs documents.
22 Mohen et al. 1989.
23 Villes 1991, 6.
24 Mohen 1986a ; Mohen 1987.
25 Roussot-Larroque & Villes 1989.
26 Roussot-Larroque 1984.
27 Gauvry 2001.
28 Philippe 1936, 297.
29 Philippe 1936, 298.
30 Philippe 1936, 293.
31 Philippe 1936, 292-293.
32 Villes 1999, 28.
33 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43 ; Villes 2010.
34 Villes 1999, 30.
35 Roussot-Larroque 1984, 158.
36 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43.
37 Villes 1999, 30.
38 Gauvry 2001.
39 Mohen 1986b.
40 Burnez et al. 1991.
41 Burnez et al. 1995 ; Burnez 2010, 44.
42 Duval & Buchsenschutz 1979 ; Buchsenschutz et al. 1988, 156.
43 Buchsenschutz & Ralston 1981.
44 Hamon 2007.
45 Bailloud & Burnez 1962.
46 Gomez de Soto 1975.
47 Pautreau 1975.
48 Claude Burnez a défini deux cercles géographiques pour la culture d’Artenac (Burnez & Fouéré 1999, 255-271) : le premier cercle inclut le Poitou méridional, la Saintonge, l’Angoumois et le nord de l’Aquitaine. Le second cercle concerne des zones périphériques au premier. La chronologie de l’Artenac est scindée en deux phases principales, Artenac I et II (p.256). Ces deux phases se trouvent aussi bien dans les sites du premier cercle que dans ceux du second. En 2010, C. Burnez a proposé de compléter le phasage par un Artenac III, une phase post-campaniforme (Burnez 2010, 10).
49 Burnez & Fouéré 1999, 270.
50 Burnez & Fouéré 1999, 262.
51 Roussot-Larroque 1984, 139.
52 Communication personnelle de T. Hamon.
53 Philippe 1936, 239.
54 Mohen & Bailloud 1987, 30.
55 Villes 1991, 6.
56 Philippe 1936, 259.
57 Mohen & Bailloud 1987, 30.
58 Mohen & Bailloud 1987, 33.
59 Philippe 1936, 541.
60 Philippe 1936, 542.
61 Roussot-Larroque & Villes 1989, 43.
62 Verney & Mohen 1991.
63 Mohen & Bailloud 1987, 7.
64 Roussot-Larroque & Villes 1989, 38.
65 Mohen & Bailloud 1987, 33.
66 Philippe 1936, 280.
67 Philippe 1936, 282.
68 Mohen 1988b, 539.
69 Verney & Mohen 1991, 91.
70 Mohen 1986a, 11.
71 Mohen 1988a.
72 Philippe 1936, 287.
73 Philippe 1936, 285.
74 Riquier 2008a, 220.
75 Mohen & Bailloud 1987, 82.
76 Fischer 1981.
77 Fischer 1981, 50.
78 Troubady 2011, 476.
79 Villes, éd. 1985.
80 Dodin & Villes 1985, 87.
81 Duval & Verron 1993.
82 Lardé, dir. 2013.
83 Dodin 1985, 83.
84 Brun 2011, 217.
85 Mohen et al. 1989, 407.
86 Brun 2011, 218.
87 Mohen et al. 1989, 407.
88 Riquier 2008a, 315.
89 Riquier 2008a, 315.
90 Joly & Gibut 2009, 318.
91 Joly & Gibut 2009, 325.
92 Riquier 2008a, 14.
93 Caes., BG., 6.13.
94 Riquier 2008a, 20.
95 Caes., BG, 7.11 :quod oppidum Cenabum pons fluminis Ligeris contingebat.
96 Riquier 2008a, 32.
97 Troubady 2011, 446.
98 Contrairement à Fort-Harrouard, Meunet-Planches et Luant (Indre) possèdent un murus gallicus édifié à LTD, mais leur surface est bien inférieure à celle des oppida bituriges, entre 1 et 4 ha pour ces deux exemples. Ces enceintes ne sont pas des oppida mais plutôt des résidences d’aristocrates qui se font construire un rempart identique à celui des villes laténiennes (Buchsenschutz et al. 2010).
99 Gruel 1995a ; Gruel 1995b ; Gruel & Haselgrove 2006.
100 Bailloud et al. 1965.
101 Cordier 1975.
102 Brabant & Cordier 1972.
103 Frénée, dir. 2008.
104 Lardé, dir. 2013.
105 Lardé, dir. 2013, 67.
106 Demoule, éd. 2007.
107 Lardé, dir. 2013, 106.
108 Cordier 1950.
109 Cordier 1954.
110 Cordier 1975, 607.
111 Cordier 1975.
112 Cordier 1975, 619.
113 D’après Jean-Mary Couderc, page internet sur les toponymes Saint-Martin : http://archive.is/mpnXP
114 Cordier 1972, 32.
115 Cordier 1972, 37.
116 Cordier 1972, 43.
117 Cordier 1972, 78.
118 Salanova et al. 2011, 82.
119 Hamon 1997.
120 Augereau et al. 2007, 172.
121 Selon T. Hamon, communication personnelle.
122 T. Hamon, communication personnelle.
123 Cordier 1972, 67.
124 Frénée, dir. 2008.
125 Frénée et al. 2014, 92.
126 Aubier et al. 2008, 67.
127 Datations radiocarbone (Frénée et al. 2008, 76) : Ly-13245 : 5825 BP ± 75, calibrée 4895-4465 a.C. ; Ly-3918 : 6115 BP ± 35 5207-4944 a.C. ; Ly-3917 : 6045 BP ± 35 = 5039-4842 a.C.
128 Frénée 2008a, 75.
129 Frénée et al. 2014, 96.
130 Frénée & Irribarria 2011, 56.
131 Frénée, dir. 2008, 80.
132 L’ensemble funéraire néolithique a été étudié par E. Sagétat, M. Texier et P. Chambon (in Frénée, dir. 2008, 88-102).
133 Texier 2008a, 98.
134 Chambon 2008, 126.
135 Irribarria 2008, 115.
136 Irribarria 2008, 128.
137 Cordier 1975, 618-619.
138 Cordier 1975, 619.
139 T. Hamon, communication personnelle.
140 Demoule, éd. 2007, 69.
141 Andersen 1997.
142 Demoule, éd. 2007, 84.
143 Lyon-3916 (OxA) qui propose comme date 3185 BP ± 30, l’âge calibré (intervalle à 95% de confiance) est situé entre 1501 et 1412 a.C., la date la plus probable étant 1444 a.C. (Frénée, dir. 2008, 135).
144 Gomez de Soto 1995.
145 Frénée, dir. 2008, 146.
146 Cordier 2009, 73.
147 Frénée, dir. 2008, 147.
148 Baguenier 2008b, 159.
149 Texier 2008b, 160‑161.
150 Frénée 2008b, 162.
151 Baguenier 2008d, 191.
152 Cordier 2009.
153 Cordier 2009, 213.
154 Cordier 1988.
155 Hundt 1988.
156 Cordier et al. 1960.
157 Cordier 1975, 615.
158 Cordier et al. 1974 ; Cordier 1985.
159 Cordier 1972, 88.
160 Cordier 2009, 516.
161 Brabant & Cordier 1972, 86.
162 Cordier 2009, 516.
163 Frénée, dir. 2008, 162.
164 Cordier 1972, 79.
165 Cordier 1972, 92.
166 Cordier 1975, 453.
167 Cordier 1975, 455.
168 Cordier 1975, 459.
169 Cordier 1975, 460.
170 Cordier 2009, 532.
171 Cordier 2009, 538.
172 Maitay et al. 2013.
173 Maitay et al. 2013, 106.
174 Brun & Pion 1992, 125.
175 Cordier 1968, 8.
176 Cordier 1975, 582.
177 Cordier 1975, 583.
178 Cordier 1975, 585.
179 Cordier 1975, 587.
180 Riquet & Brenot 1976.
181 Riquet & Brenot 1976, 260.
182 Cordier 1975, 590.
183 Cordier 1975, 606.
184 Milcent 2014.
185 Milcent 2004, 472 et pl.39, 18.
186 Cordier 1968.
187 “Néanmoins, la présence d’une crémation et de plusieurs défunts dans la même sépulture est originale et ne permet pas d’assimiler la sépulture de Sublaines à une tombe à char hallstattienne classique, c’est-à-dire avec une inhumation individuelle déposée sur le véhicule. Peut-être retrouve-t-on ici les indices d’une mixité culturelle que l’on trouve pour d’autres sites et d’autres époques de la Protohistoire de Touraine ” : Pierre-Yves Milcent, “Sépultures et pratiques funéraires du Premier âge du Fer (800-450 av. J.-C.)”, in : Atlas Archéologique de Touraine, 2012.
188 Buchsenschutz et al. 1994, 84.
189 Feugère 1985, 186.
190 Cordier 1975, 595.
191 Cordier 1975, 611.
192 Cordier 1975, 612.
193 Cordier 1975, 614, fig. 39.
194 Communication personnelle de Laurence Augier.
195 Peu de datations radiocarbone ont été réalisées, à cause de l’absence de charbons. Quatre datations désignent l’âge du Fer (Frénée, dir. 2008, 244) :
- Fosse 2.60 us 153 : Lyon-13617 ; Âge 14C BP : -2340 +/- 35 Âge calibré : de -408 à -382 a.C.
- TP F.6133 : Lyon-3461 (GrA) ; Âge 14C BP : -2455 +/- 35 Âge calibré : de -763 à -405 a.C.
- TP F.11029 : Lyon-3915 (GrA) ; Âge 14C BP : -2375 +/- 35 Âge calibré : de -519 à -391 a.C.
- TP F.2135 : Lyon-3914 (GrA) ; Âge 14C BP : -2410 +/- 35 Âge calibré : de -741 à -398 a.C.
- TP F.2109 : Lyon-3913 (GrA) ; Âge 14C BP : -2345 +/- 35 Âge calibré : de -477 à -384 a.C.
196 Frénée, dir. 2008, 244.
197 Baguenier 2008a.
198 Buchsenschutz & Frénée 2009, 110.
199 Ce type de bâtiment est parfois désigné sous l’appellation peu élégante et peu explicite de “bâtiments à parois rejetées”.
200 Baguenier 2008a, 228.
201 Krausz 1993.
202 Krausz 1993, 96.
203 Baguenier 2008a, 237.
204 Thiery 2008, 266.
205 Thiery 2008, 250.
206 Thiery 2008, 252.
207 Gransar 2002.
208 Thiery 2008, 247.
209 Poupon 2008.
210 Di Napoli 2008.
211 Lusson 2008, 372.
212 Krausz 2000, 222.
213 Delattre 2013.
214 Pradat 2008.
215 Sagetat 2008, 317.
216 Coupes et logs : Frénée, dir. 2008, vol.2, pl. 363 et 364.
217 Riquier 2008b, 320.
218 Lusson 2008, 377.
219 Lusson 2008, 378.
220 Lusson 2008, 375
221 Lusson 2008, 399.
222 Texier 2008c, 336.
223 Lusson 2008, 398.
224 Le rapport ne présente ni description ni dessin de cette canine. On ignore si elle était perforée mais étant donné sa position sur le front du défunt, on peut imaginer qu’elle pouvait être cousue sur une coiffe ou passée dans un lien.
225 Texier 2008c, 338.
226 Texier 2008c, 440‑447.
227 Texier 2008c, 343.
228 Riquier 2008b, 342.
229 Baray 2008.
230 Baray 2003.
231 Baray 2008, 419.
232 Maguer & Lusson 2009.
233 Lusson, dir. 2006a.
234 Lusson, dir. 2006a, 52.
235 Pradat 2006, 50.
236 Lusson, dir. 2006b.
237 Lusson, dir. 2006b, 59.
238 Blanchet 1901.
239 Blanchet 1905.
240 Troubady 2011, 71.
241 Barthélémy 1995, 35.
242 Troubady 2006, 51.
243 Laruaz 2009a, 204.
244 Dubreuil-Chambardel 1909.
245 Krausz 2013b.
246 Cordier 1966.
247 Cordier 1975.
248 Gomez de Soto & Pautreau 2013.
249 Yvard 1995, 551
250 Poitevin 2004
251 Brun & Ruby 2008, 99.
252 Müller et al. 2008.
253 Krausz 2013b.
254 À Levroux, il a été démontré que le murus gallicus avait été construit sur l’oppidum de la Colline des Tours au cours de la dernière phase d’occupation du Village des Arènes (Krausz 2014). Ce point sera développé et argumenté précisément dans la partie suivante de cet ouvrage.
255 Krausz 2013a.
256 Buchsenschutz & Ralston 2012, 360.
257 Laruaz 2009a, 85.
258 Cordier 2002.
259 Le second rempart d’Amboise n’a pas été fouillé, mais il a été coupé par une route en 1978. C’est à cette occasion qu’O. Buchsenschutz et A. Peyrard ont pu faire des observations dans la coupe (Laruaz 2009a, 89).
260 Laruaz 2009a, 196.
261 Laruaz 2009a, 261.
262 Buchsenschutz 1968.
263 Buchsenschutz et al. 1988.
264 Krausz 1995.
265 Krausz 1994.
266 Pour éclaircir mon propos pour les non-Berrichons, je précise qu’il y a en Berry un Boischaut nord et un Boischaut sud ; la commune de Levroux se situe en partie en Boischaut nord. Quant au Boischaut sud, il commence au sud de Châteauroux, englobe Nohant, petit village bucolique rendu célèbre par George Sand (la fameuse “Vallée Noire”) et se prolonge largement jusqu’à Saint-Amand-Montrond, incluant au passage l’oppidum de Châteaumeillant (Cher).
267 La Ringoire correspond en fait au prolongement sud de l’Angolin : il s’agit vraisemblablement d’un autre nom de l’Angolin car celui de Ringoire apparaît sur certaines cartes lorsque la rivière franchit la limite de commune de Déols et jusqu’à la confluence de cette rivière avec l’Indre. J’apporte cette précision car le nom de Ringoire n’apparaît pas sur mes cartes de répartition (pour ne pas les surcharger), mais il faut considérer que Angolin et Ringoire correspondent à la même rivière.
268 Bavouzet et al. 2003, 10.
269 Audoux & Dubant 1989.
270 Communes du canton de Levroux : Baudres, Bouges-le-Château, Bretagne, Brion, Coings, Francillon, Levroux, Moulins/Céphons, Rouvres-les-Bois, Saint-Martin-de-Lamps, Saint-Pierre-de-Lamps, Villegongis, Vineuil.
271 Déols, Liniez, Montierchaume, Châteauroux, Chézelles, Villedieu-sur-Indre, Villers-Les-Ormes, Niherne, Saint-Maur : le choix de ces 10 communes est lié à l’abondance des données dans la base Patriarche.
272 Hamon, dir. 2009, annexe 1.
273 Hamon 1998, 42.
274 Hamon 1998, 44.
275 Hamon, dir. 1995, 168-169.
276 Hamon 1998, 45.
277 Hamon 1998, 39.
278 Buchsenschutz et al. 1979.
279 Hamon, dir. 1995, 175.
280 Hamon, dir. 2000, 24.
281 Hamon, dir. 2000, 213.
282 Munos & Holzem 2013.
283 Munos & Holzem 2013, 102.
284 Froquet-Uzel & Hamon 2013, 174.
285 Martinet 1878.
286 Krausz & Constantin 1995, 6.
287 Krausz 1995.
288 Krausz 1994.
289 Hamon 1997.
290 Andersen 1997.
291 Le Montet st.249 : LY 8224 : 4470 ± 50 : 3353-2942 a.C. ; Le Montet st.247 : LY8225 : 4410 ± 45 : 3327-2911 a.C. ; Le Montet st.345 : LY 8226 : 4395 ± 45 : 3322-2904 a.C. (Salanova et al. 2011, 79).
292 Hamon 1997 ; Salanova et al. 2011, 82.
293 Salanova et al. 2011.
294 Hamon, dir. 2000, 213.
295 Krausz & Constantin 1995.
296 Ralston & Buchsenschutz 1975, 13.
297 GIF 5112 = 3700 ± 70 ans, soit 2284-1881 a.C. ; GIF 5113 = 3720 ± 70 ans soit 2318-1907 a.C. (datations calibrées, in : Hamon 2007, 258).
298 Duval & Buchsenschutz 1979.
299 Buchsenschutz et al. 1988, 155.
300 Ralston 2007.
301 Burnez et al. 1991.
302 Burnez et al. 1995.
303 Burnez & Louboutin 1999, 278.
304 Burnez & Fouéré 1999, 279.
305 Hamon 2007, fig. 9 et 10.
306 Les mobiliers étudiés par T. Hamon proviennent des fouilles réalisées aux Châtelliers entre 1979 et 1998, à L’École et à la Laiterie, successivement par O. Buchsenschutz et A. Duval, A. Villard, J. Despriée et J.-M. Beausoleil.
307 Hamon 2007, 261.
308 Hamon 2007, 258.
309 La découverte date du 12 juillet 1984 et porte le numéro JH1206.
310 Krausz 1987.
311 Krausz & Constantin 1995.
312 Krausz & Hamon 1999.
313 Hamon & Hulin 2011.
314 Hamon, dir. 2009, 119.
315 Hamon et al. 2014, 318.
316 Antran poteau D12 (GIF 9610) : 4150 ± 70 ans, CAL 2888-2500 a.C. ; Antran poteau G12 (GIF 9611) : 4120 ± 55 ans, CAL 2876-2499 a.C. (Pautreau 1994).
317 Fouéré 1998.
318 Ollivier & Pautreau 1994.
319 Je remercie Tony Hamon de m’avoir autorisée à reproduire sa carte inédite des bâtiments de type Antran.
320 Tinévez, éd. 2004.
321 Hamon, dir. 2009, 227.
322 Hamon & Hulin 2011, 448.
323 Rodot 2009, 159.
324 Hamon, dir. 2009, 171.
325 Hamon, dir. 2009, 222.
326 Hamon et al. 2014, 322.
327 Hamon et al. 2014, 333.
328 Rousselet 2009.
329 Hamon et al. 2014, 326.
330 Hamon et al. 2014, 327.
331 Hamon, dir. 2009, 229.
332 Hamon & Hulin 2011, 448.
333 Hamon & Hodara 2005.
334 Hamon & Hodara 2005, 310.
335 Krausz & Hamon 2007.
336 Van der Linden 2007, 78.
337 Par exemple, le site archéologique de Lanoraie près de Montréal au Québec, fouillé en 1970 et occupé entre 1000 et 1500 p.C.
338 Métraux 1982.
339 Staden 1557.
340 Métraux 1928, 47.
341 Métraux 1982, 34.
342 Métraux 1982, 32.
343 Johnson & Earle 2000, 36.
344 Rivière 2013, 113. Dans un système unilinéaire, la parenté, les statuts et les biens sont transmis par une seule ligne, soit par le père (patrilinéaire), soit par la mère (matrilinéaire).
345 La notion de souveraineté est entendue comme le droit exclusif d’exercer l’autorité politique sur une zone géographique, en l’occurrence celle qui constituait le territoire de la communauté des Vaux.
346 Selon la théorie d’Émile Durkheim (1893), l’intégration est une propriété de la société elle-même. Plus les relations internes à la société sont intenses, plus la société est intégrée. L’intégration s’oppose à l’anomie, qui est synonyme de désorganisation sociale, les règles communes qui permettent la cohésion sociale n’étant pas ou plus efficientes.
347 Clastres 2005, 62.
348 Johnson & Earle 2000, 126.
349 Pelegrin 2014.
350 Sahlins 1963.
351 Laburthe-Tolra & Warnier 1993, 121.
352 Godelier 2000.
353 Laburthe-Tolra & Warnier 1993, 123.
354 Clastres 1974.
355 Burnez & Hamon 2010, 183.
356 Burnez & Fouéré 1999, 256.
357 Laporte & Gomez de Soto 2008, 560. Dans son dernier ouvrage, C. Burnez propose de remplacer l’Artenac IIB par l’Artenac III, un Artenac final qui annoncerait ou se confondrait avec le Bronze ancien (Burnez 2010, 73). Cette proposition demeure fragile en l’absence de critères chrono-stratigraphiques solides (Roussot-Laroque 2010, 8). Elle nécessite d’être confirmée par des études complémentaires dans les deux cercles d’expansion de la culture d’Artenac.
358 Léonard & Vimard 2005, 57.
359 Evans-Pritchard 1937, 175.
360 Sahlins 1961.
361 Horton 1971.
362 T. Hamon, communication personnelle.
363 Roussot-Larroque 1984, 139.
364 Mallet 2012, 134.
365 Mallet 2012, 141.
366 Mallet 2012, 143.
367 Hamon 2013, 503.
368 Roussot-Larroque 1984 ; Burnez & Fouéré 1999 ; Laporte & Gomez de Soto 2008.
369 Burnez & Fouéré 1999, 271.
370 Il y a une exception dans le centre de la France : le site du Clos des Gués à Pezou dans le Loir-et-Cher, exploré en fouille programmée par D. Leroy de 2001 à 2004. Il a révélé au moins trois bâtiments sur poteaux dont le plus grand mesure environ 35 m de long pour 7,5 m de large. Le mobilier recueilli permet de situer cette occupation au Néolithique moyen I (groupe de Chambon) (Piana et al. 2009, 8).
371 Tinévez 2005, 317.
372 Burnez & Fouéré 1999, 279.
373 Les maisons appartenant au type Antran sont : Antran, les Vaux, Douchapt, Vouillé.
374 Hamon, dir. 1993, 77.
375 Raudin, dir. 2012, 50.
376 Hamon, dir. 1995.
377 Hamon, dir. 1995, 29, fig. 16.
378 Buchsenschutz et al. 1979, 412.
379 Hamon, dir. 1993, 35.
380 Hamon, dir. 1993, 79.
381 Rossignol 1996.
382 Hamon 1993, 80.
383 Hamon 1993, 81.
384 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 15.
385 Raudin, dir. 2012, 51.
386 Raudin, dir. 2012, 12.
387 Froquet-Uzel 2012, 15 et 23.
388 Joly, dir. 2004.
389 Froquet 2004, 10.
390 Frénée, dir. 2004.
391 Baguenier 2004, 4.
392 Hamon, dir. 1995, 58, fig. 46.
393 Hamon, dir. 1995, 60.
394 Hamon, dir. 1995, 63.
395 Coulon & Holmgren 1992, 60.
396 Munos, dir. 2010, 50.
397 Milcent 2004, 390.
398 Le total est ici de 108 sites entre Levroux et Châteauroux alors que le corpus comprend 98 sites SDA : la différence quantitative est liée au fait que certains sites comprennent plusieurs occupations entre Hallstatt et La Tène. Un même site SDA peut donc être comptabilisé plusieurs fois dans le tableau.
399 Milcent 2004, 524.
400 Froquet-Uzel 2011.
401 de Belvata Balasy 2012.
402 On aurait trouvé dans ce camp deux poignards pressigniens mais aussi des tessons d’amphore (témoignage oral d’un instituteur de Villedieu).
403 Audoux 1992.
404 Hamon, dir. 1993, 88.
405 Buchsenschutz et al. 1979.
406 Milcent 2004, 552.
407 Milcent 2004, 522.
408 Buchsenschutz et al. 1979, 410.
409 Milcent 2004, 522.
410 Toutes les datations sont celles que donne P.-Y. Milcent (2004, p.521) car elles correspondent à la révision la plus récente des mobiliers de Brion.
411 Milcent 2004, 127.
412 Buchsenschutz et al. 1979, 419.
413 Milcent 2004, 125-126.
414 Le groupe nord-ouest de la Champagne est caractérisé par des tertres tumulaires en terre.
415 Coulon & Holmgren 1992, 218.
416 Milcent 2004, 127.
417 Coulon & Holmgren 1992, 115.
418 Milcent 2004, 128.
419 Milcent 2004, 133.
420 Buchsenschutz et al. 2013.
421 Munos, dir. 2010, 124
422 Raudin, dir. 2012.
423 Cherdo, dir. 2012, 84.
424 Querrien 2003, 78.
425 Colin & Buchsenschutz 1984, 198.
426 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
427 Buchsenschutz et al. 1979.
428 Hamon, dir. 1995, 108.
429 Augier 2012, vol. 2, 263.
430 L. Augier, communication personnelle.
431 Munos, dir. 2010, 232.
432 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 15.
433 Champagne & Froquet 2000.
434 Buchsenschutz & Frénée 2009, 116.
435 Cette fouille est divisée en 3 zones : la zone I a livré la batterie de silos, la zone II un habitat gallo-romain, la zone III un habitat de La Tène A.
436 Augier 2012, 283.
437 Pradat 2004, 56.
438 Frénée, dir. 2004, 58.
439 Bouvet et al. 1992. Après le décès accidentel de notre collègue Jacqueline Hascouët, c’est J.-P. Bouvet qui a repris l’étude et rédigé le rapport de fouille de Liniez.
440 Les volumes des silos de Liniez n’ont pas été calculés dans le rapport de 1992 et le site n’a pas été publié.
441 Augier 2012, 263.
442 Buchsenschutz & Frénée 2009, 116.
443 Ferdière & Guiot, éd. 2015.
444 Buchsenschutz & Frénée 2009.
445 Musch 2004, 11.
446 Munos, dir. 2010.
447 Cherdo, dir. 2012, 136.
448 Di Napoli 2012, 86.
449 Cherdo dir. 2012, 98
450 Baguenier, dir. 2011.
451 Baguenier, dir. 2011, 14.
452 Raudin 2011, 146.
453 Pradat 2011, 125-126.
454 Baguenier, dir. 2011, 131.
455 Baguenier, dir. 2011, 148.
456 Baguenier, dir. 2011, 173.
457 Krausz 2013b.
458 Buchsenschutz et al. 1988 ; Buchsenschutz et al. 1993 ; Buchsenschutz et al. 1994 ; Horard-Herbin 1996 ; Buchsenschutz et al. 2000.
459 Buchsenschutz 2007, 236.
460 Firmin 2000, 156.
461 Marinval 2000.
462 Krausz 2000, 222.
463 Buchsenschutz et al. 2000, 170.
464 Buchsenschutz et al. 2000, 179-180.
465 Colin 1998, 103.
466 Pion et al. 1997.
467 Guillaumet 2000, 119.
468 Tournaire et al. 1982.
469 Buchsenschutz et al. 2000, 310.
470 Horard-Herbin 1996.
471 Krausz 2000.
472 Krausz 2013a.
473 Berranger & Fluzin 2009.
474 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
475 Buchsenschutz et al. 1988, 159.
476 Hamon, dir. 2009, 220.
477 Buchsenschutz et al. 1988, 176.
478 Buchsenschutz et al. 1988, 75.
479 Colin & Buchsenschutz 1984.
480 Coulon & Poplin 1974, 40 ; Coulon & Holmgren 1992, 107.
481 Coulon & Poplin 1974.
482 Bouchet 2015, vol. 2, 187.
483 Coulon & Odiot 1980.
484 Coulon & Holmgren 1992, 107.
485 Prospections de surface de Daniel Audoux, communication personnelle.
486 Audoux 1992.
487 de Belvata Balasy 2012.
488 Coulon & Holmgren 1992, 107.
489 Froquet-Uzel 2011.
490 Di Napoli 2011, 96.
491 Hamon, dir. 1995, 78.
492 Hamon, dir. 1995, 111.
493 Landreau 2010. Ce diagnostic n’a pas été suivi de fouilles, il est en attente.
494 Landreau 2010, 42.
495 Buchsenschutz & Frénée 2009, 107.
496 Munos dir. 2010
497 Cherdo, dir. 2012.
498 Pescher & Dumas-Lattaque 2013, 77.
499 Krausz & Buchsenschutz 2008.
500 Blanchet 1905.
501 Buchsenschutz et al. 1988, 97.
502 Les constructions ne sont plus autorisées aujourd’hui, la Colline des Tours est classée en zone non constructible.
503 Buchsenschutz & Ralston 1975, 34.
504 Buchsenschutz & Ralston 1975, 37.
505 Colin 1998, 103.
506 Gruel et al. 2009, 128.
507 Buchsenschutz et al. 1988, 113.
508 Buchsenschutz et al. 1988, 176.
509 Buchsenschutz et al. 1988, 75.
510 Krausz 2014.
511 Ralston 2006, 61 ; Buchsenschutz et al. 2010.
512 Krausz 2007a.
513 Krausz 2015.
514 Krausz & Ralston 2009.
515 Caes. BG., 7,15.
516 Krausz 2014, 203.
517 Buchsenschutz & Ralston 1975, 38.
518 Baguenier 2008c.
519 Baguenier 2008c, 15.
520 Lallemand 2009, 77.
521 Buchsenschutz et al. 1988, 38.
522 Gandini 2008, 314.
523 Adam 1979.
524 Gandini 2008, 198.
525 Laüt 2001.
526 Colin & Buchsenschutz 1984, 198.
527 Villard-Le Tiec 2008.
528 Augier & Krausz 2012.
529 Augier et al. 2012, 192.
530 Augier et al. 2012, 206.
531 Augier et al. 2012, 210.
532 Les vestiges du Hallstatt/La Tène ancienne ne sont pas assez nombreux aux Arènes pour assurer qu’il y a eu continuité de l’occupation jusqu’à LT C.
533 Buchsenschutz & Ralston 2012.
534 Caes., BG., 7.23.
535 Caes., BG., 7.12 ; Krausz 2015 : Neung-sur-Beuvron correspond au Noviodunum des Bituriges attaqué par César juste après le siège de Cenabum. Il se trouvait sur sa route en direction d’Avaricum.
536 Caes., BG., 7.14.
537 Krausz 2014.
538 Krausz & Ralston 2009.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 22. Localisation des trois dossiers étudiés en région Centre Val de Loire : Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (28), Sublaines (37) et Levroux (36). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 109k |
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Titre | Fig. 23. Plan général de Fort-Harrouard et de son environnement immédiat (Philippe 1936, planche I). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 78k |
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Titre | Fig. 24. Photographies de Fort-Harrouard (Philippe 1936). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 254k |
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Titre | Fig. 25. Schéma de Fort-Harrouard : topographie générale et localisation des fouilles archéologiques di XXe s. (DAO S. Krausz). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 41k |
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Titre | Fig. 26. Le tracé du rempart de Fort-Harrouard au Néolithique final et les hypothèses de localisation des portes (DAO S. Krausz). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 36k |
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Titre | Fig. 27. Plan synthétique des structures archéologiques découvertes sur les bordures internes sud et est de Fort-Harrouard (Roussot-Laroque & Villes 1989, 38). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 215k |
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Titre | Fig. 28. Relevés des fouilles de J.-P. Nicolardot sur le rempart nord de Fort-Harrouard. |
Légende | Chantier 5, localisation des fouilles du rempart en 1986 et 1987, Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 21 ; B. Dépôt du Bronze final : poignard et spirales, Nicolardot in Mohen, dir. 1986a, 24 ; C. Dépôt et structures vues en plan, Nicolardot in Mohen, dir. 1986a, 20 ; D. Plan des sondages sur le rempart en 1986 et 1987, Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 20. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 65k |
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Titre | Fig. 29. Fort-Harrouard, coupe dans le chantier 5. Plan interprété d’après Nicolardot in Mohen, dir. 1987, 22. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 29k |
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Titre | Fig. 30. Le territoire de Fort-Harrouard (DAO S. Krausz d’après la carte des sites archéologiques de R. Dodin in Villes, dir. 1985, 84-85). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 97k |
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Titre | Fig. 31. Aperçu des entités culturelles gauloises et de leurs influences (flèches) au sein du territoire carnute au ier s. a.C. sur fond de carte de la division de la cité de la fin du iiie s. p.C. (cartographie : S. Linguer-Riquier, in Linger-Riquier & Troubady 2014, 42). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 98k |
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Titre | Fig. 32. La Champeigne tourangelle (©Copyright CA 37). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 98k |
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Titre | Fig. 33. Sublaines, Le Grand Ormeau. Plan général des ensembles archéologiques (Frénée, dir. 2008). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 59k |
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Titre | Fig. 34. Vestiges néolithiques de Sublaines (Indre-et-Loire), carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 129k |
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Titre | Fig. 35. Dolmen de Villaine, photographie prise en 1894 (Cordier 1972, 34). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 51k |
![]() | |
Titre | Fig. 36. Dolmen de Villaine, relevé des structures et du mobilier (Cordier 1972, 42). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 142k |
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Titre | Fig. 37. Sublaines, Le Grand Ormeau/Le Bois Gaulpied, plans des vestiges archéologiques du Néolithique (DAO E. Frénée). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 49k |
![]() | |
Titre | Fig. 38. Carte de synthèse des vestiges de l’âge du Bronze à Sublaines et dans les environs, carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 125k |
![]() | |
Titre | Fig. 39. Plan des vestiges situés dans la périphérie du dolmen de Villaine à Sublaines d’après Cordier 1985, 248. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 222k |
![]() | |
Titre | Fig. 40. Section et plan de la fouille du petit tumulus de Sublaines (Cordier 2009, 532). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 142k |
![]() | |
Titre | Fig. 41. L’urne décorée du petit tumulus de Sublaines (©Musée d’Archéologie Nationale). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 147k |
![]() | |
Titre | Fig. 42. Plan général de la fouille du grand tumulus de Sublaines (Indre-et-Loire), d’après Cordier 1975, 581. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-21.jpg |
Fichier | image/jpeg, 142k |
![]() | |
Titre | Fig. 43. Les inhumations du grand tumulus de Sublaines (Cordier 1975, 602). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-22.jpg |
Fichier | image/jpeg, 22k |
![]() | |
Titre | Fig. 44. Le sujet n° 5 du grand tumulus de Sublaines. |
Légende | Vue de face avec deux coups d’épée en croix au-dessus de l’orbite droite ; b. Entaille longitudinale recoupée perpendiculairement par une vaste brèche transversale au niveau du vertex ; c. Ouverture de ka région auriculaire par un coup d’épée tranchant (Riquet & Brenot 1976, 257, fig. 6). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-23.jpg |
Fichier | image/jpeg, 30k |
![]() | |
Titre | Fig. 45. Mobiliers recueillis dans les déblais de la fouille ancienne du grand tumulus de Sublaines (Cordier 1975, 589, fig. 20). |
Légende | Fibule en bronze à extrémité vasiforme ; 2. Feuille de bronze avec décor de points au repoussé ; 3. Épingle en fer à tête de cheval ; 3 à 15. Bandes incurvées portant des traces ligneuses côté interne ; clous en fer. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-24.jpg |
Fichier | image/jpeg, 197k |
![]() | |
Titre | Fig. 46. Sublaines, le grand tumulus : mobilier laténien (Cordier 1975, 597, fig. 24). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-25.jpg |
Fichier | image/jpeg, 35k |
![]() | |
Titre | Fig. 47 Sublaines, Le Grand Ormeau : proposition d’organisation spatiale (plan interprété d’après Frénée, dir. 2008, pl. 142). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-26.jpg |
Fichier | image/jpeg, 119k |
![]() | |
Titre | Fig. 48. Plans de bâtiments sur poteaux, Sublaines, Le Grand Ormeau (Buschenchutz & Frénée 2009, 112). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-27.jpg |
Fichier | image/jpeg, 89k |
![]() | |
Titre | Fig. 49. Sublaines, Le Grand Ormeau : la zone d’ensilage de La Tène ancienne (d’après Frénée, dir. 2008, pl. 269) (agrandissement de la zone des silos). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-28.jpg |
Fichier | image/jpeg, 25k |
![]() | |
Titre | Fig. 50. Sublaines, Le Grand Ormeau, phasage de la nécropole de l’âge du Fer (synthèse proposée d’après les datations établies par D. Lusson, S. Riquier et L. Baray in Frénée, dir. 2008). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-29.jpg |
Fichier | image/jpeg, 37k |
![]() | |
Titre | Nécropole laténienne de Sublaines, le Grand Ormeau, synthèse des données sur les tombes et monuments funéraires. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-30.jpg |
Fichier | image/jpeg, 83k |
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Titre | Fig. 51. Bléré, Les Fossés Blancs, plan des vestiges des phases 1 et 2 (d’après Lusson, dir. 2006a, fig. 10 et 24). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-31.jpg |
Fichier | image/jpeg, 97k |
![]() | |
Titre | Fig. 52. Bléré, Les Pentes du Vaugerin, plan des vestiges des phases 1 et 2 (Lusson, dir. 2006b, fig. 9 et 16). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-32.jpg |
Fichier | image/jpeg, 85k |
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Titre | Fig. 53. Sublaines, coupe restituée du puits de Château-Gaillard (Dubreuil-Chambardel 1909-1910, 161-166). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-33.jpg |
Fichier | image/jpeg, 56k |
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Titre | Fig. 54. Canard en bronze de Bellevue (Cordier 1966, 79-80). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-34.jpg |
Fichier | image/jpeg, 49k |
![]() | |
Titre | Fig. 55. Vestiges de l’âge du Fer de Sublaines et de ses environs (Indre-et-Loire), carte augmentée d’après Cordier 1972, 32, fig. 1. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-35.jpg |
Fichier | image/jpeg, 121k |
![]() | |
Titre | Fig. 56. Sublaines et ses environs : mise en séquence de la chronologie des sites du Néolithique ancien à la fin de l’âge du Fer (DAO S. Krausz). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-36.jpg |
Fichier | image/jpeg, 30k |
![]() | |
Titre | Fig. 57. Sublaines et ses environs : carte de synthèse de l’évolution du territoire du Néolithique ancien à l’âge du Fer (DAO S. Krausz). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-37.jpg |
Fichier | image/jpeg, 47k |
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Titre | Fig. 58. Le territoire des Turons et les agglomérations laténiennes (d’après Laruaz 2009a, vol. 2, p. 55). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-38.jpg |
Fichier | image/jpeg, 77k |
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Titre | Fig. 59. L’oppidum d’Amboise (Indre-et-Loire) (Laruaz 2009b, 99). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-39.jpg |
Fichier | image/jpeg, 92k |
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Titre | Fig. 60. Les sites néolithiques entre Levroux et Châteauroux. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-40.jpg |
Fichier | image/jpeg, 93k |
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Titre | Fig. 61. Entre Levroux et Châteauroux, les sites néolithiques par phase. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-41.jpg |
Fichier | image/jpeg, 153k |
![]() | |
Titre | Fig. 62. Les sites du Néolithique récent 2 dans le centre-nord de la France : le groupe du Montet (carte complétée d’après Salanova et al. 2011, 83). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-42.jpg |
Fichier | image/jpeg, 178k |
![]() | |
Titre | Fig. 63. Le camp néolithique des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre), Hamon 2007, 260. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-43.jpg |
Fichier | image/jpeg, 50k |
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Titre | Fig. 64. Architecture du rempart des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre), Buschenschutz et al. 1988, 156. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-44.jpg |
Fichier | image/jpeg, 44k |
![]() | |
Titre | Fig. 65. Le rempart des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons (Indre), les caissons et la couche d’argile brûlée, Bavouzet et al. 2003, 17. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-45.jpg |
Fichier | image/jpeg, 90k |
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Titre | Fig. 66. Les sites néolithiques de Moulins-sur-Céphons : le camp des Châtelliers et l’habitat des Vaux (Krausz & Hamon 2007, 243). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-46.jpg |
Fichier | image/jpeg, 125k |
![]() | |
Titre | Fig. 67. Moulins-sur-Céphons, Les Vaux. Plan général des bâtiments et des palissades (Hamon & Hulin 2011, 440). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-47.jpg |
Fichier | image/jpeg, 50k |
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Titre | Fig. 68. Comparaison des plans de bâtiments de type Antran (Hamon, dir. 2009, 226). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-48.jpg |
Fichier | image/jpeg, 74k |
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Titre | Fig. 69. Les Vaux, bâtiment 1 : répartition des principales activités (Hamon et al. 2014, 318). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-49.jpg |
Fichier | image/jpeg, 85k |
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Titre | Fig. 70. Dates radiocarbone des Vaux (Hamon et al. 2014, 319). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-50.jpg |
Fichier | image/jpeg, 24k |
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Titre | Fig. 72. |
Légende | Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze ancien. B. Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze moyen. C. Entre Levroux et Châteauroux, sites et indices de l’âge du Bronze final. D. L’âge du Bronze selon les types des sites et des indices. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-51.jpg |
Fichier | image/jpeg, 52k |
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Titre | Fig. 73. Brion (Indre), Les Grandes Chapelles (d’après Buchenschutz et al. 1979, 408). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-52.jpg |
Fichier | image/jpeg, 58k |
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Titre | Fig. 74. Sites et indices de l’âge du Fer entre Levroux et Châteauroux. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-53.jpg |
Fichier | image/jpeg, 81k |
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Titre | Fig. 75. Les sites de Hallstatt et de La Tène entre Levroux et Châteauroux. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-54.jpg |
Fichier | image/jpeg, 112k |
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Titre | Fig. 76. Sites attribués au Hallstatt entre Levroux et Châteauroux. |
Légende | A.Les phases du Hallstatt. B. Sites d’habitat et funéraire. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-55.jpg |
Fichier | image/jpeg, 62k |
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Titre | Fig. 77. Fouille du tumulus des Grandes Chapelles à Brion (Indre) (d’après Buchsenschultz et al. 1979). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-56.jpg |
Fichier | image/jpeg, 84k |
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Titre | Fig. 78. Les sites attribués à La Tène entre Levroux et Châteauroux. |
Légende | A.Les phases de La Tène. B. Types de sites. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-57.jpg |
Fichier | image/jpeg, 91k |
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Titre | Fig. 79. Liniez (Indre) Le Grand Jaunet. Plan général des structures (d’après Bouvet 1992 revu par Augier 2012, vol. 2, 265). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-58.jpg |
Fichier | image/jpeg, 46k |
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Titre | Fig. 80. Déols, Les Bapaumes : plan général de l’établissement (d’après Baguenier, dir. 2011). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-59.jpg |
Fichier | image/jpeg, 59k |
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Titre | Fig. 81. Levroux, fouille du terrain Rogier en 1985 (cl. O. Buschsenschutz). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-60.jpg |
Fichier | image/jpeg, 85k |
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Titre | Fig. 82. Levroux (Indre) : l’agglomération des Arènes, emplacement des interventions archéologiques (plan recalé d’après Belvata-Balasy 2011). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-61.jpg |
Fichier | image/jpeg, 98k |
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Titre | Fig. 83.Levroux, Les Arènes : schéma d’extension de l’agglomération de plaine à LTC et D. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-62.jpg |
Fichier | image/jpeg, 51k |
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Titre | Fig. 84. Sites et indices autour de l’agglomération de Villedieu-sur-Indre (Indre). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-63.jpg |
Fichier | image/jpeg, 67k |
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Titre | Fig. 85. L’oppidum de Levroux. |
Légende | A. Plan de la fortification (Buschsenschutz 2008, 48). B. Objets découverts sur l’oppidum (Baron de Bonstetten, Second Supplément au recueil d’Antiquités suisses, Lausanne 1867). C. L’une des deux plaques en bronze de Levroux (cl. O. Buschsenschutz, musée de Châteauroux). D. Personnage au torque, bronze, dessin O. Buschsenschutz, musée d’Issoudun (Krausz & Buschsenschutz 2008, 85). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-64.jpg |
Fichier | image/jpeg, 98k |
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Titre | Fig. 86. Coupe du rempart de Levroux : le murus gallicus et le rempart massif (Buchsenschutz & Ralston 1975, 30). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-65.jpg |
Fichier | image/jpeg, 94k |
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Titre | Fig. 87. Levroux, oppidum de la Colline des Tours : hypothèse d’extension de son territoire. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-66.jpg |
Fichier | image/jpeg, 65k |
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Titre | Fig. 88. Établissements ruraux dans le canton de Levroux (Buschsenschutz et al. 1988, 38). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-67.jpg |
Fichier | image/jpeg, 44k |
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Titre | Fig. 89. Chemins et voies dans le canton de Levroux (Buchsenschutz et al. 1988, 41). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-68.jpg |
Fichier | image/jpeg, 32k |
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Titre | Fig. 90. Schéma du territoire de l’oppidum de Levroux, premier et second cercle d’activités. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-69.jpg |
Fichier | image/jpeg, 78k |
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Titre | Fig. 91. Schéma de l’évolution de l’organisation des territoires entre Levroux et Châteauroux, du Bronze final à La Tène finale. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-70.jpg |
Fichier | image/jpeg, 66k |
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Titre | Fig. 92. Les oppida de la cité des Bituriges, la situation à La Tène D (méthode des polygones de Thiessen). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/15480/img-71.jpg |
Fichier | image/jpeg, 124k |
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