Des premières communautés paysannes à la naissance de l’État dans le Centre de la France : 5000-50 a.C.
|II. La genèse des territoires protohistoriques dans le bassin de la Loire moyenne
Texte intégral
- 1 PATRIARCHE est l’application informatique des services régionaux de l’archéologie qui a remplacé (...)
1La première partie de cet ouvrage est consacrée à un exposé qui se situe dans une vision macroscopique, prenant en compte une vaste zone géographique, le bassin de la Loire moyenne, et la longue durée, du Néolithique ancien à la fin de l’âge du Fer. Il n’est pas question de présenter ici une étude exhaustive de l’évolution de la région dans le détail pendant ces 5000 années d’histoire, ce travail pourrait faire l’objet de plusieurs thèses et dépasse largement le cadre de la démonstration. En revanche, certains sites archéologiques permettent d’entrevoir la formation de territoires dans le temps long, grâce à des occupations quasi continues pendant des durées de 3000 à 5000 ans. Au sein de cette série, plusieurs sites protohistoriques présentent des caractéristiques récurrentes dans la région, bien qu’ils ne correspondent pas à des modèles similaires. Parmi leurs points communs, on remarque que certains grands sites de la fin de la Protohistoire, comme les oppida, succèdent à des occupations bien plus anciennes, déjà importantes avant leur développement à l’âge du Fer. Certaines d’entre elles remontent au Néolithique final, d’autres sont plus anciennes encore, dans le Néolithique moyen, voire même ancien. Pour comprendre comment ces sites s’intègrent sur les plans géographique et chronologique, la première partie de cette étude est consacrée à une analyse spatiale des données archéologiques disponibles sur l’ensemble de la région Centre-Val de Loire, depuis le Néolithique ancien jusqu’à la fin de l’âge du Fer. Il s’agit d’une étude globale pour chaque phase chronologique, qui ne prend en compte que les sites bien caractérisés et bien datés dans la base Patriarche1. Les sites datés de manière approximative, ou ceux dont la chronologie est trop incertaine ont été écartés de cette analyse. L’objectif est de mettre en évidence les grandes tendances du peuplement de la région Centre. Celles-ci pourront donner lieu, par la suite, à d’autres études sur des thèmes et des phases chronologiques plus précises.
Histoire de la recherche sur la Protohistoire en région Centre-Val de Loire
2De par sa position géographique, cette région est souvent considérée comme le point de rencontre de deux grandes entités culturelles : l’Europe continentale nord-alpine et l’Europe atlantique. Au Néolithique ancien, c’est peut-être dans le centre de la France que se sont côtoyés les deux grands courants traditionnels de la néolithisation qui affectent l’ouest de l’Europe à partir de 5500 a.C. Le Centre est une zone de contact possible entre les cultures cardiale et danubienne, un lieu dans lequel les cultures du nord et du sud se seraient découvertes, donnant naissance à de nouveaux groupes culturels. Le manque de données archéologiques a longtemps entretenu l’idée que cette région de contact ne relevait ni de la sphère cardiale, ni de celle du Danubien, et que de ce fait, ce qui se passait dans le Centre au Néolithique ancien était particulièrement confus. Grâce au développement des programmes archéologiques, préventifs et programmés, la multiplication des fouilles et l’apport de données matérielles, la Protohistoire ancienne est de mieux en mieux cernée dans le Centre et révèle désormais des traits culturels qui peuvent être replacés dans un contexte plus large.
3Comme partout en France, la recherche sur la Protohistoire du Centre s’est amplifiée après la Seconde Guerre mondiale, et a été stimulée par des programmes de fouilles initiés dès les années 1960. Les chercheurs ne partaient pas de rien car ils pouvaient s’appuyer sur les solides inventaires entretenus pendant des décennies par les sociétés savantes du Centre. Apparues vers 1850, elles ont été très actives et le sont toujours aujourd’hui. Parmi elles, la Société Archéologique de Touraine (SAT) est la plus ancienne. Fondée en 1840, c’est elle qui accueille le congrès préhistorique de France en août 1910. Des associations similaires sont créées dans le nord de la région, tout aussi dynamiques que la SAT : Société Archéologique d’Eure-et-Loir (1856), Société Archéologique du Loiret (1848). En Berry, la plus ancienne société est l’Académie du Centre (1878) qui s’intéresse au département de l’Indre alors que la Société d’Archéologie et d’Histoire du Berry (SAHB) créée plus tard, en 1964, couvre l’ensemble du Berry, le Cher et l’Indre. La SAHB est née de la fusion de la Société des Antiquaires du Centre (1866-1969) et de la Société historique, littéraire et scientifique du Cher (1866-1969). Toutes ces sociétés sont vivantes aujourd’hui, la plupart d’entre elles animent conférences et colloques, publient leur revue et certaines d’entre elles, des monographies.
- 2 Krausz 2009b.
- 3 Chauvin 2000, 10.
- 4 Mohen & Bailloud 1987.
- 5 Celticum 1962.
- 6 Celticum 1963.
- 7 Cordier 1975.
- 8 Favière et al. 1964.
4Pour les périodes anciennes, les inventaires des sociétés savantes ne distinguent pas les sites néolithiques des sites préhistoriques en général. Cette situation, habituelle dans de nombreuses régions françaises, est due bien évidemment à la difficulté d’identifier les sites d’habitat protohistoriques. Les structures en creux ne seront pas comprises par les savants avant l’apparition des grands décapages dans les années 1970, et ils n’ont pas les clés pour dater des objets situés entre le Paléolithique et l’âge du Fer2. Il faudra attendre le milieu des années 1950 pour qu’une chronologie du Néolithique et l’identification de groupes culturels se dessinent. Aux xixe et xxe s., la recherche se focalise comme partout sur les vestiges qui captent l’attention dans le paysage, remparts, mégalithes et tumulus. Certains sites sont investis très tôt : au Grand-Pressigny, les livres de beurre intriguent les préhistoriens locaux et les grands pontes parisiens dès 1860, puis le site attire le Congrès Archéologique de France qui s’installe à Loches en 18693. À l’autre extrémité de la région, l’abbé Philippe commence des fouilles au début du xxe siècle sur le promontoire de Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (Eure-et-Loir). Il consacrera 50 ans de sa vie à ce site exceptionnel4. C’est à cette époque que sont signalés de nombreux tumulus dans la région de Bourges et du Loir-et-Cher, mais aussi les spectaculaires tertres de Sublaines. On découvre également les oppida gaulois grâce à la collecte de monnaies comme à Levroux ou Amboise. Après une phase de recherches actives des sociétés savantes dans le premier tiers du xxe siècle, la Protohistoire sommeille jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Puis la recherche reprend avec force et vigueur grâce à une nouvelle génération d’amateurs qui relance les sociétés savantes et les associations archéologiques : ce sont G. Cordier en Touraine, l’Abbé Nouel puis J. Debal dans le Loiret, O. Charbonnier dans l’Indre. Dès les années 1950, la recherche se professionnalise avec le Dr J. Allain dans l’Indre à Saint-Marcel (Argentomagus), J. Favière dans la région de Bourges, ou encore É. Hugoniot et J. Gourvest dans le sud du Berry, entre Saint-Amand-Montrond et Châteaumeillant. Dans les années 1960 à 1970, les colloques spécialisés sur la fin de la Protohistoire se succèdent : le colloque Celticum en 1961 à Châteaumeillant5, puis à Bourges l’année suivante6. Dès le milieu des années 1950, les premières fouilles sur des habitats protohistoriques sont organisées : à Amboise en 1954 par A. Högstrom, sur le rempart de Châteaumeillant à partir de 1957, puis celui de Levroux en 1968, à La Groutte à Drevant (Cher) en 1970. Dans cet intervalle, plusieurs tumulus sont explorés, à Sublaines par G. Cordier7et dans région de Bourges par J. Favière8. Au cours de la décennie 1970, le Centre amorce une augmentation sensible du nombre des fouilles (Chartres, Orléans, Levroux, Moulins-sur-Céphons, Amboise) qui s’accentuera davantage à partir des années 1980. Mais dès cette date, ce sont surtout des fouilles de sauvetage qui s’imposent en région Centre, en corrélation avec l’expansion des aménagements en zone urbaine ou périurbaine, souvent des surveillances de travaux assurées par les agents du Service régional de l’archéologie d’Orléans. Le nombre de ces interventions ne cessera d’augmenter tout au long de cette décennie. Ces fouilles concernent les villes d’Orléans, Chartres, Amboise, Châteaudun ou Bourges. D’autres fouilles sont réalisées dans de plus petites communes dont les sites connus sont menacés, comme Abilly (J.-L. Allain en 1980 puis J.-C. Marquet en 1982), Ligueil (A. Villes, 1983), Moulins-sur-Céphons (J. Despriée, 1982), Saumeray et Alluyes (H. Barbé, 1984), Saint-Piat (M. Lauvray, 1982) ou encore Échilleuses (D. Simonin, 1989). À cette époque, les fouilles programmées consacrées aux sites protohistoriques deviennent assez marginales par rapport aux interventions d’urgence, signe que le point de basculement entre les opérations préventives et programmées est atteint vers 1985. Des programmes sont toutefois lancés sur plusieurs sites néolithiques, sans doute les derniers assumés par des archéologues bénévoles : à Abilly par J.-C. Marquet (La Claisière, 1989), à Auneau par J. Dubois (Parc du Château 1989) et sur les dolmens de Changé à Saint-Piat par D. Jagu (1989).
- 9 Willaume 1985.
- 10 Nash 1978.
- 11 Peyrard 1981.
- 12 Buchsenschutz et al. 1988 ; Buchsenschutz et al. 1993 ; Buchsenschutz et al. 1994 ; Buchsenschutz (...)
- 13 Buchsenschutz & Ralston 1981.
- 14 Batardy et al. 2001.
- 15 Gandini & Laüt 2013.
5Parallèlement aux recherches de terrain, la décennie 1980-1990 voit des avancées importantes pour la connaissance de la chronologie et des ensembles de mobiliers de l’âge du Fer. Ce sont les travaux de M. Willaume sur le Premier âge du Fer9 et de D. Nash sur le monnayage du centre de la France10. À cette époque, les fouilles se concentrent sur deux grands sites de la région : Amboise, où A. Peyrard entreprend d’explorer les remparts et l’habitat de l’oppidum11 et Levroux où O. Buchsenschutz et I. Ralston fouillent successivement le rempart de la Colline des Tours puis le village ouvert des Arènes. Ce chantier-école de Paris 1 concentrera l’attention jusqu’en 1993, contribuant à la formation d’une génération de protohistoriens avec le label de l’URA 33 qui deviendra plus tard l’UMR 8546-AOROC du CNRS12. Dès la fin des années 1960, la recherche dans le Berry se distingue nettement de celle des autres secteurs de la région. Sous l’impulsion d’O. Buchsenschutz et de I. Ralston, des inventaires des sites de l’âge du Fer sont dressés, la recherche se focalise alors sur les fortifications et les habitats qui sont bien conservés13. Ce thème de recherche se développera de manière continue au fil des années, incluant à la fin des années 1990 la fouille de plusieurs fortifications du Berry, celles des oppida d’Argentomagus et de Châteaumeillant, puis des résidences aristocratiques comme Meunet-Planches et Luant. Dans cet esprit, la parution de l’Atlas du Berry présente la synthèse des travaux collectifs sur l’approche du territoire biturige entre 500 a.C. et 500 p.C.14 Le second volet de ce projet collectif ouvre les problématiques sur les périodes de l’Antiquité et du Moyen Âge15.
- 16 Rialland & Ferdière 1994 ; Ferdière & Rialland 1994.
- 17 Rialland 1991.
6Au cours des années 1980, les grands aménagements du territoire national vont bouleverser rapidement le paysage et modifier profondément les approches archéologiques. En région Centre, l’évolution a été rapide avec la mise en place d’une véritable politique de prévention des sites sur l’autoroute A71. C’est en effet à la fin des années 1970 que la région Centre connaît la première grande opération préventive nationale sur un tracé autoroutier, celui de l’autoroute A71 reliant Paris à Clermont-Ferrand. Des prospections suivies de fouilles vont se succéder de 1978 à 1989 sous la direction d’A. Ferdière sur un tracé de 65 km. Cette opération préventive est l’une des rares à avoir fait l’objet d’une publication complète, au moins pour la partie exposant la méthodologie et les résultats généraux pour toutes les périodes chronologiques16. Y. Rialland prolongera ces travaux dans un DEA à travers lequel il proposera une synthèse sur les fortifications néolithiques du bassin de la Loire moyenne17.
- 18 Archéologie urbaine 1982.
- 19 Gran-Aymerich & Almagro Gorbea 1991.
- 20 Couvin et al. 2001.
- 21 De Filippo 2007.
- 22 Riquier 2008a, vol. II, 330.
7Dans le même temps, l’archéologie préventive urbaine commence à se développer à Bourges, Tours, Orléans et Chartres, dirigée par des spécialistes de l’Antiquité du Moyen âge. Le point culminant de ces travaux est probablement le colloque international organisé à Tours par H. Galinié en 1980 qui contribua à la prise de conscience de la montée en puissance de l’archéologie préventive18. Les fouilles urbaines réalisées à cette époque n’apportent pas de connaissances notables sur la Protohistoire, sauf à Bourges qui fait exception dans la région à cause du complexe princier hallstattien. En effet, c’est au début des années 1980 que des vestiges de l’âge du Fer sont identifiés sous les niveaux gallo-romains sur le promontoire de Bourges19. Ce n’est que dans la décennie qui vient de s’écouler que d’autres villes de la région Centre ont révélé des sites protohistoriques, en milieu urbain ou périurbain. Des niveaux gaulois ont été mis au jour à la Charpenterie à Orléans20, à l’hôpital Clocheville de Tours21 et à Blois22. Les fouilles préventives n’atteignant pas systématiquement le substrat au cours des fouilles urbaines, on ignore si des niveaux plus anciens, de l’âge du Bronze ou du Néolithique pourraient être conservés dans les villes de la région Centre, comme c’est le cas à Paris où les fonds de fouille ont parfois dépassé les 10 m comme au Carrousel ou dans la Cour Napoléon du Louvre. La question de la présence de sites protohistoriques dans les centres urbains des villes reste posée et elle est tributaire de la profondeur des aménagements qui donnent lieu aux fouilles préventives.
- 23 Buchsenschutz et al. 2009.
- 24 Dupont 2012.
- 25 Liégard & Fourvel 2004.
- 26 Luberne 2005.
8Depuis que le nombre des opérations préventives s’est multiplié dans les villes de la région Centre, les fouilles programmées ont proportionnellement diminué jusqu’à disparaître presque totalement. L’archéologie urbaine est aujourd’hui presque exclusivement préventive, alors qu’elle était programmée à Chartres, Orléans et Tours il y a encore une quinzaine d’années. La découverte de vestiges protohistoriques en milieu urbain est totalement liée à ce paradoxe et n’a que peu avancé depuis que l’archéologie préventive règne en ville, en particulier pour les périodes les plus anciennes. Cette question a été l’un des thèmes du colloque AFEAF de Bourges en 2008, rencontre centrée sur l’âge du Fer23, mais elle peut être posée pour l’ensemble de la Protohistoire, récente et ancienne. La situation est différente, voire inversée, dans les zones périurbaines des villes du Centre. En effet, depuis les années 2000, les aménagements publics et privés ainsi que les ZAC qui s’étendent autour de ces villes ont conduit le Service régional de l’archéologie à prescrire un grand nombre de diagnostics et de fouilles. Dans ces zones périurbaines, là où les méthodes de fouilles s’apparentent davantage aux grands décapages des zones rurales, les sites les plus anciens sont mieux appréhendés, potentiellement mieux conservés et plus accessibles aux archéologues. Des sites néolithiques apparaissent désormais relativement nombreux dans la périphérie de Chartres mais des vestiges sont aussi connus en ville24. Sur la commune de Chartres, ils témoignent du peuplement de la vallée de l’Eure dès le Néolithique ancien, au cours d’une phase ancienne du Villeneuve-Saint-Germain. À Orléans, les fouilles urbaines et périurbaines n’ont pas permis à ce jour de mettre en évidence de solides occupations néolithiques, mais cette période est signalée dans un rapport de diagnostic rue du Faubourg Bannier25. On constate la même situation à Bourges, où des vestiges néolithiques ont été observés rue Louis Mallet26.
- 27 Krausz éd. 2003 ; Ferdière & Guiot éd. 2015.
- 28 Ferdière, éd. 2015.
9L’explosion de l’archéologie préventive en région Centre se produit, comme partout ailleurs, dès la fin des années 1980. Plusieurs autoroutes sont alors aménagées, A71, A77, A20 puis A85, A28 enfin A19, chacune apportant son lot de nouveautés27. La connaissance du peuplement de la région Centre s’est accrue de manière extraordinaire, grâce à la multiplication des opérations archéologiques, mais l’étude des données et les synthèses restent à faire. Pour les périodes anciennes, l’augmentation des fouilles a permis d’aborder la question des attributions culturelles, en particulier pour le Néolithique de la région Centre, question qui ne parvenait pas à trouver de réponse fiable à travers les fouilles programmées antérieures aux années 1980. Pour les âges des métaux, c’est surtout l’image du monde rural de l’âge du Fer qui a été renouvelée grâce à la découverte de dizaines de fermes en marge des oppida. Les grands aménagements ont en effet permis d’échantillonner d’importantes surfaces et les fouilles préventives ont révélé les sites ruraux auxquels l’archéologie programmée n’avait que peu touché, quelques-uns étant parfois connus par la photographie aérienne28. Mais il ne faut pas se leurrer : la répartition qui se dessine pour ces établissements ruraux est liée à celle des autoroutes, désignant surtout les tracés de l’A85 entre Sologne et Touraine, et de l’A19 au nord d’Orléans. La connaissance des établissements ruraux du Berry reste très médiocre par rapport à d’autres secteurs de la région Centre. C’est sans doute parce que son développement économique est relativement faible et que l’archéologie préventive l’a moins touchée que d’autres zones bien plus actives de la région.
- 29 Burnouf et al. 2002.
10En région Centre, la recherche universitaire a également bénéficié de la dynamique insufflée par l’archéologie préventive. Par exemple, le programme Zone Atelier Bassin Versant de la Loire s’est développé à partir de 1999, associant plusieurs universités de l’ouest de la France, il existe toujours aujourd’hui. Il fédère depuis cette date de nombreux partenaires institutionnels qui observent le bassin versant de la Loire à travers une approche multi- et interdisciplinaire qui associe les Sciences de la Vie, les Sciences Humaines et de la Société ainsi que les Sciences de la Terre29.
11Aujourd’hui, la recherche programmée en région Centre se poursuit sur des sites fondamentaux, en partie ceux qui ont été abordés dès les années 1970 : pour le Néolithique, elle se concentre dans le Val de Loire autour de Muides avec R. Irribarria, dans le nord-ouest de la région à Auneau à travers les recherches de C. Verjux et J. Dubois et à Moulins-sur-Céphons, avec les fouilles de T. Hamon. Quant au Grand-Pressigny, la recherche peine à trouver son rythme depuis plusieurs années malgré la renommée internationale du site et la construction d’un nouveau musée. Alors qu’aucun programme ne concerne l’âge du Bronze en région Centre, la recherche programmée sur l’âge du Fer reste active mais centrée sur les oppida depuis la fouille pionnière de Levroux en 1968. Les grands aménagements ont peu touché ces sites qui pour la plupart sont protégés en zone non constructible comme la Colline des Tours à Levroux, ou en réserve archéologique communale comme à Châteaumeillant. Aujourd’hui dans le centre de la France, seuls deux oppida sont explorés à travers des programmes archéologiques de longue durée, Châteaumeillant (Cher) et Amboise (Indre-et-Loire).
12En région Centre comme ailleurs en France, l’archéologie protohistorique peine à trouver son rythme, car la recherche est désormais en partie dépendante de l’archéologie préventive et des investissements qu’elle occasionne pour les collectivités territoriales et l’État. Des programmes de recherche et des PCR ont été initiés par les UMR, subventionnés par les collectivités locales et fortement soutenus par la DRAC du Centre. Mais les grandes fouilles ambitieuses sont de moins en nombreuses et leur avancement est tributaire de la disponibilité d’étudiants en thèse et de moyens financiers de plus en plus difficiles à trouver. Ces programmes débouchent toutefois sur des colloques et parviennent jusqu’à la publication à moyen et long terme. Parallèlement, les opérations préventives, diagnostics et fouilles, se comptent par centaines chaque année dans la région. Peu d’entre elles aboutissent à la publication, qu’elle soit monographique ou de synthèse… c’est sans doute, à notre époque, le paradoxe le plus accablant de l’archéologie nationale.
L’évolution du peuplement de la région Centre-Val de Loire du Néolithique à l’âge du Fer
Méthodologie
13Cette partie aborde les modalités du peuplement dans l’ensemble de la région Centre- Val de Loire sur une période de cinq millénaires. L’objectif de cette étude est de mettre en évidence les principales tendances des occupations dans la longue durée, régularités, continuités et ruptures à l’échelle régionale. La méthode est une analyse spatiale qui permet de proposer une série d’hypothèses et de modèles pour expliquer la genèse de la formation des territoires.
- 30 Les données traitées ici ont été extraites de la base Patriarche par le Service régional de l’arc (...)
14Cette étude s’appuie sur les données enregistrées dans la base Patriarche du Ministère de la Culture30. Toutes les données concernant les périodes du Néolithique, de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer ont été extraites de Patriarche. L’approche archéologique est à la fois statistique (quantités de sites et types de sites) et chronologique. Dans la base Patriarche, la chronologie est traitée de manière globale, les sites étant classés par phases conformément aux normes nationales : Néolithique ancien, moyen, récent et final ; âge du Bronze ancien, moyen et final ; âge du Fer 1 et âge du Fer 2. Dans l’état actuel, Patriarche ne permet pas d’aborder la chronologie de manière plus fine. Si on souhaite aller plus loin, il faut reprendre les données disponibles pour chaque site ponctuel et dépouiller les rapports d’opérations conservés au service régional de l’archéologie. L’étude présentée ici est établie globalement pour chacune des trois grandes périodes chronologiques prises en compte dans Patriarche. Elle s’appuie d’abord sur une série de statistiques générales, puis sur des projections cartographiques obtenues grâce au logiciel ArcView/Arcmap.
15Le corpus comprend deux types de données :
-
- 31 SDA : sous-direction de l’archéologie (Direction des Patrimoines, Ministère de la culture).
une extraction de la base Patriarche contenant tous les indices et sites enregistrés pour les périodes du Néolithique, de l’âge du Bonze et de l’âge du Fer. Ils sont désignés par un numéro SDA31 : numéro du département, suivi du numéro INSEE de la commune, et du numéro d’inventaire Patriarche. Les sites/indices sont enregistrés en tant qu’Entités Archéologiques (EA) qui composent les sites SDA.
-
Le corpus des sites protohistoriques de la région Centre contient 14 078 EA. Une EA n’est pas équivalente à un site, mais plusieurs EA peuvent appartenir à un même site, dans un même lieu. Les EA peuvent correspondre à différents types de vestiges enregistrés sur un même site pendant plusieurs années. Par exemple un menhir est une EA, et 2 menhirs portant 2 numéros d’EA différents peuvent appartenir à un seul numéro SDA. Un site peut comporter par exemple 10 EA correspondant chacune à une phase, une ou plusieurs couches d’occupation, concentrations ou objets isolés appartenant à un site SDA. Le tableau ci-dessous montre la différence entre le nombre des EA et celui des sites SDA.
Période |
EA |
Sites SDA |
Néolithique |
5052 |
3775 |
Âge du Bronze |
3338 |
1769 |
Âge du Fer |
5688 |
2436 |
TOTAL |
14 078 |
7980 |
- 32 Ce fichier constitue l’état de la documentation du SRA du Centre le 2 octobre 2013. Je remercie P (...)
16Le corpus comprend également un fichier contenant l’inventaire de tous les rapports d’opérations archéologiques enregistrés dans Patriarche pour les trois phases de la Protohistoire (archéologie préventive et programmée, PCR, prospections, sondages…)32. Le nombre d’opérations s’élève à 1622 concernant la Protohistoire : la plus ancienne date de 1930, la plus récente de 2013.
17Les analyses spatiales sont réalisées à partir du Système d’Information Géographique ArcView 9. Elles sont fondées sur la cartographie de chaque période chronologique, avec dans certains cas, lorsque cela est possible, des déclinaisons par phase.
Le peuplement de la région Centre au Néolithique
18La base Patriarche comprend 5052 EA décrivant des vestiges du Néolithique en région Centre. Ces EA peuvent correspondre à un objet ou une structure isolée, un ensemble de structures, une découverte ancienne, un mégalithe existant ou disparu ou un site entier. Dans cette base sont sélectionnés les sites portant un numéro SDA (n=3775) de manière à pouvoir établir des statistiques sur les types de vestiges en éliminant les doublons d’EA.
Sites du Néolithique en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Néolithique ancien |
95 |
2,52 |
Néolithique moyen |
149 |
3,95 |
Néolithique récent |
84 |
2,23 |
Néolithique final |
455 |
12,05 |
Néolithique indéterminé |
2587 |
68,53 |
Mégalithes |
405 |
10,73 |
TOTAL |
3775 |
100 |
19La plupart des sites et indices du Néolithique ne peuvent pas être attribués à une phase chronologique précise (plus de 68 %). Parmi les sites datés plus précisément, on peut observer une augmentation progressive du nombre de gisements tout au long de la période : de 95 sites au Néolithique ancien ont passera à 455 au Néolithique final. Le Néolithique récent est la phase la moins bien cernée, un phénomène général observé dans l’ensemble du Bassin parisien.
- 33 Krausz, éd. 2003.
20La carte des 5052 EA (fig. 6) montre que les vestiges néolithiques sont répartis de manière assez inégale dans la région. Particulièrement nombreux au nord de la Loire et dans toute la moitié ouest, la Sologne représente à l’inverse une zone quasiment vide. Ce résultat pourrait être lié à l’histoire de la recherche et aux difficultés de la détection archéologique en Sologne. Cependant, les prospections mécaniques et les fouilles sur le tracé de l’A85 qui traverse cette région naturelle (section M1 entre Vierzon et Villefranche-sur-Cher) ont montré que cette zone n’était pas très riche sur le plan archéologique, quelles que soient les périodes33. Cette partie de la Sologne est une région sableuse, humide et plate, avec un potentiel agricole très faible. Si la vallée de la Sauldre est fréquentée au Néolithique, la carte montre que sa colonisation n’a pas été soutenue, ce qui n’est sans doute pas très éloigné de la réalité et lié aux contraintes naturelles, géologiques et climatiques, évoquées plus haut. Dans le Berry, des sites néolithiques sont présents dans la partie sud-ouest, mais ils sont très peu nombreux dans le sud et au nord de Bourges.
Fig. 6. Le Néolithique en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). Sites du Néolithique, toutes phases, n=5052 EA.

- 34 Creusillet 2015, 31.
21Le Néolithique est globalement bien représenté dans toute la moitié ouest de la région Centre, du nord au sud. La carte montre plusieurs concentrations très denses correspondant à des indices de sites qui s’étendent du début à la fin de la période. Ces concentrations majeures s’attachent en premier lieu à la région du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) qui est sans conteste celle qui rassemble le plus grand nombre de sites néolithiques. Ce ne sont pas les données de l’archéologie préventive qui se sont accumulées dans ce secteur, mais plutôt celles des programmes de prospection et de fouilles réalisées depuis plusieurs décennies autour de ce pôle préhistorique majeur de la région. Les autres concentrations correspondent aux régions de Tours, Chartres et Blois et s’expliquent par de nombreuses prospections (par exemple G. Cordier dans le secteur de Tours), d’opérations programmées (R. Irribarria autour de Blois) ou de recherches préventives et programmées (Chartres). Enfin sur cette carte, les linéaires autoroutiers se dessinent : au nord-est de la région Centre, on peut isoler le tracé de l’A19 qui a livré 13 sites néolithiques dans le Loiret34. Le tracé de l’A85 est perceptible dans sa partie ouest. En effet, à l’endroit où il quittait la Sologne pour se diriger vers l’ouest, le tracé de cette autoroute a livré un nombre conséquent de sites archéologiques, dont une série de gisements néolithiques, entre Saint-Romain-sur-Cher et l’extrémité ouest de la région Centre, à Bourgueil.
Le Néolithique ancien
- 35 Demoule, éd. 2007, 56.
- 36 Simonin 1996.
- 37 Creusillet 2015, 31.
22La région Centre compte 95 sites qui comprennent une occupation du Néolithique ancien (environ 5000-4500 a.C.). La carte montre que leur répartition se concentre nettement dans la moitié nord de la région (fig. 7-A). Une grande partie de ces sites suit le cours de la Loire et celui des vallées adjacentes les plus proches du fleuve. Cette dispersion révèle la colonisation de la vallée de la Loire qui constitue un axe prioritaire au Néolithique ancien. Sont déjà investies les vallées du Cher et de l’Indre, de l’Eure et du Loir, la confluence de la Vienne et de la Creuse. La répartition montre toutefois que s’ils sont proches des vallées, tous les gisements ne sont pas installés sur les terrasses, au plus près des rivières. Certains occupent en effet les plateaux et les plaines du Blésois et de la Beauce, preuve que les premières communautés paysannes ne convoitent pas seulement les vallées, spécialité des Rubanés du Bassin parisien. Ce phénomène de colonisation et de défrichement des plateaux et des plaines est observable en région Centre, mais aussi dans les autres grandes vallées du Bassin parisien, Aisne, Oise, Seine et Marne35. Au nord de la région, on décèle deux concentrations d’indices : la première concerne nettement la vallée de l’Eure autour de Chartres et d’Auneau. La seconde s’étend entre les vallées du Loing, de l’Essonne inférieure et de la Loire, dans le Gâtinais beauceron. Le site le mieux connu au sein de ce groupe est Échilleuses (Loiret), un village de rebord de plateau daté de la phase finale du VSG. Fouillé par D. Simonin dans les années 1970 et 80, c’est l’un des gisements qui documente le mieux le VSG de la région Centre36. Échilleuses appartient à un ensemble de sites qui témoignent de la pénétration des communautés du Néolithique ancien dans les terres à défricher, ici dans la haute Beauce, dès le début de la période. Selon J.-P. Demoule, le groupe VSG illustre l’expansion vers l’ouest des colons danubiens. Se dirigeant vers l’Atlantique, ils atteindront la Bretagne et la Normandie. Le bassin de la Loire a probablement servi de couloir privilégié pour l’expansion des VSG entre le Bassin parisien et l’océan. Quant aux deux départements du Berry, l’Indre et le Cher, ils semblent peu concernés par cette colonisation, tout comme la Sologne et la vallée de la Sauldre qui n’est pas investie. À partir de cette carte, on peut assurément attribuer la concentration de sites néolithiques du Loir-et-Cher aux recherches actives de Roland Irribarria. De même, la conjonction d’indices en Beauce peut être reliée aux travaux de prospection récents au nord d’Orléans et aux fouilles de préventives de l’autoroute A1937 (sites n° 7, 43, 45,63 et 83). Enfin, le nombre relativement faible d’opérations préventives dans le Berry pourrait expliquer l’absence de données dans cette zone du Centre. Nous verrons pourtant que les autres phases de la Protohistoire y sont bien, voire très bien représentées, grâce à toutes sortes de travaux archéologiques (prospections, fouilles préventives et programmées) et que c’est n’est peut-être pas un biais de la recherche archéologique qui doit être avancé dans ce cas mais un vrai vide pour ce secteur. Ce point reste à démontrer, mais le Berry pourrait avoir été réellement désert au Néolithique ancien.
Fig. 7. Le Néolithique ancien en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique ancien, n=95 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique ancien.

- 38 Demoule éd. 2007, 92.
- 39 Manolakakis & Quatrehomme 1991.
- 40 Lardé, dir. 2013.
- 41 Villes 2007.
23Alors que les débats de spécialistes ont été vifs par le passé, il semble admis aujourd’hui que la région Centre est principalement concernée par la culture de Villeneuve-Saint-Germain38. Mais il reste encore impossible de démontrer que cette culture est présente et homogène d’un bout à l’autre de la région. Les découvertes récentes confirment que le Centre est occupé par des groupes porteurs de la culture VSG, en particulier en Beauce39 et dans la vallée moyenne de la Loire. Certains auteurs avancent des hypothèses diffusionnistes qui suggèrent une expansion du VSG succédant au Rubané Récent du Bassin Parisien (RRBP). Les groupes VSG, originaires de la zone RRBP, auraient pénétré le Centre par les vallées du nord et de l’est. Dans les autres secteurs de la région, au sud et à l’ouest, la définition des groupes culturels reste confuse, faute de données en nombre suffisant. En 2012, la découverte d’un village danubien à Sublaines permet toutefois d’assurer que le VSG est présent dans la partie centrale de la Touraine, et assurément dès sa phase ancienne40. Mais jusqu’où les communautés VSG se sont-elles aventurées vers le sud ? La discussion sur les groupes culturels du Néolithique ancien est loin d’être aboutie en région Centre, car il faut aussi compter avec les influences méditerranéennes et cardiales. En effet, dans le Néolithique ancien du sud de la Touraine, Alain Villes a mis en évidence des éléments d’affinité cardiale à Ligueil en Indre-et-Loire41. Il est probable que les communautés du Néolithique ancien occupant le sud-ouest de la région (Touraine) se trouvaient à la jonction de deux sphères d’influence, du VSG et du Néolithique ancien Centre-Atlantique (NACA). Quant au Berry, même si quelques éléments apparaissent ici ou là (quelques tessons VSG probables dans la vallée de l’Indre), aucun site d’habitat n’a été fouillé pour cette période et il est n’est pas encore possible de caractériser un Néolithique ancien précisément.
24La carte de répartition des vestiges du Néolithique ancien en région Centre désigne deux zones de concentration que l’on peut interpréter sur le plan des cultures :
-
la concentration principale concerne la zone située au nord de la Loire et dans sa vallée, selon un gradient d’intensité qui va en diminuant, du nord-est vers le sud-ouest.
-
La seconde concentration montre un petit secteur dans le sud-ouest de la région, entre les vallées du Cher et de la Vienne. La densité paraît moins forte que dans le groupe situé plus au nord.
25La première pourrait révéler la diffusion de la culture VSG pénétrant en région Centre par les vallées du nord et de l’est, puis colonisant progressivement la vallée de la Loire, les plaines et les plateaux les plus proches du fleuve. Les communautés du Centre auraient ainsi participé largement à l’expansion du VSG. Le second groupe de sites correspondrait à des occupations néolithiques établies au sud-ouest de la Loire, plus distendues sur le plan spatial. La plupart se situent encore dans la sphère VSG, mais certaines sont peut-être aussi sous influence Centre-Atlantique.
26Les 95 gisements sélectionnés pour le Néolithique ancien peuvent être classés selon les types de vestiges rencontrés, ce qui permet de dresser une cartographie des catégories de sites (fig. 7-B).
Types sites du Néolithique ancien |
% |
|
Atelier taille |
2 |
2,11 |
Enceinte |
3 |
3,16 |
Funéraire |
3 |
3,16 |
Habitat |
47 |
49,47 |
Indéterminés |
40 |
42,11 |
TOTAL |
95 |
100 |
- 42 Masset 1968.
- 43 Richard & Simonin 1999.
- 44 Verjux 1999, 100.
- 45 Hamon 1999, 18-19.
27Les indices sont rassemblés en cinq classes qui représentent les grandes catégories de sites, opposant principalement habitats/nécropoles. Sans surprise, près de la moitié des indices appartient à des habitats du Néolithique ancien (n=47 soit 49,47 %). Les indices funéraires sont particulièrement rares et incertains pour cette période : seulement trois sépultures sont signalées (3,16 %), l’une à Neuvy-en-Dunois (Eure-et-Loir, Moulin de Perrières/La Ligaudry), l’autre à Malesherbes (Loiret, Les Marsaules), la dernière à Thenay (Loir-et-Cher). La première est une découverte ancienne, observée dans une carrière au cours des années 1960. Interprétée comme une incinération du Néolithique ancien, sa datation est très incertaine42. La seconde est également datée du Néolithique ancien dans la base Patriarche, mais les sépultures sous dalles de type Malesherbes sont généralement attribuées du début du Cerny par exemple celles de la nécropole d’Orville (Loiret) qui est calée entre 4600 et 4400 a.C.43. Il peut s’agir de l’extrême fin du VSG… ou d’une erreur de classement dans la base, la sépulture des Marsaules devrait plutôt se trouver dans le Néolithique moyen. La troisième, la sépulture de Thenay, est considérée par C. Verjux comme “la seule tombe attribuable au Néolithique ancien” en région Centre44. Elle contenait l’inhumation d’un individu allongé sur le dos (?), accompagné de débitage lithique, d’une hache polie et de tessons VSG. Les sites de taille ne sont pas très nombreux non plus, de même pour les enceintes dont on ne connaît que trois exemples, soit 3,16 % de l’ensemble. Deux d’entre elles sont situées en Indre-et-Loire, l’une à Sublaines, l’autre à Ports à la confluence de la Vienne. La dernière est celle de Villeromain (Loir-et-Cher) qui a livré du mobilier VSG45. La catégorie “indéterminés” (40 sites enregistrés soit 42,11 %) regroupe des objets ou découvertes isolés, ainsi que des indices de sites mentionnés sous le terme “occupation” qu’il est impossible de classer dans une catégorie précise.
- 46 Frénée, dir. 2008, 75.
28La carte de répartition des sites par catégorie montre que les habitats identifiés sont presque tous localisés au nord et à l’est de la vallée de Loire, avec deux concentrations dans le nord de la région Centre : l’une dans le secteur de Chartres, l’autre en Gâtinais beauceron (secteur d’Échilleuses). On remarquera que l’une des deux enceintes est installée à la confluence de la Vienne et de la Creuse, l’autre est localisée sur le plateau entre l’Indre et le Cher : celle-ci correspond au site de Sublaines fouillé par É. Frénée en 2005 et couvrirait tout le Néolithique moyen. Elle figure toutefois dans la base Patriarche pour le Néolithique ancien car les datations radiocarbone réalisées sur de petits charbons recueillis dans les trous de poteau désignent toutes la fin de cette phase46. Les fouilleurs n’ont pas pu trancher sur l’hypothèse de la construction de cette enceinte dès la fin du Néolithique ancien ou sur un problème lié aux charbons prélevés pour les datations isotopiques (voire un effet vieux-bois ?).
Le Néolithique moyen
29Cette période est étudiée ici dans l’ensemble de sa durée (4500-3500 a.C.) car la base Patriarche ne distingue pas les sites attribués au Néolithique moyen 1 et 2. L’analyse spatiale de ces sites est présentée en deux parties : la première exclue les mégalithes (identifiés dans la base comme dolmens et menhirs), la seconde étudie spécifiquement leur répartition. Ces sites ont été séparés parce qu’ils sont susceptibles de perturber l’analyse des gisements bien datés et identifiés. En effet, ils sont très nombreux en région Centre et rarement datés avec précision : si certains ont assurément été construits au Néolithique moyen, nombre d’entre eux ont été utilisés au Néolithique récent et jusqu’au Néolithique final. Aussi, les deux types majeurs de mégalithes, dolmens et menhirs, sont souvent associés, mais ils n’ont ni la même fonction ni la même chronologie. Les mégalithes sont donc traités à part, mais il sera possible de confronter leur répartition à celle des sites du Néolithique moyen.
Analyse spatiale des sites du Néolithique moyen
30Au Néolithique moyen, le nombre de sites augmente de manière considérable, passant de 95 à 149 gisements numérotés, bien datés de cette période. Sur le plan spatial, l’image générale du peuplement amorcé au Néolithique ancien ne se modifie pas fondamentalement et la vallée de la Loire reste la zone la plus fortement occupée, en particulier entre Blois et Saint-Benoît-sur-Loire (fig. 8-A). L’occupation des vallées adjacentes se confirme et devient plus dense, notamment dans les vallées secondaires du sud-ouest de la région : la vallée du Cher montre un semis d’occupations régulièrement espacées entre Tours et Châtres-sur-Cher (Loir-et-Cher), ce dernier site paraissant constituer une limite est de l’expansion du peuplement. Puis au sud de Châtres-sur-Cher, cette vallée semble déserte jusqu’à atteindre un groupe d’enceintes : Chavannes, Bruères-Allichamps et La Groutte (Cher). Plus à l’ouest, la vallée de la Creuse révèle elle aussi une répartition régulière de sites sur un petit tronçon situé entre la confluence Vienne/Creuse, de Pussigny (Indre-et-Loire) à Néons-sur-Creuse (Indre), ce dernier site étant localisé tout près de la confluence entre la Creuse et la Gartempe. L’ensemble des gisements du Néolithique moyen de la vallée de la Creuse s’étend donc entre deux confluences et c’est au sein de ce groupe que se trouve le site éponyme de Chambon. La vallée de l’Indre semble peu concernée, avec seulement trois sites mal déterminés (Sorigny et Perrusson, Indre-et-Loire). Isolé entre la vallée de l’Indre et celle de la Vienne, le site de Ligueil existait déjà au Néolithique ancien et se poursuit au Néolithique moyen. Celui de Moulins-sur-Céphons (Indre) est solitaire lui aussi, loin des grandes vallées et des autres sites. Au nord de la Loire, on observe une concentration de gisements à proximité de Tours, entre Chanceaux-sur-Choisille et Neuvy-le-Roi (Indre-et-Loire). Cet ensemble existait déjà au Néolithique ancien et il s’est densifié au Néolithique moyen. En revanche, la colonisation de la vallée du Loir semble vraiment nouvelle, peu de sites y étaient installés pendant la phase précédente. Au Néolithique moyen, des groupes s’établissent à intervalle régulier dans cette vallée, le point le plus au sud étant Villerable (Loir-et-Cher) et le plus au nord Le Thieulin (Eure-et-Loir), non loin de la source de la rivière. On notera que le site de Saumeray apparaît dans la vallée du Loir au cours du Néolithique moyen, il n’existait pas auparavant. Plusieurs sites s’égrènent le long de la vallée de l’Eure, mais il n’y a pas de changement majeur par rapport à la période précédente. C’est aussi au Néolithique moyen qu’apparaît le site de Fort-Harrouard à Sorel-Moussel, dominant la vallée de l’Eure, le point le plus au nord sur la carte. Dans la plaine beauceronne, au nord de la région, les deux groupes de sites installés au Néolithique ancien se confirment et se sont densifiés.
Fig. 8. Le Néolithique moyen en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique moyen, n=149 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique moyen.

31D’une manière générale, l’augmentation conséquente du nombre des sites entre le Néolithique ancien et moyen révèle un développement démographique majeur qui a pu se déployer sur un millénaire (4500-3500 a.C.). Sur le plan spatial et régional, cette augmentation démographique se traduit par une densification du peuplement :
-
d’une part dans les secteurs déjà investis au Néolithique ancien, dans la vallée de la Loire entre Blois et Orléans, en Beauce et en Gâtinais,
-
d’autre part avec la conquête de nouveaux territoires : les vallées du Cher, de la Creuse et du Loir.
32Les 149 sites attribués au Néolithique moyen peuvent être répartis en 6 catégories.
Types de sites du Néolithique moyen |
% |
|
Amas de débitage |
4 |
2,68 |
Atelier de taille |
6 |
4,03 |
Enceinte |
10 |
6,71 |
Funéraire |
7 |
4,70 |
Habitat |
67 |
44,97 |
Indéterminée |
55 |
36,91 |
TOTAL |
149 |
100 |
- 47 Verjux 1999, 100‑101.
- 48 Rialland 1991.
- 49 Hugoniot et al. 1980 ; Rialland 1991, 8.
- 50 Rialland & Hamon 1999, 17.
33Comme pour la période précédente, un peu plus d’un tiers des sites correspond à des objets isolés ou à des concentrations de mobilier qui pourraient appartenir à différents types de gisements. J’ai dissocié les “amas de débitage” des “ateliers de taille” car les premiers pourraient appartenir à des habitats et pas forcément à des ateliers situés près des gîtes de matières premières. Comme au Néolithique ancien, ce sont les sites d’habitat qui sont les plus nombreux (n=67 soit 44,97 %). Le nombre des sépultures a augmenté par rapport à la période précédente, mais cette donnée n’est pas exacte ici, à cause de la non-prise en compte des dolmens pour lesquels nous ne connaissons que rarement le nombre des défunts inhumés. Les 6 sites qui apparaissent ici correspondent à des vestiges indiqués comme “sépultures”, “cimetière” ou “inhumations” dans la base Patriarche (soit les sépultures qui ne sont pas mégalithiques). La carte de répartition du funéraire ne rend donc pas compte de la réalité, mais elle met en évidence une particularité de la région : les sépultures en coffre, connues à Pussigny et à Chambon (Indre-et-Loire) par exemple. Dans la région, les autres sépultures correspondent à la nécropole chasséenne d’Auneau (Eure-et-Loir) et à l’inhumation de La-Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) attribuée au Cerny47. Le nombre des enceintes a augmenté, passant à 10 soit 6,71 % des sites. Les deux enceintes qui existaient au Néolithique ancien (Ports et Sublaines) perdurent au Néolithique moyen. L’augmentation du nombre des enceintes en région Centre correspond à un phénomène général qui se développe un peu partout en France. Il est amorcé dès le Néolithique ancien, mais les enceintes se multiplient au Néolithique moyen, en particulier dans la culture de Cerny. Le problème est de distinguer les fortifications qui relèvent des habitats de celles qui concernent des pratiques cérémonielles ou religieuses encore mal expliquées. Dans son DEA, Y. Rialland avait distingué enceintes de vallée et camps de hauteur48. Les premières correspondent souvent à des segments de fossés interrompus comme à Bruères-Allichamps (Cher) ou à des palissades de gros poteaux. Si les enceintes à fossés interrompus peuvent être repérées en photographie aérienne, comme à Verdes (Loiret), et datées du Néolithique moyen grâce à leur morphologie caractéristique, il n’en est pas de même pour les éperons barrés. Ceux-ci sont en effet souvent occupés sur de longues périodes et les remparts sont rechargés ou reconstruits. La présomption ne suffit donc pas à les attribuer à une phase chronologique, et la coupe du rempart reste un passage obligé pour dater les phases de construction. C’est ce qui a été fait à La Groutte (Cher) où le rempart le plus ancien est attribué au Néolithique moyen (Chasséen)49, les fouilles ayant montré que les réfections se sont succédé jusqu’à La Tène finale, un murus gallicus couronnant la dernière phase de la fortification. Les recherches de B. Vannier, E. et J.-Y. Hugoniot ont également montré qu’un habitat était associé au rempart chasséen de La Groutte. Le site de Bruères-Allichamps “Le Champ de la Grange”, repéré lors des travaux autoroutiers de l’A71 est une enceinte de vallée fouillée par Y. Rialland. La céramique montre de fortes influences Michelsberg sur un fond chasséen50. Dans le même secteur du Cher, l’éperon barré de La Garenne à Chavannes a livré de l’industrie lithique et pourrait lui aussi avoir été occupé au Néolithique moyen.
- 51 Agogué & Irribarria 1999.
- 52 Creusillet & Irribarria 1999a.
- 53 Rialland & Hamon 1999, 24‑25.
- 54 Cette question sera détaillée dans le chapitre suivant sur Fort-Harrouard.
- 55 Despriée 1999.
34Plusieurs fouilles ont été réalisées en région Centre sur des enceintes à fossés interrompus, comme La Prairie à Fontenay-sur-Loing sur la rive droite de la rivière51 et la mieux connue est celle du Bas du Port-Nord à Muides-sur-Loire (Loir-et-Cher) grâce aux fouilles programmées de R. Irribaria. L’occupation principale est attribuée au Chambon et comprend une enceinte à fossé continu ainsi que des structures d’habitat et des bâtiments sur poteaux52. Mais si d’autres enceintes du Centre n’ont peut-être pas eu fonction d’habitat, elles ont pu concentrer des fonctions collectives, religieuses ou non. D’une manière générale, on remarquera que la plupart des enceintes sont localisées plutôt au sud de la Loire, dans des secteurs où le relief est plus élevé qu’au nord de la région. Il existe toutefois deux ou trois enceintes datées du Néolithique moyen au nord de la Loire : dans la vallée du Loir à Saint-Denis-Les-Ponts (28), celle de Fontenay-sur-Loing (Loiret) fouillée à l’occasion des travaux de l’A71 et qui contenait de probables dépôts rituels53 et enfin Fort-Harrouard dont l’existence n’est pas formellement démontrée à cette époque, bien que fortement soupçonnée54, peut-être sous l’enceinte avérée du Néolithique final. Dans la vallée de la Loire, seulement deux enceintes sont attestées pour le Néolithique moyen, Muides-sur-Loire et Lestiou (41). Parmi les autres types de sites, les habitats sont largement répartis dans la région, avec une concentration majeure dans le Loir-et-Cher entre Muides-sur-Loire et Mer. Plusieurs villages relevant de la culture de Chambon sont connus, installés sur de petites hauteurs. La Vallée aux Fleurs à Fossé (Loir-et-Cher), au nord-ouest de Blois, est un village installé sur environ 4 ha entre la Loire et la Cisse et qui témoigne d’un défrichement intensif du secteur au Néolithique moyen I55. Le village du Port-Nord à Muides-sur-Loire (Loir-et-Cher) est construit sur le plateau dominant la Loire, en bordure de coteau. Quant au Château Gabillon à Contres (Loir-et-Cher), cet habitat entouré d’une enceinte fossoyée segmentée est localisé en Sologne au sommet d’une colline.
- 56 Creusillet 2015, 32.
- 57 Creusillet & Irribarria 1999b.
35Les amas de débitage du Néolithique moyen sont concentrés dans la vallée du Loing, leur connaissance étant liée aux fouilles de l’A19 (fig.8-B). M.-F. Creusillet signale la présence de deux sites de production de haches taillées prêtes à polir de part et d’autre du Loing à Fontenay-sur-le-Loing et à Corquilleroy56. Quant aux ateliers de taille, ils concernent plusieurs gisements du Loir-et-Cher au cours de cette période, entre Blois et Muides. C’est en effet dans ce secteur qu’ont été exploités des gîtes d’opalite une “roche silicifiée tertiaire des niveaux de base du calcaire de Beauce”57. Ce matériau très recherché a été extrait en dalles ou rognons sur les berges de la Loire depuis le Paléolithique jusqu’à la fin du Néolithique. Des minières sont connues et les chercheurs de Muides-sur-Loire ont mis en évidence une diffusion d’objets préparés ou finis en opalite depuis cet habitat fortifié.
- 58 Demoule éd. 2007, 93.
36Sur le plan culturel, au Néolithique Moyen I (4500-4200), le Centre est largement concerné par la culture de Cerny mais aussi par le groupe de Chambon qui se superposent au sud-ouest de la région58. Les données sont encore trop partielles pour définir les affinités culturelles des communautés qui occupent la partie sud-est de la région, en particulier le Berry. Dans ce secteur, elles se trouvent probablement au carrefour de plusieurs sphères d’influence : Cerny, Chambon, Néolithique Moyen Bourguignon (NMB) et Chasséen ancien.
- 59 Constantin et al., éd. 1997.
37Depuis le Néolithique ancien, la société a changé. Témoignant de ce changement, la construction des enceintes du Néolithique moyen révèle probablement une période d’insécurité et un besoin de protection des richesses et des personnes. La stratification sociale a évolué et de petites élites locales sont apparues, elles transparaissent dans les tombes monumentales mégalithiques. Enceintes et tombes peuvent être considérées comme des marqueurs de territoires : les premières sont installées sur des points topographiques élevés, les secondes sont implantées pour être vues et pérennisées dans le paysage. Les sépultures les plus spectaculaires de la culture de Cerny sont les monuments de type Passy. En région Centre, les plus anciennes sépultures individuelles de type mégalithique sont connues dans le Loiret. La nécropole d’Orville (Loiret), attribuée au Cerny-Videlles, une phase ancienne du Cerny, a livré des tombes individuelles dans lesquelles les défunts sont presque tous inhumés en position fléchie. Ces sépultures en fosses sont organisées autour d’une tombe de type Malesherbes, une sépulture individuelle recouverte d’une dalle mégalithique de plusieurs tonnes. Le site éponyme, Malesherbes (Loiret), comprenait plusieurs tombes scellées par de telles dalles59. Dans le groupe de Chambon, des sépultures en ciste sont attestées en région Centre et en Poitou. Sur la commune de Chambon, une ou plusieurs cistes auraient été découvertes anciennement. Et récemment, dans le cadre des fouilles de la LGV, des coffres ont été mis au jour à Pussigny dans une nécropole attribuée au Néolithique moyen (Les Prés d’Arrêt et Le Vigneau). Au Néolithique Moyen II (4200-3500), la région Centre est concernée largement par la culture chasséenne, par exemple à Amboise (Indre-et-Loire), Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) et la Groutte (Cher).
Analyse spatiale des mégalithes de la région Centre
- 60 Richard & Verjux 1999.
38Comme un peu partout en Europe, vers le milieu du Ve millénaire, des sépultures collectives apparaissent, succédant en partie aux tombes individuelles. On connaît en région Centre plusieurs types de dolmens, angevins à portique, à couloir, polygonaux. La plupart ont probablement été érigés au Néolithique moyen, mais nombre d’entre eux sont utilisés jusqu’au Néolithique récent et final. Certains ont livré du matériel chasséen, comme le dolmen du Berceau à Saint-Piat (Eure-et-Loir), ceux du Baignon à Saint-Maur-sur-le-Loir (Eure-et-Loir) ou encore les sépultures d’Averdon ou de Nargis (Loiret)60. Sur le plan quantitatif, la base Patriarche inventorie 260 dolmens et 145 menhirs. Parmi ces monuments, certains sont encore debout, d’autres ont été détruits au xixe ou au xxe siècle, les orthostats ont été récupérés ou parfois dynamités pour cause de gêne occasionnée aux agriculteurs. De nombreuses mentions de mégalithes sont donc anciennes et invérifiables, seuls leurs toponymes hantent encore les cadastres (et les légendes locales).
39Dans cette partie, c’est la répartition de l’ensemble des monuments mégalithiques qui sera traitée en tant que phénomène culturel, tout en gardant à l’esprit que les dolmens n’ont ni les mêmes fonctions ni les mêmes datations que les menhirs.
40Pour G. Richard et C. Verjux, le mégalithisme du Centre est probablement d’origine atlantique. En effet, ils font remarquer que dans les zones situées les plus à l’est de la région, les mégalithes sont rares ou absents, comme dans la Forêt d’Orléans, le Val de Loire, la Sologne et le Berry oriental. La projection cartographique met en effet clairement en lumière ce phénomène : la répartition des dolmens se concentre nettement dans la moitié ouest de la région Centre (fig. 9). Elle semble buter contre une ligne invisible qui partage la région en deux parties. Les menhirs suivent globalement la même répartition, mais certains monuments sont présents dans l’est de la région, là où il n’y a pas de dolmens.
Fig. 9. Monuments mégalithiques en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

41Comme le soulignaient les auteurs en 1999, peu de dolmens ont été érigés dans la vallée de la Loire et le val constitue en effet une zone vierge sur la carte. En revanche, certaines vallées sont bien marquées par le phénomène et il est clair que la répartition des dolmens suit leur cours : vallées de la Vienne et de la Creuse, de l’Indre, du Loir et de l’Eure. On peut établir un lien entre la répartition des sites d’habitat du Néolithique moyen et des dolmens dans ces vallées de l’ouest de la région. En revanche, plus on va vers l’est, moins il y a de dolmens. La limite semble atteinte dans le secteur de Chabris (Indre). Quant à la Sologne et la vallée de la Sauldre, elles ne sont pas concernées par le phénomène. La répartition des menhirs semble suivre le même mouvement dans les vallées, mais leur densité est moins forte que celles des tombes mégalithiques. Dans le département du Cher, à quelques kilomètres au nord de Bourges, on remarque un groupe de cinq menhirs alors qu’aucun dolmen n’est signalé. Autour de Gien, quatre menhirs et un dolmen sont connus. Enfin, en Beauce autour de la vallée du Loing, un groupe assez lâche se dessine, entre Malesherbes et Saint-Hilaire-Les-Andresis (Loiret) rassemblant huit menhirs et quatre dolmens.
42En région Centre comme ailleurs, la plupart des dolmens ont perdu leur tumulus, la plupart ont été bousculés et pillés au cours des xixe et xxe siècles. Les datations de ces tombes sont souvent périlleuses et approximatives, d’autant que les rites funéraires associés à ces monuments s’étalent sur plusieurs millénaires. La carte de répartition très dense des dolmens de la région Centre montre que le mégalithisme a cristallisé le rite funéraire dominant dans la moitié ouest de la région, dès le Néolithique moyen, et sans doute jusqu’à la fin du Néolithique.
Le Néolithique récent
43Cette phase, qui s’étend d’environ 3600 à 3000 a.C., ne comprend que 84 sites datés en région Centre. Le Néolithique récent est mal cerné dans le Bassin parisien, ce qui explique peut-être les difficultés d’identifier les sites et les vestiges le concernant. Dans la continuité du Néolithique moyen, deux zones de concentration semblent stables au Néolithique récent, la Beauce et le Blésois (fig. 10-A). En revanche, deux autres secteurs de la région ont évolué depuis le Néolithique moyen : d’une part la région de Tours et de la confluence Loire/Indre/Cher où une concentration de sites se dessine ; d’autre part dans le Berry, et en particulier dans le département de l’Indre, où un groupe de gisements s’étend désormais entre Villedieu-sur-Indre et Issoudun. Parmi les 6 entités de ce groupe, 4 sont situés dans la vallée de l’Indre.
Types de sites du Néolithique récent |
% |
|
Amas de débitage |
1 |
1,19 |
Atelier de taille+extraction |
7 |
8,33 |
Enceinte |
6 |
7,14 |
Funéraire |
2 |
2,38 |
Habitat |
26 |
30,95 |
Indéterminés (occupation) |
42 |
50,00 |
TOTAL |
84 |
100 |
- 61 Creusillet 2015, 32.
- 62 Hamon 1997.
- 63 Salanova et al. 2011, 84.
- 64 Communication personnelle de T. Hamon.
- 65 Salanova et al. 2011, 77.
44La moitié des sites et indices (50 %) correspond à du mobilier isolé ou à des “occupations” que l’on ne peut pas attribuer à une catégorie de sites en particulier. La majeure partie des sites datés concerne des habitats (30,95 %), les autres types de gisements représentent tous moins de 10 % du corpus. Les habitats identifiés par les fouilles sont tous situés dans le Blésois et en Beauce, et on ne connaît que Sorigny et La Celle-Saint-Avant (Indre-et-Loire) au sud de la Loire (fig. 10-B). On peut s’étonner de la rareté des sites funéraires, mais il s’agit assurément de l’éviction des dolmens dans ce calcul, les tombes collectives étant encore fréquemment utilisées au cours de cette phase. À proximité de l’A19, on notera la sépulture à incinération de Montigny et la nécropole de Varennes-Changy fouillée sur l’A77 qui contenait 13 tombes61. On notera que les ateliers de taille de silex et d’extraction (n=6+1) sont situés dans le Val de Loire entre Muides et Blois pour cinq d’entre eux. Les deux autres sont localisés sur la commune du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire). Ils ne sont pas très nombreux mais préfigurent l’énorme exploitation des gîtes de silex turonien qui va exploser au Néolithique final. Enfin, les enceintes se divisent en deux groupes dans la région : le premier est situé au nord, avec quatre enceintes entre Sours (28) et Suèvres (41). Le second groupe est composé de deux nouvelles enceintes qui apparaissent au Néolithique moyen, l’une est supposée à Issoudun (Indre), l’autre est celle du Montet à Déols. Celle-ci a été fouillée par T. Hamon dans le cadre du contournement de l’autoroute A20. Le mobilier du Montet présente des affinités avec la culture suisse de Horgen62: il comprend des formes céramiques caractéristiques, des armatures de type Sublaines et du débitage lithique sur lames pressigniennes issues d’un nucléus d’un type précurseur, antérieur à la livre de beurre. Cet ensemble a permis à T. Hamon de définir le groupe culturel du Montet qui englobe le sud du Bassin parisien, des contreforts du Massif central aux rives de la Loire63, sa limite la plus occidentale étant probablement la vallée de la Vienne64. Dans le Bassin parisien, le Néolithique récent divisé en trois phases (NR1, NR2, NR3) a remplacé l’ancienne dénomination de la civilisation Seine-Oise-Marne (SOM)65. Au nord de la Loire, le Groupe de Suèvres montre des affinités avec celui du Montet et coïncide avec la localisation des sépultures collectives à crémation (Varennes-Changy, Loiret). Une tradition d’enceintes se développe au Néolithique récent en particulier dans la culture de Peu-Richard qui appartient au Néolithique du Centre-Ouest Atlantique qui comprend également la culture Vienne-Charentes. Cette tradition se poursuivra dans l’Artenac au Néolithique final.
Fig. 10. Le Néolithique récent en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique récent, n=84 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique récent.

Le Néolithique final
45La base de données fait état de 455 sites et indices attribués au Néolithique final (entre 2900 et 2150 a.C.). Par rapport au Néolithique récent, le nombre de gisements de la région Centre a été multiplié par 4,5. L’occupation de la vallée de la Loire, du Blésois et du nord de la région semble stable depuis le Néolithique moyen même si certains secteurs se sont nettement densifiés, comme en Beauce autour d’Allaines (Loiret) (fig. 11-A). Le sud-ouest de la région Centre semble être investi au Néolithique final, dans des secteurs qui n’étaient que très peu peuplés jusque-là. C’est le cas notamment du Berry, entre Moulins-sur-Céphons et la vallée de l’Indre à Déols (Indre), et même jusqu’au sud-ouest de l’Indre dans la région d’Éguzon. Le sud de la vallée du Cher confirme la stabilité des groupes autour de La Groutte. Mais la Sologne et le secteur situé au nord de Bourges restent toujours déserts. La grande nouveauté est une concentration spectaculaire de nouveaux sites dans le sud de la Touraine, dans la région du Grand-Pressigny.
46Les 455 sites attribués au Néolithique final peuvent être répartis en 7 catéories :
Types de sites du Néolithique final |
% |
|
Amas de débitage |
2 |
0,44 |
Atelier de taille+extraction |
227 |
49,89 |
Enceinte |
9 |
1,98 |
Funéraire |
5 |
1,10 |
Habitat |
83 |
18,24 |
Dépôt |
3 |
0,66 |
Indéterminés (occupation) |
126 |
27,69 |
TOTAL |
455 |
100,00 |
47Grand changement par rapport à la période précédente, ce sont les ateliers de taille et les sites d’extraction qui sont les plus nombreux dans le Centre (49,89 %), devant les habitats (18,24 %). Cette situation est liée à l’émergence du Grand-Pressigny qui rassemble la presque totalité des ateliers de taille connus dans la région (fig. 11-B). Les dépôts sont en relation avec les ateliers de taille, comme les cachettes de grandes lames pressigniennes brutes : 134 lames à La Creusette et 121 aux Ayez (les deux sont situées sur la commune de Barrou, Indre-et-Loire).
Fig. 11. Le Néolithique final en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique final, n=455 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique final).

- 66 Duval & Buchsenschutz 1979 ; Krausz 2007b, 139.
- 67 Krausz & Hamon 2007, 68‑69.
48En ce qui concerne les habitats du Néolithique final en région Centre, on peut observer une concentration entre le Loir et la Loire, dans le Blésois et en Beauce. Elle correspond à un ensemble qui existe depuis le Néolithique ancien et qui s’est maintenu, voire progressivement étoffé, jusqu’à la fin du Néolithique. Quant aux enceintes du Néolithique final, elles se développent dans la continuité du processus qui s’est amorcé au Néolithique moyen et que l’on a vu s’amplifier au Néolithique récent. Au Néolithique final, les enceintes sont particulièrement nombreuses dans le sud de la région, entre Ceaulmont (Indre) et Mehun-sur-Yèvre (Cher) et correspondent à un type d’habitat fixé sur les points topographiques les plus élevés du Centre. Par rapport aux périodes précédentes, certaines enceintes se sont maintenues dans ce secteur comme La Groutte et Bruères-Allichamps, mais leur nombre a considérablement augmenté dans le Berry avec l’apparition de nouveaux sites comme celui des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons. Au Néolithique final, le groupe des enceintes s’est développé en nombre et dans l’espace. Le peuplement du Berry est enfin amorcé, au moins dans sa partie sud ; en revanche, le nord, autour de Bourges, reste toujours aussi peu fréquenté. Parmi les enceintes, celle des Châtelliers à Moulins-sur-Céphons possède le rempart le plus original. Ce promontoire de 10 ha est couronné par un rempart de type Kastenbau, composé d’une double rangée de caissons de bois remplis de sable argileux66. Il constitue le plus ancien rempart à poutrage d’Europe, daté aux Châtelliers par radiocarbone vers 2160 a.C., peut-être le lointain ancêtre du murus gallicus. À Moulins-sur-Céphons, le camp des Châtelliers n’était pas isolé au Néolithique final. Il appartient à un ensemble qui comprend un dolmen (La Pierre à Saint-Martin-de-Lamps) ainsi qu’un habitat entouré d’une puissante palissade, le site des Vaux. Celui-ci possède l’une des plus longues maisons connues dans le Néolithique final européen. De type Antran, elle mesure au moins 100 m de longueur et 18 m de large67.
49Au Néolithique final, les rites funéraires s’inscrivent dans la continuité de la période précédente et les dolmens sont encore utilisés. Du mobilier néolithique final a en effet été découvert dans la fouille du dolmen de Villaine à Sublaines (Indre-et-Loire), à Tillay-le-Peneux (Eure-et-Loir) ainsi que dans l’ossuaire fouillé au Bec-des-deux-Eaux à Ports-sur-Vienne (Indre-et-Loire).
50Enfin, la culture d’Artenac s’étend dans le Berry, principalement dans le bassin du Cher, selon des modalités qui ne sont pas parfaitement claires (et qui seront développées plus loin dans le dossier “De Levroux à Châteauroux”). À la fin de cette période, le Campaniforme est présent en région Centre. Cette culture encore mal connue, mais dont l’expansion est particulièrement large, annonce le tout début de l’âge du Bronze.
Le Grand-Pressigny : un phénomène technologique et économique
- 68 Primault 2003.
- 69 C’est la dendrochronologie réalisée dans les sites lacustres du Jura qui a permis de caler ces da (...)
- 70 Pelegrin 2012, 34.
- 71 Pelegrin 2014, 187.
- 72 Mallet 2012, 134.
- 73 Pelegrin 2014, 187.
- 74 Pelegrin 2014, 191.
51La région du Grand-Pressigny doit sa renommée à la qualité exceptionnelle du silex turonien qui se présente sous forme de dalles relativement faciles à extraire, sans qu’il soit utile de creuser des puits de mine. Ce silex est connu et taillé depuis le Paléolithique supérieur68, mais il est exploité à grande échelle à partir du Néolithique final. Les ateliers pressigniens ayant produit de grandes lames ont fonctionné essentiellement entre 2850 et 2400 a.C.69 Le succès de cette matière première est liée à son homogénéité, sa couleur miel qui évoque peut-être le cuivre, et la possibilité de préparer de grands nucléus appelés “livres de beurre”. Selon J. Pelegrin, il ne fait aucun doute que cette technique est originaire du Grand-Pressigny et qu’elle a été exportée vers d’autres ateliers qui ont débité des grandes lames70. Les études lithiques récentes ont permis d’identifier deux modèles de nucléus précurseurs, d’abord des nucléus coniques larges (NCL) puis les nucléus de forme quadrangulaire à crêtes antéro-latérales (NaCAL)71. Les tailleurs en ont tiré des lames qui ont servi de supports à la fabrication des poignards courts. Appelés aussi “poignards anciens”, ils sont caractéristiques du Néolithique Récent. Certains ont été exportés à Chalain (Jura) et on en trouve dans des tombes mégalithiques de Bretagne72. Les poignards courts préfigurent les longs poignards pressigniens, fabriqués à partir d’une lame longue et large, ils sont caractéristiques du Néolithique final. Les ateliers ont livré également un autre type de nucléus, plat, plus court mais plus large que les livres de beurre. Ceux-ci ont permis aux tailleurs de tirer des supports spécifiques pour l’élaboration des scies à encoches, un outil caractéristique du Néolithique final et bien présent en particulier dans les séries artenaciennes. La grande originalité pressignienne est d’abord l’innovation technologique. J. Pelegrin a pu reconstituer cette technologie par expérimentation et il a déterminé que les grandes lames étaient obtenues par percussion indirecte et débitage par pression au levier, le tailleur travaillant debout. Les lames mesurent généralement entre 23 et 25 cm, révélant un standard ou une norme de production73. Les plus longues lames peuvent atteindre 40 cm et constituent des pièces exceptionnelles voire extraordinaires. Il semble toutefois que la longueur des lames ne soit pas la seule cause de leur succès, car selon J. Pelegrin, même ravivés et raccourcis, voire fracturés, les poignards pressigniens conservaient tout leur prestige74.
- 75 Millet-Richard 2000, 40.
- 76 Chiffre publié en 2012, provisoire, car les inventaires sont toujours en cours.
- 77 Mallet 2012, 135.
- 78 Pelegrin 2014, 189.
52Les quantités de livres de beurre débitées au cours du Néolithique au Grand-Pressigny ont dépassé les besoins de la seule population locale et ces produits prestigieux ont été largement exportés tout au long de la période. Laure-Anne Millet-Richard estime que ce sont des centaines de milliers de lames qui ont été tirées des livres de beurre pendant le Néolithique final75. L’inventaire de Nicole Mallet, commencé dès 1980, recense 6000 outils en silex du Grand-Pressigny76, exportés un peu partout en France, en Suisse et en Belgique77 mais qui n’ont pas franchi ni les Alpes ni les Pyrénées (fig. 12). Les longs poignards représentent plus de 90 % des pièces exportées, et si on les trouve majoritairement dans les habitats, certains ont été déposés dans des sépultures. Leur utilisation comme arme ou comme outil est discutable car certains objets ne présentent pas de traces d’utilisation, mais en revanche une patine particulière. C’est le cas des deux poignards de la sépulture de Boutigny (Essonne) qui n’ont pas été utilisés mais qui portent des traces d’usure révélant un séjour prolongé dans un fourreau de cuir78. Sans doute étaient-ils portés à la ceinture de leur propriétaire et sortis à l’occasion pour être admirés. J. Pelegrin en déduit que le poignard pressignien a une forte valeur d’affichage et qu’il était manifestement un objet de prestige, une fonction qui le distingue des objets destinés à être couramment utilisés.
- 79 Mallet 2012, 143.
- 80 Verjux et al. 2012.
- 81 Martineau et al. 2014, 141.
- 82 Martineau et al. 2014, 155.
53Les objets pressigniens ont été diffusés au sein des grands réseaux d’échange qui se mettent en place au cours du IIIe millénaire, au même titre que d’autres ressources prestigieuses comme les haches en dolérite de Bretagne, l’ambre de la Baltique ou d’autres types de lames comme celles des Alpes-de-Haute-Provence79. La diffusion des produits pressigniens constitue une problématique de dimension européenne, la discussion dépassant largement le cadre du Grand-Pressigny. Au plan régional, la principale question concerne les modalités de l’organisation de la production des produits pressigniens. Malgré les prospections pédestres soutenues de Pascal Allilaire dans les années 1990 qui ont permis de localiser plusieurs centaines d’ateliers et de sites d’extraction de dalles de silex, la configuration des habitats et des ateliers est encore très mal cernée. Les prospections ont permis de déterminer que les ateliers de taille sont situés près des gîtes, sur les plateaux ou sur le sommet des versants, comme les trois sites fouillés sur la commune d’Abilly : Le Foulon, Le Petit-Paulmy et Bergeresse80.Malgré le fait qu’aucun habitat structuré n’ait été fouillé dans la région du Grand-Pressigny, les sites ayant livré des vestiges d’activités domestiques semblent plutôt installés dans les vallées (Le Petit Paulmy/Bas à Abilly, La Creusette à La Guerche, deux sites explorés en fouille programmée). Le site de Bergeresse81 a été fouillé par C. Verjux de 2006 à 2012 sur une surface de 500 m2. Ce gisement est localisé à environ 300 m d’un affleurement de dalles qui a été exploité au Néolithique final en liaison avec cet atelier. La fouille de 18 amas a permis de déterminer que les tailleurs ont façonné des livres de beurre. L’abondant mobilier céramique recueilli à Bergeresse indique que les tailleurs vivaient sur place alors que les structures d’habitat (maisons, foyers, fosses…) sont absentes dans les trois ateliers fouillés d’Abilly. Les gisements d’Abilly ne peuvent pas être classés parmi les habitats et les auteurs de la synthèse publiée en 2014 suggèrent de les interpréter comme des ateliers-habitats, préférant cette expression à celle d’habitats-ateliers, signifiant ainsi que la fonction d’atelier prime sur l’autre82. Sur la plupart des sites connus, le mobilier archéologique qui permettrait de déterminer l’obédience culturelle des tailleurs est particulièrement rare. L’étude récemment publiée sur la céramique des ateliers d’Abilly montre toutefois que les pots recueillis à Bergeresse ont été fabriqués à partir d’argiles locales, provenant très majoritairement de la vallée de la Creuse. Toutefois certaines formes sont d’origine exogène (8 %), les argiles provenant probablement du Massif central. Ces études récentes sur la céramique montrent que les tailleurs ont vécu sur le lieu des ateliers, consommant de la céramique fabriquée principalement sur place. Cette observation pourrait constituer un argument en faveur de l’origine locale des tailleurs de grandes lames, mais elle est encore insuffisante pour l’assurer dans la mesure où des tailleurs étrangers à la région ont pu tout aussi bien revenir sur les mêmes lieux chaque année, sans avoir à transporter leurs récipients s’ils pouvaient se fournir en pots sur place. L’absence d’habitats confirmés, villages ou enceintes, comme on en trouve dans le Néolithique final des régions proches, constitue un écueil majeur qui empêche d’appréhender l’organisation économique et sociale du Grand-Pressigny. Cette carence d’habitats a tendance à entretenir d’une part l’hypothèse des maîtres-tailleurs itinérants, mettant d’autre part en cause la réalité d’une occupation stable au Grand-Pressigny durant le Néolithique final. Il faut pourtant pondérer cette impression en tenant compte de l’état lacunaire de la recherche, car la longévité du phénomène pressignien est un bon argument qui plaide en faveur d’une occupation permanente dans la longue durée. Alors que le Néolithique final est caractérisé dans de nombreuses régions par des sociétés fortement hiérarchisées dont la sédentarisation est accomplie, il paraitrait surprenant que les gîtes de silex tant convoités du Grand-Pressigny aient pu échapper au contrôle des communautés locales et laissés en accès libre à d’autres pendant un demi-millénaire.
- 83 Millet-Richard 1999, 89.
- 84 Idem.
- 85 Pelegrin 2012, 35.
- 86 Pelegrin 2014, 193.
- 87 Pelegrin 2014, 198.
54Ces questions se trouvent au cœur des questionnements actuels qui suscitent de passionnantes hypothèses, la plupart d’entre elles n’étant pas forcément contradictoires. En effet, les formes de l’exploitation du Grand-Pressigny ont pu être multiples et diverses, exerçant une pression plus ou moins forte selon des phases ou des cycles de production qui ont pu prendre place dans la longue durée, c’est-à-dire pendant un demi-millénaire. L’une de ces questions fondamentales concerne l’origine des tailleurs qui ont fait fonctionner les ateliers de taille de grandes lames. En effet, on sait désormais que la mise en forme des livres de beurre et le débitage des grandes lames nécessitent une technologie de grande précision : ces tailleurs de haute volée étaient-ils originaires du Grand-Pressigny ou venaient-ils d’ailleurs ? L.-A. Millet-Richard a réuni des éléments plaidant en faveur de tailleurs exogènes. En effet, elle a fait remarquer qu’au Petit-Paulmy et au Foulon (Abilly), si les livres de beurre sont présentes, le débitage lithique est particulièrement maladroit sur ces deux sites d’habitat83. Elle suggère que les artisans spécialisés n’habitaient pas sur place, mais on ignore dans ce cas s’ils venaient de la région Centre ou de beaucoup plus loin. Ils ont pu venir épisodiquement débiter des lames, peut-être revenaient-ils régulièrement à certaines périodes de l’année. Les habitants du Grand-Pressigny auraient échangé avec eux, récupéré des produits débités et tenté d’imiter les beaux outils sans toutefois y parvenir. Les dépôts de grandes lames découvertes à Barrou (La Creusette, les Ayez) vont dans le sens de cette hypothèse : elles constitueraient des cachettes de fagots de lames intransportables, dissimulées sur place pour être récupérées plus tard par les tailleurs)84. Reste à savoir si les gîtes de matière première étaient en accès libre pour ces tailleurs où s’ils étaient contrôlés par des communautés autochtones. J. Pelegrin pense que les maîtres-tailleurs néolithiques n’étaient pas originaires du Grand-Pressigny, mais accompagnés de leurs apprentis, ils y venaient régulièrement pour des sessions de taille, plutôt à la belle saison. Cette hypothèse est soutenue par le fait que la technologie complexe du nucléus pressignien ne peut être reproduite par le bouche-à-oreille mais seulement par transmission visuelle entre le maître et son apprenti85. Cette technologie aurait été enseignée par des maîtres du Grand-Pressigny puis leurs disciples auraient essaimé vers des “ateliers satellites” par exemple l’atelier P51 de Vassieux-en-Vercors dans la Drôme, à 540 km du Grand-Pressigny : au moins 5000 livres de beurre auraient été débitées à cet endroit, fournissant un minimum de 15 000 grandes lames86. Beaucoup plus loin vers le nord-est, un autre atelier de débitage de livres de beurre sur silex bartonien est soupçonné dans la région de Reims et il aurait diffusé ses produits aux Pays-Bas et jusqu’en Rhénanie. D’autres ateliers potentiels, toutefois moins éloignés que les deux précédents, sont signalés dans le Bergeracois (270 km) et au sud d’Angoulême (170 km)87. Toutes les études récentes tendent à montrer que le Grand-Pressigny est bien le lieu originel de l’invention de cette technologie lithique de pointe qui a été transférée dans différents lieux. Un argument particulièrement pertinent en faveur de ce modèle concerne la datation : les ateliers satellites ne correspondent pas à un épiphénomène décalé dans le temps car ils sont au contraire synchrones de ceux du Grand-Pressigny.
- 88 Pelegrin 2014, 199.
- 89 Pelegrin 2014, 200.
55Le phénomène du Grand-Pressigny témoigne des premiers échanges de produits manufacturés fabriqués en grande quantité, diffusés au sein d’un vaste espace géographique et pendant près d’un demi-millénaire. La question est de savoir comment cette diffusion était organisée et pour quelles raisons. J. Pelegrin suggère l’existence de “chefs de place” qui auraient commandité la production des grandes lames, assurant et relayant leur diffusion88. Il met en relation l’échange de ces produits prestigieux contre du sel, une denrée particulièrement attractive. La production de sel est attestée à partir de sources salées du Jura au Ve millénaire, et on peut imaginer que le sel marin de la côte atlantique a pu être également exploité, même si les témoins archéologiques sont encore insuffisants pour le Néolithique final89. La présence de nombreux produits pressigniens en Suisse pourrait en effet s’expliquer par des échanges croisés de poignards pressigniens, de pains de sel ou de produits salés, fabriqués par les Néolithiques suisses. Ces échanges expliqueraient la présence de poignards pressigniens en Suisse occidentale sur les sites de culture Lüscherz et Auvergnier-Cordé. J. Pelegrin suggère que le sel, produit dans les zones périphériques, a pu favoriser la montée en puissance du phénomène pressignien. En effet, le circuit d’échange a pu s’insérer dans un réseau régulé par des personnages influents, responsables à différents niveaux du réseau économique. Il faudra élucider la ou les fonctions du poignard pressignien dans ce cadre : constituait-il un objet de prestige participant à un système de don-contre-don, un produit économique et commercial ou encore une sorte de “récompense” assimilable à une “médaille” marquant l’appartenance au réseau ou à une communauté comme l’a proposé J. Pelegrin ?
Conclusion sur le Néolithique
56Avec 5052 EA et 3775 sites SDA, la région Centre rassemble un corpus exceptionnel de sites néolithiques. Toutes les phases sont représentées, mais ce sont les étapes moyenne et finale qui sont les plus riches actuellement. Avec 84 sites seulement, le Néolithique récent est la phase la moins bien fournie, sans doute parce qu’elle est délicate à identifier. Aussi, plus de 68 % des sites répertoriés restent indéterminés dans le Néolithique, un chiffre qui montre qu’un important travail d’identification et d’analyse des mobiliers reste à faire. Les réponses aux nombreuses questions qui se posent, en particulier sur les attributions culturelles, pourraient être trouvées au sein de cette catégorie de sites. Le Néolithique ancien est connu grâce à 95 sites qui se concentrent plutôt au nord de la région, dans le contexte du val de Loire et des vallées adjacentes. Les fouilles récentes ont montré que les communautés VSG se sont bien implantées en région Centre dès la phase ancienne de cette culture, dans le Val de Loire et jusqu’à Sublaines. Mais la question de l’identification des groupes culturels reste posée pour une grande partie des sites, en particulier dans le sud-ouest (Touraine) et le sud de la région Centre. Même si le VSG est peut-être présent dans ces secteurs, l’identification culturelle des gisements n’a pas encore été éclaircie, en particulier par rapport aux influences atlantiques et cardiales. Le Néolithique moyen commence à être bien connu dans la région, en particulier grâce aux recherches sur les mégalithes et sur les gisements de la culture de Chambon (sépultures et enceintes). C’est probablement la recherche sur le Néolithique final qui est la plus développée, d’une part autour du pôle du Grand-Pressigny et d’autre part à Moulins-sur-Céphons. Si les fouilles préventives ont permis de découvrir un grand nombre de sites néolithiques au cours des dernières années, très peu d’entre eux ont fait l’objet de fouilles programmées. Le principal problème, prégnant depuis plusieurs décennies, demeure l’absence de programme de recherche porté par une équipe universitaire s’investissant sur le Néolithique en région Centre.
Le peuplement de la région Centre à l’âge du Bronze
57La base Patriarche comprend 3338 EA concernant des vestiges de l’âge du Bronze en région Centre. Dans cette base ont été sélectionnés les 1769 sites portant un numéro SDA de manière à pouvoir établir des statistiques sur les types de vestiges en éliminant les doublons d’EA. Les sites de l’âge du Bronze sont beaucoup moins nombreux que ceux de la période précédente qui totalisait 3775 sites numérotés. Cette différence peut-être liée à plusieurs facteurs combinés. D’abord, l’âge du Bronze est une période moins longue que le Néolithique (1200 ans contre plus de 3000 ans). Ensuite, c’est une période finalement assez peu étudiée en région Centre. En effet, mis à part les travaux de G. Cordier en Touraine, aucune équipe n’a travaillé spécifiquement sur l’âge du Bronze, et il n’y a eu ni fouille programmée ni prospections systématiques. Certains sites du Bronze ancien fouillés en préventif ont pu été étudiés dans le cadre de gisements du Néolithique final ; de même pour le Bronze final, parfois lié à des sites du Premier âge du Fer. En dehors de quelques fouilles, l’âge du Bronze a pu être étudié dans le cadre de prospections diachroniques ou de programmes sur la Protohistoire en général, en Touraine avec G. Cordier ou dans le Berry avec O. Buchsenschutz par exemple. De ce fait, la plupart des données concernant l’âge du Bronze en région Centre correspondent à des objets isolés, de nombreuses mentions de tumulus, des dépôts de mobilier métallique et des opérations préventives récentes.
58Dans la base Patriarche, les sites de l’âge du Bronze sont répartis selon la chronologie française de la période : Bronze ancien, moyen et final.
Nombre de sites SDA |
% |
|
Bronze ancien |
174 |
9,84 |
Bronze moyen |
34 |
1,92 |
Bronze final |
263 |
14,87 |
Bronze indéterminé |
1298 |
73,37 |
TOTAL |
1769 |
100,00 |
59Au sein du corpus des 1769 sites, la majorité d’entre eux (73,37 %) ne peut pas être attribuée à une phase précise. Cette situation est liée à plusieurs causes et à divers types de vestiges. Il s’agit dans un grand nombre de cas d’éléments de mobilier isolés, recueillis au cours d’opérations préventives, souvent des tessons de céramique hors contexte, attribués globalement à l’âge du Bronze, ou parfois à la transition âge du Bronze/âge du Fer ; des tumulus connus et répertoriés mais non fouillés, donc non datés ; des enclos ou cercles découverts par photographie aérienne, attribués à la période en raison de leur morphologie, mais impossibles à dater plus précisément sans fouille. Les phases les plus riches sont le Bronze ancien et le Bronze final. Le Bronze moyen est particulièrement déficitaire, mais cette situation n’est pas propre à la région Centre. Cette phase est souvent mal identifiée pour différentes raisons, faute de critères chronologiques discriminants, du manque de fouilles d’ampleur ou encore la mauvaise conservation des structures d’habitat.
60Les indices et sites appartenant l’âge du Bronze, toutes phases confondues, montrent une répartition relativement homogène dans l’ensemble de la région (fig. 13). Par rapport au Néolithique, la distribution de ces gisements couvre de plus larges secteurs. Les départements les plus riches sont le Loiret et l’Indre-et-Loire. L’Eure-et-Loir est densément occupé dans la partie située rive gauche du Loir, beaucoup moins sur la rive droite : ce secteur correspondant aux collines du Perche, il peut s’agir d’un déficit de recherches lié à des difficultés de prospection. Le Loir-et-Cher est densément occupé dans le Val de Loire, mais les sites sont moins nombreux au sud du fleuve, tout comme dans le nord de l’Indre. Le Cher reste le département le moins riche en dehors de sa vallée principale. Le Berry et la Sologne, qui étaient quasiment déserts au Néolithique sont clairement investis à l’âge du Bronze. L’analyse spatiale met en évidence plusieurs groupes de sites qui se concentrent à proximité des grandes vallées :
-
aux confluences Loire-Vienne et Vienne-Creuse,
-
dans les environs de Tours, à la confluence Loire-Indre-Cher,
-
dans le Val de Loire, le long du coude du fleuve, entre Blois et Bonny-sur-Loire,
-
dans la vallée de l’Indre, entre Loches (Indre-et-Loire) et La Châtre (Indre),
-
dans la vallée du Cher, entre Vierzon et Coust (Cher),
-
dans la plaine située entre les vallées de l’Indre et du Cher (Champagne berrichonne).
Fig. 13. L’âge du Bronze en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

61Sur les plateaux du nord de la région, le Blésois et la Beauce sont densément occupés, comme au Néolithique. La vallée de la Sauldre, déserte au Néolithique, est désormais investie entre Salbris (Loir-et-Cher) et Clémont (Cher). Ce groupe se prolonge au nord de la vallée, en pleine Sologne : il correspond à une concentration bien connue de tumulus. Les opérations préventives linéaires, qui ont livré beaucoup de sites archéologiques, se dessinent sur la carte, en particulier les tracés de l’A71 et de l’A19.
62Au Bronze ancien, les sites sont plutôt dispersés dans l’ensemble de la région et la plupart s’égrènent principalement le long des vallées de la Loire et de l’Indre, du Cher dans une moindre mesure (fig. 14). Au nord comme au sud de la région, les plateaux et plaines sont investis : Blésois et Beauce au nord, Champagne berrichonne au sud. On note un petit groupe qui se développe sur la rive droite du Cher dans la région de Bourges. Un autre petit groupe se maintient autour du Grand-Pressigny, mais les ateliers de taille de silex ont cessé de fonctionner. Pour le Bronze moyen, le déficit de sites archéologiques connus est le seul fait qui peut être commenté (fig. 15).
Fig. 14. L’âge du Bronze ancien en région Centre, n=174 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

Fig. 15. L’âge du Bronze moyen en région Centre, n=34 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

63Au Bronze final, la répartition des sites redevient homogène, et ce sont encore les grandes vallées qui sont privilégiées (fig. 16). Le secteur le plus dense correspond au coude de la Loire et à la Beauce au nord de la région, entre les vallées de la Loire et du Loing. Au sud, la concentration est plus lâche entre les vallées du Cher et de l’Indre, mais le groupe des sites de Champagne berrichonne, sensible au Bronze ancien, s’est étoffé au Bronze final (sans que l’on sache si l’évolution a été continue pendant le Bronze moyen). La représentation superposée des trois phases de l’âge du Bronze (fig. 17) montre que certains secteurs se démarquent nettement dans la région :
-
la région de Tours,
-
la vallée de la Vienne et la confluence Vienne-Creuse,
-
la confluence Loire-Indre-Cher,
-
en Champagne berrichonne, entre les vallées de l’Indre et du Cher,
-
dans la boucle de la Loire, un groupe étendu et dense de sites déborde à la fois au sud vers la Sologne et au nord vers le Gâtinais.
Fig. 16. L’âge du Bronze final en région Centre, n=263 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

Fig. 17. L’âge du Bronze en région Centre par types de site (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

64Les 1769 sites SDA de la région Centre peuvent être classés selon les types d’occupation. Rassemblés en 10 catégories, on peut discriminer habitats, nécropoles, fortifications, sites artisanaux et dépôts.
Type de sites de l’âge du Bronze en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Atelier de potier |
1 |
0,06 |
Atelier métallurgique |
7 |
0,40 |
Atelier de taille/extraction/carrière |
8 |
0,45 |
Dépôt |
21 |
1,19 |
Enclos |
90 |
5,09 |
Camp/enceintes |
236 |
13,34 |
Objets isolés |
249 |
14,08 |
Habitat |
290 |
16,39 |
Occupation indéterminée |
426 |
24,08 |
Funéraire |
441 |
24,93 |
TOTAL |
1769 |
100,00 |
65Ce sont les sites funéraires qui sont les plus nombreux, toutes phases confondues (24,93 %). Cette catégorie rassemble des enclos circulaires fouillés en préventif ou repérés par avion, les sépultures (incinérations et inhumations), des nécropoles et des tumulus. Ces derniers représentent 325 sites SDA, dont 276 sont certains et 49 sont des buttes pouvant correspondre à des tumulus.
66Comme pour le Néolithique, les occupations indéterminées sont nombreuses (n=426 soit 24,08 %). Ce sont ensuite les structures d’habitat qui arrivent en troisième position après le funéraire (16,39 %). Les objets isolés représentent une part conséquente du nombre de sites de l’âge du Bronze : il s’agit souvent d’objets métalliques, haches ou épées, mais aussi des tessons de céramique collectés lors de fouilles préventives sur des sites diachroniques. Les dépôts représentent 21 occurrences, soit 1,19 % du corpus. Enfin, les sites artisanaux ne sont pas très nombreux dans la région (il est probable que la base Patriarche ne détaille pas tous les vestiges artisanaux découverts en fouille).
67Les sites de hauteur (éperons barrés, camps) et les enceintes sont plus nombreux qu’au Néolithique, avec 236 sites (13,34 % des sites de la période). Les 90 enclos concernent des structures fossoyées qui ne sont pas identifiées et qui pourraient relever aussi bien d’habitats (fermes ?) que de nécropoles.
- 90 Cordier 2009.
68L’analyse spatiale des sites de l’âge du Bronze selon les catégories apporte des résultats contrastés. D’abord les ateliers artisanaux sont rares et un seul atelier de potier est signalé à Ouzouer-sur-Loire (fig. 17-A). Les ateliers métallurgiques ne montrent pas de concentration particulière, sauf qu’aucun ne semble enregistré dans la base au nord de la Loire à part Fort-Harrouard (fig. 17-A). Ils peuvent correspondre à des habitats qui ont produit des objets en alliage cuivreux mais les données semblent lacunaires dans Patriarche (ne figurent pas par exemple les lingots de bronze trouvés dans les dépôts). Au nombre de 21, les dépôts sont répartis de manière relativement homogène, mais plutôt au sud de la Loire (fig. 17-B). C’est probablement la Touraine qui en compte le plus grand nombre et les plus importants en quantité d’objets comme l’a fait remarquer G. Cordier90 (par exemple les dépôts d’Amboise, d’Azay-le-Rideau, de Sublaines). La Beauce et le Gâtinais semblent peu concernés par le phénomène des dépôts.
69Les sites les plus nombreux sont les habitats et les nécropoles. Sur la fig. 17-C, sont projetés les sites fortifiés et tous les gisements qui ont livré des structures d’habitat. Ces derniers, très nombreux, sont répartis un peu partout dans la région. On note une zone de concentration particulièrement dense au nord de la Loire, du Blésois au Gâtinais en passant par la Beauce. Un groupe d’habitats se développe dans le sud du Berry, entre les rivières Creuse et Cher, un autre s’égrène le long des vallées de la Vienne et de la Creuse. À l’inverse, certaines zones semblent désertes, en particulier le nord du Berry et la Sologne. La catégorie des fortifications regroupe des enceintes, camps et éperons barrés. Ces sites, généralement de hauteur, se divisent en deux groupes :
-
au nord-ouest de la région Centre : un groupe largement étendu de Tours à Sorel-Moussel qui semble suivre les vallées du Loir et de l’Eure.
-
Au sud de la région : les enceintes du Berry qui se développent entre les vallées de l’Indre et du Cher.
70Entre ces deux groupes, une grande partie de la Touraine et de la Sologne, de la Beauce et du Gâtinais ne semblent pas concernées par ce phénomène. Les sites fortifiés se sont installés sur les points topographiques les plus élevés de la région, du Vendômois aux collines du Perche au nord, sur les plateaux du Berry au sud. Mais l’existence d’enceintes de vallée ou de plaine montre que l’altitude élevée n’est pas le seul critère de choix pour l’installation de ce type de site. Aussi, les reliefs les plus marqués de la région Centre, en l’occurrence les contreforts du Massif central, n’ont pas été investis. Dans ce secteur, les enceintes situées sur les points topographiques les plus élevés sont La Groutte (Cher) et Mouhers (Indre). Enfin, l’analyse spatiale des structures funéraires de l’âge du Bronze a été traitée en séparant la répartition des tumulus et celle des autres types de structures (fig. 17-D). Cette option a été choisie pour mettre en valeur les concentrations bien connues de tumulus dans des secteurs privilégiés de la région. Les structures funéraires rassemblent des enclos, des sépultures à inhumation et incinération, des nécropoles. À l’âge du Bronze, elles sont mentionnées dans tous les secteurs de la région et suivent assez bien la répartition des habitats qui sont beaucoup plus nombreux. La répartition des tumulus (certains et supposés) montre deux groupes distincts : le premier est situé en Sologne entre les vallées de la Loire et du Cher. C’est un groupe très étendu qui comprend plusieurs centaines de tumulus. Le second groupe est plus resserré et désigne la région de Bourges, rive droite du Cher. Une autre série de tumulus occupe le Berry, entre les vallées de la Gartempe et du Cher, formant un groupe plus lâche. De même, en Beauce, on observe une répartition de même type entre les vallées du Loir et du Loing.
L’âge du Bronze ancien
71À l’âge du Bronze ancien, la région Centre se situe au carrefour des influences de plusieurs cultures, des sphères atlantique et nord-alpine. Le nombre de sites SDA s’élève à 174 soit 9,84 % de l’ensemble des sites de l’âge du Bronze.
Sites de l’âge du Bronze ancien en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Atelier métallurgique |
0 |
0,00 |
Tumulus |
0 |
0,00 |
Funéraire |
2 |
1,15 |
Dépôt |
2 |
1,15 |
Camp/enceintes |
5 |
2,87 |
Habitat |
54 |
31,03 |
Occupation indéterminée+objets isolés |
111 |
63,79 |
TOTAL |
174 |
100,00 |
72La carte montre une forte dispersion des sites classés selon les types d’occupation, sans doute parce que les données sont encore lacunaires (fig. 18-A). En effet, parmi les 174 sites, 111 correspondent à des occupations indéterminées et à des objets isolés, vestiges que l’on ne peut pas associer à une catégorie précise de sites. On observera que les sites indéterminés et les habitats sont surtout concentrés au nord de la région. Quant aux enceintes, on en dénombre trois au Bronze ancien dans le sud de la région (Moulins-sur-Céphons/les Châtelliers, Mehun-sur-Yèvre et Drevant) et deux au nord (Chaingy et Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, Loiret). Le funéraire ne peut pas être cartographié car seulement deux sites sont attribués au Bronze ancien (Mer, Loir-et-Cher et Ports, Indre-et-Loire). Les deux dépôts concernent Bourges (Établissements Militaires, Cher) et Villemandeur (Gaudry, Loiret).
L’âge du Bronze moyen
73Cette phase est particulièrement lacunaire en région Centre avec seulement 34 sites identifiés. Il n’y a aucune enceinte ni site funéraire attesté pour le Bronze moyen (fig. 18-B). Les vestiges d’occupation indéterminée et les objets isolés dominent le corpus, qui rassemble essentiellement 12 habitats et 4 dépôts. Ces derniers sont dispersés dans quatre départements différents : à Lingé (Indre), Saint-Martin-sur-Ocre (Loiret), Luynes (Indre-et-Loire) et Villabon (Cher). Leur nombre est en augmentation par rapport à la phase précédente. Il va presque tripler au Bronze final, ce qui correspond à une tendance générale pour le Bronze atlantique.
Fig. 18. Les sites de l’âge du Bronze en région Centre, toutes phases confondues (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

L’âge du Bronze final
74Cette phase est la plus riche pour l’âge du Bronze en région Centre avec 263 sites répertoriés.
Sites de l’âge du Bronze final en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Camp/enceintes |
2 |
0,76 |
Métallurgie |
3 |
1,14 |
Atelier taille/carrière |
4 |
1,52 |
Dépôt |
11 |
4,18 |
Funéraire |
28 |
10,65 |
Habitat |
105 |
39,92 |
Occupation indéterminée+objets isolés |
110 |
41,83 |
TOTAL |
263 |
100 |
75La catégorie la mieux représentée correspond aux occupations indéterminées et objets isolés (41,83 %) puis les habitats qui sont les plus nombreux (39,92 %) et se répartissent selon trois groupes principaux (fig. 18-C). Le premier, le plus dense, se concentre dans le coude de la Loire, entre Mer et Orléans ; il déborde sur la Beauce et la Sologne. Au nord-est, le tracé de l’A19 se dessine car il a fourni une grande série d’habitats du Bronze final. Le second groupe est plus lâche, entre le sud du Berry et la Touraine, de Bourges à Sublaines. Un dernier groupe, plus petit, se dessine dans la vallée de la Vienne entre Pussigny et la région du Grand-Pressigny. On observe enfin quelques habitats isolés du Bronze final dans les vallées de la Loire, du Loir et de l’Eure. Les sites funéraires montrent une répartition à peu près identique à celle des groupes principaux d’habitats : d’une part dans l’Orléanais/Gâtinais, d’autre part du sud du Berry à la Touraine. Cette répartition exclut presque tous les tumulus car ils ne sont hélas pas attribués à une phase précise de l’âge du Bronze. Les dépôts, qui atteignent leur nombre maximum au cours de la phase finale du Bronze (n= 11), sont distribués plutôt à l’ouest de la région, de la confluence Loire/Cher au secteur de Contres (Loir-et-Cher). On notera deux dépôts dans le Berry, à Étrechet et à Lingé (Indre), plusieurs dépôts en Touraine (Sublaines, Azay-le-Rideau…) et le célèbre dépôt d’Amboise (500 pièces). Les deux seules enceintes datées du Bronze final sont localisées en Beauce (Corquilleroy et Aulnay-la-Rivière, Loiret). Il y a pourtant 236 enceintes, camps et éperons barrés inventoriés en région centre, mais la grande majorité, non fouillés, ne peuvent pas être attribués à une phase précise. On notera enfin le petit nombre d’ateliers artisanaux identifiés mais il s’agit probablement d’une lacune documentaire dans la base.
Conclusion sur l’âge du Bronze
76Cette période de la Protohistoire est l’une des plus mal connues en région Centre. Elle livre pourtant un grand nombre d’indices archéologiques (3338 EA pour 1769 sites déclarés) mais la plupart d’entre eux sont attribués globalement à la période sans plus de précision. Cette situation est manifestement due à un déficit de fouilles, de programmes archéologiques spécifiques et de travaux de synthèse sur les différentes catégories de mobiliers et la chronologie. L’analyse spatiale réalisée à partir de la base Patriarche révèle un état de la recherche qui met surtout en valeur les lacunes et des questions laissées sans réponse. Mais si les résultats paraissent incomplets, on peut tout de même dégager des tendances qui pourraient constituer les axes de recherche de demain. L’analyse spatiale montre en effet plusieurs groupes de sites qui désignent des secteurs privilégiés et des phénomènes spécifiques qui se mettent en place au cours de l’âge du Bronze. Parmi eux, on peut retenir ces trois tendances :
-
dans l’Orléanais et le coude de la Loire, on observe un groupe dense d’habitats et de sépultures, en particulier une concentration de tumulus qui déborde largement sur la Sologne proche, au sud.
-
Le sud du Berry concentre une série d’habitats et de tumulus. Ce groupe est moins dense que celui de l’Orléanais et il est plus étalé dans l’espace, mais il concerne spécifiquement la Champagne berrichonne jusqu’à Bourges (Cher) qui semble constituer l’extrémité est de son extension.
-
Le phénomène des enceintes qui se développe à l’âge du Bronze en région Centre est sans précédent. Même si certaines existaient au Néolithique, leur développement est massif, révélant un véritable phénomène culturel, qui semble suivre en particulier les vallées du Loir et de l’Eure. Un second groupe désigne spécifiquement le sud du Berry, entre les vallées de la Loire et de l’Indre.
Le peuplement de la région Centre à l’âge du Fer
77L’âge du Fer correspond à l’ultime phase de la Protohistoire, dont la fin se confond avec conquête de la Gaule par Jules César. Elle est aussi la phase la plus courte mais proportionnellement la plus riche depuis le Ve millénaire. La base Patriarche rassemble 5688 EA correspondant à des vestiges et des sites de l’âge du Fer, il s’agit du plus grand corpus de sites protohistoriques depuis le Néolithique. Après élimination des doublons, on obtient 2436 sites de l’âge du Fer déclarés sous un numéro SDA. La base Patriarche ne permet pas d’étudier la répartition des sites selon les phases fines car elle ne distingue que le Premier et le Second âge du Fer. L’étude de répartition spatiale présentée ici se limitera donc aux grandes tendances du peuplement en distinguant les deux phases principales de cette période.
Types de sites de l’âge du Fer en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Atelier de taille |
1 |
0,04 |
Pirogue |
2 |
0,08 |
Atelier potier |
5 |
0,21 |
Cultuel/cultuel ? |
7 |
0,29 |
Carrière |
9 |
0,37 |
Métallurgie du fer |
18 |
0,74 |
Dépôt/dépôt monétaire |
20 |
0,82 |
Voirie/pont |
21 |
0,86 |
Exploitation agricole |
41 |
1,68 |
Enceinte/enclos/système d’enclos/fossés/parcellaire |
731 |
30,01 |
Occupation indéterminée/objets isolés |
520 |
21,35 |
Habitat |
522 |
21,43 |
Site funéraire/tumulus/nécropole |
539 |
22,13 |
TOTAL |
2436 |
100 |
- 91 Fichtl 2015, 109.
- 92 Dans ce tableau ont été rassemblés dans la même catégorie les enclos/systèmes d’enclos ainsi que (...)
- 93 Buchsenschutz & Ralston 2012, 360.
78Sur un plan général, on remarque que les types de sites se diversifient par rapport aux périodes précédentes. Mais les défauts sont toujours les mêmes, par exemple la catégorie des enclos qui mêle des sites funéraires et/ou d’habitat. De même, les nombreux tumulus de la région ne sont pas tous attribués à l’une ou l’autre phase de l’âge du Fer, faute de fouilles permettant d’affiner leur chronologie (d’autant que certains parmi ceux qui apparaissent ici pourraient dater de l’âge du Bronze). Ce sont les sites funéraires qui dominent le corpus de la région (22,13 %). Ces 539 sites comprennent 116 nécropoles et sépultures (inhumations et incinérations) ainsi que 423 tumulus. Les habitats sont très nombreux en région Centre (21,43 %) et certains sont associés à une nécropole, en particulier dans le Loiret sur les sites de l’A19 qui ont été fouillés sur de grandes surfaces, par exemple Chevilly “La Pièce de Chameul”, Gondreville “Le Coluchon” ou Treilles-en-Gâtinais “La Fontaine Jean”91. Dans la région, les enceintes attribuées à l’âge du Fer sont très nombreuses (n=364 parmi les 731 enclos/systèmes d’enclos) mais la plupart ne sont pas datées précisément à l’exception des oppida notoires92. Le nombre de fermes identifiées pour l’âge du Fer a considérablement augmenté ces dernières années (n=41) mais ce chiffre est probablement inférieur à la réalité car certaines d’entre elles sont probablement dissimulées dans la catégorie “habitats” de la base Patriarche. D’autres peuvent également être intégrées dans la catégorie des enceintes comme les fouilles récentes l’ont montré en Berry, en particulier à Meunet-Planches (Indre) qui est très probablement une ferme aristocratique équipée d’un murus gallicus93. Par rapport à la période précédente, on voit apparaître des ateliers métallurgiques et de potier, mais ceux qui sont clairement identifiés sont finalement peu nombreux (respectivement n=18 et 5). Les dépôts d’objets métalliques se maintiennent quantitativement par rapport à l’âge du Bronze (ils passent de 21 à 20), mais cette catégorie inclut les dépôts monétaires qui dominent le corpus (n=11 dépôts monétaires et 9 autres dépôts métalliques). Les sites cultuels (ou supposés) restent marginaux (n=7) sans doute parce que les oppida n’ont pas été suffisamment explorés mais surtout parce que ces sites ne sont pas aisés à identifier. Parmi les 7 qui sont inventoriés ici, la plupart concerne des occupations supposées sous des temples gallo-romains (comme à Amboise par exemple). Une nouvelle catégorie de sites apparaît à l’âge du Fer avec les voiries et les ponts (n=21). Si les voies protohistoriques sont généralement présumées à partir des chemins attestés à l’époque gallo-romaine, des datations dendrochronologiques ont permis de démontrer la présence de ponts dans certaines agglomérations laténiennes comme à Orléans/Cenabum.
79Sur le plan de la répartition par phase, les sites du Second âge du Fer sont 2,3 fois plus nombreux que ceux du Premier âge du Fer. Mais les sites non attribués à l’une et l’autre phase composent plus de la moitié des gisements répertoriés dans Patriarche (61,78 %).
Nombre de sites SDA |
% |
|
Âge du Fer 1 |
277 |
11,37 |
Âge du Fer 2 |
654 |
26,85 |
Âge du Fer indéterminé |
1505 |
61,78 |
TOTAL |
2436 |
100 |
80La carte des sites des deux âges du Fer en région Centre montre des discriminations géographiques très claires (fig. 19). Les sites du Premier âge du Fer se concentrent majoritairement en deux grands groupes, l’un au nord, l’autre au sud de la région. Le groupe du nord, le plus dense en sites, s’appuie nettement sur la Loire, entre Blois à l’ouest et Sully-sur-Loire (Loiret) à l’est. Un peu plus au nord de cette ligne, on observe un groupe qui s’étend en Beauce et en Gâtinais, de Chevilly à Pannes (Loiret). Il correspond à la série de sites la plus récemment découverte sur les autoroutes A77 et A19. On peut imaginer que la concentration est en réalité continue, et que le vide qui se dessine actuellement au sud de l’A19 est aussi riche (sous la forêt d’Orléans). L’extrême nord de la région est moins concerné par les sites du Premier âge du Fer, mais il y en a toutefois deux qui sont clairement identifiés dans la région de Chartres (un dépôt à Poisvilliers et un habitat à Mainvilliers, Eure-et-Loir) jusqu’à Nogent-le-Roi pour le site le plus au nord (une occupation du Bronze final/Hallstatt moyen découvert en préventif).
81Dans l’ouest de la région Centre, les sites du Premier âge du Fer forment plusieurs petits groupes distincts :
-
à la confluence Vienne/Creuse, dans le secteur de Pussigny/Maillé/La Celle-Saint-Avant (Indre-et-Loire) qui a livré une sépulture et des habitats,
-
sur la Loire, dans la région de Tours (entre Monts et Chanceaux-sur-Choisille),
-
près de la confluence Indre/Cher, un petit groupe de sites se forme entre Contres et Méhers (Loir-et-Cher).
-
En Indre-et-Loire, on remarquera la présence des deux sites majeurs que sont Amboise et Sublaines, mais ils semblent se trouver en marge des groupes.
82Au sud de la région, en Berry, la carte permet de discriminer les deux groupes de sites bien connus : le groupe est autour de Bourges, le groupe ouest entre Levroux et Châteauroux. L’extrême sud de la région n’a livré que peu de sites du Premier âge du Fer, mais il s’agit peut-être d’un effet de la recherche dû à l’absence d’archéologie préventive dans des zones qui cumulent relief marqué et très faible activité économique.
83Au Second âge du Fer, le groupe nord et le groupe sud sont toujours perceptibles et ils se sont développés. Sans trop de risque, on peut les associer au territoire des Carnutes et à celui des Bituriges. De même, le groupe ouest correspond à celui des Turons. En territoire carnute, les sites du Second âge du Fer semblent combler presque partout les vides qui se détachaient au cours de la phase précédente. Dans ce groupe, les sites se sont considérablement étendus vers le nord-ouest, en particulier dans la vallée du Loir qui est désormais densément occupée. En territoire turon, le nombre de sites a visiblement augmenté, mais les petits groupes remarqués au Premier âge du Fer sont toujours là. De même chez les Bituriges, le nombre de sites a progressé et le vide apparent entre les vallées de l’Indre et du Cher s’est comblé. On remarquera enfin que dans le sud-ouest de la cité des Bituriges, deux petits groupes de sites font leur apparition au Second âge du Fer : autour de Châtillon-sur-Indre et dans le secteur de Saint-Marcel/Argenton-sur-Creuse. Ces deux groupes sont situés sur les limites de la cité, et désignent probablement de petits territoires formés sur les frontières : avec les Turons pour le groupe de Châtillon et avec les Lémovices pour Saint-Marcel. Ils peuvent correspondre à des extensions du territoire vers ses marges et à des créations ex nihilo qui émergent au cours de La Tène. On remarque une situation analogue à l’extrême nord de la région, autour de Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (Eure-et-Loir). Ce site n’apparaît plus sur les cartes après le Bronze final mais il est de nouveau fréquenté à La Tène finale. L’émergence d’un groupe de sites autour de Fort-Harrouard et de la vallée de l’Eure au Second âge du Fer signale l’existence d’une installation de frontière au nord de la cité des Carnutes. De même, le groupe de sites qui s’étend à l’ouest de la vallée du Loir peut révéler lui aussi le développement de nouvelles implantations aux confins des cités carnute et turone.
Le Premier âge du Fer
84La région Centre compte 277 sites attribués au Premier âge du Fer, mais tous ne sont pas identifiés dans une catégorie fonctionnelle. C’est pourquoi seules les catégories les plus pertinentes sont cartographiées. Par exemple, la cartographie des enclos est inutile car on ignore s’il s’agit d’habitats ou de sites funéraires, l’interprétation de leur projection serait trop aléatoire.
Types de sites de l’âge du Fer 1 en région Centre |
Nombre de sites SDA |
% |
Enceintes |
1 |
0,36 |
Ateliers potier |
1 |
0,36 |
Voirie/pont |
1 |
0,36 |
Métallurgie |
2 |
0,72 |
Carrière |
3 |
1,08 |
Dépôts |
4 |
1,44 |
Fermes |
6 |
2,17 |
Enclos/système d’enclos/fossé |
13 |
4,69 |
Occupations indéterminées |
34 |
12,27 |
Funéraire |
70 |
25,27 |
Habitats |
142 |
51,26 |
TOTAL |
277 |
100,00 |
- 94 Malrain et al. 2013.
85Les habitats sont les sites les plus nombreux dans la région pour cette phase (n=142 soit 51,26 % des sites identifiés sur Premier âge du Fer). La carte montre que les habitats bien identifiés et datés sont clairement répartis dans le nord de la région (fig. 20). Ils désignent les tracés autoroutiers, en particulier l’A19 et les ZAC situées dans la zone économiquement active de la région, c’est-à-dire le Val de Loire entre Blois et Orléans. Ces opérations préventives ont en effet permis la découverte de sites souvent fragiles et mal conservés, grâce à des emprises de grandes surfaces sur lesquelles les archéologues peuvent recueillir des mobiliers. De même, à la confluence Vienne-Creuse, un petit groupe d’habitats est lié aux travaux récents de la LGV autour de Maillé et de Pussigny en Indre-et-Loire. En Berry, deux groupes d’habitats du Premier âge du Fer sont identifiés : le premier, autour de Bourges, lié au complexe princier, est connu autant grâce aux travaux préventifs que programmés. Plus à l’ouest, les habitats répertoriés du second groupe correspondent aux prospections du canton de Levroux mais aussi à des travaux préventifs sur l’autoroute A20 (le site de Liniez dans l’Indre) et autour de Châteauroux-Déols (autoroute A20, aéroport de Déols et plusieurs ZAC). Dans le même ordre d’idée, cette carte rend compte du fait que le corpus des fermes du Premier âge du Fer est particulièrement incomplet et tributaire de l’archéologie préventive. En effet, les établissements agricoles ne sont connus qu’au nord de la région, sur le tracé de l’A19 en Gâtinais et à Chartres alors qu’ils doivent être beaucoup nombreux en réalité. Ils couvrent très probablement une grande partie des territoires, à l’image de ce que l’on connaît dans d’autres régions bien étudiées comme la Picardie ou la Normandie94. Cette carte montre un état de la recherche sur la connaissance du Premier âge du Fer en région Centre et met en évidence les carences, en particulier un grand vide entre la Sologne et le nord du Berry.
Fig. 20. Le Premier âge du Fer par types de site en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

- 95 Milcent 2001, 96.
- 96 Milcent 2004, 181.
- 97 Idem.
- 98 Milcent 2004, 210.
- 99 Milcent 2001, 96.
86S’il y a bien des sites répertoriés pour l’âge du Fer dans ce secteur (cf. fig. 19), ils ne sont hélas pas datés précisément, mais il est très probable qu’une partie d’entre eux appartient bien à cette phase, en particulier les très nombreux tumulus de Sologne. Ils ont été soigneusement inventoriés au xixe s., mais très peu d’entre eux ont été explorés. Certains sont constitués de tertres de sable dans lesquels on a trouvé des épées en fer du Hallstatt ancien95. Dans cette région, des parures du Ha D1-2 proviennent de Saint-Viâtre et de Souesmes (Loir-et-Cher), les unes importées d’Allemagne, les autres du Languedoc mais on ignore si ces objets sont issus des tumulus96. La région d’Orléans possède plusieurs dizaines de tumulus, mais ils sont mal connus. La nécropole la plus importante est celle de Baccon (Loiret) dans laquelle 60 tumulus97 ont été dénombrés au xixe s. Le mobilier issu des fouilles anciennes révèle une utilisation des tertres entre le Ha D1-2 et LT A. Malgré les lacunes documentaires, P.-Y. Milcent a montré que le groupe de l’Orléanais présentait des affinités culturelles avec le Sénonais et le rite de l’incinération y est presque exclusif98. À la même époque, les pratiques funéraires du Berry diffèrent et l’inhumation domine. Dans ce secteur, les deux groupes de tumulus qui sont apparus au Bronze final se sont maintenus au Premier âge du Fer : le premier désigne la région de Bourges, le second se déploie en Champagne berrichonne, entre les vallées de l’Indre et du Cher, de Segry (Cher) à Villedieu-sur-Indre (Indre). Les tombes contiennent des épées en bronze ou en fer, les plus anciennes du Berry ont été recueillies dans le groupe ouest, à Brion et à Saint-Aoustrille (Indre)99. Ces groupes de tumulus, stables depuis le Bronze final, révèlent l’attachement de certaines communautés à un territoire, en particulier en Berry. En effet, la répartition des nécropoles tumulaires permet d’envisager l’existence de plusieurs centres de pouvoir fixés par des familles aristocratiques. Ils ont coexisté pendant le Hallstatt et on verra que certains ont disparu, d’autres se sont développés au cours de la phase suivante. Cette image des territoires, qui nous est donnée par les nécropoles, ne peut pas être reliée aux habitats, en particulier en Berry où les données sont encore très lacunaires.
Le Second âge du Fer
87Comme pour la phase précédente, les enclos dont la fonction est incertaine n’ont pas été cartographiés, les sites artisanaux (céramique et métallurgie) non plus. En effet, la base Patriarche semble particulièrement incomplète pour cette catégorie avec seulement 7 sites métallurgiques répertoriés pour La Tène en région Centre. Il est probable que les vestiges métallurgiques découverts dans les habitats et dans les fermes (très fréquents) ne soient pas répertoriés en tant que tels.
Types de sites de l’âge du Fer 2 en région Centre (cartographiés) |
Nombre de sites SDA |
% |
Atelier potier |
1 |
0,15 |
Pirogue |
1 |
0,15 |
Carrière |
3 |
0,46 |
Cultuel |
6 |
0,92 |
Métallurgie |
7 |
1,07 |
Dépôts/dépôts monétaires |
11 |
1,68 |
Voirie/pont |
12 |
1,83 |
Fermes |
32 |
4,89 |
Funéraire |
47 |
7,19 |
Enceintes |
52 |
7,95 |
Occupations indéterminées |
113 |
17,28 |
Enclos/syst.enclos/fossés/parcellaire |
114 |
17,43 |
Habitats |
255 |
38,99 |
TOTAL |
654 |
100 |
- 100 Krausz 2015.
88Pour cette phase, ce sont encore les habitats bien datés qui sont les plus fréquents (39 %). Les enceintes bien calées chronologiquement sont plus nombreuses qu’à la phase précédente (52 contre 1), ce chiffre mettant bien en évidence le phénomène des oppida qui émerge à LT D1. Les fortifications sont réparties un peu partout en région Centre, mais la Sologne et le nord du Berry semblent déficitaires (fig. 21-A). Ce déficit peut être lié à la prospection préférentielle des enceintes de hauteur et à une mauvaise détection des enceintes de plaine. En effet, la grande majorité des fortifications laténiennes répertoriées correspond à des sites de hauteur connus depuis le xixe s. Mais en Sologne, le relief est peu marqué et on ne peut pas exclure a priori l’existence d’agglomérations de plaine, éventuellement fortifiées. Mais si elles ont existé, elles n’ont pas encore été découvertes, faute de prospections et de fouilles. Neung-sur-Beuvron (Loir-et-Cher) reste une exception en Sologne. En effet, ce bourg pourrait correspondre au Noviodunum des Bituriges assiégé par César au cours de l’hiver -52100. On peut voir à Neung un grand rempart de 10 m de hauteur précédé d’un large fossé à fond plat, une fortification qui pourrait bien correspondre à un rempart massif de LT D2. Mais ce site n’apparaît pas dans la base Patriarche (et il n’est pas cartographié) car le rempart n’a pas été fouillé et n’est donc pas daté. Dans les années 1970, à l’occasion des fouilles du théâtre de Neung par H. Delétang, à quelques kilomètres au sud de l’enceinte, des vestiges de LT C/D ont été découverts. Ils pourraient appartenir à un site de plaine ouvert précédant la fondation de l’oppidum de Noviodunum, conformément au modèle illustré par Levroux ou Bâle.
Fig. 21. Le Second âge du Fer par types de site en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9).

89Comme pour la phase précédente, les exploitations agricoles laténiennes sont nombreuses dans la moitié nord de la région, leur connaissance étant liée à l’archéologie préventive de grandes surfaces. En Berry, les fermes sont particulièrement mal connues mais les travaux récents ont permis de fouiller quelques exemplaires à Bourges et à Déols.
90En revanche, les sites funéraires bien calés chronologiquement sont déficitaires par rapport à la masse des données attribuées à l’âge du Fer en général (47 sites datés de La Tène pour 539 sites funéraires pour l’ensemble de la période) (fig. 21-B). Mais comme pour le Premier âge du Fer, on retrouve les groupes de nécropoles de l’Orléanais et du Berry. Les dépôts sont essentiellement monétaires (8 sur 11) et ils sont répartis partout dans la région. Enfin, les sites cultuels sont mal identifiés. Parmi ceux qui apparaissent sur la carte, on peut noter le sanctuaire de l’habitat laténien de Saumeray (Eure-et-Loir) et deux autres qui correspondent à des découvertes récentes sur l’autoroute A19, dont l’habitat aristocratique de Batilly-en-Gâtinais.
Conclusion sur l’âge du Fer
91Avec 5688 EA et 2436 sites SDA, la base de données de l’âge du Fer est la plus importante quantitativement pour la Protohistoire en région Centre. La projection des trois civitates gauloises englobées par la région paraît constituer l’acquis le plus important car ce sont ici trois grandes entités politiques de la Gaule qui peuvent être visualisées grâce à la grande masse de données rassemblées pour l’âge du Fer.
92Cette cartographie à petite échelle montre le potentiel de la région Centre pour l’âge du Fer : une série d’entités territoriales se dégage, les grandes civitates d’une part, mais aussi de petits groupes de sites qui correspondent à de plus petites unités territoriales, peut-être des pagi. La cartographie a également montré que les trois entités historiques sont perceptibles dès le Hallstatt et que leur image se renforce à La Tène avec la multiplication du nombre des habitats. Les nécropoles abritant les tombes d’aristocrates hallstattiens sont présentes dans l’Orléanais, en Berry et en Touraine. Leur répartition est identique à celle des nécropoles du Bronze final et le restera jusqu’à la fin de l’âge du Fer. Alors que la répartition des habitats bien datés ne permet pas encore de confirmer cette régularité, l’image donnée par les nécropoles est celle de territoires localement stables, maintenus par les élites et transmis par les lignages.
93Mais il faut bien avouer que l’étude plus fine des données, lorsqu’on passe au niveau des phases du Hallstatt et de La Tène, est assez décevante car les cartes obtenues montrent autant de zones lacunaires que de secteurs occupés. Cette étude rend bien compte de l’augmentation exponentielle des données acquises grâce à l’archéologie préventive depuis le milieu des années 1980 en région Centre. L’activité économique a favorisé toutes les périodes chronologiques, et en particulier l’âge du Fer, qui est l’époque du développement de l’urbanisation et de différents types d’occupation qui sont associés aux villes. Mais la question de l’étude des données acquises par l’archéologie préventive reste préoccupante, car elle n’a pas été réalisée à la suite des fouilles, ou de manière trop ponctuelle. En effet, la majorité des sites cartographiés dans ce chapitre, en particulier ceux qui ont été découverts au cours des 20 dernières années sur les autoroutes et dans les ZAC de la région Centre n’ont pas été publiés ni même étudiés au-delà de la phase de post-fouille. C’est évidemment ce problème qui explique l’absence de datation fine de ces gisements et le caractère lacunaire des cartes dès que l’on cherche à atteindre un niveau d’analyse plus fin.
94Le retard des études archéologiques par rapport à l’inventaire des sites découverts et fouillés en préventif est symptomatique de l’archéologie nationale et il est particulièrement patent pour l’âge du Fer. C’est ce paradoxe qui est cartographié ici : la carte de la connaissance de l’âge du Fer en région Centre montre bien le potentiel quantitatif car les sites sont bien là où on les attendait mais ils ne sont pas étudiés. Et on ignore à quel moment ils le seront car les archéologues qui pourraient analyser les données de leurs fouilles sont accaparés chaque jour par de nouvelles opérations préventives.
Notes
1 PATRIARCHE est l’application informatique des services régionaux de l’archéologie qui a remplacé DRACAR en 2002. Dans l’esprit de la carte archéologique, elle est couplée avec un SIG qui permet une projection cartographique des données. PATRIARCHE est une base de gestion (des sites archéologiques) mais aussi de documentation (rapports d’opération) dont la consultation reste actuellement à usage interne des services centraux et déconcentrés du Ministère de la culture.
2 Krausz 2009b.
3 Chauvin 2000, 10.
4 Mohen & Bailloud 1987.
5 Celticum 1962.
6 Celticum 1963.
7 Cordier 1975.
8 Favière et al. 1964.
9 Willaume 1985.
10 Nash 1978.
11 Peyrard 1981.
12 Buchsenschutz et al. 1988 ; Buchsenschutz et al. 1993 ; Buchsenschutz et al. 1994 ; Buchsenschutz et al. 2000.
13 Buchsenschutz & Ralston 1981.
14 Batardy et al. 2001.
15 Gandini & Laüt 2013.
16 Rialland & Ferdière 1994 ; Ferdière & Rialland 1994.
17 Rialland 1991.
18 Archéologie urbaine 1982.
19 Gran-Aymerich & Almagro Gorbea 1991.
20 Couvin et al. 2001.
21 De Filippo 2007.
22 Riquier 2008a, vol. II, 330.
23 Buchsenschutz et al. 2009.
24 Dupont 2012.
25 Liégard & Fourvel 2004.
26 Luberne 2005.
27 Krausz éd. 2003 ; Ferdière & Guiot éd. 2015.
28 Ferdière, éd. 2015.
29 Burnouf et al. 2002.
30 Les données traitées ici ont été extraites de la base Patriarche par le Service régional de l’archéologie du Centre le 2 octobre 2013. Je remercie Jocelyne Vilpoux qui a réalisé à ma demande l’extraction des fichiers pour les périodes du Néolithique, âge du Bronze et âge du Fer.
31 SDA : sous-direction de l’archéologie (Direction des Patrimoines, Ministère de la culture).
32 Ce fichier constitue l’état de la documentation du SRA du Centre le 2 octobre 2013. Je remercie Pascale Araujo, documentaliste au SRA d’Orléans, qui m’a fourni ce fichier et aidée dans mes recherches documentaires.
33 Krausz, éd. 2003.
34 Creusillet 2015, 31.
35 Demoule, éd. 2007, 56.
36 Simonin 1996.
37 Creusillet 2015, 31.
38 Demoule éd. 2007, 92.
39 Manolakakis & Quatrehomme 1991.
40 Lardé, dir. 2013.
41 Villes 2007.
42 Masset 1968.
43 Richard & Simonin 1999.
44 Verjux 1999, 100.
45 Hamon 1999, 18-19.
46 Frénée, dir. 2008, 75.
47 Verjux 1999, 100‑101.
48 Rialland 1991.
49 Hugoniot et al. 1980 ; Rialland 1991, 8.
50 Rialland & Hamon 1999, 17.
51 Agogué & Irribarria 1999.
52 Creusillet & Irribarria 1999a.
53 Rialland & Hamon 1999, 24‑25.
54 Cette question sera détaillée dans le chapitre suivant sur Fort-Harrouard.
55 Despriée 1999.
56 Creusillet 2015, 32.
57 Creusillet & Irribarria 1999b.
58 Demoule éd. 2007, 93.
59 Constantin et al., éd. 1997.
60 Richard & Verjux 1999.
61 Creusillet 2015, 32.
62 Hamon 1997.
63 Salanova et al. 2011, 84.
64 Communication personnelle de T. Hamon.
65 Salanova et al. 2011, 77.
66 Duval & Buchsenschutz 1979 ; Krausz 2007b, 139.
67 Krausz & Hamon 2007, 68‑69.
68 Primault 2003.
69 C’est la dendrochronologie réalisée dans les sites lacustres du Jura qui a permis de caler ces dates précisément.
70 Pelegrin 2012, 34.
71 Pelegrin 2014, 187.
72 Mallet 2012, 134.
73 Pelegrin 2014, 187.
74 Pelegrin 2014, 191.
75 Millet-Richard 2000, 40.
76 Chiffre publié en 2012, provisoire, car les inventaires sont toujours en cours.
77 Mallet 2012, 135.
78 Pelegrin 2014, 189.
79 Mallet 2012, 143.
80 Verjux et al. 2012.
81 Martineau et al. 2014, 141.
82 Martineau et al. 2014, 155.
83 Millet-Richard 1999, 89.
84 Idem.
85 Pelegrin 2012, 35.
86 Pelegrin 2014, 193.
87 Pelegrin 2014, 198.
88 Pelegrin 2014, 199.
89 Pelegrin 2014, 200.
90 Cordier 2009.
91 Fichtl 2015, 109.
92 Dans ce tableau ont été rassemblés dans la même catégorie les enclos/systèmes d’enclos ainsi que les sites qualifiés d’enceintes et d’oppida (367 enclos/systèmes d’enclos + 364 enceintes/oppida = 731 sites). On ne peut pas certifier la fonction défensive des sites dénommés enceintes ou oppida. Dans un certain nombre de cas, il s’agit d’enclos sans fonction clairement établie, le mot enceinte paraissant être utilisé de manière générique. De plus, l’attribution à l’âge du Fer n’est pas garantie sur tous ces sites. En effet, parmi les 364 unités qualifiés d’enceintes/oppida, seulement 1 est attribué à l’âge du Fer 1, et 52 à l’âge du Fer 2. J’ai donc choisi de constituer une catégorie globale pour éviter d’afficher un nombre d’enceintes qui serait artificiellement supérieur à la réalité.
93 Buchsenschutz & Ralston 2012, 360.
94 Malrain et al. 2013.
95 Milcent 2001, 96.
96 Milcent 2004, 181.
97 Idem.
98 Milcent 2004, 210.
99 Milcent 2001, 96.
100 Krausz 2015.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 6. Le Néolithique en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). Sites du Néolithique, toutes phases, n=5052 EA. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 257k |
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Titre | Fig. 7. Le Néolithique ancien en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique ancien, n=95 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique ancien. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 167k |
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Titre | Fig. 8. Le Néolithique moyen en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique moyen, n=149 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique moyen. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 190k |
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Titre | Fig. 9. Monuments mégalithiques en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 144k |
![]() | |
Titre | Fig. 10. Le Néolithique récent en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique récent, n=84 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique récent. |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 181k |
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Titre | Fig. 11. Le Néolithique final en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). A. Sites du Néolithique final, n=455 sites SDA ; B. Types de sites du Néolithique final). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 205k |
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Titre | Fig. 12. Carte de répartition des poignards en silex du Grand Pressigny (Pelegrin 2014, 186). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 506k |
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Titre | Fig. 13. L’âge du Bronze en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 926k |
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Titre | Fig. 14. L’âge du Bronze ancien en région Centre, n=174 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 361k |
![]() | |
Titre | Fig. 15. L’âge du Bronze moyen en région Centre, n=34 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 324k |
![]() | |
Titre | Fig. 16. L’âge du Bronze final en région Centre, n=263 sites SDA (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 374k |
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Titre | Fig. 17. L’âge du Bronze en région Centre par types de site (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 836k |
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Titre | Fig. 18. Les sites de l’âge du Bronze en région Centre, toutes phases confondues (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 549k |
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Titre | Fig. 19. L’âge du Fer en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 943k |
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Titre | Fig. 20. Le Premier âge du Fer par types de site en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
URL | http://books.openedition.org/ausonius/docannexe/image/14854/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 604k |
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Titre | Fig. 21. Le Second âge du Fer par types de site en région Centre (base de données Patriarche Centre, Cartographie Arcview 9). |
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Fichier | image/jpeg, 783k |
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