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  • Table ronde 15-16 novembre 2010
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ? Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ? Atelier mobilier : des fosses vides ? Atelier fonction : des fosses pour quoi faire ? Clôture Bibliographie Notes de bas de page

    Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W »

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Table ronde 15-16 novembre 2010

    Retranscription des discussions thématiques

    p. 313-339

    Texte intégral Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ? Les séquences chronologiques d’utilisation dans leur contexte culturel régional : cas de la Champagne : discussion A- Chronologie Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ? Groupés/isolés, les différentes catégories de distribution spatiale observées et présentation de la fenêtre d’étude de Bazancourt (Marne) : discussion B- Espace Atelier mobilier : des fosses vides ? Le mobilier des fosses en Champagne : discussion Atelier fonction : des fosses pour quoi faire ? Présentations des différentes hypothèses fonctionnelles : discussion Clôture Bibliographie Bibliographie citée dans les discussions Notes de bas de page

    Texte intégral

    Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ?

    Les séquences chronologiques d’utilisation dans leur contexte culturel régional : cas de la Champagne : discussion

    A- Chronologie

    1Olivier Brun :
    Je pense qu’il y a deux aspects en ce qui concerne le coût des datations : quand tu dis 58 dates à 450 euros1, ça fait des sous mais 1 : ce n’est pas sur des programmes dans lesquels on se lance d’un seul coup dans toute la dépense (on fait plutôt une date sur une opération et trois dates sur une autre), et 2 : il y a des habitudes de choses qu’on trouve chères et d’autres pas chères ; globalement, dès qu’on est à 3 km d’une abbaye, envoyer quelqu’un 1 mois aux archives, ça ne choque personne même des fois en diagnostic, et je le dis en tant que médiéviste ; par contre payer trois dates, ben on se dit « c’est cher ! », alors que 450 euros, ce n’est pas le prix moyen d’une journée de travail facturée à un aménageur. Il y a plusieurs manières de compter les choses, ce n’est pas forcément si cher que ça comparé à plein d’autres choses faites habituellement et qui apportent (je pense aux archives) globalement beaucoup moins : comme savoir qu’il y avait des tombes au xve autour d’une église et y avoir passé 15 jours et pourtant ça a coûté 10 fois plus cher.

    2Jan Vanmoerkerke :
    Pour continuer sur les datations et sur l’évolution inverse entre disons « densité d’occupation et fosses en Y », 58 dates peuvent apparaître un investissement bien lourd. Mais dès que l’on veut appréhender plus finement les évolutions, on se rend bien compte qu’il faudrait encore trois ou quatre fois plus de dates pour développer des interprétations plus poussées. Pour le secteur de Bezannes, par exemple, si on compare les datations des fosses au Bronze final, assez tardives, et l’occupation humaine, on peut y voir un lien. L’occupation dense commencerait après les fosses en Y. En gros, la plaine crayeuse est encore peu occupée au RSFO et l’occupation dense commence au Bronze final IIIa/IIIb, donc dans ce secteur-là (Bezannes) où on a des dates plus tardives pour les fosses, on a aussi l’impression que l’occupation plus intense de la plaine crayeuse est plus tardive ; ce décalage, on ne peut pas le comprendre à l’échelon régional mais en regardant plus en détail, il semble assez généralisé ; ça va tout à fait dans le sens de ce que tu disais pour le Parc Logistique de l’Aube.

    3Kai Fechner :
    Il y a énormément de fosses qui sont recoupées par des structures postérieures ou par des structures rubéfiées et je me demande s’il n’y a pas un fréquent phénomène lié à la profondeur de ces structures qui sont souvent affectées par du « ripening », du tassement naturel a posteriori ; ça reste un creux et pour qu’on réoccupe cet endroit-là, le creux sert de poubelle ou de foyer (pour être à l’abri du vent) ; il y a beaucoup de foyers qui se réinstallent dans le sommet des comblements, ce qui peut expliquer qu’on trouve régulièrement du charbon dans les comblements finaux.

    4Vincent Desbrosse :
    Oui mais souvent, dans la partie sommitale, ce ne sont pas de grosses quantités de charbons ; ce sont plus des dépressions qui vont piéger ce qu’il y a sur le sol et, ainsi, ces charbons ne vont pas disparaître dans le labour. Parce que les exemples de réutilisation par des fours, il y en a quelques cas au Parc Logistique de l’Aube, mais c’est quand même plutôt marginal.

    5Juliette Durand :
    Mais il y a quand même des cas de réutilisation en dépotoirs, comme à Mareuil-lès-Meaux, en Seine-et-Marne, où un dépotoir daté par radiocarbone du premier Âge du Fer est déposé dans la partie sommitale d’une fosse (Durand et alii, 2008).

    6Fabrice Marti :
    Je me méfierais des histoires de tassement surtout quand il y a de très grands écarts chronologiques dans ce cas-là. Surtout dans les contextes limoneux, en raison de problèmes de lecture, on ne va pas voir forcément s’il y a des recreusements. Pour le tassement, lorsqu’on a des écarts de deux millénaires, je pense que c’était déjà bien tassé avant.

    7Kai Fechner :
    Tout dépend comment tu as rempli le trou ; si c’est en tassant le fond, évidemment ça ne se tasse presque pas et si tu as une nappe phréatique, ça va tasser beaucoup plus fort.

    8Fabrice Marti :
    Oui, mais il ne faut pas voir du tassement partout ; il faut déjà avoir une lecture stratigraphique au départ et bien identifier les types de colmatages.

    9Juliette Durand :
    Mais de toute façon, on a un problème d’échantillonnage puisque les charbons correspondent très rarement à un dépôt intentionnel au moment du fonctionnement de la fosse. Ce dont on est sûr, c’est qu’on date un moment après le comblement de la fosse (c’est un terminus ante quem). Je pense aussi que tu n’as pas montré beaucoup de cas (cf. diapos de 14C à différents niveaux) et qu’il faudrait plus de datations. Indépendamment des considérations financières, 58 dates pour tout le nord de la France, c’est peu. Idéalement, il faudrait plusieurs dates par fosses pour mieux cerner les problèmes d’échantillonnage ; on est loin du compte.

    10Vincent Riquier :
    Ça peut être un chablis ; on observe souvent, en Champagne crayeuse, dans le comblement supérieur des fosses, des traces de chablis ; donc ça peut être le charbon pris dans le chablis.

    11Vincent Desbrosse :
    Ça dépend aussi où on se trouve ; en Champagne crayeuse, lorsqu’on est loin des occupations humaines, on voit aussi les exemples de Norvège, ça peut rester ouvert très longtemps ; à partir du moment où le profil de stabilisation est établi, s’il n’y a pas de remise en culture ou d’activité humaine intense dans ce secteur-là, la fosse n’est pas entièrement rebouchée et peut rester ouverte pendant de longues années. Donc le remplissage est certainement rapide pour la partie basse mais beaucoup plus lent pour la partie supérieure, si on est loin des grandes vallées avec beaucoup d’occupations humaines ; mais si on est dans une vallée avec beaucoup d’occupations humaines, on a plus de chance d’avoir un comblement plus rapide du sommet des fosses.

    12Jean Bruant :
    Mais en tout cas, on a une fosse de La Tène à Chilly-Mazarin avec un recoupement stratigraphique. La datation radiocarbone ne pose aucun problème.

    13Jan Vanmoerkerke :
    Pour les datations, je crois que quand on a vu les présentations d’hier et que l’on connaît la littérature allemande sur les sites du Néolithique ancien, on devient sceptique sur les datations indirectes, fondées sur la proximité d’autres structures datées. En gros, dans la littérature allemande, les fosses en Y sont datées du Néolithique ancien parce qu’elles se trouvent sur les grandes fouilles du Néolithique ancien, qui sont de loin les plus nombreuses et surtout les plus étendues. Les fosses en Y sont très courantes sur ces fouilles mais presque aucune date radiocarbone n’a été effectuée. Leur attribution au Néolithique ancien est déduite de la proximité d’autres structures du Néolithique ancien et parfois de quelques tessons dont la position primaire ou secondaire n’est jamais discutée. En France, si on ne se fiait qu’au mobilier archéologique de ces fosses ou aux structures d’autre nature les plus proches, on aurait également des datations très différentes (Chilly par exemple). Mais dès qu’on a des datations 14C, on n’est plus ni à l’Âge du Fer ni au Néolithique ancien. J’aurais tendance à dire qu’il faut faire complètement abstraction de ces contextes de site. On ne peut pas complètement exclure que certaines de ces structures soient liées à l’habitat (dans lequel elles ont été fouillées), mais on peut affirmer que la très grande majorité de ces fosses n’ont rien à voir avec les habitats dans lesquels on les trouve. Même en Allemagne, dès qu’on regarde les plans des fouilles du Néolithique ancien en détail, on constate que les recoupements sont dans le même sens, à savoir des Schlitzgruben qui recoupent des structures du Rubané. On peut toujours continuer à argumenter que ces habitats ont plusieurs phases d’occupation du Rubané, et que ces recoupements ne prouvent pas que les fosses ne sont pas rubanées. À force, ça devient peu crédible, et de plus, les rares dates radiocarbone disponibles indiquent plutôt le IVe millénaire.

    14Pour ce type de structure, la datation « contextuelle », classique en archéologie, n’a aucune valeur.

    15Fabrice Marti :
    Pour les datations, je pense qu’il faut discriminer entre contexte érodé et contexte qui génère des stratigraphies. Il faut voir ce qui est donné par la stratigraphie. Après, il y a le problème de recoupement sur des sites érodés ; ce sont deux choses différentes. Et enfin, les datations type 14C. On est dans trois univers dont certains peuvent être plus précis que d’autres en site stratifié, où l’on a des resserrements. À Neuville, on a à peu près quatre sols atlantiques, donc on sait que celui du bas est plus ancien que celui du haut. Donc il y a d’abord un tri énorme à faire, même s’il n’y a pas beaucoup d’exemples ; mais si on se met à reprendre la littérature et à en trouver, il faut voir ce qui correspond en site non stratifié daté par des méthodes type 14C, comment on peut avoir un parallèle avec des fosses datées par stratigraphie fine.

    16Juliette Durand :
    Effectivement le plus grand nombre de dates est situé pendant la période du Néolithique et peut-être plus précisément entre le Néolithique récent et le Néolithique final, mais on observe aussi un éventail de dates qui s’échelonne du Mésolithique jusqu’à l’Âge du Fer. Par conséquent, même si on perçoit un phénomène très marqué pendant le Néolithique, on constate aussi que ces fosses existent bel et bien depuis le Mésolithique jusqu’à la fin de la Protohistoire. Cette information indique sans doute que toutes ces fosses ne correspondent pas à une fonction unique. Peut-être peut-on voir dans cet éventail l’illustration de la variété des fosses qui sont prises en compte ici, indépendamment des critères typologiques qui ont été retenus.

    17Olivier Brun :
    Concernant les datations par le contexte, il faut voir que si on date par le contexte, c’est qu’il y a d’autres structures ; donc on fait déjà un tri dans les fosses et on élimine toutes celles qui ne sont pas à proximité d’autres structures ; tout en sachant que la meilleure méthode de détection de ces fosses isolées, c’est qu’on fouille autre chose et donc qu’on décape plus large. Donc on crée nous-mêmes un contexte ; on va fouiller sur un site de l’Âge du Fer où on trouve des fosses en Y, mais c’est parce qu’on a décapé. Et en dehors de sites, en diagnostic, on n’a pas toujours les sous pour les dater. Sur cette question de contexte, il faut se méfier de ces aspects-là ; ce qui est intéressant là, c’est qu’à la fois les datations qui sont faites sur les fosses qui sont à proximité d’autres vestiges et celles qui sont loin de toute concentration de vestiges, on retrouve les mêmes dates. Et celles qui sont à proximité d’autres structures, elles sont là par hasard parce qu’il y a plusieurs occupations au même endroit. Mais il n’y a pas de lien entre ces fosses, leur datation (comparable à celles des autres) et les occupations pour lesquelles on a monté une fouille.

    18Fabrice Marti :
    Il y a deux choses quand on parle de contexte ; il y a la datation par contexte de façon indirecte, sans relation réelle : par exemple la fosse est dans un environnement Âge du Fer mais on la date de l’Âge du Fer parce qu’il y a que de l’Âge du Fer autour ; et il y a l’autre façon directe par stratigraphie, il faut insister là-dessus. J’ajouterai, parce que Jan a souligné dans sa présentation qu’on était un peu cloisonné par les problèmes de périodes, qu’on prend aussi un peu les choses à l’envers parce que dans ce que l’on a vu, il y a beaucoup de choses différentes ; avant parler de datation, il faudrait voir plus ces types différents en faisant abstraction des datations.

    19Jan Vanmoerkerke :
    Pour les datations décalées, il y a l’explication la plus probable que Vincent a présentée (la remise en culture plus de 2 000 ans après). Mais il y a aussi une autre explication, beaucoup plus complexe.
    Dans ces groupes de fosses en Y, il y a des phases complètement différentes et ces groupes sont en partie fictifs, les fosses en Y n’ayant pas toutes fonctionné ensemble. Certaines sont contemporaines mais d’autres datent d’une autre époque. Donc quand on a des dates sur des échantillons provenant du haut des fosses en Y, ces échantillons peuvent aussi être liés à d’autres fosses en Y, creusées à côté. Ça peut être cette activité-là qu’on date ; on revient à l’endroit où on était déjà venu creuser une fosse en Y au IVe millénaire. On ne sait pas pourquoi, c’est vraiment une énigme, mais le fait est incontestable. Quand ils reviennent au même endroit pour faire de nouvelles fosses en Y, il est probable que des éléments sont piégés dans les dépressions qui subsistent des fosses en Y néolithiques. Ainsi, dans un groupe de fosses en Y, ce qu’on trouve dans le haut du comblement d’une fosse en Y, peut provenir d’une fosse beaucoup plus récente. Ce n’est pas forcément la mise en culture – qui reste l’explication la plus probable – qui est à l’origine de tout ce qui est trouvé dans le remplissage supérieur d’une fosse en Y.

    20Kai Fechner :
    Le bilan que l’on a commencé à présenter avec Alexandre Chevallier semble indiquer que les fosses sont toujours très faiblement anthropisées au fond. D’autres critères comprennent la faiblesse de phosphore ou l’absence d’autres indices, comme du sédiment tombé dedans très proche du sol naturel local et non modifié chimiquement, etc. Ce qui signifierait que ce sont des contextes peu anthropisés et ça va dans le sens de l’explication que vous donnez, c’est-à-dire : ce n’est pas à ce moment-là qu’on habite dans le coin, on habite un peu plus loin. Ce sont des endroits où on n’habite pas à ce moment-là ; ce, par rapport à d’autres fosses qui sont marquées par l’homme.

    21Vincent Desbrosse :
    En termes de sol, combien de temps dure la très faible anthropisation ? Si on a une occupation humaine au Néolithique moyen par exemple, et une fosse creusée à proximité à l’Âge du Bronze final, est-ce qu’il y aura toujours une trace d’anthropisation du sol 3 000 ans après ? Ou est-ce que cette trace aura complètement disparu ?

    22Kai Fechner :
    Il faut déjà que la fosse elle-même fasse l’objet des rejets riches en artefacts et en écofacts dus à l’homme (ossements, charbons, cendre) ; ce n’est pas le cas. Donc on est loin apparemment à ce moment-là d’un endroit qui produirait des déchets.

    23Vincent Desbrosse :
    L’anthropisation, ça peut être aussi un défrichement ou une mise en culture, etc. Est-ce que ça peut fausser les données ? Par exemple, il y a eu un champ cultivé, puis une forêt, puis, après défrichement, une pâture. Si la fosse est creusée dans ce dernier milieu, qu’en est-il de la mémoire des sols ?

    24Kai Fechner :
    Tout dépend sur quelle couche on travaille ; si on travaille sur les couches du fond qui semblent associées à l’utilisation de la fosse – c’est tout le débat qu’on aura peut-être tout à l’heure. Pour prendre un exemple concret, à Oiry, on a deux remplissages sombres du fond qui ont exactement la composition granulométrique et chimique de la rendzine qui se forme naturellement dans les sols sur craie, à tous les niveaux, et aucun marqueur anthropique ; par contre, le comblement tardif, après le profil d’équilibre, est une grosse couche avec un peu de charbon de temps en temps et parfois du chablis brûlé, et là au contraire, on rencontre tout à coup des taux importants de plusieurs éléments chimiques qui sont typiques des environnements cultivés et beaucoup plus de phosphore ; on a une évolution entre ce qui est venu dans la fosse au début et ce qui est venu plus tard. Mais entre-temps, il y a eu probablement une mise en culture du lieu, et des couches qui comblent la fin de cette fosse de couleur tout aussi noirâtre à l’œil nu que les couches du fond. Si une fosse avait été creusée à ce moment-là, son comblement de fond aurait été beaucoup plus marqué par l’homme et on aurait gardé la trace de la mise en culture qui aurait eu lieu entre les deux moments, comme tu le dis. Par contre si tu travailles sur la couche du fond de la fosse, tu n’aurais aucun impact d’utilisation humaine, ce seraient des couches formées lors de l’utilisation de la fosse.
    Si on parle de la couche, par exemple, d’un cuvelage en planche, elle sera relativement peu marquée par l’homme s’il n’y a pas ajout d’ossements ou de cendre. Là on ne parle pas d’environnement, on parle du marquage chimique de la fosse elle-même.

    25Vincent Riquier :
    Question à destination des collègues de Norvège. Est-ce qu’on sait précisément la chronologie de toutes ces fosses que vous nous avez présentées ? Est-ce qu’on en a aussi au Néolithique, à l’Âge du Bronze, à l’Âge du Fer, au Moyen Âge, etc. ?

    26John Olsen :
    There has been some datings of pits for reindeer and for elk. The oldest one are for elk and are dating back to the Bronze Age. The oldest secure dating of pits for reindeer are from the 7th century BC. There are also a lot of datings that we are very unsure of what realy have been dated. Like when you are dating the bottom layer, in your pits. That is the same we have sometimes, I think that what we are getting then is the last phase of the use of the pit, and it is the last cover of the pit, that fall into it when the last reindeer was trapped. So what is it in the bottom is the last phase of the pit. But of course that could also have be some vegetation that fall into the pit 2-3 hundred years after the pit went out of use? We also have some datings of the old turf layer. We have a little bit different situations in Norway than you have here in France, because there have been no cultivation in the area afterwards, so when we get our profile, we can date what was upper grass layer in which the pit was dug out, but that’s also really challenging what we are really dating.

    27Kaï Fechner:
    What does the bottom layer look like?

    28John Olsen:
    Yes, you can see mark layer where the pit has been dug; also because that pits has wood inside to keep soil from falling. Geologically, Norway is young. During the Ice Age, all sediments were transported to Danemark, so our oldest sediments may be 10000 years old.
    I just want to add one last thing, about what I understand from my excellent translater, about this connection about the pits and the settlements. Also in our area, we have settlements form different periods and pits in the same area close to each other but it is hard to connect the settlements and the pits. In the cases when we have datings from bouth the pits and the settlement, in many cases there are quite many year between when the settlement was in use and the pits was in use, but in some cases there are simultanius datings – but of course that is not an evince for a connection.

    29Christophe Laurelut :
    Une chose à deux reprises m’a véritablement frappé dans le graphique des dates ; pour le Néolithique, c’est le premier petit pic qu’on voit, qui se cale entre 4700 et 4300 av J. -C., et qui correspond donc grosso modo au Cerny et comme par hasard, c’est une période où on note dans les assemblages fauniques un taux accru d’animaux sauvages chassés, et au niveau funéraire, une valorisation apparente de la chasse, des chasseurs ou d’individus interprétés comme tels. Et si on prend la grosse masse que vous avez pour le Néolithique ultérieurement et qu’on se concentre sur le pic majeur, il correspond à la fin du Néolithique moyen II et au début du Néolithique récent, et là aussi dans les assemblages, on note une augmentation notable des taux d’animaux sauvages, voire une explosion, avec dans certains ensembles plus que du sauvage. Je crois qu’il y a une relation forte à faire entre ce qu’on peut dire globalement des variations dans l’importance de la chasse au Néolithique et le résultat que vous obtenez sur la fréquence des fosses pour cette période. Ça me paraît assez frappant.

    30Jan Vanmoerkerke :
    Je voudrais intervenir aussi sur l’interruption énigmatique, dans le diagramme des datations radiocarbone, entre 2500 et 2000 av J.-C. Beaucoup de collègues semblent sceptiques, mais il y a un argument supplémentaire important. Lorsque le premier graphique a été fait, on n’avait que 25 dates et on avait déjà été frappé par cette interruption. Après discussion dans l’équipe, on a considéré que c’était un peu risqué de postuler une réelle interruption avec seulement 25 dates. Et on voit aujourd’hui que le graphique n’a pas bougé du tout et que le trou dans le diagramme est toujours là. De plus, si l’on ajoute les autres dates entendues hier, elles ne font que renforcer cette interruption. Autant pour les premiers pics du diagramme (aux Ve-IVe millénaires), on peut s’attendre à des changements dans le diagramme, autant pour cette interruption, à la fin du Néolithique et au début du Bronze ancien, elle semble bien acquise ; c’est quelque chose de très particulier. La démarche maintenant, c’est de comparer les deux phases, avant et après cette interruption et de comprendre pourquoi le phénomène s’est arrêté et a repris après cette interruption d’un demi-millénaire. On peut se demander, par exemple, si les fosses en Y avaient exactement la même fonction avant et après cette interruption. À terme, ce sera vraiment une piste de recherche à explorer parce que je vois mal qu’aucun changement ne soit intervenu ; la fonction est peut-être restée la même mais l’organisation, par exemple, a pu changer. Pour l’Âge du Bronze, il faudra plus de dates, mais il semble que ce soit des petits groupes de fosses en Y qui ont l’air beaucoup plus isolés que pour le Néolithique. Mais comme ces groupes néolithiques ne sont pas des groupes « contemporains », c’est difficile à comprendre. En tout cas, une des principales pistes futures sera de comparer les deux groupes principaux, sur toutes leurs caractéristiques.

    Atelier chronologie et espace : quand, où et comment ?

    Groupés/isolés, les différentes catégories de distribution spatiale observées et présentation de la fenêtre d’étude de Bazancourt (Marne) : discussion

    B- Espace

    31Ginette Auxiette :
    Je vais juste répondre pour la vallée de l’Aisne ; pour certains vous le savez, nous avons décapé des centaines d’hectares exhaustivement et nous n’avons pas repéré d’implantation de ces fosses dans la plaine alluviale sur des sites situés en moyenne entre 500 et 800 m du cours d’eau ; ça confirme un peu ce que vous avez mis en évidence de votre côté ; ce n’est pas dans les vallées que l’on trouve l’implantation de ces fosses. À ma connaissance, il y en a peut-être une ou deux fouillées récemment à Cuiry-lès-Chaudardes, mais pas encore datées. Comme nous sommes très peu intervenus sur les versants et les plateaux, nous n’avons aucune vision globale de l’installation de ces fosses, si on peut en avoir une un jour.

    32Vincent Desbrosse :
    Si un jour vous allez sur les versants, ce sera intéressant de les chercher.

    33Ginette Auxiette :
    De les chercher ? Là je vais répondre à Jan : malheureusement, nous avons vécu une époque formidable dans la plaine, et les temps actuels ne sont pas aux grands décapages exhaustifs mais aux petites fenêtres qui suivent le parcours des fossés ; donc je pense que pour trouver ces magnifiques fosses, on n’est plus dans le bon temps. C’est très lié à la gestion des dossiers par les services régionaux et même si on a des grands diagnostics comme tu dis, on peut toujours passer à travers puisqu’il n’y a plus de grand décapage prescrit. À mon avis, on a réduit considérablement nos perspectives de trouver ces fosses. C’est l’état actuel des prescriptions.

    34Juliette Durand :
    Mais justement, il faut chercher ce genre de fosses en diagnostic. Les surfaces des diagnostics sont de plus en plus grandes ; prenons l’exemple de Villenoy-Chauconin, où 70 ha ont été diagnostiqués. Seules trois occupations ont été repérées, et une seule a été prescrite. Vingt fosses profondes, sans mobilier et réparties sur toute l’emprise, ont été fouillées dans le cadre du diagnostic. Ces fosses peuvent être traitées mécaniquement puisqu’il n’y a pas de mobilier, c’est donc assez rapide, et on peut se permettre d’en chercher d’autres à partir du moment où on a eu la chance d’en trouver une.

    35Ginette Auxiette :
    C’est là où il faut faire des fenêtres, veux-tu dire ?

    36Juliette Durand :
    Oui et quand tu tombes sur une fosse comme ça en diagnostic, il faut la fouiller à 100 % car la zone ne sera pas prescrite ; il n’y a qu’à ces moments-là que tu peux un petit peu prendre du temps sur ces fosses. En fouille, ce n’est généralement pas le sujet de la prescription.

    37Jan Vanmoerkerke :
    Là, il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège des diagnostics-fouilles : faire les choses rapidement en diagnostic, c’est souvent une mauvaise solution. Je suis d’accord qu’il faut utiliser les diagnostics qui ne livrent qu’une ou quelques fosses en Y et aucune autre structure notable. Dans ce cas, il y a effectivement possibilité d’essayer de comprendre la trame de ces fosses et comment elles s’organisent, mais je crois que c’est important de mener des fouilles spécialement montées pour les fosses en Y (cette publication sera une étape justement pour convaincre de faire des projets de fouille sur ces fosses, – je l’ai fait récemment –, ce n’est pas impossible). Si j’ai fait ce discours ce matin, c’était pour insister sur le fait qu’il s’agit de convaincre toute la communauté archéologique, non pas de cibler tel ou tel individu. Le plus difficile, ce n’est peut-être pas de convaincre l’agent du SRA ; il est parfois plus long de convaincre les RO de chercher ces fosses ou l’expert de la CIRA, surtout s’il est spécialiste (et intéressé par) une seule époque. Ce travail de conviction est donc nécessaire pour faire les fouilles spécifiques aux fosses en Y ; croire qu’on pourra résoudre toutes les questions en diagnostic est un piège.

    38Ginette Auxiette :
    Avez-vous fait la part des fosses trouvées en diagnostic et en fouille ?

    39Nathalie Achard-Corompt :
    Pas encore.

    40Vincent Desbrosse :
    Après, il y a aussi le biais des sondeurs : ceux qui trouvent des fosses et ceux qui n’en trouvent jamais ; la question de l’identification est cruciale.

    41Juliette Durand :
    Et il y a plus de chances de ne pas les voir dans les limons que dans la craie.

    42Vincent Desbrosse :
    Quand on est dans la craie, on peut aussi les prendre pour des chablis. On a montré des exemples qui sont bien lisibles mais parfois elles le sont moins.

    43Juliette Durand :
    Le « chablis », c’est un truc qu’on ne comprend pas et qu’on n’a pas envie de fouiller ; il est rare que l’identification comme chablis soit démontrée.

    44Vincent Desbrosse :
    Comme le chablis dans la craie marque bien, on en a parfois beaucoup ; c’est plus la couleur du remplissage que la forme qui est pertinente.

    45Kai Fechner :
    Pour revenir sur la position topographique des fosses, il semblerait qu’aucune des fosses étudiées pour le moment en tant qu’environnementaliste, à l’exception peut-être de deux, ne soit les pieds dans l’eau. Il n’y aurait que la fosse de Maurecourt, où après avoir encore redemandé à l’archéologue et au spécialiste, il semblerait que deux des fosses avaient les pieds dans l’eau à l’époque. Toutes les autres, en particulier celles du Parc Logistique de l’Aube, ne sont pas atteintes par le battement de nappe. Cela coïncide assez bien avec ce que vous avez comme conclusion, le fait que ces fosses sont plutôt hors de l’eau.

    46Jan Vanmoerkerke :
    Ce qu’il faut un peu relativiser aussi, est l’absence (voulue) de ces fosses dans les plaines alluviales, car si l’objectif est de ne pas atteindre la nappe phréatique tout en atteignant une certaine profondeur, l’absence ou la rareté dans les plaines se comprend aisément. Il s’agit donc plutôt d’une impossibilité à faire des fosses en Y en plaine alluviale à nappe peu profonde.

    47Olivier Brun :
    Il y a aussi la question de densité selon les secteurs qui peut être intéressante ; elle a été abordée à plusieurs moments hier notamment. Mais je pense qu’il faut absolument prendre en compte le taux de sondage, de décapage ; les cartes de points sont très bien pour savoir d’où on part, mais ça ne répond pas à ces questions de densité ; hier vous vous êtes mis à parler de densité à l’intérieur d’un décapage, mais on n’est pas trop sur des questions de densité mais sur des questions de groupe ; les questions de densité sont plutôt à l’échelle de zones comme Bazancourt ou entre régions, en comparant les taux d’intervention. C’est une question qui va être importante. On a l’impression que les collègues alsaciens disent que ça fait deux ans qu’ils s’intéressent aux fosses, et en fait, ils en ont plus qu’en Champagne. On sent des choses mais il va falloir travailler.

    48Vincent Desbrosse :
    Pour la Champagne, la constitution de la base de données nous a pris beaucoup de temps et maintenant il faut croiser toutes les données ; pour le moment, ce sont des cartes de points, mais on croisera les données chronologiques avec les autres données ; par exemple dans le sud de la Haute-Marne et le sud de l’Aube, le sous-sol est un calcaire dur et il y a également peu de structures d’habitat qui l’entaillent.

    49Geert Verbrugghe :
    À ce propos, dans le Perthois, il y a beaucoup de sondages ; est-ce que vous trouvez des fosses en Y ?

    50Nathalie Achard-Corompt :
    Oui, il y en a deux.

    51Yann Lorin :
    À propos du débat sur leur découverte en diagnostic : je voulais savoir ce qu’on peut préconiser pour les diagnostics futurs où on va trouver une ou deux fosses de ce type. Doit-on cibler la recherche d’alignement sur une courbe de niveau ? Faut-il, quitte à introduire un biais méthodologique, cibler surtout une problématique précise (ici l’organisation des fosses entre elles) et au moins avancer sur cette question-là ? Je vois l’exemple que vous donnez, notamment Bazancourt ; je trouve ça très prometteur puisqu’il y a plusieurs datations rapprochées, même s’il y a plusieurs phases. Le fait qu’il y ait deux fois des datations très proches dans deux groupes montre que cela fonctionne de manière simultanée, donc on avance déjà dans cette hypothèse. Maintenant il faut essayer de la conforter. Si on doit se cantonner à des opérations de diagnostic, on ne peut pas se contenter de fosses isolées.

    52Vincent Desbrosse :
    Le problème est que pour comprendre comment elles s’organisent, on ne connaît pas les espacements.

    53Yann Lorin :
    On est dans une période où on va avoir du mal à justifier des fouilles sur le sujet, on est bien d’accord, mais il faut avancer. À Bazancourt, par exemple, tu as 130 m entre les deux. Sur l’hypothèse que j’ai évoquée hier sur Maroeuil, j’ai 10 et 7 m entre les fosses, on a du mal à se rendre compte entre les différentes échelles.

    54Vincent Desbrosse :
    Pour Bazancourt la difficulté aussi est que ça a été fait par morceaux, donc une en 2006 et l’autre en 2008 ; c’est rétrospectivement que l’on compare les données, mais ça n’a pas été trouvé en une seule fois.

    55Yann Lorin :
    Par rapport aux systèmes d’Europe du Nord retenus comme systèmes de chasse, a-t-on une idée de l’espacement entre les fosses ?

    56Runar Holle:
    The pitfalls in Norway normally lays with a of about 50-60 m but it depends on the topography of the area.

    57John Olsen:
    You also in some cases have double and triple pits with nearly no space between them – and pits in important narrow migration routs that are located very close to each other.

    58Yann Lorin :
    Une remarque sur la présentation que Vincent a faite avant, et en particulier sur les datations qui ne montraient pas d’homogénéité : vous avez mis en avant le fait qu’il fallait faire attention à ce qu’on datait. Par exemple dans ce que vous montrez sur Arcis, on a une datation dans le fond et une datation sur le sommet ; il faudra vraiment s’en méfier au moment d’interpréter ces données. Sur la 2ème carte que vous avez montrée (Buchères), ce que vous avez daté n’apparaît pas précisément ; cela jette un doute sur l’inorganisation supposée des fosses.

    59Nathalie Achard-Corompt :
    Pour Buchères, tout provenait du fond.

    60Jan Vanmoerkerke :
    Pour Arcis-sur-Aube, il n’y a pas de problème, même si ce n’est pas la même chose qui a été datée pour les deux fosses ; les deux structures sont complètement diachrones, de deux millénaires au minimum.
    La datation la plus récente est celle qui était faite sur les ossements en position inférieure et est de l’Âge du Bronze. Une autre fosse en Y est antérieure à une tombe qui la recoupe et qui est datée du IVe millénaire.

    61Nathalie Achard-Corompt :
    C’est le même cas de figure pour Neuflize.

    62Bernard Lambot :
    Pour Bazancourt, tu as présenté un plan précis et tu dis qu’il n’y a pas d’emplacement privilégié ; mais tu parles de légers vallons secs et on le voit avec les courbes de niveaux. Quand on voit ces courbes de niveaux, on pourrait avoir l’impression que c’est très pentu, mais c’est en fait très léger. On observe tout de même que s’il n’y a pas beaucoup de relief, il existe un petit creux et on identifie une trace d’ancien talus. Il faut mettre de la bonne volonté pour attaquer le substrat en place, c’est de la craie dure ; donc on peut penser que sur des grands décapages comme Bazancourt, il pourrait être fait une projection du sol de l’époque et que sur des sites comme ça, un relevé microtopographique serait utile.

    63Je reviens à ce qui est considéré comme des pièges pour la chasse. Les animaux sauvages, notamment les grands animaux, cerfs et chevreuils, empruntent toujours les mêmes itinéraires, imposés par la topographie et les ressources naturelles, notamment l’eau, et ces traces ne doivent pas varier beaucoup sur de longues périodes, probablement des dizaines d’années s’il n’y a pas modification majeure de l’environnement. Ce qui peut expliquer la multiplication des fosses en Y dans certains secteurs et leur alignement. La proximité de l’eau – ça peut être aussi bien un ruisseau qu’une mare mais aussi des zones humides temporaires – est probablement un élément majeur dans le positionnement de ces fosses. C’est peut-être une orientation qui demande beaucoup de travail, notamment lié à la topographie et la reconstitution du paysage local. La collaboration avec des spécialistes des techniques de chasse, anciennes et modernes, s’impose semble-t-il.

    64Vincent Desbrosse :
    Il doit aussi y avoir le couvert végétal qui influe, et entre les fosses les plus récentes et les plus anciennes de Bazancourt, on a quand même une grosse occupation au Bronze final ; donc au niveau impact sur le paysage, ça a dû être lourd.

    65Bernard Lambot :
    Pour finir sur Bazancourt, tu donnes des datations des fosses 14C. Pour l’occupation Bronze final et Hallstatt, s’agit-il de datations 14C ou d’après le peu de mobilier qu’on a eu l’occasion de voir ?

    66Vincent Desbrosse :
    Il y a des dates 14C aussi ; notamment pour la phase juste avant les fosses. Mais c’est pour cela que je dis qu’il faudrait en avoir d’autres, pour être vraiment sûr qu’il n’y a pas de contemporanéité entre les fosses et un habitat.

    67Susanne Friederich :
    Je pense que dans la région de Sachsen-Anhalt, c’est la même chose ; quand le terrain est très plat, il n’y a pas de fosse en Y, mais quand c’est profilé, il y a les fosses en Y ; et c’est la même chose dans le sud de Allemagne.

    68Jean Bruant :
    Si on part sur la perspective de chasse et de fosses positionnées sur la coulée d’un animal, pourquoi est-ce qu’on ne fait pas des analyses palynologiques pour voir si on est en contexte forestier ou pas ?

    69Kai Fechner :
    Je suis assez d’accord mais on n’a pas beaucoup de séquences palynologiques contemporaines des fosses et là où on pourrait en avoir, on ne fait pas beaucoup d’études, je trouve, en Champagne. Ensuite, on a très peu de zones de tourbe en Champagne-Ardenne. Là où on a un peu de tourbe, on pourrait faire des séquences palynologiques pour avoir déjà un bon référentiel ; on pourrait les comparer avec ce que l’on a en malacofaune ou en phytolithes dans les fosses ou dans les séquences moins tourbeuses et moins bien préservées (sols, etc.). Qu’on ait un bon référentiel et qu’on compare avec les sols et fosses.

    70Jan Vanmoerkerke :
    On a un double problème avec la palynologie. Régionalement, les tourbières de Champagne livrent de bonnes séquences pour le Tardiglaciaire et le Subatlantique. Pour toutes les phases intermédiaires, des assèchements de la tourbe font que les chronozones qui nous intéressent ici, la fin de l’Atlantique et le Subboréal, sont très peu représentées. Le deuxième problème, c’est que la finesse de datation de ces référentiels ne permet pas de dire que telle ou telle fosse en Y est contemporaine avec telle ou telle phase du référentiel palynologique. Ça ne peut être que très général.

    71Kai Fechner :
    Et les 14C sur la tourbe, ça ne peut pas être intéressant ?

    72Jan Vanmoerkerke :
    Oui, mais avec un demi-mètre de tourbe pour un millénaire, comment fixer le niveau précis, contemporain avec les fosses en Y ? C’est quasiment impossible.

    73Vincent Desbrosse :
    Il y a le problème de la conservation des pollens dans la craie mais il y a également le problème du lieu où ce prélèvement est fait. Si on parle en termes de paysage, autour du village, il y a des champs mais aussi des bois, des friches, etc. ; donc la fosse peut être creusée dans un environnement et le prélèvement effectué dans un autre milieu. Il y a également la malacofaune, mais le problème de la malacofaune, c’est de savoir si les escargots sont issus du sol forestier défriché avant le creusement de la fosse, donc il n’y aura pas forcément un lien avec la fosse. À Bazancourt, on a eu cet hiver une fosse avec de la microfaune au fond ; ce n’est pas fréquent, on va pouvoir comparer avec le spectre malacologique.

    74Kai Fechner :
    Par rapport à cette critique qui dit qu’on ne va pas faire de malacologie parce qu’on ne sait pas ce que ça représente, je me fais un peu l’avocat de ces méthodes environnementales. Justement parce qu’on a remis un article pour le colloque Internéo 2009 et qu’on s’est fait relire par deux-trois auteurs et assez critiquer notamment par des palynologues ; je suis assez d’accord avec eux. Ce n’est pas le cas isolé qu’on peut critiquer, il faut une base de données suffisante ; il faut, quand on peut également, de temps en temps mettre le paquet pour avoir plusieurs disciplines appropriées pour les types de sols concernés, évidemment. Et dans ce cas, si possible, des séquences dans la fosse depuis le fond jusqu’au comblement ; et puis 3ème élément que l’on propose dans l’article, c’est de comparer cela à des séquences locales. L’idéal ce serait, peut-être dans une zone-test comme à Buchères ou ailleurs, d’avoir à la fois une séquence palynologique fine avec des datations 14C qui permettent d’avoir, pour le Subboréal, quelque chose d’un peu plus précis, et de comparer cela avec une séquence dans une fosse où on a une belle stratigraphie et de corréler l’ensemble, de manière à avoir une vision plus globale. Et ça, sur plusieurs sites si possible. Alors on aura une vision qui nous permettra de mieux critiquer et de mieux comprendre quelle est la part de hasard et la part de réalité dans nos données. Mais on n’a pas cela pour le moment.

    75Sidonie Bündgen :
    Je reviens sur ce qu’a dit M. Lambot. En fait, on commence à constater sur Bezannes, où on en a un certain nombre, que visiblement la topographie peut être prise en compte, parce qu’on remarque que de plus en plus ces fosses en Y sont adjacentes aux sols noirs ; il faudrait voir si les sols noirs ne seraient pas des milieux humides et si les fosses sont collées au sol noir, parfois même partiellement recouvertes par le sol noir. Et voir si elles sont plus implantées dans le sol noir que dans le milieu de la plaine.

    76Nathalie Achard-Corompt :
    Pour le cas de Bezannes, non.

    77Sidonie Bündgen :
    C’est peut-être un indice pour les chercher autour des sols noirs ?

    78Patrice Méniel :
    On inverse un peu les rôles avec Bernard ; concernant l’analyse spatiale, je pense qu’une ouverture sur l’archéologie aérienne serait bien à intégrer dans cette démarche. En effet, il doit y avoir des photos aériennes sur des sites diagnostiqués et fouillés, sur lesquelles on peut reconnaître de ces fosses, permettant d’en détecter d’autres, ce qui pourrait nous rapprocher des systèmes norvégiens établis sur de très grandes distances. Il y a tout un pan de la recherche qui pourrait être développé autour de la photo aérienne, également pour les questions de topographie et de liens au paysage.

    79Jan Vanmoerkerke :
    Oui, c’est vraiment un cas de figure où la photo aérienne pourra beaucoup apporter.

    80Olivier Brun :
    Je reviens sur la discussion sur « comment on fait entre diagnostic ou fouille ». Clairement pour le spatial, je pense que ce n’est pas le diagnostic qui va apporter des infos, à part des localisations par rapport au relief ; et ce n’est pas dans le diagnostic qu’on va comprendre l’organisation des fosses entre elles. Effectivement, on peut toujours en fouiller une et trouver les moyens de faire un 14C, il ne faut pas s’en priver, mais pour des programmes poussés, notamment avec d’autres types d’analyses, ce n’est pas en diagnostic que ça se fera.
    Sur le fait de pouvoir monter des fouilles là-dessus, on est tous confrontés à la même situation partout, mais convaincre les archéologues à tous les niveaux de mettre en place une fouille sur ce type de vestiges, ça c’est dur. Convaincre l’aménageur pour le faire, ce n’est pas dur ; il ne comprend rien, il trouve que ça ne sert à rien, de même que la fouille de trous de poteau, il trouve que ça ne sert à rien. Donc à partir de là, ça n’est pas plus cher. Par contre quand tu lui dis, pour l’avoir fait, qu’il y a une fouille… Et puis à la fin, ce que nous appellons « coûter cher » pour les fosses en Y, en fait, ça ne coûte pas grand-chose par rapport aux autres fouilles qu’on fait, ça ne prend pas beaucoup de temps. Sur les procédures, si on intervient deux ans après, c’est sûr que ça va prendre du temps, mais la fouille en elle-même, ce qu’elle coûte et le temps qu’elle prend, ce n’est pas long et les aménageurs sont plutôt contents ; si on leur dit que ça coûte 50 000 euros, eh bien ça fait 5 ans qu’ils n’ont pas eu une fouille à ce prix-là. Donc les aménageurs ne sont pas durs à convaincre. Les archéologues oui. Enfin pour les analyses environnementales, ce n’est qu’en fouille qu’on le fera et il faudra passer par des opérations ciblées.

    81Yann Lorin :
    Je suis d’accord avec toi dans l’ensemble, mais j’aimerais que l’on précise ce que l’on fait en cas de découverte. Est-ce qu’on ouvre systématiquement une surface assez conséquente dès la découverte de quelques fosses ou est-ce qu’on cible vraiment, en estimant qu’elles suivent des axes ou des rythmes d’implantation pour minimiser l’ouverture ? Je crois qu’on ne se limitera pas à de faibles coûts si on commence à ouvrir de grandes surfaces (sauf en ciblant uniquement cette question et en négligeant éventuellement d’autres problématiques).
    Je suis d’accord avec toi, seule une fouille exhaustive va permettre de répondre à des questions d’organisation, mais tous les sites ne pourront être soumis à ce type d’analyse. Je crois qu’en diagnostic, il faut essayer de minimiser la perte de données et en recueillir le plus possible pour valider des hypothèses mieux documentées par des fouilles.

    82Vincent Desbrosse :
    C’est toi Olivier qui avait prescrit la fouille à Oiry mais ceci avait été possible parce que le reste de la parcelle n’était pas dense en occupations. Dans les cas où il y a plusieurs occupations, les fosses vont toujours passer après les autres occupations. Oiry, c’était un cas idéal : à l’époque il fallait oser prescrire, mais c’était le cas de figure qui permettait une fouille sur ce type de vestige. Les fosses à profil en Y, c’est justement une problématique où l’on peut traiter différemment les structures selon les interventions. On peut choisir de documenter parfois un aspect, parfois un autre et avancer ainsi sans faire systématiquement toutes les analyses à chaque fois.

    83Kai Fechner :
    Maintenant soyons plus optimistes. À partir de cette table ronde, on peut considérer apparemment que les fosses en Y reflètent non seulement toute la partie du paysage qui nous échappe d’habitude mais aussi toutes les époques qui nous échappent d’habitude. C’est assez exceptionnel ; avec ces deux arguments-là, comment peux-tu refuser une fouille de fosses en Y ?

    84Yann Lorin :
    On avait le même débat sur la taille des ouvertures qu’il fallait consentir sur certains sites, notamment pour l’Âge du Bronze. On a des sites non enclos dont on ne connaît pas la superficie, on les repère en diagnostic dans les fenêtres sous la forme de petits regroupements de fosses. Dans notre interprétation, il y a encore une dizaine d’années, on se demandait si on avait des fermes isolées ou des regroupements d’habitations contemporaines. On ne peut répondre à ces questions qu’en consentant à ouvrir plus largement.

    85Jan Vanmoerkerke :
    Je crois que la réponse est très nuancée, dépendant forcément des situations locales. La première priorité est de convaincre le maximum de monde, à tous les niveaux (agent SRA, expert CIRA, RO, etc.) ; en attendant, la « conscience » est très différente selon les régions. Il y a des régions où ce n’est pas la peine de s’y attaquer frontalement, ça ne marchera pas.
    La réponse est aussi très différente pour les petits sites du Bronze, qui ne seront jamais traités dans le cadre d’une fouille spécifique mais toujours dans le cadre de diagnostics ou de fouilles effectuées pour d’autres raisons. Globalement, il faut une « politique » très pragmatique. Chaque année, quelques dizaines de fosses seront trouvées dans les diagnostics et les fouilles, effectuées pour d’autres raisons. Donc pour tout ce qui est analyse intrinsèque à la fosse en Y, les données pourront être cumulées continuellement en utilisant ces diagnostics et fouilles.
    En revanche, le problème qu’on ne pourra pas résoudre dans ce cadre, c’est celui de la vision large, spatiale. Ce qu’il nous faut pour cela, c’est un groupe de fosses en Y, dans un bloc décapé de 5-10 ha. Pour ça, il faut attendre l’occasion : un grand projet d’aménagement avec un décapage intégral nécessité par l’aménagement, de façon à ce que ça ne coûte pas une fortune pour une question bien précise.
    Ce pragmatisme implique qu’on ne fait pas tout en même temps ; analyses « environnementales » plutôt en fonction des opportunités, au fur à mesure des découvertes, analyse spatiale à l’occasion de fouilles spécifiques, ce qui n’exclut pas que le grand décapage peut aussi servir à appréhender d’autres phénomènes archéologiques.

    86Vincent Desbrosse :
    Pour en revenir à ce que disait Kai, en faisant un bilan, en montrant une série de datations et l’accumulation de données sur des années, ça valorise ce thème et ça justifie mieux une fouille sur les fosses.

    Atelier mobilier : des fosses vides ?

    Le mobilier des fosses en Champagne : discussion

    87Yohann Thomas :
    Connaît-on la datation d’Achicourt ?

    88Yann Lorin :
    On ne sait pas encore, elle est en cours.

    89Ginette Auxiette :
    J’ai une question : le cervidé de Courtisols, c’est toi, Yohann, qui avais fouillé le site, je crois… Vous l’avez fouillé en place ou vous l’avez juste pris dans le godet de la pelle ?

    90Yohann Thomas :
    Dans le godet, il y a une photo.

    91Nathalie Achard-Corompt :
    On a juste une photo de la coupe stratigraphique avec des os qui sortent de la coupe.

    92Yohann Thomas :
    Pour Achicourt, ça rappelle des mises en scène d’animaux en contexte Michelsberg, et des inhumations en silo, etc. Mais c’est un détail.

    93Ginette Auxiette :
    Non ce n’est pas un détail.

    94Yann Lorin :
    Concernant la remarque sur Achicourt, je suis très ouvert aux interprétations ; pour l’instant je raisonne à partir des analyses qu’a faites Jean-Hervé Yvinec. Les vestiges me donnent l’apparence de quelque chose de présenté. L’enfouissement rapide me paraît être nécessaire à la conservation, ce qui a été mentionné pour d’autres cas. A-t-on une idée du moment à partir duquel les os vont commencer à disparaître ? À quelle vitesse ? Et en fonction du milieu encaissant et du type de dépôt ? Je pense, au niveau de la représentativité des vestiges osseux par exemple, tu dis qu’il y a 10 % des fosses avec faune. A-t-on une idée du substrat dans lequel sont creusées les fosses : substrat acide ou basique ? Est-ce qu’on peut cartographier ça à l’échelle d’une région ? Est-ce que la Champagne crayeuse est particulièrement propice à la conservation des os ?

    95Ginette Auxiette :
    Oui, particulièrement.

    96Yann Lorin :
    Par exemple, sur Maroeuil, et sur Achicourt, c’est la même chose, seules les fosses profondes nous livrent des ossements ; ça s’y prête pour les fosses en Y. Dans le fond on a des vestiges préservés lorsqu’on a atteint le niveau de décarbonatation des loess, au-dessus, on n’a rien.

    97Ginette Auxiette :
    Non, ce n’est pas le cas ici. Ici on a vraiment une excellente conservation des os.

    98Yann Lorin :
    Et en ce qui concerne – je ne suis pas trop au fait d’un éventuel débat entre archéozoologues – le type d’enfouissement : a-t-il vraiment son importance ? Si la fosse reste ouverte, par exemple, dans le cas d’Achicourt, le cerf est piégé dans un trou, ce qui signifie que les personnes qui devaient lever le piège ne le font pas, et ensuite, il n’y a pas forcément d’enfouissement rapide. Est-ce qu’on aurait dans un tel cas de figure une conservation qui a l’air assez bonne du squelette ? N’a-t-on pas là l’indice d’un dépôt volontaire ?

    99Patrice Méniel :
    On parle bien du cerf qui est très allongé ? La disposition de cet animal ne me choque pas du tout dans le cas d’un animal tombé sur le dos, qui se décompose dans une tranchée étroite, tellement contraint qu’il ne peut pas prendre une autre position. Sur la question de la durée d’enfouissement nécessaire pour la conservation des os à long terme : à long terme, sur le Mont Beuvray, avec son sol acide, c’est trois ans ou quatre ans ; après quoi un squelette de mouton disparaît. À long terme en Champagne, ce sont des années, des décennies, à l’air libre, alors que dans la craie, les os se conservent très bien et restent comme neufs au bout de 2 000 ans, avant l’intervention des radicelles de luzerne. Donc effectivement il y a l’impact du terrain et la rapidité de l’enfouissement. Je n’ai pas le détail de la dynamique d’arrivée des sédiments. Mais la position de l’animal que tu as présenté s’explique très bien par des animaux sur le dos qui se décomposent dans cette position parce qu’on est dans un espace très étroit et qu’il n’y a pas d’autre possibilité d’évolution du squelette que la position que ces animaux prennent. Sachant qu’ils ne sont pas enterrés instantanément après leur chute, on est en espace vide, ce que montrent bien les pattes du chevreuil dépliées vers l’arrière et qui rappellent des membres inférieurs humains.

    100Yann Lorin :
    Sur le cas d’Achicourt, il y a trois pattes repliées et une qui est étendue.

    101Patrice Méniel :
    C’est possible ; pour moi, l’animal est mort dans la fosse ; pour les pattes, il y a deux possibilités : soit elles se replient sur elles-mêmes, soit elles s’étendent.

    102Ginette Auxiette :
    Cela éliminerait donc la thèse du squelette entier en inhumation rituelle.

    103Patrice Méniel :
    Oui. Je ne suis pas du tout partisan d’une interprétation ou d’une autre. Ce qui détonne dans cet ensemble, c’est le bœuf domestique. Quel âge a cet animal ?

    104Ginette Auxiette :
    Il a moins de 48 mois.

    105Patrice Méniel :
    C’est assez jeune. Comment sais-tu qu’il est domestique ?

    106Ginette Auxiette :
    En fait, avec ce que j’ai dans la collection de comparaison, la taille des ossements m’a fait pencher pour cette forme domestique parce que j’avais un jeune aurochs à Buchères. Donc j’ai comparé avec ça. Mais je ne peux pas être affirmative à 100 %.

    107Patrice Méniel :
    Le problème des aurochs, c’est qu’il y a aussi des aurochs pas forcément très grands. Louis Chaix avait insisté là-dessus. L’aurochs, c’est un animal que je côtoie avec prudence. Ceci dit il peut y avoir des morceaux de bœuf domestique dans une fosse ; par rapport à la série, qui est très cohérente, d’animaux herbivores susceptibles de tomber dans des fosses et de ne pas pouvoir en ressortir, contrairement au loup, au renard, au blaireau, qui eux à mon avis pourraient escalader. Il y a quand même quelque chose de « fonctionnel » dans ces affaires-là.
    Après, il y a la question des ossements retrouvés autour de ces assemblages, en partie en connexion, ou isolés : si l’on prend l’hypothèse du piège, on peut découper les animaux autour, on peut emporter des parties de viandes et des morceaux avec l’os, ou on peut tout désosser sur place, on peut rejeter les ossements dans la fosse, on peut les laisser à côté, il y en a qui vont rouler dedans, etc. Et c’est ce que nous a présenté Grégory hier, avec des os altérés dans des fosses profondes : il a bien vu que ça ne s’était pas passé au fond de la fosse. Donc on peut imaginer des restes qui traînent aux alentours, dont certains ont pu retomber dans les trous. Il y a beaucoup de possibilités. Il peut aussi y avoir des gestes rituels, je n’en sais rien. Si on prend l’hypothèse du piège et de la finalité bouchère des opérations, comme on l’a fait remarquer assez subtilement ce matin, cela correspondait à des époques où l’on mangeait aussi beaucoup de gibier ; tout cela peut fonctionner et le système paraît assez cohérent. Le crâne d’aurochs, oui, pose question, mais ce n’est qu’un crâne. Je ne sais pas. J’écarte les gestes intentionnels et rituels dans tout ça, peut-être à tort, mais j’y vois une possibilité d’un fonctionnement qui irait plutôt avec l’hypothèse d’un piège et je ne vois pas vraiment d’incohérence forte permettant d’aller à l’inverse.

    108Vincent Desbrosse :
    Et le fait que, dans un même amas, il y ait des os altérés et des os non altérés ?

    109Patrice Méniel :
    Ce sont des choses qui sont très délicates à interpréter et qui nécessitent un enregistrement précis. Dans ce que l’on a vu hier, avec des parties anatomiques cohérentes, les morceaux de queue dont on ne sait pas s’ils étaient en connexion dans la fosse, les carpes, les phalanges, qui sont arrivés avec des tendons, et des pièces isolées – tout cela s’est-il décomposé ou a-t-il été découpé ? On ne sait pas – et des os très altérés qui ont traîné sur le sol et qui sont tombés après coup dans ces fosses. Cela montre qu’on a un fonctionnement sur le long terme ; il y a plusieurs « prises », dans le cas de l’hypothèse de piège, dont des restes qui se piègent eux-mêmes dans la fosse après coup.

    110Jan Vanmoerkerke :
    Dans cette présentation des datations sur ossements, je découvre une deuxième grande différence entre les fosses du Néolithique et celles du Bronze. Il y a beaucoup moins de fosses pour le Bronze que pour le Néolithique, mais pour les fosses avec des ossements animaux, c’est l’inverse. C’est une disproportion qui est assez importante, je ne sais pas l’interpréter. Mais cette histoire de deux groupes séparés par une interruption d’un demi-millénaire et qui se différencient par un nombre de fosses en Y avec ossements animaux beaucoup plus élevé à l’Âge du Bronze pose question. Il faudra essayer aussi de dater le bucrane d’Aulnay.

    111Bernard Lambot :
    Je ne sais pas si celui d’Aulnay est encore existant.

    112Jan Vanmoerkerke :
    C’est prévu de le dater un jour ; si on le retrouve…

    113Bernard Lambot :
    C’est le seul qu’on pourrait avoir en contexte de « sanctuaire », dans un milieu funéraire, ce qui est vraiment intéressant.

    114Jan Vanmoerkerke :
    Ces datations d’aurochs, et notamment des bucranes, nous ont fait réfléchir aussi sur des têtes d’aurochs trouvées anciennement et conservées dans les musées. Le contexte de ces têtes n’est pas connu mais trouver ces crânes complets dans des contextes autres que de la tourbe (ou des fosses en Y), semble aujourd’hui étonnant. On n’est pas loin de penser que beaucoup de ces crânes viennent de fosses en Y qui n’ont pas été reconnues à l’époque.

    115John Olsen:
    In Norway, we see that the place for butchering the animals are at some distance from the place they were hunted. This probably because the smell from blood, that maybe would scare away other animals to come to the same way and fall into the other pits. Even at the huge facilities for catching hundreds of animals (the funnel shaped traps), we see that the animals were brought to some distance from the facilities before starting butchering. That’s of course because the pits are reused over a long time.

    116Patrice Méniel :
    Il y a quand même très peu de fosses avec de la faune.

    117Vincent Desbrosse :
    Il est important de savoir si la fosse est fouillée à 50 ou 100 %.

    118Patrice Méniel :
    Le regret d’hier, de ce qu’a montré Grégory Bayle, c’est qu’on ne peut pas utiliser le document, extrêmement précieux, du cheval dont il ne reste que la queue et les sésamoïdes. Cela représente ce qu’on oublie quand on fouille – tout le monde fouille mal ; si je fouille un squelette, les sésamoïdes et les bouts de queue, je vais aussi avoir du mal à les trouver –, quand on fouille rapidement, ce sont des pièces qu’on oublie, donc ils sont des témoins extrêmement précieux de la présence d’un cadavre qui s’est décomposé. Mais là, de ce document, on ne peut rien faire parce qu’on n’a aucune idée de la position de ces restes. Grégory l’a dit et il faut insister là-dessus, on peut vider les fosses vides à la pelle mécanique, mais celles dans lesquelles il y a des choses comme celle-ci, il faut les fouiller comme des sépultures. Le problème, c’est de détecter les dépôts avant de passer à la pelle mécanique.

    119Vincent Desbrosse :
    Ce que je veux dire, c’est qu’on a commencé à fouiller la fosse par passes, et quand on s’est rapproché du fond, on a cherché tout particulièrement les charbons ; donc dans le cas de Bazancourt, on a trouvé les os, et ensuite une anthropologue est venue fouiller les os.

    120Patrice Méniel :
    Depuis ce matin, on note que le fond est très intéressant pour la fonction, et vu que le fond n’est pas très large et pas très long, on peut effectivement se donner la peine de le fouiller plus lentement que le reste. Pour les niveaux supérieurs, dont vous avez très bien montré qu’il y avait des affaissements, des cuvettes, etc. qui pouvaient être réoccupés bien longtemps après comme fosse-dépotoir, voire pour mettre des corps humains, c’est une autre histoire. Lorsqu’on cherche la fonction primaire de la fosse, c’est d’abord au fond qu’il faut la chercher. Donc pour les ossements, il y a des précautions à prendre pour le fond ; ça se fouille quand même assez vite à la main.

    121Vincent Desbrosse :
    Oui c’est ça ; les niveaux supérieurs, on peut les faire par passes à la pelle mécanique sans problème ; lorsqu’on arrive sur le fond et que l’on cherche des charbons ou des os ou de la micro-faune, on les trouve.

    122Patrice Méniel :
    C’est tout l’intérêt des petites bêtes là-dedans ; on montrait les gastéropodes, etc. ; tout ça justifie une fouille minutieuse des fonds de ces fosses. On ne peut pas faire autrement.

    123Vincent Desbrosse :
    Je voulais insister sur la mécanisation, jusqu’à quel point, etc. À Bazancourt, je ne l’ai pas dit, mais j’étais tout seul en sondage derrière la pelle. J’ai fait le choix de faire la fouille à 100 % des structures en 2006 ; je n’ai pas eu le temps de faire le relevé parce que je voulais que la pelle vide la deuxième moitié ; comme ça, je sais qu’il n’y avait pas d’os dans les fosses et j’ai réussi à trouver les charbons. Après c’est un choix, j’ai choisi de ne pas avoir une belle stratigraphie dessinée et de me contenter de photos. Par contre, j’ai pu trouver des éléments de datation et comprendre ce qu’il y avait dedans. C’est aussi savoir ce qu’on cherche et comment on le fait.

    124Frédéric Poupon :
    C’est important de fouiller entièrement ces fosses. Sur le diagnostic de « La Bergerie » à Bezannes, dans la première moitié de la fosse, il n’y avait pas d’os et c’est lorsque Sidonie a vidé l’autre moitié qu’on est tombé sur le bas de patte, ce membre antérieur de sanglier. Si on ne fouille qu’une moitié, on peut passer à côté. Après, ça a l’air concentré dans une partie de la fosse, ça n’est pas étalé sur toute la surface.

    125Vincent Desbrosse :
    Oui, il y a des cas de figure très variés ; à Buchères, l’aurochs est tout au fond de la fosse ; quelle que soit la moitié que l’on fouille, on l’a forcément. Mais si les os sont regroupés dans une partie plus limitée, là ils peuvent nous échapper, si on échantillonne à 50 %.

    126Jan Vanmoerkerke :
    Par rapport à ce que disait Patrice et concernant la différence entre les fosses du Néolithique et celles de l’Âge du Bronze, est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer une distinction entre une chasse défensive, sorte de pièges, pour empêcher les animaux de venir, à l’Âge du Bronze, et une chasse offensive, au Néolithique ? J’imagine, mais je n’y connais rien, que ça ne laisse pas les mêmes traces. Au niveau des animaux aussi, il pourrait y avoir une différence. Est-ce qu’il n’y a pas une différence entre ceux du Néolithique et ceux de l’Âge du Bronze ?

    127Patrice Méniel :
    Il y a un grand absent dans la chasse défensive, c’est la chasse contre le loup. Il y a un beau travail de J.-M. Moriceau qui est sorti il n’y a pas longtemps sur son histoire en France. Jusqu’aux xviie-xviiie siècles, on était très ennuyé par cette bestiole ; du Néolithique à l’Âge du Bronze et à l’Âge du Fer, sûrement aussi. Là c’est quelque chose qui est, à mon sens, inopérant pour le loup, pour l’ours et il faut chercher d’autres pièges.

    128Jan Vanmoerkerke :
    Ce que j’avais vu dans la littérature hollandaise sur les pièges médiévaux de loups, c’est qu’il fallait 3 m de dénivelé mais vertical. C’est très différent des fosses en Y. En revanche, ces pièges à loup ressemblent (et se confondent avec) des puits.

    129Patrice Méniel :
    Mais justement. Si on reste sur l’hypothèse de pièges, il ne faut pas se limiter uniquement à ces fosses en Y, qui sont destinées à des animaux avec un système locomoteur particulier ; dès qu’on considère les animaux qui ont des systèmes locomoteurs plus élaborés, ça ne fonctionne pas. Et le loup devait poser problème aux éleveurs bien avant le Moyen Âge. Il y a d’autres pistes dans la suite des fosses en Y que vous avez magnifiquement mise en exergue et je pense que la CIRA va comprendre que c’est intéressant. Mais cette question ne s’arrête pas là et il ne faut pas se limiter aux fosses en Y. À la suite, il y a encore des choses à trouver, notamment pour la capture des carnivores. À mon avis, les pièges en fosse sont aussi efficaces, mais avec une autre typologie, d’autres caractéristiques, d’autres fonctionnements, avec des appâts en particulier. Dans ce domaine, un puits qui n’atteint pas l’eau et qui livre un squelette au fond, ça peut être un piège.

    130Jan Vanmoerkerke :
    C’est sûr que dans les rapports, on trouve beaucoup de puits avec des animaux dedans. Ce ne sont peut-être pas des puits…

    131Bernard Lambot :
    La dernière illustration de ma communication représentait un piège à loup, simplement pour évoquer ce type de piège particulier.

    132Yann Lorin :
    Concernant le type de chasse, je voudrais refaire allusion à ce que nos collègues norvégiens ont montré et notamment, je ne voudrais pas qu’on écarte totalement l’idée qu’on puisse faire l’acquisition de bêtes vivantes, parce qu’on a quand même des techniques de rabattage qui concentrent tout en un point et notamment les rennes. On sait bien que certaines populations vivent en contact avec cette espèce semi-domestiquée ; il y a une gestion du cheptel à ce niveau-là. Dans les exemples que j’ai montrés sur l’Arabie Saoudite, les gazelles sont poussées dans les kytes vers les zones où elles vont être enfermées et on a une gestion des bêtes vivantes. On se rapproche d’une domestication ; c’est l’hypothèse qui est formulée pour ce secteur. Pour les cervidés de nos contrées, la question est peut-être différente mais je pense qu’il faut peut-être raisonner par rapport aux espèces chassées. Effectivement il y a sûrement des pièges, mais il y a aussi une organisation qui laisse penser à autre chose. Les hypothèses restent ouvertes aussi ; il ne faut pas que l’on se focalise uniquement sur le piégeage.

    133Jean Bruant :
    Je voudrais demander aux archéozoologues quelle est la représentation du sanglier à ces époques ? Dans le spectre de faune, quelle est la part de la chasse au sanglier ?

    134Patrice Méniel :
    On ne peut pas répondre de manière globale parce que chaque site a son spectre de faune, mais le sanglier, dans les souvenirs que j’ai, n’était pas la forme la plus répandue dans les faunes « d’habitat », qui restent dans beaucoup de cas dominées par les bovins, aurochs et bœuf domestique, avant les suidés. Pour les suidés, quand ils sont jeunes au Néolithique, il n’est pas toujours facile de distinguer les jeunes sangliers des jeunes cochons, mais ce sont des animaux qui ne sont pas en moyenne, dans nos régions, des animaux majoritaires. Ce sont plutôt les bovins.

    135Jan Vanmoerkerke :
    Encore une petite question un peu dans le même sens : pour l’aurochs, on dit que dans l’Est de la France, il s’est éteint au Moyen Âge seulement. Mais par rapport à toutes les données que vous avez maintenant sur l’Âge du Fer, est-ce qu’on ne peut pas dire que l’aurochs est déjà en voie d’extinction à la fin de l’Âge du Bronze ? Est-ce qu’on peut dire ça ?

    136Ginette Auxiette :
    On a quelques rares occurrences à l’Âge du Bronze.

    137Juliette Durand :
    Est-ce que c’est le même biotope que les cervidés ?

    138Patrice Méniel :
    Le problème des cervidés, c’est que tout le monde a l’image du cerf et du chevreuil vivant en forêt et ce n’est pas aussi évident. Quand ils le peuvent, le cerf et le chevreuil sont dans les champs parce qu’ils mangent beaucoup plus facilement, et vont dans les forêts quand on les embête. Vous pouvez voir en Écosse des troupeaux de cerf dans la plaine, il n’y a pas de problème. Je ne parle pas des chevreuils « de plaine » de nos grands espaces cultivés. L’aurochs est donné forestier parce que les derniers pour lesquels on a des textes et de belles représentations étaient en forêt. Mais à mon avis, ils y étaient réfugiés, comme nos cerfs quand on les dérange trop. Il vaut mieux restituer des biotopes et l’environnement avec les petits escargots, les grenouilles, etc. qu’avec ces grands herbivores. Il faut être très prudent là-dessus. Pour l’Âge du Fer, l’aurochs, je suis assez réservé, parce que quand on voit la place du monde sauvage dans nos faunes, d’habitat ou autre, c’est 1 % en moyenne ; dans ce pourcent-là, il faut ouvrir l’éventail très largement pour déceler des espèces rares. Alors il y en a, mais on est vraiment dans des résidus, des choses rares. Quand je vois la situation du loup dans nos faunes par rapport à ce qu’on peut imaginer historiquement, on se dit que la représentation archéologique du loup n’est pas représentative de sa densité en Gaule. La densité estimée d’une espèce sauvage à partir des études de faunes est sans doute loin d’être représentative. Les faunes étudiées sont avant tout des marqueurs d’activités humaines, des marqueurs sociaux, avant d’être des témoignages de l’environnement et de la biodiversité.

    139Juliette Durand :
    Je ne comprends pas bien le cervidé qui est tombé dans la fosse en arrière. Ça a des bois un cervidé quand même ? !

    140Ginette Auxiette :
    Non, il n’avait pas de bois ; c’est une biche.

    141Yann Lorin :
    À Achicourt, c’est un immature et il n’a pas de bois non plus.

    142Patrice Méniel :
    Et à Bourcq, on n’a trouvé qu’un bois de chute de chevreuil. La chute des bois de chevreuil a lieu en automne et on peut imaginer qu’un chevreuil a été piégé, qu’il a été retiré et emmené et qu’un bois est resté dans la fosse.

    143Juliette Durand :
    Et à Villenoy, c’était quoi ?

    144Ginette Auxiette :
    Deux chevreuils.

    145Christophe Gilabert :
    En fond de fosse, il n’y a pas que le mobilier, il y a aussi le charbon. Si on est dans un contexte peu ou pas anthropisé, comment est tombé le charbon ? Il faut qu’il soit venu de quelque part, donc il est tombé pendant que la fosse était ouverte, donc lors du fonctionnement. Est-ce que des foyers sont à côté pour traiter quelque chose ? Si ce sont des pièges, il n’y a pas de raison de faire du feu dans la fosse et a priori les quantités de charbon que vous avez ne sont pas énormes ; donc ce n’est pas un feu qui était dedans, c’est un feu qui était autour et qui est tombé dedans.

    146Ginette Auxiette :
    Est-ce qu’on ne peut pas envisager que ce soit la trace d’une préparation d’un environnement limité à l’installation de ces fosses ?

    147Fabrice Marti :
    Il faut faire attention entre charbon et végétaux mélanisés.

    148Jan Vanmoerkerke :
    Effectivement, il y a la préparation de l’environnement et en plus, une fosse ne se creuse pas en une journée. Comme l’habitat est a priori loin, cela implique quelque part que les hommes restent sur place et qu’il y ait des foyers tout près. Les petits charbons d’un foyer se diffusent très facilement en surface, par le vent, et se font piéger dans des trous. Il y a bien évidemment le risque que les charbons de ces fosses proviennent d’autres activités d’autres époques. Mais cela n’est pas si courant dans l’Est de la France ou le gel réduit tout le charbon superficiel en poudre.
    En revanche, un charbon d’une fosse en Y peut être lié au creusement d’une nouvelle fosse en Y, des années, siècles ou millénaires après, comme ces fosses sont souvent creusées au même endroit.

    149Vincent Desbrosse :
    Et en Norvège, a-t-on des renseignements sur les périodes de creusement des fosses ? Sait-on s’ils le faisaient en été, en hiver ? Qui le faisait et pendant combien de temps ?

    150John Olsen:
    We don’t have very much information about how long time it will take to make the pits. I think it in our area will differ very much from how the ground/soil is. Very fast making in sand and very long time where there are a lot of rocks. When they were making them, we don’t know very much about, but it looks like they have been used in the autumn, when the reindeer are migrating from summer to winter grazing areas (during the migrations in the spring, the pits probably still have been covered in snow) The larger systems (were many people have been needed) they are probably mainly been used in autumn, while the smaller system may have been used both in summer and autumn.
    New add: There are some projects now going on, trying to make pits “the old way” and counting hours. It is an interesting test, but I don’t think it will give us any good impress of the time use. No one today has the skills of operating the tolls and the knowledge the hunter had at that time, probably have been participating in the making and maintaining the pits from young childhood.

    151François Schneikert :
    Je me pose quand même une question sur le creusement de ces structures. Quand on les fouille, parfois, manuellement, on a des difficultés à arriver jusqu’au fond. Après, la deuxième chose, pour des structures de chasse dans la craie (je n’ai jamais fouillé dans la craie), c’est quelque chose de particulièrement dur. Creuser ces structures-là dans la craie uniquement à des fins de chasse, je m’interroge. Dans le loess, il n’y a pas de problème, c’est du beurre comparé à la craie.

    152Bernard Lambot :
    Il faut relativiser la dureté de la craie ; ça se délite bien, le plus difficile est de démarrer la cavité. Par contre l’étroitesse de la fosse pose de gros problèmes. On a les mêmes réflexions pour les enclos funéraires où les fonds sont très étroits : en fouille on ne peut même pas mettre les pieds. Il y a des problèmes techniques.

    153Jan Vanmoerkerke :
    Ça souligne complètement une volonté ou nécessité absolue de créer une forme spécifique et très laborieuse qui doit être liée à la fonction. L’objectif de cette forme, je pense, c’est que les pattes de l’animal ne touchent pas le fond de la fosse et l’empêchent de bouger. C’est difficile d’avoir des bonnes photos de cette partie inférieure ; quand on regarde dans le détail, c’est quasiment sculpté.

    154Juliette Durand :
    En dehors des questions de forme, il n’y a pas que la chasse pour protéger les champs…

    155François Schneikert :
    … Mais pourquoi toujours aussi pointu ?…

    156Juliette Durand :
    … Ce n’est pas parce qu’il y a de la faune dedans qu’il s’agit forcément de chasse. Si la faune tombe dedans, çe peut être aussi accidentel. On peut aussi imaginer qu’on le fait pour protéger les terrains agricoles loin de l’habitat. Il faut faire en sorte qu’ils soient surveillés jusqu’à la moisson, la récolte.

    157Frédéric Poupon :
    Il y a le problème des pièces de viandes ; si on est loin de l’habitat, pourquoi va-t-on s’embêter à emporter un membre antérieur pour jeter spécifiquement…

    158Juliette Durand :
    … Je ne parle pas des modalités, du « comment la faune arrive dans les fosses », mais de la fonction de la fosse. On peut faire des fosses pour autre chose que des pièges, indépendamment de la présence de faune. D’ailleurs, il n’y a pas beaucoup de faune, le plus souvent il n’y a rien.

    159Olivier Brun :
    Il y a deux choses dans ce que tu dis : « ce n’est pas forcément pour la chasse, ça peut être pour protéger ». Mais un piège, ça peut être pour protéger comme pour chasser ; si tu fais des fosses comme ça, comment protègent-elles autrement qu’en servant de pièges ? Tu peux avoir une fosse qui est un piège et ne pas être forcément pour la chasse au sens « je veux capturer telle bestiole pour la capturer ». Et tu es dans de la protection…

    160François Schneikert :
    En étant pragmatique, je trouve qu’un creusement comme ça, c’est vraiment se compliquer la vie pour ce qu’on propose actuellement. D’accord, une fosse en V, on la creuse, ça fait moins de volume à dégager, mais l’idée d’une fente de 40 cm de large sur 1,50 m de profond…

    161Fabrice Marti :
    Il y a quand même des fosses qui ne sont pas très profondes non plus ; certaines atteignent à peine le mètre. Alors la capture ne se fait peut-être pas seulement dans la fosse mais en cassant une ou des pattes. C’est une relation entre la forme et les dimensions de la fosse ; certes il y a des terrains érodés, mais pas partout. Il y a des trucs très courts ; dans l’hypothèse de la chasse, il doit y avoir une dimension optimum pour l’efficacité du fonctionnement. Et tout le reste s’écarte de cette fonction-là.

    162Jan Vanmoerkerke :
    Apparemment, même en mettant le sanglier dans un trou profond et à parois verticales, il va réussir à faire un talus, dès lors qu’il peut bouger.

    163Fabrice Marti :
    C’est pour ça qu’au Moyen Âge, on rabat le sanglier vers un trou, mais on le suit pour l’y amener et on le tue. On ne le laisse pas tomber tout seul.

    164Juliette Durand :
    Le creusement initial n’est pas comme ça ; le creusement en Y, c’est le creusement que nous voyons, nous, mais a priori les parois sont droites, non ?

    165Fabrice Marti :
    Ça, ce sont les exemples dans la craie. On peut avoir des confusions avec ce qui est creusé dans les limons : ce sont des fosses complètement différentes, avec des parois verticales ; on peut bousiller les bords et après ramener de la terre. Pour ce qui est dans la craie, ça a l’air d’être fait dès le départ.

    166Jan Vanmoerkerke :
    Tout cela dépend du cuvelage ; si on suppose un cuvelage, il y énormément de choses qui changent, notamment pour l’analyse environnementale.

    Atelier fonction : des fosses pour quoi faire ?

    Présentations des différentes hypothèses fonctionnelles : discussion

    167Fabrice Marti :
    Ce que je peux dire, ayant participé au chantier de Charny, c’est qu’en gros, ce n’est pas un « puits » ; c’est extrêmement remanié, il y a au moins deux « puits ». On a recomblé et recreusé exactement la même chose. On n’a pas tout compris, on était devant un cas atypique.

    168Patrice Méniel :
    On a l’impression de deux structures identiques superposées ; les rangées de trous de poteau extérieurs, c’est deux fois deux. On a l’impression qu’on a réinstallé deux fois la même chose.

    169Fabrice Marti :
    Une chose qui n’apparaît pas sur le plan, c’est qu’il y a une autre bande extérieure, creusée volontairement et avec énormément de traces de racines dedans. Une espèce de haie, encore extérieure, on arrive à 30 m de diamètre.

    170Geert Verbrugghe :
    Et les datations 14C ne concernent que le porc ?

    171Patrice Méniel :
    Les chiens aussi, tout cela est dans le même niveau. Le porc, dans mon interprétation, est un appât, pour des carnivores. Ma petite expérience de chasse me permet de dire que ça ne peut se faire qu’en hiver, sans quoi les carnivores sont trop méfiants. On n’attire jamais un carnivore dans un piège à la belle saison quand il a à manger. On peut l’attirer en période de disette avec des appâts et encore faut-il qu’il soit plutôt jeune, un vieux renard ne se prend pas comme ça. Dans la tradition, les appâts sont suspendus au-dessus de l’ouverture qui sert de trappe ; l’animal qui s’approche tombe dans le puits et on le retrouve au fond.

    172François Schneikert :
    Parmi les propositions d’usage qui ont été faites précédemment, il y a eu un dépouillement bibliographique mais est-ce qu’au niveau ethnographique, on trouve de ces structures ?… quelles sont les techniques de chasse par ailleurs ? Est-ce qu’il y a des comparaisons qui ont été faites ? Est-ce qu’on trouve des modèles de ce type dans des cultures autres ?

    173Vincent Riquier :
    C’est certainement l’un des travaux qui nous reste à faire, parce qu’on risque de tourner en rond si on n’a pas d’apport d’information supplémentaire. Ce qu’on observe, en Norvège par exemple, c’est qu’au Moyen Âge la chasse aux rennes a l’air d’être une chasse presque commerciale. Les populations locales font commerce avec les populations dominantes et leur vendent des animaux en échange d’autre chose. Et ça, c’est un dérivé de techniques de chasse anciennes collectives et saisonnières des populations semi-nomades ou nomades, qui vivent au gré des troupeaux, un peu comme les Amérindiens avec les bisons, qui suivent les troupeaux et vivent en harmonie avec la nature. Ça, c’est une des techniques. Pour les populations sédentaires, ça fonctionne différemment. Laurent n’en a pas beaucoup parlé hier, mais les archéologues japonais supposent une évolution entre une technique collective au départ qui devient de plus en plus individualiste ou en petits groupes, pour des quantités d’animaux chassés beaucoup moins grandes. Je crois qu’il y a une infinité de possibilités.

    174Christophe Laurelut :
    Pour prolonger un peu la question, est-ce qu’on a éventuellement des exemples récents ou ethnographiques concernant d’autres fonctions que la chasse pour ce type de fosse ?

    175Vincent Riquier :
    Le problème est que la chasse est très bien documentée ; il y a une masse de littérature sur la chasse, les techniques de chasse, le piégeage (sans les fosses parce que le piégeage, ce n’est pas que les fosses), mais on n’y parle pas beaucoup de fosse en général. Sorti de cette hypothèse, on trouve des fosses profondes pour de nombreuses activités (stockage, artisanat, etc.) mais ce sont des fosses de nature différente.

    176Fabrice Marti :
    Hier j’avais montré une photo d’une structure en creux qui y ressemble vaguement, c’est par exemple le séchoir à lin, avec une structure plus ou moins profonde ; je ne dis pas que c’est en Y. Il y a des choses très récentes qui sont liées à une chaîne d’activités, et qui peuvent se ressembler. Par exemple, dans ton tableau, ça ne va pas pour les fosses en Y mais pour celles en V ou U, des formes d’ensilage de bambou ou des fosses à patates ; avec la mode écolo, tu tapes sur internet et tu trouves des trucs dans ce genre-là. Il y a des choses à revoir dans les ouvrages scientifiques du xixe sur certaines pratiques, pour ne pas exclure certaines pistes.
    Là nous sommes focalisé sur un type de fosse, mais pour des fosses en V ou U, il y a peut-être un tri à faire là-dedans.

    177Bernard Lambot :
    C’est comme les fosses d’ensilage, il s’en faisait encore pendant la dernière guerre, et au Portugal et d’autres pays récemment. L’ensilage pour usage familial se fait encore par les jardiniers du dimanche en utilisant un bidon en plastique enterré. Les fosses d’ensilage ont des formes bien spécifiques, qui n’ont rien à voir avec les fosses en Y, V ou W. C’est comme pour les glacières, ces formes sont inopérantes pour garder de la glace.

    178Kai Fechner :
    En matière d’ethnographie, et à titre de comparaison, un collègue en Afrique m’a expliqué qu’ils avaient des fosses qui faisaient penser à cette problématique, pour scier du bois. Et apparemment, ce qu’ont fait expérimentalement les gens du musée de Neuchâtel en Suisse pour scier du bois, en vue de reconstituer un bateau, ressemblait aussi à des fosses très longues, très étroites et très profondes.

    179Jan Vanmoerkerke :
    Oui mais on ne scie pas avant la fin de l’Âge du Fer. Par rapport au lin, c’est très drôle et complètement contradictoire : on a cette interruption entre 2600 à 2000-1900 BC et c’est exactement la phase où la production de lin est partout attestée ; en fait, avant ou après, le lin est moins important. Quand on n’a pas de fosse en Y, on a une production de lin vraiment très importante ; il y a déjà une dizaine de sites avec du lin pour cette phase-là. C’est peut-être une bonne idée mais les données ne vont pas dans ce sens.

    180Fabrice Marti :
    Oui ça peut être autre chose, maintenant ce sont des pistes. On a beaucoup parlé de la chasse parce que c’est ce qui a été beaucoup documenté mais il y a certains cas où il y a encore du travail et il ne faut pas écarter d’autres hypothèses.

    181Jan Vanmoerkerke :
    … Maintenant qu’on dispose d’un diagramme des datations, on connaît les pics et les interruptions. Ce qui devient intéressant, c’est de corréler les choses, genre « quand il n’y a pas de fosse en Y, il y a beaucoup de lin », et on pourrait peut-être trouver un autre phénomène dans cette même logique. C’est l’intérêt d’avoir cette série de dates pour pouvoir faire des corrélations entre les datations et tout ce qu’on peut imaginer.

    182Patrice Méniel :
    Un aspect qui n’a pas été synthétisé ce matin, c’est la question du cuvelage.

    183Jan Vanmoerkerke :
    Oui, je peux résumer la question. Il y a deux arguments ; on a présenté plusieurs fois la photo de Denekamp au Pays-Bas, dans le sable, la lecture en est tellement facile qu’on voit vraiment bien les planches et c’est vraiment incontestable : elles sont posées verticalement les unes à côté des autres. Après vous allez dire que ce n’est qu’un cas, qu’on ne peut généraliser. Il y a quelques autres cas où on a l’impression qu’il y a un cuvelage. Mais l’argument qui pèse le plus lourd et qui compte pour la plupart des fosses, est celui du comblement inférieur. Si vous n’avez pas de cuvelage, toute la partie haute, quand même instable parce que la craie est souvent beaucoup moins compacte plus haut et en plus recouverte par le sol noir, s’effondre. Ces fines couches qui sont dans la partie inférieure s’expliquent pour moi par un cuvelage qui va pourrir d’abord au milieu. C’est comme dans les tombes à coffre : vous avez de l’infiltration au fur et à mesure du pourrissement du coffrage. Cette infiltration vient surtout de la craie puisque qu’on a beaucoup de craie dans les couches inférieures et de temps en temps un tout petit peu d’humus avec. C’est l’argument principal pour un cuvelage de ces fosses, sans qu’on puisse toutefois prouver qu’il y a tout le temps un cuvelage.
    Cela change beaucoup de choses, parce que si on part du principe qu’il y a un cuvelage, cela a une incidence sur les indicateurs écologiques, et même indirectement sur la datation ; c’est un grand inconnu. Les données concrètes sont extrêmement limitées mais ils ne faut pas tomber dans le piège « on ne le voit pas, donc il n’y en a pas ». Dans la plupart des cas, les sols ne sont pas assez lisibles pour voir les cuvelages.

    184Kai Fechner :
    En ce qui concerne le cuvelage, il faut voir les rapports de Julia Wattez ; sur Saint-Quentin, par exemple, il n’y a que des fosses en Y du Néolithique moyen. On est là pour faire un débat sur différentes hypothèses, donc on parle d’une hypothèse mais il faut aussi essayer de tester des hypothèses contraires. J’aimerais savoir d’une part ce que vous faites des fosses en U : où se termine une fosse en U et où commence une fosse ovoïde rappelant les caves ? Là je ne vois pas très bien encore la limite. Deuxième chose : que fait-on du cas fortement argumenté de Maurecourt où plusieurs chercheurs étaient d’accord pour dire que c’est une fosse les pieds dans l’eau et où on a des reste de plantes liées au rouissage des orties. Il ne faut pas éliminer les arguments parfois très bien étayés.

    185Fabrice Marti :
    Attention, en plus on a des dimensions un peu standard sur beaucoup de choses ; la définition de ces activités ne va pas se faire que par la forme et donc que par l’analyse réelle du remplissage. Or, pour moi il y a encore peu de cas concrets pour arriver à faire des généralités. Qu’à Maurecourt, ce soit une fosse de rouissage et qu’à Neuville ce soit autre chose, on met face à face des choses comme ça. C’est un peu jeune pour qu’en fin de journée, on ait des pistes.

    186Jan Vanmoerkerke :
    L’approche qui a été faite, c’est de constituer un corpus sur la région Champagne-Ardenne, parce qu’il faut bien commencer par quelque chose, et parce qu’il y a une même équipe qui travaille sur cette région. Dans cette première phase, une typologie ouverte et souple a été élaborée. Il y a plusieurs personnes qui ont fait la remarque « oui, mais où est-ce qu’on arrête, parce qu’on va aller jusqu’aux fosses polylobées ». On n’ira pas jusque-là mais pour le moment, ce serait vraiment contre-productif de dire « on ferme, et ça ce ne sont plus des fosses en Y ». Donc pour le moment la typologie s’élargit, mais il y a des formes moins strictes qui s’y intègrent. Après, inévitablement les séparations vont se faire, mais l’objectif c’est de les définir exactement. Pour moi, ce n’est pas dit que ce sera strictement morphologique, je pense qu’il y aura une partie « comblement », parce que quelque part, l’identité de cette structure-là, c’est aussi son comblement très caractéristique. C’est pour ça aussi que je suis très sceptique sur l’idée de multiples fonctions, au moins pour le profil très typé en Y. Après, que pour les formes qui ne sont pas identiques, qui sont plus larges, plus arrondies, qu’il y ait là dedans autre chose, avec d’autres fonctions, c’est parfaitement possible, mais pour le moment ce n’est pas possible de faire une séparation morphologique et ce n’est pas possible non plus par rapport au comblement. Ces classements peuvent paraître impressionnistes pour le moment. Cela deviendra plus strict plus tard ; là c’est très bien. La prochaine étape sera de proposer une typologie qui ne sera peut-être pas que morphologique.

    187Christophe Laurelut :
    En dehors de l’aspect typologique des fosses elles-mêmes et de ce que l’on peut mettre en évidence de particularismes, dans l’analyse environnementale, il y a quand même aussi la question du contexte général. Dans la plupart des cas présentés où ces fosses sont interprétables comme fosses de chasse, visiblement on arrive à montrer qu’elles sont peu ou prou seules dans le paysage à ce moment-là, mais il y a quand même eu hier quelques beaux cas d’espèces qui ont été présentés où on était précisément en contexte archéologique [ndr : enceintes néolithiques]. À partir de là, l’hypothèse de chasse, en tout cas pour ces cas-là, en prend un sérieux coup dans l’aile. Peut-être qu’on pourrait revenir un peu sur cet aspect-là des choses ?

    188Juliette Durand :
    Mais si on est en habitat avec une fosse bien couverte…

    189Jean Bruant :
    À Chilly-Mazarin on est à moins de 100 m de l’habitat contemporain.

    190Jan Vanmoerkerke :
    En coupe, les seules choses qui ressemblent à des fosses en Y sont les enceintes néolithiques, effectivement.

    191Kai Fechner :
    Et la réutilisation en fonction secondaire, est-ce argumenté, peut-être dans les cas ethnographiques ?

    192Christophe Laurelut :
    Réutilisation des fosses : tu veux dire leur entretien dans le cadre d’une même fonction ? ou une réutilisation autre ?

    193Jan Vanmoerkerke :
    Pour ce qui concerne la réutilisation funéraire de ces structures, qui n’étaient plus que des dépressions lors de ces réutilisations, ce n’est pas si étonnant, si on se réfère à tout ce qu’on connaît déjà pour le Néolithique récent ou pour l’Âge du Fer, par exemple. Ce serait plutôt l’absence de dépôts funéraires qui serait étonnante.

    194John Olsen:
    There are also several examples of reuse of pits in Norway. We have example of a pit that has been made for hunting animal and reuse for making charcoal and then again reused as hunting pit. You have also example of hunting pits for reindeer that has been enlarged to been used for hunting elk, probably because of changing in climate so that the elk started using higher altitude.
    New add: We probably also have examples of hunting pits for reindeer and elk that has been reused for hunting carnivores. Impaling sticks in the bottom of the pits is by some scientist looked upon as an indication for such an use.

    195Vincent Riquier :
    Y a-t-il d’autres exemples de structure comme celle de Charny ?

    196Patrice Méniel :
    Pas à ma connaissance.

    197Fabrice Marti :
    Non, c’est vraiment le truc atypique par excellence.

    198Patrice Méniel :
    Je pense qu’il faut voir avec les historiens qui pourraient amener beaucoup au débat ; ça nécessite la pluridisciplinarité, cette affaire.

    199Bernard Lambot :
    Charny rappelle, par la multitude des poteaux, des choses beaucoup plus grandes. Ce demi-cercle de poteaux fait penser aux théâtres antiques à gradins sur fondations en bois, notamment celui de Blicquy-Aubechies en Belgique ; c’est beaucoup plus vaste, mais enfin il y a tous ces poteaux présentés en demi-cercle…

    200Fabrice Marti :
    Alors ce n’est pas en demi-cercle, c’est vraiment un cercle complet, mais oui ça fait penser à ça ; c’est pour ça que F. Lontcho avait pensé à une enceinte pour gladiateurs. Enfin bon… on ne sait pas.

    201John Olsen:
    A comment to this 8 m deep structure. In Scandinavia we have something which perhaps have some similarities with this – used for hunting wolves. I think they are up to 5 m deep and pretty wide. There you have a platform for a pole in the centre, were they used to put some bait so that the wolf would not catch it, but fall into the pit.

    202Patrice Méniel :
    Est-ce quelqu’un a des idées sur la technique de creusement des fosses ?

    203Jan Vanmoerkerke :
    Cette année, une minière de silex, du IVe millénaire, a été fouillée dans la plaine crayeuse. Plus de 600 puits étroits ont été fouillés. Ils savaient faire ces trous et ces galeries invraisemblablement étroits pour exploiter du silex, donc ils pouvaient parfaitement creuser ces fosses en Y, bien plus simple à creuser ; pour moi, ils avaient une idée très précise de ce qu’ils voulaient faire. Ça devait être très pénible, et durer plusieurs jours, mais rien d’insurmontable.
    Comme dans les puits des minières, on pourrait s’attendre à trouver des pics usés ; cette absence doit avoir une signification.

    204Christophe Laurelut :
    Il y a au moins un autre exemple de structure aussi profonde et aussi peu large qui se présente à l’esprit, ce sont les tranchées de palissade de l’enceinte néolithique de Mairy, qui font entre 50 à 70 cm de large et qui peuvent atteindre, voire dépasser 1,60 m de profondeur. Donc des gabarits comparables et pas plus d’explication.

    205Kai Fechner :
    Dans les carrières néolithiques qu’on fouille en programmée en Bavière, on a vu des puits de mine qui commençaient normalement, et où le dernier tronçon était un sondage pour essayer de voir s’il n’y avait pas un autre banc de silex ; il était tellement étroit que seul un enfant pouvait descendre dedans. C’est le même principe pour la partie inférieure de nos fosses. Il y a un autre truc, c’est que pour les fosses en V de Oiry, on a eu fortement l’impression, après avoir réfléchi à ça avec Catherine Moreau, que le profil d’équilibre qui se créait ne pouvait pas être dû aux effondrements : c’était quasiment en V jusqu’en bas avec juste les derniers centimètres qui étaient verticaux. Donc là on a pensé à quelque chose qui éventuellement aurait été creusé ainsi dès le départ. Comme pour un calage de poteau ou quand on fait un puits, quand on aménage la structure, on fait l’entonnoir d’abord et ensuite on met le bois. Ou alors l’autre hypothèse, c’est qu’en voulant récupérer quelque chose comme un cuvelage ou autre chose, on aurait dû creuser jusque-là pour avoir accès dans le fond, d’où l’idée de descendre quasiment jusqu’au bout.

    206Juliette Durand :
    Elles ne sont pas profondes celles-là ?

    207Kai Fechner :
    Ah si, elles font 2,20 m.

    Clôture

    208Jan Vanmoerkerke :
    Donc un mot de conclusion consensuel, juste pour rappeler encore que tout l’intérêt de la démarche développée ici, c’est cette mise au point régionale, avant toute autre chose. Si on avait l’équivalent pour toutes les régions où il y a une grosse activité archéologique, ce serait une très bonne chose. L’étape suivante est l’élargissement au niveau national, et puis un début d’élargissement international. Je crois que cette méthode fonctionne bien ; c’est important de le souligner parce que dans beaucoup d’autres domaines, pour arriver à un bilan comme on a vu ici, parfois cela prend de longues années ou ne se fait jamais. Tout simplement parce qu’on n’arrive pas à se mettre ensemble.
    Je voulais insister aussi sur l’importance de la démarche interprétative, tout en relativisant les conclusions d’aujourd’hui. Est-ce qu’on a eu trop tendance à mettre en avant l’hypothèse de la chasse ou du piège ? Mais en même temps, il faut relativiser l’intérêt de l’interprétation définitive – il n’y en a pas – l’intérêt c’est de continuer à développer, à rechercher, à tester un peu comme en laboratoire, à varier les approches et puis aussi toujours continuer à multiplier ces dates radiocarbone. Je pense que tout le monde a été convaincu, en voyant la liste des animaux ou des datations radiocarbone, que la simple multiplication de ces données va être décisive, je suis confiant là-dessus.
    Pour aller plus loin, je pense qu’au-delà de leur interprétation, l’intérêt de ces fosses – Kaï l’a très bien dit – c’est le potentiel de ces structures, indépendamment de leur fonction, comme document qui permette d’étudier des périodes, des cultures ou des secteurs qu’on ne connaît pas. C’est en soi un argument suffisant pour travailler là-dessus.
    On n’a pas eu le temps d’aborder une dernière idée, bien plus générale, qui, je le parie, reviendra en force dans les années à venir : si l’on fait abstraction d’une ou deux fosses potentiellement mésolithiques, le phénomène des « fosses en Y » est un phénomène du Néolithique et de l’Âge du Bronze, apparaissant à la fin du Néolithique ancien. Si c’est vraiment un phénomène cynégétique, on est dans une chasse d’agriculteurs, qui ne serait pas héritée du Mésolithique.
    Cette idée est en parfaite opposition avec le retour de l’idéologie de la chasse (mésolithique) à la fin du Néolithique ancien, comme elle est souvent proposée.

    Bibliographie

    Bibliographie citée dans les discussions

    Durand J., Bémilli C., Bostyn F., Brunet P., Brunet V., Casadei D., David C., Dietsch-Sellami M.-F., Duplessis M., Henry-Duplessis S., Lanchon Y., Monchablon C., Pion M., 2008, Mareuil-lès-Meaux ‘La rocade sud-ouest de Meaux’ (Seine-et-Marne), Rapport de fouille de sauvetage des sites pré-et protohistoriques des lots 2 et 5, Inrap/S.R.A. d’Île-de-France.

    Durand J., Baranghi F., Bauchet O., Boitard-Bidault E., Bruley G., Fechner K., Raymond P., Lanchon Y., Pissot V., Lafage F., Lafosse C., Bémilli C., Lorquet P., Dietsch-Selami M.-F., Saulière N., Wusher P., 2009, Villenoy et Chauconin-Neufmontiers ‘Parc d’activité du pays de Meaux’ (77), Rapport de diagnostic, Inrap Pantin/S.R.A. d’Île-de-France.

    Notes de bas de page

    1 En référence à la présentation du référentiel chronologique établi pour la région Champagne-Ardenne à partir des datations radiocarbone. [NDLR]

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      Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W »

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      Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W »

      Ce livre est cité par

      • Michler, Matthieu. Badey, Sylvain. Berranger, Marion. Cabboï, Luisella. Clerc, Patrick. Jodry, Florent. Putelat, Olivier. Van Es, Marieke. (2018) Ensilage et artisanat du fer entre le Hallstatt D3 et La Tène ancienne à Weyersheim (Bas-Rhin). Premiers résultats. Archimède. Archéologie et histoire ancienne, 5. DOI: 10.47245/archimede.0005.var.02
      • Crassard, Rémy. Abu-Azizeh, Wael. Barge, Olivier. Brochier, Jacques Élie. Chahoud, Jwana. Régagnon, Emmanuelle. (2022) The Use of Desert Kites as Hunting Mega-Traps: Functional Evidence and Potential Impacts on Socioeconomic and Ecological Spheres. Journal of World Prehistory, 35. DOI: 10.1007/s10963-022-09165-z

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      Achard-Corompt, N., & Riquier, V. (éds.). (2013). Table ronde 15-16 novembre 2010. In Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W » (1‑). ARTEHIS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.artehis.6844
      Achard-Corompt, Nathalie, et Vincent Riquier, éd. « Table ronde 15-16 novembre 2010 ». In Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W ». Dijon: ARTEHIS Éditions, 2013. https://doi.org/10.4000/books.artehis.6844.
      Achard-Corompt, Nathalie, et Vincent Riquier, éditeurs. « Table ronde 15-16 novembre 2010 ». Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W », ARTEHIS Éditions, 2013, https://doi.org/10.4000/books.artehis.6844.

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      Achard-Corompt, N., & Riquier, V. (éds.). (2013). Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W » (1‑). ARTEHIS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.artehis.5929
      Achard-Corompt, Nathalie, et Vincent Riquier, éd. Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W ». Dijon: ARTEHIS Éditions, 2013. https://doi.org/10.4000/books.artehis.5929.
      Achard-Corompt, Nathalie, et Vincent Riquier, éditeurs. Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses « à profil en Y-V-W ». ARTEHIS Éditions, 2013, https://doi.org/10.4000/books.artehis.5929.
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