Avant-propos
p. 7-8
Texte intégral
1Les textes réunis ici concrétisent les Actes de la table ronde organisée par l’Inrap en novembre 2010 à Châlons-en-Champagne et consacrée au sujet atypique : « Chasse, culte ou artisanat ? Les fosses “à profil en Y-V-W”. Structures énigmatiques et récurrentes du Néolithique aux âges des Métaux en France et alentour ». Ces deux journées de présentations et de discussions, aboutissement d’un premier cycle de recherches régionales, ont été conçues avec l’espoir de dépasser certaines frontières internes à notre discipline. En effet, par sa nature transrégionale voire transnationale et diachronique, le sujet se prêtait mal à une explication, inévitablement trop courte, dans le cadre des grands colloques métropolitains structurant qui une période, qui une aire géographique, qui une spécialité technique. Il fallait libérer un espace et un temps spécifiques pour rassembler les chercheurs œuvrant sur la problématique et créer un premier état de la question. De plus, à nos yeux, le débat d’idées représente autant de valeur que la stricte présentation des données de chaque équipe ou de chaque chercheur, d’où la place accordée aux discussions thématiques et leur transcription intégrale à la suite des textes. Enfin, pour une diffusion maximale de l’information, des résumés développés des interventions, traduits en anglais, allemand et, si besoin, en français sont proposés à la suite de chacun des articles de cet ouvrage.
2Au-delà des questions de dénomination de ces vestiges, ici intitulés « fosses à profil en Y-V-W » pour les besoins du projet porté par l’équipe de Champagne-Ardenne, le problème principal de cette table ronde a été de comprendre la nature d’un groupe de fosses particulières, qui correspondent, pour certains chercheurs, à un nouveau type de vestige archéologique. Oblong, ovale ou parfois circulaire en plan, leur profil transversal forme un V ou un Y qui entaille le sol parfois jusqu’à trois mètres de profondeur. Un rythme très spécifique de sédimentation est lisible en coupe. Le plus souvent dépourvues de mobilier, elles ont été observées dans tous types de substrat, à l’occasion de la fouille de sites de différentes périodes. La plupart du temps, elles font heureusement l’objet de relevés et parfois de prélèvements, mais sont datation et fonction indéterminées. Grâce aux décapages rapidement remisées dans la trop longue liste des fosses à datation et fonction indéterminées. Grâce aux décapages archéologiques de grande envergure, une organisation spatiale commence à être perçue et montre que ces fosses ne sont pas le fruit du hasard. Le recours aux datations radiocarbone a permis de susciter un intérêt nouveau en démontrant leurs principales phases d’utilisation du Néolithique à l’Âge du Fer.
3Les nouveaux travaux portant sur le sujet ont également fait le lien avec une série de vestiges, identifiés comme un véritable type et se rapportant aux contextes néolithiques, les Schlitzgruben. Connues depuis le début du xxe siècle et enregistrées très fréquemment par les archéologues néolithiciens allemands et alsaciens, ces fosses ont fait l’objet de débats nombreux quant à leur fonction sans trouver de terme acceptable pour tous jusqu’à présent. L’assimilation récente de ces Schlitzgruben aux fosses à profil en Y-V-W donne une tout autre perspective d’analyse puisqu’alors le phénomène dépasse largement les frontières administratives actuelles mais également les frontières des cultures archéologiques anciennes concernées. Il semble qu’il s’agit là de vestiges, a minima, « européens ». La solution à la question ne se trouve donc ni dans une culture ni une région précise mais bien dans la mise en commun du savoir de chacun.
4L’autre frontière à laquelle ce sujet fait face est ancrée dans la conception même que peut se faire chaque chercheur de sa discipline. L’attachement fondamental de l’archéologue aux objets matériels tend, malgré toutes les recommandations, à reléguer inconsciemment au second plan les contextes de découvertes. Pour des structures dépourvues d’objets et dont la fouille peut, au premier abord, sembler ingrate, l’intérêt archéologique s’en trouve fortement amoindri, pour ne pas dire dévalorisé. Pourtant, comme le montre l’exemple de ces fosses à profil en Y-V-W, sortis de l’ombre, ces vestiges, par le jeu de questionnements quant à leur fonction ou leur chronologie, produisent de nombreuses informations inédites dans des domaines de connaissance insoupçonnés, dans des espaces géographiques jusque-là « vides » ou encore dans des périodes mal documentées. Comme toute « nouveauté », ils contribuent à la remise en question d’a priori archéologiques et bousculent les évidences autoalimentées. Notre espoir est que leur étude suscite de nouvelles perspectives, de bouillonnantes hypothèses et un regain d’enthousiasme pour tous ces objets archéologiques non identifiés. Las des querelles de clochers entre honorables scientifiques, gardons à l’esprit que notre discipline vise, à son niveau, au progrès de la connaissance sur les modes de vie passés des hominidés.
Remerciements
5L’ensemble du projet que conclut cette table ronde n’aurait pas été possible sans l’actif soutien moral et financier de la Direction Scientifique et Technique de l’Inrap. Les membres du projet de recherches et des collègues champardenais ont, de leur côté, contribué au bon déroulement de la manifestation. Nous leurs adressons nos sincères remerciements.
6Quant à cette publication, elle n’aurait pas pu se réaliser sans le soutien financier du Ministère de la Culture (D.R.A.C. – S.R.A. Champagne-Ardenne) et de l’Inrap (Direction Scientifique et Technique / Direction du développement Culturel et de la Communication). Qu’ils en soient remerciés.
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