19. Conclusion du bilan Néolithique
p. 251-252
Texte intégral
1À l’issue de ce bilan des connaissances sur le Néolithique de la Bourgogne, les constats ne sont pas nécessairement négatifs mais bien évidemment très contrastés selon les domaines, les périodes et les secteurs géographiques considérés.
2D’un point de vue géographique, rares sont les secteurs qui ont bénéficié d’un maillage dense d’opérations permettant une réelle connaissance de l’occupation de l’espace aux diverses périodes du Néolithique. Seule la vallée de l’Yonne, dans certains secteurs, ou peut-être la périphérie de l’agglomération dijonnaise pourraient répondre à cette attente. La répartition des opérations archéologiques par département est à cet égard trompeuse, puisque si le département de l’Yonne compte un grand nombre d’opérations, celles-ci se concentrent dans le fond de la vallée pour l’essentiel, mais les plateaux – qui ont livré un grand nombre d’indices en prospection pédestre – demeurent peu ou prou inconnus. Dans l’Auxois et le long de la Côte à l’inverse, l’habitat de hauteur est mieux connu que les implantations de vallées et de plaines, même si ces dernières commencent à apparaître dans les rares zones concentrant l’archéologie préventive. Plus au sud, dans plusieurs secteurs du bassin de la Saône, de nombreux sites sont connus en prospection à la fois dans la plaine et sur les hauteurs, mais les connaissances demeurent limitées par le faible nombre de fouilles réalisées. Dans le bassin de la Loire, on soupçonne l’existence de régions densément occupées et pour lesquelles on ne connaît pourtant que de très rares sites néolithiques. Les cultures archéologiques y sont pratiquement inconnues. Seul le Néolithique moyen est à peu près identifié, et encore ne l’est-il seulement qu’à partir de très petits corpus issus de contextes mal assurés. Mais le faible développement économique et urbain dans cette zone entraînant peu d’activité préventive, la recherche archéologique y est actuellement extrêmement réduite. Dans ces conditions, on voit mal comment notre connaissance du Néolithique de cette région pourrait se développer autrement que par des fouilles programmées.
3Ces très importantes disparités pourront peut-être être gommées dans l’avenir par une réflexion sur le zonage réalisé par le Service régional de l’Archéologie. Ce zonage peut en effet permettre de prendre en compte les travaux d’aménagement concernant de faibles surfaces, mais aussi un développement concerté des opérations d’archéologie programmée dans les secteurs qui le nécessitent.
4Il semble évident aussi que la Bourgogne ne doit pas être envisagée uniquement du point de vue de la géographie administrative. Dès les débuts de la réalisation de ce bilan, le découpage départemental s’est avéré inopérant et a été rapidement remplacé par une partition en trois bassins versants qui ouvrent eux-mêmes sur des entités géographiques interrégionales qui seules présentent une cohérence permettant d’aborder les problématiques à développer (interractions Rubané/Cardial, Cerny/Chambon, Cerny/Chasséen, diffusions campaniformes, etc.).
5D’un point de vue chronologique, les contrastes sont tout aussi importants. Sur le territoire bourguignon, le Néolithique moyen est sans doute la période la mieux connue, grâce à des opérations de terrain concernant depuis des décennies plusieurs secteurs géographiques (Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Yonne) et à des études thématiques réalisées dans le cadre de la thèse de C. Moreau sur la céramique du Néolithique Moyen Bourguignon, ou dans le projet collectif sur les sépultures et les rites funéraires dans l’Yonne, et à des publications. Cette dynamique concerne à la fois le Néolithique moyen I et le Néolithique moyen II, mais aussi géographiquement une grande partie de la Bourgogne, même si ce bilan a mis en évidence de nombreuses questions qui restent en suspens.
6Concernant le Néolithique ancien, les travaux se concentrent dans le bassin de l’Yonne grâce à l’archéologie préventive mais aussi à des études thématiques comme la thèse de K. Meunier qui a fait le point sur la céramique du Rubané récent du Bassin parisien et du Villeneuve-Saint-Germain dans les vallées de l’Yonne et de la Seine. Les nombreux corpus disponibles ont permis d’étudier l’évolution culturelle et en particulier la transition entre ces deux cultures. Malgré la publication de cette thèse, celle de monographies de nombreux sites icaunais de ces périodes reste indispensable. En dehors de ce secteur spécifique, le Néolithique ancien demeure particulièrement méconnu, alors que le bassin de la Saône est probablement l’une des zones cruciales pour comprendre les interactions entre les deux voies principales de néolithisation du territoire français.
7Concernant le Néolithique récent et final jusqu’à la transition avec l’Âge du Bronze, les sites connus sont peu nombreux et rares sont ceux qui ont été fouillés. Pour ces périodes de la fin du Néolithique, les études thématiques sont presque inexistantes pour l’ensemble de la région considérée. Cette période doit constituer l’une des priorités des futures recherches sur le Néolithique bourguignon.
8D’un point de vue thématique, quelques points forts de la recherche font aussi ressortir nos lacunes de connaissances.
9Concernant l’habitat, les données demeurent pauvres et éparses. Si l’habitat du Néolithique ancien est connu à l’extrême nord-est de la région, il demeure inconnu ailleurs. Pour le Néolithique moyen, quelques « maisons » circulaires de l’Yonne et les habitats fortifiés de hauteur ne sauraient être représentatifs ni de l’ensemble de la région, ni de toute la période, qui couvre un millénaire. Pour la fin du Néolithique, on ne connaît rien ou presque rien sur l’habitat.
10Concernant le domaine funéraire, les données commencent à être conséquentes et à prendre du sens dans le bassin de l’Yonne puisqu’elles s’étendent sur presque toute la séquence néolithique. Outre des découvertes récentes, plusieurs programmes en cours visent à publier des sites encore trop souvent inédits ou mal publiés, pour le Néolithique moyen surtout. Pour le reste de la région, les coffres mégalithiques du bassin de la Saône et les quelques sépultures de l’agglomération dijonnaise devront absolument faire l’objet de publications.
11La monumentalité a été abordée dans les dernières décennies à la fois pour les structures mégalithiques concentrées à l’interface entre les bassins de la Saône et de la Loire et pour les structures non mégalithiques de la vallée de l’Yonne dont l’étude est en cours. Il s’agit d’un domaine très important de la recherche néolithique bourguignonne. Il n’en est pas de même des problématiques économiques et environnementales qui demeurent actuellement sous-développées, malgré l’existence de rares programmes (Prospections sur les exploitations de sel et Programme Territoire, Environnement et Pratiques agricoles au Néolithique final) et de quelques travaux ponctuels liés à des opérations de terrain.
12Finalement, si on peut se féliciter d’avoir collectivement réussi à proposer un premier bilan concernant le Néolithique de Bourgogne, faisant l’état des lieux et constituant une forme de synthèse des connaissances sur la question, ce bilan permet également de mettre en évidence les nombreuses lacunes de la recherche. Il existe en effet des zones d’ombre, mais aussi des territoires vierges et des pans entiers de la chronologie qui demeurent inconnus. C’est sans aucun doute sur ces points qu’il faudra mettre l’accent dans les prochaines années, voire les prochaines décennies. Comme pour la mise en place de nouveaux projets collectifs de recherche sur des thématiques bien définies, on constate que sans le développement d’une forte recherche programmée, parfaitement complémentaire à l’archéologie préventive, il sera difficile, voire impossible, avant très longtemps, d’acquérir une connaissance satisfaisante du Néolithique bourguignon. Or, sans la mise en place de moyens financiers, et surtout avant tout humains, ces projets auront peu de chances d’atteindre leur but. De la même façon les découvertes, même parfois ponctuelles et limitées, réalisées lors des diagnostics, devront faire l’objet de plus nombreuses prescriptions.
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