L’outillage de mouture va-et-vient des Feuilly à Saint-Priest (Rhône)
p. 365-375
Résumés
L’étude des moulins va-et-vient des Feuilly, à Saint-Priest (Rhône), permet de présenter l’évolution typologique et pétrographique de l’outillage de mouture d’un même site de culture bourguignonne depuis le Néolithique moyen jusqu’à la charnière du premier et second âge du Fer en passant par le Bronze final 2b-3a. La réduction de la courbure de la surface active semble se confirmer entre le Néolithique et la Protohistoire. Une molette débordante du Néolithique moyen est identifiée. Alors qu’aucune évolution typologique n’apparaît entre le matériel du Bronze final et celui de l’âge du Fer, des différences pétrographiques se font dans le choix des matériaux, avec une plus grande variété de roches durant la Protohistoire, bien que le granite reste le matériau de prédilection depuis le Néolithique moyen.
The saddle querns of the site of Feuilly, Saint-Priest (Rhône, France) were classified from the standpoint of typology and petrography. This site was occupied from the Burgundian Middle Neolithic through the Early to Late Iron Age. Of note is an occupation from the Late Bronze Age 2b-3a. A decrease of the angle of the grinding surface takes place between the Neolithic and Protohistory. An “overlapping upper stone”, dated to the Middle Neolithic, stands out among the assemblage. While no typological evolution is apparent from the Late Bronze Age to the Iron Age, there are differences in the choice of rock, in particular in Protohistory. Granite, nonetheless, remains the main rock type since the Middle Neolithic.
Entrées d’index
Mots-clés : mouture, va-et-vient, Néolithique, Bronze final, âge du Fer, meule, molette, Rhône
Keywords : grinding, saddle quern, Neolithic, Late Bronze Age, Iron Age, lower stone, upper stone, Rhône River
Texte intégral
1. Introduction
1.1. Contextes géographique et géomorphologique
1La commune de Saint-Priest (Rhône) se trouve dans la plaine de l’est lyonnais, limitée au nord par les Côtières des Dombes (Ain), à l’est par le plateau calcaire de l’Isle Crémieu, au sud par les Balmes viennoises et à l’ouest par les massifs primaires des Monts du Lyonnais (fig. 1). Cette plaine fluvio-glaciaire forme une étendue monotone, modelée par les glaciers, incisée par le Rhône et ses affluents, ponctuée de buttes et plateaux morainiques. Le site archéologique des Feuilly, situé sur le versant sud d’une butte morainique, dans une zone agricole au nord de la commune, entre 204 et 207 m d’altitude, occupe un relief peu marqué, atténué par l’érosion et d’épais dépôts loessiques, dominant la plaine (Coquidé, 2003).
1.2. Historique et présentation du site
2L’opération préventive réalisée sur l’emprise de la ZAC des Feuilly à Saint-Priest s’inscrit dans le cadre du projet d’extension du Parc technologique de Lyon. La campagne de diagnostic réalisée en 1999 a concerné une superficie de 36 ha sur laquelle près de 800 sondages ont été effectués. La fouille, couvrant une surface de 6,3 ha, a livré en 2001 d’importants vestiges dont l’affiliation culturelle s’échelonne entre les périodes du Néolithique ancien et de l’Antiquité (P. Hénon et C. Ramponi, co-responsables de la fouille). La période du Néolithique ancien n’a livré que des vestiges ténus, le Néolithique moyen II, de type NMB, étant caractérisé par quelques structures fossoyées dévolues à la conservation de denrées céréalières. Mais les vestiges les plus importants relèvent principalement de la phase moyenne de l’âge du Bronze final (Bronze final 2b/3a). Ils témoignent de l’existence de contextes d’habitats groupés ou dispersés. Deux dépôts d’objets métalliques en alliage cuivreux ont par ailleurs été mis au jour. La fin du Premier âge du Fer (Hallstatt D3) est caractérisée par un vaste habitat rural et par un bûcher funéraire à proximité duquel ont été retrouvées des fosses renfermant un important mobilier céramique d’importation (Hénon, Ramponi dir., à paraître).
3La fouille a été subdivisée en plusieurs zones archéologiques (fig. 2). Six ont livré des outils de mouture dont la répartition chronologique est résumée dans le tableau de la figure 3. Plusieurs structures fossoyées sont mal datées, comme dans la zone F où onze outils sont datés du Bronze final 2b-3a ou du Premier âge du Fer (Hallstatt C/D).
4La fouille et l’étude du matériel de mouture indiquent une forte occupation du site durant la Protohistoire, en particulier au Bronze final (quarante-huit pièces) et au Hallstatt C / La Tène A (treize pièces), vingt et une pièces protohistoriques sans précision (fig. 4). La faible représentation du Néolithique moyen (neuf pièces) est liée pour une grande part à la stratégie de fouille (fouille partielle de l’occupation).
1.3. Contexte archéologique
5Les grosses séries de moulins du Bronze final ou protohistoriques sont très rares dans la région, malgré des fouilles récentes. À Lyon-Vaise, l’outillage de mouture du B.P.N.L. est très peu représenté (Jacquet dir., 1998). Il en est de même sur le site voisin des Perches, à Saint-Priest (deux meules Bronze final). Par contre le site du Boulevard Urbain Est, qui est l’extension vers l’ouest du site des Feuilly, a livré une quinzaine de pièces de mouture du Néolithique moyen Bourguignon, du Bronze final 2b et du Premier âge du Fer (HaD) (Ramponi et alii, 2003). C’est tout l’intérêt de l’étude des 91 outils de mouture des Feuilly, qui est constituée à 90 % par du matériel protohistorique (53 % Bronze final, 14 % premier âge du Fer, 23 % Bronze final– La Tène A), le Néolithique restant quasi anecdotique (10 %). On peut ajouter la série néolithique de ’Derrière le Château’, à Géovréissiat, dans l’Ain (Gisclon, 1994) et les deux importantes séries suisses de Cortaillod-Est et Hauterive-Champréveyres pour pallier ce déficit régional (Ribaux, 1986 ; Leuvrey, 1999).
1.4. Contexte pétrographique et approvisionnement
6La nature des roches identifiée par D. Santallier est caractérisée par son homogénéité (granites), ce qui pourrait indiquer un approvisionnement dans un même massif, excluant ainsi les galets morainiques, susceptibles d’une plus grande hétérogénéité. Un autre argument, allant dans le sens d’un approvisionnement éloigné, provient du module des pièces, supérieur en majorité à celui des galets fluvioglaciaires, de petit format. Cela est indiscutable pour les plus grosses pièces. La bordure orientale du Massif central (Monts du Lyonnais à environ une trentaine de kilomètres à l’ouest) pourrait être le lieu privilégié d’approvisionnement en matière première (granite à biotite, mylonite, vaugnérite), sans exclure les galets morainiques locaux, pouvant fournir ponctuellement tel microgranite ou tel quartzite. Le basalte ou andésite1 proviendrait du Massif central, du Velay ou de l’Ardèche, situés à environ une centaine de kilomètres au sud-ouest (fig. 1). Cette roche volcanique est également présente dans l’outillage de mouture du Néolithique moyen des sites du Gournier, à Montélimar (Drôme) mais semble n’avoir été utilisée à Saint-Priest qu’au Bronze final2b-3a.
2. Le Néolithique moyen
7Les neuf outils de mouture néolithiques proviennent en majorité de fosses de stockage (présence de graines de céréales, de glands) réutilisées en dépotoir (G1003, G2001, G2002, G2012, G2013) et d’un trou de poteau (G2003). Ces objets lithiques sont des rejets, des rebuts, réutilisés une fois en calage. La faible représentation, l’altération et l’importance de la fragmentation (aucune pièce entière) sont leurs principales caractéristiques, ce qui les identifie bien comme des objets sans valeur, abandonnés. Cependant, la présence de fragments d’outils de mouture au sein d’anciennes fosses de stockage à grains n’est peut-être pas anodine. L’un d’eux (no 1112) est associé dans la fosse silo G2002 à un gros vase à provisions. La dispersion de fragments d’une même pièce dans différentes fosses, proches ou éloignées, ou la présence de plusieurs pièces dans la même fosse sont deux autres spécificités de ce matériel, suggérant une proximité chronologique entre ces différentes structures. Ainsi, dans la fosse G2012, on trouve des fragments de la meule 1116, plusieurs fragments appartenant à deux autres outils non identifiés, et un fragment de la meule 1111 du trou de poteau G2003, à 24 m de distance. En G2001, un fragment appartient à la meule 1111 de G2003, situé à 2 m de là, un autre à la meule 1116 de G2012, à 23 m de distance, et plusieurs fragments appartiennent probablement à au moins deux autres pièces de mouture. On a trouvé dans la fosse G1003 deux outils de mouture (no 1128, no 1129), dispersés en plusieurs fragments et très altérés (1129). Une seule pièce néolithique provient de la zone D7 (no 1056).
8Le granite est la roche la plus utilisée dans la confection de l’outillage de mouture (six pièces dont trois identifiées : deux meules et une molette), le grès venant secondairement (fig. 5). Il s’agit de granite classique, grenu, à grains fins, de granite schisteux ou de microgranite porphyrique ou micro-granodiorite caractérisé par une instabilité des grains. Le grès est feldspathique ou grossier avec une structure fragile, hétérogène, une roche grenue à grains peu stables. Une pièce est taillée dans une plaquette de grès bleu-noir, à grains fins. Les Monts du Lyonnais, situés à environ une trentaine de kilomètres à l’ouest, pourraient être le lieu d’approvisionnement en matière première, bien qu’un des outils en granite soit sur galet morainique, donc de provenance locale.
9Néanmoins, cette approche typologique réduite amène des comparaisons avec d’autres sites des régions voisines. En effet, il est possible d’identifier une molette débordante M1128 en granite (fig. 6) se rapprochant par sa forme probablement ovale, section quadrangulaire, ses dimensions (largeur d’environ 17 cm, épaisseur 4,9-6,4 cm) et sa surface de travail légèrement polie concave en longueur, plano-convexe transversalement, avec une usure plus marquée à l’extrémité conservée, des pièces déjà observées dans un même contexte Néolithique moyen en Franche-Comté (Jaccottey, 2011b), Bourgogne (Duda, 2013), Valais suisse (Jaccottey, Milleville, 2011), région clermontoise et moyenne vallée du Rhône (Montélimar) (Cousseran, Gisclon, ce vol.).
10Le site du Boulevard Urbain Est (B. U. E), situé immédiatement à l’ouest de la zone D7 des Feuilly, a livré des structures fossoyées du Néolithique moyen qui sont vraisemblablement en relation avec l’occupation néolithique des Feuilly, de même faciès culturel N. M. B. (Ramponi et alii, 2003). Les fosses 1002, 1005, 1022, 1097 et la couche néolithique US 23 contenaient trois pièces en granite schisteux, une en granite et une en arkose. Là encore, le nombre d’outils est faible et l’état de conservation mauvais. Ces pièces sont d’un format réduit ou moyen (poids max : 7,2 kg). La surface active, observable dans deux cas, est plane, polie et de faible rugosité (1022), ou plane et de moyenne rugosité (1097).
11Notons enfin l’absence de pièces en basalte dans cette petite série, alors que cette roche volcanique est utilisée dans l’outillage de mouture du Néolithique moyen du Gournier, à Montélimar (Drôme) et qu’elle apparaît plus tard sur le site même des Feuilly, au Bronze final (Beeching et alii, 2010 ; Thiercelin-Ferber et alii, 2012).
3. L’âge du Bronze final
12Les quarante-huit pièces de mouture du BF2b-3a, en contexte d’habitat, sont souvent fragmentées, cassées en début d’utilisation ou lors du ré-avivage, exceptionnellement en réemploi (un seul calage), rejetées dans les fosses de stockage ou de fonction indéterminée situées en bordure des bâtiments d’habitation (alignements des structures), et dans un sol d’occupation (cinq cas). L’association avec certaines structures fossoyées ou des sols de l’habitat peut indiquer l’existence de zones de travail destinées à la mouture, à proximité du lieu d’abandon.
13Elles présentent le plus souvent une surface de travail à faible courbure. Leur format est très hétérogène, alors que la forme en plan est en général ovale (fig. 6, 7 et 8). Le graphe de distribution des meules et molettes en fonction du rapport poids/surface active permet d’établir la distinction meule/molette qu’il est possible de faire avec le matériel suisse (Ribaux, 1986 ; Leuvrey, 1999) ou bourguignon (Jaccottey et alii, 2011f). On observe ainsi que c’est le poids qui est le mieux corrélé à la fonction, les cinq meules identifiées se situant au-delà de 14 kg (ligne pointillée) (fig. 9).
14Un couple de meule et molette en granite schisteux, entières, a été trouvé dans une même fosse (F1125), datée du BF2b-3a ou HaC/HaD, avec une autre meule 1110 de 21,9 kg (fig. 8, 10). Ces pièces sont regroupées et reposent au même niveau dans la fosse, face active visible pour le couple, ce qui permet d’envisager un dépôt simultané. Ce couple confirme cette partition pondérale, bien qu’un doute plane sur sa datation. La molette 1108 aménagée sur galet, d’un poids de 3,4 kg, est de forme sub-circulaire ou ovale en plan, de section quadrangulaire en longueur, trapézoïdale en largeur, et sa surface active plane s’adapte parfaitement à celle de la meule 1109, concave, d’un poids de 18,1 kg, de forme en plan hexagonale (fig. 6).
15Le matériau employé pour la confection des pièces de mouture (six meules, sept molettes, dix-neuf indéterminées) est principalement le granite ou granite schisteux, facilement mis en forme par épannelage et piquetage, et présentant une très bonne qualité abrasive. Six autres matériaux (basalte, mylonite, orthogneiss, grès, prasinite, conglomérat) sont utilisés secondairement, certains uniquement pour la confection de molettes comme le grès (trois pièces) ou la prasinite (un cas) : deux sont en grès grossier (m1084 sur galet, m1094), une est en grès feldspathique (1063) (fig. 11). Un outil indéterminé (meule ou molette) est en conglomérat. Quatre pièces sont en basalte : deux sont probablement des molettes (dont une en basalte dense), deux sont indéterminées (meule ou molette).
16Le type de roche utilisé (granite) comme la morphologie des pièces (forme oblongue et surface de travail à la courbure peu prononcée) se rapproche du type le plus fréquemment rencontré en Suisse au Bronze final (lac de Neuchâtel ; Ribaux, 1986) et au nord de la Bourgogne, à Vix (Jaccottey et alii, 2011f, p. 682). Ce choix d’outil commun à ces différentes régions, relativement éloignées, est à souligner.
17Trois pièces (deux entières, un fragment) du site Bronze final 2b du B.U.E., immédiatement à l’ouest des Feuilly, peuvent être ajoutées à cette série de quarante-huit pièces (Ramponi et alii, 2003). Une meule en granite de 8,3 kg, à la surface active rugueuse, et une molette en granite schisteux, avec surface active polie, entières, dans la fosse F1262, présentent des surfaces de travail à la courbure peu prononcée, plus ou moins plane pour la meule, légèrement convexe pour la molette. Ces outils présentent donc une morphologie comparable avec la série des Feuilly.
18Sur le site BF2 de Charnage à Chens-sur-Léman (Hte-Savoie), il ne semble pas y avoir de matière privilégiée mais la série est très limitée avec seulement douze pièces de mouture en gneiss, granite, grès, schiste et gabbro, par ordre d’importance (Néré, 2009).
19On observe que, par rapport au Néolithique moyen, le choix de matières se diversifie, malgré le maintien de la prééminence du granite, révélant un approvisionnement extrarégional en particulier en roche volcanique (Velay, Ardèche) qui pourrait traduire la présence de réseaux organisés afin de satisfaire la demande.
4. L’outillage de mouture de l’âge du Fer (fin Hallstatt C – La Tène A)
20L’âge du Fer est représenté aux Feuilly par un faible nombre de pièces, par rapport à la période précédente, car vingt et une pièces sont mal datées, du Bronze final 2b-3a au début de La Tène (La Tène A). Les treize pièces bien datées de la fin du Hallstatt C au début de La Tène A, trouvées en contexte d’habitat, se caractérisent par une grande fragmentation, une seule pièce étant complète, et une surface active plane. Ce type de surface de travail les rapproche de l’outillage du Bronze final. Ce sont toutes des éléments de moulins à va-et-vient, ce qui nous incite à les attribuer, malgré l’imprécision chronologique, plutôt au Premier âge du Fer qu’au Second. Elles sont retrouvées en général en position secondaire dans des fosses-dépotoirs ou de stockage, à proximité d’autres structures ou isolées, parfois en réemploi comme élément de calage dans des trous de poteau de bâtiment (deux cas) ou dans un cas rejetée dans la couche d’occupation.
21Leur morphologie est hélas impossible à évaluer en raison de la fragmentation de presque toutes les pièces et leur identification est réduite à quatre molettes et une meule (huit indéterminées). L’identification de la seule pièce entière comme molette (no 1506), en granite à grains fins, est due à son format réduit, un poids de 0,74 kg, une surface active plane en longueur, plano-concave transversalement.
22La roche employée est, à pourcentage égal, le granite (deux classiques, deux schisteux et deux à grains fins) et le conglomérat (brèche) dont un microconglomérat, ce qui peut révéler un changement dans le choix de la matière première par rapport à la période précédente (Bronze final), où le granite est majoritairement utilisé dans la confection des meules (fig. 12).
23On peut rajouter à cette série les sept pièces datées du Hallstatt D, mal conservées (deux entières), du site voisin du B.U.E., qui est l’extension vers l’ouest de l’occupation hallstattienne des Feuilly (Ramponi et alii, 2003). Elles proviennent également de fosses de rejet ou de trous de poteau. Le poids des deux seules pièces entières (une meule et une molette ou meule ?) varie de 2,5 à 3,9 kg, ce qui révèle un format très réduit pour des meules à grains. La roche utilisée est un granite, fin ou à gros grains, schisteux, et un grès grossier. La surface active est toujours rugueuse, plus ou moins plane. Ces caractéristiques se retrouvent dans la série des Feuilly, du Bronze final comme de l’âge du Fer.
24La diversification des roches ne semble pas se poursuivre à l’âge du Fer mais l’échantillon étudié est trop faible pour être significatif. La suprématie du granite semble être menacée par une utilisation plus forte du conglomérat (brèche), d’une bonne qualité abrasive, en raison de son hétérogénéité et de la présence de gros grains de quartz et feldspath instables.
4. Analyse de l’évolution pétrographique du Néolithique moyen au Premier âge du Fer
25En dépit de la différence et de la faiblesse numérique des échantillons selon les périodes, nous avons tenté une analyse de la répartition pétrographique en ventilant à part égale les vingt et une pièces protohistoriques de chronologie imprécise dans le Bronze final (neuf granites, une mylonite) et le Premier âge du Fer (huit granites, une mylonite, un conglomérat, une dolomite). L’étude porte maintenant sur cinquante-huit pièces du Bronze final et sur vingt-quatre pièces du Premier âge du Fer.
26Au Néolithique moyen, seuls deux matériaux sont employés aux Feuilly : le granite à 66,7 % avec ses variantes, et le grès à 33,3 %. Le choix des matériaux est plus grand dans d’autres sites de la moyenne vallée du Rhône (Drôme) où le basalte est utilisé (sites du Gournier), mais pas systématiquement puisque, sur le site chasséen des Moulins, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le grès domine largement et le basalte est absent (Brisotto, 2002). En Suisse, sur le site cortaillod du Petit-Chasseur à Sion (Valais), le choix des matériaux est également réduit puisque le gneiss domine la série (Jaccottey, Milleville, 2011). L’approvisionnement est variable selon les disponibilités environnementales, local (Saint-Paul-Trois-Châteaux, Sion), local et micro-régional (Gournier) ou local et régional (Saint-Priest). Mais même présent localement, le basalte peut ne pas être utilisé en outil de mouture, comme sur les sites auvergnats chasséens de Beaumont-Champ Madame Artière-Ronzière ou des Martres d’Artières Champ-Chalatras (Puy-de-Dôme ; Brisotto in Saintot et alii, 2016 ; Brisotto, Jaccottey, à paraître) (fig. 13).
27Au Bronze final, des matériaux beaucoup plus variés sont utilisés dans la confection des outils de mouture, comme le basalte (6,9 %), mais c’est le granite qui est largement le plus employé à cette période (75,9 %). La diversification des ressources observée par rapport au Néolithique moyen (le nombre de roches passe de deux à six) n’empêche pas le granite de toujours dominer le corpus, dans la région lyonnaise comme au nord de la Bourgogne, à Vix (Jaccottey et alii, 2011f) ou autour du lac de Neuchâtel, en Suisse (Leuvrey, 1999 ; Ribaux, 1985, 1986), en raison de ses qualités abrasives et quel que soit le lieu approvisionnement, local (substrat fluvio-glaciaire), régional ou extrarégional. L’utilisation du basalte à Saint-Priest (quatre pièces), roche exogène, révèle la présence de réseaux d’échange extrarégionaux venant du Massif central (Velay, Ardèche) qui ne semblent pas avoir atteint le nord de la Bourgogne ou la Suisse (aucun basalte à Vix, à Hauterive-Champéveyres ou à Auvernier Nord). L’utilisation d’une roche basaltique, très minoritaire aux Feuilly, est au contraire majoritaire au Bronze final sur la côte méditerranéenne, à Martigues (sites des Salins de Ferrières et de l’Albion en particulier), et d’origine extrarégionale (Haute Ardèche, Massif central ?) d’après l’analyse pétrographique (Chausserie-Laprée, 1998, p. 218).
28Au Premier âge du Fer, le granite reste la roche prédominante avec 58,3 % du corpus, alors que la variété de matériaux est moins forte (cinq roches dont une nouvelle, la dolomite) mais le conglomérat (brèche, forme de grès très grossier) apparaît beaucoup plus employé (29,2 %) qu’à l’âge du Bronze final (1,7 %), un peu moins le grès (4,2 %) et le basalte n’est plus utilisé, alors que cette roche domine sur les sites de l’âge du Fer dans les régions du nord-est (Lorraine, Champagne) et du sud-est de la France (Languedoc, Provence) (Hamon et alii, ce vol.).
Conclusion
29On ne distingue pas d’évolution typologique entre le matériel du Bronze final et le matériel de l’âge du Fer des Feuilly mais des différences dans le choix des matériaux semblent apparaître, avec une plus grande variété de roches durant la Protohistoire, bien que le granite reste le matériau de prédilection pour la mouture depuis le Néolithique moyen. Une évolution semble se confirmer dans le matériel de mouture, entre le Néolithique et la Protohistoire, avec la réduction de la courbure de la surface active, comme cela a été mis en évidence dans le matériel suisse (Leuvrey, 1999). Bien qu’on trouve souvent au Néolithique de petites molettes circulaires convexes, creusant fortement le centre de la surface active de meules allongées, il y a aux Feuilly une molette débordante du Néolithique moyen, comme en Franche-Comté, en Bourgogne, dans le Valais suisse, la région clermontoise et la moyenne vallée du Rhône (cf. supra). Le format des molettes, plus grand à l’âge du Bronze final et au Premier âge du Fer, longues et massives (10 kg en moyenne aux Feuilly, jusqu’à 16 kg en Suisse), semble néanmoins hétérogène aux Feuilly car on y trouve aussi des molettes plus petites.
Notes de bas de page
1 Par convention, le terme basalte sera utilisé dans cet article comme générique pour désigner la roche volcanique basalte-andésite.
Auteurs
Inrap
Inrap
Inrap, laboratoire Chrono-environnement, UMR 6249, Besançon
Inrap
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