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Les meules du Néolithique à l’époque médiévale : technique, culture, diffusion

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Olivier Buchsenschutz
, 
Stéphanie Lepareux-Couturier
, 
Gilles Fronteau

Quatrième partie. Études de cas en France

Les outils de mouture du site chasséen de Montélimar ‘Daurelle-Autajon’ (Drôme)

Sylvie Cousseran-Néré, Jean-Luc Gisclon and Luc Jaccottey

Abstract

The open air site of Montélimar ’Daurelle-Autajon’ (Drôme, France) presents a homogeneous level of occupation dating to the Late Rhone Valley Chasséen (3900 and 3750 BC), as well as an older, less well-defined level. Awls, obsidian blades, bevelled flints and many grinding tools in a context with inhumation burials, give this site a special status. Indeed, a uniquely domestic use for these tools is difficult to confirm. In spite of being very fragmented, two types of saddle quern upper stones have been identified: short and overlapping. This study reveals a direct relationship between milling and a ritual-related deaths. These grinding tools are fragmented, possibly broken voluntarily during the funeral ritual.

Full text

1. Introduction

1Le site de ’Daurelle-Autajon’ est situé au sud-ouest de la commune de Montélimar dans le sud de la Drôme (fig. 1). À partir de 1988, un vaste projet industriel et commercial a entraîné la réalisation d’une série de diagnostics et de fouilles dans ce secteur. Les séquences chronologiques observées lors de ces différentes campagnes couvrent une vaste période allant du Mésolithique au Moyen Âge et mettent en évidence la présence d’occupations importantes du Néolithique moyen Chasséen. Cette découverte majeure fait partie d’un grand ensemble connu sous le nom de ’site du Gournier’.

2Appartenant à cet ensemble et mis au jour lors du diagnostic (Durand, 2011) puis de la fouille (Ferber, 2014), le site de plein-air de Montélimar ’Daurelle-Autajon’ révèle une occupation attribuée au Chasséen récent rhodanien (3900-3750 av. J.-C.), à partir de l’étude des objets du mobilier céramique et micro-lithique. La découverte de deux alênes en alliage cuivreux, de lamelles d’obsidienne, de nombreux chanfreins en silex et d’un abondant matériel de mouture, retrouvé pour une partie en contexte sépulcral, confère à ce site un statut particulier, à la fois domestique et funéraire.

3Nous présentons dans cet article 127 éléments de moulins va-et-vient (meules, molettes ou éléments de mouture indéterminés). Ce corpus relativement important (fig. 2) permettra d’alimenter la réflexion sur ce type d’outillage dans ce secteur de la vallée du Rhône où les données de comparaisons sont encore peu nombreuses.

4L’ensemble est issu de 47 structures datées du Néolithique moyen ; 90 pièces, reconnues comme fragments de moulins va-et-vient, sont en réemploi comme pierre de calage dans des trous de poteau, ou sont en rejet dans des fosses détritiques ou dans des empierrements (trente-sept structures). Trente-trois autres objets liés à la mouture ont été identifiés dans sept structures à pierres chauffées dont une molette et une meule, découvertes dans la même structure, qui ont probablement fonctionnées ensemble. Enfin, une meule complète, une moitié de meule, un fragment d’outil de mouture indéterminé et une molette ont été retrouvés en contexte funéraire dans trois sépultures. Ce matériel se répartit de façon homogène sur la totalité du site.

Fig. 1. Carte de localisation du site de Montélimar ’Daurelle-Autajon’.

Pièces entières

Pièces frag.

Total

Meules

1

34

35

Molettes

6

52

58

Mout. Ind.

0

34

34

Fig. 2. Inventaire des moulins va-et-vient du site de ’Daurelle-Autajon’.

5La totalité des meules et molettes, quel que soit le contexte dans lequel elles ont été trouvées, sera dans un premier temps traitée ensemble afin d’établir une typologie des moulins va-et-vient pour le Chasséen récent rhodanien. Cependant, le contexte funéraire étant un peu particulier, il fera l’objet d’un paragraphe spécifique.

2. Les matières premières (fig. 3)

6L’approvisionnement en matières premières est conditionné par trois facteurs : la distance à parcourir, l’accessibilité directe au gisement ou en lien avec des circuits d’approvisionnement pour d’autres ressources et enfin sa sélection en raison de la morphologie des blocs récoltés/extraits et de la qualité des matières premières pour une fonction particulière.

7Six grandes familles lithologiques ont été identifiées. Sur les 127 pièces prélevées sur ce site, la répartition des matières premières se fait dans les proportions suivantes : 41,7 % pour les roches basaltiques (53 pièces), 35,4 % pour le grès (45 pièces), 18,2 % pour le granite (23 pièces), 3,9 % pour le gneiss (5 pièces) et 0,8 % pour le calcaire (une pièce).

Fig. 3. Pourcentage de répartition des différentes roches.

8Les roches grenues (grès, granite et gneiss) et vacuolaires (basalte) sont par leur abrasivité naturelle plus adaptées à la mouture des céréales. En effet, les cristaux de quartz dans les grès ou le granite ou encore les vacuoles pour le basalte rendent la surface active rugueuse, ce qui facilite le traitement des céréales. Une seule pièce est en calcaire coquiller. L’aspect granuleux du matériau peut expliquer ce choix, peut-être destiné à un usage précis.

9Le choix des matériaux pour la confection des moulins va-et-vient est donc tourné vers les roches les plus adéquates, ce qui dénote une parfaite connaissance de leurs qualités, mais aussi des potentialités locales.

10Les approvisionnements sont locaux, situés dans un rayon de 0 à 5 km autour du site ou micro-régionaux, entre 6 et 20 km, ce qui correspond à un aller-retour dans la journée.

11Un premier groupe dont les modules de départ sont des galets roulés (grès, granite, gneiss) rassemble des roches dont l’approvisionnement s’est fait dans l’environnement direct du site, sur les terrasses alluvionnaires du Rhône et de ses affluents. Ces cours d’eau parcourant une partie des massifs alpins, il n’est pas possible de localiser la provenance des roches qui alimentent ces gîtes secondaires.

12Un second groupe est constitué par les roches basaltiques. En effet, dans les terrasses supérieures du Rhône, au niveau de la commune de Savasse à une dizaine de kilomètres au nord, des galets de roches basaltiques ont été localisés (Cordier, 2006). Le basalte est une roche magmatique dont des affleurements sont connus dans le massif du Coiron, sur l’autre rive du Rhône en Ardèche. Ces coulées basaltiques sont situées à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, à l’ouest de Montélimar.

13Il conviendra de vérifier si, dans les terrasses du Rhône, il existe des galets ayant des dimensions susceptibles de correspondre aux supports initiaux sélectionnés pour les outils de mouture. De futures prospections permettront de répondre à cette question, sans exclure d’éventuelles analyses géochimiques pour infirmer ou confirmer l’origine des basaltes dans le massif du Coiron.

3. Typologie des moulins va-et-vient du Chasséen Rhôdanien

14La série de ’Daurelle-Autajon’ se caractérise par une très grande fragmentation. Sept pièces seulement sont entières ou reconstituables. Sur un ensemble de 127 pièces de mouture étudiées, trente-cinq ont été identifiées comme des meules, cinquante-huit comme des molettes et trente-quatre restent indéterminées (meule ou molette). Les contextes de découverte, pour la plupart détritiques, expliquent le faible nombre de pièces retrouvées entières ou reconstituées. À la forte fragmentation des pièces, même en roches basaltiques, s’ajoute le mauvais état de conservation de celles en grès ou en granite, roches friables, souvent altérées par la chaleur (fig. 4).

Distinction meule/molette

15C’est le recoupement d’un ensemble de critères typologiques et morphométriques qui permet l’identification de la pièce en tant qu’outil de mouture, puis sa distinction entre meule et molette.

Fig. 4. Répartition de l’outillage de mouture par matière à Montélimar de ’Daurelle-Autajon’.

16L’un des critères pris en compte est le volume associé à la masse (kg) et aux dimensions (cm). Une pièce de forte dimension paraît plutôt vouée à servir de meule alors qu’une petite pièce va être plus facilement manipulable et servir de molette. Il semble, en particulier grâce aux pièces entières, que dans cette série une épaisseur de moins de 10 cm corresponde presque toujours à une molette.

17À ces données métriques, il faut ajouter la forme de la courbure de la surface active de l’outil. Dans le cas de petits fragments de surface active, il est difficile de distinguer une meule d’une molette : le fragment est alors classé comme élément de mouture indéterminé.

18Sur les trente-cinq meules, trente-deux sont bien identifiées et trois probables. Elles sont majoritairement en basalte (17 pièces), secondairement en grès (12 pièces), en granite (5 pièces) et exceptionnellement en calcaire (une pièce). Aucune n’est en gneiss.

19Cinquante-huit molettes ont été identifiées dont six incertaines. Elles sont majoritairement en basalte (23 pièces), en grès (17 pièces) et en granite (15 pièces), le gneiss étant seulement utilisé pour trois pièces. Aucune molette n’est en calcaire.

20Trente-quatre pièces de mouture sont indéterminées (meule ou molette) : seize pièces sont en grès, treize en basalte, trois en granite et deux en gneiss.

Les molettes

21Les molettes débordantes du Néolithique moyen se caractérisent, notamment, par la combinaison de plusieurs critères (Hamon et alii, ce vol.) : un profil longitudinal concave - ou mieux un ressaut aux extrémités - adapté au profil transversal convexe de la meule associée et la distribution de l’usure de la surface active, plus marquée généralement sur les extrémités au niveau de la zone de contact avec la meule.

22Dans le lot de ’Daurelle’, sur les cinq molettes complètes, trois ont une surface active concave longitudinalement et plano-convexe transversalement et deux autres ont une surface active plane ou plano-convexe longitudinalement et transversalement. Cet ensemble serait donc composé à la fois de molettes débordantes et de molettes courtes.

23Typologiquement les trois premières pièces peuvent être rattachées aux molettes débordantes (fig. 5), alors que les deux autres évoquent plutôt des molettes courtes (fig. 6). Les molettes courtes sont plus larges (de 15,5 à 19 cm) que les molettes débordantes (de 12 à 16 cm).

Fig. 5. Les molettes débordantes du site chasséen de Montélimar de ’Daurelle-Autajon’. Dessin : Sylvie Cousseran-Néré, Jean-Luc Gisclon et Luc Jaccottey, Inrap 2012 ; DAO : Sylvie Cousseran-Néré et Pierre Rigaud, Inrap 2012.

24Les molettes courtes ont une forme ovalaire et sont généralement plus trapues. Elles ont des sections transversales semi-ovalaires, trapézoïdales ou triangulaires. Les molettes débordantes ont une forme plus allongée avec les bords parallèles et une section transversale semi-ovalaire, triangulaire ou quadrangulaire aplatie (pour les molettes doubles).

25On remarque donc que les molettes courtes sont en moyenne plus larges et plus épaisses que les molettes débordantes, trahissant ainsi une plus forte homogénéité de ce dernier ensemble, face à des pièces plus massives.

26À partir de ces caractéristiques, il serait donc possible d’identifier dans le lot de ’Daurelle-Autajon’ vingt-six molettes débordantes et dix molettes courtes.

27De manière générale, le dos des molettes est arrondi et naturel (44 pièces). Pour vingt-sept pièces, le dos est plat, finement martelé. Pour les trente et une restantes, le dos est cassé. Les flancs sont quasiment tous abrupts qu’ils soient épannelés, retouchés finement ou naturels.

28Les molettes débordantes sont donc bien présentes dans le corpus des outils de mouture du Néolithique moyen de ’Daurelle-Autajon’, comme dans les sites francs-comtois (Jaccottey, 2011c), les niveaux chasséens et Néolithique moyen Bourguignon du Camp de Chassey (Duda, 2013), le site Néolithique moyen Bourguignon de Saint-Priest (Cousseran-Néré, Gisclon, ce vol.), le site Cortaillod du Petit-Chasseur à Sion (Jaccottey, Milleville, 2011), ou les sites chasséens des Champs Chalatras (Brisotto, Jaccottey, à paraître) et du Colombier à Beaumont (étude V. Brisotto) à proximité de Clermont-Ferrand. Les molettes débordantes sont en revanche absentes du site chasséen du Champ Madame à Beaumont (Saintot dir., 2016) et leur présence est peu marquée à Foisses (étude V. Brisotto) ou sur le site voisin de Saint-Paul-Trois-Châteaux où seulement deux pièces évoquent des molettes débordantes (no 8.1 et 54.9) pour près de vingt-cinq molettes recensées (Brisotto, 2002).

Fig. 6. Les molettes courtes et meule associée du site chasséen de Montélimar de ’Daurelle-Autajon’. Dessin : Sylvie Cousseran-Néré, Jean-Luc Gisclon et Luc Jaccottey, Inrap 2012 ; DAO : Sylvie Cousseran-Néré et Pierre Rigaud, Inrap 2012.

Fig. 7. Les outils de mouture dans les sépultures. À gauche, vue depuis le nord du premier niveau d’inhumation dans FS 66 ; à droite, meule en basalte réemployée comme marqueur de la tombe FS 86. © Clichés F. Blaizot.

Appariement et meules

29Les trente-cinq meules se répartissent en deux lots en fonction de leur largeur :

30le premier compte des pièces de 14 à 22 cm de largeur qui présentent des surfaces actives concaves ou planes longitudinalement et plano-convexes ou convexes transversalement. Les sections transversales de ces pièces sont quadrangulaires, trapézoïdales ou pentagonales assez hautes ;

31le second lot est constitué de meules dont la largeur est comprise entre 23 et 31 cm. Elles possèdent des surfaces actives concaves ou plano-concaves longitudinalement et plano-convexes ou concaves transversalement. Leur section est essentiellement triangulaire.

32Le premier lot, globalement plus étroit, peut être compatible avec des molettes concaves ou plano-concaves longitudinalement, correspondant aux molettes débordantes. Le second lot est composé de pièces qui fonctionneraient plutôt avec les molettes courtes. Dans l’ensemble, les meules sont de forme ovalaire et plus rarement quadrangulaire. Il s’agit pour la majorité de meules sur galet, parfois martelées pour régulariser les reliefs. Les flancs et les extrémités sont peu mis en forme (enlèvements).

4. L’agriculture et les morts (fig. 7)

33L’étude de cette série a permis de déceler un rapport direct entre la mouture et le rituel sépulcral puisque trois des quatre fosses à inhumation ont livré des outils liés aux activités de transformation domestique ou artisanale.

34Sur la fouille de Montélimar ’Daurelle-Autajon’, la fosse funéraire FS 66, contenant cinq sujets (trois adultes, deux adolescents) et une demi-meule en basalte posée entre trois crânes, sans sédiment intermédiaire, atteste l’utilisation d’un objet de mouture dans la scénographie funéraire. Selon l’analyse archéo-anthropologique, « elle a été placée en dernier lieu, puisqu’elle se surimpose à la moitié distale du membre supérieur gauche du dernier squelette placé sur le fond de la fosse » (com. F. Blaizot). La meule est placée avec la surface active vers le haut. Nous faisons la même constatation en ce qui concerne la fosse funéraire FS 10. Cette structure a livrée, en plus de deux sujets immatures, du mobilier céramique et lithique dont deux fragments d’outils de mouture très usés. Le premier est un fragment de molette, le second n’est pas identifié. Le fragment de molette repose à l’emplacement de la main gauche (os non conservés) du squelette d’un enfant. Sa surface active est orientée vers le haut. L’analyse archéo-anthropologique confirme les dépôts simultanés du corps et du fragment de molette, en lien avec le rituel funéraire. En revanche, la position de l’autre fragment de mouture n’est pas précisée.

35La fosse funéraire FS 86 contient un sujet immature. Une grande meule en basalte, quasi entière, a été utilisée comme signalisation de surface, au sommet du comblement. Elle est distante de 0,50 m du crâne du squelette et repose 0,34 m plus haut que le squelette. Elle est orientée sensiblement est-ouest, avec la surface active tournée vers le haut. Du côté est, elle est calée par trois pierres. Enfin, un fragment de grès est placé au contact de la meule, côté nord-est. La relation avec la sépulture est certaine : la pierre, au centre de la fosse, marque probablement l’emplacement de la tombe. C’est une pièce complètement émoussée qui a été utilisée en tant que moulin va-et-vient dans un premier temps. Par la suite, on peut penser qu’elle a été réemployée simplement pour sa taille et sa forme comme marqueur après le comblement de la fosse. Le choix d’utiliser précisément une meule semble néanmoins en lien avec le rituel funéraire, comme cela a déjà été observé dans les sépultures précédentes.

36Dans tous les cas, les meules ou molettes reposent sur le dos, la surface active vers le haut. Hormis la pièce signalant la sépulture, ces outils de mouture sont incomplets mais tous portent des traces d’utilisation qui indiquent qu’ils ont servi antérieurement.

37Ces associations rappellent celles du site du Néolithique moyen de Champ Madame, à Beaumont (Puy-de-Dôme), où une sépulture de femme accompagnée d’un enfant contenait une molette et une meule posées sur le sol d’inhumation de la fosse (Saintot dir., 2016). Il en est de même sur le grand site du Gournier (Fortuneau/Daurelle), où 150 outils de mouture sur 249 sont directement associés aux corps des inhumés. Toujours dans le secteur de Daurelle, à La Roberte, trente-sept éléments de moulins sur 76 au total se placent dans un contexte identique. Enfin, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, trente-trois pièces sur 102 ont été retrouvées dans des tombes, les 69 autres étant dans des structures annexes (Beeching et alii, 2000 ; Beeching et alii, 2010). Le matériel de mouture, fréquent dans les sites sépulcraux du Chasséen rhodanien, aurait ici une fonction symbolique dictée par la volonté d’associer cet outil au monde des morts. La présence de ces meules dans un contexte funéraire montre l’importance symbolique de l’activité de mouture dans la mentalité de ces sociétés agricoles.

5. Conclusion

38La série de Montélimar ’Daurelle-Autajon’ (Ferber, 2014) se caractérise par des pièces très fragmentées.

39Malgré ce médiocre état de conservation, il a été possible de distinguer deux types de moulins : un premier type où les molettes courtes peuvent être associées à des meules ovales, larges, de section triangulaire et un second type, majoritaire, composé de molettes débordantes associées à des meules ovales, étroites, à section variée.

40Les diverses matières premières se présentent essentiellement sous forme de galets. Les gîtes d’approvisionnement sont locaux ou micro-régionaux.

41Malgré cet accès facile à la matière première, qui laisse supposer un ramassage opportuniste, il y a eu cependant un choix des matériaux en fonction de l’outil souhaité. En effet, nous avons vu que certaines roches comme le grès et le basalte sont essentiellement destinées à la fabrication de moulins va-et-vient (meule et molettes en proportion équivalente) alors que le granite/gneiss, peu utilisé pour la confection des meules, est largement employé pour les molettes.

42Concernant les sépultures, ce site permet de voir un rapport direct entre les éléments de mouture et le rituel funéraire. En effet, trois tombes sur quatre ont livré des éléments liés au travail de la mouture, déposés dans deux cas au contact des corps. La grande meule quasi entière de FS 86, utilisée comme une probable signalisation de la tombe, sans contact avec le mort, marque un geste dicté par la volonté d’associer cet outil de mouture, à peine usé, au monde des morts. À chaque fois, la meule ou la molette repose sur le dos, en position de travail. Ces outils sont majoritairement incomplets, brisés et avec des traces d’utilisation indiquant qu’il s’agit de pièces ayant pu servir antérieurement. Peut-être ont-elles été brisées volontairement lors du rituel funéraire, comme les vases en céramique, ou choisies en raison de leur état fragmentaire (bris en cours d’utilisation).

43Dans les sites du Néolithique moyen des régions voisines comme en Franche-Comté (Jaccottey, 2011c), ou dans des études plus récentes, dans le Valais suisse (Jaccottey, Milleville, 2011) et l’Auvergne (Brisotto, Jaccottey, à paraître), la présence de molettes débordantes apparaît comme une des caractéristiques de cette période. La question était donc de savoir si cette particularité typologique apparaissait dans le mobilier de la région de Montélimar, ce qui s’est révélé être le cas puisqu’elles sont majoritaires dans la série du Chasséen de ’Daurelle-Autajon’. D’autres séries, plus importantes, ont été prélevées dans ce secteur géographique (l’aire du ’Gournier’ en premier lieu) mais aucune n’a encore été publiée. La comparaison la plus proche est celle de ’Fortuneau’, étudiée par V. Brisotto (Cordier, 2006). Dans ce site, on retrouve la même proportion meule/molette et les mêmes matériaux. Il existe, par contre, une différence assez notable avec le site de Saint-Paul-Trois-Châteaux, où les granites et les basaltes sont absents de l’outillage de mouture.

44Si on compare les données morphométriques des quelques pièces complètes aux molettes franc-comtoises, il apparaît que les molettes débordantes de ’Daurelle-Autajon’ s’insèrent parfaitement dans la moyenne des dimensions des molettes débordantes du Néolithique moyen de Franche-Comté. De la même façon, les molettes courtes sont comparables à leurs homologues franc-comtoises du Néolithique final (Jaccottey, 2011c), même si elles sont un peu plus longues. L’étude des moulins va-et-vient de ce site confirme ainsi la place de plus en plus prépondérante de ce type de molettes dans la partie est de la France au Néolithique moyen.

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Caption Fig. 1. Carte de localisation du site de Montélimar ’Daurelle-Autajon’.
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Caption Fig. 3. Pourcentage de répartition des différentes roches.
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Caption Fig. 4. Répartition de l’outillage de mouture par matière à Montélimar de ’Daurelle-Autajon’.
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Caption Fig. 5. Les molettes débordantes du site chasséen de Montélimar de ’Daurelle-Autajon’. Dessin : Sylvie Cousseran-Néré, Jean-Luc Gisclon et Luc Jaccottey, Inrap 2012 ; DAO : Sylvie Cousseran-Néré et Pierre Rigaud, Inrap 2012.
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Caption Fig. 6. Les molettes courtes et meule associée du site chasséen de Montélimar de ’Daurelle-Autajon’. Dessin : Sylvie Cousseran-Néré, Jean-Luc Gisclon et Luc Jaccottey, Inrap 2012 ; DAO : Sylvie Cousseran-Néré et Pierre Rigaud, Inrap 2012.
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Caption Fig. 7. Les outils de mouture dans les sépultures. À gauche, vue depuis le nord du premier niveau d’inhumation dans FS 66 ; à droite, meule en basalte réemployée comme marqueur de la tombe FS 86. © Clichés F. Blaizot.
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