Introduction

1Les meules va-et-vient retrouvées dans différents contextes (fosses détritiques, silos, greniers, fossés, puits, dépôts, sépultures…) nous permettent d’aborder des questions économiques et sociales de premier ordre pour la Préhistoire récente et la Protohistoire : sélection et réseaux d’approvisionnement en matières premières, chaînes opératoires de fabrication, évolution typo-fonctionnelle, organisation des activités de préparation alimentaire, dimension symbolique.

2S’appuyant sur les nombreux travaux menés ces quinze dernières années sur les outils de mouture de sites du Néolithique à l’âge du Fer à différentes échelles régionales ou chrono-culturelles (Pommepuy, 1999 ; Hamon, 2006 ; Milleville, 2007 ; Jaccottey, Milleville, 2007 ; Donnart, 2011 ; Monchablon, 2014), un groupe de travail sur les meules va-et-vient mis en place en 2009 dans le cadre du PCR « Évolution typologique et technologique des meules du Néolithique au Moyen Âge » avait deux objectifs. D’une part, il s’agissait d’élaborer un certain nombre d’outils méthodologiques tels qu’une terminologie descriptive commune et des normes de dessins (Hamon et alii, 2011). D’autre part, la mise en commun des données disponibles sur les outils de mouture va-et-vient dans une base de données devait permettre de dégager les grandes tendances des outils de mouture, tant géographiquement que chronologiquement, (voir aussi Hamon, Milleville, 2006 ; Hamon et alii, 2012 ; Jaccottey, Milleville, 2007). L’objectif était donc de suivre les évolutions au-delà des particularités liées à la fonction des sites et aux contextes de découvertes, aux différents modes d’exploitation des matières premières d’une région à une autre ou à l’organisation de leur production, données par ailleurs essentielles pour aborder finement le rôle des outils de mouture dans les économies des ensembles chrono-culturels concernés. Selon la convention définie dans le cadre de ce programme (voir par exemple Hamon et alii, 2011, p. 47), nous utiliserons ici le terme de « moulin », étendu aux outils de broyage va-et-vient, pour désigner le système associant une meule et une molette.

3Nous présentons dans cet article les premiers résultats de ce travail collectif. Bien que tributaire de l’état de la documentation disponible, inégalement répartie par régions et par périodes, de grandes tendances évolutives semblent bien transcender les particularités régionales et contextuelles

1. Structure générale de la base de données

4L’objectif de la base de données était de déceler les grandes tendances, évolutions chronologiques et spécificités régionales, des caractéristiques des meules et molettes du Néolithique à l’âge du Fer. Elle est structurée par occupation archéologique, soit une entrée par site et par période.

5Cette base permet aussi d’aborder l’exploitation des matériaux meuliers en termes de types de roche sélectionnés et de distance a minima entre les gisements de matière première et le lieu de leur utilisation (de locale à extrarégionale). L’analyse de la morphologie des supports des moulins et de leurs dimensions vise à dégager d’éventuels « types » significatifs sur le plan chrono-culturel. L’étude du profil et des dimensions des surfaces actives des meules et molettes permet de cerner les éventuelles adaptations ou perfectionnement des surfaces de broyage en lien avec leur fonction, leur fonctionnement et les questions de rendement.

6En mai 2014, la base de données rassemblait 2 206 meules et molettes et près de 2 148 fragments d’outils de mouture indéterminés, soit un total de 4 354 pièces issues de 341 occupations. 14 687 éclats et fragments résultant du façonnage ou de la fracturation de ces outils de mouture ont également été enregistrés. Ce corpus rassemble 1 026 meules, dont 183 entières, et 1 246 molettes, dont 354 entières. Le nombre de meules et de molettes se révèle donc relativement équilibré, bien qu’une meilleure conservation des molettes s’observe (28 % de molettes entières, contre 18 % des meules).

7Un premier déséquilibre renvoie d’emblée à la représentativité chronologique du corpus rassemblé : le Néolithique représente 86 % du corpus, les âges des Métaux plus de 12 % et l’époque gallo-romaine 0,05 %. Le Néolithique ancien représente à lui seul 40 % du corpus, le Néolithique moyen 25 % et le Néolithique récent/final 21 %. La part respective des meules et molettes entre les différentes périodes étudiées reste inégale, et reflète une réalité archéologique qu’il conviendra à terme de mieux comprendre (fig. 1).

8Ces outils proviennent d’une quinzaine de contextes différents qui sont pour la plupart des habitats ouverts (73 % du total, tous types de structures confondus), suivis par les enceintes (11 %).

9Un déséquilibre géographique s’observe également : il oppose des zones encore peu explorées à des régions où des programmes ou travaux de recherche ont été engagés depuis une quinzaine d’années (fig. 2). Quarante-sept départements français sont désormais représentés dans la base de données. La moitié du corpus provient de sept départements, principalement la vallée du Rhône (Drôme), le Bassin parisien (Aisne, Oise, Eure, Seine-et-Marne), l’est de la France (Franche-Comté), et enfin le Bassin méditerranéen (Hérault). Si l’on prend en compte l’ensemble des meules et molettes documentées, on observe un relatif équilibre dans la documentation des régions nord-ouest, centre-nord, nord-est, et centre-est (découpage CIRA) mais un réel déficit dans les régions du sud et de l’ouest de la France.

10Nous soulignerons que si de grandes disparités persistent entre les régions et les périodes, un réel rééquilibrage et une ouverture vers d’autres régions ont été opérés depuis la mise en place de la base de données en 2009 et, par comparaisons, aux données disponibles en 2011 (Hamon et alii, 2011).

2. Les matières premières

2.1. Variabilité des matériaux

11L’identification de nombreux faciès et sous-types de roches dans les différents corpus régionaux engendre un très grand nombre de variables. Pour les grès par exemple, les appellations arkose, conglomérat, grès à glauconie, grès armoricain, grès calcaire, grès de Fosses-Belleu, grès feldspathique, grès ferrugineux, grès métamorphisé, grès quartzitique, grès triasique, molasse, poudingue ont été regroupées. Ce travail nous amène à considérer six catégories principales de roche : les grès (70 % du corpus recensés), les granites (15 %), les basaltes (7 %), les calcaires 4 % et les autres matières premières (4 %, dont les indéterminés).

12Sur les 252 sites où l’information est disponible, l’utilisation d’un seul type de roche pour la confection des meules concerne 56,3 % du corpus, l’utilisation de deux roches 18 %, trois roches 8,8 % et quatre roches 5,5 %. Les 5 % restants impliquent l’utilisation de cinq à neuf roches. L’utilisation d’un nombre restreint de roches (une à deux) semble donc concerner la grande majorité des meules.

13Pour les sites où une seule catégorie de matière première est reconnue, on constate que les grès sont les roches privilégiées (près des 2/3 des sites ; fig. 3), suivi par les sites où seul le granite est présent, puis les basaltes et enfin les calcaires. Ce trio de tête est le même si l’on ajoute les fragments d’outils de mouture indéterminés aux meules et molettes identifiées.

2.2. Chronologie

14Les six grandes catégories de matériaux meuliers (voir Fronteau et alii a, ce vol.) sont différemment représentées dans le temps (fig. 4).

15Les grès sont toujours le matériau de prédilection, mais l’exploitation d’autres roches est croissante tout au long de la séquence. Les granites apparaissent de façon plus importante dès le Néolithique moyen, puis d’autres roches, en particulier les calcaires, à partir du Néolithique final / âge du Bronze, et enfin les basaltes bien présents à l’âge du Fer (fig. 5).

16Au Néolithique ancien, où le corpus étudié est très important (1756 outils et fragments), le grès est largement majoritaire. Cela s’explique par un corpus composé très majoritairement de sites du Bassin parisien pour cette période. On note que seuls quelques granites apparaissent sur les sites du Massif armoricain (Blanchet et alii, 2010 ; Billard et alii, 2014). La prépondérance des grès à cette période est à l’image de ce que l’on constate à l’échelle de l’Europe (Graefe, 2004).

17Au Néolithique moyen, les matières premières commencent à se diversifier. Le grès, toujours majoritaire, est très fréquent en Franche-Comté, d’où est issue une large part de ce corpus (fig. 6). Les granites y sont présents, ainsi que dans l’ouest, en Auvergne et dans les Alpes. Les calcaires sont quant à eux présents en Franche-Comté (sites de Chalain et Clairvaux en particulier, Milleville, 2007) et dans la vallée du Rhône. Les basaltes font eux aussi leur apparition.

18Au Néolithique final, la diversification amorcée à la période précédente se poursuit. En Franche-Comté par exemple, le nombre de matières premières différentes (en particulier la variabilité des granites) devient important. Les calcaires apparaissent dans le Languedoc et les grès remplacent les granites dans le Massif armoricain (fig. 7).

19À l’âge du Bronze si les grès sont toujours majoritaires, la part des granites puis des calcaires augmente. Dans le Massif armoricain, les corpus sont marqués par le retour de la prédominance des granites. On note donc la poursuite de la tendance à la diversification.

20Enfin, à l’âge du Fer, les calcaires sont présents sur moins de sites, et l’on note une forte augmentation des basaltes, essentiellement dans deux régions : le Nord-Est (Lorraine et Champagne), probablement en lien avec les productions de l’Eifel et dans le Sud-Est (fig. 8). Pour autant, les basaltes et rhyolites ne sont pas des matériaux locaux, mais plutôt d’origine extra-régionale.

21La tendance à la diversification dans le choix des matériaux meuliers, qui s’amorce dès le Néolithique moyen, se prolonge donc jusqu’à l’âge du Fer. Les variations locales apparaissent clairement, avec une tendance à l’augmentation des calcaires ou basaltes selon les disponibilités. La suprématie du grès au Néolithique ancien n’en est que plus notable.

2.3. Distances a minima

22Nous nous sommes fondés sur les distances a minima enregistrées dans la base. Nous n’avons pas pris en compte le Néolithique ancien, car les roches sont quasi exclusivement des grès tertiaires locaux dont la provenance est complexe à déterminer. Le nombre d’occurrences prises en compte est ainsi de 297.

23Nous avons défini les distances comme suit : local = 0 à 5 km ; micro-régional = 6 à 20 km ; régional : 21 à 50 km ; extra-régional : sup. 51 km, adoptant ici plutôt les distances généralement considérées pour le Néolithique et la Protohistoire (voir par exemple Pétrequin, Pétrequin dir., 1988), plutôt que pour les périodes historiques tel que proposé par G. Fronteau (Fronteau et alii, 2014) dans ses travaux sur les pierres de construction : les modes de transports sont différents, et ce découpage en intervalle de distances à vol d’oiseau peut être traduit en terme de demi-journées, journées ou plus de temps de transport.

24De manière générale (fig. 9), les calcaires sélectionnés sont systématiquement locaux. Les grès sont autant de provenance locale que régionale. Pour les granites, plus la distance d’approvisionnement est lointaine, moins l’effectif est important. Enfin, les basaltes semblent surtout exploités quand ils sont présents à l’échelle régionale et extra-régionale.

25En analysant les proportions des différentes zones d’approvisionnement par période (fig. 10), on constate que les matériaux locaux font part égale avec les matériaux exogènes durant les Néolithique moyen et final. À l’âge du Bronze, un repli vers les matériaux locaux ou micro-régionaux est flagrant, avec moins de 25 % des approvisionnements d’origine exogène. L’âge du Fer marque une inversion totale de la tendance, avec des approvisionnements aux deux-tiers exogènes.

26Dans le détail par période (fig. 11), on rappellera que le Néolithique ancien est marqué par la présence exclusive de matériaux locaux. Au Néolithique moyen et final, les basaltes et les calcaires sont d’origine locale, alors que les granites et grès sont de provenances variées, tant locales qu’exogènes. Le Néolithique final se démarque avec un approvisionnement en granites d’origine parfois lointaine. À l’âge du Bronze, la diversification des sources se marque en particulier par une augmentation des distances d’approvisionnement pour les basaltes. On observe une perduration de la provenance locale des calcaires. L’origine micro-régionale des grès et granites est largement dominante et explique le repli vers des roches plus proches constaté à l’échelle de toute la période. L’âge du Fer voit une augmentation de la taille de la zone d’approvisionnement en basaltes, à l’échelle régionale, alors que les granites restent plutôt locaux.

27En conclusion, l’analyse des matières premières supports des outils de mouture de la base de données va-et-vient nous permet de faire plusieurs constatations d’importance à l’échelle nationale. Concernant les types de roche, les grès sont les roches privilégiées sur près des deux-tiers des sites, suivi par les sites où seuls les granites sont présents, puis les basaltes et enfin les calcaires.

28Chronologiquement, la suprématie des grès au Néolithique ancien est indéniable, notamment dans le Bassin parisien et la vallée du Rhin, même si quelques granites sont employés sur le Massif armoricain. La tendance à la diversification s’amorce dès le Néolithique moyen et perdure jusqu’à l’âge du Fer avec des variations locales pour le choix de granites, calcaires ou basaltes. Les grès, s’ils apparaissent toujours choisis en priorité, laissent la place aux granites au Néolithique moyen, puis progressivement à d’autres roches, en particulier aux calcaires (Néolithique final / âge du Bronze) et aux basaltes (âge du Fer).

29L’analyse des distances d’approvisionnement (entre le gîte et le site) permet de souligner des différences régionales fortes : elles sont en général limitées à quelques kilomètres, sauf dans certains départements où elles peuvent être supérieures à 50 km (60 km pour la Côte-d’Or, 80 km pour le Doubs, 100 km pour la Haute-Saône, 130 km pour le Jura). Une différence nette oppose d’un côté le Néolithique moyen et final, où les matériaux locaux sont présents dans les mêmes proportions que les matériaux exogènes exploités durant les âges du Bronze et du Fer réunis. Pour ces derniers : à l’âge du Bronze, le repli sur les matériaux locaux ou micro-régionaux apparaît clairement (3/4 du corpus), tandis qu’on observe une inversion complète de la tendance durant l’Âge du Fer, avec deux-tiers de matériaux régionaux ou extrarégionaux.

3. La morphologie

30La morphologie des meules et des molettes a été codée au sein de la base de données suivant des critères de forme, de section, et de courbures des surfaces actives transversales et longitudinales.

31Le nombre total d’outils analysé dans cette synthèse varie entre 200 et 300 pièces en fonction des critères, puisque l’on travaille sur des individus « morphologiquement » complets, mais pour lesquels certaines données sont présentes et d’autres pas.

32D’ores et déjà, des tendances d’ordre chronologique apparaissent nettement plus clairement que des différences régionales, qui, si elles existent, sont parfois délicates à manipuler en raison de la répartition disparate des données sur le territoire.

3.1. Les meules

3.1.1. Forme et sections

33Sur un corpus de 203 pièces, toutes périodes confondues, les meules ovoïdes et quadrangulaires sont très largement majoritaires (33 et 32 %), et ce quels que soient les contextes (fig. 12). Les rares meules triangulaires et trapézoïdales se rencontrent en particulier dans les habitats et à quelques exemplaires dans les enceintes. Ce type de formes pourrait donc constituer de simples variantes des principales formes quadrangulaires et ovoïdes des meules.

34Les formes anguleuses dominent nettement les corpus au cours du Néolithique ancien (77 %) au détriment des formes arrondies (33 %). Ce constat reste sensiblement le même au Néolithique moyen. À l’âge du Bronze, ce déséquilibre s’inverse au profit des formes arrondies (54 % contre 46 %), alors qu’à nouveau, à l’âge du Fer le nombre de meules anguleuses augmente. Sur l’ensemble du territoire, si les meules quadrangulaires dominent dans toutes les régions, et encore plus largement dans le Bassin parisien, on se rapproche d’un équilibre entre les deux types (56 et 53 %) en région Rhône-Alpes et dans le Sud-Est.

35Sur un corpus de 219 pièces, le type de section des molettes suit globalement le même schéma que celui de la morphologie des meules : à section anguleuse pour tout le Néolithique, puis à sections arrondies et anguleuses en proportion similaires à partir de l’âge du Bronze et ce jusqu’à l’âge du Fer. Cette tendance pourrait correspondre à une évolution soit du choix des supports, soit de leur mode de façonnage et en particulier de leur finition.

3.1.2. Les courbures des surfaces actives

36Le profil de la surface active est lié, d’une part, à la morphologie façonnée des meules et, d’autre part, à leur degré d’utilisation (fig. 13). Sur un total de 206 individus, les surfaces longitudinales et transversales des meules sont majoritairement plano-concaves à concaves durant le Néolithique, puis planes à plano-convexes aux âges des Métaux (fig. 14).

37Dans le détail, si au Néolithique ancien la proportion observée entre les surfaces plano-concaves et concaves suit cette tendance générale, au Néolithique moyen, on a une augmentation de meules à surfaces longitudinales concaves (fig. 15). Parallèlement, à cette même période, les courbures transversales sont majoritairement planes à convexes. Cette évolution est probablement à mettre en relation avec le fonctionnement des molettes débordantes (Hamon et alii, ce vol.).

38Dès le Néolithique final, on observe une diminution des surfaces actives concaves à plano-concaves au profit de surfaces planes. Toutefois la persistance des surfaces concaves reflète sans doute la présence de meules à rebords ou à cuvette reconnues notamment dans le nord et le nord-ouest de la France (Donnart, 2011 ; Monchablon, 2014) (fig. 16).

39Ce dernier type particulier n’occulte pas la tendance vers des surfaces actives tant longitudinales que transversales de plus en plus planes, qui s’affirme à l’âge du Bronze puis à l’âge du Fer (fig. 14). Il s’agit là clairement d’une rupture dans le fonctionnement des meules à va-et-vient, à la fois en termes d’appariement meule/molette et probablement aussi de durée d’utilisation. Ce constat avait déjà été dressé lors d’étude de séries de l’âge du Bronze en bordure des lacs suisses (Leuvrey, 1999, p. 15 ; Ribaux, 1986). Il conviendra de définir si la concavité transversale ou longitudinale des meules du Néolithique ancien au Néolithique moyen résulte d’un choix initial dans le façonnage d’un type d’outil à part entière, ou si elle est liée à la durée d’utilisation des moulins. De même on peut se demander si l’évolution vers des surfaces planes dès le Néolithique final ne correspondrait pas à la volonté d’augmenter les surfaces de broyage, phénomène qui se traduirait par un entretien plus rigoureux des surfaces actives aux âges des Métaux.

3.2. Les molettes

3.2.1. Forme et section

40Sur un corpus de 267 molettes, toutes périodes confondues, celles de formes arrondies sont majoritaires à 56 % contre 40 % de formes anguleuses (fig. 17). Chronologiquement, on observe un équilibre entre les deux formes au Néolithique ancien, puis dès le Néolithique moyen, les formes arrondies deviennent majoritaires, et ce, jusqu’à l’âge du Fer.

41Globalement, les types de section suivent le même schéma que les formes, soit des sections anguleuses majoritaires pour le Néolithique ancien (dont une bonne représentation des sections triangulaires), puis une augmentation des formes adoucies dès le Néolithique moyen.

42À partir du Néolithique final, ces formes arrondies sont prédominantes à 60 % tout comme à l’âge du Fer, ce qui traduirait un soin plus important dans le façonnage de ces pièces pour en améliorer la préhension. À l’âge du Fer, on voit apparaître également différents types de préhension comme des barres (Deffressigne et alii, 2002 ; Lagadec, 2008) et des mamelons (Cousseran-Néré, Jaccottey, 2014 ; voir également Georges, Jaccottey, Robin, ce vol.) (fig. 18).

3.2.2. Les courbures des surfaces actives

43Sur un total de 290 pièces renseignées, la grande variabilité dans le degré de courbures des surfaces actives des molettes, à mettre en relation avec celles des meules, induit des fonctionnements différents au cours du temps (fig. 19).

44Ainsi au Néolithique ancien, les courbures tant longitudinales que transversales sont peu nuancées avec une majorité de surfaces plano-convexes et planes. Au Néolithique moyen, l’augmentation des surfaces longitudinales concaves et plano-concaves rejoint l’augmentation des courbures transversales convexes des meules, mettant en évidence l’utilisation de moulins de type « débordant » (fig. 20) (Hamon et alii, ce vol.). C’est dès le Néolithique final qu’une rupture nette se fait sentir, puisque les surfaces concaves disparaissent totalement pour laisser place à une part importante de surfaces convexes, plano-convexes et planes. À l’âge du Bronze, puis à l’âge du Fer, les surfaces planes prédominent largement les corpus (fig. 19).

3.3. Bilan

45Durant tout le Néolithique, les meules de forme et à section anguleuses dominent les corpus. Ce constat doit cependant être nuancé régionalement, en fonction notamment des modes d’approvisionnement. Ainsi pour le Bassin parisien où les séries du Néolithique ancien sont bien représentées, le façonnage des blocs extraits apparaît plus poussé que dans la Vallée du Rhône (mieux représentée pour le Néolithique moyen) où le choix de galets prélevés dans les terrasses du Rhône s’est accompagné d’une faible mise en forme. À l’âge du Bronze, cette tendance générale s’inverse légèrement au profit des formes arrondies, induisant peut-être un choix également plus opportuniste à cette période. Pour l’âge du Fer, le retour, toutefois relatif, à des formes anguleuses et notamment quadrangulaires impliquerait à nouveau un façonnage des flancs plus soigné. Il faut malgré tout garder à l’esprit que dès le Néolithique final, les corpus sont plus réduits qu’aux périodes précédentes et que de nouvelles études seront nécessaires pour confirmer ces premiers résultats. De plus, une morphologie dite « arrondie » peut traduire deux réalités bien différentes technologiquement. La première peut en effet être un choix tourné vers des blocs préformés ou des galets comme c’est le cas notamment au Néolithique moyen alors que la seconde résulte au contraire d’un façonnage poussé, dans la volonté « d’effacer » les arêtes de l’épannelage afin d’en faciliter la préhension comme à l’âge du Bronze et du Fer. Pour les molettes, dans toutes les périodes représentées, les formes arrondies sont majoritaires, hormis pour le Néolithique ancien où les types anguleux sont aussi bien représentés. Peu de variations au sein des différentes formes sont observées.

46En ce qui concerne la morphologie des surfaces actives, critère déterminant dans le fonctionnement des moulins, la prédominance des meules concaves longitudinalement est une réalité pour tout le Néolithique, et particulièrement pour le Néolithique moyen. Toutefois, une utilisation majoritaire de meules et molettes à surfaces planes s’amorce dès le Néolithique final, et plus nettement à l’âge du Bronze, puis à l’âge du Fer. Il semble que l’entretien des surfaces actives planes, puisse être lié à une nécessité de rendement plus important. Parallèlement, la présence importante de molettes débordantes au Néolithique moyen (voir aussi Hamon et alii, ce vol.), puis à nouveau à l’âge du Fer, transparaît dans nos analyses à travers l’augmentation de surfaces transversales plano-convexes à convexes.

4. Les dimensions

47Avant d’aborder la question des tendances évolutives des dimensions des outils de mouture, il convient de rappeler que celles-ci dépendent fortement de contraintes ergonomiques. Ainsi, la longueur de la surface active d’une meule est induite par l’amplitude du geste technique liée à la longueur des bras du/de la meunier(e). De même, pour son maniement, la zone de préhension des molettes ne devrait pouvoir dépasser la longueur de la main ouverte de l’artisan, et leur poids (variant avec les dimensions) rester en deçà d’un seuil critique.

48La construction de la base de données par occupation (et non par outil-individu) nous amène à raisonner par classes dimensionnelles. Par ailleurs, au sein de notre corpus d’étude, la disparité des effectifs d’outils par période, nous fait préférer une analyse exprimée en pourcentages.

4.1. Meules

4.1.1. Longueur

49Sur l’ensemble de la séquence d’utilisation des « meules va-et-vient », les longueurs de 21 à 30 cm et de 31 et 40 cm sont dominantes (respectivement 20 % et 29 %), cependant l’importance quantitative du Néolithique moyen (38 %) dans notre corpus influe sur cette représentation. On constate, toutefois, au cours du Néolithique, une sensible augmentation de la longueur des meules (fig. 21), bien que nous devions rester prudents étant donné les effectifs parfois limités pour chaque période.

50Dans le détail par période, on observe, au Néolithique ancien, deux classes quantitativement similaires avec une longueur des meules préférentiellement comprise entre 21 et 30 cm puis entre 41 et 50 cm. On note néanmoins, quelques meules de plus de 60 cm sans que la classe comprise entre 51 et 60 cm ne soit représentée. Cet ensemble d’observations doit être mis en regard du degré plus élevé de fragmentation des meules de cette période. Au Néolithique moyen, la longueur des meules tourne autour de 30 cm (les classes 21-30 cm et 31-40 cm étant quasiment à parts égales dans le corpus). Néanmoins, un allongement des meules à cette période est perceptible : les intervalles 41-50 cm, 51-60 cm et plus de 60 cm sont représentés et en quantités semblables. Au Néolithique final, la tendance est à une longueur supérieure à 40 cm, même si la fourchette 31-40 cm est également bien illustrée. À l’âge du Bronze, les meules ont des longueurs comprises entre 31 et 50 cm (deux intervalles). À l’âge du Fer, comme au Néolithique ancien, deux classes dimensionnelles coexistent (21-30 cm et 41-50 cm).

51L’analyse cartographique par régions, tributaire du déséquilibre des zones documentées, semble désigner un centre-est où dominent les petits gabarits (70 % ont une longueur inférieure à 40 cm, et 41 % à 30 cm) ; tandis que, dans les régions orientales, les classes de longueur sont mieux distribuées, avec également une forte part (19 %) de longues meules (> 50 cm). Une analyse fine des supports à partir desquels les meules ont été élaborées (blocs, galets, dalles…) doit être envisagée pour distinguer ce qui relève de contraintes environnementales ou de choix culturels.

4.1.2 Largeur

52Sur l’ensemble chronologique ici considéré, les largeurs comprises entre 21 et 30 cm sont très nettement majoritaires (46 %) ; celles de 11 à 20 cm, se sont pas en reste (37 %), tandis que les autres intervalles de largeur demeurent quasi anecdotiques (fig. 22). Cette plus grande homogénéité des largeurs répond aux contraintes ergonomiques déjà évoquées : pour rester dans l’axe de la meule et permettre une meilleure efficacité du geste technique, la largeur de la meule est assujettie à la largeur des épaules du meunier.

53L’examen par période montre une nette préférence pour les meules larges de 21 à 30 cm au Néolithique ancien, même si celles plus étroites (11-20 cm) sont également bien présentes ; en revanche, aucune meule n’excède les 30 cm de largeur. Le Néolithique moyen, se caractérise par des meules dont la largeur est majoritairement autour de 11 à 20 cm, bien que les largeurs de 21 à 30 cm soient aussi illustrées. Ce constat – encore à étayer – d’un rétrécissement par rapport à la période précédente, ainsi que celui d’une longueur augmentée, décrivent là un allongement de la morphologie des meules très certainement à mettre en lien avec l’usage de molette débordante (cf. Hamon et alii, ce vol.). Au contraire, le Néolithique final montre une nette tendance à l’élargissement des meules : si la classe des 21-30 cm est majoritaire, l’apparition de l’intervalle des 31-40 cm est sensible et certains exemplaires dépassent même les 40 cm. À l’âge du Bronze, un retour aux meules moins larges est observé (21-30 cm très majoritaires). L’âge du Fer suit une tendance calquée sur celle de l’âge du Bronze mais plus accentuée.

54On ne perçoit pas de vraies différences régionales dans la distribution des largeurs des meules, excepté pour la région Centre-Est où les petites largeurs (11-20 cm) dominent. La réflexion sur les supports disponibles et exploités régionalement doit encore être menée.

4.1.3. Épaisseur

55Prises ensemble, les meules va-et-vient présentent une épaisseur majoritairement comprise entre 5 et 10 cm (38 %) ; celles de 11-15 cm sont également fortement représentées (35 %) (fig. 23).

56Par période, on observe une nette préférence au Néolithique ancien pour des meules peu épaisses (5-10 cm), reflet probable du mode d’acquisition des blocs en position secondaire. Si les meules de plus de 10 cm d’épaisseur sont également illustrées, en revanche, aucune meule ne dépasse les 20 cm d’épaisseur. Le Néolithique moyen est plus diversifié dans les intervalles rencontrés (parts quasi égales pour les intervalles 5-10 et 11-15 cm, tranche des 15-20 cm présente, et rares meules de + 20 cm). Cet épaississement des meules perceptible dès le Néolithique moyen est accentué au Néolithique final, où, les intervalles dimensionnels de plus de 20 cm augmentent (12 %) même si l’intervalle des 10-15 cm reste majoritaire. À l’âge du Bronze, les épaisseurs des meules peuvent aller jusqu’à plus de 20 cm, mais les meules plus fines sont majoritairement illustrées (5-10 cm). Cette tendance vers des meules moins épaisses s’accentue franchement à l’âge du Fer.

57La répartition géographique des classes d’épaisseur, toutes périodes confondues, montre des meules fines (5 à 10 cm majoritaires) dans le Centre-Est et l’Ouest, tandis que dans le Centre-Nord les meules sont légèrement plus épaisses (entre 5 et 15 cm surtout). L’Est se démarque encore une fois avec des meules parfois très épaisses et une bonne représentation de la classe des 15 à 20 cm (25 %).

4.2. Molettes

4.2.1. Longueur

58Sur l’ensemble de la séquence « molettes va-et-vient », l’intervalle de longueur de 16 à 20 cm est majoritaire (34 %). Les outils du Néolithique moyen sont, ici encore, les plus nombreux (30 %) et influent sur cette représentation globale, mais ceux du Néolithique ancien sont également bien représentés (28 %). Les autres périodes apparaissent pour le moment encore plus ou moins marginalisées vu le nombre de pièces (fig. 24).

59Le séquençage chronologique est ici particulièrement informatif. En effet, dans la durée, on observe au Néolithique ancien, une longueur des molettes préférentiellement comprise entre 16 et 20 cm (41 %) ; les classes 11-15 cm et 21-25 cm, présentes en moindre proportion, restent importantes (autour de 25 % chacune). Au Néolithique moyen, la longueur des molettes est préférentiellement comprise dans le double intervalle 11-20 cm (58 %) mais de petites molettes (5-10 cm) existent bel et bien dans ce corpus (15 %) ; cependant, cette période est caractérisée par l’arrivée importante (19 %) de molettes longues (+ 25 cm). Ce phénomène correspond aux molettes débordantes, dont les modalités d’élaboration et de fonctionnement sont décrites dans un autre article (fig. 25 et Hamon et alii, ce vol.). Si au Néolithique final, les moulins à molettes courtes apparaissent de nouveau, la tendance vers des molettes longues (+ 26 cm) apparaît nettement à l’âge du Bronze puis s’accentue à l’âge du Fer (31-35 cm). Encore faut-il rester prudent sur ces dernières tendances : les effectifs comparés sont très faibles pour les âges des Métaux.

60Les ruptures dans la longueur de ces outils semblent correspondre aux molettes débordantes : la première au Néolithique moyen, la seconde à partir des âges des Métaux. En termes géographiques, la région Centre-Est voit une dominance de molettes courtes (11-15 cm) faisant écho aux meules de petits gabarits évoquées.

4.2.2. Largeur

61Si la majorité des molettes va-et-vient ont une largeur de 11 à 15 cm (43 %), on observe sur le long terme une tendance générale à l’élargissement (fig. 26). Cependant cette évolution est loin d’être linéaire dans le temps entre le Néolithique ancien et l’âge du Fer. En effet, le Néolithique ancien reste assez homogène dans la largeur des molettes (65 % dans l’intervalle 11-15 cm et aucune de plus de 20 cm). Le Néolithique moyen accuse une plus grande variabilité dans ces dimensions (largeur préférentielle de 11-15 cm à 39 %, mais intervalles 6-10 cm et 16-20 cm présents à hauteur de 25 % chacun, ainsi que quelques exemplaires de plus de 21 cm). Au Néolithique final, les molettes rencontrées sont aussi principalement dans la tranche 11-15 cm (39 %) mais tendent vers une forme plus trapue (16-20 cm à 32 %). Si l’âge du Bronze semble dessiner un net basculement en faveur des molettes de plus de 21 cm de largeur, il convient de rester prudent : les effectifs comparés varient de 192 outils au Néolithique moyen contre seulement 30 à l’âge du Bronze. Cependant, cette tendance semble se poursuivre à l’âge du Fer (52 individus).

62Géographiquement, les molettes larges de plus de 20 cm apparaissent nettement dans l’est et surtout le sud-est (plus de 20 cm), traduisant encore une fois une sélection de supports différents du nord de la France.

4.2.3. Épaisseur molettes

63Globalement l’épaisseur des molettes est une variable moins changeante au fil du temps : l’épaisseur comprise entre 5 et 10 cm domine largement (52 %), suivie de celle entre 1 à 5 cm représentée à hauteur de 28 %. On observe cependant une tendance à l’épaississement des molettes surtout à partir de l’âge du Fer (fig. 27).

4.3. Bilan

64Comment traduire, en termes de tendances, les observations soulignées ? Dans les grandes lignes, on retiendra que les meules s’allongent et rétrécissent au Néolithique moyen, deviennent plus larges au Néolithique final puis raccourcissent aux âges des Métaux. Concernant les molettes, le type dit débordant est très nettement observable au Néolithique moyen (allongement), puis, de nouveau repéré à l’âge du Bronze ; il est aussi bien marqué à l’âge du Fer. Pour ces outils mobiles, une modification globale du volume des molettes (longueur, largeur, épaisseur) à partir de l’âge du Bronze induit un changement technique : un système de préhension pour assurer la maniabilité de l’outil doit être envisagé. Plus encore que les autres, les molettes très larges (plus de 20 cm) et épaisses ne peuvent prétendre être aisément tenues dans la paume des mains. Les exemples de molettes à barre, connues surtout à l’âge du Fer, sont certainement un des meilleurs exemples d’outils à système de maniement (Deffressigne et alii, 2004 ; Lagadec, 2008).

65Un rapide examen du ratio L/l pour tous ces outils de mouture confirme logiquement les observations précédentes (fig. 28). Sur l’ensemble de la séquence, les meules présentent le plus fréquemment un indice d’allongement autour de 1,5 tandis que les ratios de plus de 2 sont anecdotiques. Dans le détail, on remarque au Néolithique final un ratio à 1,5 majoritaire et un à 1,4 important : cela confirme la tendance déjà signalée de meules à tendance trapue (Monchablon, 2014). À l’âge du Fer, on constate un net allongement illustré par le ratio à 1,8 majoritaire : si le raccourcissement de la longueur des meules a été perçu via les mesures, la morphologie allongée de ces outils est ici visible via le ratio. En complément, les molettes offrent des indices d’allongement principalement de 1,3 et 1,5 avec toutefois quelques variations par période. L’accroissement du ratio (R = 2,2) au Néolithique moyen traduit là l’augmentation significative de molettes débordantes. Le Néolithique final, au contraire, voit une diminution du ratio, soit des molettes carrées (R1), utilisées en mouvement giratoire (Monchablon, 2014).

66Quant aux dimensions de la surface active des meules, différentes des dimensions maximales du support, on observe une diminution globale de leur superficie du Néolithique ancien à l’âge du Fer. Cette réduction de la surface à moudre n’est pas continue ; elle passe, au contraire, par un accroissement important au Néolithique final. Les molettes suivent un schéma légèrement différent : à la diminution globale de la surface de travail des molettes du Néolithique ancien au Néolithique final succède une augmentation à l’âge du Bronze qui se maintient à l’âge du Fer. Les dimensions sont alors proches de celles de l’outil lui-même, la surface à moudre couvrant l’ensemble de la table. La recherche d’amélioration des moulins va-et-vient et d’un meilleur rendement ne passe donc pas par une augmentation des surfaces de travail, mais par une optimisation de celles-ci.

5. Discussion

67Malgré des variations régionales parfois importantes (morphologie notamment), les premiers résultats obtenus à partir de la base de données va-et-vient soulignent des tendances évolutives fortes sur près de cinq millénaires (fig. 29).

68Sur le temps long, on observe une diversification des matériaux meuliers employés. Les grès, très largement majoritaires au Néolithique ancien, laissent progressivement la place à des matériaux plus divers (granites, calcaires, etc.), et ce dès le Néolithique moyen, en parallèle d’un approvisionnement de plus en plus régional, voire extra-régional (exception faite de l’âge du Bronze). Indépendamment des contraintes liées à la matière première et à la forme des supports sélectionnés, l’évolution progressive des critères dimensionnels et typologiques des moulins s’accompagne de plusieurs ruptures « fortes ».

69Alors qu’au Néolithique ancien, les molettes de type débordant connues en Europe centrale semblent progressivement abandonnées au fur et à mesure de l’expansion des cultures rubanées et Villeneuve-Saint-Germain vers l’ouest du continent (Hamon, 2008b), elles réapparaissent dans les corpus du Néolithique moyen, en particulier dans l’est de la France alors qu’elles semblent plus rares à l’ouest (Monchablon, 2005 ; Hamon et alii, ce vol.). À partir du Néolithique final, l’augmentation subite des dimensions des meules dormantes s’accompagne de l’apparition de types de meules particuliers, celles en cuvette et à rebord, qui traduisent une modification profonde du geste de broyage en quelque sorte plus « contraint » (Donnart, 2011 ; Milleville, 2007 ; Monchablon, 2014).

70À partir de l’âge du Bronze, la domination des surfaces actives planes et surfaces à moudre couvrant l’ensemble de la table témoigneraient d’une nouvelle modification du geste de broyage. Elles permettraient une meilleure adéquation des profils de meules et molettes et un geste de broyage de plus grande amplitude, peut-être en vue d’augmenter le rendement. Il s’agit là d’une tendance de fond, qui vient confirmer les observations réalisées sur des corpus de plusieurs régions (Ribaux, 1986 ; Leuvrey, 1999 ; Pommepuy, 1999 ; Hamon et alii, 2012).

71À partir de l’âge du Fer, la réduction des dimensions des meules et la diversification des aménagements pour l’actionnement des molettes semblent préfigurer des changements dans le fonctionnement même de ces outils (Cousseran-Néré, Jaccottey, 2014 ; Deffressigne et alii, 2002 ; Georges et alii, ce vol. ; Lagadec, 2008).

72En parallèle d’une diversification des matériaux sélectionnés et des sources d’approvisionnement tout au long de la séquence, les évolutions ou ruptures typologiques et dimensionnelles des moulins va-et-vient pourraient donc constituer des expressions d’une volonté de perfectionnement des systèmes de broyage, afin de les adapter aux matériaux à broyer et d’augmenter leur efficacité (rendement, préhension, etc.).