1Le massif de la Serre (Jura) est un minuscule pointement granitique et gréseux de 15 km de longueur sur 5 km de largeur situé au cœur des zones calcaires de Franche-Comté. Il constitue un trait d’union entre les premiers affleurements gréseux de la bordure orientale du Morvan à 60 km à l’ouest et ceux des Vosges, à 90 km au nord-est. Ce massif domine la région environnante d’une petite centaine de mètres ; il est situé entre les cours du Doubs et de l’Ognon à quelques kilomètres à l’est de la vallée de la Saône. Les roches constituant ce horst, de par leurs spécificités par rapport aux autres matériaux locaux, ont très rapidement été exploitées pour la fabrication de matériel de mouture. Ainsi les meules en provenance de la Serre sont présentes dans les plus anciennes occupations d’agriculteurs connues dans la région (à partir de 4700 av. J.-C.), et leur extraction n’a cessé qu’en 1909. Au total, ce sont près de 6,6 millénaires d’exploitation qui peuvent être étudiés, malgré certaines périodes où la documentation manque. La situation géographique particulière, à proximité d’axes de circulation naturels, a permis par ailleurs une très large diffusion des artefacts façonnés dans ces roches.

2À partir de 2006, la mise en place de prospections, puis d’un Programme Collectif de Recherche sur la « gestion des matières première et implantations humaines autour du massif de la Serre » a permis de prendre en compte ces outils et de les étudier sur l’ensemble de la Franche-Comté et de la Bourgogne orientale. Si les recherches sur le massif de la Serre ont déjà fait l’objet de publications relatives aux extractions de meules (Jaccottey, 2008a et b ; Jaccottey, 2011a ; Jaccottey, Milleville, 2010) ou à l’étude des outils de mouture du Néolithique (Jaccottey, 2011b ; Jaccottey, Milleville, 2014), aucun travail sur la diffusion de ces artefacts n’a été conduit sur l’ensemble de sa période d’exploitation et aucune synthèse typologique n’a été réalisé.

1. Présentation et méthodologie

1.1. Le massif de la Serre dans son contexte régional

3Le massif de la Serre, au sein du Jura calcaire, est une curiosité géologique (fig. 1). Telle une dorsale dans le paysage, il est constitué de roches du socle cristallin, surmontées de grès triasiques (Campy et alii, 1983). Une synthèse des différentes contributions à l’étude géologique du massif a été réalisée par J. Bonvallot (1965) qui conclut son historique des recherches par ces mots : « la Serre constitue bien un monde spécial, contrastant violemment avec les pays calcaires d’alentours ».

4Le granite de la Serre (fig. 2a) est le plus ancien témoin de l’histoire géologique de la région. Il occupe la quasi-totalité du flanc sud-est du massif où la couverture triasique a été érodée ; à l’œil nu, il s’agit d’une roche à gros grains composée principalement de feldspaths, micas et quartz ; la teinte est rose clair, variable selon l’affleurement. Les grès triasiques du Buntsandstein (Trias inférieur, 251 M. a.) reposent directement sur le socle cristallin. Les grès de la Serre sont grossiers (fig. 2b), certains grains dépassant parfois 2 mm et pouvant atteindre une taille pluricentimétrique. Les grès sont feldspathiques, ce qui leur vaut le nom d’arkose (Folk, 1974 ; Fronteau et alii, ce vol.).

5La Franche-Comté présente aussi d’autres ressources géologiques qui ont été utilisées pour l’outillage de mouture. Au nord de la zone d’étude, les granites et les grès vosgiens ont permis la production de nombreuses meules depuis le Néolithique. Plusieurs types de granites, de grès, mais aussi de rhyolithes, originaires du Morvan, à l’ouest, ont également été employés (Fronteau et alii, ce vol.). Les moraines alpines du Riss qui ont franchi l’arc jurassien ont transporté des roches alpines dont certains gneiss et granites utilisés pour la fabrication d’outils de mouture que l’on peut trouver dans la partie méridionale de la zone d’étude. Un minuscule affleurement granitique, situé au sud de la Champagne sur la commune de Bussière-lès-Belmont (Haute-Marne), a également pu servir à la production de meules. Enin, certains faciès de calcaires locaux ont aussi pu être extraits dans ce but. Mais à côté des roches locales ou régionales, certains matériaux d’origine plus lointaine ont également été retrouvés dans le matériel meulier, comme les roches basaltiques originaires du Massif central (à 400 km au sud-ouest) ou de l’Eifel (400 km au nord), la vaugnérite dont des carrières sont connues au nord du Morvan à 120 km à l’ouest ou la meulière du Bassin parisien qui affleurent à 300 km au nord-ouest de la Serre.

1.2. Méthode d’étude et présentation du corpus

6La zone de diffusion maximale des meules en grès et en granite de la Serre est située dans un rayon de 120 km autour du horst. Ce vaste secteur géographique correspond à l’intégralité de la Franche-Comté, à la partie orientale de la Bourgogne (Côte-d’Or et Saône-et-Loire) et à la partie méridionale de la Champagne-Ardenne (Haute-Marne) (fig. 3). Au total, la zone étudiée équivaut à 39 750 km². Afin d’être complet, il faut également signaler quelques pièces en grès de la Serre qui ont été identifiées dans une série du Jura suisse.

7Pour cerner au mieux la part des meules de la Serre, un inventaire a été dressé. Il prend en compte les meules découvertes dans les fouilles archéologiques récentes, mais également les collections de musée et les prospections. Les données contextuelles pour les fouilles récentes sont de bonne qualité ; elles sont plus sujettes à discussion pour les meules découvertes lors de fouilles anciennes et de ramassages de surface (localisation et au mieux contexte très général). Toutefois, ces outils permettent de compléter les cartes de répartition et de multiplier les exemples typologiques. Pour les périodes les plus récentes, la prise en compte de données d’archives a permis de compléter les informations. Il a pu être recensé 2148 outils de mouture, dont 1642 outils et fragments d’outils va-et-vient et 506 meules et fragments de meules rotatives.

8Si l’intégralité de la Franche-Comté et de la Haute-Marne a été étudiée, il n’en est pas de même pour les départements bourguignons : l’étude des séries issues des opérations d’archéologie préventive est bien engagée dans le Dijonnais et le Val de Saône. Seules ont été étudiées les collections des musées de Mâcon, Autun, Bibracte, Chalon-sur-Saône (partiellement) et Mâlain. Dans les secteurs étudiés, des zones demeurent pauvres, comme la haute chaîne jurassienne où peu de meules ont été découvertes en raison d’une faible activité archéologique.

9Des très fortes disparités chronologiques sont également visibles (fig. 4). Nous ne connaissons aucune occupation archéologique ayant livré des meules antérieurement à 4700 av. J.-C. Mais il existe également d’autres périodes pour lesquelles on note une absence totale d’informations disponibles. La fin du Néolithique moyen et le début du Néolithique final (de 3600 à 3200 av. J.-C.) sont marqués par un hiatus d’occupation à l’échelle de l’ensemble de la région. Les occupations du Néolithique final sont principalement connues par les fouilles des habitats de bord de lac de Chalain et de Clairvaux et la répartition chronologique des pièces prises en compte pour cette période, correspond peu ou prou à celles des occupations de ces sites (entre 3200 et 2550 av. J.-C.) (Milleville, 2007). Les données, comme le nombre de sites connus, sont encore peu nombreuses pour la fin du Néolithique final (2500 av. J.-C.) et jusqu’au début de l’âge du Bronze final (1350 av. J.-C.). On note également l’absence de données pour toute la période de La Tène moyenne (400 à 200 av. J.-C.), puis le nombre d’occupations ayant livré des meules est de nouveau très faible à partir de iv^e s. ap. J.-C., avec une absence totale de données archéologiques postérieurement au xii^e s., avant que les données textuelles ne reprennent le pas pour les périodes postérieures au xiv^e s. À l’inverse, certains périodes sont riches en informations, à l’image du Néolithique moyen, période à laquelle les habitats lacustres s’ajoutent aux nombreuses enceintes étudiées, les occupations de l’âge du Bronze final et du Hallstatt, qui sont de mieux en mieux appréhendées avec le développement de l’archéologie préventive et les occupations de la fin de la période gauloise et de l’époque romaine où les meules sont abondantes.

2. Les meules va-et-vient du Néolithique et de la Protohistoire

2.1. Les premières meules connues (4700-4600 av. J.-C.) (fig. 5)

10Les premiers outils de mouture connus dans la zone étudiée proviennent du niveau XI de la Baume de Gonvillars (Haute-Saône ; Pétrequin, 1974), à 100 km à l’est du massif, et de la grotte du Trou de La Mère Clochette à Rochefort-sur-Nenon (Jura). Dans la seconde de ces cavités, située à quelques kilomètres du horst, un seul fragment d’outil de mouture en grès de la Serre a été retrouvé.

11L’intérêt du site de Gonvillars est d’avoir livré dix outils de moutures dont au moins huit étaient appariés. Sur ce site, une molette (Pétrequin, 1974, p. 498, n^o 6) est en grès type Serre, alors que le reste de la série est en grès vosgien. La diffusion est déjà de l’ordre d’une centaine de kilomètres. Dans le cas de Gonvillars, les meules sur galet de grès vosgien sont souvent de forme ovalaire assez trapues et les molettes sont courtes. Les molettes débordantes comme les molettes courtes sont connues dans tout le Rubané européen. Pour la France elles sont connues dans le Rubané d’Alsace et jusque dans le Rubané récent Champenois, mais disparaissent plus à l’ouest et à partir du Rubané récent du Bassin parisien, puis dans le Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain (Hamon, 2008b). Les affinités entre le débitage du silex du V.S.G et le site de Gonvillars ont déjà été notées (Pétrequin, Jeunesse dir., 1995, p. 51) ; il en va de même pour la céramique dont les formes rappellent également les ensembles V. S. G ou Cerny (Pétrequin et alii, 2009, p. 87). Il semble aussi possible de faire des rapprochements similaires avec le matériel de mouture. La seule molette de Gonvillars en grès type Serre est relativement épaisse, avec une section rectangulaire ; elle pourrait correspondre à une meule fragmentée qui aurait été retaillée. La surface active est plane longitudinalement et légèrement convexe transversalement. De larges enlèvements sont visibles sur les flancs.

2.2. Le Néolithique moyen I (4500 - 4200 av. J.-C.) (fig. 6)

12Le grès de la Serre est maintenant diffusé à une quarantaine de kilomètres au nord-est, dans un secteur où est présent un silex de bonne qualité. Il est reconnu sur trois gisements de surface qui ont livré des haches perforées, des anneaux-disques ou des armatures triangulaires d’obédience Grossgartach ou Rössen (Charentenay, Étrelles et Fretigney ; Haute-Saône). L’utilisation du granite de la Serre reste assez limitée. Quelques meules ou molettes présentes sur ces sites sont en grès vosgiens ou en rhyolite du sud des Vosges. Ces deux matériaux dominent les assemblages dans la partie orientale de la zone d’étude (Gonvillars Xb, Héricourt, Lure ; Haute-Saône), proches des zones d’affleurements. Au sud de la région, des groupes humains d’affinités méridionales et occidentales utilisent également le grès de la Serre (Ruffey-sur-Seille, dépt. Jura ; Jaccottey, Milleville, 2014). Il est en revanche absent des occupations du camp de Chassey (Saône-et-Loire ; Duda, 2013), mais quelques pièces sont présentes au sein de l’outillage du site chasséen de Brochon (Côte-d’Or). Ces sites bourguignons ont livré essentiellement des meules en granite ou en grès du Morvan.

13Trois fragments de meules (Ruffey-sur-Seille, Étrelles et Fretigney-et-Veloreille) et quatre molettes en grès de la Serre (Charentenay, Fretigney-et-Veloreille, et deux à Étrelles) sont recensés. L’une d’entre elles, complète (Charentenay, fig. 7), est une molette débordante naviforme (29,5 cm par 14,4 cm) ; la courbure longitudinale de la surface active est concave et légèrement convexe transversalement. Les autres pièces sont également des molettes débordantes. Elles ont une forme rectangulaire ou ovalaire allongée (Étrelles), sont assez étroites et à bords parallèles. Seule la molette découverte à Fretigney est sensiblement circulaire et peut être assimilée à un broyon. La section de ces molettes est généralement quadrangulaire. L’usure due à l’utilisation est marquée aux extrémités et pour une des pièces sur un des bords (Charentenay). Les outils de mouture de la zone d’étude façonnés dans d’autres matériaux présentent des caractéristiques typologiques similaires ; on relève notamment la présence de molettes débordantes de forme régulière (essentiellement ovalaires ou quadrangulaires).

2.3. Le Néolithique moyen II (4200 - 3600 av. J.-C.) (fig. 8)

14Les meules et molettes en grès type la Serre sont les plus courantes dans les camps de hauteur de la région doloise (Lavans-lès-Dole, Chevigny et Archelange ; Jura) et sont diffusées sur 70 km dans la vallée du Doubs (camp de Roche d’Or à Besançon, Baume-les-Dames et Rang ; Doubs). En remontant la vallée de la Saône, la diffusion se fait sur une distance supérieure à 60 km, et atteint le Camp de Chariez et le site de Cornot (Haute-Saône). Le grès de la Serre est également présent sur le site de Cohons (Haute-Marne), au nord. En direction du sud, on retrouve ce mobilier dans les camps des régions salinoise et lédonienne (Jura). Les fouilles des habitats du Néolithique moyen de Clairvaux (Jura) ont montré que le grès type la Serre y est totalement absent, le matériel de mouture étant principalement façonné à cette époque à partir des calcaires locaux (Milleville, 2007). L’utilisation du granite de la Serre reste anecdotique et se focalise sur les sites proches des zones de production. Lors de cette phase chronologique, une concentration d’enceintes ceinture la partie gréseuse du massif de la Serre. Celles-ci sont liées à un contrôle des productions de meules en grès, comme cela a été observé dans la même région pour les productions de haches en pélite quartz ou l’extraction du sel (Jaccottey et alii, 2007a). Ces productions de haches de la bordure sud des Vosges sont concomitantes d’une forte diffusion des meules en grès vosgiens, dont certains exemplaires sont présents dans des sites proches du massif de la Serre.

15Une demi-meule à molette débordante en grès de la Serre provient d’une enceinte néolithique à Archelange (Jura). Seuls subsistent une extrémité et les flancs de cette pièce naviforme, étroite (22,8 cm) et haute (14 cm). La surface active est concave longitudinalement et légèrement convexe transversalement. Une seconde pièce découverte à Vellexon (Haute-Saône), plus large (33 cm), très concave, a été façonnée par l’enlèvement de grands éclats sur ces flancs (fig. 9).

16Les molettes - une vingtaine de pièces -, sont plus nombreuses, Presque toutes sont débordantes, comme les pièces façonnées similaires dans d’autres matériaux. Les formes varient : pièces quadrangulaires à Port-sur-Saône et Velloreille-lès-Choye (Haute-Saône) ou ovalaires à Étuz (Doubs), Lavans-lès-Dole (Jura) et la Grande-Résie (Haute-Saône). Il est également possible de distinguer des molettes naviformes à Salins-les-Bains (Jura) et Chariez (Haute-Saône). Dans tous les cas les deux bords de la molette sont parallèles ; les dimensions de ces pièces sont très normées et la mise en forme poussée, avec des flancs souvent bouchardés (Boulot, Port-sur-Saône et Velloreille-lès-Choye en Haute-Saône). Quelques pièces possèdent des surfaces actives doubles (Baume-les-Dames, Doubs). Ces molettes ont une longueur comprise entre 19 et 38 cm, pour une largeur de 5 à 17,3 cm. Les dimensions générales de ces pièces sont assez « standardisées » et proches de celles des molettes de la phase précédente (Hamon et alii, ce vol.).

2.4. Le Néolithique final (3200 - 2100 av. J. -C.) (fig. 10)

17Après un hiatus de près de 400 ans, de nouvelles occupations sont à nouveau décelées à partir de 3200 av. J.-C. Hors des sites lacustres de Chalain et de Clairvaux (Jura), aucune occupation correctement datée contenant du matériel de mouture n’a été étudiée. Nous avons donc une vision très imprécise, excepté autour des lacs jurassiens. Sur les sites de l’ensemble de la région, la part des meules en grès de la Serre progresse, alors que les meules en grès vosgiens sont moins abondantes, sans doute en lien avec l’abandon des exploitations des lames de haches en pélite quartz (Jaccottey, Milleville, 2007). La reprise de ces productions, à l’extrême fin du Néolithique (2300-2100 av. J.-C.), se traduit d’ailleurs par la présence de nouveaux éléments de mouture en grès vosgien, à Frais (Territoire-de-Belfort), sur un site lié au façonnage de ces lames de haches. En bordure des lacs jurassiens, l’histoire de l’utilisation des outils des moutures est mieux connue (Milleville, 2007). Dans une première phase (3200-3100 av. J.-C.), les groupes humains porteurs de la culture de Horgen originaire de Suisse orientale s’installent en bordure du lac de Chalain et emploient un mobilier de mouture presque exclusivement façonné en grès de la Serre. À partir de 3060-3040 av. J.-C. des populations du groupe de Ferrières d’origine méridionale s’implantent sur les rives des lacs de Chalain et de Clairvaux. Le matériel de mouture, encore en grande partie élaboré à partir de grès et de granite de la Serre, est aussi composé de pièces en leucogranite et en granites originaires des moraines alpines. La part de ces granites progresse jusqu’en 2800 av. J.-C. (groupe de Clairvaux). La présence, en quantité réduite, de grès et de granite de la Serre est observée entre 2700 et 2550 av. J.-C. (groupe de Chalain). Les granites alpins et leucogranites sont présents en faible quantité sur d’autres sites comtois (Bulle, Écrilles, Col-de-la Savine, Salins-les-Bains) (Doubs et Jura).

18Plusieurs meules ont été retrouvées à Corcelles (Haute-Saône), ainsi qu’à Chalain 2, 3 et 19. Ces dernières pièces proviennent essentiellement de contextes de la culture de Horgen, à l’exception des fragments de Chalain 2, découverts dans un niveau du Groupe de Chalain (Milleville, 2007). Ces meules (fig. 11) sont de forme ovalaire ou plus rarement quadrangulaire (Chalain 19, Chalain 2 et Chalain 3) avec une concavité aussi bien longitudinale que transversale qui est assez marquée pour les pièces découvertes à Chalain à la fois pour le Horgen et le groupe de Chalain. Les sections sont plutôt semi-ovalaires, plus rarement quadrangulaires ou trapézoïdales. Les dimensions sont plus variables (entre 21 et 68 cm, pour 17 à 40 cm de largeur). Les dimensions des deux ébauches de meules découvertes dans les minières de Malange (Jura ; Jaccottey, Milleville, 2010) se rapprochent plutôt de celles des meules de cette phase chronologique. Une seule molette en grès de la Serre est connue pour le Néolithique final. Elle provient du site de Chalain 19 dans un niveau daté du Horgen. Il s’agit d’une pièce de section triangulaire, dont la surface active est très convexe dans les deux sens. Cette convexité de la surface active correspond parfaitement à la concavité des meules du Horgen de Chalain.

2.5. L’âge du Bronze (2100-750 av. J.-C.) (fig. 12)

19Les données de l’âge du Bronze ancien et moyen (2100 à 1350 av. J.-C.) sont peu abondantes et ne permettent pas à ce jour de dresser un bilan pour le matériel de mouture. Les grès (Tavaux, Jura) et les granites (Athée et Damparis ; Côte-d’Or et Jura) de la Serre, sont employés indifféremment dans les quelques sites du val de Saône et de la région doloise. Dans le nord-est franc-comtois, ce sont les grès (Étupes, Doubs) et les granites (Étupes et Belfort) vosgiens qui ont été utilisés. Cette période semble marquée par une utilisation préférentielle des matériaux locaux que l’on note également à l’échelle nationale (Hamon et alii, ce vol.).

20En revanche, pour l’âge du Bronze final (1350 à 750 av. J.-C.), les sites étudiés sont relativement nombreux et bien répartis sur une large part de la zone d’étude. Les petites séries prises en compte montrent une très forte diversité des provenances et l’utilisation sensiblement équivalente du granite et du grès. Les grès (Athée, Boult, Choisey, Les Planches-près-Arbois, Longvic-sur-le-Doubs, Pesmes, Saint-Aubin, Saint-Vit et Tavaux) et les granites (Athée, Choisey, Jallerange, Orchamps et Pesmes) de la Serre sont essentiellement employés pour la fabrication du matériel de mouture dans un rayon de 30 à 40 km autour du massif. De la même façon, les sites du nord-est franc-comtois (Dampierre-sur-Doubs, Mathay et Valentigney, Doubs) livrent essentiellement des outils en grès ou en granite vosgien. Ceux du sud du Jura (Champagnole, Les Planches-prés-Arbois et Ruffey-sur-Seille, Jura) utilisent les matériaux des formations morainiques voisines et les sites bourguignons (Chalon-sur-Saône, Longvic, Saint-Apollinaire et Vix, en Saône-et-Loire et Côte-d’Or) s’approvisionnent dans le Morvan et la côte bourguignonne.

21La seule meule en granite de l’âge du Bronze ancien de la Serre, découverte à Damparis (fig. 13), est complète. Elle est ovalaire, à section semi-ovalaire, sa surface active est plane. Le dos, l’extrémité distale et une bonne part du flanc gauche sont naturels. Quelques aménagements sont visibles sur le flanc droit et semblent correspondre à de grands enlèvements depuis la surface active de la pièce. Les meules de la fin de l’âge du Bronze présentent sensiblement les mêmes caractéristiques : leur surface active est généralement plane et la mise en forme des flancs et du dos est assez sommaire. Les formes de ces pièces sont essentiellement quadrangulaires, à l’image des blocs de départ. À l’inverse, les pièces en granite vosgien (Belfort) ou du Morvan (Chalon-sur-Saône, Vix), qui sont essentiellement façonnées à partir de galets alluviaux ou morainiques, présentent des formes ovalaires et une section semi-ovalaire. Comme pour les meules en grès ou granite de la Serre, la forme achevée, à cause de la faiblesse de la mise en forme, reste proche de celle du bloc brut.

2.6. Périodes de Hallstatt et de La Tène A (750 à 400 av. J.-C.) (fig. 14)

22Les informations, encore peu abondantes pour cette phase chronologique, se concentrent sur le val de Saône et la région dijonnaise. Les grès, et principalement ceux qui sont issus du massif de la Serre, sont utilisés ; leur diffusion maximale est de 50 km (Plombière-lès-Dijon, Ahuy, en Côte-d’Or). Toutefois, une différence importante apparaît entre les sites du Hallstatt C et D1, qui possèdent des outils de mouture indifféremment en grès ou en granite (Champforgeuil, Choisey, Courlans et Parcey, en Côted’Or et Jura), et ceux des Hallstatt D2/D3 et de La Tène A (Ahuy, Athée, Couternon, Genlis, Plombière-lès-Dijon, Pluvet, Choisey et Saint-Aubin, en Côte-d’Or et Jura), qui livrent des outils uniquement en grès. Une autre différence s’observe également à Vix où des pièces importées de plusieurs centaines de kilomètres font leur apparition.

23Malgré une très forte fragmentation, on observe une mise en forme poussée des outils, qui se traduit par un façonnage intégral des flancs et du dos qui sont souvent régularisés par martelage. Les formes des meules et des molettes sont quadrangulaires ou ovalaires. Les molettes ovalaires ont des sections très régulières, une surface active plane qui porte des stigmates d’usure aux extrémités. Elles semblent correspondre à des molettes débordantes. Ces pièces très abouties dans leur façonnage trouvent des parallèles dans certaines régions voisines où des meules également très régulières ont été observées, à l’image des meules en grès du rempart de Vix (Jaccottey et alii, 2011 l) et des meules en rhyolithes de La Salle (Deffressigne et alii, 2002), où les molettes reconnues sont également débordantes, intégralement façonnées et régularisées avec parfois l’aménagement d’un système de préhension pour en faciliter l’entraînement (fig. 15).

3. Les meules rotatives de l’âge du Fer à la période moderne

3.1. Les meules rotatives de La Tène finale (200 à 30/20 av. J.-C.) (fig. 16)

24Les premières meules rotatives connues pour la région sont datées de la fin de la période gauloise (La Tène C2 et La Tène D) et de la période augustéenne (30/20 av. J.-C. à 15 ap. J.-C.). Les meules en granite de la Serre ne sont plus présentes dans les corpus archéologiques. Les meules en grès sont assez peu nombreuses et restent cantonnées aux basses vallées du Doubs (Amange, Besançon ; Doubs et Jura) et de l’Ognon (Bonnay, Jallerange et Malans, Doubs et Jura), ainsi qu’à l’est de la région dijonnaise (Collonge-lès-Premières et Genlis en Côte-d’Or). La diffusion ne dépasse donc pas une quarantaine de kilomètres. En revanche, les grès de la côte bourguignonne et de l’Autunois sont présents à Bibracte, ainsi que dans le Val de Saône (Azé, Sennecélès-Mâcon et Verdun-sur-le-Doubs ; Saône-et-Loire) et les grès vosgiens se retrouvent jusqu’à Besançon (Doubs). De nouveaux matériaux sont également présents : il s’agit principalement de la vaugnérite dont les carrières sont connues à Saint-Andeux (Côte-d’Or) et qui diffusent jusqu’à Bibracte (Saône-et-Loire), Collonges-lès-Premières (Côte-d’Or), Brans, Rainans et Rochefort-sur-Nenon (Jura), Besançon (Doubs). Les roches basaltiques du Massif central ne sont connues qu’à Bibracte. Les meules en grès de la Serre n’occupent plus qu’une place secondaire face à d’autres productions qui se retrouvent à une échelle essentiellement régionale (grès des Vosges, du Morvan et vaugnérite) ou extra-régionale (roches basaltiques).

25Les meules datées de La Tène D ont des diamètres compris entre 33 et 38 cm, alors que celles qui proviennent d’occupations de la période de transition avec l’époque romaine ont un diamètre compris entre 38 et 44 cm. Ces mesures sont comparables avec celles d’autres pièces de la même époque, comme les meules de Bibracte. Les catillus laténiens possèdent le plus souvent un flanc oblique, légèrement arrondi avec une perforation latérale circulaire (Besançon, Palais de Justice ; fig. 17) (type 1 ou 3, Jodry et alii, 2011). L’œil (observé dans un seul cas au Palais de Justice à Besançon) est circulaire associé à deux logements d’anilles arrondis (type 2A, Robin, Boyer, 2011). Les œils des meta sont perforants. Leur flanc est vertical (Besançon, Bonnay) ou oblique (Besançon, Malans). Une pièce possède une cuvette ovalaire creusée en périphérie de l’œil (Besançon, parking de la mairie), comme certaines pièces de la même époque en grès vosgien. Les meules connues pour la période augustéenne (Genlis et Jallerange, Côte-d’Or et Doubs) sont très fragmentées ; il n’est pas possible de connaître la forme de l’œil de ces pièces.

3.2. Les meules rotatives de l’époque romaine (i^er-iv^e s. ap. J.-C.) (fig. 18)

26La période romaine voit l’apparition, à côté des moulins manuels, des moulins à traction animale et des moulins hydrauliques, de plus fort diamètre. Nous n’avons pas séparé, ici, les différents types de moulins présents dans les corpus étudiés, la part de chacun d’entre eux ayant déjà été évaluée par ailleurs (Jaccottey, 2015). Les meules en grès de la Serre ont une diffusion limitée ; elles ne sont majoritaires que dans les corpus des sites implantés à moins de 40 km du massif à Damparis, Saint-Aubin, Grozon (Jura) et Mantoche (Haute-Saône), même si on trouve des exemplaires jusqu’à Besançon (Doubs), Langres (Haute-Marne) ou au Mont Rivel à Champagnole (Jura). Les meules en grès de la Serre correspondent à une production secondaire face aux larges diffusions d’autres matériaux comme les grès vosgiens qui dominent les corpus sur toute la moitié orientale de la Franche-Comté à Besançon, Mandeure/Mathay (Doubs), Luxeuil, Port-sur-Saône (Haute-Saône) et Offlemont (Territoire-de-Belfort), mais qui peuvent être présents bien au-delà jusqu’à Lons-le-Saunier (Jura) et Izenore (Ain). Au nord-ouest, les productions en vaugnérite de Saint-Andeux constituent la majorité des corpus de Langres (Haute-Marne), Mâlain et Mirebeau (Côte-d’Or), mais ont été reconnus jusqu’à Besançon, Amancey (Doubs) ou Grozon (Jura). Au sud-ouest, les grès du Morvan et de la Côte bourguignonne sont les plus abondants à Autun, Chalon-sur-Saône et Mâcon (Saône-et-Loire). Dans la partie sud-est, les roches basaltiques, probablement originaires du Massif central, dominent (Izernore, Villars-d’Héria, Lons-le-Saunier, Saint-Germain-en-Montagne et le Mont Rivel à Champagnole (Jura).

27Les catillus antiques dont le diamètre est compris entre 40 et 52 cm possèdent un flanc vertical, un bandeau arrondi, l’œil est souvent circulaire d’assez fort diamètre et flanqué de part et d’autre de perforations latérales simples (Seveux, Haute-Saône ; Robin, Boyer, 2011, type 5A), souvent observées sur les pièces fragmentées (Choisey, Jura). Les meta possèdent un flanc vertical et un œil perforant (fig. 19).

28À côté de ces meules à mains, d’autres pièces d’un diamètre plus important (de 57 à 62 cm), correspondant à des meules hydrauliques ou à traction animale, sont également connues. Les catillus sont de plusieurs types avec un œil circulaire de gros diamètre, flanqué de quatre logements d’anille barrette inférieure (Robin, Boyer, 2011, type 4C) ou d’un œil ovalaire avec deux logements en queue d’aronde (type 2C). L’œil des meta n’est pas systématiquement perforant.

3.3. Les meules rotatives de l’époque médiévale (v^e-xv^e s.) (fig. 20)

29Pour la période médiévale, il existe également plusieurs types de moulins : hydrauliques, manuels et à vent. Les données actuelles de l’archéologie ne nous apportent des informations que sur les deux premiers types. L’amplitude chronologique de cette phase est importante car elle intègre des découvertes du début du Moyen Âge (vii^e et viii^e s.) comme les habitats de Pratz (Jura) et Develier (canton du Jura, Suisse), plusieurs sites carolingiens (ix^e et x^e s.) à Thervay (Jura), Châtenois-les-Forges (Territoire-de-Belfort) et Vesoul (Haute-Saône) et une série de moulins hydrauliques des xii^e et xiii^e s. à Thervay (Jura) et Sermesse (Saône-et-Loire). Ces informations sont complétées par quelques données d’archives (très partielles) pour le xiv^e et le début du xv^e s.

30Contrairement à la période précédente, les grès de la Serre (les granites n’étant plus exploités) ont une diffusion importante. Ils sont employés pour la fabrication de meules à main sur le site de Pratz dans le haut Jura dès le vii^e s., à 100 km au sud. À la même époque, des meules hydrauliques d’un diamètre supérieur à 70 cm ont été retrouvées à Develier dans le Jura suisse, à 150 km des carrières. Au nord, la diffusion maximale connue est de 175 km, avec une meule à perche médiévale provenant des fouilles anciennes du Châtelet de Gourzon à Fontaine-sur-Marne (Haute-Marne). Cette diffusion importante atteint même le pied des Vosges à Châtenois-les-Forges, alors que des meules en grès de cette région ne sont connues que dans le château de Rougemont-le-Château (Territoire-de-Belfort). À l’inverse, des meules en grès de l’Autunois n’ont pour l’instant été observées que lors des fouilles du Couvent de Bibracte (Saône-et-Loire). Ces pièces ont des diamètres compris entre 70 cm pour Devellier (viii^e s.) et Sermesse (xii^e s.).

31Les meules hydrauliques connues pour ces périodes proviennent en majorité des moulins de Thervay et de Sermesse, mais aussi d’un hypothétique moulin à Develier, où un alluchon a été découvert, et d’un remblai en bordure de rivière à Salins-les-Bains (Jura). Ces pièces mesurent entre 70 cm de diamètre pour Develier (viii^e s.) et 110 cm à Sermesse (xii^e s. ; fig. 21). Ces évolutions sont comparables à ce qui est observé à une échelle plus large pour les meules hydrauliques (Belmont et alii, 2015). Les meules tournantes ont une pente faible, un flanc légèrement oblique et possèdent un œil perforant de gros diamètre (8 à 12 cm), une anille inférieure en forme de X. Les meules inférieures sont planes ou très peu pentues. Les meules d’un diamètre inférieur se caractérisent par une meule dormante en auge (Dole et Sermesse) et une meule tournante (Dole et Vesoul) dont la face inférieure plane présente un système d’anille barrette inférieur (Robin, Boyer, 2011, type 4A) et une perforation sur la face supérieure liée à l’entraînement par un système de perche (type 8, Jodry et alii, 2011). Des meules similaires en grès de l’Autunois sont connues à Bibracte.

3.4. Les meules rotatives de l’époque moderne (xvi^e-xviii^e s.)

32Les meules en grès de la Serre se retrouvent de manière quasi exclusive dans les moulins comtois de l’époque médiévale, mais, dès l’époque moderne, elles sont concurrencées par des meules originaires de La Ferté-sous-Jouarre, également appelée meules de Brie ou meules françaises. Celles-ci apparaissent dans l’est de la France au tout début de l’époque moderne. En 1518, les échevins de Besançon achètent quatre meules de Brie à Vesoul. En 1575, ceux de Dole, au pied de la Serre, en achètent une (Belmont, 2006a, vol. II, p. 45). Transportées depuis les carrières sur la Marne, puis par chariot jusqu’aux ports de la Saône (Gray, Saint-Jean-de-Losne, Chalon-sur-Saône, Mâcon…), les meules françaises sont de plus en plus nombreuses dans les moulins francs-comtois : Rivotte à Besançon en 1582, Quingey en 1586, Arlay en 1592, Dole en 1606, Cussey en 1684, Mouthe en 1702, Mieslot en 1737... Elles finissent par supplanter les roches locales aux xviii^e et xix^e s.

4. Conclusion

33Le massif de la Serre, caractéristique par ses granites et ses grès, a été exploité dès les débuts du Néolithique. Toutefois, si les grès ont fait l’objet d’exploitation sur l’intégralité de la séquence chronologique, les granites de la Serre n’ont pas été employés au-delà du début de l’âge du Fer. De plus quand, ils ont été utilisés, ils n’occupent qu’une part secondaire dans les assemblages. Ce schéma est assez proche de ce qui peut être observé pour les grès et les granites vosgiens.

34En terme chronologique (fig. 22), le grès de la Serre occupe une part relativement importante dans les corpus meuliers durant tout le Néolithique moyen, où il se confronte essentiellement à son homologue vosgien. Cette phase d’exploitation importante est marquée par l’installation d’une série d’enceintes permettant le contrôle des zones de production. Cependant, la diffusion demeure régionale. Les outils de mouture caractéristiques de cette période sont des meules à molettes débordantes, leur mise en forme est soignée. Au Néolithique final, les productions de meules en grès vosgien s’effondrent en même temps que cessent les exploitations de haches polies en roches vosgiennes. Les grès de la Serre sont très présents sur les rives du lac de Chalain où ils ont été apportés par les groupes de la culture de Horgen originaires de la partie orientale de la Suisse. Ils n’occupent plus qu’une place secondaire à partir de 3100 av. J.-C. quand arrivent sur les bords des lacs jurassien les populations du groupe de Ferrières, originaires du sud de la France, qui utilisent des granites d’origine alpine. Les meules à molettes courtes montrent un degré de finition plus faible. À partir du début de l’âge du Bronze, les matériaux employés se diversifient. Cette période correspond à la seule phase chronologique où le granite, comme le grès de la Serre, occupe une place relativement importante dans les séries archéologiques. Toutes les autres roches propices à la mouture sont également employées, mais leur diffusion reste très limitée, trahissant un recours à des matériaux d’origine locale. Les meules et les molettes de cette époque se caractérisent également par un investissement assez limité. Ce n’est qu’à partir du Hallstatt final que la diversification des approvisionnements prend fin ; on revient à l’utilisation préférentielle des grès (Serre et Morvan), mais aussi aux importations de roches d’origine extra-régionale (rhyolithe de La Salle). En même temps, on observe une mise en forme très poussée des outils de mouture.

35Après une interruption de près de deux siècles dans notre documentation, les meules rotatives manuelles de la fin de La Tène sont essentiellement façonnées dans des grès de la Serre, du Morvan ou des Vosges (fig. 23). Comme pour la période précédente, quelques importations de matériaux exogènes (basalte et vaugnérite) existent également. Les meules en grès de la Serre n’ont alors qu’une diffusion limitée. Durant la période romaine, les meules de la Serre ont une diffusion qui reste faible face aux productions des Vosges, du Morvan (grès et vaugnérite) et du Massif central (basalte). À côté des meules à main, dont le diamètre est inférieur à 55 cm, sont présentes des meules d’un diamètre plus important qui correspondent à des outils entraînés soit par des animaux, soit par la force de l’eau. La fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge voient la disparition des meules en vaugnérite et en basalte. Les grès de la Serre reprennent de l’importance vis-à-vis des autres matériaux et sont les seuls connus à l’époque carolingienne et au Moyen Âge central dans la région étudiée. Leur diffusion est importante et dépasse largement les distances observées antérieurement. Ces grès sont employés pour la confection de meules hydrauliques ou de quelques meules manuelles en auge. Les meules hydrauliques en grès commenceront à être supplantées par des pièces en meulières du Bassin parisien à partir du début du xvi^e s.

36Les observations faites sur les meules issues du massif de la Serre permettent de suivre les outils de mouture sur plus de six millénaires. Les évolutions typologiques observées, comme les molettes débordantes au Néolithique moyen (Hamon et alii, ce vol.), la concavité des surfaces actives des meules du Néolithique final, la surface active plane des meules protohistoriques (Hamon et alii, ce vol.), l’apparition des meules rotatives manuelles à La Tène (Jaccottey et alii, 2013b) et des meules à traction animale et hydrauliques à partir de l’époque romaine, se retrouvent bien au-delà des productions de ce petit horst. La place de ces matériaux, et principalement du grès de la Serre par rapport à d’autres roches, présente aussi des similitudes avec ce qui peut être observé ailleurs ; ainsi la part prédominante des grès au début du Néolithique et le recours à des matériaux essentiellement locaux à l’âge du Bronze (Hamon et alii, ce vol.), l’utilisation des roches basaltiques à l’époque romaine, le recours principalement aux grès au début du Moyen Âge (Longepierre, 2012 ; Belmont et alii, 2016), et leur remplacement par la meulière à partir de l’époque moderne (Belmont, 2006a).

37On peut donc en conclure que ce petit massif constitue un cas d’étude exemplaire. La production de meules peut y être suivie sur une très longue durée et les évolutions typologiques et chronologiques en termes de diffusion des matériaux illustrent les grandes tendances désormais démontrées à l’échelle nationale.