3. L’artisanat
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Mots-clés : activités, productions, savoir-faire, atelier, travail du bois, travail du cuir et des peaux, travail des fibres et des laines, osier, écorces et fibres, fer, alliages cuivreux, émail, os, pierre tendre, corne, terre, poterie, verre, métaux précieux, pierre de construction, sculpture
Texte intégral
1Ce fut un axe fort dans ma vie de chercheur qui m’a toujours permis de retrouver, à partir de témoins matériels, les hommes et femmes qui inventaient et fabriquaient objets du quotidien ou chefs-d’œuvre.
Le nom d'artisan fait rêver à un âge d'or où existaient de vrais hommes de métier. Dans notre imaginaire, ils travaillent à leur rythme. Ils sont maîtres de leur temps, de leur travail. Ils le vendent au prix qu'ils veulent, comme bon leur semble. Ces métiers nous sont synonymes de secrets, de tours de main jamais décrits dans les ouvrages mais toujours transmis au compagnon. Celui-ci, souvent leur fils, devient alors héritier de l'atelier et du savoir-faire. Ils ont des habits de travail différents selon leurs spécialités, grands tabliers de cuir des maréchaux et des charrons, larges pantalons des charpentiers et tenues blanches des plâtriers et des peintres. Leur jargon leur permet de se reconnaître comme de la même « coterie ». Chaque métier a un surnom, les « culs noirs » les chaudronniers, les « coucous » les couvreurs, les « bois debout » les charpentiers, les « bouifs » les cordonniers. Ces forces de la nature soulèvent des enclumes, déplacent d'énormes pièces de charpente, montent le coq au faîte du clocher avec une échelle ou même une corde. Ils possèdent une hache, une masse qu'eux seuls peuvent utiliser. Ces outils ont la même valeur symbolique que les épées des héros des chansons de geste. Ils connaissent une trempe particulière, un assemblage « comme on n'en a jamais vu ». Le poli, la forme bizarre et la dénomination des outils ajoutent encore du mystère à ces professions. Leur façon de manipuler les charges lourdes, de répéter des gestes difficiles et précis sans s'épuiser, forcent notre admiration. Notre monde les a réduits à quelques noms : forgeron, maçon, cordonnier, menuisier, bronzier, alors qu'il y a encore cinquante ans, nous parlions de bourrelier, de corroyeur, de cloutier, de maréchal grossier, de maréchal-ferrant, de mégissier, de tabletier, de boisselier, de planeur, de boyaudier, d'orfèvre grossier. Notre époque tente par le double emploi du terme « art » dans l'expression « artisanat d'art » de rendre, sans grand succès, la fonction plus prestigieuse. Elle respecte l'artisan quand le robinet fuit, et le méprise quand il présente sa facture.
Les artisans gaulois sont des professionnels à part entière. Ils développent de véritables corps de métiers et mettent en place des outillages qu’on utilisa jusqu'à l'ère industrielle. Ils exploitent les ressources naturelles de façon rationnelle. Grâce aux outils et aux ateliers découverts lors des fouilles archéologiques, ainsi qu'aux textes anciens, il est possible d'obtenir une image précise du monde des artisans et de leurs gestes. Les maréchaux fabriquent les outils et ustensiles de la vie domestique, les charrons construisent les chars et les chariots, les fondeurs et batteurs en bronze confectionnent les bijoux et les chaudrons, les cornetiers exploitent la corne et les os, les boisseliers fabriquent les seaux... Du septième au premier siècle avant notre ère, en Europe celtique continentale, un monde d'ouvriers spécialisés gère la fabrication et le commerce de tous les objets de la vie quotidienne, les instruments du prestige et du luxe, ainsi que les offrandes aux divinités.
(Guillaumet J.-P., L’artisanat chez les Gaulois, Paris, Errance, 1996, 127 p. (Collection des hespérides), extrait de la préface et du texte de la quatrième de couverture, URL : https://sharedocs.huma-num.fr/wl/?id=Tp6sjhQI4d17tjp4Qp3GBkud8613XTQ7).
2La recherche archéologique, depuis cinquante ans, a totalement modifié les données sur les conditions de travail et les savoir-faire de ces artisans oubliés de la grande histoire qu’ils nourrissent inlassablement.
Guillaumet J.-P., « L’artisanat en Gaule du VIIe au Ier siècle avant notre ère », in Guilaine J., Garcia D. dir., La Protohistoire de la France, Paris, Hermann, 2018, p. 487-499 (Histoire et Archéologie).
Guillaumet J.-P., Labaune Y., « Les activités artisanales de Bibracte et d’Autun. Une pérennité des savoir-faire », in Reddé M. et al. dir., Aspects de la Romanisation dans l’Est de la Gaule, Glux-en-Glenne, Bibracte, 2011, t. 2, p. 895-906 (Bibracte, 21), URL : https://shs.hal.science/halshs-00633097v1.
Guillaumet J.-P., Joly M., « Les productions et les savoir-faire, dans l’Est de la Gaule », in Reddé M. et al. dir., Aspects de la Romanisation dans l’Est de la Gaule, Glux-en-Glenne, Bibracte, 2011, t. 2, p. 825-828 (Bibracte, 21), URL : https://shs.hal.science/hal-03276718v1.
Chardron-Picault P., Guillaumet J.-P., Labaune Y., « De Bibracte à Augustodunum : permanences et évolutions des activités manufacturières de l’époque gauloise à la fin du Haut-Empire », in Chardon-Picault P. dir., L’artisanat antique en milieu urbain de Gaule romaine et des régions voisines, actes du colloque d’Autun (20-22 septembre 2007), Revue archéologique de l’Est, 2010, supplément 28, p. 109-122, URL : https://books.openedition.org/artehis/9708.
Guillaumet J.-P., « Les productions manufacturées à la fin de l’âge du Fer », in Haselgrove C. dir., Celtes et Gaulois face à l’histoire, 4 : les mutations de la fin de l’âge du Fer, actes de la table ronde de Cambridge, 7-8 juillet 2005, Glux-en-Glenne, Bibracte, 2006, p. 83-92 (Bibracte, 12/4), URL : https://shs.hal.science/hal-03323531v1.
Guillaumet J.-P., « L’atelier artisanal », in Brouquier-Redde V., Gruel K. dir., Le sanctuaire de Mars Mullo chez les Auerques Cénomans, Gallia, 61, 2004, p. 291-396, URL : https://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_2004_num_61_1_3066.
Guillaumet J.-P., L’artisanat chez les Gaulois, Paris, Errance, 1996, 127 p. (Collection des Hespérides).
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