D'un outil à l'autre. Évolution technique et cadres de pratiques dans l'Auvergne du Moyen Âge central (Xe-XIIe siècle)
Résumés
Pour l’Auvergne médiévale, l’analyse d’un corpus représentatif de monuments édifiés entre le Xe et le XIIe siècle permet de déterminer les principaux choix technologiques opérés par les bâtisseurs et de jalonner l’évolution des techniques de la taille de pierre. Cette analyse met en évidence une transformation progressive de l’outillage et une lente adaptation des pratiques, selon les types architecturaux choisis et selon les principes de mise en œuvre. Les indices archéologiques permettent alors de s’interroger sur l’influence des matériaux (roches d’origines volcaniques et sédimentaires), sur les échanges technologiques entre les différents praticiens (maçons, tailleurs de pierre, sculpteurs), mais aussi sur la circulation des bâtisseurs et sur les orientations économiques et socioculturelles des acteurs de la construction.
For medieval Auvergne, the analysis of a representative corpus of monuments built between the 10th and 12th centuries makes it possible to determine the main technological choices made by the builders and to mark out the evolution of stonemasonry techniques. This analysis highlights a gradual transformation of the tools and a slow adaptation of practices, according to the architectural types chosen and the principles of implementation. The archaeological evidence allows us to question the influence of the materials (volcanic and sedimentary rocks), the technological exchanges between the different practitioners (masons, stonemasons, sculptors), but also the circulation of builders and the economic and socio-cultural orientations of those involved in construction.
Entrées d’index
Mots-clés : technologie, taille de pierre, Auvergne, Moyen Âge
Keywords : technology, stone cutting, Auvergne, Middle Ages
Texte intégral
Introduction
1Les enjeux et modalités de l’étude de la production architecturale médiévale ont été définis depuis les années 1980. Les différentes recherches ont permis d'échafauder progressivement une méthode critique, ouverte aux apports de l’archéologie, afin de cerner les niveaux de lecture offerts par l’architecture et compenser certaines faiblesses des sources classiquement utilisées. Cette orientation a été essentielle à plus d’un titre, notamment parce qu’elle place la matérialité du bâti à la base de l’étude tout en soulignant l’incapacité des sources du bas Moyen Âge à expliquer des réalités antérieures :
« Comme, à quelques exceptions près, seules, depuis le milieu du XIVe siècle, les sources écrites nous renseignent sur la forme et l’évolution des entreprises, les étapes essentielles de l’histoire de la construction médiévale doivent faire l’objet d’une présentation qui s’appuie sur les indices archéologiques » 1.
2La tendance a malgré tout été vers une certaine généralisation d'épiphénomènes fondant un schéma unique, peu compatible avec les disparités sociales, économiques et culturelles marquant les territoires. Dans ce sens, plusieurs auteurs ont mis en évidence les difficultés d’une étude synthétique, en soulignant la multitude des cas de figure et la nécessité d’une approche transdisciplinaire :
« Il faut bien avoir à l’esprit les disparités régionales importantes à l’époque. […] les entreprises de construction n’accusent pas seulement des différences importantes dans les formes d’organisation et dans l’histoire de leur évolution, laquelle se caractérise à certaines époques par des bonds spectaculaires dans l’innovation. Mais cette histoire compte aussi nombre d’aspects particuliers dont l’éclairage relève de la compétence de disciplines multiples » 2.
3Étudier l'outillage et les techniques de production, pour y chercher les hommes, suppose ainsi de chercher à appréhender ces différentes situations et variations, plutôt que se contenter d’un nivellement rapide des interprétations souvent encouragé par la seule prise en compte de sources textuelles directes, tardives et qualitativement bien inégales. La démarche peut fournir de nouveaux repères éclairant l'histoire des bâtisseurs, de leurs moyens et de leurs démarches.
4L'Auvergne médiévale, entendue comme l'ancien diocèse de Clermont, offre un cadre propice à une telle expérience, puisque l’absence quasi totale de sources textuelles relatives à la construction, et notamment pour les XIe et XIIe siècles, y conditionne les principes d’interrogations appliqués au produit du chantier. Le paysage architectural y constitue aussi un support pertinent largement marqué par la diversité, offrant de fait un corpus de situations variées susceptibles de fournir tant des éléments convergents que des cas de figure exceptionnels. Ici, il ne s'agira pas dès lors d'analyser un phénomène linéaire, mais bien de mettre en valeur, sur un temps long, une pluralité, au sein même d'une entité spatiale limitée.
1. Les survivances techniques du haut Moyen Âge
5La question de l'outillage et des techniques au haut Moyen Âge, comme point de départ de la réflexion, suppose de réfléchir en termes de continuité et/ou de rupture avec les usages de l’Antiquité. Les vestiges étant toutefois peu nombreux, il reste difficile de mesurer la part des traditions constructives dans les productions mérovingiennes et carolingiennes3.
6Globalement, les maçonneries se caractérisent en majorité par un usage exclusif de petit appareil où la régularité des moellons et des assises reste variable, même si les litages marqués s’observent ponctuellement, notamment dans la crypte de la cathédrale de Clermont. S'il reste difficile de dater avec précision ce type de maçonnerie, ce petit appareil de moellons, plus ou moins organisés, va rester globalement la règle jusqu’au XIe siècle, sans montrer de distinctions significatives4.
7Les mortiers qui ont été observés dans cette même crypte, pour les parties datant de la fin du Xe siècle et du début du XIe siècle, montrent des chutes de taille, ce qui suggère l’existence d’une régularisation définitive des blocs à pied d’œuvre, au marteau têtu ou au pic, qu’il s’agisse de moellons directement remployés de bâtiments antiques ou altimédiévaux, ou bien de blocs issus de carrières à ciel ouvert ou de ramassages de surface.
8Des appareils plus spécifiques et significatifs se retrouvent ponctuellement pour attester une continuité plus marquée. C’est le cas de l'opus mixtum, basé sur l’alternance de briques et de pierres, et qui est présent dans de nombreux édifices de l’Antiquité5. Cette technique est encore largement utilisée durant le haut Moyen Âge et va perdurer jusqu’au XIIe siècle6.
9En Auvergne, l’exemple le plus représentatif de cette mise en œuvre est l’église Saint-Georges de Néris-les-Bains, dont les murs gouttereaux sont constitués d'assises de moellons intercalées par des assises de briques. Il est toutefois possible que les portions de murs en appareil mixte aient appartenu directement à un édifice gallo-romain sur lequel fut bâtie l’église primitive associée à une nécropole mérovingienne7. Cette alternance de briques et de claveaux est aussi présente à un autre niveau, cette fois dans les grandes arcades de la nef de l’église de Chareil-Cintrat8.
10Bien que cette technique soit employée jusqu’au XIIe siècle, il est possible que cette mise en œuvre, dans ce cas précis, soit bien antérieure à l’an mil. Cet agencement est assez rare dans la région, mais se retrouve à la limite orientale du diocèse à Saint-Romain-le-Puy dans la Loire, dont l’appareil mixte est daté du IXe siècle (Fig. 1)9.

Fig. 1. Saint-Romain-le-Puy, église Saint-Romain, arc en opus mixtum (cl. D. Morel).
11L’utilisation de l’opus spicatum est également une réalité pour l’Auvergne de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge. Ce type d’agencement est présent dans les maçonneries de l’église Saint-Genès de Coudes, sur le chantier de Saint-Sébastien de Manglieu, mais il est surtout observable sur le site de “La Couronne” à Molles, où il a pu être daté du IVe siècle10. L'appareil est alors principalement réservé à la fourrure des maçonneries ou à des parties visiblement enduites, ce qui prolonge les usages antiques étudiés par Jean-Pierre Adam où l'opus spicatum est employé pour faciliter l'écoulement des eaux d'infiltration11.
12Ce type d’appareillage est toutefois très difficile à dater puisque si les fouilles de Saint-Bénigne de Dijon ont permis de mettre au jour une construction de cet ordre attribuée au VIe siècle12, des exemples tels que Cluny, Saint-Martin de Mellecey ou Tournus en Bourgogne témoignent d’une utilisation tardive, à la fin du Xe et au début du XIe siècle13.
13Pour l'Auvergne, des exemples régionaux tels que l’église Saint-Blaise de Leyvaux dans le Cantal ou Saint-Étienne de Gannat comportent d’ailleurs des maçonneries en opus spicatum encore plus tardives puisque datées de la fin du XIe siècle ou du début du XIIe siècle14. Pour ces exemples, il semble néanmoins que ce type d’appareillage ait été utilisé comme décor architectonique, dérivé de la technique de construction à proprement dit, visant à l’auto-blocage des moellons, comme cela semble être le cas sur les sites du haut Moyen Âge.
14La dernière spécificité réside dans l’utilisation systématique, au moins depuis le VIIe siècle, de blocs antiques de grand appareil, presque exclusivement remployés au niveau des points structurants, des fondations et des chaînages. Ces remplois pourraient confirmer un approvisionnement à courte distance, mais il reste également possible que les maçonneries de petit appareil remploient aussi des blocs issus des démolitions d’édifices antiques.
15Sans généraliser ces observations à l’ensemble de l'Auvergne, il semble bien qu’il faille dès lors considérer les réalités antiques comme accompagnant, sous diverses formes, le développement architectural et technique du haut Moyen Âge et des siècles suivants. Les maîtres d’œuvre et les artisans sont en contact permanent avec des ouvrages gallo-romains encore en élévation ou à l’état de ruines apparentes. Ces dernières font alors l’objet d’une intense pratique de récupération et se transforment en véritables carrières de pierres.
16En Auvergne, l’exemple de la villa gallo-romaine de Chazoux est sur ce point significatif puisque l’édifice civil a servi de carrière à ciel ouvert jusqu’au XIIe siècle15. Mais les vestiges carolingiens des ensembles cathédraux du Puy-en-Velay et de Clermont montrent également le remploi systématique de blocs de grand appareil antique, de fragments de pilastres ou de chapiteaux, pour les fondations comme pour les élévations (Fig. 2)16. Le même phénomène est connu pour le chevet de la cathédrale Saint-Jean de Lyon ou pour la cathédrale Saint-Maurice de Vienne17.

Fig. 2. Le Puy-en-Velay, baptistère Saint-Jean, chevet, remplois antiques (cl. D. Morel).
2. La redécouverte de la pierre de taille
17Pour la fin du haut Moyen Âge, les témoignages bâtis montrent la prégnance de blocs travaillés au marteau têtu et à la châsse, assemblés à l’aide d’un épais mortier, pour des structures dévoilant l’importance première du rôle des maçons dans la mise en œuvre architecturale. À Chamalières, Mozac ou Billom, les blocs antiques sont récupérés et leur place redéfinie, mais rien ne laisse supposer l’existence d’un travail de redécoupage supplémentaire.
18La pierre de taille est alors uniquement d’origine antique et manipulée par des ouvriers étrangers à sa conception, sans outils de levage. Cette situation première est essentielle à évoquer pour comprendre le rôle de continuateur dans lequel va s’inscrire le tailleur de pierre dès la seconde moitié du XIe siècle.
19Peu à peu, on constate qu’une régularisation progressive des parements s’opère grâce à un calibrage mieux surveillé et à une réduction sensible de l’épaisseur des joints. Les litages sont davantage marqués, l’horizontalité recherchée et cette quête de qualité rend compte d’une formation progressive des ouvriers, disposant sans doute à présent d’un outillage plus complet.
20Cette maîtrise croissante des maçons est probablement favorisée par l’utilisation privilégiée des grès, des arkoses et des calcaires, du moins en ce qui concerne les chantiers de plaine sur lesquels les témoignages permettent d’insister. En effet, ces matériaux présentent différents degrés de dureté qui impliquent un travail attentif afin de limiter l'importance des éclats et ainsi la perte de matière première.
21La maîtrise technique du marteau têtu et de la châsse, principalement employés dans un premier temps, a alors impliqué une évolution notable, notamment dans la gestion du petit appareil précédant le développement de la pierre taillée.
22En effet, face à des matériaux moins résistants à la frappe, le maçon a dû montrer plus de précision et de mesure dans le geste ce qui a impliqué une maîtrise croissante de l’outillage disponible, une connaissance progressive et pratique des roches mises en œuvre et vraisemblablement une première diversification des qualifications et des expériences.
23Le matériau a pu jouer alors un rôle très important dans la formation progressive des ouvriers et ce déterminisme pourrait également expliquer la maîtrise précoce des bâtisseurs œuvrant dans le val de Loire ou en Normandie, conjointement au développement rapide de la pierre de taille déjà évoqué.
24En Auvergne et sur ses marges, l’essor général des appareils de qualité n’intervient que dans la seconde moitié du XIe siècle et passe en priorité par le renforcement des points structurants, au détriment d’une recherche de vastes zones parementées telles qu’elles existent à Auxerre, Tournus ou Angers. Il est alors probable que les maçons les plus qualifiés aient été affectés à la réalisation des supports, des arcs et des encadrements de baie qui constituaient maintenant une certaine nouveauté, d’autant que les observations ne font que confirmer des expériences de taille diversifiées, également liées à un outillage renouvelé.
25En Auvergne comme en Anjou ou en Bourgogne, les traces d’outils sont d’abord larges, irrégulières et profondes signalant une maîtrise technique peu assurée et une formation progressive des individus18. Mais les observations conduites à Auxerre permettent également de supposer qu’au-delà des transferts technologiques, ce sont bien les ouvriers les plus familiarisés avec les découpes exigeantes, en l’occurrence les sculpteurs jusqu’ici affectés à la réalisation des éléments de mobilier, qui purent aussi assurer la transition et œuvrer dans un premier temps à ces appareils privilégiés19.
26L’hypothèse paraît intéressante à proposer, notamment en observant la permanence des motifs d’entrelacs et de cercles sécants sur les premiers chapiteaux et tailloirs, tels qu’ils s’observent dans le petit prieuré de Saint-Quintin-sur-Sioule (Fig. 3).

Fig. 3. Saint-Quintin-sur-Sioule, église Saint-Quintin, arc triomphal, chapiteau et tailloir (cl. D. Morel).
27Mais elle paraît aussi essentielle à soulever dans la mesure où cette période voit apparaître les premiers exemples de plaques sculptées, précisément au moment où la pierre de taille et la sculpture monumentale investissent les sanctuaires comme ceux de Saint-Quintin-sur-Sioule ou de Saint-Romain-le-Puy, pour ne citer que ceux situés en limites de l'Auvergne (Fig. 4).

Fig. 4. Saint-Quintin-sur-Sioule, église Saint-Quintin, chevet (cl. D. Morel).
28En arrière-plan de la structuration des qualifications proposée par Hugues de Saint-Victor20, la question est alors celle de pratiques fortement décloisonnées, au contact d’une terminologie médiévale, souvent évoquée, hésitant fréquemment entre les termes cementarius (maçon), latomus (tailleur de pierre) et sculptor (sculpteur) pour qualifier les différents ouvriers.
29À ce propos, Dieter Kimpel souligne d’ailleurs les rapports de causalité entre le fait technique et la différenciation des tâches, ce qui permet de saisir l’implication des procédés dans l’évolution des catégories socioprofessionnelles associées au chantier :
« Les pierres étaient ajustées immédiatement avant leur emploi, à l’emplacement déterminé, on travaillait en quelque sorte au jour le jour ; la taille de la pierre et la pose se faisaient pratiquement en même temps ; ces deux opérations ne pouvaient donc avoir lieu qu’en période de beau temps. On doit supposer qu’alors il n’existait pas encore de division du travail entre tailleurs de pierre et maçons » 21.
30Quoi qu’il en soit, la seconde moitié du XIe siècle voit progressivement le tailleur de pierre investir les éléments architectoniques importants tout en réglant le travail du maçon encore très présent sur des chantiers comme ceux de Saint-Pont ou de Langy. Comme le souligne Pierre du Colombier :
« Il était dans la nature de choses que les deux métiers, et même les quatre, de tailleur de pierre, sculpteur, maçon et architecte, se différenciassent, mais ce fut d’abord, semble-t-il, question de fait plutôt que de droit et l’évolution se produisit à des époques différentes suivant les lieux » 22.
31Le fait paraît donc intervenir plus tard dans l’ancien diocèse de Clermont que dans d’autres diocèses comme ceux d’Autun ou de Nevers23, mais va surtout entraîner une première réorganisation des pratiques.
32Dans ce sens, les différentes architectures témoignant de cette période, dans l’ancien diocèse de Clermont (Menat, Ébreuil ou Souvigny), montrent une augmentation constante des qualifications des tailleurs de pierre, liée à une complexification des réalisations et à une structuration croissante des espaces et des élévations.
33Les assemblages s’affinent constamment, les faces de parement se régularisent grâce à la maîtrise progressive du marteau taillant et l’outillage se diversifie au moins dès la fin du XIe siècle puisque la percussion posée vient compléter le travail de finition, sous la forme de décors de chevrons gravés à la broche ou au ciseau, transposant sous forme décorative des pratiques techniques de l'Antiquité (Fig. 5 et 6).

Fig. 5. Pompéi, enceinte, grand appareil et traces de taille (cl. D. Morel).

Fig. 6. Ebreuil, église Saint-Léger, tour-porche, taille décorative (cl. D. Morel).
34Dès le début du XIIe siècle, le tailleur de pierre domine nettement, puisqu’il a la charge d’une grande partie des composantes tandis que le maçon n’est sollicité que pour réaliser le blocage interne et, dans la moitié nord du diocèse, le couvrement. Cette pierre de taille augmente bien sûr les qualités mécaniques des structures en renforçant la stabilité générale de l’édifice par l’utilisation des joints minces à séchage rapide, mais les risques de déformations sont de même atténués grâce à l’attention portée prioritairement aux points structurants. Le champ d’action du tailleur de pierre est élargi, expliquant son importance économique et technique par rapport aux autres intervenants.
35L’écart entre les savoir-faire se confirme alors rapidement, tout en admettant différents degrés d’expérience qui fragilisent en définitive toute volonté de classification. Les choses ne vont que se confirmer dans les deux premiers tiers du XIIe siècle. Or cet écart entre les pratiques est déterminant pour réfléchir à la hiérarchie des acteurs du chantier, notamment en ouvrant la discussion aux réalités sculptées.
3. Des degrés de qualification matérialisés
36Si le XIIe siècle voit l’émergence de tailleurs de pierre qualifiés, la seconde moitié du XIe siècle et le début du XIIe siècle sont aussi caractérisés par la multiplication des corbeilles ouvragées, substituées aux impostes carolingiennes. Cette complexification implique la mise en place de moyens matériels importants, et aussi de moyens humains à même de répondre aux exigences du maître d’œuvre, ce qui repose la question de la disponibilité de la main-d’œuvre.
37Mais elle ne saurait surtout impliquer immédiatement la mise en place de métiers fortement structurés aux pratiques bien délimitées, ce qui peut nous conduire à envisager certains phénomènes à travers le prisme de la perméabilité. Une hiérarchie des qualifications existe, favorisée par un apprentissage sur le terrain et par des capacités individuelles hétérogènes, qui ont vraisemblablement amené les commanditaires et les maîtres d’œuvre à développer une gestion optimisée de ces différentes compétences.
38L’existence d’échelles de qualifications peut d’ailleurs se pressentir pour le gros œuvre où les réalisations des tailleurs de pierre révèlent des niveaux d’exigences différenciés et éclairent les possibles étapes dans l’assimilation du « métier ». Mais l’existence de passerelles entre les pratiques doit aussi être observée au niveau des productions sculptées qui constituent le second domaine d’expression privilégié des ouvriers qualifiés.
39L’environnement du chantier doit alors être pensé comme un environnement où, sur le court comme sur le long terme, différents métiers et différentes cultures sont amenés à se côtoyer comme autant de possibilités d’échanges entre les savoirs, les savoir-faire et les expériences. La capacité supplémentaire de certains tailleurs de pierre à travailler aux structures et aux éléments complexes est d’ailleurs la condition nécessaire à une orientation vers d’autres pratiques puisque l’accumulation des savoir-faire et des connaissances semble logiquement le préalable à une responsabilisation progressive de l’ouvrier.
40Des étapes intermédiaires se révèlent malgré tout indispensables à une assimilation de nouvelles exigences et une confrontation répétée de quelques ouvriers aux assemblages les plus délicats a pu progressivement ébaucher une « spécialisation » intégrant plus largement celle des activités salariées étudiées par Robert Fossier24.
41Plus concrètement, en Auvergne, les premières expressions d’une sculpture monumentale parfaitement intégrée à la structure bâtie ne sont bien attestées qu’à partir du milieu du XIe siècle, dans des sanctuaires comme Ébreuil, Saint-Quintin-sur-Sioule ou Glaine-Montaigut. Les volumes généraux sont bien dessinés et les motifs puisent principalement dans le répertoire végétal ou, plus volontiers, géométrique, notamment par une transposition régulière des motifs tirés du répertoire carolingien et du mobilier25.
42Ce glissement est important dans la mesure où le sculpteur trouve ici un nouveau support d’expression, mais le plus intéressant réside dans le fait que, à côté des corbeilles antiques ou mérovingiennes remployées, ces corbeilles se présentent ponctuellement peu adaptées dans leurs dimensions aux supports et tailloirs auxquelles elles sont directement associées. Leur réalisation a pu, dès lors, intervenir loin des chantiers, comme le laissent penser les rares sources textuelles mentionnant une taille définitive en carrière pour les éléments les plus soignés.
43Ces quelques témoignages laissent encore supposer l’existence de tâches bien différenciées, même si d’autres formes de sculpture peuvent nous amener à nuancer cette idée. Cette sculpture est d’abord traitée en réserve et en faibles reliefs pour des formes peu détachées aux détails limités. Les exemples observés montrent une prédilection pour le calcaire et les grès, comme à Bort-les-Orgues, Beaumont ou Ébreuil, mais les mêmes traitements président à la réalisation de corbeilles en lave ou en granite telles que celles observées à Limoges ou Conques26.
44Dans cette période de formation et d’expérimentation, cela semble autoriser une certaine méfiance vis-à-vis du déterminisme du matériau, sans doute plus prégnant au XIIe siècle.
45Ponctuellement repérée sous la forme de masques à Saint-Quintin-sur-Sioule, la figuration apparaît quant à elle dès le troisième quart du XIe siècle à Souvigny, avant de bénéficier de plus larges développements à partir du tournant du XIIe siècle à l’intérieur même de la prieurale clunisienne, mais aussi à Menat. Pour cette dernière abbatiale, les chapiteaux illustrent un mouvement conjoint de complexification du répertoire et d’enrichissement du traitement, qui signale la formation progressive des ouvriers.
46Mais un phénomène plus important caractérise le programme sculpté de ce sanctuaire dans la mesure où il accueille les premières productions historiées du diocèse, notamment sous la forme d’un chapiteau déposé, centré sur la légende de saint Ménélée. Ce chapiteau historié, issu du répertoire savant, montre alors une recherche poussée dans les compositions, comme dans le traitement des personnages et de leur environnement, et motive sans doute l’intervention du sculpteur plus aguerri.
47La hiérarchie des qualifications est ici illustrée en partie, sans que nous puissions parvenir à préciser le statut réel des sculpteurs. À défaut, cela peut nous conduire à envisager une gestion logiquement réfléchie des qualifications au sein du chantier ; les meilleurs sculpteurs œuvrant aux thèmes savants.
48Toutefois, cette organisation « rationalisée » ne peut être définie immédiatement comme une règle absolue dans la mesure où même les premières tentatives de programme iconographique cohérent peuvent s’éloigner de ces cadres d’exigence, comme le laisse sous-entendre l’exemple de Souvigny dans le troisième quart du XIe siècle27.
49Ici, les thèmes végétaux sont omniprésents et montrent une prédilection pour les motifs de palmettes ou de rinceaux, mais aussi de torsades, billettes et damiers. Les reliefs sont très travaillés et découpés, et les détails font l’objet d’attentions particulières depuis la gravure jusqu’au travail au trépan. La maîtrise technique accompagne l’iconographie classique, mais les choses s’inversent totalement dès l’apparition de la figure pourtant associée aux thèmes illustrant les écrits.
50Effectivement, la figure humaine vient ici créer des points d’articulation dans une structuration spatiale conceptualisée où les corbeilles paraissent mettre en scène le Jugement dernier, le combat du Bien et du Mal, le passage de l’Ancien au Nouveau Testament ou encore les saints abbés Mayeul et Odilon, en relation directe avec l’aménagement du tombeau des abbés28. Pourtant, le traitement des personnages reste simplifié, procède par volumes épais rapidement découpés, et n’offre que peu de détails pour des compositions à la lisibilité finalement limitée.
51La mise en place de représentations signifiantes vient alors jalonner l’espace architectural dans un souci d’espaces polarisés, mais si la conception d’ensemble montre la volonté de retranscrire une construction spirituelle dans la construction matérielle, la mise en œuvre effective n’implique pas obligatoirement le recours aux sculpteurs les plus qualifiés. L’adéquation entre iconographie savante et maîtrise technique ne va d’ailleurs que ponctuellement se vérifier au XIIe siècle ce qui permet, au moins, de nuancer l’hypothèse de praticiens spécialisés dans l’iconographie liée aux textes sacrés.
52Les productions sont du reste plus nombreuses dans le diocèse dès le premier tiers du XIIe siècle passé, et permettent de réfléchir aux qualifications à travers deux échelles d’analyse qui concernent successivement le monument et l’espace du diocèse, tout en montrant finalement certaines parentés.
53Dans l’ensemble et en considérant les grands sanctuaires fortement irrigués par le milieu lettré, l’organisation des thèmes concourt fréquemment à structurer l’édifice, depuis l’avant-nef et la nef dévolues aux représentations d’un monde naturel peuplé de personnages fantastiques ou familiers, jusqu’au chœur dévolu aux corbeilles corinthiennes classiques et ouvragées, aux images les plus sacrées et aux corbeilles historiées. Des itinéraires privilégiés peuvent de même se retrouver pour modeler l’espace en fonction des pratiques liturgiques codifiées et tout concourt finalement à signaler une concentration de moyens et de qualifications élevées, à même de favoriser l’aboutissement de grands projets29.
54Néanmoins, dans le cas de sanctuaires comme Notre-Dame-du-Port ou Saint-Austremoine d’Issoire, les distinctions formelles existent déjà dans le traitement lorsque l’on compare les corbeilles des chœurs, les tympans sculptés ou les plaques et reliefs enchâssés, aux chapiteaux des vaisseaux ou des tribunes30. Les premiers sont plus disposés à accueillir des compositions détaillées et intellectualisées, tandis que les seconds se présentent plus volontiers simplifiés.
55Dès lors, la distinction a pu conduire les auteurs à réfléchir aux questions d’ateliers, de maître et de second, plus ou moins bien cernés, mais l’essentiel des analyses s’accorde bien à distinguer la production du chœur et de l’abside parfaitement exécutée, et les réalisations de la nef ou du transept, moins savamment traitées. Loin de la filiation à telle ou telle main difficile à préciser, la question est bien celle de qualifications différenciées, réparties sur le chantier en fonction des attentes des commanditaires, mais aussi finalement celle des espaces de liberté disponibles pour l’ouvrier qualifié.
4. Autres savoirs, autres pratiques
56Sur ce point, il est intéressant de constater qu’une expression moins codifiée s’installe dans les espaces occidentaux des grands sanctuaires des Monts Dores, pourtant exceptionnels par l’ampleur des chantiers. À côté des chapiteaux inachevés signalant l’absence de finalisation respectée et de surveillance poussée, on remarque en effet que des personnages aux traits épais, sommairement traités, viennent s’insérer dans des corbeilles feuillagées ou que des motifs zoomorphes en faible relief peuvent s’associer aux modillons classiques ou figurés, de manière plus marginale31. Même dans le cas des projets les plus aboutis, une expression plus libre peut alors exister, à côté des programmes conceptualisés, et trouver une place au contact de la production savante.
57Face à cette production, il est difficile de ne pas voir des artisans sans doute moins aguerris, mais surtout moins familiarisés avec les codes et cultures des élites et œuvrant précisément loin des espaces les plus sacrés. La confirmation vient de l’analyse de plus modestes chantiers où disparaissent les programmes iconographiques organisés et les exigences les plus poussées, mais où demeure la volonté d’insérer dans l’espace bâti des images sacrées, au moins sous la forme d’images sculptées.
58Dans ce sens, on remarque que les productions telles que celles observées à Biollet, Herment, Tauves ou Lanobre abandonnent la plupart des conventions utilisées sur les chantiers précédemment évoqués pour s’orienter vers des compositions aérées, simplifiées, dont les motifs procèdent par volumes épais et peu détaillés (Fig. 7). Les proportions ne sont guère respectées, les corps sont déformés et l’absence de détails limite constamment l’expressivité comme la lisibilité.

Fig. 7. Biollet, chapiteau, personnages sculptés (cl. B. Phalip).
59Les principes de réalisation répondent à d’autres qualifications, à d’autres références, que les règles convenues de l’esthétisme, un temps privilégié, ne permettent plus d’évaluer de manière satisfaisante. La question est plutôt celle de la gestion de main-d’œuvre et des qualifications, alors que se multiplient précisément les chantiers.
60L’adéquation entre niveaux de qualification et « hiérarchie » des thèmes traités par le sculpteur, si elle fonctionne à l’échelle du monument, n’est plus totalement opérante à l’échelle du diocèse. Sur ces mêmes chantiers montagnards, se retrouvent en effet des épisodes et des figures bibliques dont les mises en scène et la plastique s’éloignent considérablement des règles proposées par les élites. Le souci des commanditaires est alors bien d’associer à l’espace construit les images sacrées, mais le désir ne peut être concrétisé que par le recours à une autre catégorie d’ouvriers.
61Les causes sont peut-être en partie techniques dans la mesure où l’outillage employé a pu varier entre le chantier de plaine bien doté et le chantier de montagne aux moyens plus limités. Le sculpteur œuvrant sur les projets d’ampleur a pu ainsi travailler avec un outillage élargi, propice à des traitements affinés, tandis que le sculpteur évoluant loin des grands centres a pu privilégier un outillage réduit, limitant de fait les possibilités. Mais il faut également convenir avec Bruno Phalip que si « les sculpteurs les plus imprégnés de culture savante ont sans doute théorisé et conceptualisé la beauté artistique, il n’en va pas de même pour l’artiste d’origine populaire ou le tailleur de pierre qui se réfèrent à d’autres repères » 32.
62Implicitement, il s’agit bien de constater qu’une autre culture est susceptible d’investir les chantiers et que ces derniers participent également à la représentativité des couches modestes de la société à l’intérieur de l’Église, par le biais de la production artistique, comme Zygmunt Swiechowski le pressentait :
« Parmi les œuvres de moindre envolée, plus d’une s’approche de la limite séparant l’histoire de l’art proprement dite – tombant sous les critères de temps et de style – des manifestations qu’il a été convenu de qualifier d’art primitif et d’art populaire. […] L’art, jusqu’à un certain degré, cesse d’être une exclusivité aristocratique. Le modeste curé et le très humble tailleur de pierre viennent remplacer le savant théologien, dispensateur du programme iconographique, et l’artisan habile » 33.
63Les indices concordent alors pour signaler ici une hiérarchie des qualifications moins prononcée, et une proximité plus nette entre le travail du sculpteur et du tailleur de pierre, sans doute plus fréquemment confondus selon les moyens affectés. Le phénomène n’est d’ailleurs pas illogique en replaçant la plupart de ces chantiers dans un contexte de gestion optimisée de la main-d’œuvre et de relative pénurie de spécialistes qualifiés.
64Ainsi, en Haute Auvergne, cette proximité entre les savoir-faire est favorisée par le degré de qualification des tailleurs de pierre dont le travail admet plus volontiers les découpes exigeantes par le biais d’éléments de modénature et de décor multipliés ou de voûtes entièrement appareillées en pierres de taille. La hiérarchie entre les pratiques est limitée en même temps que les différences de traitement entre les simples corbeilles végétales ou figurées et les corbeilles aux thèmes savants tendent à s’amenuiser. La main-d’œuvre est sans doute plus rare et les tâches sont de fait moins compartimentées et distinguées. Les passerelles conduisant le lapicide expérimenté à s’orienter vers la pratique de la sculpture sont donc plus aisées à emprunter, d’autant que les commanditaires, eux-mêmes éloignés des grands centres savants aux exigences élevées, peuvent s’accommoder de formules moins codifiées34.
65Par contre, les plus grands chantiers, liés aux pôles économiques anciennement établis, nécessitent la réunion d’une main-d’œuvre plus abondante et peuvent attirer les ouvriers les plus qualifiés, ce qui pourrait expliquer l’existence de qualifications plus diversifiées. Les sculpteurs et les tailleurs de pierre les plus expérimentés travaillent aux espaces les plus sacrés, aux corbeilles corinthiennes classiques et historiées tandis que les ouvriers moins expérimentés œuvrent aux réalisations des transepts, des nefs, des tribunes, précisément en lien avec une iconographie moins officielle, montrant un univers encore naturel et familier35. La gestion de la main-d’œuvre y est plus stricte, en même temps que les programmes sont plus savants, ce qui nous conduit à percevoir finalement une hiérarchie peut-être plus particulièrement associée au cadre urbain.
66Mais cette possible distinction nous permet, en même temps, de pressentir des contextes favorables, d’un côté, à la polyvalence de l’ouvrier et, de l’autre, à une possible spécialisation, ce qui apporte quelques éléments critiques quant à une définition trop stricte des « métiers ».
67Pour Marcel Durliat, il est d’ailleurs difficile de dépasser le caractère hypothétique de cette organisation du métier :
« Nous manquons de données sur l’apprentissage, les relations entre les sculpteurs et les simples lapicides et que nous sommes mêmes incapables de prouver la spécificité de l’état de sculpteur [d’autant que] la transmission du métier dut se faire par l’exemple et non à travers l’enseignement de règles ou de recettes » 36.
68Cependant l’exemple de l'Auvergne permet au moins de mettre en évidence des modalités différentes, selon les milieux, ayant vraisemblablement présidé à la formation progressive des bâtisseurs, ce qui éloigne l’hypothèse de modèles rigides pour renforcer l’idée de situations nuancées.
5. Des passerelles matérialisées
69À ce propos, il est aussi intéressant de noter que cette sculpture trouve d’autres supports nettement plus en lien avec le champ d’action habituel du tailleur de pierre sous la forme de plaques sculptées, souvent enchâssées dans des appareils de qualité. La question de la perméabilité mérite alors d’être soulevée d’autant que le phénomène apparaît précisément au milieu du XIe siècle alors que la généralisation de la pierre de taille caractérise de nombreux chantiers et que les premiers chapiteaux à motifs végétaux et figurés réapparaissent en lieu et place des impostes carolingiennes.
70Dans l’ancien diocèse de Clermont et sur ses marges orientales, les premiers témoignages s’observent alors sur les chantiers de Saint-Romain-le-Puy et de Saint-Quintin-sur-Sioule tout en étant contemporains de ceux observés dans le Val de Loire et en Normandie37.
71Si l’existence d’un système peut donc être pressentie, il faut pourtant en souligner la diversité puisque, comme l’a montré Éliane Vergnolle, plusieurs cas de figure peuvent exister. Certains reliefs peuvent correspondre à des remplois ou au contraire être contemporains des chantiers, et l’on retrouve également des grands panneaux enchâssés, conçus indépendamment des maçonneries destinées à les accueillir comme dans les cas de Saint-Mexme de Chinon, de Saint-Benoît-sur-Loire ou de Saint-Paul de Cormery38.
72De même, ces plaques peuvent faire l’objet de plus ou moins d’attention, et peuvent plus ou moins participer à la mise en valeur d’espaces particuliers comme les espaces d’accueil et les chevets. Une certaine prédilection existe alors pour des motifs évoquant les productions passées, notamment en situation de visibilité (Saint-Germain d’Auxerre, Saint-Mexme de Chinon, Notre-Dame de Salagon, etc.).
73La question est bien celle d’une évocation délibérée, mais d’autres reliefs répondent visiblement à d’autres préoccupations tout en étant moins valorisés, à l’image de ceux observés à Saint-Philibert de Tournus ou Notre-Dame de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
74Pour Saint-Quintin-sur-Sioule et Saint-Romain-le-Puy, ces plaques sont bien individualisées, réparties sans ordre apparent et aucune véritable cohérence iconographique ne peut être signalée, si ce n’est à travers une large domination des motifs figuratifs, géométriques ou végétaux, loin des véritables scènes sculptées de Saint-Benoît-sur-Loire (Fig. 8). Des animaux aux volumes épais et aux détails gravés y apparaissent comme dans le cas de Notre-Dame de Bernay et d’autres thèmes semblent puiser dans le répertoire antique et altomédiéval, qu’il s’agisse des griffons au calice ou des entrelacs savamment agencés.

Fig. 8. Saint-Romain-le-Puy, église Saint-Romain, chevet, plaques sculptées et opus reticulatum (cl. D. Morel).
75Pourtant ces plaques ne constituent visiblement pas des remplois puisqu’elles utilisent les mêmes matériaux, qu’elles bénéficient régulièrement de cartouches structurant les différents motifs et que leurs dimensions s’inscrivent parfaitement dans les dimensions définies pour les assises d’appareil régulier.
76Peu d’indices laissent supposer l’existence d’éléments remployés, mais le plus intéressant est que leur traitement peut être ponctuellement rapproché des corbeilles sculptées, qui privilégient elles aussi les entrelacs, les cercles sécants et les compositions feuillagées tout en proposant une figuration encore limitée. Des reliefs zoomorphes du XIe siècle comme ceux de Saint-Philibert de Tournus, de Notre-Dame de Bernay ou de Saint-Quintin-sur-Sioule montrent alors des traitements identiques à ceux observés sur les chapiteaux environnants et même sur des corbeilles plus éloignées comme celles de Saint-Benoît-du-Sault, de Thaims ou du Nizan39.
77Les éléments de décor employés dès la période carolingienne peuvent ainsi progressivement intégrer la sculpture monumentale à la faveur d’un développement des supports, mais un même transfert nous paraît à envisager en direction de la pierre de taille, beaucoup plus proche par ses volumes et ses dimensions des anciens éléments de mobilier40.
78En effet, le mouvement conjoint de développement des appareils de qualité et de la production sculptée nécessite une nouvelle répartition des tâches au sein du chantier, une formation progressive des ouvriers, mais aussi appelle une nouvelle organisation du vocabulaire ornemental par le biais d’expérimentations variées.
79Les exemples de plaques sculptées les plus précoces sont du reste observés précisément sur les chantiers où la pierre de taille est très tôt valorisée, depuis la Normandie et le Val de Loire jusqu’à la Bourgogne. Mais comme nous pouvions le souligner à propos des transferts d’outillage, une certaine proximité doit être considérée dès le second tiers du XIe siècle entre le tailleur de pierre et le sculpteur pour comprendre d’autres types de production dérogeant alors aux formes et aux espaces privilégiés. Des passerelles existent entre les pratiques et, pour Henri Focillon, cet « art d’applique » introduisit d’ailleurs des relations « plus lâches » entre l’architecture et le décor sculpté que dans le cas des chapiteaux, ce qui permet de limiter la tendance à réfléchir en termes d’archaïsme ou de « rusticité », pour préférer de nouveau les perméabilités41.
80À ce propos, Éliane Vergnolle souligne la difficulté récurrente de cibler avec précision les auteurs de ces productions placées en situation de marge :
« Souvent les plaques constituent un refuge pour une sculpture plus populaire. Entre la maladresse de débutants souvent attribuée aux sculpteurs du XIe siècle, et celle des créations d’artisans de village, il est bien difficile parfois de trancher, car plus encore que l’étude des chapiteaux, celle des plaques souffre de préjugés évolutionnistes ».
81Mais elle souligne aussi implicitement que ces productions répondent bien à des qualifications diversifiées, déjà pressenties pour le diocèse de Clermont à propos des seules corbeilles :
« La nouveauté des problèmes posés par la sculpture de personnages, et, surtout, de scènes, sur des chapiteaux, nécessitait de la part des sculpteurs plus d’esprit d’invention que le travail sur une surface plate […]. Aussi ne trouve-t-on pas dans les reliefs […] de créations d’une force et d’une subtilité comparables à celles des chapiteaux figurés ou historiés ».
82L’important est surtout de saisir la possibilité offerte à l’ouvrier moins qualifié de participer à la valorisation de l’espace sacré, mais aussi de travailler au contact d’un monde de lettrés, au moins dès la seconde moitié du XIe siècle.
83Ces plaques sculptées ne vont d’ailleurs guère disparaître une fois l’essor de la pierre de taille passé, puisque nous en retrouvons des formes plus ou moins abouties au cours du XIIe siècle en Aquitaine comme dans les terres d’Empire. Ces reliefs sont alors souvent mieux organisés, admettent plus volontiers les traitements attentifs et viennent particulièrement mettre en valeur les chevets (Selles-sur-Cher, Saint-Paul-lès-Dax) et les tours occidentales comme dans les cas de Saint-Germain d’Auxerre, de Saint-Restitut et de Saint-Martin d’Ainay. Pour la tour Saint-Jean de l’abbaye bourguignonne, l’hypothèse de remplois du XIe siècle semble privilégiée, mais les frises de la vallée du Rhône paraissent bien s’inscrire comme des productions de la fin du XIe siècle et du XIIe siècle, participant aussi à une certaine valorisation de l’Antiquité42.
84Globalement, les tailles restent souvent en réserve et laissent alors des modelés en aplat et des détails peu marqués. Les représentations vont à l’essentiel tout en adoptant des motifs très variés et les thèmes restent fréquemment juxtaposés sans ordre apparent, ce qui limite la lecture à des regards isolés. L’intelligibilité de l’ensemble est relative ce qui tend, à côté de la hauteur et de la simplicité, à écarter l’idée d’œuvres didactiques, y compris lorsque celles-ci sont placées en situation de visibilité. Mais là encore, des variantes existent et nombreux sont les exemples où ces reliefs sculptés viennent intégrer des zones peu accessibles ou en partie masquées.
85Nous en retrouvons la trace pour la construction des clochers de Saint-Savin-sur-Gartempe ou de Saint-Patrocle de Colombier. Mais des plaques sculptées viennent aussi s’insérer à l’extérieur du transept de la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, sur les voûtes de l’église Saint-Michel de La Garde-Adhémar ou encore sur la coupole du campanile de la cathédrale de Viviers43.
86Ces reliefs participent alors de compositions décoratives savamment orchestrées comme au niveau du clocher de Notre-Dame de La Charité-sur-Loire, mais la plupart sont clairement isolés et peuvent montrer des traitements particulièrement simplifiés, loin des exigences habituellement observées dans le cadre la sculpture tridimensionnelle des chapiteaux ou des tympans sculptés44.
87Le cas de la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux paraît d’ailleurs intéressant à évoquer puisque ces reliefs marginalisés sont étroitement associés à des appareils de qualité et à une constante valorisation de la pierre de taille par l’intermédiaire de tailles décoratives variées.
88Effectivement, ces bas-reliefs se retrouvent en partie haute du transept dont l’édification est visiblement intervenue dans le second tiers du XIIe siècle, en même temps que celle du chevet ; deux parties de l’édifice qui se distinguent d’emblée par la présence abondante de tailles décoratives exécutées au ciseau et au trépan (Fig. 9)45. L’outillage du tailleur de pierre est alors élargi à celui habituellement employé par les sculpteurs aguerris et il n’est pas anodin de remarquer que, comme dans le cas des techniques de taille observées dans le Val d’Allier46, les tailleurs de pierre ici employés procèdent à un travail de finition par impacts alternés. Au-delà de l’esthétique monumentale, la prégnance du cadre antique sera alors essentielle à considérer dans la mesure où le cadre technique prolongera lui-même les usages de l’Antiquité.

Fig. 9. Saint-Paul-Trois-Chateaux, cathédrale Saint-Paul, plaques sculptées (cl. D. Morel).
89Sans pour l’instant livrer toutes les données, on constate également que de courtes stries horizontales peuvent être encadrées d’un liseré soigné, ce qui signale un degré d’exigence technique élevé, précisément en lien avec des traditions mieux maintenues. D’autres tailles plus décoratives apparaissent régulièrement comme des courbes concentriques en pointillé ou des traits gravés divisant la surface en champs géométriques où alternent ciselures et pointillés.
90Bien des aspects signalent donc un souci constant de valoriser la pierre de taille par un travail soigné ou l’insertion d’un ornement gravé et la tentation pour le tailleur de pierre qualifié est bien de dépasser la procédure « habituelle » pour aller vers d’autres pratiques et acquérir d’autres qualifications.
91Le fait est confirmé en partie interne, à l’intérieur des dernières travées de la nef et du transept où, à côté des tailles décoratives, apparaissent ponctuellement des motifs simplement gravés ou sculptés en méplat sur des carreaux de moyen appareil régulier. Comme le précise Andreas Hartmann-Virnich, animaux, personnages et ornements végétaux répondent alors à une exécution « assez rudimentaire » et le même type de remarques pourrait être formulé au sujet des lions gravés du chevet de Saint-Michel de Clansayes.
92Mais l’important est bien de souligner que le tailleur de pierre paraît bien disposer d’une certaine liberté à l’intérieur du même du chantier et paraît à même de dépasser la seule compétence technique pour finalement participer également à la valorisation de l’espace sacré47.
93Ce type de gravure et de méplat se retrouve de nouveau à l’extérieur, sur la face méridionale de la nef et dans les parties hautes du transept, sans répondre à une volonté de visibilité. Le groupe de reliefs en réserve ne répond alors à aucune organisation et présente des thèmes variés, depuis les figures anthropomorphes (personnages, cavaliers), zoomorphes (oiseaux) et fantastiques (centaures, sirènes), jusqu’aux motifs végétaux et géométriques plus ou moins détaillés.
94Le module employé répond parfaitement au moyen appareil régulier environnant dont la taille et l’assemblage révèlent une extrême attention. Comme à Saint-Restitut ou à Saint-Quintin-sur-Sioule, certains reliefs occupent toute la surface du carreau et seule une bordure a été conservée pour former un véritable cadre à l’image sculptée.
95En revanche, d’autres montrent des limites plus régulières, laissant des zones de la face de parement préservées et d’autres apparaissent encore recoupés, ce qui confirme des situations diversifiées. Certaines plaques sculptées correspondent alors à des éléments remployés, mais aussi à des tentatives de sculpture menées par des ouvriers qualifiés, dont les sources d’inspiration sont, pour partie, liées directement au chantier.
96Dans ce sens, des motifs de cercles entrecroisés et de cordes entrelacées, sommairement traités, se repèrent tant sur ces pierres de taille isolées que sur l’ensemble décoratif mis en œuvre à l’intérieur de la coupole surmontant la croisée. Cette proximité permet de renforcer un lien possible entre une pratique de la sculpture et une maîtrise technique de la taille de pierre dans cette seconde moitié du XIIe siècle. Ce lien est d’autant plus logique ici que la réalisation de la coupole et de son ensemble ornemental a appelé des tentatives préparatoires, des premiers essais, alors même que s’achevait l’édification des bras du transept.
97Les motifs et leur rendu ont alors été expérimentés avant l’achèvement effectif de la croisée et certaines ébauches ou certains « ratés » ont été remployés dans le parement sous la forme de carreaux isolés. Le phénomène n’est d’ailleurs pas unique et pourra précisément se retrouver à Viviers ou à l’intérieur des tribunes méridionales de Notre-Dame-du-Port de Clermont où l’ébauche d’un chapiteau sera finalement remployée comme imposte.
98Au-delà des cas particuliers, et sans en ériger le principe comme une règle absolue, le fait est intéressant puisqu’il peut donc confirmer l’existence d’un travail de sculpture encore réalisé sur le site même du chantier, pour des entreprises placées dans la seconde moitié du XIIe siècle. Malgré la recherche d’une organisation rationalisée, telle qu’elle apparaît dans le Midi ou l’Anjou dès le XIe siècle, la taille définitive des blocs en carrière ne parait pas un procédé encore généralisé et cette période est bien marquée par des contacts encore permanents entre les différents corps de métiers, d’ailleurs visiblement peu structurés48.
99La proximité entre le tailleur de pierre et le sculpteur, particulièrement forte dans des contextes de maîtrise technique élevée, est bien une réalité des chantiers du XIIe siècle et des parallèles pourraient, à ce titre, être proposés entre les chantiers de Saint-Paul-Trois-Châteaux ou de la cathédrale de Viviers, et les églises de Haute Auvergne pourtant éloignées. En dépit de contextes différents, une même exigence de qualité pourrait s’y retrouver, comme l’existence d’une production sculptée moins codifiée, ce qui constitue d’importants indices susceptibles de renseigner la formation des ouvriers.
100Cette présence de passerelles apparaît somme toute logique dans la mesure où les chantiers sont des lieux d’échanges entre les différents acteurs de la construction, d’autant plus lorsque les projets mis en œuvre impliquent un recours à différents métiers. Sans ici traiter du problème de la durée des travaux qui nécessite la prise en compte de trop nombreux paramètres, nous pourrions aussi souligner que des chantiers comme ceux de Saint-Paul-Trois-Châteaux, de Notre-Dame-du-Port ou de Notre-Dame d’Orcival se déroulèrent sur plusieurs dizaines d’années, ce qui permet de pressentir, à travers des contacts prolongés entre les individus, des conditions favorables à une lente formation des ouvriers49.
101Des chantiers plus modestes comme ceux de Saint-Quintin-sur-Sioule ou de Notre-Dame d’Agonges, où les distinctions entre œuvres de sculpteurs et œuvres de tailleurs de pierres sont difficilement opérées, durent aussi participer à cette assimilation progressive d’autres savoir-faire, et l’enjeu est bien, en définitive, de dépasser la vision d’une « sculpture déconcertante » 50 pour repenser l’organisation humaine des chantiers.
Conclusion
102Finalement, si l’organisation des entreprises du bas Moyen Âge, bien connue grâce aux sources, laisse pressentir une répartition stricte des tâches et une organisation réglementée des pratiques, les usages ne sont sans doute pas aussi hermétiques sur les chantiers des XIe et XIIe siècles. Dans le cadre religieux, les chantiers apparaissent plutôt comme des lieux d’expression possible pour l’ouvrier qualifié, notamment sous la forme de productions artistiques plus ou moins encadrées et normalisées.
103Plus que des étapes de formation, les tailles décoratives, les ornements gravés et les reliefs insérés peuvent témoigner d’une recherche d’esthétisme et d’individualisation tout en montrant une certaine vitalité nécessaire à la création. Si l’étude des productions marginales « prouve la précarité des considérations stylistiques et l’importance de l’étude du rapport entre le décor sculpté et la construction » 51, elle peut aussi nous amener à reconsidérer, à la lumière de certaines images et mentions directement associées au chantier, l’ambiguïté de la terminologie utilisée aux XIe et XIIe siècles. La difficulté sera alors encore de confronter les réalités matérielles aux limites « textuelles ».
104Situé non loin du diocèse de Clermont, le cas du prieuré Saint-Pierre de Carennac, dans le Quercy, semble ici particulièrement intéressant à évoquer puisque l’avant-nef et la nef y sont séparées par un portail en plein cintre, sans doute édifié au tournant du XIIe siècle, et dont les arcs reposent sur quatre chapiteaux ornés d’oiseaux et de fauves traités en faible relief52. Le traitement de la sculpture nous renvoie aux exemples évoqués précédemment, mais la mise en œuvre soignée de la structure s’accompagne d’une inscription mentionnant l’intervention d’un dénommé Girbertus, qualifié de « cementarius » 53.
105Le terme, désignant habituellement le maçon, pose alors le problème du travail effectif de l’ouvrier qualifié, pouvant aller de la seule conception à l’entière réalisation, mais la présence de reliefs « rudimentaires » semble un indice intéressant susceptible d’éclairer précisément les compétences du seul « maçon ». Les réalités socioprofessionnelles ne peuvent être systématiquement pensées en termes de cloisonnements, notamment alors que se mettent en place de nouvelles techniques de construction et de nouveaux systèmes d’ornementation.
106Des hésitations réapparaissent d’ailleurs à l’étage de l’avant-nef de Saint-Philibert de Tournus, élevé dans le second quart du XIe siècle, puisque le « sculptor » figuré sur l’arc de Gerlannus tient cette fois dans ses mains le seul marteau taillant, outil par excellence des tailleurs de pierre (Fig. 10)54. La question mériterait bien sûr un examen plus approfondi et détaillé, à la lumière de multiples exemples, mais l’important est bien de considérer que ce flou apparent peut aussi traduire l’existence d’échelons de qualifications dans les différents savoir-faire, ainsi qu’une lente structuration des métiers qui ne sera effective qu’à la période « gothique ».

Fig. 10. Tournus, Saint-Philibert, Arc de Gerlannus, artisan de la pierre (cl. D. Morel).
Notes de bas de page
1 Kimpel D., « Structures et évolution des chantiers médiévaux », in Aceto F. et al. dir., Chantiers médiévaux, Paris, 1996 ; cf. plus récemment P. Bernardi, Bâtir au Moyen Âge, Paris, 2011.
2 Ibid.
3 Martinez D. et Morel D., « L'architecture religieuse de l'Auvergne entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge à travers la documentation archéologique », Hortus Artium Medievalium, 18-1, 2012, p. 97-121.
4 Sapin C., « La technique de construction en pierre autour de l’an mil, contribution à une réflexion et perspectives de recherches », in Prigent D., Tonnerre N.-Y. éd., La construction en Anjou au Moyen Âge, Angers, 1998, p. 13-31 ; Sapin C. et Prigent D., « La construction en pierre au Moyen Âge », in Bessac J.-C. et al. éd., La construction. Les matériaux durs : pierre et terre cuite, Paris, 1999, p. 117-148.
5 Adam J.-P., La construction romaine : matériaux et techniques, Paris, 1984 ; C. Sapin et D. Prigent, « La construction romane et ses emprunts aux méthodes de construction antiques : méthodologie, essai de synthèse », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 39, 2008, p. 223-233.
6 Lesueur F., « Saint-Martin d’Angers, la Couture du Mans, Saint-Philibert de Grandlieu et autres églises à éléments de brique dans la région de la Loire », Bulletin Monumental, 119, 1961, p. 211-242.
7 Liégard S., « La nécropole du haut Moyen Âge de la place de la République à Néris-les- Bains (Allier) », in Fizellier-Sauget B. dir., L’Auvergne de Sidoine Apollinaire à Grégoire de Tours, Paris, Presses universitaires Blaise Pascal, 1999, p. 219 et suiv. ; Duval N. dir., Les premiers monuments chrétiens de la France, t. II, Sud-Ouest et Centre, Paris, Éditions Picard, 1996, p. 59.
8 Cf. Liégard S. et Fourvel A., « L’église Saint-Blaise de Chareil-Cintrat », Bulletin Scientifique Régional Auvergne, 2005, p. 30-31.
9 Carcel A., Parron I., Reynaud J.-F., Le prieuré de Saint-Romain-le-Puy, Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 1992.
10 Martinez D., Le site de La Couronne à Molles, Rapport de fouilles programmées 2011, DRAC/SRA Auvergne, Clermont-Ferrand, 2012, 3 vol.
11 Adam J.-P., La construction romaine : matériaux et techniques, Paris, Éditions Picard, 1984, p. 156.
12 Marino Malone C., "Les fouilles de Saint-Bénigne de Dijon (1976 - 1978) et le problème de l'église de l'an mil", Bulletin Monumental, 138-3, 1980, p. 253-291.
13 Baud A., Rollier G., « Liturgie et espace monastique à Cluny à la lecture du Liber Tramitis, Descriptione Monasterii et des données archéologiques », in Baud A. et al. éd., Espace ecclésial et liturgie au Moyen Âge, Lyon, 2010, p. 27-42 ; Sapin C., La Bourgogne préromane : construction, décor et fonction des édifices religieux, Paris, Éditions Picard, 1986, p. 163.
14 Morel D., Tailleurs de pierre, sculpteurs et maîtres d’œuvre dans le Massif central. Le monument et le chantier médiéval dans l’ancien diocèse de Clermont et les diocèses limitrophes (XIe-XVe siècles), Clermont-Ferrand, thèse soutenue en 2009, vol. 1, p. 232.
15 Ferdière A., « Ferme indigène et villa gallo-romaine des Chazoux à Gannat (Allier) », in Martin D. dir., L’identité de l’Auvergne. Mythe ou réalité historique. Essai sur une histoire de l’Auvergne des origines à nos jours, Nonette, 2002, p. 92.
16 Foulquier L., Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois (Antiquité - haut Moyen Âge). Pour une nouvelle approche de la christianisation et des sanctuaires de l’ancien diocèse de Clermont au Moyen Âge, Clermont-Ferrand, thèse soutenue en 2008, 4 vol.
17 Reynaud J.-F., « Lugdunum christianum : Lyon du IVe au VIIIe siècle : topographie, nécropoles et édifices religieux », Documents d’Archéologie Française, 69, 1998 ; Reveyron N., « Les échanges artistiques entre Vienne et Lyon. Inventions et influences dans l’architecture romane des cathédrales Saint-Maurice et Saint-Jean », Bulletin de la Société des Amis de Vienne, 1994, p. 81-97.
18 « Il fallait bien que les maçons réapprennent à tailler la pierre […] », Erlande-Brandenbourg, A., La cathédrale, Paris, 1989, Éditions Fayard, p. 115 ; Erlande-Brandenbourg A., De pierre, d’or et de feu. La création artistique au Moyen Âge, IVe-XIIIe siècle, Paris, Éditions Fayard, 1999, p. 146.
19 Dans le diocèse de Clermont, ces éléments de mobilier ne sont connus qu’à travers quelques fragments remployés (Notre-Dame de Clermont, Sauxillanges, Saint-Pierre de Souvigny, Saint-Julien de Brioude, etc.). Voir Chevalier P., « Les installations liturgiques romanes dans le diocèse de Clermont. Découvertes récentes : des autels, des armoires, des chancels, des tombeaux », Liturgie, arts et architecture à l’époque romane, Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 34, 2003, p. 135-140.
20 Saint-Victor H., Didascalicon, Paris, Bibliothèque nationale, Ms. Lat 15256.
21 Kimpel D., « Structures et évolution des chantiers médiévaux », op. cit., p. 14.
22 Du Colombier P., Les chantiers des cathédrales. Ouvriers, architectes, sculpteurs, Paris, Éditions Picard, 1953, p. 117.
23 Berry W., Romanesque architecture in the rural Autunois and the processes of stylistic change, Thèse de doctorat, 4 vols., Columbia, Université du Missouri, 1993 ; SERBAT L. "Église Saint-Étienne", in Congrès archéologique de France, Moulins et Nevers, 1913, Paris, Société Française d'Archéologie, 1916, p. 339-352.
24 Fossier R., Le travail au Moyen Âge, Paris, Éditions Hachette Littérature, 2000, p. 48.
25 Cabanot J., Les débuts de la sculpture romane dans le Sud-Ouest de la France, Paris, Éditions Picard, 1987, p. 75 et suiv. ; Durliat M., « La sculpture du XIe siècle en Occident », Bulletin Monumental, 152-1, 1994, p. 129-213, notamment p. 147 et suiv.
26 Sur les corbeilles de Saint-Martial voir É. Proust, « Les chapiteaux de l’abbatiale, épaves d’un décor sculpté », in Andrault-Schmitt C. dir., Saint-Martial de Limoges. Ambition politique et production culturelle (Xe-XIIIe siècles), Limoges, 2006, p. 241-279.
27 Goutayer V., « Souvigny, la naissance d’un programme iconographique cohérent vers le milieu du XIe siècle, la nef de la priorale Saint-Pierre », in Baud A. dir. A.C.R. Morphogenèse de l’espace ecclésial au Moyen Âge : organisation, construction, fonction, Rhône-Alpes-Auvergne, U.M.R. 5138, Lyon II, Rapport final de synthèse.
28 Chevalier P., « Le tombeau et les monuments funéraires médiévaux des saints abbés Mayeul et Odilon de Cluny », Hortus Artium Medievalium, 10, 2004, p. 119-132.
29 Phalip B., Des terres médiévales en friches, pour une étude des techniques de construction et des productions artistiques montagnardes, l’exemple de l’ancien diocèse de Clermont, face aux élites, une approche des simples et de leurs œuvres, Université de Clermont-Ferrand II, Mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches, 2001, vol. I, p. 69 et suiv. ; Phalip B., Art roman, culture et société en Auvergne. La sculpture à l’épreuve de la dévotion populaire et des interprétations savantes, Clermont-Ferrand, 1997 (Publication de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand. Fascicule 46).
30 Morel D., Tailleurs de pierre, sculpteurs et maîtres d’œuvre dans le Massif central, op. cit., t. III et IV.
31 Ibid.
32 Phalip B., Des terres médiévales en friches, op. cit., voir notamment p. 78-87.
33 Zwiechowksy Z., Sculpture romane d’Auvergne, Clermont-Ferrand, Éditions Georges De Bussac, 1973, p. 378 et suiv.
34 Paul J., L’église et la culture en Occident, IXe-XIIe siècles, t. 2, L’éveil évangélique et les mentalités religieuses, Paris, Presses Universitaires de France, 1986, notamment p. 447 et suiv. ; Aubrun M., La paroisse en France des origines au XVe siècle, Paris, Éditions Picard, 1986, p. 116-139 ; Aubrun M., « Le clergé rural dans le royaume franc du VIe au XIIe siècle », in Bonnassié P. dir., Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, 1995, p. 15-27.
35 Pour le chantier de Saint-Jacques de Compostelle, S. Mojalero émet l’hypothèse que « […] les artistes les plus doués de l’atelier taillaient déjà des pièces pour les portails, tandis que l’on complétait la construction du transept en confiant sa décoration à de simples tailleurs de pierre ». Mojalero S., « Saint-Jacques-de-Compostelle. Les origines d’un chantier roman », in Aceto F. et al., Chantiers médiévaux, op. cit., p. 141.
36 Durliat M., « La sculpture du XIe siècle en Occident », Bulletin Monumental, 152-1, 1994, p. 129-213, ici p. 132.
37 Vergnolle E., « L’art des frises dans la vallée de la Loire », in Kahn D. éd., The romanesque frieze and its spectator, Londres, 1992, p. 97-120 ; Vergnolle E., L’art roman en France. Architecture, peinture, sculpture, Paris, Éditions Flammarion, 1994, p. 118-122 ; Vergnolle E., Saint-Benoît-sur-Loire et la sculpture du XIe siècle, Paris, Éditions Picard, 1985, p. 107-123 ; Baylé M., « Frises et dalles sculptées dans l’architecture romane de Normandie », in Kahn D. éd., The romanesque frieze and its spectator, op. cit. p. 75-83.
38 Voir Vergnolle E., « L’art des frises dans la vallée de la Loire, op. cit., p. 97-120 ; Lorans E. dir., Saint-Mexme de Chinon, Ve-XXe siècle, Paris, Éditions du C.T.H.S., 2006, p. 89 et suiv.
39 Cabanot J., Les débuts de la sculpture romane, op. cit., p. 63 et suiv.
40 Voir également Baylé M., « Les origines et les premiers développements de la sculpture romane en Normandie », Art de Basse-Normandie, 100 bis, 1991, p. 97 et suiv.
41 Focillon H., « Recherches récentes sur la sculpture romane en France au XIe siècle », Bulletin Monumental, 97, 1938, p. 49-72.
42 Sapin C. dir., Archéologie et architecture d’un site monastique (Ve-XXe siècle). Dix ans de recherches à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, Paris, Auxerre, Édition du C.T.H.S., 2000, p. 117 ; Parron I., Becker C., « L’abbaye d’Ainay à Lyon : résultats de l’étude archéologique du bâti », in Reynaud J.-F., Richard F., L’abbaye d’Ainay des origines au XIIe siècle, Lyon, 2008, p. 133-150 et notamment p. 138 ; Fontaine S., La frise sculptée de l’église de Saint-Restitut, mémoire de maîtrise en histoire de l’art médiéval, dir. Jullian M., Grenoble, université Pierre Mendès France, 1999, 2 vol.
43 Esquieu Y., Guild R., « Le campanile de la cathédrale de Viviers », in Congrès Archéologique de France, Moyenne vallée du Rhône, 150e session, Paris, Société Française d’Archéologie, 1995, p. 333-350 ; Esquieu Y., « La cathédrale de Viviers et les bâtiments du cloître (XIIe-XIIIe siècles) », Bulletin Monumental, 141-2, 1983, p. 123-128 ; Vallery-Radot J., « L’église Saint-Michel de La Garde-Adhémar », in Congrès Archéologique de France, Valence et Montélimar, 86e session, Paris, Société Française d’Archéologie, 1925, p. 291-306.
44 Les plaques du clocher de l’abbatiale de La Charité-sur-Loire ont été également considérées comme des remplois. Cf. Deschamps P., « Dalles carolingiennes incrustées dans le clocher de La Charité-sur-Loire », Bulletin Monumental, 79, 1920, p. 223-230.
45 Hartmann-Virnich A., Saint-Paul-Trois-Châteaux et Saint-Trophime d’Arles et l’église romane à trois nefs en Provence rhodanienne : architecture, construction, évolution, Thèse de doctorat en Histoire de l’Art et Archéologie, dir. Démiand-D’Archimbaud G. et Février P.-A., université de Provence, 1992, notamment p. 166-167 ; Hartmann-Virnich A., « La cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Paul de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) », in Congrès Archéologique de France, Moyenne vallée du Rhône, op. cit., p. 239-278.
46 Morel D., Tailleurs de pierre, sculpteurs et maîtres d’œuvre dans le Massif central. Le monument et le chantier médiéval dans l’ancien diocèse de Clermont et les diocèses limitrophes (XIe-XVe siècles), Clermont-Ferrand, thèse soutenue en 2009, vol. 1.
47 Hartmann-Virnich A., Saint-Paul-Trois-Châteaux et Saint-Trophime d’Arles et l’église romane à trois nefs en Provence rhodanienne, op. cit., p. 28.
48 Hartmann-Virnich A., « Préfabrication, module et “ standardisation ” dans l’architecture de pierre de taille médiévale : quelques exemples du Sud-Est de la France (XIIe-XIVe siècles) », in Lorenz J. et Gély J.-P., Carrières et constructions en France et dans les pays limitrophes, t. IV, Paris, Éditions du C.T.H.S, 2004, p. 187-204 ; Prigent D. , « Les débuts du moyen appareil : l’exemple de l’Anjou-Touraine (Xe-XIIIe siècles), in Blary F., Gély J.-P. et Lorenz J. dir., Pierres du patrimoine européen. Économie de la pierre de l’Antiquité à la fin des Temps modernes, Paris, Éditions du C.T.H.S., 2008, p. 295-308 ; Prigent D., « la pierre de construction et sa mise en œuvre : l’exemple de l’Anjou », in Utilis est lapis in structura. Mélanges offerts à Léon Pressouyre, Paris, Éditions du C.T.H.S., 2000, p. 461-474 et notamment p. 470 et suiv.
49 Hartmann-Virnich A., Saint-Paul-Trois-Châteaux et Saint-Trophime d’Arles, op. cit., p. 166-167 ; Bernardi P. « Le facteur temps : réflexions sur les délais de construction au Moyen Âge », in Cavaciocchi S., L’edilizia prima della rivoluzione industriale secc. XIII-XVIII, Atti della « Trentaseiesima Settimana di studi », 26-30 aprile 2004, Istituto internazionale di storia economica "F. Datini", Florence, Éditions Le Monnier, 2008, p. 389-401 ; Phalip B., « Investir les technologies. Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand », in Phalip B. Techniques et technologies. Nouvelles approches de la recherche, Siècles, 22, 2006, p. 39-52 ; Morel D., Tailleurs de pierre, sculpteurs et maîtres d’œuvre, op. cit., t. III, p. 136, 240, 337 et 411.
50 Courtillé A., Auvergne et bourbonnais gothiques, les débuts, Nonette, Éditions Créer, 1991, p. 469.
51 Hartmann-Virnich A., Saint-Paul-Trois-Châteaux et Saint-Trophime d’Arles, op. cit., p. 108.
52 Pêcheur A.-M., « Le prieuré-doyenné de Carennac », in Congrès Archéologique de France, 147e session, Quercy, Paris, 1989, p. 171-183.
53 « Girbertus cementarius fecit istum portarium benedicta sit anima eius » (Gilbert, maçon, a fait ce porche. Que son âme soit bénie), R. Favreau dir., Corpus des inscriptions de la France médiévale, 9, Aveyron, Lot, Tarn, Paris, Éditions du C.N.R.S., 1984, p. 94.
54 Henriet J., Saint-Philibert de Tournus : l’abbatiale du XIe siècle, Paris, 2008 (édition originale 1992), Société Française d’Archéologie, p. 89-91.
Auteur
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David Morel
Docteur en Histoire de l'art et Archéologie médiévales. Thèse soutenue en 2009 intitulée « Tailleurs de pierre, sculpteurs et maîtres d'œuvre dans le Massif Central ». Directeur Agence Centre / Ingénieur d'étude en archéologie médiévale, Bureau d'Investigations archéologiques HADES, 9 rue Vidailhan, 31 130 BALMA.
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