URL originale : https://books.openedition.org/artehis/31828

Conclusion. L’habitat de hauteur entre Protohistoire et haut Moyen Âge : pour une approche diachronique
Damien Martinez et Amélie Quiquerez
Texte intégral
1Au travers de ces quelques contributions, ce dossier entend proposer de nouvelles perspectives pour l’approche des occupations de hauteur, en prônant notamment une collaboration plus étroite entre spécialistes des âges des Métaux et de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge. Cette coopération peut se traduire d’une part à l’échelle des sites, lorsque l’occasion se présente, d’autre part à l’échelle de territoires plus ou moins vastes afin de mettre en évidence l’existence de logiques spatiales communes aux deux périodes. On le comprend ici, l’investissement des points hauts à la Protohistoire comme au cours des premiers siècles du Moyen Âge semble intimement lié à la position stratégique des sites au sein d’un paysage, expliquant ainsi le phénomène de superposition des occupations souvent attesté. Dans un certain nombre de cas, ces stratégies d’implantation relèvent de préoccupations liées au marquage et au contrôle des marges et confins des territoires. Comme on le voit dans le présent dossier avec l’Auvergne, la présence de fortifications sur les premières hauteurs du massif du Livradois-Forez, à intervalle régulier, trahit sans ambiguïté la volonté de verrouiller la cité de Clermont sur ses marges orientales durant l’Antiquité tardive. Ce faisant, on est en droit de s’interroger sur la possibilité que certaines hauteurs aient été investies à la Protohistoire pour des raisons similaires, comme on peut le pressentir à Mesmont (pour l’Antiquité tardive également d’ailleurs), à Vix ou encore à Cusset, avec l’oppidum de Viermeux faisant face au site tardo-antique de La Couronne.
2Le lieu d’implantation doit répondre à plusieurs critères. Le choix porte en premier lieu sur une position topographique dominante vis-à-vis d’une étendue de plaine et/ou d’une vallée, dans une perspective de co-visibilité avec les points bas, mais, aussi, et peut-être surtout, pour la protection qu’offre cette position naturelle, en complément de laquelle sont systématiquement bâtis des ouvrages défensifs. Parallèlement, il s’agit d’exercer un contrôle des voies de circulation naturelles, si bien que les zones situées à la confluence de deux vallées sont bien souvent privilégiées. De ce fait, la préoccupation défensive ne saurait expliquer seule l’attrait pour les lieux perchés au cours des deux périodes, les aspects économiques, politiques, religieux ou symboliques entrant nécessairement en ligne de compte. Ceux-ci reposent premièrement sur le contrôle des réseaux d’échange et de commerce, découlant directement de la surveillance des voies, mais aussi sur la gestion de territoires, et plus encore de terroirs se déployant sur les points hauts. De ce point de vue, on pourrait considérer ce phénomène de perchement comme finalement plus intuitif que ne l’est la colonisation des plaines. Celles-ci sont naturellement plus accessibles et offrent un potentiel agricole permettant le développement d’une agriculture « extensive », mais parfois au prix d’un investissement économique considérable dans le cadre d’importants travaux de drainage. Pour aller plus loin, l’enjeu est à présent de s’extraire des sites et d’appréhender l’environnement avec lequel ils ont interagi, par le biais d’enquêtes thématiques visant à restituer les paysages plus ou moins proches. Les premières tentatives en ce sens – on le voit avec le cas de l’Auvergne au sein de ce dossier – montrent clairement des phases de déboisement et de défrichement intenses des zones montagnardes aux périodes considérées ici, témoignant d’un investissement remarquable de l’arrière-pays, faisant en quelque sorte de certains sites de hauteur les points de départ (et de contrôle) de fronts pionniers durant la Protohistoire comme au cours du haut Moyen Âge.
3Enfin, on peut se demander dans quelles mesures les modèles d’occupation des sites de hauteur proposés aujourd’hui ne peuvent-ils pas être biaisés par la mise au jour des vestiges archéologiques préservés ou détruits au gré des processus naturels. Ceci explique peut-être aussi pourquoi le phénomène de perchement de l’habitat est aussi prégnant et partage un certain nombre de caractéristiques communes de part et d’autre de la période romaine.
4Le dossier ici réuni pose ainsi les jalons d’une collaboration du moins nécessaire, sinon indispensable entre protohistoriens et (haut)médiévistes, qu’on ne peut qu’espérer fructueuse dans les années à venir. Au-delà, cette coopération gagnerait à tisser des liens plus étroits avec géoarchéologues et paléoenvironnementalistes dans le but de restituer les paysages passés et, plus largement, d’analyser les liens entre dynamique des paysages et dynamique d’occupation humaine sur le temps long.
5Les archéologues spécialistes de ce type de contexte se retrouvent ainsi face à un triple enjeu aujourd’hui : 1) poursuivre l’exploration extensive de ces sites par le biais de la fouille, complétée dans la mesure du possible par des prospections géophysiques ; 2) mettre en place des méthodologies d’investigation concertées entre protohistoriens et médiévistes ; 3) systématiser les approches multiscalaires en intégrant, notamment, des données paléoenvironnementales.
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Approche diachronique des sites de hauteur
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