URL originale : https://books.openedition.org/artehis/31762
Préface
Texte intégral
1Je ne sache pas qu’un archéologue, fût-il préhistorien ou protohistorien, ait à ce jour un déroulé de carrière conçu et présenté de façon aussi originale que celui de Jean-Paul Guillaumet. Très rares sont les ouvrages qui retracent la vie scientifique d’un chercheur dévoué à ces périodes anciennes et démontrent l’importance et l’influence de son œuvre dans le développement de sa spécialité. Le monde de l’archéologie dispose le plus souvent à leur sujet d’hommages, généralement sous forme d’in memoriam, rarement développés. Il s’agit ici au contraire d’un livre, très documenté, généreusement illustré, et surtout très singulier du fait qu’il constitue en réalité une autobiographie.
2Le choix de cette présentation inaccoutumée que propose la formule des « scripta minora », mise en valeur et modernisée par la direction de l’UMR ARTEHIS dont il est aujourd’hui membre associé, prouve, à tout le moins, l’ouverture d’esprit de son auteur. Il a su en effet tirer parti de ce modèle unique pour présenter ses domaines d’intérêt privilégiés et les grands axes de sa recherche.
3Fait certainement peu commun, la carrière archéologique de Jean-Paul Guillaumet s’est engagée sous les auspices les plus favorables. Dans une famille où l’architecture, l’art, la culture et l’archéologie avaient droit de cité, il a développé très tôt un intérêt marqué pour l’étude de l’objet archéologique et sa fabrication, intérêt que ses lectures et ses attaches au musée de Saint-Germain-en-Laye lui ont permis d’affirmer et d’enrichir. Son professeur d’archéologie, Paul-Marie Duval, l’orientera vers une période de la protohistoire peu étudiée en France dans les années 1960-1970, à savoir la civilisation des oppida, fixant ainsi ses recherches dans le créneau chronologique de l’époque de la Tène moyenne et finale des IIème et Ier siècles avant J.-C. et dans un cadre géographique européen allant de la France à la Hongrie.
4À travers les textes présentés dans ce volume, Jean-Paul Guillaumet apparaît comme un archéologue à l’esprit novateur et aux compétences multiples. Dans cette synthèse de sa vie de chercheur, je le vois — en tant qu’ouvrier, comme lui, dans le métier d’archéologue —, d’abord comme un spécialiste des mobiliers métalliques, objets fondateurs de sa passion pour le passé, puis comme un archéologue de terrain, un fouilleur occupé à rassembler des documents originaux, seuls susceptibles d’apporter des données nouvelles à la recherche, en troisième lieu comme un organisateur et un gestionnaire du fait de sa participation active et déterminante dans la réalisation du Centre archéologique européen de Bibracte. Le lecteur trouvera bien d’autres éléments remarquables sur les points caractéristiques de sa recherche et sur les différents aspects de sa personnalité, dans le présent volume, ainsi que dans le petit ouvrage que ses collègues lui ont dédié en 2013, au moment où il a cessé son activité d’archéologue professionnel.
5Jean-Paul Guillaumet est un spécialiste des objets en métal. Trois chapitres, comme le titre même de ce volume, témoignent de sa passion pour l’étude des mobiliers métalliques et son respect profond pour le monde des artisans qui les ont produits. Dans tous les cas, il a traité ces objets, qu’ils soient domestiques, artisanaux ou militaires, avec le souci d‘en établir la typologie avec un esprit de naturaliste et d’en analyser la fonction avec le sens pratique du fabriquant. Il s’est intéressé tout particulièrement aux fibules, aux récipients en tôle de bronze, aux épées en fer. Dans l’étude des fibules, tout spécialement, il a fait preuve d’innovation, en élaborant leur typologie d’après les techniques de leur fabrication, et non d’après des particularités morphologiques parfois minimes souvent retenues par les archéologues, et en procédant à des expérimentations approfondies et s’inscrivant par là dans un domaine essentiel de la recherche, celui de l’archéologie expérimentale, indispensable pour comprendre la fonction des objets anciens.
6Afin de couvrir le processus complet des opérations techniques relatives au métal, du minerai à l’objet, il a de plus mis en place un programme de prospections systématiques autour du Mont Beuvray pour rechercher les lieux d’extraction des minerais. Il a ouvert ainsi un champ d’étude jusqu’ici resté inexploré localement, mais prometteur, comme la découverte de structures en tranchées autour de l’oppidum de Bibracte tend à le montrer.
7Jean-Paul Guillaumet est également un archéologue de terrain. Il a, dès ses débuts en archéologie, participé à des travaux sur des chantiers de fouilles ouverts en France, en Suisse et au Luxembourg par exemple, sur lesquels il a acquis la compétence nécessaire à leur conduite. Les fouilles qu’il a dirigées ensuite ne se sont pas limitées à la seule période de la Tène, mais ont porté sur des sites et des gisements d’époques diverses allant de l’âge du Bronze à la période gallo-romaine.
8Les chantiers de fouilles qu’il a menés en France ont porté sur la nécropole tumulaire du Hallstatt de Thury (Côte-d’Or), sur le secteur artisanal de la Tène finale de la Côme Chaudron et du Champlain à Bibracte (Saône-et-Loire), mais aussi sur une sépulture de l’âge du Bronze final liée au complexe mégalithique d’Époigny à Couches (Saône-et-Loire) dont il a de surcroît assuré la ré-érection des menhirs.
9Les chantiers qu’il a conduits en collaboration avec des collègues protohistoriens, ont concerné d’une part des sites français comme le sanctuaire gaulois et romain de Mirebeau-sur-Bèze (Côte-d’Or) et le tumulus aristocratique de la fin de l’âge du Bronze de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), d’autre part les sites fortifiés hongrois de La Tène que sont les oppida de Velem-Sentvid près de Sombathely et de Taban Gelerthegy à Budapest.
10Jean-Paul Guillaumet a été également un organisateur et un gestionnaire de grand projet. Pour concrétiser la décision du Ministère de la Culture de reprendre des fouilles sur le site de Bibracte, il a été chargé en 1984 de créer in situ l’infrastructure complète d’un centre de recherche, le « Centre archéologique européen du Mont Beuvray », et de coordonner les équipes scientifiques internationales — de France, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays tchèques, Hongrie —, qui projetaient d'y développer des programmes de recherches divers et de grande ampleur. Cette responsabilité a été déterminante pour lui, sachant que le Mont Beuvray a toujours été au cœur de son programme de chercheur depuis sa nomination au Musée Rolin à Autun en 1975. Il s’est impliqué pendant près d’une décennie dans la construction de ce centre de recherches et des locaux techniques afférents, en intégrant les problèmes des moyens humains et financiers, et en appliquant des méthodes élaborées de gestion des équipes et d’organisation des projets scientifiques programmés. Il a fait preuve en l’occurrence d’un remarquable sens de l’organisation. Aujourd’hui de très nombreux chercheurs internationaux bénéficient de cette réalisation exemplaire.
11Il a assumé d’autres responsabilités importantes comme l’organisation de réunions de spécialistes de l’âge du Fer, à l’exemple du colloque international de l’AFEAF qui s’est tenu à Rully en 1998 ou l’organisation de la Mission franco-hongroise sur les âges de Fer en Hongrie qu’il a codirigée avec Miklós Szabó pendant près de dix ans.
12Jean-Paul Guillaumet est pour tout dire un archéologue moderne. Il a, dans toutes ses actions et dans tous ses programmes de recherche, travaillé en équipe, organisation à laquelle il recourrait déjà lorsqu’il encadrait en Bourgogne des chantiers de restauration au sein de l’association « Rempart ». La longue liste de ses publications confirme la préoccupation constante qu’il a eue de rassembler des compétences sur un sujet donné ; les articles qu’il a écrits en collaboration avec des collègues, souvent internationaux, y sont largement majoritaires.
13Par toutes les actions de fouilles et de recherches qu’il a menées à bien, et par toutes les responsabilités qu’il a assumées au cours de sa carrière professionnelle, Jean-Paul Guillaumet a grandement contribué à enrichir des données matérielles et culturelles relatives au monde celtique, aux deux pôles de l’aire qu’elle a occupée en Europe. Il a rempli ainsi avec maîtrise, constance et passion la tâche de protohistorien du second âge du Fer dont il était chargé et dont il s’était chargé.

Fig. 1. 1983, 7ème colloque de l'AFEAF à Rully (Chalon-sur-Saône, 71). Anne Cahen-Delhaye, Jean-Paul Guillaumet et Jean-Paul Thévenot (© tous droits réservés).
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Scripta minora Jean-Paul Guillaumet
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