Les moulins va-et-vient du Néolithique à l’âge du Bronze en Champagne-Ardenne
p. 53-69
Résumés
La région Champagne-Ardenne constitue un secteur clef pour aborder l’évolution des meules du Néolithique à l’âge du Bronze, en termes de sélection des matériaux et d’évolution typologique à l’interface de différentes zones géographiques et géologiques. Dans le cadre du programme collectif « Évolution typologique et technologique des meules du Néolithique à l’an mille » (soutenu par la DRAC Champagne-Ardenne de 2010-2013), 65 meules, 43 molettes et 178 fragments d’outils de mouture ont été étudiés sur 17 sites du Néolithique et 17 meules, 30 molettes et 79 fragments d’outils de mouture sur 16 sites de l’âge du Bronze. Cette première approche permet de suggérer quelques tendances évolutives régionales et de replacer les caractéristiques de principaux corpus analysés dans un cadre chrono-culturel plus large.
Due to its varied geography and geology, the Champagne-Ardenne region in north-eastern France is a key zone to study the evolution of saddle querns from the Neolithic to the Bronze Age from the point of view of petrography and typological change. This was undertaken in the framework of the research program “The typological and technological development of millstones from the Neolithic to the year One Thousand” (backed by the DRAC Champagne-Ardenne of 2010-2013). The assemblage for the Neolithic comprises 65 lower stones, 43 upper stones and 178 grinding tools fragments from 17 different sites. The Bronze Age, in turn, is represented by 17 lower stones, 30 upper stones and other 79 fragments from 16 sites. This study highlights the preliminary regional evolutive tendencies and places the characteristics of the main assemblages into a broader chrono-cultural framework.
Entrées d’index
Mots-clés : moulin va-et-vient, Néolithique, dimension, âge du Bronze, matière première, morphologie
Keywords : saddle quern, Neolithic, Bronze age, Champagne-Ardennes, raw material, morphology, dimensions
Texte intégral
1La région Champagne-Ardenne constitue un secteur géographique et géologique clef pour aborder l’évolution des meules du Néolithique à l’âge du Bronze pour plusieurs raisons. Tout d’abord elle constitue une interface privilégiée avec d’autres ensembles géographiques. La Champagne s’inscrit dans la continuité des secteurs tertiaires du Bassin parisien, riches en niveaux de grès et calcaires, en particulier les vallées de l’Aisne, de la Marne, de la Seine et de l’Yonne. Vers le nord, on retrouve le massif ancien de l’Ardenne et la vallée de la Meuse et, à l’est, les Vosges gréseuses et cristallines. Au sud, la région est bordée par le massif du Morvan qui comprend lui aussi des formations gréseuses et cristallines, tandis que le Plateau de Langres constitue la continuité des formations calcaires franc-comtoises qui aboutissent au Val de Saône et au couloir rhodanien.
2Le corpus de meules actuellement rassemblé dans une grande moitié nord de la France est essentiellement concentré sur l’Ouest, le Bassin parisien et la Bourgogne Franche-Comté. L’étude des corpus champenois devait ainsi permettre de combler un vide documentaire dans ce secteur géographique, tant pour les grandes tendances évolutives que pour les spécificités régionales perceptibles sur près de quatre millénaires.
3Dans le cadre du programme collectif « Évolution typologique et technologique des meules du Néolithique à l’an mille », soutenu par la DRAC Champagne-Ardenne de 2010-2013, l’ensemble des séries de meules disponibles a été ainsi étudié. Cependant, le faible nombre de séries finalement analysées rend délicat un traitement statistique poussé pour les différents critères retenus. Au total, 65 meules, 43 molettes et 178 fragments d’outils de mouture ont été étudiés sur 17 sites du Néolithique et 17 meules, 30 molettes et 79 fragments d’outils de mouture sur 16 séries de l’âge du Bronze. En outre, certains secteurs sont bien documentés par de récents travaux d’archéologie préventive (Reims, secteur de Pont-sur-Seine, Troyes), tandis que d’autres sont surtout connus à travers des prospections (Haute-Marne) ou des fouilles plus anciennes, rendant la nature même de l’information disponible très disparate et complexe à comparer. Nous renvoyons le lecteur à l’analyse détaillée de chacun des corpus mentionnés à l’adresse suivante : www.groupemeule.hypotheses.org/. Nous soulignons ici seulement les tendances régionales et évolutives des moulins.
Aube | Marne | Haute-Marne | |
nb sites | 2 | 3 | 1 |
meules | 2 | 1 | 1 |
molettes | 8 | 9 | 2 |
fragments | 12 | 24 | 2 |
matières premières | grès quartzitique jaune-orangé, grès quartzitiques gris, des grès quartzitiques hétérogènes de couleur orangée et enfin des grès glauconieux gris verdâtres | grès quartzitique, 1 calcaire à cérithes | grès ferrugineux dense et grès fin quartzitique |
morphologie | molettes courtes | molette courtes et débordantes | molettes courtes |
dimensions | présence de molettes peu épaisses, peu larges | présence de molettes peu épaisses, peu larges | - |
technologie | meules aménagées, fort investissement dans façonnage par piquetage des molettes | meules aménagées, fort investissement dans façonnage par piquetage des molettes | meules et molettes aménagées par enlèvements |
Fig. 1. Corpus et principales caractéristiques des outils de mouture du Néolithique ancien de Champagne-Ardenne.
I. Le Néolithique ancien
1.1. Corpus
4Notre analyse de l’outillage de mouture du Néolithique ancien de Champagne-Ardenne repose sur six séries issues de sites implantés dans les vallées de la Marne et de la Seine (fig. 1). Les outils de mouture de cette période se caractérisent par une forte fragmentation, qui limite clairement l’identification morpho-dimensionnelle de meules et de molettes. Notre étude ne porte ainsi que sur quatre meules, dix-neuf molettes et trente-huit fragments (fig. 2).
1.2. Matières premières
5Les meules et molettes du Néolithique ancien en Champagne sont majoritairement confectionnées sur des grès quartzitiques, hétérogènes et rouge-orangés à Pont-sur-Seine (Fournand et alii, 2010), et glauconieux verdâtres à Bréviandes. Épisodiquement, des grès à composante plus ferrugineuse et de cohésion variable sont utilisés, comme à Saint-Dizier (meules et molettes) ou Saint-Martin-sur-le-Pré (grès siliceux brun-violacés) (Garmond et alii, 2012). Un grès orangé assez grossier et naturellement alvéolé est également présent à Tinqueux (Hachem et alii, 2007). Ces grès correspondent généralement aux ressources gréseuses disponibles localement. On compte enfin une molette en calcaire à cérithes à Juvigny.
1.3. Technologie
6On soulignera la différence de traitement entre les meules et les molettes. Les meules sont généralement façonnées par un grossier épannelage afin d’aménager la forme du bloc de départ (cf. Saint-Dizier et Tinqueux). Cela se traduit par de grands enlèvements sur les flancs et le dos des meules, dont les arêtes sont parfois régularisées par un grossier martelage ou adoucies par un émoussé secondaire de frottement. Au contraire, les molettes font l’objet d’un façonnage plus soigné : une série d’enlèvements confère à la molette sa forme définitive, tandis qu’un fin bouchardage voire un polissage des aspérités lui donne une forme généralement arrondie. Seules les molettes triangulaires présentent parfois un pan dorsal naturel sans rectification ultérieure comme sur l’une des molettes de Juvigny.
1.4. Morphologie
7Les meules identifiées montrent une diversité de dimensions et de courbures des surfaces actives. Une meule concave est présente à Saint-Dizier, tandis qu’une autre offre une surface active plano-convexe à Tinqueux (Hachem et alii, 2007). Leur faible nombre et leur forte fragmentation rendent cependant difficile leur interprétation, en termes de variation chronologique, régionale ou fonctionnelle.

Fig. 2. Séries de meules et molettes du Néolithique ancien étudiées. 1. Bréviandes ’les Pointes’ et ’les Grèvottes’ ; 2. Juvigny ’les Grands Traquiers’ ; 3. Saint-Dizier ’le Toupot Millot’ ou ’échangeur de Marnaval’ ; 4. Pont-sur-Seine/Marnay ; 5. Saint-Martin-sur-le-Pré ; 6. Tinqueux ’la Haubette’.

Fig. 3. Exemples d’outils de mouture du Néolithique ancien. Bréviandes (Marne), molettes, a. st. 110-52 ; d. st. 108 NW ; e-f. st. 109/5 ; g. st. 108/9 (dessins C. Hamon et K. Cherfa); Juvigny ’les Grands Traquiers’ (Marne), molettes en grès (dessin C. Hamon et S. Cousseran-Néré).
8Deux types de molettes sont présents dans les séries champenoises du Néolithique ancien. La majorité correspond à des molettes dites courtes. Généralement de forme ovoïde à section semi-circulaire, les molettes les moins épaisses peuvent parfois être quadrangulaires ou triangulaires en section.
9Leurs courbures sont planes à convexes. Un seul exemplaire de molette débordante est présent dans le Rubané récent champenois de Juvigny : longue, à surface active concave, elle était associée dans son fonctionnement à une meule plus étroite (fig. 3a). Cet élément constitue un jalon supplémentaire pour aborder la problématique de l’évolution des types de molettes durant les phases anciennes du Néolithique en Europe nord-occidentale (Zimmermann, 1988 ; Hamon, 2008b ; Hamon et alii, ce vol.). Jusque-là, ce type de molette était connu dans toute la sphère rubanée, avec une limite de présence à l’ouest correspondant à l’Alsace et la Hesbaye, dans une phase chronologique attribuée au Rubané moyen. Il semble donc bien que la limite de diffusion de ce type de molettes se prolonge à la fois dans le temps et l’espace jusque dans le Rubané récent champenois. Ces molettes sont encore absentes du RRBP de la vallée de l’Aisne, puis de l’ensemble de la culture BVSG dans le Bassin parisien.
1.5. Dimensions
10Certaines molettes champenoises se distinguent par des dimensions particulièrement réduites, surtout en largeur et en épaisseur. Tel est le cas de plusieurs molettes de Bréviandes et Juvigny dont les largeurs sont inférieures à 10 cm. À Bréviandes, la quasi-totalité des molettes présentent des épaisseurs inférieures à 5 cm (fig. 3b). Il s’agit de modules tout à fait atypiques en contexte Néolithique ancien. Ces petites molettes coexistent par ailleurs avec des modules beaucoup plus importants, bien que moins nombreux, à l’instar d’une molette de Bréviandes (21 x 14 x 8 cm). L’hypothèse avancée pour expliquer ce phénomène serait en lien avec la rareté des matières premières de qualité dans le secteur champenois. L’hypothèse d’une spécificité chrono-culturelle ne doit cependant pas être écartée, puisque ces formes et dimensions de molettes tranchent réellement avec les molettes du site RRBP de Saint-Martin-Sur-le-Pré par exemple (Garmond et alii, 2012), de largeurs plus importantes.
11Il s’agit dans tous les cas d’une particularité champenoise, qui ne trouve pas de comparaison directe dans tout le Néolithique ancien de la moitié nord de la France.
2. Le Néolithique moyen
2.1. Corpus
12Le corpus des meules et molettes du Néolithique moyen repose sur l’étude de cinq séries (fig. 4), regroupées dans les vallées de la Seine (Pont-sur-Seine et La Villeneuve-au-Châtelot), les vallées de l’Aisne et de la Marne (Bezannes), et le plateau de Langres (Cohons et Prangey), rassemblant vingt-cinq meules, dix molettes et 118 fragments d’outils de mouture (fig. 5).
2.2. Matières premières
13Comme pour le Néolithique ancien, les grès quartzitiques dominent largement l’assemblage, même si une plus grande variété est à noter. Dans le secteur de Pont-sur-Seine, on soulignera la présence d’une meule en grès grossier, d’une autre en grès calcaire et d’une molette en grès rouge (voir Fronteau et alii, a, ce vol.). Si ces matériaux sont d’origine probablement locale, on observe tout de même une diversification dans le choix des grès utilisés, en tout cas si l’on compare cela à l’homogénéité perceptible dans les matières premières utilisées durant le Néolithique ancien. Deux pièces en calcaire ont été exhumées sur le site Michelsberg de Vouziers, à l’instar de ce qui est observé sur d’autres sites du Michelsberg. Mais c’est sur les sites de la Haute-Marne qu’on trouve la plus grande variabilité d’approvisionnement, puisqu’à côté d’un matériau local (granite de Bussières-lès-Belmont), des roches provenant du Massif de la Serre (Jura) et potentiellement des massifs cristallins des Vosges et du Morvan ont été identifiées, en particulier à Cohons. Des grès de la Serre ont également été utilisés à Prangey et dans la région de Langres, dans la logique des approvisionnements observés en Franche-Comté voisine (Jaccottey, Milleville, ce vol.).
Aube | Marne | Haute-Marne | |
nb sites | 1 | 2 | 2 |
meules | 19 | 1 | 5 |
molettes | 7 | 1 | 2 |
fragments | 95 | 23 | |
matières premières | grès quartzitiques locaux plus ou moins grossiers | grès quartzitiques | grès quartzitiques + grès de Serre, granite des Vosges et du Morvan |
morphologie | molettes courtes et débordantes | molette débordantes | molettes courtes et débordantes |
dimensions | meules épaisses, concaves | - | meules étroites, molettes longues |
technologie | meules aménagées, fort investissement dans le façonnage par piquetage des molettes | meules et molettes aménagées + piquetage | meules aménagées, fort investissement dans le façonnage par piquetage des molettes |
Fig. 4. Corpus et principales caractéristiques des outils de mouture du Néolithique moyen de Champagne-Ardenne.

Fig. 5. Séries de meules et molettes du Néolithique moyen étudiées. 7. Bezannes ’les Roies’ ; 8. Pont-Sur-Seine ’Ferme de l’Île’ ; 9. La Villeneuve-au-Châtelot ’les Communes’ ; 10. Cohons ’la Vergentière’ ; 11. Prangey ’Le Vide Foye’.

Fig. 6. Meule et molette débordantes de Bezannes ’les Roies’ (Marne), meule et molette (dessin K. Cherfa et L. Jaccottey).
2.3. Technologie
14Comme au Néolithique ancien, les meules et molettes du Néolithique moyen de Champagne présentent un façonnage plus ou moins investi. Elles présentent a minima un aménagement par une série d’enlèvements au dos des pièces, même si un martelage épisodique est observé sur certaines des meules de Cohons, et un piquetage/martelage de régularisation plus abouti sur certaines pièces comme à Bezannes Les Roies (fig. 6a).
2.4. Morphologie / Dimensions
15Plusieurs types de meules sont rencontrés durant le Néolithique moyen champenois, témoignant de la diversité morphologique des moulins de cette période.
16À Bezannes, Cohons (Lepage, 1992), la Villeneuveau-Châtelot (Langry-François, Choquenet, 2012), des molettes longues et concaves de type débordant sont bien identifiées. Leur sont souvent associées des meules étroites et convexes.
17Ce type de moulin coexiste néanmoins, notamment à la Villeneuve-au-Châtelot, avec d’autres types de meules. Ainsi, on compte plusieurs meules de forme ovoïde à surface concave à la Villeneuve-au-Châtelot et à Pont-sur-Seine. Il s’agit parfois de meules très épaisses, comme c’est le cas à la Villeneuve-au-Châtelot. Une meule à rebord, de morphologie plutôt caractéristique du Néolithique récent/final (Monchablon, 2014) est également présente à la Villeneuve-au-Châtelot. Cette fois, des molettes plutôt plano-convexes, façonnées par enlèvements et piquetage, lui sont associées.
18Le Néolithique moyen champenois semble donc marqué par la coexistence de deux types de moulins va-et-vient : grandes meules concaves à molettes courtes et meules étroites à molettes débordantes. Mais il semble qu’un « gradient » est-ouest se dessine, avec des molettes débordantes plus fréquentes en Haute-Marne ainsi que dans les vallées de la Marne et de l’Aisne et des molettes de type court plus fréquentes dans les séries de l’Aube (vallée de la Seine en particulier). Les outils de mouture découverts à Cohons (Haute-Marne) proviennent d’un ensemble du Néolithique moyen Bourguignon, comparable à ceux qui ont été étudiés en Bourgogne (Duda, 2013) et Franche-Comté (Milleville, 2007 ; Jaccottey, 2011c) qui se caractérisent par la présence de molettes débordantes. Au-delà des frontières administratives champenoises, on trouve également quelques exemplaires de molettes débordantes dans le Néolithique moyen de la vallée de l’Aisne (Monchablon, à paraître). Aussi, on peut se demander si le gradient observé ne correspond pas aux aires d’expansion culturelles du Néolithique moyen 2 avec une sphère occidentale à molettes courtes et une sphère orientale d’influences Michelsberg / Néolithique moyen Bourguignon à molettes débordantes présentes dans le premier cas et majoritaires dans le second (Jaccottey, 2011c ; voir Hamon et alii, ce vol.). Le faible corpus d’outils de mouture ne permet cependant pas de dépasser la simple constatation en présence/absence et de tester la validité statistique de ces observations en l’état actuel de la documentation.
3. Les Néolithiques récent et final
3.1. Corpus
19À ce jour, en Champagne-Ardenne, l’outillage de mouture de la fin de la séquence du Néolithique est représenté sur six sites par trente-six meules (dont deux ébauches), quatorze molettes et vingt-deux fragments restés indéterminés quant à leur position, passive ou active au sein du moulin va-et-vient ; parmi ces indéterminés on compte neuf fragments thermiques et un éclat de réfection (fig. 7). Tous ces éléments ont été recueillis sur six gisements distincts, dont l’un a été fouillé en plusieurs campagnes de fouillées ici regroupées en une seule occupation à Pont-sur-Seine (cf. annexe : www.groupe.meule.hypotheses.org/) (Peltier dir., 2015 ; Desbrosse et alii, en cours). Ce dernier site, particulier à bien des égards, a livré à lui seul toutes les meules de l’Aube recensées pour cette période, neuf molettes et neuf fragments indéterminés (Desbrosse et alii, en cours ; fig. 8). À l’heure actuelle, au vu du nombre d’outils, il reste délicat de définir des tendances propres à la région. On énoncera toutefois quelques impressions d’ensemble qui devront être confirmées ou infirmées, la série de Pont-sur-Seine ’Le Haut de Launoy’ (phases de fouille 1 et 2), devant apporter un certain nombre de précisions.
3.2. Matières premières
20La sélection de matériaux, majoritairement à tendance granulaire (50 sur 72), est faite à échelle locale : granites de Bussières-lès-Belmont en Haute-Marne, grès ferrugineux hétérogènes dans la Marne et grès quartzitiques grossiers dans l’Aube. Des grès fins sont également exploités, mais dans une moindre mesure (22 sur 72).
3.3. Technologie
21Concernant le façonnage, on observe une mise en forme des volumes par enlèvements puis une régularisation par martelage et/ou polissage, avec un plus grand investissement pour les molettes.
Aube | Marne | Haute-Marne | |
nb sites | 1 | 1 | 4 |
meules | 36 | ||
molettes | 11 | 2 | 1 |
fragments | 13 | 2 | 7 |
matières premières | grès quartzitique grossiers, grès quartzitique fin homogène | grès ferrugineux hétérogène, grès quartzitique fin homogène | arkose, granite, grès grossiers hétérogène, grès quartzitique fin homogène |
morphologie | meule à rebord rectangulaire ; molette ovalaire à extrémités en museau et/ou encochées et à section rectangulaire ; quelques exemplaires de molettes à barrre | molette ovalaire à section rectangulaire | molette ovalaire à section rectangulaire |
dimensions | meules épaisses à très épaisses | - | - |
technologie | meules aménagées par enlèvements et martelage, fort investissement dans le façonnage par enlèvements et martelage des molettes | fort investissement dans le façonnage par enlèvements et martelage des molettes | molettes façonnées par enlèvements |
Fig. 7. Corpus et principales caractéristiques des outils de mouture des Néolithique récent et final de Champagne-Ardenne.
3.4. Dimensions / morphologie
22D’un point de vue morphologique, les meules confirment l’observation faite à l’échelle plus vaste d’élaboration de meules de grand gabarit réalisées à partir de dalles ou de blocs épais (épaisseur souvent autour de 20 cm) et à morphologie rectangulaire particulière, dite « à rebord » (Donnart, 2011 ; Martial et alii, 2011 ; Monchablon, 2014). Elles présentent un méplat proximal obtenu par réserve et/ou enlèvements, martelé et toujours poli, associé à une surface active fortement concave (fig. 9). La présence de deux ébauches de meules à rebord permet de préciser que ce poli n’apparaît qu’avec l’usage : à l’état initial, le rebord ne présente aucun autre stigmate que ceux du façonnage. À côté de ces meules à rebord, on observe des meules à surface active plane et au dos plat et large : ce sont des outils à section rectangulaire (Desbrosse, en cours). La coexistence de ces deux types de meules n’est pas un trait régional mais concerne une vaste aire géographique : elle est mentionnée par exemple à Bettencourt-Saint-Ouen (Somme) (Martin et alii, 1996), à Raillencourt-Saint-Olle (Bostyn et alii, 2014a) ou encore à Arleux (Nord ; Gutierrez et alii, 2012). Les surfaces actives présentent des courbures majoritairement concaves ou plano-concaves. Ces courbures résultent du degré d’usure (alternance des phases utilisation/ravivage) comme l’attestent les courbures strictement planes des deux ébauches.
23La présence de meules de grandes dimensions avec une surface active concave et d’autres pièces à surface active plane a également été notée en Franche-Comté (Jaccottey, Milleville, 2014).
24Les molettes présentent une morphologie et des dimensions qui semblent standardisées : une forme ovalaire avec au moins une des extrémités encochées, des sections rectangulaires et une largeur moyenne de 15 cm. La présence d’au moins deux molettes dites « à barre » dans cette série du Néolithique récent-final pose question. Caractérisées par une proéminence continue sur le dos qui est formée par enlèvements et bouchardage, elles sont connues jusqu’à présent en contexte Hallstatt D sur l’est de la France (www.groupemeule.hypotheses.org/, p. 176). Comment comprendre leur présence en contexte du Néolithique récent ? Sans évincer la possibilité d’intrusion post-néolithique pour ces deux exemplaires (hypothèse peu réaliste), nous pensons qu’il faut reculer la date d’apparition de ce type de molettes dans la mesure où une, voire deux molettes à barre ont récemment été étudiées en contexte Bronze final (Bostyn et alii, 2014b), offrant là d’autres exemples antérieurs à l’âge du Fer. Molettes encochées (et pour un exemplaire, à museau aménagé) et molettes à barre semblent plaider pour des outils insérés dans un système permettant leur préhension et maniement (outils composites). Cet aspect devra être précisé aux travers d’autres études à une échelle géographique et chronologique plus vaste.
25Enfin, il est à noter que la série n’offre pas le ratio meules/molettes classiquement rencontré pour les autres périodes (antérieures et postérieures), déséquilibre déjà perceptible régionalement au Néolithique moyen. À l’heure actuelle, meules et molettes sont quasiment à quantités égales (respectivement cinq et quatre) ; avec la série de Pont-sur-Seine ’Le Haut de Launoy’ (fouille phases 1 et 2), le rapport sera inversement proportionnel à ce qui est habituellement observé, avec vingt-deux meules et cinq molettes de plus. Il conviendra de s’interroger sur ce changement quantitatif, d’autant que la période suivante revient sur des proportions connues auparavant, c’est-à-dire deux à trois molettes pour une meule.

Fig. 8. Séries de meules et molettes des Néolithique récent et final étudiées. 12. Morains ’Le Pré à Vaches’ ; 13. Pont-sur-Seine (Aube) ’Le Haut de Launoy’, ’Le Gué Dehan’ ; 14. Chanoy ’Les Courchamps’ ; 15 et 16. Chassigny ; 17. Saint-Broingt-les-Fosses ’Chambre de Bagneux’.

Fig. 9. Pont-sur-Seine ’Le Haut de Launoy’ (Aube), phase 3 (cliché C. Monchablon).

Fig. 10. Corpus et principales caractéristiques des outils de mouture de l’âge du Bronze de Champagne-Ardenne.

Fig. 11. Séries d’outils de mouture de l’âge du Bronze. 1. Pont-sur-Seine ; 2. Saint-Gibrien ’Derrière les Grands Clos’ ; 3. Sedan ’Le Lac’ ; 4. Bréviandes ’Les Forgeottes’ ; 5. Courceroy ’Les Dizaines’ ; 6. Laines-au-Bois ’La Source de Brébant’ ; 7. La Saulsotte’Le Vieux Bouchy’ ; 8. Nogent-sur-Seine ’Les Guignons’ ; 9. Périgny-la-Rose Zone 2 ’Pièce Villière’ ; 10. Beamont-sur-Vesles ’Haut des Chaillots’ ; 11 et 12. Bezannes ; 13. Juvigny ’La Voie Moise’ ; 14. Loisy-sur-Marne ’ZAC de la Haute Voie’ ; 15. Thillois ’la Croix Rouge’ ; 16. Vauclerc ’le Terrain militaire’ ; 17. Bologne ’Lot de Champagne’ ; 18. Villegusien-le-Lac ’Les Moulets’.
4. L’âge du Bronze
4.1. Corpus
26Une seule série d’outils de mouture attribuée au Bronze ancien/moyen a été étudiée, limitant toute tentative de synthèse pour cette période. Il s’agit de la série de Saint-Gibrien ’Derrière les Grands Clos’ (Marne). Comme pour les séries néolithiques, le choix s’est porté sur des grès quartzitiques plutôt fins et un façonnage soigné a été apporté à la molette. La forte fragmentation d’ensemble ne permet pas de statuer sur des caractéristiques morphologiques et dimensionnelles précises.
27Concernant l’âge du Bronze final, seize séries d’outils de mouture ont été étudiées : six pour l’Aube (vallée de la Seine), deux pour la Haute-Marne, sept pour la Marne (vallées de la Marne et de la Vesle) et une pour les Ardennes (fig. 10). Les ensembles les plus nombreux se concentrent dans les vallées de la Seine et de la Vesle, dans la partie occidentale de la région. Au total, dix-neuf meules, trente molettes et 79 fragments d’outils de mouture ont été étudiés (fig. 11).
28La répartition chronologique des pièces est également très inégale au cours de l’âge du Bronze final : quelques exemplaires sont connus à l’âge du Bronze final I et à l’âge du Bronze final IIa, alors qu’à partir de l’âge du Bronze final IIb nous disposons de plus de 50 pièces pour chacune des phases chronologiques.
4.2. Matières premières
29Les différences dans le choix des matières premières utilisées pour la confection des outils de mouture se structurent principalement selon un gradient est-ouest, plus prononcé qu’au Néolithique. Le développement de l’emploi de nouveaux matériaux (calcaires, meulières, granites) s’accompagne d’un recours à des approvisionnements plus lointains, atteignant parfois plusieurs dizaines de kilomètres. Dans l’Aube, des grès quartzitiques fins et des grès plus grossiers ou hétérogènes ont été privilégiés ; leur origine est plutôt locale à supra-locale, même si un granite d’origine régional est présent à Bréviandes.
30Dans la Marne, différents types de grès (quartzitiques fins, coquillier, thanétiens) coexistent plus largement avec des calcaires lutétiens de différents types (en particulier à Bezannes ’la Bergerie’), des meulières et des granites.
31Dans les Ardennes, les grès dévoniens (type Macquenoise) sont utilisés et semblent avoir circulé sur plusieurs dizaines de kilomètres.
32En Haute-Marne, un approvisionnement régional et multi-sources domine : granites du Morvan, grès quartzitiques du Valanginien et du Rhétien, grès de la Serre ont été identifiés dans les deux séries étudiées.
33Le choix de grès quartzitiques, fins ou grossiers, hérité des périodes antérieures est donc toujours privilégié sur les sites de l’Aube où ces matériaux sont disponibles localement et en abondance. Dans les secteurs où ces matériaux se font plus rares, d’autres matériaux font leur apparition : calcaires lutétiens et meulières dans la Marne, granites et grès d’origine régionale en Haute-Marne. On assiste donc durant le Bronze final à un double phénomène : une diversification des matériaux meuliers utilisés au détriment des grès quartzitiques, et la mise en place de réseaux d’approvisionnement à plus longue distance dans les secteurs pauvres en matières premières locales de bonne qualité.
34La répartition chronologique de ces informations (fig. 12) montre que cette diversification ne semble intervenir qu’à partir de l’âge du Bronze final IIb. Mais en fait, cette période correspond à celle où le corpus par phase chronologique dépasse quelques éléments et prend une certaine pertinence. Il n’est donc pas impossible que la diversité des matériaux ne soit pas décelable au début de l’âge du Bronze final en raison d’un biais lié à la pauvreté des séries étudiées.

Fig. 12. Nombre d’éléments de mouture par matériau et phase chronologique durant l’âge du Bronze (intégrant des corpus non présents dans l’annexe jointe présentant les corpus champenois étudiés et intégrés dans le cadre du PCR).

Fig. 13. Nombre d’éléments de mouture par phase chronologique et intervalles de distance durant l’âge du Bronze.
Bezannes (51) ’Les Marsillers’ Grès dépôt SRA Châlons-en-Champagne

Fig. 14. Meule et molettes du site des ’Marsillers’ à Bezannes (Marne), âge du Bronze final III (dessin C. Hamon et G. Verbrugghe).
35Malgré ces limites, nous notons que l’apparition de matériaux dont l’origine est plus régionale ou extrarégionale que locale, c’est-à-dire dont les affleurements les plus proches susceptibles de livrer ce matériau sont situés entre 30 et 100 km du site, est décelable à partir de l’âge du Bronze final IIa (fig. 13). De la même façon, les roches extra-régionales, situées à plus de 100 km du site, ne sont connues qu’à partir de l’âge du Bronze final IIIa. Si les matériaux régionaux peuvent avoir une petite part dans le matériel de mouture (en général entre 7 et 10 %), la part des roches exogènes reste toujours anecdotique.
4.3. Technologie
36On observe un traitement et une chaîne opératoire de façonnage des meules comme des molettes relativement homogènes sur toutes les occupations de l’âge du Bronze final champenois (fig. 10).
37Le dos des meules et molettes est en général très faiblement travaillé : il est au mieux aménagé par une série d’enlèvements ou est conservé brut, tandis que les flancs sont au minimum façonnés par une série d’enlèvements et très fréquemment régularisés par bouchardage. Quelques exemplaires présentent une telle régularisation de toute leur surface externe, notamment dans la Marne comme à Bezannes « les Marsilliers » (Verbrugghe, 1997) ou Juvigny (fig. 14). Les molettes sont quant à elles en général un peu plus élaborées : leur dos peut être conservé brut ou aménagé par une série d’enlèvements (Bréviandes, Laines-aux-Bois, La Saulsotte), tandis que leurs flancs sont systématiquement épannelés et dans certains cas régularisés par bouchardage (Nogent-sur-Seine, Thillois).
38La chaîne opératoire de façonnage semble donc suivre la même logique, qu’il s’agisse des meules ou des molettes. Elle contraste avec le façonnage souvent plus abouti des outils de mouture durant le Néolithique, où les molettes font l’objet d’une finition en général très poussée de l’ensemble de la surface externe.
4.4. Morphologie / Dimensions
39La fragmentation d’ensemble des séries du Bronze final ne nous permet pas d’approfondir réellement l’étude typologique des meules et molettes.
40Plusieurs indices convergent en faveur d’un façonnage de meules à partir de plaques ou de dallettes, en particulier les morphologies et sections fréquemment quadrangulaires ainsi que le dos plan de plusieurs meules (Beaumont-sur-Vesle, Bologne, La Saulsotte). Si ce choix n’est peut-être pas systématique, il semble en tous cas fréquemment opéré sur les sites du Bronze final champenois. La sélection paraît donc se porter sur des blocs dont la forme naturelle est proche du produit final recherché, ne nécessitant donc pas une mise en forme poussée. Ceci rejoint les observations déjà faites sur les caractéristiques technologiques des outils.
41La forme des meules est difficile à restituer ; tout au plus pouvons-nous mentionner la présence de deux modules, avec des meules peu larges comme à Bezannes (largeur inférieure à 30 cm) (Verbrugghe, 1997) (fig. 14), et d’autres de format probablement plus important comme à Lainesaux-Bois (épaisseur de plus de 15 cm).
42Les molettes sont en général quadrangulaires ou ovalaires. Il semble que deux gabarits aient été identifiés, avec des molettes parfois très massives comme à Courceroy (jusqu’à 7 kg), et des molettes beaucoup plus petites comme à Nogent-sur-Seine (20 cm de long maximum) et parfois très peu épaisses comme à Thillois (épaisseur inférieur à 5 cm).
43Les surfaces actives des meules oscillent entre des courbures planes à concaves, associées à des molettes à surfaces planes à légèrement convexes. Il s’agit de courbures régulières et continues, tant longitudinalement que transversalement, entre les deux extrémités ou les deux bords. Aucun rebord périphérique ou distal n’a d’ailleurs été identifié. Un même système de moulin va-et-vient semble donc avoir été utilisé sur l’ensemble des sites de l’âge du Bronze champenois.
5. Synthèse
5.1. Matières premières
44L’analyse de l’utilisation des matières premières utilisées pour la confection des meules durant le Néolithique et l’âge du Bronze en Champagne-Ardenne suggère une évolution progressive vers le choix de matériaux de plus en plus diversifiés. Le choix de matériaux granulaires et grenus laisse progressivement la place à des matériaux plus grossiers, hétérogènes ou vacuolaires.
45Ainsi, les grès fins quartzitiques sont ultra-majoritaires dans les séries du Néolithique ancien, rejoignant en cela les choix opérés durant cette période dans toute l’Europe (voir par exemple Graefe, 2004 ; Hamon, 2006 ; Hamon, 2007 ; Hauzeur, 2006 ; Moddermann, 1970 ; Pavlu, 2000 ; Zimmermann, 1988) sauf à proximité des massifs cristallins (Billard et alii, 2014 ; Hamon et alii, 2012). Le Néolithique moyen voit l’utilisation de matériaux plus grenus en particulier en Haute-Marne : granites de Bussières-lès-Belmont et des massifs cristallins des Vosges ou du Morvan, mais également grès grossiers et hétérogènes dans la vallée de la Seine. Cette tendance s’affirme durant le Néolithique final, puisque le choix se porte sur des grès ou granites de types différents dans chacun des trois départements, mais toujours en recherchant des matériaux de granulométrie importante.
46L’âge du Bronze voit le développement de l’utilisation de nouveaux matériaux (calcaires, meulières, granites), qui s’accompagne d’une provenance également plus lointaine, atteignant parfois plusieurs dizaines de kilomètres. La mise en place de réseaux d’approvisionnement à plus longue distance dans les secteurs pauvres en matières premières locales de bonne qualité semble s’opérer au moins à partir de l’âge du Bronze final IIb (fig. 13). De la même façon, les roches extra-régionales, situées à plus de 100 km du site, ne sont connues qu’à partir de l’âge du Bronze final IIIa, mais leur présence reste anecdotique.
47Il faut également souligner un net gradient est/ouest avec l’exploitation de roches régionales, potentiellement issues des massifs cristallins (Morvan, La Serre ou Vosges) dès le Néolithique moyen en Haute-Marne, alors que le choix de matériaux grenus plus présents dans la vallée de la Seine à partir du Néolithique final se confirme aux périodes suivantes.
48La diversification des matériaux meuliers avec le Néolithique moyen a déjà été soulignée à l’échelle du vaste corpus étudié par le Groupe Meule (Hamon et alii, ce vol.) mais également dans certains secteurs géographiques plus restreints, comme des enceintes de la vallée de l’Aisne (Monchablon, en cours). Le renforcement de cette tendance observée au Néolithique final est également visible en Bourgogne et Franche-Comté, même si dans cette région à l’âge du Bronze final, on note un recours préférentiel à des roches d’origine locale (Jaccottey, Milleville, ce vol.).
5.2. Technologie
49Dans l’ensemble, on notera la relative homogénéité du façonnage des meules et des molettes tout au long du Néolithique. Il se caractérise par un aménagement du dos des meules par une série d’enlèvements, associé à une régularisation grossière éventuelle. Les molettes au contraire présentent un investissement très important dans le façon- nage et la finition soignée du dos et des flancs notamment en vue de leur préhension. Cette mise en forme importante des molettes par rapport aux meules a déjà été notée pour les sites néolithiques francs-comtois, et notamment pour les molettes débordantes du Néolithique moyen (Jaccottey, Mille ville, 2014).

Fig. 15. Planche synthétique des outils de mouture champenois.
50La mise en forme des meules et des molettes semble bien moins aboutie à l’âge du Bronze : le dos des meules et molettes est au mieux aménagé par une série d’enlèvements ou est conservé brut, tandis que les flancs sont au minimum façonnés par une série d’enlèvements et très fréquemment régularisés par bouchardage. Les sites de l’âge du Bronze de Bourgogne et du Massif armoricain se caractérisent égale- ment par une faible mise en forme des pièces dont la forme finale est proche des blocs ou des galets d'origine (Hamon et alii, 2012 ; Jaccottey et alii, ce vol.). Un moindre soin dans la finition des outils se fait donc jour et souligne une rupture dans les chaînes opératoires de fabrication entre le Néolithique et l’âge du Bronze champenois.
51Concernant les modalités de façonnage du Néolithique final, une grande similitude existe avec les séries étudiées en Bretagne et en région Nord-Pas-de-Calais. Les meules sont élaborées à partir de blocs dont les dimensions contredisent l’hypothèse d’une acquisition par ramassage et mettant, au contraire, en évidence un travail de la pierre par extraction (Donnart, 2011) ou le façonnage de très gros blocs (Monchablon, 2014). Comme en Champagne, les outils de mouture montrent un investissement technique poussé (enlèvement, martelage) et le même déséquilibre en faveur des meules dans les quantités d’outils retrouvés.
5.3. Dimensions / morphologie
52Malgré la faiblesse du corpus disponible (fig. 15), le Néolithique ancien champenois se caractérise par la coexistence de deux types de molettes, dont des molettes très courtes de dimensions particulièrement réduites en épaisseur et largeur, au côté de molettes de dimensions plus classique- ment connues (Hamon, 2006). Ceci constitue une réelle particularité régionale, pouvant s’expliquer soit par des facteurs culturels, soit par une réorganisation de l’approvisionnement en matières premières de bonne qualité. Une seule molette débordante est présente à Juvigny ; elle constitue le jalon le plus occidental et le plus récent connu pour le Rubané européen.
53Alors que dans le Bassin de la Seine (affluents compris), on observe une phase d’abandon des molettes débordantes durant les Rubané récent du Bassin parisien, Villeneuve- Saint-Germain et Cerny, le Néolithique moyen 2 se caractérise par la coexistence, dans toute la région, de molettes courtes fonctionnant avec des meules concaves massives et de molettes débordantes, longues et concaves, fonction- nant avec des meules étroites Ainsi, les molettes débordantes semblent perdurer plus généralement dans l’est de la France, du Rubané au Roessen, puis durant le Michelsberg et le Néolithique moyen Bourguignon (pour plus de détails voir Hamon et alii, ce vol.). Ceci expliquerait qu'on les retrouve en nombre plus important dans la partie orientale de la Champagne. Elles seraient ainsi plus présentes dans le Néolithique moyen Bourguignon, à l’image de ce qui est observé en Franche-Comté (Jaccottey, Milleville, 2014; Milleville, Jaccottey, 2015).
54Au Néolithique final, Toutillage de mouture adopte les types de meules épaisses et concaves à rebord, caractéristiques avant tout d’une évolution chronologique glo- bale durant cette période dans la moitié nord de la France (Donnart, 2011 ; Monchablon, 2014).
55Durant l’âge du Bronze, un seul et même système de moulin va-et-vient semble donc avoir été utilisé sur tous les sites : deux modules d’outils à surfaces actives planes à concaves ont été principalement utilisés, mais leur forte fragmentation ne permet pas d’aller très loin dans les comparaisons. La présence de ces meules et molettes à surface active plane semble en réalité une constante pour la période (Hamon et alii, ce vol.), et ce quel que soit les zones géo- graphiques concernées (voir par exemple Leuvrey, 1999 et Ribaux, 1986 pour les rives des lacs suisses, Jaccottey, Milleville, ce vol. pour la Franche Comté, Gisclon, ce vol. pour la région Rhône-Alpes, Hamon et alii, 2012 pour le Massif armoricain).
56En conclusion, l’étude des corpus d’outils de mouture du Néolithique et de l’âge du Bronze champenois s’inscrit pleinement dans les grandes tendances évolutives mises en évidence dans d’autres régions, à l’interface de différentes influences chrono-culturelles.
Auteurs
CNRS, UMR 8215, Nanterre
ORCID : 0000-0001-5817-4570
GEGENA2 Groupe d’Étude sur les Géomatériaux et Environnements Naturels, Anthropiques et Archéologiques - EA 3795. Centre de Recherche en Environnement et Agronomie. (2 esplanade Roland-Garros, 51100 Reims)
Inrap, laboratoire Chrono-environnement, UMR 6249, Besançon
Inrap Paris
Étudiante
Inrap
Étudiant
Inrap
Inrap
Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, 121 rue d’Alésia, 75014 Paris)
Université Charles-de-Gaulle Lille 3
Service Archéologie - Ville Orléans
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La Bourgogne entre les bassins rhénan, rhodanien et parisien : carrefour ou frontière ?
Pascal Duhamel (dir.)
1996
Les sépultures tumulaires aristocratiques du Hallstatt ancien de Poiseul-la-Ville (Côte-d’Or)
Bruno Chaume et Michel Feugère
1990
Verrerie de l’Est de la France. XIIIe-XVIIIe siècles
Fabrication - Consommation
Jean-Olivier Guilhot, Stéphanie Jacquemot et Pierre Thion (dir.)
1990
Les cimetières mérovingiens de la côte chalonnaise et de la côte mâconnaise
Henri Gaillard de Sémainville
1980
En marge du village
La zone d’activités spécifiques et les groupes funéraires de Sermersheim (Bas-Rhin) du VIe au XIIe siècle
Édith Peytremann (dir.)
2018
Iconographie du quotidien dans l’art provincial romain : modèles régionaux
Sabine Lefebvre (dir.)
2017
Les meules du Néolithique à l’époque médiévale : technique, culture, diffusion
Olivier Buchsenschutz, Stéphanie Lepareux-Couturier et Gilles Fronteau (dir.)
2017