INTRODUCTION : LA GÉOLOGIE DE LA CHAMPAGNE-ARDENNE ET DE SES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES

1La région Champagne-Ardenne a plutôt une réputation de paysages monotones, liée à la présence de larges secteurs de plateaux boisés, dans le cas de la pénéplaine ardennaise, ou complètement colonisés par l’agriculture intensive dans la plaine de la Champagne crayeuse. Cette généralité cache une relative variété de paysages locaux, de terroirs et la diversité des sous-sols. Certes, la Champagne crayeuse domine une large partie du territoire, notamment de la Marne (Lejeune et alii, 2004), mais il faut considérer la région comme plurielle et composée de différentes aires, bien caractérisées géographiquement par des micro-régions et bien souvent doublées de particularités géologiques et/ou historiques, comme l’Argonne par exemple.

2Pour une présentation de la répartition des pierres meulières de la région, le plus simple reste de se calquer sur la structure du Bassin parisien, dont les auréoles de terrains sédimentaires sont recoupées par deux fois, suivant que l’on se dirige de Reims vers Charleville-Mézières ou de Reims vers Langres, et d’y adjoindre les entités géologiques voisines, comme le Massif ardennais (Hilly, Haguenauer, 1979). À ces pierres locales s’ajoutent des pierres importées, soit des gisements immédiatement voisins de la région, par exemple des environs d’Hirson/Macquenoise (dans un petit secteur carrier à cheval entre le Nord, la Picardie et la Belgique), du Morvan ou de l’Île-de-France, soit de grands bassins meuliers plus lointains, comme l’Eifel, le Massif central ou les Vosges (fig. 1).

3L’organisation simplifiée des pierres de Champagne-Ardenne peut se décrire en suivant deux transects géographiques :

• le premier transect recoupe la région dans une direction allant du centre du Bassin parisien vers le nord-est (par exemple de Fismes à Givet ; voir Hilly, Haguenauer, 1979, p. 183) : seront alors recoupés les terrains du Tertiaire (Cénozoïque) avec les plateaux de Brie recouverts par les argiles à Meulières ou les calcaires du Lutétien et des buttes ou avant-buttes gréseuses, puis les terrains mésozoïques avec la plaine de Champagne et ses craies d’âges Crétacé supérieur et les crêtes pré-ardennaises entre Rethel et Charleville-Mézières, formées de terrains jurassiques (argiles, marnes et calcaires principalement). Enfin, après avoir dépassé Charleville-Mézières, nous serons dans la Pointe de Givet, où se trouvent des ardoises et des quartzites, mais aussi des grès grossiers et des calcaires datant du Primaire (Paléozoïque).

• le second transect suit un axe allant vers le sud-est (de Sézanne vers Langres par exemple ; voir Hilly, Haguenauer, 1979, p. 15) : le sous-sol sera au départ composé des terrains du Tertiaire, mais avec des faciès légèrement différents de ceux des environs de Reims (présence de grès quartzites yprésiens, absence des calcaires marins lutétiens) ; puis ils laisseront place à la craie, le plus souvent à silex, alors que ceux-ci sont absents du secteur de Reims. Ensuite, dans les environs de Bar-sur-Aube, au sud de Troyes ou vers St-Dizier, affleureront le Crétacé inférieur (quasiment absent au nord de la région, mais parfois composé de grès ou de calcaires gréseux dans le sud de la région) et le Jurassique supérieur des plateaux du Barrois, tandis qu’à la bordure sud de la région, les larges auréoles qui datent du Jurassique moyen (Bathonien à Chaumont, Bajocien à Langres), du Jurassique inférieur et du Trias, qui comprennent déjà des faciès calcaires ou gréseux, annoncent le passage aux régions de Lorraine, de Bourgogne et de Franche-Comté.

4Au sein de ces différents âges de terrains existent des pierres parfois très différentes, dont la mise en œuvre à l’échelle locale, départementale ou régionale compose une bonne partie de la mosaïque des pierres et géomatériaux de Champagne-Ardenne. Et si la structuration tectonique et la géologie « en grand » de la région sont simples, il ne faut pas sous-estimer la variabilité des roches sédimentaires présentes dans les quatre départements : les Ardennes, la Marne, la Haute-Marne et l’Aube. Ainsi, la succession des terrains ne se résume pas uniquement à celle du découpage stratigraphique chronologique des différentes ères, périodes ou systèmes géologiques. Car au sein de chacun, différents faciès lithologiques peuvent coexister, voire parfois s’opposer. Par exemple, les extrémités nord et sud de la région sont composées de terrains des mêmes âges : Jurassique moyen et supérieur notamment, mais certains niveaux peuvent y être argileux ou au contraire calcaires. Ou, si l’on se concentre sur les terrains tertiaires de l’ouest de la région, qui appartiennent déjà à l’Île-de-France, on pourra rencontrer pour des raisons paléogéographiques, tantôt des calcaires marins, tantôt des argiles et des grès continentaux et cela pour le même étage.

5Ainsi, dans certaines parties de la région, les variations latérales au sein des couches géologiques peuvent être assez rapides et se produire à l’échelle de la dizaine de kilomètres. Elles conduisent à distinguer de nombreuses formations géologiques locales. À l’inverse, la craie apparaît comme relativement homogène et ce sur de grandes distances. L’opposition de ces secteurs marginaux avec la grande aire presque centrale, représentée par la craie, est intéressante pour les études de diffusion de matériaux lithiques. En effet, elle peut montrer des influences nettes d’une zone périphérique par rapport aux autres et donc permettre de délimiter des aires d’influences d’emplois de géomatériaux importés.

6Enfin, signalons que l’est du Bassin parisien a subi une intense érosion, qui a conduit à la disparition d’une grande quantité de formations géologiques, mais que parfois, des reliques de ces couches ont été préservées très localement. L’érosion et les altérations successives, notamment plio-quaternaires, ont aussi laissé d’importantes traces dans toute la région, avec des formations d’altérites, soit en place, comme les Argiles à Meulières, la Pierre de Stonne, les graveluches crayeuses, etc., soit remaniées : grèzes litées, cailloutis calcaires, blocs alluvionnaires, etc. Ces roches forment alors des gisements très localisés, pas forcément indiqués sur les cartes géologiques.

BILAN DES PRINCIPALES PIERRES MEULIÈRES UTILISÉES EN CHAMPAGNE-ARDENNE

7La description des pierres meulières présentées ici se veut synthétique et elle est donc relativement sommaire. Pour plus d’informations sur les différents gisements ou faciès mentionnés, il est possible de se référer à la bibliographie géologique spécialisée, aux cartes géologiques, etc. Nous proposons d’ailleurs, pour chaque faciès, une brève sélection bibliographique. De plus, soulignons que les pierres meulières décrites dans cet article ne forment pas une liste totalement exhaustive ; il s’agit plutôt des principales appellations ou types de pierres observés dans les corpus régionaux et si ces pierres représentent une bonne partie des corpus, il est évident qu’il peut y avoir des faciès locaux ou des importations particulières ne figurant pas dans ce bilan.

8Les différentes pierres décrites sont regroupées en deux ensembles : celles qui peuvent avoir été extraites du sous-sol de la région et celles qui sont utilisées en Champagne-Ardenne, mais dont les gisements sont extra-régionaux. Au sein des deux ensembles, les pierres sont décrites par âge géologique décroissant et non par famille ou catégorie de roches.

9Pour chaque pierre seront indiqués :

• la description de la pierre et de son faciès pétrographique. Après une rapide présentation de la pierre figure une description lithologique. Celle-ci utilise le système d’indexation des matières premières de la base de données du PCR (présenté et détaillé dans Fronteau et alii, ce vol.) avec une description hiérarchique à trois niveaux : niveau 1 (grande catégorie de pierre – liste limitée à choix), niveau 2 (précisions lithologiques – liste limitée à choix), niveau 3 (caractérisation et description détaillée).

• le type de matériau meulier, selon les essais d’interprétation fonctionnelle et de classification technique des pierres meulières (Boyer, Buchsenschutz, 1998 ; Fronteau, Boyer, 2011).

• le gisement de la pierre : formation géologique stratigraphique, âge de la couche géologique exploitée et aire de répartition. Le type de gisement meulier, suivant la classification développée dans Boyer et Fronteau (2011) est aussi indiqué.

• l’importance relative de cette pierre comme matière première pour les meules de Champagne-Ardenne ainsi que son aire de diffusion (quand les informations sont disponibles, notamment à partir des données collectées par le PCR).

• les carrières de meules, attestées ou supposées, sur ou près de certaines communes ou sites archéologiques ainsi que les éventuelles références bibliographiques.

LES PRINCIPALES PIERRES MEULIÈRES ISSUES DE CHAMPAGNE-ARDENNE

Les meulières de Brie et de Champagne (fig. 2, A)

Description de la pierre

10Présentation : roches sédimentaires de la famille des altérites siliceuses, les meulières sont issues d’un processus de recristallisation (silicification) durant un stade d’altération ultérieur à la période de dépôt du calcaire initial. Les meulières sont des roches siliceuses non granulaires, à la différence des grès, avec des faciès très variés et variables. Le terme de meulières sensu stricto devrait être réservé à certains faciès, notamment les meulières caverneuses de Brie (Ménillet, 1993), alors que les autres roches devraient être considérées comme de simples « accident siliceux ».

11Mais en pétro-archéologie, notamment pour les meules, le terme Meulières est utilisé dans son sens large.

12Catégorie de pierre meulière : meulière.

13Précisions lithologiques : massives, vacuolaires, calcaires lacustres silicifiés.

14Caractérisation détaillée type : les meulières sont presque essentiellement composées de silice, sous forme de calcédoine ou d’opale. Certaines meulières sont massives et très peu poreuses, d’autres sont à l’inverse largement caverneuses avec présence de micro-cavernes celluleuses cloisonnées. Tous les stades intermédiaires pouvant d’ailleurs exister. Les meulières peuvent aussi avoir des aspects bréchiques ou silexoïdes (cas de certaines meulières de la Marne) et des couleurs très variées, même si les tons blanc/gris ou brun/jaune sont les plus fréquents. La meulière de Brie ne contient généralement pas d’empreintes de fossiles, mais des variétés à empreintes de gastéropodes lacustres (essentiellement des limnées) sont parfois observées.

Type de matériau

15Matériau vacuolaire (D) à massif (E).

Gisement

16Nom et âge de la formation géologique : argiles à Meulières, Meulières de Brie. Altérite quaternaire de recristallisation au sein de calcaires tertiaires (notamment ludiens).

17Type de gisement : vaste province meulière à nombreux sites d’extraction, type 3.

18Aire de gisement : les meulières de Brie, dont les plus fameuses sont issues des environs de La Ferté-sous-Jouarre, voient leur prolongement jusqu’en Champagne (environs de Reims notamment).

Importance de cette pierre meulière

19Reconnue ponctuellement pour les meules du Bronze final et de La Tène, les meulières deviennent dominantes régionalement pour l’époque médiévale et moderne, puis dominantes à l’échelle nationale pour la période contemporaine.

20Aire de diffusion approximative : pour la période alto-médiévale, l’aire de diffusion semble assez restreinte et limitée au gisement et à sa périphérie. Au Moyen Âge, la diffusion s’étend largement et deviendra nationale, puis mondiale, notamment au xix^e et xx^e s.

Carrières connues

21Les carrières connues dans la Marne sont surtout documentées pour les périodes modernes et contemporaines. Fabrication de meules en carreaux en Montagne de Reims, dans les vallées de la Marne et du Petit Morin. Extraction de meules monolithiques connues à Saint-Martin-d’Ablois, Corfélix, environs de Montmirail, etc. À noter cependant une ébauche brisée de meule monolithique en meulière d’un diamètre de 60 cm, découverte dans une carrière, signalée à Belval-sous-Châtillon dans la Marne (Laire, 1909, p. 69) ; elle pourrait correspondre à une pièce antique ou médiévale. Références bibliographiques : Belmont 2006a ; Lepareux-Couturier et alii, à paraître ; Lepareux-Couturier et alii, ce vol. ; il existe par ailleurs une abondante bibliographie pour les productions meulières du district carrier de La-Ferté-sous-Jouarre.

Les grès Quartzitiques gris (fig. 2, B)

Description de la pierre

22Présentation : roches sédimentaires détritiques, les grès-quartzites ou grès quartzitiques sont issus d’une cimentation post-dépôt au sein de formations sableuses presque uniquement quartzeuses ou devenues presque uniquement quartzeuses par altération des autres éléments (comme la glauconie, parfois altérée post-dépôt). Ces grès sont abondants dans le Bassin parisien et existent au sein de différentes formations géologiques. Ils sont aussi parfois préservés en reliques sur la craie ou dans les formations superficielles (notamment alluviales).

23Catégorie de pierre meulière : grès et conglomérat.

24Précisions lithologiques : ciment siliceux, quartzitique.

25Caractérisation détaillée type : grès à ciment siliceux, gris, parfois légèrement colorés par des oxydes de fer (teinte jaune à rouille, surtout en patine superficielle). Grains de quartz très dominants, bien triés. Présence, occasionnelle à rare, de grains de tourmaline, de silex ou d’autres minéraux accessoires. Ciment quartzitique net (syntaxique), mais plus ou moins développé (facies pouvant être saccharoïde peu cimenté, à quartzitique et massif).

Type de matériau

26Suivant le taux de cimentation, matériau granulaire à faible cohésion (A1), granulaire à forte cohésion (A2) ou matériau massif (E).

Gisement

27Nom et âge de la formation géologique : ce type de grès peut être présent dans plusieurs formations comme les grès thanétiens ou auversiens... Exemples de formations : Grès landéniens (Thanétien / Yprésien), Grès de Molinchart (Thanétien), Grès de Montpothier (Cuisien/Yprésien), Grès de Beauchamp (Auversien/Bartonien), Grès de Fontainebleau (Rupélien/Stampien).

28Type de gisement : vaste province meulière à nombreux sites d’extraction, type 3.

29Aire de gisement : centre du Bassin parisien ou à l’état de relique sur les formations crayeuses (et dans ce cas, potentiellement présent dans tout le quart nord-est du Bassin parisien).

Importance de cette pierre meulière

30Majeure, il s’agit notamment d’une des pierres dominantes pour la période néolithique.

31Aire de diffusion approximative : quart nord et nord-est du Bassin parisien.

Carrières connues

32Quelques carrières ou sites d’extractions sont répertoriés ponctuellement, pour le Néolithique dans le centre du Bassin de Paris ou le nord de la France. Aucune carrière précise n’est connue pour la Champagne-Ardenne.

33Références bibliographiques : Cayeux, 1906 ; Blanchet et alii, 1989 ; Doperé, 2001 ; Hamon, 2006 ; Broutin et alii, 2009 ; Delassus et alii, 2011.

Les grès tertiaires autres que « quartzitiques – gris »

34Limiter les grès du Tertiaire du Bassin parisien aux seuls « grès quartzitiques gris » est une simplification. Il existe en effet d’autres faciès de grès, ponctuels ou locaux. Signalons notamment la présence de grès glauconieux, à ciment calcaire ou à ciment siliceux, par exemple dans les formations du Landénien / Thanétien ou de grès ferrugineux, correspondant soit à des cimentations précoces, contemporaines du dépôt de la couche (Grès de Châlons-sur-Vesle du Thanétien supérieur), soit à des cimentations ultérieures (fin Tertiaire ou durant le Quaternaire) au sein des différentes formations sableuses. Des grès, plus difficiles à différencier et à caractériser, existent aussi ponctuellement, comme par exemple des grès-quartzites à imprégnations ferrugineuses doublées de cimentations siliceuses, des grès hétérométriques à sédiments internes titanifères (faciès de silcrètes pédologiques éocènes ou quaternaires), etc.

35Ces grès ont servi de ressources pour le macro-outillage lithique, essentiellement au Néolithique, par exemple dans les vallées de la Seine ou de l’Aisne. Ils sont présents à l’état de reliques ou de micro-affleurements à l’ouest de la Champagne-Ardenne, où ils peuvent avoir été utilisés localement. À ces grès plus particuliers sont parfois rattachées les formations du type de la Pierre de Stonne (Voisin, 1988), altérite gréseuse et silico-argileuse qui peut s’observer dans les Ardennes, mais aussi dans une large partie du nord du Bassin parisien (Quesnel, 2003).

36Enfin, la formation yprésienne des Grès de Fosses-Belleu doit être signalée, car cette pierre est présente dans les corpus de meules de l’ouest de la région : Reims (Marne), Courceroy (Aube), etc. Ces grès de Fosses-Belleu sont décrits dans la partie consacrée aux roches meulières extrarégionales.

Les calcaires à empreintes de cérithes (fig. 2, C)

Description de la pierre

37Présentation : roches sédimentaires carbonatées à très faible quantité d’éléments détritiques, ces calcaires contiennent très peu de quartz. À l’inverse, ils sont généralement riches à très riches en empreintes de fossiles et contiennent parfois de nombreuses milioles (petits foraminifères millimétriques blancs). Pour les matériaux meuliers, Pommepuy (1999) et Naze et alii (2011) ont distingué plusieurs sous-types : calcaire à matrice fine et rares empreintes de cérithes, calcaire à nombreuses empreintes de cérithes, calcaire bioclastique à cérithes, calcaires à nombreux Potamides lapidum.

38Catégorie de pierre meulière : calcaire.

39Précisions lithologiques : vacuolaire, coquillier.

40Caractérisation détaillée type : calcaire beige clair à gris (patine parfois presque blanche), coquillier à empreintes de cérithes entiers, en très grand nombre ou plus dispersés suivant les litages au sein de la pierre. Ces calcaires peuvent aussi se présenter sous une forme plus biodétritique à nombreuses milioles, pétris d’empreintes de cérithes, le plus souvent entiers (longueur de 2-3 cm) et parfois orientés par le paléocourant. Les autres macrofossiles sont assez rares et les microfossiles sont représentés par quelques milioles (et parfois des alvéolines). Les cérithes sont généralement fossilisés sous la forme d’empreintes ou de moules internes, quand ils sont très nombreux, la pierre prend un aspect quasiment alvéolaire. La phase de liaison est fine et assez résistante, mais cette roche reste un calcaire presque sans silice et donc n’a pas une dureté importante.

Type de matériau

41Matériau vacuolaire (D), parfois à tendance massive.

Gisement

42Nom et âge de la formation géologique : calcaires à cérithes, Lutétien supérieur.

43Type de gisement : gisement(s) dominant(s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2.

44Aire de gisement : centre du Bassin parisien, Île-de-France géologique.

Importance de cette pierre meulière

45Majeure dans l’ouest de la région, notamment pour les meules rotatives de La Tène et de l’Antiquité. Ces calcaires s’observent par ailleurs de façon isolée dans les corpus meuliers du nord de la France et sont assez bien présents en région parisienne.

46Aire de diffusion approximative : plutôt le centre du Bassin parisien et l’ouest de la Champagne-Ardenne.

Carrières connues

47Vendresse-Beaulne (Aisne).

48Références bibliographiques : Pommepuy, 1999 ; Naze et alii, 2011.

Les calcaires gréseux glauconieux, à rares Nummulites (= Glauconie grossière) (fig. 2, D)

Description de la pierre

49Présentation : roches sédimentaires carbonatées à forte proportion d’éléments détritiques, ces calcaires regroupent différents faciès contenant plus ou moins de grains et graviers de quartz, de lithoclastes (dont des fragments de silex), de glauconie et grains verdis, de fossiles, en particulier des Nummulites laevigatus, des empreintes d’Eupsammia et/ou des débris de Bivalves et de matrice calcaire.

50Catégorie de pierre meulière : calcaire.

51Précisions lithologiques : gréseux, coquillier.

52Caractérisation détaillée type : différents faciès, plus ou moins gréseux, se rencontrent au sein de la formation géologique dite de la Glauconie grossière (Mégnien et alii, 1980, p. 378). Pour les matériaux meuliers, Robert et Landréat (2005) ont distingué plusieurs sous-types : le type Vauxrezis, faciès très gréseux, à grains de quartz assez grossiers et rares Nummulites ; le type Beaurieux, plus fin, avec une matrice calcaire nette contenant de nombreux petits quartz, quelques empreintes de coraux (Eupasmmia trochiformis) et de rares Nummulites laevigatus ; le type Nanterre, à petits graviers, débris de coquilles et empreintes d’Eupsammia et le type à Ditrupa. Il conviendra d’ailleurs de séparer ce dernier des autres, puisque la présence des Ditrupa strangulata signe le début du Lutétien moyen, alors que les autres seraient exclusivement Lutétien inférieur (et qu’il existe des meules en calcaires à Ditrupa non gréseux).

Type de matériau

53Matériau à grains abrasifs isolés au sein d’une phase de liaison plus fine (B).

Gisement

54Nom et âge de la formation géologique : glauconie grossière d’âge Lutétien inférieur.

55Type de gisement : gisement(s) dominant (s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2

56Aire de gisement : centre du Bassin parisien (Aisne notamment), Île-de-France géologique.

Importance de cette pierre meulière

57Importance mineure à l’échelle régionale mais cette pierre peut être assez bien représentée dans les corpus va-et-vient ou rotatifs, lorsque l’on se rapproche du gisement (nord-ouest de la région Champagne-Ardenne, Vallée de l’Aisne). Pour les meules rotatives, sa présence est attestée jusqu’au nord de la Somme.

58Aire de diffusion approximative : plutôt le centre du Bassin parisien et l’ouest de la Champagne-Ardenne.

Carrières connues

59Vauxrezis (Aisne)

60Références bibliographiques : Pommepuy, 1999 ; Robert, Landréat, 2005.

Les autres calcaires lutétiens (fig. 3, E)

61Signalons qu’en plus de ces deux grands groupes de calcaires lutétiens que sont les calcaires gréseux, glauconieux à Nummulites (Glauconie grossière) et les calcaires à empreintes de cérithes, certains corpus de meules, par exemple Acy-Romance (Ardennes) ou Reims (Marne) ont livré d’autres faciès de calcaires lutétiens.

62Ces faciès sont soit des Calcaires non gréseux à Ditrupa du Lutétien moyen (nommés ditrupa dans la base de données des meules rotatives du Groupe Meule), soit des calcaires verdâtres à limnées du Lutétien supérieur (nommés limnées dans la base de données des meules rotatives du Groupe Meule), voir Naze et alii, 2011, et les articles dans ce volume.

Les grès crétacés

Présentation

63En Champagne-Ardenne, les formations du Crétacé supérieur sont essentiellement crayeuses et dépourvues de roches aptes à la fabrication de meules. Les formations du Crétacé inférieur sont assez peu développées et surtout présentes dans le sud de la région. Au sein de celles-ci, quelques grès siliceux, grès glauconieux et grès verts (Colleté, 2010, p. 57-58) peuvent avoir été utilisés pour la fabrication de meules, en particulier pour des meules va-et-vient.

Importance de cette pierre meulière

64Mineure. Seuls quelques éléments lithiques ont été rapprochés à des faciès gréseux du Crétacé (environs de Troyes et de Saint-Dizier). Mais ces ressources potentielles ne doivent pas être oubliées, notamment dans les études de macro-outillages néolithiques du sud de la région. Par exemple, des grès glauconieux verdâtres et des grès verts ont été identifiés dans certains corpus néolithiques des environs de Troyes (Loiseau, Fronteau, 2014) ; ils correspondraient à des grès albiens locaux ou régionaux.

Les calcaires jurassiques

Présentation

65Les formations du Jurassique affleurent dans le nord (crêtes pré-ardennaises) et le sud (plateaux du Barrois) de la région Champagne-Ardenne. Ces calcaires sont parfois très gréseux, par exemple les calcaires sinémuriens ardennais, ou très coquilliers, tels les calcaires à huîtres : calcaires à Ostrea acuminata du Bajocien supérieur ou calcaires à Exogyra virgula du Kimmeridgien.

Importance de cette pierre meulière

66Mineure. Aucune meule rotative n’a pour l’instant été attribuée à ces calcaires ; mais quelques molettes ou fragments de meules va-et-vient en seraient composés.

Les grès du Trias

Présentation

67Les grès fins, rosés et micacés, sont souvent désignés, avec raison, comme étant des grès du Trias et des faciès « vosgiens » ou typiquement lorrains. Mais il ne faut pas oublier que des affleurements de grès du Trias sont présents dans une partie du sud-est de la Champagne-Ardenne. Les grès triasiques du Bassigny, comme les grès de Provenchères-sur-Meuse (Haute-Marne), ont été exploités pour la pierre de taille, mais aussi pour la confection de meules à aiguiser. Ces grès du sommet du Trias (Rhétien), très fins, semblent n’avoir été quasiment pas employés pour la mouture : ils n’ont été reconnus que pour quelques fragments va-et-vient et une seule meule antique pour la Franche-Comté et la Haute-Marne. Les grés rhétiens sont présents dans l’Autunois, la côte bourguignonne, le nord de la Serre, la région de Salins, aux pieds des Vosges et en Haute-Marne, mais ils sont essentiellement utilisés pour des polissoirs, aiguisoirs, ou pour la fabrication de meules à aiguiser, comme cela a été signalé à Provenchères-sur-Meuse. Les grès du Rhétien sont bien différenciables des grès de la base du Trias (Buntsandstein) dont font partie les grès vosgiens, les grès de la Serre et du Morvan (Jaccottey, Milleville, 2007a). Ces grès du Trias inférieur ont été largement utilisés pour les meules à grains et ils correspondent donc plutôt à des importations des régions voisines qu’à des matériaux issus de la Champagne-Ardenne.

Gisement et aire de diffusion approximative

68Quart est du Bassin parisien, Lorraine, Vosges et sud-est de la Champagne-Ardenne. Les grès du Trias, notamment les faciès rosés sont typiques de la Lorraine et des Vosges. D’autres faciès sont connus pour les meules de la Serre ou de l’Autunois.

Carrières connues

69Carrières de meules à aiguiser, parfois de grand diamètre, par exemple à Provenchères-sur-Meuse. Mais, à notre connaissance, aucune carrière de meules à grains dans les grès du Trias (grès rhétiens) de Haute-Marne n’est pour le moment attestée.

Les granitoïdes de Haute-Marne

70De la même façon que les grès du Trias sont surtout associés à la Lorraine et aux Vosges, il n’est pas courant d’associer granites et Champagne-Ardenne. Signalons donc la présence de rares affleurements de « granites » orientés en Haute-Marne, dont le plus connu est celui des environs de Bussières-lès-Belmont, à quelques kilomètres de la limite de la région. Ces granitoïdes rosés, parfois amygdalaires, peuvent être considérés comme des granito-gneiss ou tout simplement des gneiss. Ils ont été reconnus dans certains corpus meuliers de Haute-Marne : corpus Néolithique moyen de Cohons (Haute-Marne) où cette roche est majoritaire (Jaccottey et alii, rapport PCR 2013a, p. 131) et de Bourguignon-lès-Morey (étude en cours L. Jaccottey). Le granito-gneiss de Bussières-lès-Belmont est également présent dans les séries néolithiques découvertes lors de prospection de la région de Langres (Jaccottey et alii, rapport PCR 2013a, p. 138-139) et de la bordure nord-ouest de la Franche-Comté (Jaccottey, Milleville, 2006, p. 114).

L’« Arkose » d’Haybes

Description de la pierre

71Présentation : roche sédimentaire détritique assez grossière, l’Arkose d’Haybes est une formation assez ponctuelle, accompagnant une série plus grossière (le Conglomérat de Fépin) dans la Pointe de Givet à la limite des Ardennes françaises et belges. Cette roche n’a d’arkose que le nom, car presque tous les feldspaths y sont altérés en kaolinite. Le faciès typique du secteur d’Haybes / Hargnies / Willerzie (Belgique) est un grès grossier, à litages marqués d’un fort tri granulométrique, à teinte parfois verdâtre ou au contraire à imprégnations lie-de-vin.

72Catégorie de pierre meulière : grès et conglomérat.

73Précisions lithologiques : feldspathique (mais les feldspaths sont généralement altérés), légèrement micacé.

74Caractérisation détaillée type : les principaux grains sont composés de quartz, soit mono-cristallins, soit polycristallins, parfois d’assez grande dimension (jusqu’à plus de 2 mm). La roche est affectée de litages avec tri granulométrique, typiques des turbidites, comprenant parfois des lithoclastes de quartzite ou des niveaux fins, argilo-schisteux. Les éléments sont assez souvent engrenés ou altérés (cas de la plupart des felsdpaths). Le ciment est phylliteux et le faciès comprend soit des micro-micas, soit de véritables muscovites. Le léger métamorphisme et la tectonique subis par ce secteur ardennais peuvent aussi être identifiés par la présence d’une légère schistosité, de veines de quartz et de quelques recristallisations ponctuelles. La couleur de la pierre est parfois grise, mais présente souvent avec un aspect tricolore blanc / verdâtre / violacé – lie-de-vin. Les cristaux de tourmaline noire, caractéristique du faciès dit de Macquenoise, sont généralement très peu présents dans le faciès typique du secteur d’Haybes.

Type de matériau

75Matériau granulaire fortement cimenté (A2) à matériau grenu (E).

Gisement

76Nom et âge de la formation géologique : Arkose d’Haybes, Lochkovien (Dévonien inférieur).

77Type de gisement : gisement(s) dominant(s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2.

78Aire de gisement : le faciès typique du secteur d’Haybes s’observe dans la bordure orientale du massif de Rocroi.

Importance de cette pierre meulière

79Elle joue un rôle mineur. Le faciès typique du secteur d’Haybes a surtout été observé sur des meules va-et-vient, alors que les meules rotatives sont presque toujours dans le faciès typique du secteur de Macquenoise.

80Aire de diffusion approximative : essentiellement restreinte au département des Ardennes, avec une limite sud de diffusion dans les environs de Rethel.

Carrières connues

81Des ébauches de meules sont présentes dans les bois au sud d’Hargnies, sur le plateau à l’est d’Haybes. Mais aucune prospection systématique n’ayant été menée, notamment en raison des difficultés d’accès aux affleurements, il n’est pas possible de préciser l’importance de ces carrières, par ailleurs potentiellement recoupées par des carrières récentes, pour la pierre à bâtir.

82Références bibliographiques : Renard, 1884 ; Picavet et alii, 2011.

LES PRINCIPALES PIERRES MEULIÈRES IMPORTÉES EN CHAMPAGNE-ARDENNE

Les basaltes (et roches volcaniques associées) (fig. 3, F)

Description de la pierre

83Présentation : le terme basalte, utilisé ici, regroupe en réalité diverses séries de roches volcaniques basiques et intermédiaires (se reporter à Fronteau et alii, ce vol.). Il désigne toutes les roches, généralement grises à noires, surtout vacuolaires, mais parfois massives, issues de coulées volcaniques.

84Catégorie de pierre meulière : basaltes et assimilés.

85Précisions lithologiques : vacuolaire, massif, Eifel, Massif central, etc.

86Caractérisation détaillée type : ces roches peuvent contenir quelques cristaux bien exprimés (phénocristaux), mais ils sont en général rares. Il s’agit fréquemment de pyroxènes, parfois d’amphiboles, d’olivine, etc. Suivant la composition minérale et chimique de la roche, sont distinguées des roches volcaniques très pauvres en silicium (roches dites basiques avec moins de 52 % de SiO₂) : basaltes, trachy-basaltes, téphrites, basanites, foïdites, etc. et des roches assez pauvres en silicium (roches dites intermédiaires avec moins de 62 % de SiO₂ : andésites,) trachy-andésites, téphro-phonolites, phonolites, etc. Concernant les pierres meulières, diverses grandes zones volcaniques peuvent être différenciées : l’Eifel (Allemagne) dont les roches sont essentiellement basiques, voire sous-saturées en silicium et totalement dépourvues de quartz avec notamment des basanites et des téphrites ; le Massif central et ses massifs périphériques, comme les Coirons (Ardèche), dont les roches sont généralement plus intermédiaires : avec notamment des trachy-andésites comme la Pierre de Volvic, mais qui coexistent avec des variétés basiques comme les basaltes et les trachy-basaltes ou des roches acides comme les trachytes et les dacites ; sans oublier la Phonolite à leucite d’Orvietto en Italie par exemple (mais dont l’emploi en Champagne-Ardenne est inconnu). L’interprétation précise de ces roches uniquement à l’aide de méthodes de caractérisation macroscopique ou microscopique reste très périlleuse et il faut généralement un prélèvement et une analyse chimique pour identifier correctement le type de roche volcanique et donc le bassin carrier de provenance probable de la meule.

Type de matériau

87Matériau vacuolaire (D), parfois à tendance massive (E).

Gisement

88Nom et âge de la formation géologique : formations volcaniques de l’Eifel, du Kaiserstuhl, du Massif central, de l’Ardèche, etc.

89Type de gisement : variable suivant les types de roches volcaniques, mais généralement gisement(s) dominant(s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2.

90Aire de gisement : Allemagne (Eifel, notamment aux environs de Mayen), Massif central.

Importance de cette pierre meulière

91Majeure car même si la représentation des « basaltes » dans les corpus de Champagne-Ardenne est souvent accessoire, ces roches sont reconnues dans toute la région, à la fois dans les corpus de meules va-et-vient et dans les corpus de meules rotatives.

92Aire de diffusion approximative : des meules en basaltes (et roches assimilées) peuvent être découvertes sur la totalité du territoire français. La Champagne-Ardenne occupe une position intermédiaire entre l’Eifel et le Massif central et des meules originaires de ces deux bassins d’extraction ont été reconnues dans la région. Concernant les meules rotatives, il semblerait que la ligne Reims-Metz marque la limite nord des approvisionnements en roches volcaniques issues du Massif central (Gluhak, Hofmeister, 2008).

Carrières connues

93Nombreuses carrières Eifel et notamment en Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz), quelques carrières connues en Ardèche.

94Références bibliographiques : Gluhak, Hofmeister, 2008, 2009 ; Antonelli, Lazzarini, 2010 ; Véron, Belmont, 2009.

Les grès de Fosses-Belleu (fig. 3, G)

Description de la pierre

95Présentation : roche sédimentaire détritique, les grès de Fosses et de Belleu composent deux gisements d’une formation très spécifique de grès feldspathiques du Tertiaire du centre du Bassin parisien. Le gisement de Fosses / Luzarches / Bellefontaine se situe dans le Val-d’Oise et le second gisement est dans l’Aisne près de Soissons. Ces grès, gris sombre, plus rarement orangés, où les grains de quartz incolores côtoient des grains de feldspaths blancs et de silex noirs, sont relativement aisés à identifier, même sur de petits fragments de meules.

96Catégorie de pierre meulière : grès et conglomérats.

97Précisions lithologiques : feldspathique, quartzitique, ciment siliceux.

98Caractérisation détaillée type : grès à cimentation quartzitique partielle à presque complète, de couleur gris, parfois jaune-roux si présence d’un ciment secondaire ferrugineux. Le développement de la cimentation peut largement varier, les niveaux à grains fins étant en général mieux cimentés que les niveaux les plus grossiers. Les grains sont soit des quartz monocristallins et polycristallins (qui sont assez nombreux), soit des feldspaths altérés et des grains de silex. Leur dimension est généralement celle de sables moyens à grossiers. Et même si ce grès est réputé pour ses traces et empreintes de plantes, au microscope optique, les éléments d’origine biologique y sont absents.

Type de matériau

99Suivant le taux de cimentation, matériau granulaire à forte cohésion (A2) ou matériau à tendance massive (E).

Gisement

100Nom et âge de la formation géologique : Grès de Fosses, Grès de Belleu de l’Yprésien supérieur (Cuisien des anciennes échelles stratigraphiques géologiques).

101Type de gisement : gisement localisé sur ressource limitée, dite « rare », type 1.

102Aire de gisement : deux gisements sont connus, celui des environs de Fosses (Val-d’Oise) et celui des environs de Belleu (Aisne). Mais quelques affleurements épars existent dans la vallée de la Marne, en aval de Château-Thierry et dans la vallée de l’Ourcq.

Importance de cette pierre meulière

103Elle est majeure dans l’ouest de la région Champagne-Ardenne, secondaire dans sa partie intermédiaire et mineure à absente à l’est et au sud de la région. Ces grès sont surtout fréquents dans les corpus de meules rotatives antiques, mais ils sont aussi représentés dans certains ensembles néolithiques, notamment de l’Aisne.

104Aire de diffusion approximative : nord et centre du Bassin parisien. La Champagne crayeuse semble être la limite orientale de la diffusion de ces grès.

Carrières connues

105Aucune carrière n’est connue avec certitude, mais des sites de débitages de meules rotatives ont été étudiés dans les environs de Fosses (à Luzarches et Bellefontaine).

106Références bibliographiques : Pommepuy, 1999 ; Boyer et alii, 2009 ; Picavet et alii, 2011 ; Lepareux-Couturier et alii, ce vol.

Les poudingues à galets de silex (fig. 3, H)

Description de la pierre

107Présentation : roche détritique massive à éléments très grossiers (souvent pluri-centimétriques) pris dans une matrice gréseuse beige à grise. La roche est nettement de type conglomératique avec des éléments arrondis, d’où son nom de poudingue ; ici à galets de silex gris. Les galets de silex sont ovales, très arrondis, avec en cassure un fin liseré plus noir ou au contraire plus clair que le silex. Quelques gisements de poudingue à silex sont connus dans le nord-ouest du Bassin parisien. Mais les sites sont discontinus, peu abondants et affleurent mal. Les faciès sont parfois assez proches de ceux connus dans les meules, parfois au contraire nettement différents : galets plus allongés et plus grossiers (cas du Poudingue de Coy-la-Forêt dans le Val-d’Oise, qui semble différent du faciès observé dans les meules), ou plus hétérogènes.

108Catégorie de pierre meulière : grès et conglomérats.

109Précisions lithologiques : poudingue à galets, galets de silex gris.

110Caractérisation détaillée type : les poudingues à galets de silex sont des roches conglomératiques résiduelles déposés au Tertiaire après remaniement de silex de la craie crétacée. Le liant entre les silex est gréseux et à cimentation essentiellement quartzitique. Les éléments grossiers sont principalement des galets de silex roulés centimétriques à pluri-centimétriques dont la couleur peut varier suivant les faciès, mais aussi l’éventuel passage au feu de la pierre : brun, rouge, jaune, orangé, verdâtre, gris, gris bleuté à noir. Certains poudingues contiennent de rares empreintes de fossiles peu identifiables (coquilles de Bivalves) et des cimentations en coiffes proches de certaines altérites siliceuses titanifères.

Type de matériau

111Matériau à grains abrasifs isolés au sein d’une phase de liaison plus fine (B) et matériaux massif (E).

Gisement

112Nom et âge de la formation géologique : la position de ces conglomérats au sein de la stratigraphie géologique n’est pas bien définie. Suivant les cartes géologiques et les auteurs, ils semblent exister dans les étages du Paléocène supérieur (Thanétien) et de l’Éocène inférieur (Yprésien) ou sont tout simplement considérés comme éocènes au sens large. Certains gisements ont des noms spécifiques, comme le « Poudingue de Vaucottes », près de Fécamp.

113Type de gisement : gisement(s) dominant(s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2.

114Aire de gisement : quelques zones sont bien identifiées dans le nord-ouest du Bassin parisien (Picavet et alii, 2011) ou dans son centre, mais d’autres gisements peuvent exister. Il faut également signaler le prolongement de ces gisements de l’autre côté de la Manche et la présence de meules dans des matériaux équivalents en Angleterre, dont le Hertfordshire puddingstone.

Importance de cette pierre meulière

115Mineure en Champagne-Ardenne, ces conglomérats sont plutôt caractéristiques des corpus de meules rotatives protohistoriques du nord et du nord-ouest du Bassin parisien. Aire de diffusion approximative : nord du Bassin parisien, le nord-ouest de la Champagne-Ardenne semble être la limite de diffusion des meules en poudingues à galets de silex.

Carrières connues

116Hameau de Vaucottes à Vattetot-sur-Mer (Seine-Maritime), Saint-Saëns (Seine-Maritime), carrières en Angleterre. Références bibliographiques : Picavet et alii, 2011.

Les grès ferrugineux albiens (fig. 4, I)

117Les grès ferrugineux de l’Albien (Crétacé inférieur) sont présents ponctuellement en Champagne-Ardenne, mais ils forment des masses peu importantes et très hétérogènes (Colleté, 2010). Au sud-ouest de l’Aube, secteur qui a servi à définir cet étage géologique à l’échelle internationale, les couches albiennes se modifient et à partir de l’Yonne, la formation des grès ferrugineux dits de Puisaye forme une large bande qui s’étend jusqu’à la limite de la Sologne (Subtil, 2008). Ces grès ont été localement utilisés pour des meules à grains et quelques corpus du sud-ouest de la région ont montré des meules dans des faciès très proches de ceux reconnus en Puisaye. C’est pourquoi nous indiquons ici la formation de grès ferrugineux albiens dans les ressources meulières potentielles, même si pour le moment aucune carrière de meules n’y a été formellement identifiée.

L’« Arkose » de Macquenoise (fig. 4, J)

Description de la pierre

118Présentation : l’Arkose de Macquenoise est un faciès particulier au sein de la formation géologique de « l’Arkose d’Haybes » du Dévonien inférieur ardennais (cf. supra). Cette appellation a été retenue pour caractériser un type de matériau particulier au secteur d’Hirson (Aisne) / Macquenoise (Belgique), fréquent dans les corpus meuliers et dont les carrières ont été reconnues dès le xix^e siècle. Comme l’Arkose d’Haybes, cette roche n’a d’arkose que le nom et correspond plutôt à un grès grossier conglomératique à tendance feldspathique. Mais à la différence du faciès caractéristique du secteur d’Haybes / Hargnies, le grès du faciès « Macquenoise » est blanc à gris clair, sans teinte verdâtre ou lie-de-vin et contient de plus nombreux macro-cristaux de tourmaline noire. De plus, alors que les faciès d’Haybes ont souvent une légère porosité intergranulaire, ceux de Macquenoise sont plutôt massifs et aux éléments plus compactés.

119Catégorie de pierre meulière : grès et conglomérat.

120Précisions lithologiques : feldspathique (mais les feldspaths sont généralement altérés), légèrement micacé, tourmaline noire.

121Caractérisation détaillée type : grès grossier à tendance conglomératique, contenant à la fois des grains de quartz, des feldspaths altérés (en argiles et micro-micas), des micas blancs, des débris de roches (quartzites) et quelques petits grains de tourmaline (noirs à l’œil nu). La présence de nombreux gros cristaux de feldspaths, parfois totalement altérés, parfois encore identifiables, permet de classer cette roche dans les grès arkosiques, voire les arkoses. Les éléments sont très mal triés et ont des contours irréguliers très peu usés, indice d’un transport très faible des éléments. Le léger métamorphisme et la tectonique subis par ce secteur ardennais peuvent être identifiés par la présence d’une légère schistosité, de veines de quartz et de quelques recristallisations ponctuelles.

Type de matériau

122Matériau granulaire fortement cimenté (A2) à matériau grenu (E).

Gisement

123Nom et âge de la formation géologique : Arkose d’Haybes, Lochkovien (Dévonien inférieur).

124Type de gisement : gisement(s) dominant(s) sur des ressources plus ou moins étendues, type 2.

125Aire de gisement : le faciès typique de Macquenoise s’observe dans le secteur frontalier entre Hirson (Pas-Bayard, Milourd) et Macquenoise.

Importance de cette pierre meulière

126Majeure. Le faciès typique du secteur de Macquenoise est observé à la fois dans des meules va-et-vient et dans des meules rotatives.

127Aire de diffusion approximative : tout le nord de la France, une partie du sud-ouest de la Wallonie et jusqu’à Reims.

Carrières connues

128Des carrières contenant des meules ont été observées le long de la ligne d’affleurements allant du site dit de Pas-Bayard (Hirson, Aisne) / Milourd), jusqu’au poste frontière de Macquenoise.

129Références bibliographiques : Rogine, 1876, 1880 ; Picavet et alii, 2011 ; Picavet et alii, ce vol.

Les vaugnérites du Nord-Morvan (fig. 4, K)

Description de la pierre

130Présentation : roche magmatique à cristaux blancs et micas noirs, souvent confondue avec un granite à biotite ou un gneiss peu orienté. Comparées à un granite, les vaugnérites ne contiennent que très peu de quartz, ce qui conduit parfois à les considérer comme des diorites micacées. Elles correspondent à un groupe particulier de roches du groupe des lamprophyres. Il existe plusieurs gisements de ces roches, dont celui de Vaugneray (Rhône) dans les Monts du Lyonnais, mais le faciès noir et blanc, généralement reconnu dans les meules, correspond plutôt à des gisements situés dans le nord du Morvan.

131Catégorie de pierre meulière : granites et assimilés.

132Précisions lithologiques : biotite, feldspaths (plagioclase).

133Caractérisation détaillée type : le faciès cristallin noir et blanc des vaugnérites observées dans les meules est homogène et très fréquemment confondu avec des granites. Les vaugnérites du Morvan sont essentiellement composées de feldspaths plagioclases (oligoclase ?) et de biotite (mica noir). Les feldspaths potassiques type orthose semblent quasiment absents. Des inclusions de différentes natures mais composées d’amas de petits cristaux sont observées au microscope. La texture cristalline grenue, quasiment équante, présente parfois une tendance intergranulaire orientée. Les cristaux automorphes de biotite sont alors organisés en lattes, et cloisonnent des cristaux interstitiels : feldspaths plagioclases très dominant, accompagnés de quelques cristaux de quartz et de minéraux accessoires.

Type de matériau

134Matériaux grenus (C).

Gisement

135Nom et âge de la formation géologique : Vaugnérite du Morvan.

136Type de gisement : gisement localisé sur ressource limitée, dite « rare », type 1.

137Aire de gisement : les vaugnérites de types correspondant au matériau meulier recherché existent en différents petits gisements ponctuels dans les environs de Quarré-les-Tombes (Côte-d’Or).

Importance de cette pierre meulière

138Importante mais à une échelle locale pour la période de La Tène, largement utilisée et pierre dominante des meules du sud de la région Champagne-Ardenne pour la période antique.

139Aire de diffusion approximative : les meules en Vaugnérites sont abondantes dans le nord de la Bourgogne, la partie nord-est de la France-Comté et dans le sud de la Champagne-Ardenne, en particulier près de Troyes ; elles se rencontrent jusqu’en Île-de-France.

Carrières connues

140Saint-Andeux (Côte-d’Or) : Bois de Joux, « Moulin Balidas » Références bibliographiques : Beaudoin, 1859, p. 24 ; Boyer et alii, 2006 ; Delfour, 2013.

La rhyolite de La Salle (fig. 4, L)

Description de la pierre

141Présentation : correspond à un petit gisement très localisé et uniquement présent dans la commune de La Salle (Vosges). Le roche contient des feldspaths pluri-millimétriques, des quartz et des biotites millimétriques réparties dans un fond homogène violacé (parfois décoloré en blanc). La texture particulière de la roche permet de l’identifier et de la différencier des autres paléo-rhyolites vosgiennes.

142Catégorie de pierre meulière : rhyolites.

143Précisions lithologiques : porphyrique, homogène, violacée.

144Caractérisation détaillée type : rhyolite de texture porphyrique (cristaux millimétriques allant jusqu’au centimètre, englobés dans un fond non cristallisé). Nombreux cristaux de feldspaths très altérés (blancs), cristaux sub-automorphes de quartz (gris ou vitreux), présentant fréquemment des golfes de corrosion et baguettes de micas recristallisés en oxydes de fer (noirs). Légère orientation fluidale des cristaux de micas. Macroscopiquement, le fond entre les cristaux (mésostase) est rosé à violet. Au microscope optique, le fond est plutôt d’un beige homogène en lumière polarisée non analysée avec, autour des feldspaths altérés, des auréoles plus sombres. En lumière polarisée analysée, des recristallisations de faible dimension, non orientées apparaissent comme de petites plages plus claires.

Type de matériau

145Matériau à grains abrasifs isolés au sein d’une phase de liaison plus fine (B).

Gisement

146Nom et âge de la formation géologique : Rhyolite de Nom-patelize d’âge Permien.

147Type de gisement : gisement localisé sur ressource limitée, dite « rare », type 1.

148Aire de gisement : le faciès de la La Salle est uniquement présent dans les lieux-dits des petites et grandes Fossotes sur cette commune ; à Bréhimont, la commune voisine, le gisement de rhyolite présente déjà un faciès différent.

Importance de cette pierre meulière

149Aire de diffusion approximative : l’aire d’utilisation principale de cette pierre est localisée en Lorraine et dans les Vosges, mais des exportations ponctuelles de meules tirées de cette roche sont attestées bien au-delà et notamment ponctuellement en Champagne-Ardenne : Acy-Romance (Ardennes), Perthes (Haute-Marne), etc.

Carrières connues

150Les Fossotes à La Salle.

151Références bibliographiques : Gravier, 1825 ; Lagadec, 2007 ; Farget, Fronteau, 2011.

CONCLUSION

152Les proportions des différents matériaux, et notamment des différentes appellations de pierres meulières inventoriées ici, varient très largement d’un corpus à l’autre. Cette variabilité est à la fois chronologique et géographique ; elle peut s’expliquer par des aires de diffusion différentes des matériaux au cours du temps, mais aussi par des choix culturels, économiques ou technique qui auront influencé l’utilisation ou l’approvisionnement en pierres. Pour être pertinentes, les études de matériaux lithiques doivent donc toujours être rattachées au contexte de la découverte archéologique. Il est donc presque inutile de vouloir tirer de grandes conclusions diachroniques sur l’évolution de la nature des matériaux meuliers, par exemple en Champagne-Ardenne, sans prendre en compte, entre autres, la variabilité spatiale, la représentativité ou la signification des différents corpus. Ainsi dans nos études, l’important corpus des meules protohistoriques d’Acy-Romance influence très largement les statistiques globales.

153Mais, afin de matérialiser cette variabilité spatiale et chronologique des principaux matériaux meuliers, terminons cet article par quelques comparaisons simples des tendances observées à l’échelle nationale et régionale. Concernant les meules va-et-vient, les proportions de matériaux montrent une prépondérance des grès et conglomérats (55 %), puis l’emploi de granites et assimilés (17 %), de basaltes (9 %) et enfin de calcaires (3 %) (fig. 5). Concernant les meules rotatives répertoriées à l’échelle nationale, les tendances sont assez proches : prépondérance des grès et conglomérats (45 %), puis emploi des basaltes et assimilés (20 %), des granites et assimilés (13 %), et des calcaires (12 %), (fig. 6). La plus forte représentation des calcaires peut d’ailleurs se justifier par l’important travail mené sur la Champagne-Ardenne. En effet, au sein de la base de données, pour les meules rotatives de cette région, les calcaires lutétiens dominent le corpus, notamment à cause de leur grande abondance à Acy-Romance. Mais, le fait que les calcaires soient encore prépondérants pour l’Antiquité, montre une tendance propre à cette aire régionale. Ainsi, contrairement à la tendance nationale indiquée précédemment, on note pour la Champagne-Ardenne : la prépondérance des calcaires (50 %), puis la présence des grès et conglomérats (12 %), des granites et assimilés (11 %) et des basaltes et assimilés (10 %) (fig. 7).

154À l’intérieur de ces grandes catégories de pierres meulières, les différentes appellations-types détaillées dans cet article sont présentes dans des proportions très diverses (fig. 8). Les calcaires du Lutétien, qui représentent 50 % des meules recensées, sont majoritairement des calcaires à cérithes (32 %) et des calcaires à Limnées (11 %), eux aussi du Lutétien supérieur. Les calcaires à Ditrupa du Lutétien moyen et les calcaires gréseux à Nummulites, type Glauconie grossière représentent respectivement 3 et 4 % des meules recensées dans la région. Pour le reste, les pierres meulières de type vaugnérite du Morvan (Saint-Andeux), le grès de type Fosses-Belleu, l’arkose de type Macquenoise et les basaltes représentent un total de 31 %. La meulière est très peu représentée dans le corpus étudié pour la région, avec seulement seize meules (soit environ 3 % des meules régionales), notamment à cause de la limite chronologique de l’an mille que nous nous sommes fixés dans le cadre de ce PCR.

155Les autres faciès semblent plutôt uniquement présents dans les départements du sud de la région (conglomérats, grès vosgiens, grès de la Serre, etc.). Pour la période de La Tène (fig. 9a), on note de très fortes proportions de meules en calcaires lutétiens, complétées par la meulière, l’arkose de Macquenoise et par exemple la rhyolite de La Salle. Pour la période antique (fig. 9b), une séparation assez nette apparaît entre le nord de la région, où perdurent les matériaux cités précédemment et le sud, où la vaugnérite du Morvan côtoie des grès. Et dans toute la région, des basaltes sont présents en importantes proportions. Enfin, pour le Moyen Âge (fig. 9c), les quelques meules référencées (nb = 19, Minvielle-Larousse et alii, ce vol.) sont majoritairement en meulières (13 sur 19), et seuls les basaltes (3 sur 19) et des grès et arkoses (3 sur 19) complètent le répertoire lithologique. On constate donc de grandes différences de répartition des matériaux à l’échelle régionale, couplées à des différences chronologiques (qui seront affinées et présentées au sein d’autres articles).