Étude des meules en Champagne-Ardenne
p. 19-34
Résumés
Les membres du PCR « Évolution typologique et technique des meules du Néolithique à l’an mille » ont expérimenté en région Champagne-Ardenne une enquête systématique sur les instruments de mouture signalés dans les rapports et conservés dans les dépôts. Ce travail a permis de mesurer le corpus établi à partir de la bibliographie et le corpus des meules effectivement conservées. 219 sites ont été identifiés ; 996 meules ou fragments de meules ont été étudiés. Cet échantillon servira de référence pour les études qui seront menées dans d’autres régions sur les meules, ou pour une comparaison avec les autres outils et productions artisanales.
The “Group Meules” undertook a systematic survey in the grinding tools recorded in reports and preserved in depositories throughout the Champagne-Ardenne region (France). This painstaking survey allowed making comparisons between the grinding tools in bibliographical references with those preserved in grinding tools assemblages. The study comprised a total of 996 millstones or millstone fragments from 219 sites. This study sample serves both as a reference for millstone studies undertaken in other areas and as a base of comparison with other types of tools and craft productions.
Entrées d’index
Mots-clés : Champagne-Ardenne, conservation de mobilier, Néolithique, meule, âge du Bronze, âge du Fer, période gallo-romaine, Moyen Âge, statistique
Keywords : Champagne-Ardennes, millstones, statistics, artefact preservation, Neolithic, Protohistory, Bronze Age, Iron Age, Gallo-Roman period, Middle Ages
Texte intégral
1Les membres du Programme Collectif de Recherche « Évolution typologique et technologique des meules du Néolithique à l’an mille » ont conduit en Champagne-Ardenne une expérience. Notre stratégie d’étude des meules consiste à appuyer les analyses typologiques sur une base représentative sur le plan quantitatif. Dans ce cadre, nous avons réunis nos efforts pour inventorier et analyser toutes les meules de toutes les périodes répertoriées dans une région. Nous sommes bien conscients que cette somme ne recouvre pas la totalité du corpus existant : l’enquête réunit cependant toutes les connaissances actuellement (2012) disponibles. Ses résultats constituent un corpus sur lequel nous pouvons appuyer des statistiques fiables.
2Cette contribution présente le corpus rassemblé à travers quelques analyses statistiques de ses caractéristiques ainsi que des inventaires qui pourront être utiles aux futurs chercheurs. Une présentation plus détaillée du déroulement du travail et des difficultés rencontrées est disponible dans les rapports du PCR conservés au Service régional de l’Archéologie de Champagne-Ardenne. Un tel dépouillement n’a pu être réalisé que par une équipe motivée, avec un partage et un contrôle réciproque des tâches, et avec la collaboration active des services d’accueil. Nous remercions les collègues œuvrant dans la région pour leur patience. L’exploitation des résultats est présentée dans les articles suivants, période par période.
1. Dépouillement bibliographique
3Le dépouillement des rapports conservés au SRA et des volumes de la Carte archéologique de la Gaule a été réalisé par une dizaine de personnes du « Groupe Meule » totalisant environ 70 jours/homme de travail
4Nous avons effectué une lecture exhaustive des rapports par département. Nous avons noté systématiquement toute référence de meule en indiquant le département, le nom de la commune, le lieu-dit, l’année d’intervention, le nom du responsable d’opération, une série d’informations administratives, la datation du site, le nombre de meules découvertes et les entités dans lesquelles elles ont été découvertes (no de sondage, Us, structure…), puis le lieu de conservation et éventuellement le numéro d’inventaire. Le but de ce dépouillement était de dresser une liste des outils de mouture présents dans les diverses collections champenoises pour avoir une idée du potentiel de données sur une large région.
5661 meules, réparties sur 326 sites, ont ainsi été inventoriées. Au niveau départemental, nous recensons 34 sites ayant livré des meules pour les Ardennes, soit un minimum de 66 outils de mouture (en dehors du site d’Acy-Romance, qui a livré un nombre très important de pièces), 140 sites pour l’Aube avec 292 meules, 119 pour la Marne avec 256 meules et 51 pour la Haute-Marne pour 85 meules.
6En terme chronologique (fig. 1), nous avons relevé 33 mentions de sites pour le Néolithique (dont 9 pour le Néolithique ancien, 7 pour le Néolithique moyen, 11 pour le Néolithique final), 77 pour la Protohistoire (dont 26 pour l’âge du Bronze, 14 pour la période de Hallstatt et 29 pour celle de La Tène), 168 pour l’époque romaine, 5 pour le haut Moyen Âge et 6 pour le Moyen Âge. On constate donc la part importante des sites antiques (302 meules), et à l’inverse une faible représentation pour le Moyen Âge (9 meules pour le haut Moyen Âge et 9 meules postérieures à l’an 1000). Les meules néolithiques et protohistoriques sont assez bien représentées : on remarque un nombre accru de meules au fur et à mesure que l’on avance dans le Néolithique (19 pour le Néolithique ancien, 25 pour le Néolithique moyen et 71 pour le Néolithique final), puis une légère diminution du nombre de meules mentionnées à l’âge du Bronze (51 meules), puis au Hallstatt (34 meules), avant d’observer un nombre plus important de pièces à la période de La Tène (51 meules).
7Le graphique de la figure 2 montre la chronologie des découvertes en fonction des mentions de meules dans la bibliographie et les rapports. Le sujet a toujours intéressé les chercheurs, dès le début du xixe s., même si les mentions sont beaucoup plus nombreuses depuis le début des années 1970, avec le développement général des opérations et des services archéologiques.
2. Étude des collections archéologiques champenoises
8Après le dépouillement bibliographique, le groupe s’est réparti les analyses de meules dans les différents dépôts et musées (fig. 3). Nous avons, grâce au concours des responsables, pu étudier les pièces repérées et éventuellement en retrouver d’autres. La démarche a consisté à coder sur une fiche la description des pièces, à les dessiner et à les photographier. Les déterminations pétrographiques des matériaux présents dans ces différents lots ont été faites par G. Fronteau et F. Boyer.
2.1. Centre archéologique Inrap de Saint-Martin-sur-le-Pré
9Le tableau de la figure 4 résume les travaux qui ont été réalisés à partir du mobilier conservé, entre 2010 et 2013, au centre de l’Inrap de Saint-Martin-sur-le-Pré, à côté de Châlons-en-Champagne.
2.2. Centre archéologique Inrap de Reims
10Le lot issu de fouilles rurales est limité à 9 pièces. Les 41 autres objets inventoriés proviennent essentiellement de fouilles urbaines de Reims, de plusieurs chantiers : rue de l’Équerre, rue Maucroix, rue Saint-Symphorien, rue de Cernay, Boulevard Henrot et le tracé du Tram de Reims (fig. 5).
2.3. Dépôt AFAN au Musée Saint-Remi à Reims
11Dix meules ont été dessinées par P. Picavet en 2010 dans le cadre de son Master 2 à l’Université de Lille 3. Ces meules sont issues de fouilles menées par l’AFAN et conservées dans l’aile gauche du musée Saint-Remi (fig. 6).
2.4. Centre archéologique de Reims Métropole
12La série rubanée de Saint-Martin-sur-le-Pré a été étudiée par C. Hamon en 2011. Les autres collections issues des fouilles du Centre ont été étudiées K. Cherfa (Master Université de Grenoble sur les collections de Bezannes), L. Jaccottey, F. Jodry et P. Picavet. Les déterminations pétrographiques ont été faites par G. Fronteau.
13Quelques collections issues de fouilles sont également conservées dans les dépôts de Reims Métropole et ont pu aussi être prises en compte, comme les deux meules de Villes-sur-Lumes et quatre meules de la fouille de la médiathèque de Reims. Deux meules sans provenance (de Reims probablement) ont également été retrouvées. Quelques fragments de la meule pompéienne découverte en 1859 Boulevard Joffre sont conservés au dépôt de la Rue Mazet (fig. 7).
14Les collections du Boulevard de la Paix, de la Rue Chativesle, de la Rue des Fusillés et de la Rue Roosevelt n’ont pas été retrouvées, tout comme les meules gauloises de Bétheny qui avaient été étudiées par Cl. Pommepuy (fig. 8).
2.5. Centre archéologique d’Archéopole Scop-sarl, Linselles (Nord)
15Le mobilier de mouture des fouilles menées sur la commune de Courceroy a été étudié par P. Picavet. Ces fouilles ont livré essentiellement du mobilier de l’âge du Bronze final et quelques pièces antiques (fig. 9).
2.6. Dépôt du SRA Châlons-en-Champagne
16L’étude des collections conservées dans le dépôt du Service régional de l’Archéologie a mobilisé presque toute l’équipe du « Groupe Meule » pendant plusieurs semaines en 2012 et 2013. À ce travail ont aussi participé les collègues du SRA Champagne-Ardenne, et particulièrement Gauthier Basset, responsable des archives et des collections (fig. 10).
17Nous avons écarté plusieurs collections pour lesquelles nous avions une mention d’industrie lithique (sans plus de précision) ou de fragments indéterminés, dont l’étude a permis d’invalider la présence d’éléments de mouture (fig. 11).
2.7. Musée de Charleville-Mézière (Ardennes)
18F. Jodry et S. Galland Créty ont réalisé l’étude avec l’aide de D. Nicolas et A. Tourneux, conservateurs du Musée de l’Ardenne. Une meule va-et-vient et vingt meules rotatives ont été inventoriées, dix-neuf pièces sont entreposées et deux exposées.
19Il n’a pas été possible de retrouver la provenance de quatre pièces, découvertes à Leffincourt, Neuville-lès-This (08-275), Saint-Marcel-Giraumont (08-264) et Sedans (08.280) (fig. 12 et 13).
2.8. Musée de Rethel (Ardennes)
20Une meule est signalée dans les collections du musée de Rethel (actuellement fermé), mais les contacts pris avec la commune n’ont pas permis d’aboutir.
2.9. Musée de Troyes (Aube)
21Vingt-deux meules antiques étaient signalées au musée Saint-Loup de Troyes. Neuf pièces proviennent de la ville elle-même, les treize autres ont été découvertes sur plusieurs communes situées au sud-est de Troyes, dans un rayon maximal de 50 km. Des meules sont signalées en association avec des sépultures mérovingiennes sur la commune d’Auxon (fig. 14).
22Treize autres mentions de meules proviennent de découvertes dans la ville de Troyes ; elles sont potentiellement conservées dans les réserves du musée Saint-Loup (fig. 15).
23F. Boyer, O. Buchsenschutz et S. Lepareux-Couturier, accueillis par M. Philippe Riffaud-Longuespé, ont pu dessiner ces pièces. Elles n’ont malheureusement ni provenance, ni contexte. Le recoupement avec les informations extraites du dépouillement bibliographique s’est avéré impossible.
2.10. Musée de Reims (Marne)
24Un premier inventaire a été dressé par F. Jodry, S. Lepareux-Couturier et G. Fronteau, repris par P. Picavet qui a terminé les dessins et l’enregistrement. Six meules sont présentées dans les collections permanentes : deux exemplaires dans une vitrine, que nous n’avons pas pu enregistrer, et cinq autres sont déposées sur un podium. Il s’agit de meules à entraînement mécanique : deux meules pourraient être à énergie hydraulique et trois autres à énergie animale (dont une en grès de Fosses). Ce sont, pour ces dernières, deux exemplaires de catillus pompéiens et une meta pompéienne. Un couple de meules pompéiennes provient des fouilles du Bd Lundy à Reims (fig. 16).
25D’autres pièces mentionnées comme étant dans les collections du musée n’ont pas été retrouvées (fig. 17).
2.11. Musée de Châlons-en-Champagne (Marne)
26Les collections de ce musée ont été étudiées par C. Garcia et L. Jaccottey. Seul un couple de meules découvert rue Kellermann était signalé, mais Nicolas Bernard a retrouvé une meule découverte à Sommesous et une meule sans provenance (fig. 18).
27Les trois meules signalées par Émile Schmit n’ont pas été retrouvées (fig. 19).
2.12. Musée d’Épernay (Marne)
28Les outils va-et-vient ont été étudiés par C. Monchablon, les meules rotatives par S. Lepareux-Couturier, G. Fronteau a caractérisé les roches, avec l’aide de C. Pace et J.-J. Charpy. Nous avons pu étudier quatre pièces (Hauviné, Bussy-Lettré, Clamanges et Fère-Champenoise), les deux autres n’ont pas été retrouvées (Écury-le-Repos et Haussimont). Les contextes de vingt-trois d’entre elles ont pu être précisés (fig. 20).
29Les réserves du musée d’Épernay conservent par ailleurs six meules rotatives et une meule va-et-vient sans contexte de provenance, qui ont été aussi documentées.
2.13. Musée de Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne)
30Ce petit musée renferme un catillus de moulin pompéien étudié par L. Jaccottey (fig. 21).
2.14. Musée de Langres (Haute-Marne)
31L’étude des collections du Musée de Langres a été conduite par L. Jaccottey grâce à Arnaud Vaillant qui a retrouvé : huit pièces du fonds ancien et six du Châtelet de Gourzon à Cohons, un site néolithique et protohistorique (fouille Lepage), du site antique de Colmier-le-Bas (fouille Harmand) et d’Isômes (fig. 22). La documentation bibliographique sur les fouilles du Châtelet de Gourzon, menées par P.-C. Grignon à la fin du xviiie siècle (Lepage, 1992) donne un descriptif détaillé des meules découvertes, qui ne sont pas conservées ; elle signale trois catillus pompéiens.
32Le catalogue du Musée publié en 1931, mentionne huit meules conservées dans les réserves : « 299. 1 meule romaine en granite noir. Trouvée aux environs de Langres et provenant de la collection Ch. Guerre. Don de la famille Guerre.
374. 7 meules en granit. »
33Les recherches menées par Arnaud Vaillant dans les différentes réserves du musée ont bien permis de retrouver les sept meules portant le no 374, ainsi qu’une pièce en vaugnérite sans numéro visible qui pourrait correspondre à la pièce de la collection Guerre (no 299). Quatre meules proviennent du site du Châtelet de Gourzon, probablement issues des fouilles Coslon menées vers 1900.
2.15. Musée de Saint-Dizier (Haute-Marne)
34L. Jaccottey a mené cette étude avec l’aide du service municipal (S. Lahière). Les collections issues de prospections pédestres d’Henri et Jean Lallemand comprennent essentiellement des séries préhistoriques et seul le site néolithique de Sommevoire a livré deux fragments d’outils de mouture. Quelques pièces protohistoriques proviennent des sites de Chamouilley et Hallignicourt, mais l’essentiel de la collection est composé de meules antiques : un fragment de meule antique découverte à Chamouilley, une meule complète à Humbécourt, un fragment à Hallignicourt, deux fragments proviennent de la villa antique des Crassé à Saint-Dizier (fouille Lepage) et une meule de la Ballastière sur la même commune (fouille Lepage). Les fouilles du Châtelet de Gourzon par M. Bretagne ont également livré cinq meules, dont quatre ont été retrouvées. Enfin, deux pièces autrefois exposées ne portent plus de numéro d’inventaire et sont sans provenance. L’informatisation des dessins a été réalisée par S. Cousserans-Néré et P. Picavet (fig. 23).
35D’autres pièces signalées dans l’inventaire n’ont pas été retrouvées, comme les trois meules antiques de Chancenay, les fragments de meules issus des fouilles Lepage aux Forges de Perthes et plusieurs pièces sans provenance. Les collections issues de la fouille du tumulus hallstattien de Nijon sont conservées dans les réserves, mais les fragments de grès et de granite ainsi que le fragment de meule n’ont pas été retrouvés (fig. 24).
2.16. Musée de Chaumont (Haute-Marne)
36Au moins quatre meules sont signalées au musée de Chaumont, mais elles n’ont pas pu être étudiées (fig. 25).
2.17. Archives départementales de Haute-Marne
37Ces locaux accueillent les collections issues des fouilles de la villa antique d’Andilly qui sont actuellement menées par C. Serano. Les collections étudiées par L. Jaccottey comptent à la fois le mobilier issu des fouilles en cours, mais aussi celui des recherches antérieures. Au total quatorze pièces ont été étudiées (fig. 26).
2.18. Fouilles B. Lambot à Acy-Romance (Ardennes)
38À la demande de B. Lambot, responsable de la fouille du site d’Acy-Romance, les membres du PCR se sont mobilisés afin de procéder à l’inventaire du mobilier lithique. G. Fronteau et F. Le Ny (responsable à l’Université de Reims du Master « Savoirs et Savoir-Faire en Archéologie ») ont organisé un stage dans le cadre d’un séminaire du parcours professionnel de ce Master, encadré par L. Jaccottey et F. Jodry. Ces derniers ont ensuite coordonné le travail sur cette importante collection. Grâce à l’attention que les fouilleurs ont portée à ce matériel, il a été possible d’analyser non seulement les meules entières ou fragmentées, mais aussi tout le corpus des minuscules morceaux généralement brûlés dispersés sur le site. L’étude cartographique et statistique a été réalisée avec le concours de P. Méniel (fig. 27).
2.19. Prospections S. Février, A. Vaillant
39Lors de l’étude des collections du musée de Langres par L. Jaccottey, nous avons eu l’opportunité d’étudier le mobilier découvert par Serge Février (archéologue bénévole) et Arnaud Vaillant (régisseur des collections, musée de Langres). Pour chacune de ces découvertes, nous avons bénéficié des indications de l’inventeur sur le contexte de découverte et la datation du site. Ces meules conservées à Faverolles (dix pièces), ainsi qu’une pièce découverte à Bannes par Hutinet qui avait été photographiée, ont été prises en compte (fig. 28).
2.20. Prospections J. Bochaton (Haute-Marne)
40Quelques pièces exhumées par Jacques Bochaton nous ont été soumises par l’intermédiaire de S. Février. Elles complètent les informations que nous possédons sur la région de Langres (fig. 29).
2.21. Prospections et fouilles Y. Gaillet (Haute-Marne)
41Les recherches menées dans les années 1960 par Yvon Gaillet ont amené à la découverte de plusieurs meules lors de fouilles et de prospections (fig. 30). Ce mobilier est conservé dans un dépôt à Brauvilliers dans le département de la Meuse (étude L. Jaccottey). Avec l’aide du fouilleur et de S. Février, nous avons pu étudier deux meules découvertes sur l’habitat antique de la Charbonnière à Fontaines-sur-Marne, mais trois autres pièces en vaugnérite issues du même site n’ont pas été retrouvées. Un fragment provenant probablement de la nécropole de Fosse Briot a également été identifié. En revanche, la meule découverte sur le site de Saint-Martin à Narcy est absente. Nous avons pu également dessiner deux meules, dont une médiévale, découvertes lors de prospections par R. Fulbert au lieu-dit Derrière la Grange à Fontaines-sur-Marne.
2.22. Prospections C. Petit (Haute-Marne)
42Ce prospecteur bénévole travaille dans la région de Langres particulièrement sur les sites datés du Paléolithique au Néolithique (étude L. Jaccottey). Le mobilier recueilli regroupe quatorze pièces provenant de sites de surface qui ont livré essentiellement des artefacts datables du Néolithique moyen ou final. Une meule rotative en vaugnérite provient également de la région de Langres (fig. 31).
2.23. Collections dispersées
43L’ensemble de la collection Étienne issue de prospections dans la région de Langres a été dispersée, tout comme les pièces découvertes par Ballée (Anrosey), Hutinet (meule en vaugnérite de Bannes) et Parmentier (Bourg) (fig. 32).
3. Bilan
44326 occupations ont été étudiées pour un total de 996 meules ou fragments de meules. À l’instar de ce qui a été réalisé à la suite du dépouillement bibliographique, nous avons tenté un bilan chronologique du nombre de sites et du nombre de meules étudiées (fig. 33). Certaines tendances déjà observées s’y retrouvent : le nombre important de sites antiques ayant livré des meules (121 sites pour 254 meules), le faible nombre des sites et des meules médiévales (quatre sites du haut Moyen Âge pour six meules et neuf sites du bas Moyen Âge pour dix-huit meules), le faible nombre de sites néolithiques (dix-sept sites, dont six du Néolithique ancien, cinq du Néolithique moyen et six du Néolithique récent ou final, pour 125 meules ou molettes, dont cinquante-sept pour le Néolithique ancien, quarante et une pour le Néolithique moyen et vingt-sept pour les phases récente et finale). Si pour la Protohistoire, le nombre de sites reste proche des décomptes dressés après l’étude bibliographique (cinquante-neuf sites, dont dix-neuf pour l’âge du Bronze, dix pour le Hallstatt, vingt-deux pour La Tène, huit attribuées aux âges des Métaux sans précision), le nombre d’outils de mouture est très sensiblement plus élevé (532 pièces, dont 121 pour l’âge du Bronze, vingt-neuf pour le Hallstatt et 366 pour La Tène, seize attribuées aux âges des Métaux sans précision). Cette différence est notamment la conséquence de l’étude de l’important site gaulois d’Acy-Romance.
45Ces premières observations montrent donc une forte hétérogénéité des informations, qui aura fatalement des incidences sur les conclusions qui pourront être émises. Les observations, qu’elles soient typologiques, pétrographiques ou morphologiques, seront plus pertinentes sur les séries de l’âge du Bronze, du second âge du Fer et de l’époque romaine que sur celles des autres périodes.
46Un bilan peut également être dressé par département : trente-quatre occupations pour les Ardennes (soit 350 meules, dont 66 hors Acy-Romance), 122 occupations dans l’Aube (soit 292 meules), 119 occupations dans la Marne (soit 256 meules), 51 en Haute-Marne (soit 85 meules) et quelques pièces sans provenance (fig. 34 et 35).
47Dans les collections que nous avons étudiées, certaines pièces signalées comme des outils de mouture se sont révélés être d’autres éléments lithiques (polissoirs, fragments de lapidaire ou simples fragments de roche). En règle générale ces erreurs ont porté sur seulement 7 % des sites : elles sont peu nombreuses pour les séries néolithiques (9 %), protohistoriques (3,9 %) ou antiques (5,4 %) et beaucoup plus nombreuses dans les corpus médiévaux.
48Nous avons essayé également d’estimer la part des séries qui n’a pas été prise en compte (collections perdues, dispersées, non prélevées…) (fig. 36). Le décompte des outils de mouture n’ayant pas toujours été fait (notamment dans la bibliographie ancienne), il est impossible d’estimer le nombre de pièces. Au total, 193 séries n’ont pas pu être étudiées sur un nombre minimum de 439 sites, ce qui représente 43 % des sites qui n’ont pas été vus. Le taux des collections non prises en compte est plus important pour les séries se rapportant au Néolithique (50 %) et à l’époque romaine (48,7 %). Cela peut s’expliquer pour le Néolithique par le fait que certaines fouilles importantes menées dans les années 1970 ou 1980 n’ont pas pu être étudiées (Mairy et Remilly-Aillicourt), et que certaines séries issues de prospections bénévoles ont été dispersées (collections Étienne). Pour l’époque antique ce fort taux s’explique notamment par un nombre de découvertes anciennes qui n’ont pas toujours été déposées dans des musées ou qui ont perdu toute mention de leur origine (fig. 37).
Conclusion sur la représentativité du corpus dépouillé
49En conclusion, ce lourd travail d’étude a permis d’étudier un millier de meules sur l’ensemble de la région. Ce chiffre très important fournit aujourd’hui un corpus régional unique à l’échelle du territoire français, qui doit permettre d’établir les meilleures statistiques possibles dans l’état actuel des connaissances sur ces outils dans la longue durée.
50Mesurer la représentativité des corpus pour des périodes aussi diverses est indispensable. Les quantités trop faibles (ici les moulins médiévaux), trop fortes (ici le poids du village gaulois d’Acy), doivent être provisoirement pondérées dans les calculs. Il est cependant nécessaire de faire l’enquête sur toutes les périodes à la fois : cette stratégie permet de disposer de la puissance d’une équipe et de faire le dépouillement une seule fois. Le regard des molinologues permet de faire tout de suite le tri dans la documentation.
51Les spécialistes des meules va-et-vient ont créé une base qui repose sur une codification des sites, alors que les moulins rotatifs sont décrits sur des fiches individuelles de meules. Il apparaît que les deux approches sont idéalement nécessaires : identifications de types particuliers et/ou caractéristiques ; définition de « faciès » par site ; aire d’alimentation en matériau ; pourcentage des différents types. Les notices par site prennent en compte l’intégralité du corpus, y compris les éclats et fragments pour les meules rotatives (comme à Acy, à Champfleury…). Nous réfléchissons actuellement à cette évolution dans nos bases et à la mise en ligne de ces données.
52La numérisation des rapports de fouilles, telle qu’elle a été faite récemment pour la Bretagne, rendra obsolète ce lourd dépouillement, qui « coûte » de nombreuses journées/homme, plombe les recherches des étudiants et doit être refait chaque fois qu’on étudie une série d’objets spécifiques. Cette numérisation n’empêchera pas le dépouillement des rapports qui restera long à faire, mais au moins leur sélection sur les termes de « meule, moulin » permettra de gagner beaucoup de temps.
53Nous pensons avoir montré en Champagne-Ardenne qu’il était nécessaire, au moins de façon expérimentale, d’assurer par cette méthode la validité des bases de l’enquête statistique que nous conduisons sur le territoire métropolitain
Auteurs
CNRS-AOROC Centre National de la Recherche Scientifique (3 rue Michel-Ange, Paris 16), ENS - UMR 8546 - AOROC
CNRS, UMR 8215, Nanterre
Inrap, laboratoire Chrono-environnement, UMR 6249, Besançon
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