Une exposition à Dijon : « Pax Romana - Scènes du quotidien en Gaule Romaine »
p. 349-354
Texte intégral
1Il est de coutume que la ville accueillant les colloques internationaux de l’Art Provincial Romain propose aux congressistes une exposition temporaire mettant en valeur les richesses régionales en matière de sculpture antique. Ce fut chose faîte à Dijon où, du 30 mai au 25 octobre 2015, fut conçue et présentée une manifestation originale au musée archéologique de la Ville : Pax Romana - Scènes du quotidien en Gaule romaine. On notera que le choix du sujet n’était pas innocent ; il entrait en résonance avec le thème porté par le colloque.
2Entre autres intérêts, l’exposition permettait aux congressistes, notamment à ceux venus de l’étranger, de poursuivre leur découverte de ce patrimoine régional esquissé au sein des communications, grâce à une observation de visu d’une cinquantaine de pièces lapidaires ainsi rassemblées tout exprès. D’ailleurs, une présentation des objets et du message esquissé par cette exposition a été offerte aux congressistes le lundi soir 1er juin 2015, où une centaine de convives (fig. 1) était reçue par Mme Christine Martin, Maire-Adjoint, chargée des Affaires culturelles de la Ville de Dijon et par M. David Liot, Directeur des musées et du Patrimoine.

Fig. 1. Une partie des visiteurs de l’exposition lors de la soirée offerte aux congressistes le 1er juin 2015 (cl. C. Vernou).
3L’exposition avait pour but de faire découvrir la vie, à l’époque antique, des femmes et des hommes qui nous ont précédés, par l’observation et la présentation des reliefs sculptés sur leurs tombeaux découverts en terre de Bourgogne et aux marges du Nord et de l’Est ; scènes de vie quotidienne dans lesquelles ils expliquent leur source de revenus principale et leur place dans la société gallo-romaine. Cette manifestation a cherché à toucher un large public par cet aspect familier du quotidien ; à désacraliser le musée en abordant des sujets de tous les jours, avec ces femmes et ces enfants, ces commerces de bords de rue ou ces artisanats des arrière-boutiques, ces chalands affairés aux chargements de véhicules ou ces notables lettrés, portant fièrement leurs tablettes d’écriture (fig. 2).
4L’exposition se composait de trois volets distincts répartis sur deux niveaux du bâtiment : un volet principal comprenant huit thèmes (fig. 3 et 7) présentés au rez-de-jardin (dortoir) ; un second volet dans la salle romane, au sous-sol, où quatre sujets étaient abordés parmi les collections permanentes du musée (afin de mieux mettre en valeur leur portée historique), et enfin un volet de type multimédia, à base d’écrans tactiles (fig. 3 et 4) qui accompagnait les modules thématiques en permettant aux visiteurs curieux ou instruits sur le sujet, d’accéder à des bases de données illustrées plus détaillées sur chaque sujet traité. On parle alors de second niveau de lecture.

Fig. 2. Stèle funéraire du Musée d’art et d’archéologie de Langres, figurant un homme tenant un cahier de tablettes d’écriture et un stylet ; Langres, iie siècle (cl. C. Vernou).

Fig. 3. Impression générale de l’exposition en entrant dans le dortoir des Bénédictins. Au premier plan, le module scénographique consacré au thème de l’agriculture-viticulture (cl. F. Perrodin).

Fig. 4. Une très jeune fille manipule un des écrans tactiles permettant d’accéder à une base de données consacrée au thème du module d’exposition. Un apport technique très apprécié du jeune public (et du moins jeune) (cl. C. Vernou).
5Une douzaine de thèmes traitant de la vie quotidienne était présentée à partir de bas-reliefs en calcaire, de moulages de blocs sculptés ou de grands tirages photographiques :
le commerce/les boutiques
féminin/masculin
le transport
l’enfance
l’artisanat
la médecine/les soins
chasse et pêche
agriculture/viticulture
musique et société
scène de repas/banquet/vaisselle
6En plus des collections propres du musée, comprenant parfois des pièces sorties tout exprès des réserves, plus d’une cinquantaine de prêts a été demandée à d’autres musées, en privilégiant les établissements de la région Bourgogne (Sens, Auxerre, Autun, Chalon-sur-Saône, Nuits-Saint-Georges, Beaune...) tout en complétant par des emprunts aux musées de Lyon, Langres, Metz, Nancy, Épinal, Bar-le-Duc... Le transport des œuvres a été réalisé par une société spécialisée (fig. 5), pour partie et par l’équipe technique des musées, pour le reste. Ce fut une tâche complexe et pénible, comme rarement réalisée dans les musées français.
7Une introduction portant sur l’organisation géopolitique de cette partie de la Gaule romaine (nord-est de la France actuelle) était proposée, abordant aussi les limites des provinces au cours des temps en donnant des précisons sur le choix chronologique : la Gaule romaine, de la réforme de Domitien à celle de Dioclétien. La majorité de ces reliefs datant effectivement des iie et iiie siècles de notre ère, il importait de préciser le cadre administratif des provinces et des cités concernées à cette époque (fig. 6).

Fig. 5. Un travail délicat et physique : l’installation des pièces lapidaires sur les modules d’exposition ; une prestation confiée à une entreprise spécialisée (Atelier Poids Plume) (cl. C. Vernou).

Fig. 6. Cartes extraites du panneau d’introduction de l’exposition : la Narbonnaise et la Gaule romaine, intégrant les lieux de provenance des bas-reliefs funéraires exposés. À gauche, la situation au début de l’Empire ; à droite, l’évolution des provinces après la réforme de Domitien (conception C. Vernou ; DAO C. Magister-Vernou).

Fig. 7. Plan d’implantation des modules de l’exposition dans la salle du dortoir des moines. Un outil de réflexion et de mise au point entre commissaire d’exposition et muséographe (DAO F. Beauclair).
8Pour asseoir le contenu historique et la pertinence des choix à opérer, un comité scientifique a été mis en place, contribuant au rayonnement de niveau national de cette exposition. Le comité se composait de :
9Jean-Louis Coudrot, ancien conservateur du musée du Châtillonnais et de Metz, bon connaisseur de l’archéologie gallo-romaine (reliefs de Metz, des Vosges, sites de Vertault ou d’Essarois...) ;
10Gérard Coulon, ancien conservateur des musées et châteaux d’Indre-et-Loire et du musée d’Argentomagus ; auteur de nombreux ouvrages sur l’iconographie et la vie quotidienne à l’époque gallo-romaine ;
11Jeanne-Marie Demarolle, professeur émérite d’Histoire ancienne de l’Université de Lorraine, spécialiste des reliefs antiques de Lorraine, auteur d’articles sur le sujet ;
12Simone Deyts, Université de Bourgogne, spécialiste des sculptures de la Gaule, nombreux articles et ouvrages dans ce domaine, ancienne conservatrice du musée archéologique de Dijon ;
13Sabine Lefebvre, professeur d’Histoire romaine à l’Université de Bourgogne, responsable scientifique du colloque sur l’Art Provincial Romain ;
14Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des hautes études de Paris, auteur d’un article de référence sur les figurations de métiers en Gaule romaine ; membre permanent du comité international organisateur des colloques sur l’Art Provincial Romain ; Hugues Savay-Carraz, conservateur en chef du musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon-Fourvière, archéologue et géologue, bon connaisseur des aspects de la vie quotidienne en Gaule.
15Le commissariat de l’exposition était assurée par :
16Christian Vernou, conservateur en chef du Patrimoine, Directeur du musée, assisté par Myriam Fevre, attachée de conservation du Patrimoine aux musées de Dijon.
17Dans le dortoir des moines, la muséographie prenait appui sur les éléments-force de l’architecture des lieux : les colonnes du dortoir des Bénédictins. Les thèmes abordés étaient portés par des modules quadrangulaires (fig. 7), caissons qui servaient d’appui à trois ou quatre blocs lapidaires, à un « totem », support des textes et des photographies reproduits sur toiles rétro-éclairées, et à un écran tactile permettant l’accès à des compléments d’informations sur le thème abordé. Dans la salle romane, au sous-sol, les modules de présentation englobaient de manière harmonieuse des sections de collections de la présentation permanente abordant des thèmes communs, unifiées par les panneaux de bois compressé de type OSB, aux teintes chaudes (fig. 3 et 8) et complétées par quelques pièces empruntées. Pour cette prestation, le musée a fait appel pour la scénographie au cabinet Beauclair (Paris). La réalisation de la majorité des caissons de présentation a été assumée par l’équipe technique des musées et notamment par Éric Dunatte, menuisier-ébéniste, assisté par Yvan Texier. Une autre partie du montage a été confiée à la Société Adimes-Concept (modules du sous-sol), société spécialisée en muséographie de la région dijonnaise.

Fig. 8. Vue générale de l’exposition témoignant de l’ambiance colorée et chaude engendrée par le matériau de présentation retenu. Au premier plan, le module consacré aux soins et à la médecine (cl. F. Perrodin).
18Afin de constituer un lien utile en direction des éléments de la culture matérielle, souvent associée par le grand public à nos musées d’archéologie, chaque thème comprenait la présentation d’une dizaine d’objets archéologiques : la serpe du vigneron, les forces de l’artisan drapier, la pince du forgeron, la boîte à bijoux de la matrone, les jouets de l’enfant… (fig. 9).
19Un effort particulier a été fait en direction des visiteurs étrangers afin qu’ils trouvent les outils de compréhension nécessaires, comme la traduction systématique des textes des panneaux documentaires en allemand et en anglais.

Fig. 9. Une visite commentée en septembre 2015. Au premier plan, le module consacré aux pratiques musicales : sous une cloche, un choix de mobilier issu des réserves du musée archéologique de Dijon, dont la figuration du jeune pâtre Sacrovirvs, ex-voto offert à la déesse Ivanaria dans le sanctuaire de Beire-le-Châtel (Côte-d’Or) (cl. C. Vernou).
20Des recueils séparés, disponibles à l’accueil du musée, donnaient la traduction des cartels. Un riche programme culturel jalonnait les cinq mois de cette exposition : spectacles, initiation à la cuisine antique, démonstration de taille de sculpture en bas-relief (fig. 10), visites commentées… Un numéro des Dossiers d’Archéologie (n ° 369, de mai 2016), consacré exclusivement à cette manifestation dijonnaise, servait de catalogue commode et d’un coût modeste à l’achat pour les visiteurs ou les touristes de passage.

Fig. 10. Un exemple d’animation du programme culturel accompagnant l’exposition temporaire : une démonstration de taille de pierre appliquée à la technique du bas-relief, par le sculpteur Éric de Laclos (restitution d’un relief funéraire du iie siècle, issu d’un mausolée du Dijon antique ; cl. C. Vernou).
21Au total, l’exposition a reçu plus de 22 000 personnes, fréquentation très honorable pour une exposition d’archéologie. Elle a fortement dynamisé la vie du musée en 2015 et toute l’équipe du musée archéologique de Dijon a été fière et heureuse de s’associer ainsi à l’événement hors du commun pour notre ville qu’a représenté ce XIV e Congrès international sur l’Art Provincial Romain.
Auteur
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Christian Vernou
Conservateur en chef du Patrimoine – MCC, Commissaire de l’exposition, Chercheur à l’UMR 6298 ARTEHIS.
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