Des fleuves et des hommes à l’époque mérovingienne
|2. Occupations rurales funéraires
Les textiles de la nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (France, Bas-Rhin) : contribution à la connaissance des pratiques funéraires d’époque mérovingienne
Zusammenfassung
In Roeschwoog wurden anlässlich von Bauarbeiten ca. 40 Gräber freigelegt, die vom Ende des 6. Jahrhunderts bis ans Ende des 9. Jahrhunderts datieren. Auf insgesamt vierzehn Metallobjekten, die zu filnf Bestattungen gehôren, haben sich mineralisierte Reste von Textilien erhalten. Merowingische Friedhöfe sind besonders reich an solchen Resten, die sich auf Schmuck, Toilettebesteck oder Waffen erhalten haben. Ihre Erforschimg gibt Informationen zur Herstellungstechnik undpotenziell auch zur Wirtschaft und Geschichte; sie hilft auch dabei Kontexte und Bestattungsbrauche nachzuvollziehen und zu verstehen. (trad. : A. Frey et J. Chameroy)
Volltext
1Au printemps 2010, la construction d’un lotissement d’habitation à Roeschwoog (Bas-Rhin, Alsace) donne lieu à une opération de fouille préventive menée par le Pôle d’Archéologie Interdépartemental Rhénan, au lieu-dit Am Wasserturm (voir A. Koziol, présent volume, p. 301). Localisée à l’entrée sud du village, l’emprise de la fouille occupe deux zones : au nord, un ensemble funéraire du haut Moyen Âge et un méandre du Rhin ; au sud, à environ 200 m, un habitat rural de la même période. La nécropole dont toutes les limites semblent avoir été cernées (Koziol et alii, 2011) est composée d’une quarantaine de tombes aux datations échelonnées entre la lin du vie siècle et la fin du ixe siècle. Quelques-unes livrent du mobilier associé à des restes de tissus, témoins discrets de l’existence d’un matériel devenu quasiment impalpable (fig. 1).
2En contexte funéraire, où les objets métalliques et les ossements représentent souvent les seuls vestiges conservés, l’absence quasi totale de matériaux organiques prive les sépultures d’une composante essentielle. La disparition des aménagements en bois et en matière textile (cercueils, coffres, linceuls, emballages, calages, etc.) comme celle des vêtements ôte beaucoup d’éloquence au mobilier en place. Éléments architecturaux, pièces d’armement et objets de parure apparaissent isolés, dans le meilleur des cas localisés aux endroits assignés par leur fonction. Pourtant, les découvertes de tombes protohistoriques d’Europe du Nord (Broholm, Hald, 1935 ; Hald, 1950 ; Bender-Jorgensen, 1986), les corps momifiés des régions sèches et désertiques, bandelettés, emmaillotés, empaquetés, habillés, chaussés, coiffés, parfois protégés par plusieurs couches de tissus (Debaine-Francfort, Abduressul dir., 2001 ; Rutschowscaya, 1990 ; Schick dir., 1998 ; Collectif, 2008), sont là pour témoigner de la place capitale qu’occupaient les étoffes dans des sépultures. Il apparaît donc essentiel de ne pas négliger les restes textiles qui, bien que fugaces, livrent des informations techniques de portée potentiellement économique et historique autant qu’ils aident à comprendre et à restituer certains aspects des pratiques funéraires.
Fig. 1. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Plan de la nécropole et localisation des sépultures ayant livré du matériel textile.
(DAO : PAIR)
1. Présentation des vestiges
3Des textiles minéralisés apparaissent sur quatorze objets métalliques issus de cinq inhumations (fig. 2). Tous sont conservés par minéralisation, un processus chimique provoqué par les composés métalliques issus de la corrosion. Les contextes funéraires, par essence agressifs en raison de la décomposition des corps, favorisent cette évolution. Les objets en métal, notamment les exemplaires en fer, se corrodent rapidement suite à l’inhumation ; moins dense que le métal lui-même, cette corrosion se développe en volume et piège les couches de matières organiques localisées à proximité. L’inverse se produit avec le cuivre (donc avec les objets en bronze) dont la corrosion, dense et peu volumineuse, n’emprisonne que les matières organiques en contact étroit avec l’objet. Il résulte de cette chimie une plus fréquente préservation des textiles sur le mobilier en fer que sur le mobilier en alliage cuivreux.
4Les vestiges de Roeschwoog présentent différents degrés d’altération. Les plus minéralisés d’entre eux ont perdu toute consistance organique ; ils sont préservés sous la forme d’empreintes parfois très fines. D’autres apparaissent en section, pris sous une couche minérale informe ; d’autres encore, moins altérés, conservent une composante organique. Le volume des libres est plus ou moins intact, même si leur texture et leur consistance ne sont plus celles d’origine. Parmi les vestiges de Roeschwoog, aucun n’a conservé sa souplesse initiale.
2. Analyse
5Les restes textiles sont étudiés de manière exhaustive en fonction des techniques de fabrication, de la détermination des libres (observations réalisées au MEB dans les locaux de l’IS2M/CNRS) et de la taphonomie des vestiges (MÉDARD, 2011, inédit). Par souci de cohérence physique et pour poser les bases logiques d’une interprétation, le matériel est exposé par sépulture. Ces dernières sont détaillées dans l’ordre, selon l’abondance des vestiges qu’elles rassemblent.
Fig. 2. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). effectif des objets étudiés présentant des vestiges organiques minéralisés.
Sépulture |
N° obj. |
Type objet |
Vestiges en matière organique |
1008.2-2 |
2 |
Boucle ceint, damasquinée |
Tissu |
1028.2-1-0 |
10 |
Plaque dorsale |
Tissu |
1054.2-2 |
2 |
Plaque-boucle |
Tissu |
1054.2-3 |
3 |
Rivet |
Tissu, cuir |
1054.2-4 |
4 |
Indéterminé |
Tissu |
1078.2-2 |
2 |
Boucle de ceinture |
Tissu |
1087.2-2 |
2a |
Plaque-boucle |
Tissu, cuir (?) |
1087.2-2 |
2b |
Fragments isolés |
Tissu |
1087.2-3 |
3 |
Contre-plaque |
Tissu |
1087.2-4 |
4a |
Passe-lanière entier |
Tissu (?), cuir |
1087.2-4 |
4b |
Fragment de passe-lanière |
Tissu |
1087.2-4 |
4c |
Plaque dorsale |
Tissu, bois |
1087.2-7 |
7a |
Ensemble de 7 fragments |
Tissu, cuir (?) |
1087.2-7 |
7b |
Ensemble de 3 fragments |
Tissu |
2.1. Les restes textiles de la sépulture 1087
6Datée entre 560/70 et 630/40 après J.-C. (Legoux et alii, 2009), la sépulture 1087 est en place lors de la découverte. Elle contient un individu adulte de sexe masculin, couché sur le dos dans un espace de décomposition vide signalant la présence d’un coffre étroit en matériau périssable. Une réintervention anthropique sur le squelette après son enfouissement et un déplacement du corps dans le coffre lors de l’inhumation sont décelables. Plusieurs objets empreints de restes textiles y sont mis au jour : une plaque-boucle 2a, deux fragments isolés 2b, une contre-plaque 3, deux passe-lanières 4a et 4b, une plaque dorsale 4c, un ensemble de six fragments 7a et un ensemble de trois fragments 7b (infra, fig. 15).
7Ces vestiges obéissent à une cohérence taphonomique : localisés dans la région du bassin, ils appartiennent au même système. La plaque-boucle 2a fonctionne avec la contre-plaque 3 qui lui fait face ; les fragments isolés 2b ne peuvent être replacés avec exactitude ; la plaque dorsale et les deux passe-lanières participent du même dispositif. La localisation imprécise du lot d’objets 7 (a et b) ne permet pas d’en définir l’appartenance (fig. 3).
2.1.1. Plaque-boucle et contre-plaque (2a, b et 3)
Localisation des restes textiles (fig. 4)
- 1 « Fil simple » ou « filé » : fil produit par la filature de fibres. Il peut s’utiliser ainsi ou con (...)
8La présence de restes textiles sur l’avers et le revers de la plaque-boucle (2a) se manifeste sous la forme de surépaisseurs. De couleur rouille sombre, elles sont caractérisées par une texture extrêmement résistante où le tissu se devine sous une gangue minérale informe. Par endroits apparaissent quelques fibres dont l’orientation signale des fils simples1 de torsion Z mesurant environ 1 mm de diamètre. Des restes de cuir existent au revers des rivets, à la base de la pointe. Les deux fragments isolés (2b) sont exclusivement constitués de tissu minéralisé.
Fig. 3. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1087 : situation de la tombe au sein de la nécropole ; corps en place et localisation des objets portant des traces de matière textile.
(DAO et clichés : PAIR)
- 2 « Torsion » : action de tordre un fil ou un groupe de fils. Le sens de torsion est défini par les l (...)
9L’avers et le revers de la contre-plaque (3) sont empreints de restes textiles mal conservés. Les plus minéralisés se présentent sous la forme de rythmes ténus, les autres sous la forme de matières organiques décomposées de texture poudreuse et de couleur orangée. Leur présence sur les deux faces de l’objet montre qu’initialement l’étoffe (ou les étoffes) « couvrait » la contre-plaque. Des fils simples tordus en S et en Z2, mesurant environ 1 mm de diamètre apparaissent, ainsi que des restes ligneux localisés au revers, signalant peut-être un élément du montage de la contre-plaque.
Fig. 4. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1087 : localisations des restes textiles à la surface des objets 2a, 2b, 3, 4a, b, c.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anatex)
Fig. 5. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1087, objets 2b et 4c. Caractérisation des étoffes.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anate)
Données techniques
- 3 « Chaîne » : ensemble de fils longitudinaux d’un tissu. Ils sont tendus dans la longueur du métier (...)
10L’un des fragments isolés (2b) offre l’opportunité d’une lecture technique de qualité. Le sens de fabrication du tissu est indéterminable, mais les fils plus saillants dans une direction que dans l’autre indiquent probablement le sens chaîne (OY)3. Le tissu est essentiellement disposé sous la forme de plis arasés, ne laissant apprécier la plupart du temps que des coupes transversales qui permettent d’en estimer assez correctement l’épaisseur à environ 0,7 mm. L’organisation des vestiges en couches superposées résulte apparemment du hasard de la disposition d’une seule et même étoffe.
- 4 « Réduction » : nombre de fils de chaîne ou de trame contenus dans un centimètre linéaire.
- 5 « Coup » : passage de trame au travers des fils de chaîne.
- 6 « Armure » : mode d’entrecroisement des fils de chaîne et de trame. Quel que soit le type de métier (...)
- 7 « Armure toile » : armure dont le rapport se limite à deux fils et deux coups, et dans laquelle les (...)
Fils : |
OY : simples, torsion Z ; diamètre : env. 0,5 mm |
OX : simples, torsion Z ; diamètre : env. 0,5 mm |
|
Réduction4: |
OY : env. 20-21 fils / cm |
OX : env. 10 coups5 / cm |
|
Armure6 : |
toile à dominante chaîne ou trame7 (fig. 5). |
Identification des matières premières
11L’analyse de la matière première permet de préciser des données qui, en raison d’une altération trop importante, sont en l’occurrence inaccessibles par le biais des observations macroscopiques. Les restes textiles illisibles sur l’avers et le revers de la plaque-boucle 2a apparaissent ainsi confectionnés à partir de fibres de laine ; il en va de même pour la contre-plaque 3 où le matériel conservé sous la forme d’empreintes s’avère être d’une parfaite lisibilité (fig. 6). Cette unité renvoie avec logique à la présence d’une même étoffe en contact étroit avec les deux éléments de la ceinture portée par le défunt.
Fig. 6. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Contre-plaque 3. À gauche : vue longitudinale des fibres de laine. À droite : sections creuses des fibres de laine.
(Clichés : CNRS-IS2M / S. Knopf)
12Une différence de matière première entre la plaque-boucle 2a et les fragments 2b, que l’on aurait pu croire détachés de cette dernière, est également mise en évidence. Révélant l’existence de deux étoffes distinctes, des fibres textiles d’origine végétale bien conservées apparaissent sur les fragments 2b. Il pourrait s’agir de lin (Linum usitatissimum L.).
2.1.2. Passe-lanières et plaque dorsale (4a, b, c)
Localisation des restes textiles (fig. 4)
- 8 « Armure sergé » : armure caractérisée par des côtes obliques en déplaçant d’un seul fil, vers la d (...)
13Des restes de matière organique sont localisés sur les deux faces du passe-lanière 4a ; il s’agit d’amalgames souples. Les deux faces du passe-lanière 4b sont empreintes de restes textiles, mais seul un vestige localisé en partie proximale est lisible. Il s’agit d’une étoffe tissée sur une base d’armure sergé. L’avers et le revers de la plaque dorsale 4c sont couverts de restes textiles nettoyés pour en améliorer la lecture. De couleur ocre, ils s’avèrent être en bon état de conservation et laissent apprécier un tissu relativement épais tissé en armure sergé de 2 lie 28.
Données techniques
14La plaque dorsale 4c offre une lisibilité suffisante pour permettre une analyse détaillée du tissu dont le sens de fabrication n’est pas déterminable.
Fils : |
OY : simples, torsion Z ; diamètre : env. 1 mm |
OX : simples, torsion Z ; diamètre: env. 1 mm |
|
Réduction : |
OY : env. 10 fils / cm |
OX : env. 10 coups / cm |
|
Armure : |
sergé de 2 lie 2 (voir fig. 5). |
15Les caractéristiques techniques du tissu en présence, très proches de celles observées sur le vestige 4b, incitent à diagnostiquer une même étoffe.
Identification des matières premières
16Le prélèvement effectué sur le passe-lanière 4a révèle un matériau aux caractéristiques inhabituelles pour des fibres textiles : compte tenu de son aspect, des restes de cuir sont vraisemblables. Le second passe-lanière 4b a, de toute évidence, été en contact avec une matière textile d’origine végétale, actuellement très endommagée. La plaque dorsale 4c atteste la présence de fibres de lin (Linum usitatissimum L.) caractéristiques et bien conservées. L’observation au microscope révèle encore l’existence de matière ligneuse (fig. 7).
2.1.3. Lot de fragments 7 (7a , b)
17Le tissu minéralisé sur un des fragments correspond, à une légère différence d’armure près, à ceux identifiés sur les objets 4b et 4c. De l’armure sergé de 2 lie 2 (4c) à l’armure sergé de 2 lie 1 (7a), il suffit de modifier la levée des lisses en cours de tissage puisque ces deux systèmes d’intrication reposent sur la même base technique.
Fig. 7. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Plaque dorsale 4c. À gauche : sections polygonales des fibres de lin (clichés : CNRS-IS2M/ S. Knopf). À droite : éléments structurels des matières ligneuses : bois.
2.2. Les restes textiles de la sépulture 1054
18Datée entre 560/70 et 630/40 après J.-C. (LEGOUX et alii, 2009), la sépulture 1054 est en place lors de la découverte. Elle contient un individu adulte de sexe masculin, couché sur le dos dans un espace de décomposition probablement vide signalant un contenant de type indéterminé. Des sondages sont réalisés pour cerner les limites de la fosse dont les dimensions atteignent 175 x 90 x 10 cm. Trois objets portant des traces de restes textiles y sont mis au jour : une plaque-boucle 2, un rivet 3 et un fragment indéterminé 4. Ces vestiges sont tous localisés dans le même secteur (fig. 8).
Localisation des restes textiles (fig. 9)
19Des restes de matière textile sont localisés sur les deux faces de la plaque-boucle 2. Les surfaces les plus importantes et les mieux conservées se trouvent au revers ; le tissu y est organisé en couches superposées, probablement dues au plissement de l’étoffe sous la ceinture. L’avers du rivet 3 est couvert de restes de tissu, tandis qu’au revers des restes de cuir sont matérialisés en strates de faibles dimensions. La quasi-totalité du fragment 4 est constituée de restes textiles organisés en couches superposées. Il s’agit d’une étoffe plissée dont le sommet arasé des plis ne laisse plus voir que des sections prises dans un étau minéral. Aucun de ces restes de tissus n’autorise une lecture technique.
Identification des matières premières
20En dépit de l’altération des fibres, les prélèvements effectués sur T avers et le revers de la plaque-boucle 2 permettent d’identifier des fibres de laine. Le diamètre des éléments appréciables atteint facilement 30 μm, suggérant T utilisation d’une laine de qualité ordinaire.
21Des éléments présentant les caractéristiques des fibres de tige ainsi que des cellules de parenchyme apparaissent à l’examen du prélèvement effectué sur le rivet 3. Plus qu’à des restes de matière ligneuse, ces éléments pourraient correspondre à des « anas » accrochés dans une filasse qui n’aurait été ni parfaitement nettoyée, ni correctement peignée (les fibres sont encore disposées en faisceaux compacts). Les fibres au diamètre moyen de 20μm pourraient être de qualité moyenne, chanvre ou lin.
22La matière première échantillonnée sur le fragment 4 est quasiment illisible ; quelques indices laissent présumer des fibres de laine.
2.3. Les restes textiles de la sépulture 1008
23Datée entre 600/10 et 700/10 après J.-C. (Legoux et alii, 2009), la sépulture 1008 est en place lors de la découverte. Elle contient un individu adulte de sexe masculin, couché sur le dos. L’individu, âgé de plus de 40 ans et mesurant environ 1,77 m, repose dans une cavité dont les dimensions sont estimées à 200 x 100 x 25 cm. Parmi le mobilier une plaque-boucle damasquinée porte la trace de restes textiles (fig. 10).
Localisation des restes textiles
24Les restes textiles présents au revers de la plaque-boucle 2 se présentent sous la forme ténue de vestiges désormais informes. Leur état de conservation n’autorise aucune lecture technique, mais on devine que le textile devait être initialement présent sur la quasi-totalité du revers (fig. 10).
Fig. 8. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm ( Bas-Rhin). Sépulture 1054 : situation de la tombe au sein de la nécropole ; corps en place et localisation des objets portant des traces de matière textile.
(DAO et clichés : PAIR)
Fig. 9. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1054. Localisation des restes textiles à la surface des objets 2 et 3.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anatex)
Fig. 10. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1008 : situation de la tombe au sein de la nécropole ; corps en place, localisation in situ de la boucle de ceinture portant des traces de matière textile (DAO et clichés : PAIR) ; localisation des restes textiles à la surface de l’objet.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anatex)
Identification de la matière première
25Deux séances d’observation sont nécessaires, le premier prélèvement ne laissant apercevoir aucun vestige organique. Le second révèle quelques fibres strictement organisées en faisceaux rigides dont la structure évoque une matière ligneuse plus que des fibres textiles.
2.4. Les restes textiles de la sépulture 1028
26Datée entre 560/70 et 600/10 après J.-C. (LEGOUX et alii, 2009), la sépulture 1028 est en place lors de la découverte. Elle contient un individu adulte de sexe masculin, couché sur le dos. Âgé de plus de 40 ans, il repose dans une fosse dont les dimensions ne sont pas appréciables. Parmi le mobilier une plaque dorsale porte des traces de restes textiles (fig. 11).
Localisation des restes textiles
27Des restes de matière textile sont localisés sur T avers de la plaque dorsale, au sommet d’un des quatre rivets ; des restes ténus sont également présents aux marges de l’objet et des restes ligneux existent au revers. Le tissu localisé sur la tête de rivet offre une bonne lisibilité technique : on distingue les fils, leur sens de torsion et, dans une certaine mesure, la base d’armure utilisée (fig. 11).
Fig. 11. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1028 : situation de la tombe au sein de la nécropole ; corps en place, localisation in situ de la plaque-boucle portant des traces de matière textile (DAO et clichés : PAIR) ; localisation des restes textiles à la surface de l’objet.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anal ex)
Données techniques
28Le sens de fabrication du tissu est indéterminable car aucune particularité technique ne permet d’en assurer l’orientation.
Fils : |
OY : simples, torsion Z (?) ; diamètre : env. |
OX : simples, torsion Z ; diamètre : env. 0,8 mm |
|
Réduction : |
OY : env. 10 fils / cm |
OX : env. 10 coups / cm |
|
Armure : |
sergé de 2 lie 1 (?). |
Identification de la matière première
29L’examen de la matière première révèle des fibres textiles d’origine végétale, dans l’ensemble lisibles et bien conservées.
2.5. Les restes textiles de la sépulture 1078
30Datée entre 560/70 et 630/40 après J.-C. (Legoux et alii, 2009), la sépulture 1078 est en place lors de la découverte. Elle contient un individu adulte de sexe féminin. Couché sur le dos dans un espace de décomposition vide signalant la présence d’un contenant étroit en matière périssable, l’individu, âgé de 20 à 49 ans, repose dans une cavité aux dimensions de 210 x 115 x 10 cm. Parmi le mobilier, une boucle de ceinture porte la trace de restes textiles (fig. 12).
Fig. 12. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1078 : situation de la tombe au sein de la nécropole ; corps en place, localisation in situ de la boucle portant des traces de matière textile (DAO et clichés : PAIR) ; localisation des restes textiles à la surface de l’objet.
(Clichés et dessins : F. Médard / Anate)
Localisation des restes textiles
31Des restes de tissu sont présents sur l’ensemble de la boucle, plus encore sur l’avers que sur le revers. Les fibres sont apparentes pour la plupart, mais les fils comme l’armure de tissage restent difficiles à caractériser. Au vu de la disposition des vestiges, il s’agit sans doute de la même étoffe sur les deux faces (fig. 12).
Identification de la matière première
32Incontestablement présente, la matière textile est endommagée ; ses caractéristiques de surface ont disparu sous l’effet de l’érosion. De très nombreuses fibrilles constituent les seuls témoins de fibres désormais disloquées. La présence de laine est cependant indubitable ; les écailles caractéristiques des surfaces apparaissent clairement sous la forme d’empreintes.
3. Synthèse et interprétation des résultats
33Les vestiges en matière organique recueillis dans la nécropole de Roeschwoog sont, dans l’ensemble, en mauvais état de conservation. Les restes textiles dont l’analyse technique a pu être effectuée apparaissent comme des productions simples. Le diamètre des fils, systématiquement supérieur à 0,5 mm et allant parfois jusqu’à 1 mm, les torsions classiquement en Z et les réductions d’environ 10 fils par cm dans les deux sens de tissage, témoignent d’ouvrages de qualité ordinaire. Si l’on se réfère au corpus des textiles mérovingiens exhumés dans l’est de la France (MÉDARD, Moulhérat, 2008, p. 131), ces données techniques correspondent toutefois au standard des productions jusqu’alors mises au jour en contexte funéraire. La différence notable tient au lien habituellement observé entre matière première et tissu. Les étoffes confectionnées en armure sergé sont généralement en laine (Médard, Moulhérat, 2008, p. 129-130) ; à Roeschwoog, elles sont réalisées à partir de fibres végétales (SP 1087.2-4b ; SP 1087.2-4c ; SP 1087.2- 7a ; SP 1028.2-10). On peut objecter que la lisibilité des vestiges ne permet pas de définir l’ensemble des armures représentées (neuf armures illisibles, une armure toile, quatre armures sergé) (fig. 15), ce qui, en effet, constitue un handicap susceptible de fausser l’appréciation technique de la collection.
Fig. 13. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1087 : relevé de la sépulture ; signalement des objets et vestiges organiques identifiés.
(DAO : PAIR ; clichés et dessins : F. Médard / Anate)
34L’analyse des vestiges par sépulture permet de restituer plus ou moins précisément la place qu’occupaient les étoffes dans les tombes. À ce titre, l’inhumation 1087 livre des éléments de compréhension substantiels. La plaque-boucle et la contre-plaque lui faisant face révèlent la présence d’une même étoffe, relativement grossière, dont la disposition suggère un vêtement tissé en laine ordinaire, tunique ou chemise assez ample, serrée sous la boucle de ceinture et retombant partiellement au-dessus (textile présent sur les avers et revers des deux éléments). La plaque dorsale, les deux passes-lanière et les proches fragments (lot 7) portent tous la trace d’un tissu en fibres d’origine végétale construit sur une base d’armure sergé ; il pourrait s’agir d’une seule et même pièce. Le passe-lanière sur lequel des restes de cuir ont été préservés s’inscrit dans la cohérence de cet ensemble : celui d’une ceinture utilisant un système de sangle et/ou de lanières en cuir. La présence évidente de matière ligneuse au revers de la plaque-boucle et de la plaque dorsale renvoie peut-être au montage des éléments métalliques de la ceinture, à moins qu’il ne s’agisse du contenant dans lequel était placé le défunt. Enfin, les fragments isolés (lot 2) révèlent la présence incontestable d’un tissu confectionné à partir de fibres végétales (lin probable). La réalisation fine et de qualité pourrait correspondre au linceul suggéré par la position du corps dans la sépulture ; l’analyse anthropologique a en effet révélé une contrainte exercée sur le squelette (fig. 13).
Fig. 14. Nécropole de Roeschwoog Am Wasserturm (Bas-Rhin). Sépulture 1054 : relevé de la sépulture ; signalement des objets et vestiges organiques identifiés.
(DAO : PAIR ; clichés et dessins : F. Médard / Anate)
35La sépulture 1054 livre trois objets unis par une cohérence spatiale; il s’agit d’éléments d’une même ceinture retenant un vêtement ainsi que les armes qui y sont suspendues. La boucle marquée par la présence de restes textiles sur les deux faces semble, d’après l’analyse des fibres, empreinte d’une même étoffe dont la disposition touchait à la fois l’avers et le revers. Il s’agit d’une chemise ou d’une tunique dont le plissé retombait sur l’avers de la boucle. La présence de textile sur l’avers du rivet laisse supposer la proximité d’un vêtement différent de celui associé à la boucle de ceinture; l’analyse des fibres indique une étoffe en matière végétale et non un lainage comme précédemment identifié. Le cuir repéré au revers du rivet suggère une lanière, une courroie ou quelque autre objet appartenant à la panoplie du défunt. Le voisinage du scramasaxe permet d’interpréter cet élément soit comme un rivet de ceinture, soit comme un rivet du fourreau de scramasaxe (fig. 14).
36Dans la sépulture 1008, les restes textiles préservés exclusivement au revers de la plaque-boucle témoignent de la présence d’un vêtement glissé sous la ceinture du défunt ; tunique ou chemise.
37Dans la sépulture 1028, les restes de tissus présents sur l’avers de la plaque dorsale peuvent être interprétés comme les vestiges d’un vêtement couvrant, cape ou manteau. On peut également imaginer les restes d’une chemise prise sous le corps et plaquée contre l’avers de façon ponctuelle.
38Dans la sépulture 1078, les restes de tissu occupent la quasi-totalité de la boucle de ceinture. Cette disposition laisse supposer la présence d’un tissu placé sous la boucle en même temps qu’au-dessus. Une chemise assez lâche retombant sur la ceinture peut, de manière plausible, avoir laissé son empreinte sur l’avers de l’objet.
Literaturverzeichnis
Bibliographie
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Broholm H-C., Hald M., 1935, « Danske bronzealders dragter », Nordiske Fortidsminder II, Hefte 5, og 6, Kpbenhavn, Nordiske Forlag, p. 215-347.
Collectif, 2008, Paracas : trésors inédits du Pérou ancien, Catalogue d’exposition, Musée du Quai Branly, Paris 1er avril-13 juil. 2008, Paris, éd. Flammarion, 215 p.
Debaine-Francfort C., Abduressul I. dir., 2001, Keriya, mémoires d’un fleuve : archéologie et civilisation des oasis du Taklamakan, Catalogue d’exposition, Paris, Espace Électra, 14 fév.-31 mai 2001, Saint-Gemiain-du-Puy, éd. Findakly, 248 p.
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Anmerkungen
1 « Fil simple » ou « filé » : fil produit par la filature de fibres. Il peut s’utiliser ainsi ou constituer les éléments de base d’un fil retors.
2 « Torsion » : action de tordre un fil ou un groupe de fils. Le sens de torsion est défini par les lettres « S » ou « Z » suivant que l’inclinaison des spires du fil formé correspond à celle de la barre médiane de la lettre indiquée.
3 « Chaîne » : ensemble de fils longitudinaux d’un tissu. Ils sont tendus dans la longueur du métier et passés dans les organes chargés de les actionner. Sur les métiers verticaux, ils correspondent aux fils tendus dans le sens vertical. « Trame » : fil disposé transversalement aux fils de chaîne dans un tissu.
4 « Réduction » : nombre de fils de chaîne ou de trame contenus dans un centimètre linéaire.
5 « Coup » : passage de trame au travers des fils de chaîne.
6 « Armure » : mode d’entrecroisement des fils de chaîne et de trame. Quel que soit le type de métier utilisé, les fils de trame passent perpendiculairement au-dessus et au-dessous des fils de chaîne.
7 « Armure toile » : armure dont le rapport se limite à deux fils et deux coups, et dans laquelle les fils impairs et pairs alternent à chaque coup, au-dessus et au-dessous de la trame. « Armure toile à dominante chaîne ou trame » : se dit d’un tissu en armure toile dont les fils orientés dans le sens chaîne ou trame sont plus tassés que ceux orientés dans l’autre sens.
8 « Armure sergé » : armure caractérisée par des côtes obliques en déplaçant d’un seul fil, vers la droite ou vers la gauche, tous les points de liage à chaque passage de la trame.
Abbildungsverzeichnis
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