URL originale : https://books.openedition.org/artehis/24334

Wittenheim « Lotissement du Moulin » (Haut-Rhin), un habitat du premier Moyen Âge
Stéphanie Guillotin et Cécile Glardon
p. 271-288
Résumés
La fouille du site de Wittenheim a permis de mettre en évidence une occupation diachronique qui s’étend du Néolithique ancien à l’Époque moderne. La première installation du haut Moyen Âge, au vie siècle, est assez réduite. Nous nous trouvons sans doute, à cette époque, à la périphérie d’un habitat. À partir de la première moitié du viie siècle, l’occupation se densifie et deux espaces rectangulaires autour desquels se répartissent les fonds de cabane apparaissent. Durant la seconde moitié du viie siècle, l’espace se divise en deux parties bien distinctes avec d’un côté l’espace dédié aux fonds de cabane et de l’autre celui réservé aux bâtiments de plain-pied. Au viiie siècle, la densité d’occupation du site tend à diminuer et les structures à se regrouper dans la moitié ouest du site.
Peu de structures persistent au Moyen Âge central et au bas Moyen Âge. Le site est sans doute déjà en grande partie abandonné, mais conserve cependant une activité sporadique et disséminée entraînant la présence d’un certain nombre de tessons éparpillés. Peut-être l’habitat s’est-il déjà déplacé vers le sud et une motte castrale, le site devenant alors uniquement une zone de travail périphérique. À l’Époque moderne, malgré la persistance de la motte à proximité, le site n’est plus fréquenté que de manière sporadique. L’habitat s’est totalement déplacé.
die Ausgrabung einer Siedlungsstätte bei Wittenheim ergab eine diachrone Belegung von der Jungsteinzeit bis in die Neuzeit. die frühesten Belegungsspuren des frühen Mittelalters im sechsten Jahrhundert sind relativ spärlich. Hier wurde zweifellos nur die Peripherie der Ansiedlung erfasst. Von der ersten Hälfte des 7. Jahrhunderts an verdichtet sich die Belegung und es werden zwei rechteckige Plätze greifbar, um die sich die Grubenhäuser gruppieren. Während der zweiten Hälfte des 7. Jahrhunderts wird eine deutliche Zweiteilung sichtbar, wobei sich die Grubenhäuser aufden einen Bereich beschränken während der andere ebenerdigen Gebäuden vorbehalten war. Im 8. Jahrhundert geht die Besiedlungsdichte zurück und die Strukturen konzentrieren sich im Westen des Fundplatzes.
Nur wenige Strukturen bleiben bis ins Hoch- und Spätmittelalter erhalten. Zweifellos ist die Siedlung bereits zu großen Teilen aufgelassen, eine Anzahl von Scherben deutet aber auf sporadische und verstreute Aktivitäten hin. Vielleicht war die eigentliche Siedlung schon nach Süden, in Richtung der Motte verlegt und der Fundplatz war zu einem peripheren Wirtschaftsbereich geworden. In moderner Zeit wurde der Fundplatz, obwohl die nahegelegene Motte weiterbestand, nur noch sporadisch aufgesucht. Die Siedlung wurde komplett verlagert. (trad.: A. Frey)
The Wittenheim excavation site has revealed diachronie occupation from Neolithic to modem times. The first installation in the 6th century was very small, andprobably on the outskirts ofa seulement. From the first half of the 7th century, the seulement became denser and two rectangular spaces, bounded by sunken-featured huts, appeared. During the second half of the 7th century, the space was divided into two distinct parts : the sunken-featured huts on one hand and single-storey buildings on the other. In the 8th century, the density of occupation decreased and the structures became clustered in the western half of the site.
Few structures persisted during the mid and late Middle Ages. The site was probably already largely abandoned but was still characterized by sporadic activity, as revealed by a number of scattered shards. The habitat may have already moved southwards to the motte and bailey castle and the site become purely a work zone. In spite of the continued existence of the motte and bailey castle nearby, in modern times the site was deserted. The seulement had moved entirely away.
Texte intégral
1Le village de Wittenheim est localisé dans la plaine de l’Ill, sur sa rive gauche, à environ 7 km au nord de Mulhouse. La zone concernée par la fouille se trouve à 200 m à l’est de remplacement de l’église médiévale aujourd’hui détruite et à une cinquantaine de mètres au nord d’une motte castrale et de sa basse-cour. La zone est bordée à l’est par le canal du Dollerbaechlein qui alimentait le moulin situé au nord du site, au bord de la route actuelle.
2C’est la présence de la motte castrale qui a motivé la prescription de sondages sur cette parcelle menacée par un projet de lotissement. La problématique principale de cette fouille était en effet de mieux appréhender le développement de l’habitat médiéval aux abords immédiats du pôle attractif que représente la motte castrale, datée du xive siècle par les sources écrites (METZ, 1989).
3La fouille a permis de mettre au jour une occupation particulièrement dense du site, décapé sur environ 3 800 m2. Celui-ci est occupé dès le Néolithique ancien par de nombreuses fentes et huit inhumations. Cette installation se développe sans doute plus au sud de ce qui a pu être observé pendant la fouille. Le site est à nouveau occupé au Néolithique récent (Munzingen). Encore une fois, il s’agit d’inhumations. Quatre sépultures multiples en fosses circulaires sont accompagnées de trois silos contenant des dépôts de différentes natures, dépôts animaux, dépôts céramiques, ou les deux à la fois. Après une nouvelle interruption, la période protohistorique (Hallstatt D3 - La Tène A) nous livre quelques indices d’installation. Deux silos et une fosse ont pu être rattachés à cette période.
4Peu de structures peuvent être clairement attribuées à l’époque romaine. Cette période est en effet surtout présente par le biais de mobilier résiduel trouvé au sein des structures médiévales. Ce qui ressort néanmoins de la fouille de ces structures, c’est une occupation précoce de faible importance dès la première moitié du Ier siècle. Cette installation va peu à peu se densifier et s’étendre à partir de 70 ap. J.-C. et pendant le iie siècle. Le site subit ensuite une régression, avant de connaître un hiatus dans son occupation durant le iiie siècle. Le site est à nouveau fortement occupé au ive siècle. Au vu de l’étude céramique, le contexte semble être plutôt celui d’un habitat, même si peu de structures peuvent confirmer cette interprétation. La fonction du site reste donc une inconnue ainsi que son emprise réelle. Peut-être fonctionnait-il avec la villa de la fin du ier et du iie siècle découverte par J. Schweitzer à environ 500 m au nord en 1979 et sise au lotissement « Les Amandiers » (SCHWEITZER 1984).
5Le site connaît un nouveau hiatus durant le Ve siècle puis un regain d’occupation au vie siècle avec une première installation du haut Moyen Âge. Nous essaierons ici d’exposer l’organisation et le développement de cet habitat, au haut Moyen Âge, puis sa spécificité par rapport aux autres habitats fouillés dans la région.
1. Le site à l’époque médiévale
6Les vestiges de la période médiévale s’étendent sur toute la superficie étudiée, mais avec des densités différentes (fig. 1). En effet, l’essentiel des vestiges se situe sur les deux tiers ouest du site. À l’est, la densité des vestiges étant bien moins grande, les limites de l’habitat semblent avoir été atteintes, alors qu’à l’ouest et au sud, les vestiges se poursuivent au-delà de l’emprise de la fouille. La présence d’un grand fossé tout le long de la limite nord ne nous permet pas de nous prononcer concernant l’extension de l’habitat dans cette direction.
1.1. Les fonds de cabane
7Quarante-quatre fonds de cabane ont été mis au jour sur le site. Ils sont répartis dans les deux tiers ouest du chantier. La majorité de ces structures est rectangulaire et orientée selon un axe est-nord-est/ouest-sud-ouest. C’est le type de structure le plus représenté sur le site. Cinq types de fond de cabane ont été mis au jour.
8Une typologie de ces fonds de cabanes a pu être réalisée ici avec pour base celle déjà mise en place sur les sites de Sierentz « Zac Hoell » en 2007 et de Crastatt « Lotissement Falby » en 2009, de manière à obtenir une certaine cohérence d’un site à l’autre. Les typologies de ces deux sites ont été enrichies des données issues de la fouille des sites proches de Wittenheim tels que Munwiller « Les Fleurs » et Ruelisheim « Le Clos Saint-Georges », mais aussi de sites du Bas-Rhin proches de Crastatt comme Marlenheim « La Peupleraie 2 » et « Maison Apprederis » (fig. 2).
1.1.1. Type 1 : les cabanes à deux poteaux médians
9Ce type se caractérise par la présence de deux poteaux médians placés sur les petits côtés de la structure. Il s’agit du type le plus représenté avec quatorze fonds de cabane sur les quarante-quatre recensés. Il est majoritairement situé dans la partie sud-ouest du site. En effet, sept des quatorze cabanes à deux poteaux médians sont réparties autour d’un espace rectangulaire mesurant 10,35 m x 18,50 m, soit 191,50 m2 (espace 1, fig. 7). Leur présence est attestée à toutes les époques allant du début du viie à la fin du xive siècle. Il semble donc que ces cabanes ne soient pas typiques d’une période, maisqu’on les retrouve au contraire à toutes les époques.
Fig. 1. Plan des structures médiévales du site de Wittenheim ‘Lotissement du Moulin ’.
(S. Guillotin)

1.1.2. Type 2 : les cabanes à poteaux corniers
10Ce type est caractérisé par la présence de quatre poteaux d’angle. Il est représenté par sept cabanes. Celles-ci sont plutôt groupées dans la partie médiane du site, mais elles ne présentent aucune organisation particulière. La présence de ces fonds de cabane est attestée durant tout le haut Moyen Âge (seconde moitié vie - milieu Xe siècle). Ils disparaissent totalement par la suite. Il semblerait donc que contrairement au type à deux poteaux médians, les fonds de cabane à poteaux corniers soient caractéristiques d’une période. À Wittenheim leur datation est cohérente avec ce qui a pu être observé sur d’autres sites alsaciens, où on ne les retrouve plus au-delà du haut Moyen Âge. Ce type est le premier à être représenté sur le site de Wittenheim au haut Moyen Âge la (2e moitié vie-début viie siècle). Il se révèle, en effet, souvent être parmi les plus anciens avec le type à quatre poteaux corniers et deux poteaux médians comme c’est le cas à Ruelisheim « Le Clos Saint-Georges » ou à Munwiller « Les Fleurs » (Haut-Rhin).
1.1.3. Type 5 : les cabanes dépourvues de poteau
11Ce type est caractérisé par l’absence de trous de poteau. Six cabanes ont pu y être rattachées. Ces structures ne présentent aucune répartition particulière. On peut tout au plus remarquer qu’elles sont localisées dans la partie sud du site. Peu de ces fonds de cabane ont pu être datés. Leur datation s’échelonne entre le milieu du Xe et le xive siècle. Les autres fouilles menées en Alsace ont permis d’observer que ces fonds de cabane sont généralement plus tardifs que les autres. Ils apparaissent alors que les types 2 et 6 disparaissent. Seul le type 1 semble coexister avec le type 5.
1.1.4. Type 6 : les cabanes à quatre poteaux corniers et deux poteaux médians
12Ce type se caractérise par la présence de quatre poteaux d’angles associés à deux poteaux médians, soit trois poteaux sur chaque petit côté de la structure. Six cabanes peuvent être rattachées à ce type. Elles sont toutes groupées dans le tiers central du site, autour d’un espace rectangulaire de 28 m de longueur par 11 m de largeur, soit une superficie de 308 m2 (espace 2, fig. 7 infra). Une cabane se démarque cependant des autres. Il s’agit de la structure 272 située en limite nord-est du site. Elle semble volontairement mise à l’écart. La présence d’une grande quantité de scories (2336 g sur 6088 g, soit plus d’un tiers du total) semble pouvoir nous permettre d’évoquer à son sujet une activité métallurgique. Le risque d’incendie explique alors la relégation de cette cabane en périphérie de la zone la plus densément occupée. Toutes les cabanes de ce type ont pu être datées. Elles s’échelonnent entre la seconde moitié du vie et le xe siècle. Au-delà, elles disparaissent totalement. Il semble que tout comme son homologue à quatre poteaux corniers, le type 6 soit caractéristique d’une période, en l’occurrence le haut Moyen Âge. Ce fait est assez comparable avec ce qui a pu être observé sur d’autres sites alsaciens. Ce qui nous amène à supposer que ce type est assez précoce et disparaît au-delà du xie siècle.
Fig. 2. Typologie des fonds de cabane de Wittenheim ‘Lotissement du Moulin’.
(S. Guillotin)
Fig. 3. Typochronologie des fonds de cabane en Alsace.

(S. Guillotin)

1.1.5. Type 8 : les cabanes à quatre poteaux médians et un poteau central
13Ce type se caractérise par la présence de quatre poteaux médians, un sur chacun des côtés de la fosse. Cette catégorie n’est représentée qu’en deux exemplaires. Ces structures se situent dans le tiers ouest du site, mais elles ne sont pas à proprement parler groupées. Ce type un peu particulier n’a que peu de parallèles en Alsace. On le retrouve à Nordhouse, un habitat médiéval daté entre le ixe et le xie siècle, et également sur le site de Marlenheim « Maison Apprederis », ou encore sur le site de Munwiller « Les Fleurs », et enfin à Crastatt « Lotissement Falby ». Aucun de nos deux exemplaires n’a pu être daté.
1.1.6. Typologie des fonds de cabane
14Au vu des observations réalisées ici sur les fonds de cabane, il est possible de parler de typochronologie (fig. 3). Il semble en effet qu’un schéma d’évolution des fonds de cabanes dans le temps puisse être établi.
15On peut remarquer que certains fonds de cabanes semblent être caractéristiques d’une période. Ainsi les types 2 et 6 ne sont attestés que pour la période du haut Moyen Âge. Ils disparaissent totalement au Moyen Âge central et au bas Moyen Âge. Le type 1, quant à lui, est présent sur toute la période. Il semble, au vu des données dont on dispose, qu’il s’agisse du seul type de cabane qui coexiste avec le type 5.
16Il existe sans doute également une typologie fonctionnelle venant se greffer à cette typologie chronologique, mais celle-ci semble difficile à mettre en évidence au vu du peu de structures interprétables au sein de ces fonds de cabane et du peu de mobilier typique qu’ils ont livré.
17Il est intéressant de noter que les fonds de cabane sans poteau se situent dans la tranche basse des superficies. Ces cabanes plus tardives sont plus petites et n’ont pas de poteaux. On a l’impression de changer radicalement de structures par rapport à ce qui existe au haut Moyen Âge. Peut-être s’agit-il simplement d’un changement de fonction.
18Cette typologie fonctionnelle trouve sans doute un argument supplémentaire dans le regroupement spatial de certains fonds de cabanes par types ou l’éloignement de certains d’entre eux, comme St. 272, située dans l’angle nord-est du site et totalement excentrée par rapport à l’ensemble des fonds de cabane regroupés dans la partie sud-ouest. On aurait alors sur le site un regroupement des fonds de cabane par activités, avec la création de « quartiers » qui perdureraient malgré une désaffection des cabanes les plus anciennes. À Wittenheim, deux aires semblent se distinguer, organisées chacunes autour d’un espace rectangulaire de grande taille avec d’un côté plutôt des fonds de cabane de type 1 (les cabanes à deux poteaux médians) et de l’autre plutôt des types 6 (les cabanes à quatre poteaux corniers et deux poteaux médians). Il existe aussi des aires d’exclusion, comme dans le cas de la St. 272, qui semble être mise à l’écart en raison d’une activité métallurgique. Cependant, il est également possible que cette structure, située en limite de l’aire décapée, soit l’amorce d’un autre « quartier » de fonds de cabane se développant vers le nord. Les deux aires observées sont groupées au sud-ouest, à l’écart d’un espace qui semble plutôt réservé à l’installation de bâtiments de plain-pied sur poteaux de bois (fig. 1).
1.2. Les bâtiments de plain-pied (fig. 4)
19De nombreuses structures n’ont pu être datées. C’est notamment le cas des nombreux trous de poteaux qui dans l’ensemble n’ont fourni que peu de mobilier. Certains d’entre eux ont pu être regroupés et forment vraisemblablement des bâtiments de plain-pied (fig. 1). Même si ceux-ci ont livré un peu de mobilier, il est difficile, en raison du grand nombre de périodes représentées sur le site, de se prononcer sur une datation précise de ces structures. Plusieurs indices nous ont tout de même permis de classer les bâtiments présentés ci-dessous dans la période médiévale. En effet, il s’avère que ces bâtiments présentent une orientation nord-est/sud-ouest similaire à celle de la majorité des fonds de cabanes. De plus, malgré la forte densité de structures observée sur le site, ils ne recoupent ou ne sont recoupés par aucune structure datée de l’époque médiévale, ce qui semble indiquer une contemporanéité ou du moins une connaissance de l’existence de ces bâtiments lors de l’installation des fonds de cabane. Ces bâtiments semblent sensiblement contemporains des cabanes semi-excavées et appartiennent donc probablement au haut Moyen Âge.
20Le bâtiment 1 est un bâtiment à six poteaux d’une superficie de 6,60 m2 situé dans le quart nord-est du chantier. Il est orienté de manière similaire à la majorité des fonds de cabane, soit selon un axe nord-est/sud-ouest. Sa petite superficie nous amène à penser qu’il s’agit d’un bâtiment annexe. Il pourrait s’agir d’un grenier sur poteaux.
21Le bâtiment 2 n’est pas complet. Il est recoupé par le grand fossé 105. Il est constitué de onze poteaux, orienté nord-sud, et il est localisé dans le quart sud-est du chantier. La superficie minimale que l’on peut restituer ici est de 51,30 m2. Il s’agit là d’un bâtiment d’assez grande taille, sans doute un bâtiment d’habitation.
22Le bâtiment 3 est un bâtiment à douze poteaux orienté est/ouest. Il est constitué de trois travées et de deux nefs. Sa superficie est de 17,77 m2.
23Le bâtiment 4 est un bâtiment à quatre poteaux d’une superficie de 4,43 m2. Il est orienté nord-est/sud-ouest. Il est constitué de deux rangs de poteaux alignés deux à deux. Il s’agit d’un bâtiment annexe, peut-être de type grenier.
24Le bâtiment 5 est un bâtiment constitué de six poteaux, deux rangées de trois poteaux alignés deux à deux. Il est orienté nord-est/sud-ouest. Sa superficie est de 9 m2. Il s’agit, là encore, sans doute d’un bâtiment annexe, peut-être de type grenier.
25Le bâtiment 6 est un bâtiment à quatre poteaux, d’une superficie de 5,13 m2. Il est orienté ouest-nord-ouest/est-sud-est. Il est constitué de deux rangées de deux poteaux alignés deux à deux. Il s’agit d’un bâtiment annexe, peut-être de type grenier.
26Le bâtiment 7 est un bâtiment à neuf poteaux, d’une superficie de 43,50 m2. Il est orienté est-nord-est/ouest-sud-ouest. C’est un bâtiment d’assez grande taille, sans doute un bâtiment d’habitation.
1.3. Les fosses
27Une grande fosse occupe le centre de la zone fouillée (St. 123). Elle mesure 6,10 m de longueur par 5,70 m de largeur et 1,10 m de profondeur. Elle semble constituée de plusieurs creusements successifs et son remplissage est très hétérogène. Il s’agit sans doute d’une grande fosse d’extraction de lœss.
28Quatre fosses dépotoirs ont été observées sur le site (St. 021, 024, 113 et 114). Le terme dépotoir est employé ici pour désigner des fosses ayant livré une quantité importante de mobilier aussi bien céramique que faunique ainsi qu’une quantité importante de charbons de bois et de cendres. Il n’est pas certain ici que la fonction primaire de ces fosses ait été de servir de dépotoir, mais c’est en tout cas la dernière fonction que l’on puisse leur attribuer. Ces fosses se caractérisent en coupe par un remplissage constitué de couches impliquant des phases de rejets successifs plus ou moins chargés en charbons, en cendres et en torchis.
Fig. 4. Plans des bâtiments deplain-pied.
(S. Guillotin)

29Quatre fosses ont pu être classées comme silos (St. 049, 069, 134 et 442).
30Six autres fosses ont pu être rattachées au haut Moyen Âge. Mais la fonction de celles-ci n’a pu être déterminée, leur forme et le matériel qu’elles ont livré ne présentant pas de traits caractéristiques nous permettant de mieux les comprendre.
1.4. La sépulture
31Une sépulture a été mise au jour dans la partie nord-est du chantier. Il s’agit d’un immature (6-10 ans) inhumé sur le dos, les membres en extension et la tête au sud-ouest, sans mobilier associé. Il repose dans une fosse quadrangulaire orientée sud-ouest/nord-est, mesurant 1,30 m de longueur pour 0,60 m de largeur. Une datation14C nous donne une date cohérente avec l’installation de l’habitat du haut Moyen Âge, entre 688 et 800 ap. J.-C.
32Ce type d’inhumation dans l’habitat n’a rien d’inhabituel pour la période. En effet, il a déjà été observé sur les sites de Crastatt «Lotissement Falby », d’Ensisheim « Les Octrois » ainsi qu’à Sierentz « Zone du Bassin ». Concernant la localisation de cette sépulture, on peut noter qu’elle est située en dehors de la zone dévolue aux fonds de cabane, dans la zone des bâtiments de plain-pied.
2. Étude céramologique du site
33La fouille a livré un nombre de restes de 1811 pour 215 individus, ainsi qu’un fragment de récipient en pierre ollaire.
34L’analyse des artefacts découverts a permis de mettre en évidence deux grandes phases d’occupation datées entre la seconde moitié du vie siècle et le ixe siècle. Ces périodes d’occupation ont été mises en relief par le biais d’horizons typo-chronologiques en grande partie basés sur le travail de thèse de M. Châtelet (Châtelet, 2002a), ainsi que par des comparaisons effectuées sur des fouilles réalisées en Alsace, mais aussi en Suisse ou en Allemagne.
2.1. Le haut Moyen Âge 1
2.1.1. Faciès céramique du haut Moyen Âge 1a (fig. 5)
35Cet horizon est principalement marqué par la coexistence de la céramique grossière non tournée et de la céramique rugueuse, toutes deux héritées du Bas-Empire, de la céramique fine tournée et de la céramique fine orangée.
2.1.1.1. La céramique grossière non tournée (fig. 5)
36Cette production, très présente pour cette période, regroupe des éléments dont les pâtes varient entre le gris-noir et l’orangé, indiquant par là une cuisson aléatoire.
37La majorité des formes concerne des pots dont l’allure évoque des productions héritées de La Tène finale. Quatre pots présentent un bord directement dans le prolongement de la panse, à lèvre rentrante arrondie (type G5b) ou rectangulaire (type G6a) ; un cinquième comporte une lèvre éversée arrondie (type G1) et un sixième, une lèvre biaisée (type G7). Par ailleurs, on note la présence d’un pot à lèvre éversée de section rectangulaire (type G2), ainsi que d’une jatte à panse hémisphérique et bord droit à lèvre rectangulaire (type G6b, fig. 5, n° 1).
38La plupart de ces récipients trouvent des parallèles sur le site proche de Riedisheim « Leibersheim » (Châtelet, 2002b, pl. 137 à 140), sur le site bas-rhinois de Lampertheim et des sites allemands du Bade-Wurtemberg et du Briesgau. Deux récipients (types G1 et G6b) sont comparables à des exemplaires du nord du territoire découverts à Strasbourg « Saint-Thomas » (Châtelet, 2002a, pl. 54 et 55), tandis que les types G2 et G7 peuvent être rattachés avec des éléments découverts à Lampertheim ou sur le site du Sponeck en Allemagne.
2.1.1.2. La céramique rugueuse (fig. 5)
39Les tessons issus de cette catégorie représentent la part la plus importante du corpus. Les pâtes sont aux deux tiers grises pour un tiers orangé.
40Il s’agit principalement de pots, parfois ornés d’un décor peigné horizontal. La plupart adoptent une lèvre sortante épaisse arrondie (type R1a) ou à dépression interne (type R3a), dérivée du type Alzey 27. Un individu présente une lèvre de section rectangulaire (type R2c), un autre un bord à lèvre en crochet (type R4a).
41À l’instar de la céramique grossière non tournée, les pots de types R1a, R3a et R4a possèdent de nombreux parallèles sur le site de Riedisheim « Leibersheim » (Châtelet, 2002b, pl. 138 à 141), ainsi que sur le site de Develier-Courtételle (Suisse) (Marti et alii, 2006, p. 90).
2.1.1.3. La céramique fine tournée (fig. 6)
42Ce groupe technique représente 15 % du répertoire. Les pâtes sont de couleur gris-noir à orange. Seule la moitié supérieure des récipients est conservée, ce qui permet de supposer leur appartenance à des formes biconiques, avec une cassure au niveau de la carène. Les éléments comportent des bords éversés à lèvre arrondie, triangulaire ou biaisée.
Fig. 5. Planche des céramiques grossières et rugueuses
(C. Glardon)
Fig. 6. Planche des céramiques fines tournées, mixtes micacées, à pâte claire et pierre ollaire.

(C. Glardon)

43Les décors sont incisés (lignes horizontales et ondées), poinçonnés (motifs de palmettes), roulés (petits carrés), ou encore cumulent diverses techniques comme le montre l’individu n° 5 (fig. 6) pour lequel des parallèles stylistiques ont pu être établis avec le site de Kaiseraugst « Jakoblihaus » (Suisse) (MARTI, 2000, vol. 2, pl. 69, nos 34 et 35, pots datés des ve-vie siècles).
44Dans la région, les décors les plus simples trouvent des parallèles à Riedisheim « Leibersheim » (Châtelet, 2002a, pl. 142 à 144), ainsi que dans les tombes de la nécropole de Réguisheim « Oberfeld/Grossfeld » (Haut-Rhin ; Zehner, 2004, p. 150). Par ailleurs, de nombreux sites funéraires allemands ont également livré des vases au décor proche (Endingen, Eichstetten, Merdingen-Gans et Sasbach Behans) (Châtelet, 2002a, pl. 27 à 31).
2.1.1.4. La céramique à pâte fine orangée
45Cette catégorie ne concerne qu’un fragment de panse.
2.1.1.5. Datation de la phase haut Moyen Âge la
46Cette phase est caractérisée par la présence dans les structures d’un taux élevé de productions encore fortement ancrées dans la tradition de la lin du Bas-Empire, et plus particulièrement de formes typiques de la céramique de tradition germanique que l’on retrouve des deux côtés du Rhin à partir de la première moitié du Ve siècle.
47Toutefois, en raison de la présence de céramique fine tournée, cette phase ne peut pas être antérieure au début du vie siècle. Quelques indices supplémentaires, dont l’absence de céramique mixte micacée et la présence de décors incisés sur la céramique fine tournée, permettent d’orienter la datation des structures entre la seconde moitié du vie siècle et le début du viie siècle.
2.1.2. Faciès céramique du haut Moyen Âge 1b (fig. 5-6)
48Au cours de cette période, les groupes techniques présents précédemment continuent à se développer, avec toujours une prédominance de la céramique rugueuse, conjointement à l’apparition de la céramique mixte micacée.
2.1.2.1. La céramique grossière non tournée
49Pour cette période, les formes de pots sont abandonnées au profit de formes ouvertes et basses aux pâtes gris beige à orangé (fig. 5, n° 5). La morphologie des bords reste inchangée.
50On recense peu de comparaisons pour la céramique grossière non tournée, en particulier parce que le site de Riedisheim « Leibersheim » n’a livré que peu d’éléments pour cette période.
2.1.2.2. La céramique rugueuse
51La majorité des fragments témoigne d’une cuisson en atmosphère réductrice. Aucune évolution morphologique n’a été observée par rapport à la phase précédente, à l’exception d’une forme ouverte, une écuelle munie d’un bord droit arrondi associé à une dépression externe peu marquée (fig. 5, n° 13).
52À l’exception de lignes horizontales incisées, semblables à celles observées à la phase précédente, les décors consistent en une file d’impressions à la molette de rectangles (décor de type Cl, cf. Châtelet, 2002a, p. 56).
53À l’instar de la céramique grossière non tournée, même si des comparaisons ont pu être établies avec le site de Riedisheim « Leibersheim », l’absence d’évolution des formes ne permet pas de précision quant à la datation.
2.1.2.3. La céramique fine tournée
54Cette catégorie regroupe un peu moins du quart du NMI de cette phase. Les pâtes montrent des couleurs grises à noires. L’état lacunaire du lot n’a pas permis de tirer plus d’informations de cet ensemble.
2.1.2.4. La céramique mixte micacée (fig. 6)
55Apparu au cours de cette phase, ce groupe technique au mode de cuisson aléatoire majoritairement constitué de pots compose près du tiers du vaisselier.
56Les bords montrent une lèvre épaisse arrondie (type M1a) (Châtelet, 2002a, p. 55), parfois comportant une légère dépression interne (type M1b) ou une lèvre rectangulaire droite (type M2a). Les récipients conservent un profil peu globulaire et la finition des parois reste peu soignée. Les décors recensés, en dents de loup ou rectangles, ont tous été effectués à la molette.
57Tous ces critères permettent de rattacher ces récipients à une fourchette chronologique comprise entre 590/610 et 690/700, ce que confirment un certain nombre de récipients à pâte mixte micacée présentant les mêmes caractéristiques, découverts sur le site de Riedisheim « Leibersheim » (ibid., les pots pl. 145 à 149).
2.1.2.5. La céramique fine orangée
58Très faiblement représentée, comme lors de la phase précédente, cette catégorie technique compte deux fragments de panse.
2.1.2.6. Datation de la phase haut Moyen Âge 1b
59La céramique grossière non tournée, la céramique fine tournée, la céramique fine orangée et la céramique rugueuse ne diffèrent pas d’avec le précédent. Toutefois, la présence de la céramique mixte micacée dans toutes les structures rattachées à cette phase permet d’affirmer que celles-ci ne peuvent pas être antérieures au début du viie siècle.
2.1.3. Faciès céramique du haut Moyen Âge le (fig. 5-6)
60Cette phase voit l’apparition de la céramique à pâte claire (commune et granuleuse) et assiste également au déclin progressif des catégories usitées au cours des phases précédentes. La céramique mixte micacée confirme sa domination sur les autres catégories techniques.
2.1.3.1. La céramique grossière non tournée
61Peu représenté, il regroupe essentiellement des pots en pâte grise, munis de bords rentrants, soit à lèvre arrondie (type G5b), soit à lèvre de section rectangulaire (type G6a).
62Le site de Riedisheim « Leibersheim » fournit pour cette phase peu d’éléments de comparaison ; en revanche, un pot à bord rentrant a été découvert à Iffezheim (Bas-Rhin) dans un ensemble daté entre 630/650 et 670/680 (Châtelet, 2002a, p. 122).
2.1.3.2. La céramique rugueuse
63Cette phase voit le déclin de la céramique rugueuse. Parmi les tessons, un tiers environ présente des couleurs orange à blanches, dénotant une influence de la céramique à pâte claire.
64Les pots sont toujours dotés de bords de type R1a et R3a. Toutefois, on note l’apparition de formes imitant les céramiques à pâte claire. Il s’agit de pots comportant des bords à lèvre de section tronconique à concavité interne peu marquée (type G1f) ou à lèvre triangulaire allongée (type C2b).
65Les formes ouvertes sont représentées par un fragment de couvercle à base horizontale avec bouton de préhension, et par une écuelle à bord droit et panse carénée (fig. 5, n° 14).
66Pour cette phase, de nombreux récipients restent sans parallèle. Toutefois, des pots munis de bords de type R1a et R3a existent encore sur le site de Riedisheim « Leibersheim » (Châtelet, 2002a, pl. 150 nos 1 et 3, et p. 144 fig. 117).
2.1.3.3. La céramique fine tournée
67Cette catégorie a quasiment disparu et concerne essentiellement des fragments de panse ornés de lignes horizontales et/ou ondées.
2.1.3.4. La céramique mixte micacée (fig. 6)
68Au cours de cette période, ce groupe technique, cuit en mode aléatoire, s’affirme comme le plus important. Les récipients sont déclinés en pots à lèvre rectangulaire droite (type M2a). Les autres bords existants possèdent une lèvre arrondie, épaisse (type M1a) ou fine (type M1c).
69Les décors sont réalisés soit par incision (lignes ondées), ou à la molette (dents de loup, petits carrés, rectangles ou croisillons).
70Des pots munis de bords de type M2a ont été découverts sur les sites de Riedisheim « Leibersheim » et Ensisheim « Les Octrois » durant les phases sud-ouest 1c à 4 (590/610- 850/870) de Madeleine Châtelet (Châtelet, 2002a, p. 149 fig. 124). Cependant, les bords de type M1a se trouvent majoritairement dans la phase sud-ouest 2.
2.1.3.5 La céramique à pâte claire granuleuse
71Ce groupe technique ne compte dans cette phase qu’un fragment de panse à pâte orange clair à blanc orangé.
2.1.3.6. La céramique à pâte claire commune
72Deux fragments de bord à pâte jaune pâle à gris clair représentent la céramique à pâte claire commune dans cette phase (fig. 6). L’un de ces fragments est issu d’un pot muni d’un bord à lèvre en amande (type C3a) (Châtelet, 2002a, p. 100), le second montre un bord à lèvre courte à profil triangulaire (type C1b). Ce type de lèvre a agrémenté les pots en céramique à pâte claire durant tout le haut Moyen Âge (ibid., fig. 105 p. 133 et fig. 106 p. 134). Notons toutefois que des pots semblables ont été mis au jour dans le Bas-Rhin sur les sites de Roeschwoog « Schwartzacker » (ibid., pl. 64) et de Dachstein « Geist » entre 630/650 et 670/680 (ibid., 2002, n° 3 pl. 70).
2.1.3.7. La céramique à pâte blanche sans revêtement
73Un unique tesson représente ce groupe technique. Sa pâte est uniformément blanche.
2.1.3.8. La pierre ollaire (fig. 6)
74Un unique fragment de récipient en pierre ollaire se rattache à cet état. Son profil reste quasiment vertical et son bord est affiné.
75La présence de récipients en pierre ollaire est attestée dans la vallée rhénane du ive siècle au ixe siècle. Leur morphologie ayant peu évolué au cours du temps, nous proposons de placer notre exemplaire dans la même phase que le reste du mobilier issu de la structure 199.
2.1.3.9. Datation de la phase haut Moyen Âge le
76Nous proposons de rattacher cette phase à la phase sud-ouest 2 (630/650-690/700) de Madeleine Châtelet (Châtelet, 2002a, p. 144-146), au cours de laquelle apparaît la céramique à pâte claire. À Wittenheim, cette catégorie reste encore faiblement représentée dans cette phase par rapport au reste du sud de l’Alsace. En effet, sa part s’élève à 5 % environ sur notre site alors qu’elle approche 15 % dans le reste de la région (ibid., p. 144, fig. 118).
2.2. Le haut Moyen Âge 2 (fig. 6)
77La céramique grossière non tournée, la céramique fine tournée, la céramique fine orangée et la céramique rugueuse ont disparu et ne sont plus présentes ici que sous forme résiduelle ; seules subsistent la céramique mixte micacée et la céramique à pâte claire.
2.2.1. La céramique mixte micacée
78Ce groupe technique concentre la majorité des tessons de cette phase avec des pâtes dans des teintes orange, brunes, noires ou grises. Quelques tessons ont été peignés sur leur surface externe.
79Les formes concernent exclusivement des pots pour lesquels on note une grande variété de bords : à lèvre fine arrondie (type M1c), lèvre haute en amande (type M1d) ou bords à lèvre rectangulaire droite (type M2a) parfois pourvue d’un col (type M2c). Les bords de type M2a ont été lissés à l’aide d’une spatule. Les décors recensés sont effectués soit à la molette (triangles inversés), soit par incisions (fig. 6, n° 12).
80Les pots à bords de type M2c ne trouvent de parallèles que sur le site haut-rhinois d’Ensisheim « Les Octrois » (Châtelet, 2002, p. 147) entre 690 et 770. À cette même période, les bords de type M1d et M2a apparaissent sur ce même site, ainsi que sur le site de Riedisheim « Leibersheim ». Il reste ardu de diviser notre phase haut Moyen Âge 2 selon la subdivision de Madeleine Châtelet, car nos structures contiennent des céramiques mélangeant des caractères issus de plusieurs phases.
2.2.2. La céramique à pâte claire commune et granuleuse
81Les céramiques à pâte claire commune et à pâte granuleuse ne sont que peu représentées.
82Les deux individus recensés en céramique à pâte claire commune appartiennent au groupe des pots. L’un montre un bord à lèvre courte, fine, de profil triangulaire, à gorge marquée par un angle (type C1b), le second un bord à lèvre en amande (type C3a). Ce même type de bord agrémente le pot de céramique à pâte claire granuleuse. Les rares décors présents ont été réalisés à la molette (petits carrés) et n’existent que sur la céramique à pâte claire commune.
83Les sites d’Ensisheim « Les Octrois » et de Riedisheim « Leibersheim » ont livré des pots pourvus de lèvres de type C1b (Châtelet, 2002a, pl. 161 n° 20 et pl. 157 n° 11) et C3a (ibid., pl. 160 n° 8), ainsi que des fragments de panse ornés de décor à la molette de petits carrés. Ces structures appartiennent à la phase sud-ouest 3 de Madeleine Châtelet (ibid., p. 146). Toutefois, on peut noter que dans le nord du territoire, ces mêmes types de bords agrémentaient des pots de la phase nord 2 à la phase nord 6 (soit de 630/650 à 950/1000) (ibid.,p. 134).
2.2.3. Datation de la phase haut Moyen Âge 2
84La comparaison morphologique fournit des parallèles sur une longue période. Par conséquent, nous proposons de dater largement cette phase depuis la phase sud-ouest 3 (690/700-750/770) jusqu’à la phase sud-ouest 5 (850/870- 950/1000) de Madeleine Châtelet (Châtelet, 2002a, p. 146-152).
3. L’évolution chronologique du site
85L’analyse de la céramique a permis de dater l’occupation du site entre le vie et le xive siècle. Deux grandes phases ont pu être établies. Il s’agit du haut Moyen Âge 1 (des ve-vie à la fin du viie siècle) et du haut Moyen Âge 2 (début viiie-ixe siècle) (fig. 7 et 8). La phase haut Moyen Âge 1 connaît elle-même quatre subdivisions nous permettant d’établir une chronologie assez fine de l’occupation, certaines de ces périodes ne dépassant pas 50 ans.
3.1. Le haut Moyen Âge 1a : 2e moitié du VIe-début du VIIe siècle
86Peu de structures ont pu être rattachées à cette époque. Par conséquent, l’implantation de cette période est essentiellement caractérisée par l’installation d’une grande fosse d’extraction. À celle-ci, on peut ajouter des structures moins certaines : un fond de cabane, six fosses, quelques trous de poteau épars et un possible bâtiment sur six poteaux. Cette occupation, même si elle est peu dense, s’étend sur l’ensemble de la parcelle fouillée.
Fig. 7. Plan de phasage des structures médiévales (phases la et 1b).
(S. Guillotin)
Fig. 8. Plan de phasage des structures médiévales (phases 1c et 2).

(S. Guillotin)

87Le peu de structures répertoriées pour cette période renvoie à une petite installation, destinée à une population réduite. Peut-être nous trouvons-nous dans un lieu annexe de production et non dans un habitat principal. Cette installation limitée serait ici liée à la fosse d’extraction, peut-être en périphérie d’un habitat plus important. L’occupation pourrait même, peut-être, être qualifiée de « saisonnière », au gré de la demande.
3.2. Le haut Moyen Âge 1b : première moitié du VIIe siècle
88Il s’agit de la période où le site est le plus densément occupé. L’occupation de cette période s’organise selon deux espaces distincts.
89La première zone s’organise autour d’un espace rectangulaire (espace 1) de 15 m de longueur (du nord au sud) par 10 m de largeur (d’est en ouest), situé dans le quart sud-ouest du site. Autour de cet espace se répartissent six fonds de cabanes, deux fosses dépotoirs et une fosse sans fonction reconnue. Une seule structure occupe peut-être le centre de cet espace. Il s’agit de la structure 183, dont la datation n’est malheureusement pas sûre et dont la fonction nous échappe.
90La deuxième zone (espace 2) est moins clairement définie. Elle s’installe autour de la fosse d’extraction de la phase précédente, dans la partie centrale de la parcelle. L’orientation de cette zone est davantage est-ouest et elle s’étend sur 30 m de long (d’est en ouest) et 10,50 m de large (du nord au sud). Quatre fonds de cabane se répartissent autour de cette zone qui comporte également trois silos et une fosse à la fonction non définie. Aucune structure n’occupe le centre de cet espace.
91Enfin, en dehors de ces deux espaces, on trouve dans l’angle nord-ouest du site deux fosses dépotoirs (St.021 et 025) groupées, tandis que du côté est, on a également deux petites fosses (St.006 et 171) dont la fonction n’a pas pu être définie ici.
92Aucun bâtiment sur poteaux n’a été reconnu pour cette période, mais cela ne doit pas empêcher d’envisager leur présence, plusieurs bâtiments ayant été observés pour F époque médiévale sans pouvoir pour autant être datés de manière précise.
3.3. Le haut Moyen Âge 1c : deuxième moitié du VIIe siècle
93Cette période est globalement aussi densément peuplée que le haut Moyen Âge 1b. L’occupation du site reprend les deux mêmes espaces qu’à la période précédente, mais en les élargissant.
94L’espace 1, situé dans le quart sud-ouest du site, s’étend désormais sur 18 m de largeur (du nord au sud) et 23,50 m de longueur (d’est en ouest). Quatre fonds de cabane se répartissent sur son pourtour ainsi qu’une structure dont la fonction nous échappe (St.087).
95L’espace 2 occupe toujours le centre de la parcelle, mais il s’est nettement développé. Il mesure désormais 28 m de longueur (d’est en ouest) par 19 m de largeur (du nord au sud). Six fonds de cabane se répartissent autour de cet espace. On note également la présence de deux foyers (St.225 et 562), dont un situé au centre de l’espace, ainsi que de six fosses, dont la fonction nous échappe malheureusement.
96Deux bâtiments de plain-pied ont pu être rattachés à cette phase d’occupation. Il s’agit d’un grand et d’un petit bâtiment, peut-être un bâtiment d’habitation et une annexe. On peut noter que ces bâtiments se situent dans le tiers est du site, dans une zone distincte de celle des fonds de cabane.
3.4. Le haut Moyen Âge 2 : début du VIIIe-IXe siècle
97Au haut Moyen Âge 2, la densité de F occupation du site tend à diminuer. L’occupation se regroupe dans la moitié ouest du site, à l’exception de la fosse 049, excentrée vers l’est. La partie est du site semble être dorénavant complètement abandonnée. Pour cette période, on compte quatre fonds de cabane, deux fosses à la fonction non déterminée (St.072 et 274) et un silo (St.049). La division en deux espaces distincts qui existait à l’époque antérieure a disparu.
98Aucun bâtiment sur poteaux n’a été reconnu pour cette période, mais cela ne doit pas empêcher d’envisager leur présence, plusieurs bâtiments ayant été observés pour F époque médiévale sans pouvoir pour autant être datés de manière précise.
4. Synthèse
99Lorsque F on observe le développement de F habitat sur le site de Wittenheim « Lotissement du Moulin » au cours du haut Moyen Âge, il apparaît qu’il se structure durant la première moitié du viie siècle. En effet, c’est à cette époque que F on voit se mettre en place des espaces distincts. À cette époque également, les structures changent d’orientation. Celles qui étaient orientées nord-nord-ouest/sud-sud-est durant F Antiquité sont désormais orientées majoritairement ouest-sud-ouest/est-nord-est. Cette orientation restera constante jusqu’au Moyen Âge central où commenceront à réapparaître les structures d’orientation nord-nord-ouest/ sud-sud-est.
100Le faible nombre de recoupements entre les structures de périodes différentes sur F ensemble du site laisse à penser qu’il n’existe aucun hiatus de l’occupation du site pendant tout le Moyen Âge. L’occupation est continue et les nouvelles structures sont construites lorsque les structures précédentes ne sont plus utilisables.
101Les fonds de cabane sont généralement considérés comme des annexes destinées à des activités artisanales, plus particulièrement au tissage, ou utilisées comme caves pour entreposer les denrées périssables. Cette interprétation laisserait supposer ici le regroupement des cabanes en une sorte de « zone artisanale » de grande taille, un quartier spécifique de l’habitat peut-être. Malheureusement, le manque d’aménagements spécifiques retrouvés dans ces cabanes ne nous permet pas de trancher sur leur fonction réelle et d’établir s’il existe une répartition du type d’habitat en fonction de l’activité pratiquée. De par le mobilier retrouvé, notre site ne semble pas se différencier de ce que l’on connaît par ailleurs dans la région. On y pratiquait certainement l’agriculture et l’élevage (grande quantité d’ossements animaux retrouvée), le tissage (une aiguille à chas et une fusaïole) et un peu de métallurgie comme l’attestent les quelques scories recueillies.
102Il apparaît nettement ici que l’occupation mérovingienne sur le site est plus importante que celle des périodes suivantes. On a l’impression qu’à compter de l’époque carolingienne, l’occupation déserte petit à petit les parcelles concernées par la fouille jusqu’à devenir anecdotique aux époques moderne et contemporaine. Les observations de terrain permettent de penser que cette désertion s’est faite progressivement, mais d’une façon organisée et non à la suite d’événements violents tels qu’un incendie ou une destruction brutale. Il n’y a en effet aucun indice de destruction par le feu au sein des structures médiévales.
103Cette situation est-elle à mettre en relation avec l’habitat carolingien (viiie-ixe siècle) fouillé par Roger Schweitzer au lieu-dit Brestenberg-Niederhof ? Ce site se trouve à environ 500 m au nord de la fouille. Ou bien avec la motte castrale, située à quelques mètres au sud de la fouille, même si celle-ci n’apparaît dans les archives que dans le courant du xive siècle (Metz, 1989).
104Le site de Wittenheim présente certaines similitudes avec celui de Marlenheim - Maison Apprederis (vie-xive siècle). En effet, le site de Marlenheim tout comme celui de Wittenheim présente une forte densité de fonds de cabane qui sont, pour la plupart, groupés dans la partie centrale de la zone fouillée. Ils présentent tous, également, une orientation assez similaire est/ouest. On note, comme à Wittenheim, un très faible taux de recoupement entre ces fonds de cabane. Cependant, à Marlenheim, ils ne semblent pas s’organiser autour d’espaces particuliers. Ils sont néanmoins groupés et dénotent très certainement comme à Wittenheim une occupation continue du site dans laquelle chaque fond de cabane devenu inutilisable est remplacé. On note à Marlenheim l’absence de bâtiment de plain-pied attesté pour le haut Moyen Âge, mais cela est peut-être dû à l’aire décapée. Les bâtiments se trouvaient peut-être davantage à l’est ou à l’ouest dans l’axe des fonds de cabane. Il semble que dans les deux cas nous nous trouvions en présence d’habitats dans lesquels les cabanes excavées prédominent. La question qui se pose devant ce type d’aménagement est : sommes-nous en présence d’une zone spécialisée de l’habitat du haut Moyen Âge ou les fonds de cabane sont-ils un type particulier d’habitat à cette époque ?
105Le plan du site de Munwiller « les Fleurs » (viie-xie siècle) se rapproche encore davantage de ce que nous avons pu observer à Wittenheim. En effet, on observe la même bipartition du site avec les fonds de cabane se concentrant d’un côté sur les deux tiers de la zone fouillée et les bâtiments de plain-pied s’organisant en périphérie de ceux-ci, créant deux zones bien séparées. De plus, comme à Wittenheim, il semblerait que les fonds de cabane de Munwiller s’organisent autour d’espaces rectangulaires vides de structures. À Munwiller, cette organisation semble résulter de la division en deux exploitations sises côte à côte, chacune comprenant sept ou huit fonds de cabane (toutes périodes confondues) et au moins un bâtiment de plain-pied. À Wittenheim, il est plus difficile d’y voir deux unités d’exploitation.
106Notre site est également proche de celui d’Osthouse - Lotissement Zorn de Bulach. En effet, comme sur notre site, on note une occupation continue de la Protohistoire à l’époque moderne et la proximité d’un château. Le site de fonds de cabane de la période ixe-xiie siècle semble connaître la même désertion progressive. La même proximité des deux sites avec un château nous incite à penser qu’ils connaissent peut-être le même phénomène, celui d’un habitat qui se déplace vers le centre de pouvoir que représente le château, même si la datation des deux édifices castraux diffère. Dans les deux cas, seule une fouille des abords du château permettrait d’aborder plus précisément ce phénomène.
107En résumé, le site de Wittenheim ne semble pas se différencier nettement des autres sites connus en Alsace avec lesquels il présente nombre de points communs. Mais il apporte néanmoins quelques éléments nouveaux à la connaissance des habitats du Moyen Âge.
Bibliographie
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