Introduction
p. 11-12
Texte intégral
1Organiser un colloque de l’AFAM ayant pour objet des fleuves et des hommes : territoire fluvial et société au premier Moyen Âge, c’est s’inscrire à double titre dans la recherche archéologique actuelle1. En effet, cet objet de recherche s’intègre non seulement à l’archéologie des territoires fluviaux, qui s’appréhende sur une échelle temporelle large, mais également à l’archéologie du haut Moyen Âge, dont l’échelle chronologique plus restreinte autorise un éclairage particulier.
2L’archéologie des territoires fluviaux s’est développée en France à partir des années 1980, à la suite des travaux anglais de la waterfront Archaeology. Elle a notamment permis le décloisonnement d’un certain nombre d’objets d’études comme les ponts, les moulins, les objets découverts dans les fleuves, la batellerie - dont l’étude est une tradition qui remonte au xixe siècle -, etc., pour aborder le fleuve dans sa totalité, intégrant notamment l’hydrologie du fleuve. C’est à partir de la fin des armées 1990 que Jean-Paul Bravard a conceptualisé le fleuve ou la rivière en une combinaison d’écosystèmes interactifs réagissant aussi bien aux changements anthropiques que naturels : les hydrosystèmes fluviaux (Rieth, Serna, 2010, p. 299).
3C’est en effet à partir de l’étude des cours d’eau sur un temps long que de nombreuses découvertes sont venues, ces dernières années, étayer nos connaissances aussi bien sur le paysage fluvial que sur les interactions anthropiques (Beck et alii, 2009 ; etc.). Dès 2005 un colloque intitulé des rivières, des hommes, une longue histoire avait été organisé par une collectivité territoriale en charge de l’aménagement et de la restauration de la rivière Essonne (Douétil, Cailleaux, 2007). Ce colloque était l’occasion de réunir des contributions consacrées aussi bien aux dynamiques fluviales, forces de transformation des paysages, au milieu avec la biodiversité qui le caractérise, qu’aux équipements des rivières ou à leur mise en valeur. Plus récemment c’est une monographie dédiée à une rivière en particulier qui est parue (Serna, 2013). Dans ce cas précis, le Cher est abordé dans ses dimensions aussi bien géomorphologiques que techniques et économiques à partir de sources multiples, planimétriques, écrites et archéologiques. Dans le même ordre d’idée, l’ouvrage consacré à l’archéologie de la Basse Loire (Arthuis, Monteil, 2015) aborde cette portion du fleuve comme un « édifice sédimentaire » qui a mémorisé l’interaction entre l’Homme et la Nature. Ces exemples témoignent parfaitement de la pluridisciplinarité nécessaire à l’étude d’un territoire fluvial et montrent comment ces études ont largement contribué à renouveler les approches plus traditionnelles. En effet, depuis déjà de nombreuses années, les archéologues et les historiens du haut Moyen Âge se sont eux aussi intéressés aux fleuves et aux rivières, non comme objet principal de leurs études mais comme un élément du paysage à intégrer dans la vie sociale et économique des hommes du haut Moyen Âge qui, cette fois-ci, sont au premier plan. C’est notamment dans cette perspective que l’AFAM avait déjà organisé en 1999 un colloque sur les Voies d’eau, commerce et artisanat en Gaule mérovingienne (Plumier, Renard, 2005) qui développait principalement le rôle de vecteur économique du fleuve.
4Les enjeux de ce colloque étaient finalement d’observer le territoire fluvial ou plus précisément celui du « territoire de l’eau » (Rieth, 2013, p. 13) à partir d’une autre focale, qui permettrait de concilier les deux approches précédemment évoquées. Le pari était de partir de la focale du temps et, plus particulièrement, à partir d’une période s’étendant du vie au xiie siècle, pour aborder ce territoire de l’eau, sans privilégier un cours d’eau en particulier, et tenter de comprendre la relation que les hommes entretenaient avec lui, sur ce temps finalement court à l’échelle du cours d’eau. Une sorte d’arrêt sur image au premier Moyen Âge pour tenter de percevoir la singularité de cette interaction à un temps T. En effet, récemment, plusieurs études d’archéogéographie (voir par exemple dans ce volume la contribution de L. Hermenault) ou fouilles de sites tendent à montrer qu’à partir du viie siècle, le rapport au cours d’eau se modifie avec notamment des déplacements des occupations mais aussi des axes de circulation dans les vallées.
5Une autre volonté affichée de ce colloque était de s’ouvrir aux travaux des collègues œuvrant, de l’autre côté d’un fleuve, le Rhin, aussi bien en Suisse qu’en Allemagne, sur ce même objet de recherche qu’est le territoire fluvial.
6Ce colloque devenait ainsi, pour quelques jours, un lieu de rencontres et d’échanges entre archéologues « d’eau douce », dont les investigations dépassent rarement les berges du fleuve, et archéologues du haut Moyen Âge, dont les recherches le plus souvent s’arrêtent au bord de l’eau. Le temps imparti ne permettait cependant pas de traiter « le territoire de l’eau » au premier Moyen Âge et ce n’était d’ailleurs pas là le but de cette rencontre. Cette dernière avait modestement l’ambition d’être une sorte d’introduction à ce chantier qui, une fois achevé, permettra d’avoir une synthèse focalisée sur un récit, celui des temps mérovingiens et plus généralement du haut Moyen Âge.
7Les communications retenues possèdent donc un point commun, celui du temps, même si quelques auteurs ont débordé sur la période antique ou médiévale. Plusieurs contributions françaises et allemandes, réunies ici, s’intégrent plus particulièrement au courant de la recherche qui place le cours d’eau au premier plan. D’autres reprennent l’aspect plus traditionnel de l’étude du fleuve en étendant cependant le rôle de ce dernier aussi bien à celui de « pôle » attractif pour l’aménagement d’habitats urbains ou ruraux que de vecteur de transmission des idées et d’axe de circulation des hommes.
8Cette première partie a été subdivisée en quatre chapitres : ‘histoire de fleuves’, ‘des fleuves et des villes’, ‘des hommes et des fleuves : économie fluviale’ et ‘fleuves, territoires et société’, reflétant les influences plus ou moins importantes du fleuve ou des hommes.
9La seconde partie de cette publication, tout en obéissant à la conception des journées internationales organisées par l’AFAM, qui accorde une place à l’actualité des fouilles de la région d’accueil, témoigne particulièrement bien du dynamisme de cette recherche régionale avec la découverte de sites ruraux exceptionnels aussi bien domestiques que funéraires. Cette recherche n’est d’ailleurs pas très éloignée de la thématique du colloque si l’on songe à la communication portant sur une chasse aristocratique dans le Ried, territoire de l’eau par excellence. Il importe de souligner les développements de la pluridisciplinarité, particulièrement bien exposés notamment dans le domaine funéraire. On ne peut que regretter l’absence de contribution sur la ville qui reflète cependant partiellement l’état de la recherche. Deux synthèses enrichissent par ailleurs cette partie.
10Enfin, une dernière partie intitulée varia est constituée de deux articles, dont l’un offre une intéressante synthèse sur l’ambre.
Bibliographie
Bibliographie
Arthuis R., Monteil M. dir., 2015, Archéologie de la Basse-Loire, Rennes, Presses univ. de Rennes, 194 p.
Beck C., Guizard-Duchamp F., Heude J. dir., 2009, Lit mineur, lit majeur, lit voyageur : mémoires et cours d’eau, Actes des 11èmes rencontres internationales de Liessies, 24-25 sept. 2008, Villeneuve-d’Ascq, Revue du Nord, 231 p. (Art et Archéologie, 14).
Douétil J.-M., Cailleaux D. dir., 2007, Des rivières, des hommes, une longue histoire, Actes du colloque du SIARCE, Corbeil-Essonnes, 4-5 nov. 2005, Paris, AEDEH, 230 p.
Plumier J., Regnard M. dir., 2005, Voies d’eau, commerce et artisanat en Gaule mérovingienne, Actes des xxèmes journées internationales de l’AFAM, Namur, Min. de la Région wallone, DGATLP, Division du patrimoine, 445 p.
Rieth É., 2013, « Préface » in : Serna V. dir., Le Cher : histoire et archéologie d’un cours d’eau, Projet collectif de recherche ‘Navigation et navigabilités’ 2004-2012, Tours, FERACF, p. 13-15 (43ème suppl. à la Revue archéologique du Centre de la France).
Rieth É., Serna V., 2010, « Archéologie de la batellerie et des territoires fluviaux au Moyen Âge », in : Chapelot J. dir., Trente ans d’archéologie médiévale en France : un bilan pour un avenir, Actes du IXème congrès international de la Soc. d’archéologie médiévale, Vincennes, 16-18 juin 2006, Caen, Publ. du CRAHM, p. 291-304.
Serna V. dir., 2013, Le Cher : histoire et archéologie d’un cours d’eau, Project collectif de recherche ‘Navigation et navigabilités’ 2004-2012, Tours, Feracf, 326 p. (43ème suppl. à la Revue archéologique du Centre de la France).
Notes de bas de page
1 La même année s’est tenue à Namur une table ronde internationale sur Le fleuve, les hommes : spécificités et variabilité des études en milieu fluvial, et l’année d’avant un colloque sur l’archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent, des origines à l’époque médiévale à Lons-le-Saunier.
Auteur
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Édith Peytremann
Ingénieure de recherche, Inrap Grand-Ouest, Co-présidente de l’Association française d’Archéologie mérovingienne.
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