Deuxième partie. Étude architecturale
p. 13-29
Texte intégral
RECONSTITUTION
Recherches de positionnement
1Le premier travail de rassemblement des informations autorisant l’étude d’un monument disloqué, en l’absence de toute localisation topographique, consiste à mesurer, dessiner et photographier tous les blocs supposés en provenir1. A partir de ces données et par éliminations successives, des essais graphiques de juxtapositions sont essayés en fonction de critères d’observation qui, à Sens, ont été les suivants :
21- Identité de forme attribuant à chacun une zone ou un rôle, permettant de distinguer : des blocs parallélépipédiques, des claveaux, des bases, des tambours et des chapiteaux. Soit, pour ce premier tri, trois catégories (murs, ouvertures, colonnes), à l’intérieur desquelles, indépendamment de la suite chronologique réelle horizontale ou verticale, un autre critère a fait surgir une quatrième catégorie, grâce à :
32- L'identité ou similitude de modénature d’encadrement sur les claveaux et sur certains blocs d’assise2. On révèle ainsi des baies dont les quatre côtés sont bordés d’un cadre décoré, baies dont le nombre sera fonction du nombre de décors observé, ceux-ci étant les mêmes sur tous les côtés d’une même ouverture.
4Le critère suivant permet, à l’intérieur et entre chaque catégorie, d’affiner les rapprochements, c’est :
53- L’identité de hauteur d’assise. Cette dimension, ou ces dimensions, font apparaître une nouvelle sélection, celle des suites horizontales par assises, toutes catégories confondues. Ainsi, les bases, tambours et chapiteaux étant engagés dans le mur, ils s’intègrent au découpage stéréotomique de la façade. Un seul élément échappe à ces suites, il s’agit d’un tambour de colonne isolée, appartenant bien au même édifice en raison de l’identité de son diamètre (0,65 m) et de son décor ; son emplacement sera évoqué par la suite.
64- Le quatrième critère s’attache au suivi du décor dans son thème et sa continuité, il se complète de l’examen des orifices laissés par les crampons de scellement lorsqu’ils ont subsisté ; ceux-ci doivent se retrouver en coïncidence lorsque deux blocs voisins sont rapprochés3.
7Nous allons revenir maintenant sur ces quatre étapes conduisant à proposer une façade unique, déterminée avec une approximation satisfaisante, comportant, au sens topographique, un canevas rigide, autour et à l’intérieur duquel les éléments errants sont positionnés avec vraisemblance, sinon certitude (pl. 30).
8Les blocs parallélépipédiques, comme tous ceux de l’architecture sénonaise, sont taillés dans un calcaire ne provenant pas du sol même de la ville, essentiellement crayeux, mais de bancs situés plus au sud, en direction d’Auxerre. Compte tenu de la présence d’un décor abondant, du type horror vacui, ne laissant pratiquement aucune surface nue, seules se voient les traces laissées par les instruments des sculpteurs, des ciseaux droits, des gradines ou des ripes, marquant la pierre de fins sillons parallèles4.
9Cette première série comprend dix blocs dont le volume originel est diversement altéré par les retailles destinées à les adapter à leur seconde fonction dans les fondations du rempart et par les épaufrures provoquées par leurs différents bardages. Ces blocs ont été enregistrés dans l’inventaire du musée sous les nos 321, 324, 328, 346, 417, 428, 429, 434, 435 et 475.
10La seconde série est celle des blocs clavés ; ils sont au nombre de onze, mais nous verrons par la suite que leur hauteur et la nature de leur décor permettent de les décanter en deux niveaux et que, par ailleurs, l’un des blocs parallélépipédiques appartient à cette famille. Ils portent les nos 340, 341, 342, 343, 344, 345, 416, 418, 419, 420 et 439.
11Dans la troisième et dernière série se trouvent les éléments de colonnes engagées de moitié, comprenant trois bases, respectivement les nos 192, 323 et 332. Ces bases, pas plus que les tambours et les chapiteaux, ne sont limitées à leur seul volume ; ces supports saillants sont prolongés latéralement par des éléments d’assises courantes, dont les dimensions et le décor facilitent le positionnement.
12Viennent ensuite neuf tambours, totalement couverts de pampres peuplés de petits personnages nus et d’oiseaux, sujets dans lesquels il faut voir le lointain souvenir des Amours vendangeurs et des grives de l’imagerie romaine. Ces fragments sont numérotés 286, 333, 334, 335, 336, 337, 421, 422 et 423.
13Les colonnes engagées se terminent par deux chapiteaux corinthiens, portant les nos 338 et 424.
14Enfin, rappelons le tambour unique provenant d’une colonne isolée, enregistré sous le no 339, et nous arrivons à un total de 36 blocs.
15A partir de cette distinction sommaire, il convient de prendre en compte les autres critères et, par un faisceau d'arguments convergents, de constituer, de bas en haut, toutes les assises définissables.
16Les trois bases de colonnes permettent, sans trop de risques, de « poser » le monument. Aucun bloc, en effet, n’autorise à supposer la présence d’un podium et, si celui-ci a existé, ses parements devaient être constitués de blocs nus qui, intégrés ensuite au rempart, n’ont pas retenu l’attention des fouilleurs. On conçoit sans peine, aujourd’hui encore, que le transport et le stockage de tels éléments n’inspirent ni les archéologues ni les conservateurs de musées. Il est vrai, à la décharge de cette négligence, que les chances de parvenir à replacer des pierres sans décor, retrouvées dispersées dans des fondations et pouvant provenir de plusieurs édifices, paraissent bien minces, voire inexistantes.
17Les bases des colonnes engagées de Sens, sans avoir un profil académique, échappent à la modénature rustique de la plupart des ordres gallo-romains et leur type « attique » se reconnaît sans peine. De bas en haut elles comportent une plinthe, un tore inférieur, une scotie médiane prise entre deux filets, un tore supérieur, un filet et le congé du fût de la colonne. C’est à partir de la base no 192, dont le profil est, sur la partie droite, conservé intact, qu’il a été possible de prendre le modèle permettant la réalisation d’une base de ciment destinée à l’une des colonnes de la reconstitution.
18L’unité entre ces trois éléments se limite à la même succession de moulures ; celles-ci, en effet, ont toutes un profil et des dimensions différents. Si leur écartement sur le monument estompe les variations de hauteur totale, les écarts entre les moulures n’échappent pas, même à un œil distrait. Retenons seulement ces variations de cotes :
No 192 : H. totale 44 cm, H. scotie 7,5 cm
No 323 : H. totale 47 cm, H. scotie 4 cm
No 332 : H. totale 42 cm, H. scotie 8 cm
19On remarque sur ces bases que les plinthes et les scoties constituent les seules surfaces du monument à ne pas porter de décor. Sur les tores se développent des successions de feuilles, surtout visibles sur le no 192. Chacun des trois blocs comprend l’amorce d’un tambour et leur hauteur totale commune, égale à 67,5 cm, permet de connaître la hauteur de la première assise. On constate également que, dès leur naissance, les fûts sont recouverts d’un décor dense, sur lequel on peut voir des pampres de vigne (no 332), des plantes aquatiques et deux échassiers poursuivant un serpent (no 192) et un lapin au milieu de grandes herbes et de grappes (no 333, pl. 7 c).
20Le bloc 332, le plus volumineux (il est long de 147 cm), se poursuit sur la gauche, pour le spectateur5, par l’amorce d’un panneau historié sur lequel se voit un tronc d’arbre et une partie inférieure de jambe accompagnée d’une draperie. Sur la droite du tambour s’amorce le départ d’un galon vertical décoré de feuilles, puis on voit une draperie pendante et le dos et la jambe droite d’une femme agenouillée.
21A ces trois bases, qui ont donné les limites en hauteur de la première assise, on peut ajouter, grâce à leur hauteur égale, deux blocs parallélépipédiques, les nos 324 et 434, sur lesquels on reconnaît sans peine des scènes bien conservées de gigantomachie.
22C’est grâce aux informations contenues sur le bloc no 332 que l’on peut commencer la mise en place de la deuxième assise et déterminer la position relative des trois bases. Tout d’abord, le regard est attiré, dans le lot des parallélépipèdes, par le bloc no 435, haut de 64,5 cm, portant un personnage barbu, brandissant un trident pointé vers le bas, dans lequel on reconnaît évidemment Neptune. Sa posture et la présence, sur la droite, d’un tronc d’arbre se raccordant verticalement à celui du no 332 permettent de le placer avec une certitude absolue. Ce premier assemblage, que, par chance, les circonstances aléatoires des découvertes ont autorisé, peut être considéré comme la clef ouvrant la suite des restitutions.
23Dans le geste menaçant du dieu des flots, nous retrouvons une séquence de gigantomachie, confirmant le positionnement à ce niveau des deux autres scènes isolées. Au-dessus de Neptune se voit l’angle d’un cadre comprenant trois registres décorés et un quatrième, très mutilé, peut-être nu. Devançons la restitution générale pour préciser qu’il s’agit là de l’angle inférieur droit d’un encadrement de fenêtre dont l’appui est conservé, à gauche, sur une longueur de 20 cm. Dans l’espace compris entre le cadre et un galon vertical limitant le bloc, est sculptée une large coquille marine plate, assimilable à une coquille Saint-Jacques.
24C’est une hauteur identique, de 64,5 cm, et une distribution symétrique du décor qui conduisent à placer contre le no 435 et sur le no 332 le no 286, constitué d’un tambour très mutilé bordé sur la droite par un panneau porteur d’éléments disposés à l’inverse de ceux du no 435. On y trouve d’abord un galon venant se superposer à celui du no 332, un linge pendu à un arbre feuillu, tous deux se raccordant également au décor inférieur, de nouveau une grande coquille puis l’angle inférieur gauche du cadre d’une deuxième fenêtre. A droite de l’arbre feuillu, le décor se poursuit par un autre linge pendu, devant lequel une main tient un disque qui s’avère être un miroir.
25La scène se poursuit sur le bloc no 428, dont le cadre s’ajuste parfaitement au précédent, avec le même thème décoratif où l’on voit des grecques cernées extérieurement d’un rang de perles. La scène historiée, la plus longue de cette assise, est animée par cinq bustes de femmes, des nymphes à leur toilette, dont les vêtements sont suspendus dans le champ. La première d’entre elles, sur la gauche, étant celle qui tient le miroir du bloc précédent. La face d’attente de ce bloc, hormis une faible section de 13 cm, ne recevait pas d’assise supérieure, elle servait d’appui, avec une profondeur de 61 cm, à la deuxième fenêtre6. Cette face horizontale présente, en outre, la particularité intéressante d’être perforée, à 27 cm du parement extérieur, d’une rangée de huit trous, approximativement carrés, bien distincts du trou de louve central ou des trous de bardage faits a posteriori. Ces cavités, larges d’environ 3 cm, sont distantes les unes des autres de 11 à 13,5 cm et l’on remarque leur absence dans la zone hors appui (fig. 8). Il s’agit donc de trous ménagés dans la surface visible de la pierre et en usage durant la première utilisation de celle-ci. Dans ces conditions on ne peut guère émettre d’autre hypothèse que celle de trous destinés à recevoir les barreaux d’une grille. Il est intéressant d’isoler de la description de ce bloc par G. Julliot, la précision suivante : « De l’un de ces trous, nous avons extrait l’extrémité d’une tige en fer carrée, d’environ 0,01 m de côté, originairement scellée avec du plomb »7. Cette présomption est d’autant plus fondée que deux orifices circulaires visibles en soffite du bloc no 344 semblent confirmer, ce qui serait logique, la présence d’une même clôture dans les autres baies (pl. 12 b). Ce détail, en apparence d’importance mineure, nous apporte deux informations intéressantes sur la fonction et la place des baies. La première confirme bien leur rôle de fenêtres ; il ne s’agit pas, comme l’a suggéré B. Laubie dans un article critique de celui de G. Julliot8, de niches destinées à recevoir des sculptures. La seconde nous incite à penser que ces ouvertures, ainsi défendues, étaient proches du sol, ce que vient confirmer la deuxième assise telle qu’elle est ici restituée.
26Un quatrième bloc, faisant suite aux précédents, est rapidement trouvé, car il a conservé, lui aussi, son décor presque intact et sa hauteur est identique. C’est le no 429, portant l’angle inférieur droit du cadre à grecques de la même fenêtre. On y trouve également la coquille et le ruban vertical, tous deux symétriquement disposés par rapport au no 286. Deux bustes de nymphes, l’une s’aspergeant, occupent le panneau historié.
27Le bloc suivant, le no 346, est à placer dans une situation analogue dans l’angle inférieur droit d’une troisième fenêtre dont le cadre porte également des grecques et le panneau, une femme seule à côté d'un arbre feuillu. Le lit d’attente de cette pierre, tout comme les formes aberrantes de plusieurs autres, est dû à une retaille nécessitée par l’insertion de ce bloc dans le rempart (on peut faire la même remarque pour les nos 324, 417, 419, 420 et 429).

Fig. 8. — Face supérieure du bloc no 428, montrant les orifices de scellement de la grille. Marie-Geneviève Froidevaux.
28Les deux scènes de gigantomachie, mentionnées plus haut, devaient occuper le panneau situé sous une quatrième fenêtre, sans que l’on puisse, faute du moindre élément de raccord à un cadre, à un tambour ou à une base et de leur retaille en longueur, les positionner avec précision. Si leur hauteur les situe bien sur la première assise, seul un dessin de restitution (exprimé d’un trait plus léger) leur propose une situation relative.
29Dans le canevas de départ que nous offrent ces deux premières assises, on trouve deux informations métriques des plus intéressantes, puisqu’elles vont permettre de rythmer la façade. Tout d’abord, les trois blocs juxtaposés nos 286, 428, 429, nous donnent la largeur exacte de l’ouverture d’une baie, soit 1,50 m. Cette dimension, donnée par l’écart entre les angles intérieurs du cadre, se trouve confirmée par les limites de la surface libre de l’appui.
30L'autre dimension remarquable est celle de l’entr’axe des colonnes que l’on peut établir en doublant, sans trop de risques en raison de la symétrie de la composition, la longueur entre l’axe de la première colonne et celui de la fenêtre, directement mesurable, soit 1,96 m X 2 = 3,92 m9.
31Grâce aux deux assises ainsi déterminées, il est maintenant aisé de sérier les blocs encadrant chacune des fenêtres, grâce à la singularité de chacun des cadres et au décor des tambours de colonnes. On peut noter que les diamètres de ces derniers, oscillant entre 63 et 67 cm, semblent variables mais que ces variations ne sont pas à mettre sur le compte d’une subtile réduction du diamètre avec l’élévation. Les différences sont dues en réalité aux grandes variétés dans les saillies du décor, saillies mises à profit par les tailleurs de pierre pour rattraper commodément les imprécisions de l’épannelage initial.
32Quatre blocs portant un cadre de fenêtre sont ainsi sélectionnés, tous complétés par un tambour plus ou moins complet. Répartis sur la façade en fonction de leurs décors, ils définissent deux nouvelles assises, chacune haute de 63 cm, dont la somme ne suffit malheureusement pas à nous conduire jusqu’au niveau du linteau des baies, incontestablement plus élevé.
33Un complément d’information sur la hauteur des fenêtres nous est donné par un tambour unique, le no 423, représentant la cinquième assise, brisé dans sa partie supérieure et conservé sur 76 cm. Bien que ce bloc ne comporte pas, sur son arrachement latéral, de trace de cadre en raison de son état de dégradation, les éléments de son décor permettent de le juxtaposer avec certitude au no 422.
34Nous avons ainsi au moins trois assises dans la hauteur d’ouverture des baies ; hauteur supérieure, par conséquent, à 202 cm, soit 63 + 63 + 76 (incomplet).
35La série suivante est celle des blocs clavés constituant les linteaux appareillés des fenêtres10. Le calcaire local, de médiocre densité et de faible résistance, n’autorisait pas, en effet, l’usage de linteaux monolithes d’une telle portée, les constructeurs avaient donc recours à cet artifice pour assurer le franchissement des ouvertures qu’ils ne désiraient pas couvrir avec un linteau de bois11. Il apparaît, dans le tri éliminatoire de ces éléments, que les claveaux étaient disposés sur deux niveaux. Le premier niveau constituait le linteau proprement dit et le second une décharge de celui-ci, reportant les pressions sur les axes verticaux renforcés, matérialisés par les colonnes engagées.
36Les claveaux du linteau se distinguent par la présence d’un soffite décoré de caissons hexagonaux, visibles sur deux d'entre eux (nos 342 et 344) constituant des témoins assurés de leur position. Un second indice est fourni par la présence, dans leur zone inférieure, du cadre supérieur d’une fenêtre. Enfin, le décor de leur majeure surface, commun à la série, consiste en vagues marines, desquelles surgissent des pattes et des poitrails de monstres marins.
37La taille de ces claveaux offre une particularité stéréotomique peu fréquente sous la forme de décrochements le long des faces de joint, que l’on nomme « crossettes ». Le procédé est rarement utilisé dans l’architecture romaine mais la Gaule en possède une belle application au théâtre d’Orange.
38En fonction des critères précédemment cités, huit claveaux peuvent être regroupés pour s’intégrer à quatre plates-bandes appareillées, l’une sur la fenêtre 2, presque complète, trois autres se partageant deux claveaux isolés et un sommier commun. On a ainsi, de gauche à droite, la fenêtre 2 avec les blocs nos 345, 418, 342 et 34312. Vient ensuite le tambour no 337, servant aussi de sommier aux plates-bandes des fenêtres 3 et 4. Sur le départ du panneau de droite de ce bloc se voit un décor de pattes palmées ; ce sont ces attributs et le décor de son cadre qui autorisent la mise en place du no 341 dans l’angle supérieur droit de la fenêtre 4. Le claveau no 344, muni d’un cadre à décor de grecques, pourrait théoriquement s’intégrer à la fenêtre 3. Toutefois, les sculptures du panneau qu’il supporte montrant des vagues et des pattes de monstres marins, on ne saurait le placer sous Vénus, dont on devrait nécessairement voir le bord de la coquille et non les coursiers d’un quadrige. On en déduit qu’il y avait donc au moins une cinquième fenêtre surmontée d’un panneau historié, portant une divinité marine montée sur un char13.
39A cette cinquième fenêtre s’en ajoute peut-être une sixième, celle-ci serait représentée par le claveau no 340, très mutilé et auquel il est problématique d’attribuer une position précise. On y distingue seulement un élément sûr, constitué par le fragment d’un angle supérieur gauche de cadre de fenêtre (fig. 9).

Fig. 9. — Le claveau no 340, non positionné, provenant d’une sixième fenêtre. On y voit l’angle supérieur gauche d’un cadre de baie et, dans les flots, un fragment de pied palmé. Marie-Geneviève Froidevaux.
40La nouvelle assise restituée possède une hauteur de 84 cm et reçoit par conséquent le solde des blocs clavés, constituant une assise de décharge, haute de 119 cm. L’assemblage de cette dernière, plus aléatoire en raison de l’absence de juxtaposition, peut se faire en groupant d’abord les éléments d’un panneau porteur d’un quadrige marin escorté d’Amours volants. Le choix s’est porté sur les nos 420, 417 (qui est un bloc retaillé de forme parallélépipédique) et 419. Le no 416 a été écarté et placé en position solitaire, au-dessus de la fenêtre 1, en raison de l’incompatibilité de ses scellements avec les blocs supérieurs de même qu’avec le no 335.
41Dans le panneau au-dessus de la fenêtre 3, on place le no 439, dont l’emplacement n'a pu être déterminé, en fait, qu’après la restitution de l’assise supérieure.
42Enfin, la hauteur de 119 cm a permis d’insérer à ce niveau les deux tambours restés disponibles, dont l’un, le no 335, a précisément cette hauteur (le no 336 est retaillé). Chacun est terminé par un astragale (un congé, un filet, un tore), marquant la limite supérieure du fût.
43La dernière assise que l’on puisse restituer est celle des deux chapiteaux corinthiens, très mutilés, portant les no 338 et 424. Le second, en raison des multiples altérations qui l’affectent, ne peut recevoir d’emplacement défini ; il est donc mis en place arbitrairement avec la seule certitude d’un niveau assuré. Par contre le no 338, grâce au suivi du décor, se trouve flanqué, à droite, par le no 475, malgré une interruption due à une retaille et, à gauche, par le no 321, décoré de Luna debout sur son char, lui-même continué à gauche par le no 32814.
44C’est alors que l’on peut justifier la mise en place du no 439, portant un bras droit appuyé sur le rebord d’une coquille géante. On voit qu’il constitue le complément du no 475 montrant la partie supérieure de la même coquille sur laquelle, suivant une image bien connue, est étendue Vénus ; on possède ainsi, à défaut du reste de son corps, le bras droit de la déesse.
45Enfin, dernier élément erratique de cette façade, le tambour supérieur no 336, placé arbitrairement, comme le chapiteau no 424, avec la seule certitude de son niveau.
46Les blocs ayant tous trouvé une place, avec plus ou moins de précision, on obtient le schéma d’une façade rythmée par des grandes fenêtres, dont cinq sont assurées et six probables, encadrées de colonnes engagées que l’on peut, par conséquent, estimer à six ou sept. Ces chiffres ne sauraient, bien entendu, constituer qu’une valeur minimale et ne donnent, pour l’instant, aucune précision sur la hauteur totale de l’édifice. Outre le manque dans l’élévation au niveau des fenêtres, il n’existe aucun élément provenant de l’entablement. L’existence de celui-ci, même s’il s’agit d’une façade intérieure, peut être considérée comme certaine. Aussi, pour la simple satisfaction d’aboutissement de la composition, un entablement corinthien a été dessiné sur la restitution ; il est entendu que cette partie de l’ouvrage ne doit être vue que comme une silhouette dont les dimensions n’ont aucune valeur objective.
Restitution de la hauteur, proportions
47Nous avons vu que la zone d’interruption verticale de l’anastylose se situait dans la partie supérieure des baies ; c’est donc en fonction de cette césure que la hauteur totale va être déterminée.
Solution 1 (pl. 1 et 2)
48La démarche la plus simple consiste, non pas à rechercher la hauteur de la baie mais plutôt celle de l’ordre, c’est-à-dire de la colonne, pour laquelle on établit une proportion. La hauteur inconnue de la fenêtre sera alors intrapolée entre le niveau supérieur de la 4e assise et le niveau inférieur des linteaux.
49La proportion des ordres, depuis Vitruve (III, 3), est donnée par le nombre de diamètres pris à la base du fût, ou par le nombre de rayons, appelés « modules », dans la hauteur totale de la colonne. Le rapport moyen généralement admis pour la colonne corinthienne est de 20 modules15. Si l’on applique, par pure hypothèse, cette proportion à la colonne de Sens, sa hauteur devient : 0,325 m X 20 = 6,50 m (22 pieds).
50Nous avions déjà deux hauteurs connues, celle des quatre assises inférieures, soit 2,58 m et celle des trois assises supérieures, soit 2,78 m ; leur total est de 5,36 m. Il reste à faire la différence : 6,50 — 5,36 = 1,14 m. Or nous avons vu que la cinquième assise, représentée par le seul tambour no 423, incomplet, a une hauteur nécessairement supérieure à 0,76 m, hauteur conservée de ce bloc ; la hauteur de 1,14m que nous venons de déduire est donc compatible à la réception de cet élément (il existe même une assise plus importante, représentée par le tambour no 335, complet et haut de 1,19 m).
51Nous sommes donc autorisés à en déduire une hauteur possible de la baie, soit : 1,26 m + 1,14 m = 2,40 m (environ huit pieds).
52Il n’est pas sans intérêt de pousser plus loin l’étude des proportions en recherchant celles qui, dans cette hypothèse, harmonisent les fenêtres et les colonnes entre elles.
53Le rapport hauteur sur largeur des baies donne :
, tandis que le rapport de la hauteur des colonnes sur leur distance d’entr’axe est de : 
54On note aussitôt que ces deux valeurs sont très voisines de la proportion dorée, définie par :
55
16
56La construction géométrique de ces deux proportions confirme, avec les approximations admissibles (9,7 cm d’erreur maximale sur l’entr’axe), la réalité du calcul et, particularité intéressante, le rapport homothétique entre les fenêtres et le rythme de l’ordre. En revanche, la position relative des fenêtres dans la hauteur des panneaux ne semble relever d’aucune construction géométrique ou arithmétique remarquable. La hauteur de l’appui, à 1,32 m du sol, soit à peu près 4 pieds et deux palmes, a dû être estimée simplement en fonction d’une position pratique d’éclairage et de vision vers l’extérieur ; deux arguments que l’on retiendra pour envisager une fonction au monument.
Solution 2 (pl. 3 et 4)
57La présence de la proportion dorée dans ce monument, pour plausible qu’elle soit, en coïncidence avec une proportion simple de la colonne, semble, si l’on peut user de ce paradoxe, trop satisfaisante pour être acceptée sans discussion, ou plutôt sans envisager une autre disposition.
58Plutôt que de partir d’un raisonnement fondé sur les proportions, démarche quelque peu emphatique pour cet édifice provincial, il est tout aussi raisonnable de rechercher une logique constructive, peut-être plus en rapport avec le niveau de connaissance, ou le sens pratique, des constructeurs gallo-romains.
59La méthode en est fort élémentaire : nous connaissons déjà les deux premières assises des fenêtres, chacune de 63 cm, rien n’interdit de penser que, pour monter jusqu’au linteau, l’architecte ou les tailleurs de pierre aient logiquement choisi de superposer quatre assises d’égale hauteur. Dans cette hypothèse, le tambour no 423 occuperait deux hauteurs d’assise. On obtient alors une baie haute de 2,52 m (environ huit pieds et demi), tandis que la hauteur de la colonne devient 6,62 m.
60On s’aperçoit alors que la construction géométrique de l’ordre et des baies se fait avec l’équerre à 30 et 60°, d’usage courant, avec une approximation équivalente à celle de la solution précédente, c’est-à-dire excellente pour les fenêtres et moindre pour les entr’axes. On constate, ce qui est tout à fait logique dans ce type de construction rustique, un accroissement de l’erreur avec l’accroissement des distances. Comme précédemment, on retrouve un rapport homothétique entre les baies et les colonnes entre elles et, commodité de tracé supplémentaire, le positionnement de l’appui des baies se fait également à partir d’une construction à 60°.
61Les écarts que l’on constate ici, dans deux restitutions hypothétiques, demeurent conformes à ce que l’architecture gallo-romaine, et même parfois romaine, contient dans ses réalisations. A titre de comparaison il n’est que d’évoquer les éléments de modénature réputés semblables, tels que bases ou chapiteaux, dont la réalisation pratique connaît des variations très sensibles ; c'est ce que nous avons précisément constaté pour les trois bases de cette façade. L’inconvénient, dans le cas présent, de l’équivalence d’approximation dans les deux versions proposées est qu’il demeure une égalité de chances concurrentes sans que l’une puisse éliminer l’autre. Acceptons cette incertitude, en souhaitant que des découvertes opportunes permettent un jour d’apporter une réponse satisfaisante.
62L’existence d’un tambour de colonne isolé oblige à compléter la restitution de façade (pl. 5) par l’adjonction d’un corps de bâtiment incluant une colonnade libre, c’est-à-dire un portique. L’identité de diamètre et de décor incite à placer ce portique à l’extérieur et, selon toute vraisemblance, en regard de l’ordre engagé restitué. Deux solutions peuvent être proposées, cette fois encore aussi plausibles l’une que l’autre, la première étant un porche destiné à monumentaliser l’entrée, l’autre un portique courant le long de la façade (pl. 6).
63Quelle que soit l’option réelle, il convient de placer sous la première assise, faute d’éléments pour définir un podium, un soubassement, peut-être réduit à une plinthe, dont le rôle est de protéger les sculptures basses et d’en permettre une meilleure perception.
Programme
64Lorsque G. Julliot fit son étude des blocs de Sens, il proposa d’y voir les vestiges des thermes romains, élevés dans cette ville par deux duumvirs généreux ayant laissé une inscription, datée de Trajan ou Hadrien, sur laquelle ils rappellent avoir offert aux Senons... (portic)us et ambulat(iones), « des portiques et des promenoirs »17. C’est avec cette destination que les blocs ont été recensés par E. Espérandieu18 et catalogués dans le musée.
65Après cet érudit, B. Laubie, déjà cité, a fortement contesté à la fois le programme de l’édifice et la lecture de son décor, suggérant la possibilité de placer la façade dans un nymphée ou d’en faire la scène d’un théâtre19.
66Avant d’aborder la destination possible de ce monument, il faut tenter de situer sa composition dans des exemples originaires de la forme puis de la retrouver dans des applications banalisées identifiées.
67Chronologiquement, l’usage des colonnes engagées, sans aller chercher parmi les modèles grecs, se rencontre déjà dans l’architecture tardo-républicaine. On la voit rythmant les façades de portiques, tels ceux du sanctuaire de Palestrina, du soutènement du temple d’Hercule à Tivoli, tous deux de la fin du iie s. av. J.-C. et plus tard, ceux du Tabularium et du jorum holitorium. Les temples aussi, dès la fin du iie s. av. J.-C., peuvent être flanqués extérieurement de colonnes engagées entourant la celia ; on les trouve notamment au temple rectangulaire de Tivoli et, une génération plus tard, à celui du jorum boarium à Rome. L’époque impériale en poursuivra l’usage en le systématisant à tous les types de façades, non seulement rectilignes mais aussi circulaires, telles celles des théâtres et des amphithéâtres.
68La façade de Sens, toutefois, ne saurait être assimilée à un portique puisque l’espace entre les colonnes est obstrué par un mur, comme dans les temples, ce qui permet de restreindre les directions de recherche. Or, les temples ne sont guère munis d’ouvertures d’éclairage et ne possèdent habituellement que leur unique et vaste porte d’entrée20 et les rares sanctuaires munis de baies auxquels on puisse faire référence ne constituent qu'une maigre liste. On connaît le temple rond de Tivoli, élevé à la fin du iie s. av. J.-C., possesseur d’une grande et unique fenêtre et, toujours dans la région romaine, le temple édifié au début du IIe s. (époque d’Hadrien), à proximité de la grande villa de Sette Bassi et dont la cella est percée de multiples ouvertures en meurtrière21. Proche du précédent le pseudo-temple de Rediculus22 demeure le meilleur exemple d’édifice cultuel à fenêtres (pl. 13 a). La cella de ce monument à parements de briques polychromes est éclairée par cinq bales de modestes dimensions (65 X 80 cm pour les plus spacieuses), trois sur la face postérieure, une sur chaque face latérale, entourées d’un cadre décoré et reposant sur une bande de grecque divisant en deux chaque panneau situé entre les pilastres.
69Les deux principaux sanctuaires de Palmyre, le grand temple de Bel, achevé en 32 et son plus modeste voisin, le temple de Baal-Shamin, daté de 131, ont tous les deux leur cella éclairée par des fenêtres, une seule par long côté à Baal-Shamin et quatre par long côté à Bel.
70Enfin, réalisation un peu différente, celle découverte récemment en Grande-Bretagne, dans l’enceinte du sanctuaire de Bath23. En face du temple, les fouilles ont révélé une cour dallée, entourée sur trois côtés d’édifices, dont l’un avait sa façade rythmée par des pilastres doriques entre lesquels le mur était percé non de baies, mais de niches recevant des sculptures, surmontées de reliefs figurant les saisons (pl. 29). Cette distribution d’une façade aveugle est en fait ce que les constructeurs du sanctuaire de Baalbek ont magistralement réalisé sur les parois intérieures du temple de Bacchus24.
71La présence à Sens non de niches ni d’une seule ouverture, mais d’au moins cinq, vraisemblablement sur la même façade, et fort rapprochées, semble écarter l’hypothèse d’un temple, même si le décor est animé par des dieux. D’autre part, en admettant pour un sanctuaire cette profusion d’ouvertures qui n’ont rien de commun avec les meurtrières de Sette Bassi, le niveau d’appui de celles-ci à 1,32 m du stylobate est difficilement compatible avec l’indispensable discrétion qui doit entourer la demeure du dieu. Les fenêtres du temple de Baal-Shamin, par contre, répondent à cette exigence car elles sont ouvertes à 3,50 m de hauteur, celle du pseudo-temple de Rediculus à 5,50 m et celles du temple de Bel à 7,70 m.
72Les temples étant écartés, il reste, certes, de nombreux édifices pouvant être munis de grandes fenêtres, à commencer par les habitations. Toutefois, celles-ci doivent être éliminées en raison de l’échelle monumentale de la façade de Sens, correspondant, de toute évidence, à un monument public. Parmi ceux-ci, les édifices de spectacles étant à exclure, il reste essentiellement les basiliques, les curies et les thermes. Si les deux premiers peuvent justifier une façade majestueuse, précédée ou non d’un portique, on ne saurait y trouver un décor sculpté, nécessairement intégré à une construction de grand appareil, ayant la profusion et évoquant les thèmes du décor de Sens. La basilique de Brescia retient cependant l’attention en raison de sa façade, calant le côté sud du forum de cette cité et présentant une succession de grandes baies séparées par des pilastres corinthiens. Toutefois, en rapport avec la fonction de l’édifice, le décor s’y limite aux éléments d’ordre et à de sobres encadrements25. Les basiliques et les curies étaient, en effet, des monuments solennels, où l’on traitait des affaires juridiques, politiques ou mercantiles que l’on imagine mal environnées de scènes évoquant les dieux de l’Olympe, dominant des actions héroïques et des scènes libertines. En accompagnement d’un tel décor on verrait beaucoup plus volontiers un édifice consacré aux loisirs, un édifice où l’ostentation et le luxe s’imposent26 et c’est tout naturellement l’établissement de bains qui répond le mieux à cette définition, Il est également satisfaisant, dans la perspective de l’idéologie impériale, pour laquelle l’épicurisme démagogique garantit la fidélité des populations et assure la quiétude du pouvoir, de voir dans cette façade de grand appareil, décorée à profusion, la manifestation d’une largesse politique locale, destinée aux loisirs des Senons et propre à flatter leur vanité.
73Cette concordance d’observations et de raisons nous ramène à la proposition faite avec bon sens par G. Julliot, même si les modèles comparables font défaut, tout au moins en Gaule. En effet, les thermes suffisamment bien préservés, tels ceux du « Palais de la Trouille » à Arles, ceux de Lutèce ou encore les thermes impériaux de Trèves27, tous munis de larges ouvertures, sont construits en maçonnerie et leur décor épidermique consistait en placages de marbre ou en enduits. La façade de Sens donne donc, à ce jour, l’exemple unique d’une composition monumentale en grand appareil, à décor sculpté saillant28, percé de vastes baies ouvertes à proximité du sol.
74Indépendamment du mode de construction, ces grandes baies sont, on vient de le voir, tout à fait conformes à ce que la conception des établissements de bains admettait depuis, au moins, l’époque de Claude. Le temps où l’on s’efforçait de conserver la chaleur, en n’attribuant aux balnéaires que de parcimonieuses ouvertures, était raillé par Sénèque qui, avec une double ironie, comparait les anciens thermes avec ceux de son époque dans lesquels le luxe accompagnait une architecture ample et claire. Décrivant les bains de Scipion, la vainqueur d'Hannibal, à qui il était allé rendre visite en Campanie, l’auteur des Lettres écrivit : « J’ai vu le bain étroit, ténébreux selon la coutume des anciens temps. Il fallait l’obscurité à nos ancêtres pour qu’ils se sentissent bien au chaud... Dans ce bain de Scipion il y a, au lieu de fenêtres, des ouvertures minuscules, taillées dans le mur, juste pour admettre la lumière sans nuire à la défense de l’édifice. Aujourd’hui on appelle trous à blattes les bains qui ne sont pas conçus de façon à recevoir le soleil toute la journée par d’immenses fenêtres, qui ne permettent pas de se laver, d'être hâlé et, depuis la baignoire, de voir au loin la campagne et la mer »29. Durant la première moitié du ier s., des progrès techniques sensibles avaient en effet permis d’accroître considérablement le confort des thermes, progrès parmi lesquels on peut citer l’usage du verre pour clore les baies et le perfectionnement des procédés de chauffage sur hypocauste, utilisant des foyers volumineux et multiples et remplaçant les doubles cloisons en tegulae mammatae par des tubuli beaucoup plus efficaces30.
75Les grandes fenêtres de Sens trouvent donc leur place normale en position basse, assurant à la fois l’éclairage généreux du volume intérieur et la vue vers l’extérieur (moins la mer) pour les baigneurs. De même les scellements de barreaux peuvent être le souvenir d’une simple grille, si la fenêtre donne sur le frigidarium, ou de l’armature métallique soutenant des vitres s’il s’agit du caldarium.
76Que cette façade ait été celle de thermes, on peut maintenant l’admettre avec raison. En ultime présomption, il est à présent opportun d’exploiter une observation faite par G. Julliot dans sa description des blocs : « La face postérieure de ces pierres, épaisses de 0,60 m, porte la trace d’un mur de briques avec lequel elles étaient entièrement reliées par des ferrements qui existent encore » (ils ont aujourd’hui disparu). En réalité, une construction aussi massive n’avait nul besoin d’être adossée à une maçonnerie, il s’agissait, bien plus certainement, de goujons qui avaient permis de fixer le décor pariétal intérieur constitué de plaques de marbre, selon une pratique usuelle dans l’aménagement intérieur des thermes. Il pouvait s’agir également, dans l’hypothèse d’une pièce chaude, des dispositifs de fixation des tubuli et de l’enduit qui les recevait.
77Pour isolée qu’elle soit à ce jour, la Façade des Thermes de Sens ne devrait pas être considérée comme un unicum ; il y a fort a penser que dans les lapidaires des musées existent des éléments architectoniques dispersés dont l’étude attentive permettrait peut-être de révéler une famille monumentale dont les villes de Gaule se sont enrichies probablement à partir du IIe s. Ainsi, sans que l’on puisse parler de thermes, il est déjà possible de mentionner les vestiges d’un petit monument, conservés au musée de Dijon, dont les quelques blocs assemblés présentent des similitudes, à échelle réduite, avec la façade de Sens (pl. 23). On peut y voir deux éléments de colonnes engagées, d’un diamètre de 52 cm, couvertes d’un décor floral peuplé et les arrachements de panneaux historiés. Bien qu’il soit problématique d’attribuer à ce monument une fonction quelconque (peut-être funéraire en raison des plus modestes dimensions), il est intéressant de trouver une formule architecturale et décorative identique sur la façade d’un édifice de taille et de destination différentes. C’est le témoignage d'une mode monumentale, que l’on peut situer entre le iie et le iiie s., dans le courant du regain des influences orientales, apparentes dans l’exubérance baroque du décor et certains thèmes géométriques ou figurés revenant à la mode, comme les caissons hexagonaux ou la gigantomachie. Ainsi considérée avec le recul nécessaire, Agedincum n’apparaît nullement comme un foyer créateur, et la façade de ses thermes peut mieux se situer dans une génération monumentale, encore mal représentée, mais dont on pressent l’importance.
78Abandonner un tel sujet sans évoquer la pourtant lointaine Pompéi, serait, de la part de l’auteur, une négligence en omettant l’une des informations comparatives les plus convaincantes.
79Cette ville, en effet, possédait des établissements de bains remontant à l’époque républicaine, dont les obscures salles voûtées, aux étroites ouvertures zénithales, méritaient parfaitement les descriptions de Sénèque31. Un séisme, sur ce plan providentiel, ayant détruit, le 5 février 62, une partie de la ville et gravement endommagé les thermes, la municipalité jugea opportun d'entreprendre l’édification d’un nouveau complexe balnéaire. Celui-ci, implanté au cœur de la ville, d’où son nom de « thermes du centre », fut entrepris en observant les normes techniques et architecturales nouvelles. C’est précisément la façade principale de cet ensemble, ouvrant sur la palestre, qui évoque le plus fidèlement la composition architecturale de la façade de Sens. On y trouve, en effet, des colonnes engagées de moitié, séparées par des panneaux percés de vastes fenêtres rectangulaires, dont l’appui se trouve à 1,25 m du sol. La décoration de cette façade nous demeurera à jamais inconnue, car l’éruption du 24 août 79 devait laisser ce monument inachevé (pl. 13 b). A la lumière de cet exemple convaincant, il est assuré de pouvoir situer la façade de Sens comme étant celle faisant face à une palestre, lieu où tout autorisait à la fois une riche décoration propre au luxe attaché aux thermes et l’aménagement de vastes baies éclairant les salles, ouvrant sur un espace intérieur garantissant la quiétude des usagers.
80En conclusion, on se trouve devant la réalisation, dans une cité provinciale, d’un programme conforme à un modèle général, conçu probablement dans la capitale et dont les exemples dans la péninsule (ce qui est assuré) comme en Gaule ont dû se multiplier.
LE DECOR ARCHITECTURAL
81Nous avons vu que, outre les panneaux historiés séparés par les baies, toutes les surfaces de l’édifice portaient un décor profus dont n’étaient exempts que les appuis et les tableaux de fenêtres ainsi que les plinthes des bases. Ce décor architectural, dont la dominante est naturaliste, peut être distingué par quatre supports différents : les colonnes, les panneaux verticaux encadrant les précédentes, les chambranles de fenêtres et les soffites.
Les colonnes
82Les éléments conservés autorisent la restitution sûre de quatre d’entre elles, dont la numérotation se fait de gauche à droite et suit par conséquent celle des fenêtres ; on en possède 15 blocs, identifiés et positionnés précédemment, répartis comme suit : colonne 1 : base et deux tambours ; colonne 2 : base, un tambour et le chapiteau ; colonne 3 : trois tambours et chapiteau ; colonne 4 : base et trois tambours.
83Des trois bases, dont nous avons dit que le profil était attique mais l’exécution chaque fois singulière, deux ont conservé un décor bien identifiable et identique, ce sont les bases des colonnes 1 et 2 (no 332 et no 192) (pl. 7 a et b). Au-dessus de leur plinthe nue, on trouve un tore revêtu de feuilles tombantes tripartites à légère nervure axiale et profil en écu. Entre chacune de ces feuilles, et en retrait, on voit un dard nervuré. L’ensemble évoque le rebord supérieur d’une corbeille garnie de feuilles dont les extrémités épousent le profil.
84Le tore supérieur est, lui aussi, totalement recouvert de feuilles placées cette fois en suite horizontale. D’une gousse, dont les deux éléments s’ouvrent en V, sort une feuille simple (c’est-à-dire à foliole unique), axée par une nervure bien marquée de deux incisions.
85Le raccord entre les bases et les fûts se fa.t par un congé dont la saillie sert partiellement d’appui au départ des reliefs des premiers tambours. Des trois blocs de la colonne 1, deux ont conservé leur décor, les nos 332 et 333 (pl. 7 c), le troisième a été totalement ravalé pour être aligné sur le nu du panneau voisin afin de lui donner un volume parallélépipédique en vue d’une intégration commode aux fondations du rempart.
86Le thème décoratif, adopté pour toutes les colonnes, est celui des pampres de vigne peuplés, dont les rameaux, sinueux et croisés, rythment les fûts sur toute leur hauteur, définissant des médaillons que l’on peut restituer au nombre de cinq. L’identification du végétal se fait sans peine, grâce à la présence des grappes de raisin et des feuilles en cinq parties, complétées de vrilles venant combler aléatoirement les espaces libres. Sur les deux tambours en état de la colonne 1, on peut voir, sur le no 332, un oiseau très mutilé, tandis que deux apparaissent sur le no 333. Ce dernier porte également, en position latérale droite, une tête de lapin, plus grosse que nature, inclinée vers le bas et s’apprêtant à grignoter un raisin.
87Le fût de la colonne 2 est représenté par deux blocs, portant leur décor, bien que celui du no 192 soit amputé sur sa partie gauche.
88La composition de départ, au-dessus de la base, diffère de celle de la colonne 1, puisqu’au lieu de la vigne on y voit deux massifs de végétaux d’apparence aquatique, à longues feuilles pointues, reproduisant assez bien l’« iris d’eau » ou « iris des marais ». L’un de ces bouquets est axial, l’autre cale la colonne sur la droite ; selon toute vraisemblance, un bouquet identique est à restituer sur la partie gauche détruite. De part et d’autre du bouquet axial est sculpté un oiseau, dont le bec effilé, le plumage de queue retombant et les longues pattes repliées sous le corps, évoquent avec réalisme un échassier. Ces deux oiseaux capturent chacun un animal : celui de droite attaque un serpent qu’il maintient avec ses pattes (pl. 7 b), celui de gauche tient dans son bec une forme fuselée qui semble être un poisson (pl. 8 a). On retrouve là le thème animalier, bien attesté, du héron (ou de la grue ou encore de la cigogne) affrontant ou capturant une proie, présent non seulement sur les reliefs mais également sur les mosaïques et surtout sur les peintures. Dans l’art pictural, en effet, c’est dès le IIP style pompéien qu’apparaissent les panneaux bas peuplés d’échassiers mais c’est surtout le IVe style qui en offre le plus grand nombre. On y trouve, sur une multitude de plinthes, des scènes ornées de touffes de plantes aquatiques alternant avec des animaux parmi lesquels les hérons occupent une place de choix. Il serait vain de vouloir en épuiser la liste, il est suffisant d’évoquer le modèle pompéien de la maison d’Adonis blessé32, où le mur-parapet du petit portique nous propose celui qui est peut-être le plus académique. On y voit, entre deux bouquets végétaux, un héron blanc, les plumes hérissées, affrontant un serpent qu’il maintient de ses pattes (pl. 8 b). Véhiculés en Gaule, avec tous les autres thèmes picturaux, les panneaux bas peuplés s’y retrouvent dans les décors peints dès le milieu du ier s. L’étude qu’en a faite Alix Barbet, à propos des peintures de Mercin-et-Vaux33, sur lesquelles des hérons capturent un serpent et une grenouille ou affrontent des pygmées, en fait bien apparaître la banalisation dans la seconde moitié du siècle.
89Plus discrète sur ce thème, la mosaïque de la Gaule romaine n’a guère révélé que l’exemple d’un échassier capturant un serpent, ornant un sol retrouvé à Vienne34.
90Enfin, retenons que les espèces animales affrontées à Sens sont aussi figurées isolément et la scuplture gallo-romaine offre de multiples exemples non seulement d’échassiers mais aussi de serpents évoluant dans un décor végétal. Hélène Walter, dans sa présentation des colonnes ciselées35, signale quatre représentations de serpents seuls, contre deux où échassiers et reptiles se combattent.
91Le tambour no 334, restitué dans la troisième assise de cette deuxième colonne, a conservé la totalité de son décor sans altération grave (pl. 9 a). On y voit en partie basse, parmi les pampres entrelacés, un oiseau aux ailes levées mais non déployées ; oiseau que les représentations peintes précisent généralement comme étant une grive, volatile que l’on sait être particulièrement friand de raisin. Sous le point de croisement haut des deux rameaux ligaturés (ils ne le sont pas systématiquement), se trouve un petit personnage assis au visage caricatural, le buste plié en avant, pittoresquement affronté à un escargot posé sur une vrille. Au-dessus de lui, dans le départ du médaillon suivant, on distingue un quadrupède dont la tête est très mutilée mais qui paraît bien être un lapin, tenant entre ses pattes avant un raisin qu’il s’apprête à manger. Des grappes sont ciselées dans les secteurs latéraux compris entre les médaillons.
92De la colonne 3, seuls les deux tambours supérieurs (no 337 et no 335), sur les trois replacés, ont conservé leur décor (pl. 11). Le no 337, qui sert également de sommier double aux plates-bandes appareillées des fenêtres situées de part et d’autre, est brisé sur sa partie inférieure et entaillé sur sa moitié gauche ; toutefois sur la surface conservée du tambour, on voit la courbe d’un pampre portant feuilles et grappes et la silhouette de deux oiseaux picorant les fruits.
93Le tambour no 335, le plus important de tous les blocs de cette famille (il mesure 1,19 m de hauteur), est aussi le tambour terminal de la colonne, car il s’achève en partie haute par l’astragale dont l’attente reçoit le chapiteau. Mutilé en partie basse sur une hauteur d’environ 15 cm, il a conservé la majeure partie de son décor dont les pampres croisés forment un médaillon complet. Au milieu de la végétation on voit, dans la zone inférieure, un petit personnage, aux formes potelées comme celles d’un amour, couché sur le dos, la jambe droite repliée. Deux oiseaux, l’un à droite, l’autre à gauche, flanquent le « dormeur ». Dans le haut du médaillon la composition semble inversée, puisque l’on y trouve deux amours, un de chaque côté, tandis qu’un oiseau est perché entre eux.
94La quatrième et dernière colonne restituée est connue par quatre tambours : les deux extrêmes et deux pièces médianes.
95Sur le no 323, incluant aussi la base, on retrouve un départ de décor comparable à celui de la colonne 2, ce qui pourrait signifier une alternance répétitive une colonne sur deux. Au lieu des rameaux de vigne issus directement du congé (cf. colonne 1), on trouve deux bouquets conservés de feuilles d’iris (trois à l’origine), entre lesquels, sur la droite du tambour, se tient un lapin en position de repos, prêt à grignoter les raisins d’une grappe pendant devant lui. Ce rongeur, le troisième de la façade de Sens, est, avec les échassiers, un animal dont les représentations sont parmi les plus fréquentes dans la sculpture gallo-romaine, tant sur des colonnes que sur des panneaux verticaux ou des soffites d’architraves36.
96Le bloc 422, quoique épaufré en partie basse, est assez bien conservé pour que l’on y retrouve, dans les feuillages, quatre oiseaux dans des postures différentes et un amour cueillant un raisin (pl. 9 b).
97Du décor des deux tambours supérieurs, il ne subsiste que quelques formes identifiables de feuilles et de raisin et, pour le no 336 terminant la colonne, le profil, très mutilé, de l’astragale.
98Les deux chapiteaux enfin, que l’on aurait aimé, plus que les autres éléments du décor architectural, posséder en état afin de juger de leurs rapports avec les modèles de Narbonnaise, ont conservé juste assez de reliefs pour que l’on puisse les identifier comme étant corinthiens à trois rangs de feuilles d’acanthe. Le découpage en est assez fin et ce qui demeure des courbes trahit une délicatesse de traitement au moins égale à celle que l’on trouve dans les sculptures des colonnes (pl. 11).
Les panneaux verticaux
99Les colonnes sont encadrées depuis le haut des bases (témoin sur le bloc no 286) jusqu’au sommet des chambranles de linteaux (témoins sur les blocs no 334 et 337), de panneaux étroits divisés en deux compartiments parallèles. Sur tous ces éléments conservés il apparaît que les décors se répètent avec une identité de thèmes mais avec de sensibles différences dans la répartition, les dimensions et le traitement.
100Les compartiments jouxtant immédiatement les fûts sont les plus étroits, leur largeur va de 14 cm sur le bloc no 286, à 21 cm sur le bloc no 334 ; ils sont eux-mêmes, sauf sur le no 334, séparés des tambours par un bandeau lisse, lui aussi d’importance variable (de 0,5 à 5 cm). L’intérieur de ces panneaux est occupé chaque fois par un candélabre végétal dans lequel se succèdent gousses, calices et feuilles à dessin symétrique.
101Les seconds compartiments, étirés entre les précédents et les chambranles, prennent naissance sensiblement au même niveau que les cadres inférieurs des baies, de façon à permettre aux panneaux horizontaux des allèges de se déployer jusqu’aux bases. Leur décor est formé d’une suite de coquilles plates, du type « coquilles Saint-Jacques », dont les dimensions très inégales, de 38 à 52 cm, ne permettent pas de préciser le nombre sur la hauteur du panneau, hauteur elle-même hypothétiquement restituée. On peut simplement estimer que 5 à 6 coquilles pouvaient trouver place sur chaque panneau (pl. 12 a).
102Il convient de signaler que si les coquilles figurent fréquemment sur les monuments en rapport avec l’eau, il s’agit généralement d’éléments épars dans un décor marin, voisinant avec d’autres animaux tels que crustacés et poissons ; c’est du reste ainsi que l’on trouve une coquille plate et un coquillage en spirale dans les flots du panneau situé au-dessus de la fenêtre 2. C’est généralement en entourage de l’abside d’une fontaine d’agrément que l’on trouve des coquilles en frise continue et ce sont souvent des coquillages réels incrustés dans le mortier ; leurs dimensions sont alors infiniment plus réduites.
Les chambranles de fenêtres
103Chaque baie est cernée par un cadre se développant sur ses quatre côtés portant un décor en bandes parallèles différent pour chaque fenêtre.
104Le chambranle de la fenêtre 1 n’est connu que par le bloc 435 portant l’effigie de Neptune, au-dessus de la tête duquel se voit l’angle inférieur droit du cadre (pl. 21 a). On y distingue quatre bandes parallèles, chacune étant contenue entre deux listels nus ; le listel extérieur étant le plus large, particularité que l’on retrouve sur tous les cadres. Dans la première bande, en partant de l’extérieur, on trouve une suite de végétaux axés perpendiculairement à leur support, dont les trois éléments terminés en pointe peuvent être trois feuilles ou une gousse d’où sortirait un fruit. En réalité, le motif peut être assimilé à celui des rais de cœur rustiques du type « en ciseau » auquel on donne une expression florale37. Un dard, discrètement exprimé, sépare chaque bouquet. Dans la seconde bande le motif est également végétal mais se développe longitudinalement ; on y reconnaît un calice aplati d’où sort une feuille double. Le décor de la troisième bande se compose d’entrelacs au corps concave, dans la courbe desquels est logée une perle. Enfin, la quatrième bande qui occupait le solde de surface avant le retour du tableau nous échappe totalement en raison de la destruction de l’arête du bloc.
105La fenêtre 2, plus fortunée, a conservé son chambranle sur six des sept blocs qui l’entourent et l’un d’eux, le bloc d’appui no 428, a même le privilège de posséder son décor complet (pl. 19 b et c). On y trouve, après le listel d’encadrement périphérique, la première bande sculptée portant un rang de perles au profil faiblement allongé. Lui faisant suite, on trouve une bande de plus grande largeur (10,5 cm), portant des grecques à ruban unique, dont la potence est orientée à droite (position sur le bloc d’appui). La troisième bande est la seule à posséder un décor symétriquement disposé : celui-ci est constitué de feuilles au limbe tripartite, dont la pointe principale, à partir de l’axe vertical de la baie, est dirigée pour moitié vers la gauche et pour moitié vers la droite. Enfin, la dernière bande, le long de l’arête, est garnie d’un rang de perles et pirouettes à faible relief.
106Deux autres fenêtres, au moins, possédaient un chambranle à décor analogue, l’une connue par l’élément clavé no 344 (placé à titre indicatif à la fenêtre 3), sur lequel on peut retrouver au moins les trois premières bandes portant respectivement : un rang de perles, des grecques et un rang végétal ; l’autre est la fenêtre 3, dont le bloc d’appui, no 346, a conservé les traces, très mutilées, d’un rang de perles et d’une bande de grecques (pl. 20 b). Cette analogie de décor demeure une présomption de positionnement du no 344, mais cette présomption, nous l’avons dit, est fortement handicapée par la présence d’une patte de cheval marin, peu compatible avec la coquille de Vénus et que l’on associerait plus volontiers au char d'une autre divinité, tel Neptune ou Sol.
107La fenêtre 4 n’a conservé, sur son meilleur fragment, le no 422, que trois de ses quatre bandes périphériques, sur lesquelles on retrouve le décor du chambranle de la fenêtre 1 avec un traitement légèrement différent. La première bande y porte en effet un rang de rais de cœur en ciseau, plus aplatis que sur la fenêtre 1 (pl. 12 a). De même, la bande suivante est garnie d’une rangée longitudinale de feuilles doubles dont les pointes s’écartent au lieu de demeurer parallèles. Enfin, la troisième bande conservée porte un rang d’entrelacs, plus écrasés et moins concaves que sur le no 435.
Les soffites
108C’est sous le bloc 344 (pl. 12 b), associé sans certitude au linteau clavé de la fenêtre 3, que l’on peut le plus clairement définir la nature des soffites de baies. Un seul type de décor nous est connu, puisque ce qui subsiste en soffite du bloc 342 de la fenêtre 2, en dépit des mutilations, apparaît de même nature que sur le morceau précédent.
109Ces soffites sont, comme les zones verticales de la façade, intégralement occupés par une décoration sculptée, composée d’une alternance de caissons en hexagone et en losange. Leurs contours sont définis par des rubans rectilignes ornés de perles et, à leurs jonctions, d’une pha-1ère. Les caissons hexagonaux sont remplis par une rosace à cœur et double rang de pétales38, tandis que les losanges enferment une fleur à quatre pétales d’inégales dimensions. Ce décor à la fois géométrique et floral, d’une certaine richesse, fait aussitôt penser aux caissons hexagonaux et en losange décorant les soffites cintrés du péristyle du temple de Bacchus à Baalbek39, que l’on cite généralement comme référence du thème. Si l’origine orientale d’une telle composition fait l’objet d’une discussion non éteinte40, il n’y a pas lieu, dans cette étude très localisée, d’apporter des arguments d’autorité ; notons seulement que la présence de caissons hexagonaux, utilisés seuls, est attestée précocement en Narbonnaise, puisqu’on les trouve à l’intrados de l’arc de Glanum, d’époque augustéenne41, et à l’intrados du passage central de l'arc d’Orange, achevé sous Tibère. Mieux, ce monument possède des hexagones associés à des losanges, avec le même rythme qu'à Sens, à l’intrados de ses passages latéraux42 (fig. 10).
Technique de taille du décor
110Par leur relative qualité d’exécution, les reliefs de Sens placent le décor architectural de ce monument plutôt au-dessus de la moyenne générale des réalisations de la Gaule romaine43. La taille, effectuée avec des ciseaux droits et des gradines à denture fine, est assez habile pour permettre d’exprimer avec réalisme la superposition des feuilles et les ondulations de leurs limbes. Les êtres vivants sont également suffisamment soignés pour que les détails du visage et de la chevelure des amours soient expressifs ; de même, les plumes des oiseaux et les poils des lapins sont séparés par de fines ciselures qui ne sont, comme les détails précédents, perceptibles qu’en vision rapprochée. Il convient de noter également qu’aucune trace d’utilisation du trépan n’apparaît, ni dans le décor végétal ou figuré, ni dans le décor géométrique.
111Tenter de distinguer plusieurs mains dans les sculptures de Sens, quelque rituelle que soit cette démarche et évidente la réponse en raison de l’ampleur du monument, n’a guère de chance d’aboutir à une décantation bien précise. En effet, l’exécution des différents sujets apparaît comme suffisamment uniforme pour que l’on puisse parler d’une équipe de tailleurs de pierre et de sculpteurs parfaitement expérimentés et habitués à travailler ensemble. Le seul indice de singularité relevé sur tout l’ensemble concerne le décor du tambour inférieur de la colonne 4 (lapins et végétaux) ; on y remarque l’usage exclusif du ciseau droit à tranchant fin pour l’exécution de tout le travail, alors que partout ailleurs cet outil est associé à la gradine utilisée avec ou sans percuteur.
Synthèse archéologique
112Les monuments porteurs d’un décor végétal correspondant à des programmes très variés et l’ère de leur édification s’étendant, pour la Gaule, de l’époque augustéenne jusqu’au Bas-Empire, il serait présomptueux de rechercher strictement à Sens, dans la présence conjointe sur les colonnes, de la vigne et d’un serpent, une signification bacchique ou funéraire ou même très génériquement symbolique44. S’il est vrai que l’usage d’un décor végétal sur une tombe est sensé assurer au défunt, au même titre que les fleurs réelles que l’on y dépose, une douce vie éternelle que l’on pourrait qualifier de végétative45, le recours à ce même décor sur un grand monument public doit être considéré comme ayant une valeur plus anecdotique que symboliquement précise. L’usage des rinceaux et des pampres peuplés sur des façades publiques peut même s’appliquer à des édifices à caractère mercantile, comme le montre avec un éclat particulier l’exemple du décor de la porte du marché de la laine (édifice d’Eumachie) à Pompéi. Les chambranles de cette baie, apposés durant le premier état de cet ensemble, à l’époque de Tibère, portent des rinceaux, sculptés dans le marbre, grouillants d’une multitude d’animaux, tant oiseaux que reptiles, insectes et rongeurs. Tout indique, du reste, que de tels motifs étaient déjà banalisés ; Pompéi n’étant, en ce domaine comme en d’autres, qu’un lieu privilégié de conservation. La meilleure preuve nous en est donnée par les pilastres de l’arc d’Orange, portant en décor des rinceaux et pampres peuplés précisément d’échassiers et de petits oiseaux46.

Fig. 10. — Caissons de la voûte du passage est de l’Arc d’Orange (d’après R. Amy et alii, L’Arc d’Orange, XVe supplément à Gallia, 1962, fig. 12).
113Loin d’avoir toujours la signification, si riche, du décor de l’Ara Pads Augustae, mise en valeur par le regard nouveau qu’y a porté Gilles Sauron47, le thème naturaliste évoquait simplement, dans la péninsule (pl. 10) et peut-être en Gaule pour de rares érudits, l’Aurea Aetas des origines bienheureuses, lorsque Saturne présidait aux destinées d’une humanité écologique. Cette proximité d’une nature généreuse, épanouie et peuplée, trouve bien entendu son réalisme quasi perfectionniste beaucoup plus dans le décor peint que dans le décor sculpté, lequel obéit toujours à une composition géométriquement organisée. Les fresques pompéiennes de la maison du Verger (reg. I, ins. 9, no 5), de la maison de Vénus à la coquille (II, 3, 3), de la maison du Centenaire (IX, 8, 6), témoignent, au contraire de la sculpture, d’une recherche plus libre et plus conforme à la réalité des modèles visibles, constituée par les plantations agrémentant l’espace restreint du péristyle ou celui, plus étendu, de l’hortus ou du viridarium. Cependant, sur certaines compositions peintes, dont celles de la maison de Lucretius Fronto (V, 4, a), le décor végétal abandonne la reproduction d’une nature en place, pour prendre l’allure d’un semis de feuilles et de fleurs, plus proche du décor sculpté, disposition qui est aujourd’hui un thème courant de papiers peints ou de tissus48.
114Nous avons vu, en conclusion de l’étude de restitution, que la façade de Sens, par sa composition architecturale, se rattachait à des modèles bien caractérisés, au moins en Italie. Enrichie de son décor, dont nous venons de voir, indépendamment des scènes historiées, les multiples sources, elle s’inscrit plus sûrement encore dans une famille monumentale où le décor prend, peu à peu, une place totale et dont les prémices se manifestent au début de l’époque impériale. En premier lieu on songe, quelque sacrilège que puisse être une comparaison sur le plan de la qualité, à la décoration générale de cet archétype par excellence qu’est l’Ara Pads inauguré en 9 av. J.-C., évoqué plus haut. On y trouve, en effet, la présence de reliefs couvrant toutes les surfaces verticales, calés aux angles par des pilastres corinthiens à décor végétal, l’espace vertical étant divisé par une bande horizontale décorée de grecques, soulignant les vastes panneaux historiés.
115On conçoit aisément que ce soit sur un monument honorifique ou sacré que se soit opérée la genèse d’une architecture strictement décorative et l’on ne saurait manquer de citer également le temple d’Apollo medicus, au décor exubérant, élevé vingt-cinq ans avant l’autel de la Paix par C. Sosius. Toutefois cette option n’est pas devenue d’emblée une mode, comme en témoignent les innombrables sanctuaires, arcs ou portes pour lesquels le choix a été fait d’une monumentalité délibérément dépouillée. Quoi qu’il en soit et, peut-être également, faute de témoins conservés, il faut attendre la fin du ier s. pour trouver un modèle qui, par sa composition architecturale et son décor, soit plus directement responsable d’un certain courant décoratif dont Sens est un exemple particulièrement représentatif. Ce modèle offre l’originalité d’être lui-même intégré à un décor, puisqu’il fait partie des reliefs anecdotiques provenant du tombeau des Haterii élevé sur la via Casilina à l’époque de Domitien49. Sur l’une des plaques de marbre provenant de ce monument, celle portant la machine élévatrice, on peut voir un monument pseudo-périptère à fronton, dressé sur un haut podium, qui est selon toute vraisemblance un riche mausolée, peut-être le mausolée des Haterii lui-même (pl. 14 a). Cet édifice est revêtu d’un décor profus occupant pratiquement toutes les surfaces et dont les colonnes et pilastres corinthiens sont revêtus d’un décor végétal. Aux emplacements où à Sens s’ouvrent les baies, se trouvent ici des niches garnies de bustes, en dessous desquelles des panneaux portent un décor historié.
116On serait en droit de penser que l’artiste, auteur d’une représentation sculptée de monument, outrepassait à sa guise la réalité monumentale, comme le faisait le peintre créateur d’architectures irréelles, et peut-être était-il comme lui générateur de formes nouvelles. On est en tout cas assuré que de tels édifices ont existé à Rome, car l’un d'entre eux, au moins, nous est parvenu in situ et pratiquement intact, en dépit de sa relative modicité et des bouleversements urbains subis par son environnement. Il s’agit d’une porte honorifique, connue sous le nom d’« arc des Changeurs », conservée derrière l’arc de Janus, à l’est du forum boarium, et sur laquelle on retrouve toutes les caractéristiques déjà présentes sur le relief des Haterii et dont la composition nous met en rapport direct avec la façade de Sens. Daté de 204 par sa dédicace, ce petit édifice50 possède un passage unique, couvert par un linteau droit porteur de l’inscription et deux piles massives couvertes d’un décor total (pl. 14 b). Les éléments d’ordre et de décor sculpté se développent au-dessus d’un podium (zone dont l’importance à Sens ne peut être estimée) et se terminent par un entablement complet (également méconnu à Sens). Des pilastres composites, à décor floral de candélabres végétaux ou de rinceaux, cantonnent les angles. Entre eux, l’espace se divise en trois panneaux superposés d’inégale importance. Les panneaux inférieurs contiennent des personnages et animaux composant un cortège de sacrifice ; c’est le secteur occupé à Sens par les nymphes et la gigantomachie. Les panneaux centraux, les plus importants, correspondant aux fenêtres, sont comme elles entourés d’un cadre décoré et portent des personnages en pied, dont deux sont identifiables comme étant Septime Sévère et Julia Domna et une troisième supposée, avec vraisemblance, comme étant Caracalla. Les panneaux supérieurs, enfin, sont occupés par des Victoires ailées portant des guirlandes ; c’est, à Sens, la zone réservée aux divinités.
117Nous trouvons dans cette composition sévérienne, sinon le modèle, du moins, avec certitude, un modèle bien caractérisé de la famille plastique et chronologique à laquelle appartient la façade de Sens, famille qui trouve son aboutissement dans la période transitoire entre le iie et le iiie s.
118Si l'on accepte l'hypothèse de G. Julliot, d’une relation entre l’inscription monumentale et les thermes, inscription, rappelons-le, datée des règnes de Trajan ou d’Hadrien, il n’est pas exclu d’intégrer effectivement, en raison de l’absence d’arguments contradictoires, la construction des thermes à cette époque favorable aux grands programmes monumentaux. Cette hypothèse offre l’avantage de situer le monument entre les deux jalons cités du tombeau des Haterii et de l’arc des Changeurs.
Notes de bas de page
1 Le fait que les pierres de cet ensemble aient été retrouvées parfois groupées, parfois dispersées, dans le secteur sud du rempart, ne représente qu’un indice de localisation extrêmement approximatif.
2 Soit les motifs sont strictement identiques, soit ils diffèrent à l’intérieur d’un cadre de même largeur et de même situation relative.
3 En réalité, peu de ces logements de crampons subsistent en raison des altérations subies par la plupart des pierres.
4 Sur les formes et l’usage de ces outils, voir P. Varène, Sur la taille de la pierre antique médiévale et moderne, Centre de Recherches sur les techniques grecques et romaines, Université de Dijon, 3e éd., 1983.
5 Cette convention est adoptée pour toute la description de l’étude architecturale.
6 La présence d’un décor sur tous les blocs leur donne une épaisseur variable ; en essayant de retrouver le nu extérieur, on trouve une dimension oscillant entre 59 et 63 cm.
7 G. Julliot, « Une façade des thermes romains... », p. 9.
8 B. Laubie, « Remarques sur la décoration... », p. 64.
9 Afin de ne pas appesantir le texte avec d’excessives suites de côtes, les dimensions essentielles ont été reportées sur les schémas de montage de la façade (pl. 1 et 3).
10 On dit indifféremment : linteau clavé, linteau appareillé ou plate-bande appareillée.
11 J.-P. Adam, La construction romaine, Picard, 1984, p. 184 à 187.
12 L’étude de G. Julliot avait déjà permis de réunir dans une salle de l’ancien musée les claveaux 345, 342 et 343 sur lesquels étaient placés les nos 420, 417 et 419.
13 Sur les restitutions, le claveau no 344 a été arbitrairement placé sur la fenêtre 3, dans la position probable qu’il occupait sur une cinquième fenêtre. On évite ainsi l’encombrement d’un dessin long à l’excès.
14 Le bloc no 321 est le plus volumineux de la façade ; ses dimensions sont : L = 1,83 m, H = 0,73 m, p = 0,61 m, son poids est de 1700 kg.
15 Ce rapport ne saurait être qu’une approche moyenne car l’expérience montre combien chaque édifice, surtout en Gaule romaine, possède des proportions qui lui sont propres. Le monument le plus « académique » (avec la réserve attachée à ce terme) de Gaule, la Maison Carrée, possède des colonnes corinthiennes hautes de 8,966 m, pour un diamètre à la base de 0,807 m. Leur proportion est de 22,22 modules (cf. R. Amy, P. Gros, La maison Carrée de Nîmes, XXXVIIIe suppl. à Gallia, 1979, I, p. 92 et t. II, pl. 13). A titre de comparaisons donnons les proportions des colonnes de quelques temples corinthiens romains : Temple de Jupiter à Baalbek, 18,6 modules ; Panthéon, 18,74 modules ; Temple de Castor et Pollux, 20,04 modules.
16 J.-P. Adam, « Le temple de Héra II à Paestum, essai sur le tracé régulateur », R.A., 2, 1973, p. 219 à 236.
17 G. Julliot, « Une façade des thermes... », p. 22-23.
18 E. Espérandieu, Recueil général, T. IV, p. 55-74. C’est avec la même dénomination qu’on en trouve mention dans A. Grenier, Manuel d’archéologie gallo-romaine, Les monuments des eaux, p. 308-309.
19 B. Laubie, « Remarques sur la décoration... », p. 62.
20 Seuls les temples de type romain sont évoqués, le fanum indigène, même construit en maçonnerie, ne présente jamais de grande façade.
21 Peut-être s’agit-il d’un mausolée en forme de temple, comparable au pseudo « temple de Rediculus », lui aussi muni de fenêtres.
22 Situé dans la vallée de la Caffarella, entre la via Appia et la via Latina, cet édifice est appelé également, sans certitude, « tombe d’Annia Regilla », l’épouse d'Hérode Atticus, en raison de la proximité de la villa de ce personnage mort en 150. C’est de toute façon dans la première moitié du iie s. que fut élevé le monument. Cf. H. Kammerer-Grothaus, « Der Deus Rediculus im Triopion des Herodes Atticus », Römische Mitteilungen, LXXXI, 1974, p. 131 et suiv.
23 Barry Cunliffe, The Roman Bath. A Guide to the Baths and Roman Museum, Bath, 1978.
24 Selon toute vraisemblance, c’est souvent par l’usage intérieur que les colonnes engagées se sont imposées, jouant le rôle de support des extrémités de poutres de plafond ou de charpente dans les grands monuments. C’est le rôle qu’elles jouaient dans la basilique de Pompéi, datée du dernier quart du iie s. av. J.-C. Cf. K. Ohr, « Die Basilika in Pompeji », Cronache pompeiane, 3, 1977, p. 17 et suiv.
25 Voir l’article « Brescia, Basilica », dans : G. Cavalieri-Manasse, G. Massari, M.-P. Rossignani, Piemonte, Valle d’Aosta, Liguria, Lombardia, Guide archeologiche Laterza, Rome, Bari, 1982, p. 242-243, fig. p. 243.
26 Sénèque et Stace ont décrit, en des termes qui laissent rêveur, le luxe sans frein des balnéaires. Cf. Sénèque, Lettres, 86, 4 à 13 et Stace, Silves, I, V, 34 à la fin. Une sélection de textes latins sur les thermes et autres ris et jeux romains a été réunie par S. Barthélémy et D. Gourevitch dans Les loisirs des Romains, Sédès, Paris, 1975.
27 On ne saurait évoquer les programmes des thermes sans citer la magistrale étude des établissements de Trèves, enrichie d’une typologie générale, de D. Krenker, E. Kruger, H. Lehmann, H. Wachtler, Die Trier Kaiserthermen, Ausgrabungsbericht und grundsätzliche Untersuchungen römischer Thermen, Augsbourg, 1929. Il convient de signaler la trouvaille, sous les thermes impériaux, des vestiges de thermes antérieurs parmi lesquels se trouvait un relief figurant un Amour chevauchant un cheval marin. Cf. Espérandieu, Recueil, VI, 4960.
28 Pour cette raison, on a voulu y voir les reliefs d’un fronton.
29 Sénèque, Lettres, 80, 4 et 8.
30 J.-P. Adam, Const. rom., p. 287 à 293.
31 Sur la description et l’étude de ces thermes, voir essentiellement : H. Eschebach, « Die Stabianer Thermen in Pompeji », Denkmäler Antiker Architektur, 13, Berlin, 1979.
32 Pompei, VI, 7, 18. Ce décor accompagne une mégalographie où l’on peut voir Adonis étendu, dans un décor naturel, environné d’oiseaux. Le décor de cette maison appartient au début du ive style. Cf. Alix Barbet, La peinture murale romaine, Paris, 1985, p. 194 à 196.
33 Alix Barbet, « Peintures murales de Mercin-et-Vaux », Gallia, 32, 1974, 1, p. 107 à 135.
34 Recueil général des mosaïques de la Gaule, Narbonnaise, Vienne, III, 1, p. 104 à 106, pl. XXXIX b. Cette mosaïque est datée des environs de 50 de n. ère. Je remercie Henri Lavagne, qui m’a fait l’amitié de me signaler également, tout en confirmant la relative rareté des échassiers en décor de sols, deux exemples italiens, l’un sur une mosaïque de la casa Libanore-Rossi à Vintimille (héron capturant un serpent) datée de la seconde moitié du Ier s., cf. Rivista Ingauna lntemelia, XIII, 1-2, 1958, p. 58 à 62 et une mosaïque de Boscoreale, portant un héron affrontant également un serpent, reproduite dans le Recueil factice de dessins, carton : Boscoreale-Castellamare, Bibliothèque Doucet.
35 Hélène Walter, La colonne ciselée dans la Gaule romaine, Annales littéraires de l'Université de Besançon, Besançon, Paris, 1970. Serpents seuls : p. 41 et pl. VI, p. 50 et pl. XII, p. 51-52, p. 55 et pl. XVII. Serpent et échassier : p. 44-45, p. 47-48-49. A ces exemples figurant sur des colonnes, il conviendrait d’ajouter tous les autres éléments d’architecture tels que panneaux, frises, pilastres et soffites, portant, eux aussi, un décor de pampres peuplés d’oiseaux et de reptiles.
36 Cf. l’architrave présentée à l’exposition « Lutèce » an Musée Carnavalet ; inv. no AP 15, catalogue p. 181.
37 J.-P. Adam, Constr. rom., p. 358.
38 Modèle banal, visible dans les caissons de la corniche de la Maison Carrée. Cf. R. Amy et P. Gros, La Maison Carrée de Nîmes, XXXVIIIe suppl. à Gallia, 1979, vol. II, pl. 23-76-78-79.
39 D. Krencker, O. Puchstein, H. Winnefeld, dans Th. Wiegand, Baalbek, Berlin, Leipzig, 1923.
40 Il est de fait que les caissons rencontrés le plus fréquemment en Italie sont de forme carrée (déjà présents à la fin du iie s. av. J.-C., au sanctuaire de la Fortune à Palestrina) ou octogonale.
41 H. Rolland et J. Bruchet, L’arc de Glanum, XXXIe suppl. à Gallia, 1977, p. 19, fig. 3 et pl. 13.
42 Robert Amy et alii, L’arc d’Orange, XVe suppl. à Gallia, 1962, « Passages et voûtes », p. 31 à 35, fig. 11 et 12. Notons, pour le pittoresque de l’anecdote, que le motif des hexagones associés aux losanges fut choisi pour son effet décoratif par Raphaël, lorsqu’il eut à peindre les caissons des voûtes de son « Ecole d’Athènes ».
43 Constat fondé sur l’observation de nombreuses collections lapidaires et vérifiable, pour les colonnes décorées, dans H. Walter, op. cit., entre autres, aux planches XIII-XIV-XVI-XVII.
44 Voir les remarques d’H. Walter, op. cit., p. 60, sur la signification supposée des représentations de vigne.
45 Sur la signification funéraire du décor végétal, consulter l’étude de Gilles Sauron, « Les cippes funéraires gallo-romains à décor de rinceaux de Nîmes et de sa région », Gallia, 41, 1983, 1, p. 59 et suiv. Voir également G. Picard, l’Art romain, Paris, 1962, p. 151.
46 Voir la description et les dessins de R. Amy, dans l’Arc d’Orange, op. cit., p. 27-28 et pl. 13.
47 Gilles Sauron, « Le message symbolique des rinceaux de l’Ara Pacis Augustae », CRAI, 1982, janvier-mars, p. 81 à 101.
48 Les rapports entre la nature réelle des jardins et celle des décors peints sont abordés par W. Jashemski, Ancient Roman Gardens, Dumbarton Oaks, 1980 et Dorothea Michel, « Pompejanische Gartenmalerein », Tainia, décembre 1978, p. 373 à 404 et pl. 70 à 75. Voir également P. Grimal, Les jardins romains, Paris, 3e éd., 1984, particulièrement p. 235 à 246 et 281 à 294.
49 Ce tombeau, probablement celui de Q. Haterius Tychicus, un entrepreneur ayant travaillé au Colisée, était élevé près de Centocelle sur la via Casilina. Les reliefs en sont conservés au Musée du Vatican dans les collections du Latran.
50 Cette porte honorifique fut élevée par les argentarii (les banquiers) et les negociantes boarii (les marchands de bestiaux) du forum boarium, auquel elle donnait accès. Cf. F. Coarelli, Roma, Guide archéologiche Laterza, Rome, Bari, 1981, p. 324-325.
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