Débats
p. 169-173
Texte intégral
1 Guillaume Glénard :
2Une question à Julie Benetti sur les indemnités. La Commission Jospin ne souhaitait pas offrir la possibilité du cumul d’indemnités pour les parlementaires. Mais à partir du moment où on pose une règle générale, soit l’interdiction de cumul, la question est vidée d’elle-même. Alors pourquoi cette focalisation ou plutôt réflexion sur les indemnités ?
3 Julie Benetti :
4On n’a pas focalisé sur cette proposition dont on se doutait bien qu’elle avait une lourde charge symbolique. Il s’agissait que les parlementaires renoncent à percevoir leurs indemnités au titre du mandat local. Un mandat local simple suivant la proposition du rapport Jospin, c’est-à-dire de conseiller municipal, départemental ou régional. Donc des indemnités relativement modestes puisque le député ou le sénateur en situation de cumul devait conserver naturellement l’indemnité parlementaire. Nous voulions d’une certaine façon couper l’herbe sous le pied à ceux qui défendent l’idée suivant laquelle le cumul des mandats tiendrait essentiellement à des raisons financières. Nous ne croyons pas que c’était là le ressort principal de la pratique du cumul et, de cette façon, nous pensions également pouvoir neutraliser cette critique généralement avancée. Nous avions dans l’idée également de brosser des propositions qui rendent, sinon impossible, en tous les cas la moins attrayante possible la perspective du cumul.
5 Guillaume Glénard :
6C’est vrai que l’on comprend ce souci parce que si l’on pose la question au citoyen « lambda », il a souvent l’impression que le cumul est un moyen pour les élus de s’enrichir outrageusement alors même qu’il existe un écrêtement. Si on cumule un mandat de député et un mandat de maire, de toute manière, un plafond s’applique. Si le cumul conduit au dépassement de ce plafond, l’élu ne pourra percevoir la partie des indemnités supérieure au plafond.
7Julie Benetti :
8C’est une fois et demie le mandat parlementaire.
9 Julie Benetti :
10On a, à de nombreuses reprises, évoqué ce matin la limitation du cumul entre les mandats. Cette question ne peut pas être dissociée, en effet, de celle du statut de l’élu mais également de la question des incompatibilités professionnelles avec le mandat de parlementaire. Autrement dit, poser la question du statut de l’élu, c’est aussi poser la question de sa réinsertion professionnelle. Naturellement, beaucoup de parlementaires – dans la perspective d’une fin de carrière parlementaire – ne renoncent pas à leur activité professionnelle en cours de mandat, ce qui peut se comprendre mais ce qui pose aussi des questions en termes de conflits d’intérêts. Mais, là encore, je crains que ce soit une question très difficile à résoudre.
11 Patricia Demaye-Simoni :
12La question du maintien des ministres dans leurs fonctions politiques locales n’a pas été évoquée ce matin. L’on peut se poser la question de savoir pourquoi on oblige les parlementaires à se dessaisir des fonctions exécutives locales alors que, pour les ministres, il ne s’agit ici que d’une pratique coutumière qui peut ne pas être suivie par tous les ministres concernés.
13 Julie Benetti :
14Pour une raison très simple. Il y a eu un projet de révision constitutionnelle qui appliquait aux ministres la même règle que celle qui a été retenue par les parlementaires, sachant que dans le rapport de la Commission Jospin, nous recommandions qu’il ne puisse y avoir aucun cumul possible. Mais ce projet de révision constitutionnelle n’a pas été soumis au Congrès.
15 Pierre-Olivier Caille :
16Ma question s’adresse à François Rangeon. Dans votre intervention, vous avez fait part à plusieurs reprises de vos doutes quant à l’entrée en vigueur effective des lois de 2014. Pourquoi être sceptique quant à l’entrée en vigueur des lois de 2014 ? Les lois ont été votées. Bien sûr, le législateur peut toujours revenir dessus. Mais si l’actuelle législature n’abroge pas ces lois, la prochaine Assemblée nationale sera élue sur leur fondement. Les règles telles qu’elles ont été posées vont s’appliquer aux nouveaux élus en 2017 et ils disposeront d’un délai d’option qui est réduit à un mois. Dans ce mois-là, il est difficilement concevable que la nouvelle assemblée parvienne à abroger les lois, même en procédure accélérée.
17 François Rangeon :
18Certains élus UMP – dont Daniel Fasquelle – ont déjà toute une stratégie prévue pour faire d’abord voter le Sénat pour modifier la loi de février 2014. On peut, en un mois, faire vite pour qu’une décision soit adoptée, pour faire reporter la loi et laisser le temps aux parlementaires de réviser la loi. Peut-être pas l’abroger mais ce que le Parlement a fait, il peut le défaire. Tant que la loi n’est pas complétement appliquée, je reste dubitatif.
19 Julie Benetti :
20Simplement pour compléter ce qui a été dit. À supposer que la loi soit modifiée – ce dont je ne crois pas du tout –, elle ne le sera pas dans les délais requis pour que la prochaine Assemblée nationale ne soit pas élue dans le cadre fixé par ces lois du 14 février 2014. Ensuite, ces lois nouvelles seraient sans aucun doute déférées au Conseil constitutionnel qui, de manière générale, s’oppose à ce qu’une législation nouvelle puisse s’appliquer en cours de mandat. Donc, de toutes les façons, ce serait reporter la législation à la législature suivante. Je crois que d’un point de vue strictement juridique, il ne soit difficile de revenir sur la législation de 2014.
21 Gilles Toulemonde :
22Il y a quand même une option : c’est le référendum sans contrôle de constitutionnalité. Il faut le temps de l’organiser mais je vous rappelle que Nicolas Sarkozy a dit que son souhait était d’organiser très très vite un certain nombre de référendums si jamais il était réélu à la présidence de la République, avant même l’élection des députés. Ce qui pose des questions constitutionnelles mais ce serait peut-être envisageable.
23 François Rangeon :
24Le législateur ne maîtrise pas plus que nous l’avenir. Même si, juridiquement, les choses semblent bien verrouillées, je ne suis pas convaincu qu’il n’y ait pas de possibilité de trouver une solution pour ne pas revenir en arrière.
25 Arnaud Haquet :
26Juste une question sur les intercommunalités et les augmentations des effectifs dans les communes, une question à Bernard Dolez. Depuis 1998, il y aurait 400 000 emplois qui auraient été créés dans le bloc communal et les intercommunalités. Il y a un « bon », l’État, qui a mis en œuvre des politiques par la force des choses (cela a été la RGPP, la MAP, etc.) et, à côté, on a des entités qui évoluent à cause des transferts de compétences et pour lesquelles il y a une augmentation des effectifs. Le constat : c’est l’augmentation des personnels locaux. Est-ce que cela va s’arrêter ? Existe-t-il dans les grandes intercommunalités des politiques de gestion aussi sages que l’État ? On a vu des régions mettre en œuvre des contrôles de gestion et des politiques transversales pour contrôler ce qui se faisait dans l’ensemble de la collectivité. Est-ce que l’on commence à voir cela dans les EPCI ou bien est-on encore dans le chantier permanent, sans embryon de rationalisation ?
27Bernard Dolez :
28Je n’ai pas assez d’éléments pour vous répondre. Peut-être faut-il profiter de la présence d’un ancien président de communauté d’agglomération qui pourrait vous répondre plus directement ? Évidemment, on parle hors transfert. Mais les collectivités territoriales doivent encaisser les chocs des réformes de l’État – comme celle des rythmes scolaires – qui sont susceptibles de se traduire sur les effectifs des collectivités. Si je vous ai montré ce tableau, c’est qu’à partir du moment où on est dans une vision comptable et notariale de la question de la gestion de la masse salariale, on a changé de vision. C’est-à-dire qu’aujourd’hui la réforme territoriale n’est plus vécue qu’à travers ce prisme comptable et notarial, un prisme global qui consiste à dire qu’en France le poids des dépenses publiques représente 57 % du poids du PIB. Donc demain, les collectivités territoriales et le secteur social entendu au sens large devront faire cet effort, étant entendu que la question de l’avenir du département reste ouverte. On voit bien ce que pourrait devenir la compétence voirie du département, la compétence collège mais quid du social qui représente 60 à 70 % des dépenses de fonctionnement du département ? Une des hypothèses qui avait été évoquées est évidemment de recentraliser ces dépenses (via les CAF) et finalement permettre à l’État de reprendre la main et peut-être de réformer plus facilement ce secteur.
29 Jacques Vernier :
30Sur la baisse des effectifs de la fonction publique territoriale, il y a des difficultés claires. Il y a d’une part la hausse des effectifs, comme vous l’avez très bien montré monsieur Bernard Dolez. En créant des structures intercommunales développées, on a des doublons de compétences. On ne les a pas seulement entre les communes et les intercommunalités, on les a partout. Entre les communes, intercommunalités, départements et régions, on a parfois des compétences exercées simultanément par quatre collectivités. Bon, là, il y a des doublons. Mais si on met à part cet excès – si je puis dire – de fonctionnaires territoriaux dû aux éventuels doublons, si on se recentre sur une seule collectivité territoriale déterminée, par exemple, la commune, il faut voir que la gestion des effectifs est difficile pour plusieurs raisons. On peut toujours, avec beaucoup de volonté et d’énergie, au départ « dégraisser le mammouth » pour reprendre une expression bien connue. Si vous êtes étranglé par la baisse des dotations de l’État, les communes dégraisseront leur mammouth. Dans une ville comme Douai où il y a 700 personnes, on peut en enlever sans difficulté – c’est ce que j’avais fait moi d’ailleurs – 20 à 25 au fur et à mesure de leur départ naturel. Là, c’est sans problème. Une fois que vous avez fait cela, vous avez enlevé la graisse et vous tombez sur l’os. Vous tombez sur des bâtiments des écoles, des salles de sports, etc., qu’il faut nettoyer ; or nettoyer X mètres carrés demande X femmes de ménage. Vous tombez sur des piscines où les normes imposent, pour des raisons de sécurité, X maîtres-nageurs pour surveiller un instant donné la piscine, etc. Et donc, vous ne pouvez plus réduire. Alors, ne pouvant pas réduire, par exemple, le personnel pour les écoles, le personnel pour les piscines ou le personnel pour un théâtre, après, vous vous dites que la solution n’est pas de réduire le personnel, c’est de supprimer certaines missions. Est-ce que je peux supprimer mon théâtre ? Est-ce que je peux supprimer l’une de mes deux piscines ?… Et là, patatras. Je vais vous donner un exemple que j’ai vécu. En 1989, j’ai supprimé notre école d’art avec, d’ailleurs, les foudres de mon opposition de l’époque, ici présente. Eh bien, dans la fonction publique territoriale, vous avez une disposition qui fait que quand vous supprimez l’une des missions communales et donc les gens qui l’exercent (je comprends très bien que les gens qui l’exercent puissent rester fonctionnaires un an, deux ans, trois ans…), vous payez éternellement les agents qui exerçaient cette mission sauf s’ils retrouvent ailleurs un poste. Mes professeurs de l’école d’art, ils étaient une dizaine. Ils n’ont jamais retrouvé un poste ailleurs. Certains étaient proches de l’âge de la retraite, ceux-là ont disparu de mon radar des finances communales ; l’un est resté 25 ans professeur fantôme d’une école d’art fantôme et je l’ai payé ! Vous comprenez bien que cela ne fait pas d’économies et que c’est assez dissuasif pour supprimer une mission…
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