Chapitre 1. De la définition de la fonction aux premiers recrutements
p. 27-41
Texte intégral
1La fonction d’entraîneur n’apparaît pas de manière simultanée avec la diffusion du jeu de football. Comme dans le cas d’autres sports anglais qui pénètrent le territoire français, les pratiquants s’inspirent des exemples en vigueur Outre-Manche. Le football britannique présente une singularité, en ce sens qu’il est un sport pratiqué certes par des amateurs, mais également depuis 1885 par des professionnels. De ce fait, les Français savent que des hommes sont rémunérés pour jouer au football et qu’ils doivent entretenir et perfectionner leur forme physique autant que leurs qualités techniques. Ils savent aussi que des hommes ont pour profession d’entraîner et de diriger ces footballeurs. Cependant, les joueurs français des années 1890 ignorent souvent en quoi consistent l’entraînement et ses vertus en Angleterre, de même qu’ils méconnaissent la place occupée par le football en tant que phénomène social. À partir des années 1900, la presse spécialisée retranscrit parfois quels sont les contenus de ces entraînements. Elle évoque également quelles sont les attributions des hommes chargés de les diriger. Il ne s’agit en aucun cas de fournir un modèle, mais simplement d’informer les lecteurs ou de satisfaire une éventuelle curiosité, aiguisée depuis qu’en 1893 ont eu lieu les premières confrontations avec des équipes britanniques sur le sol français. Comme l’issue de ces rencontres internationales tourne très souvent à l’avantage des clubs étrangers, qu’ils soient britanniques ou d’une autre nationalité, la presse commence à postuler qu’une des raisons de la supériorité étrangère réside dans l’existence d’un entraînement des joueurs, conduit par des hommes compétents.
2Pour comprendre pourquoi et comment l’entraînement et l’entraîneur se sont imposés au Royaume-Uni, il est nécessaire d’effectuer un rapide retour sur la genèse du football en tant que sport codifié. On saisira mieux l’influence des représentations que le football anglais professionnel pourra avoir sur les pratiquants et dirigeants français entre 1890 et 1941, et sur leurs perceptions de l’importance et d’un entraînement et de l’entraîneur.
1. Qu’est-ce que l’entraînement en football ?
1.1. De la genèse du jeu à l’intérêt porté à l’entraînement en football
3La question centrale est de savoir ce que peut représenter l’entraînement pour les joueurs lors de l’apparition du football en France. Puisque les voies de sa pénétration doivent beaucoup à des citoyens britanniques (A. Wahl, 1983), il faut concevoir que ce sont ces derniers qui influencent la perception des premiers pratiquants français. Les premiers efforts se bornent à faire connaître le jeu du football-association et à le faire pratiquer. Le but avoué est de reproduire les techniques et les oppositions, ainsi que de rechercher le plaisir de la pratique à travers le défoulement. D’entraînement à proprement parler, il n’y en a pas. Les débuts du football en France sont ponctués par des matches au cours desquels les premiers autochtones convertis se livrent à des parties acharnées. Au Royaume-Uni, la situation est différente. Dès 1870 certaines confrontations d’envergure ont déjà vu le jour, telles que les matches internationaux Angleterre-Écosse, ou la toute première compétition par élimination, la FA Cup, dès la saison 1871-1872. Cette dernière épreuve connaît un succès rapide et toujours croissant, à tel point que, pour se donner plus de chance de gagner les rencontres, certaines équipes s’y préparent spécialement. S’entraîner en vue d’une rencontre officielle de football, dans les années 1880 en Angleterre, ce pourrait être à la fois s’attacher à soigner sa condition physique, et également manipuler le ballon à plusieurs, puisque l’essence même de ce sport est collective. Cependant, il ne faut pas oublier que le football-association a été conçu à l’origine comme un délassement et que de ce fait, il n’en est qu’à ses balbutiements en matière d’entraînement. Les techniques qu’il utilise sont sans doute, dans une large mesure, empruntées à d’autres secteurs professionnels, comme la boxe ou l’élevage (A. Rauch, 1982). Ce modèle anglais d’entraînement en football, qui commence à se constituer dès 1883 (T. Mason, 1980), est-il celui que les clubs français vont adopter ?
4À l’instauration d’une épreuve par élimination, la FACup, créée en 1871, succède l’idée d’une ligue avec des matches à domicile par rencontre aller-retour. Pour les clubs anglais, le recours à l’entraînement devient une nécessité d’autant plus grande que les rencontres se sont organisées sous forme de championnat, mais aussi que le professionnalisme a été adopté officiellement dès 1885. En effet, les clubs ont commencé à rétribuer les joueurs pour les représenter dès l’année 1876. Le professionnalisme existe déjà dans d’autres sports comme la course à pied, le prize-fight ou le cricket. Le professionnalisme est promulgué à la fois en vue de mettre un terme à des pratiques douteuses d’amateurisme marron des meilleurs joueurs, mais également pour améliorer la qualité du jeu et faire de ce sport un réel spectacle. Ainsi, en 1891, la Football League compte 12 clubs professionnels, pour 448 joueurs enregistrés comme tels et dès 1914, la FA compte 5000 joueurs professionnels. De quel entraînement bénéficient ces joueurs ? Tout d’abord, il semble que jusqu’au milieu des années 1890, peu d’entre eux sont employés à plein temps par les clubs. Beaucoup ont un travail à côté. Mais bientôt l’idée croît que les joueurs ne doivent pas se blesser durant leur emploi parallèle au football. En effet, les sommes engagées par les dirigeants des clubs, associées à l’idée d’un plein rendement, vont contribuer à mettre fin à cette situation. Toutefois, la quantité d’entraînement programmée est modérée. Pour certains joueurs professionnels, l’entraînement n’occupe que quelques heures, pas plus de deux jours dans la semaine. On ne s’y occupe que très peu de travail technique, ni de tactique, mais plutôt de maintien de la condition physique. De surcroît, l’intensité demandée est sollicitée au cours de périodes temporelles relativement courtes. Certains joueurs de cette époque témoignent de la faible quantité d’entraînement réalisé avec le ballon. Et l’entraînement, s’il est effectif, n’est guère varié, voire même ennuyeux pour les joueurs (T. Mason, 1980). Constitué essentiellement de marches, de courses et de culture physique, il est répétitif. Malgré tout, même si cet entraînement n’est en apparence pas assez spécialisé, il est effectué sous la direction d’un spécialiste, le « trainer ». Si l’essentiel est consacré à l’entretien de la condition physique, c’est sans doute parce que les clubs cherchent à reproduire des modèles issus d’autres pratiques professionnelles. C’est pourquoi, les premiers entraîneurs ne sont pas forcément issus du milieu du football. Ils peuvent être d’anciens pratiquants d’autres disciplines sportives telles que le cricket, la boxe ou la course à pied. De ce fait, la présence de contenus généralistes et non spécifiques de l’entraînement du football s’explique. L’aspect tactique, même s’il n’est pas occulté, trouve souvent son expression uniquement à travers des contenus théoriques, divulgués oralement par le manager, ou par le trainer sur les directives du manager. Quant au perfectionnement technique, la part qui lui est attribuée ne saurait rivaliser avec celle accordée à la condition athlétique. Cependant, à partir des années 1890 et davantage encore des années 1900, des progrès notables sont enregistrés, à la fois en termes de qualité de jeu et en termes d’efficacité de l’entraînement.
1.2. Entraînement, tactique et progrès
5Les équipes sont sensibles aux modifications tactiques, à tel point que celles générées par les meilleures d’entre elles sont rapidement recopiées par les autres. Ainsi, l’adjonction d’un troisième joueur au milieu du terrain inspire rapidement les formations anglaises. Cette formule a permis en effet à l’Écosse de battre l’Angleterre (T. Mason, 1980). De ce fait, la finale de la Cup en 1884 est le dernier événement majeur qui voit deux équipes proposer une formation avec deux arrières, deux milieux de terrain, et six avants (O. Chovaux, 2004). De la même façon, aux exploits individuels des années 1870 constitués par une série de dribblings, succède dès le milieu des années 1880 un jeu de passes beaucoup plus collectif, lui aussi inspiré par les équipes écossaises dès la fin de ces années 1870. Dès les années 1890, le football anglais se voit fréquemment attribuer le qualificatif de scientifique. L’emploi de ce terme, souligne l’alliance du cerveau et du muscle et insiste sur la disparition du kick and rush (littéralement : frapper et courir) au bénéfice de l’amélioration du jeu en passes, preuve d’habileté et de raisonnement. L’entraînement intervient-il dans ces changements ? Sans doute, même si les témoignages font défaut. Et l’entraîneur ? Il en va de même, puisque l’on peut suspecter que les clubs qui ont un manager sont davantage sensibles à la qualité tactique. Il convient malgré tout de rester prudent quant aux effets réels de l’entraînement sur le jeu déployé par les footballeurs professionnels du début du siècle. Si, en effet, la vitesse d’exécution des joueurs a augmenté, leur niveau technique n’est vraisemblablement pas supérieur à celui d’autres amateurs de bon niveau. En effet, l’exercice avec ballon demeure dans bien des cas la portion congrue de l’entraînement malgré les souhaits des joueurs (T. Mason, 1980). Les joueurs manipulent moins le ballon qu’ils ne courent, ne sprintent, ne sautent à la corde, ne soulèvent des haltères, ou n’effectuent des marches. C’est au niveau de la préparation athlétique que se situe au milieu des années 1900 la différence fondamentale entre amateurs et professionnels. Ces derniers ne sont pas forcément plus habiles, mais mieux préparés sur le plan physique à supporter la succession des matches prévus au calendrier de la saison. Ce sont donc bien les professionnels qui délivrent les meilleures performances. Les trainers britanniques proposent leurs services dès les années 1910 à d’autres pays européens comme l’Espagne ou l’Italie voire Sud-Américains (C. Eisenberg, 2006). En France, certaines équipes du Sud recourent également à l’embauche de Britanniques vers le milieu des années 1910, mais ces derniers sont recrutés dans la plupart des cas pour pratiquer prioritairement en tant que joueurs.
2. Les résistances à la pratique et à l’entraînement des joueurs français
2.1. Premiers pratiquants, premières perceptions et premiers problèmes
6En France, au début du XXe siècle, le football a à peine dépassé le stade des balbutiements. Si ce sont essentiellement des immigrés anglais qui fondent leurs propres clubs, voire des lycéens et étudiants parisiens, la diffusion du football sur le territoire français s’effectue plus lentement que dans sa mère patrie. La capitale compte six équipes en 1892, d’ailleurs essentiellement composées de ressortissants britanniques. Il faudra attendre l’année 1912 pour atteindre le chiffre de 1000 sociétés sur l’ensemble du territoire français. Le football à ses débuts en France est donc une curiosité, une singularité réservée à des privilégiés. Lorsque l’on veut expliquer les freins portés à sa pratique à la fin du XIXe siècle, le problème du défaut d’infrastructures est à souligner. La question de la rareté des terrains va rester récurrente durant des années. L’absence d’entraînement, c’est-à-dire de préparation physique, athlétique ou tactique voire morale préalable à la compétition, découle en partie de cette carence. De surcroît, les pratiquants en France, entretiendront la confusion des débuts du football jusqu’aux années 1920. En effet, ce qu’ils nommeront « entraînement » consiste à livrer des parties amicales le dimanche contre des formations adverses. Pourtant, dès le début du siècle, certaines voix, rares il est vrai, s’élèvent dans la presse pour demander une préparation des joueurs plus accentuée.
Nous n’avons pas les mêmes procédés d’entraînement que nos voisins d’outre-Manche, et nous portons la peine de notre négligence à cet égard, car c’est montrer quelque inadvertance de croire qu’on peut perfectionner son jeu dans les parties dominicales. Un match officiel n’est pas un milieu d’étude suffisant pour apprendre à bien jouer, il faudrait travailler durant la semaine d’une manière théorique1.
7La tentation de la comparaison avec le football anglais s’impose une fois de plus, d’autant que lors des visites d’équipes britanniques, les scores des matches reflètent aisément la nette domination étrangère. C’est en partie pour combler cette différence qui sépare les deux types de football que certains de ses partisans préconisent un entraînement véritable, qui serait calqué sur le modèle anglais. Mais de la même manière que la nécessité de la pratique proprement dite, se pose à nouveau le problème du lieu de l’entraînement en semaine, « rendu difficile par suite de l’éloignement des terrains de jeu »2. De plus, ces terrains ne sont pas toujours bien équipés et ne sont pas en nombre suffisants. À ces difficultés s’ajoutent celles liées aux disponibilités des joueurs, qui ne sont guère nombreuses. Le travail ou les études accaparent les footballeurs une grande partie de la semaine. Même si la loi de 1904 a modifié le statut des ouvriers, ces derniers travaillent encore dix heures par jour. La journée de huit heures, obtenue en 1919, ne trouvera réellement son application qu’en 1925. Lorsque les joueurs quittent leur travail ou leurs études, s’ils doivent se rendre sur un terrain distant, ils ne peuvent être présents avant la tombée de la nuit. Or, les terrains ne disposent pas d’éclairage avant le milieu des années 1920, pour les premiers d’entre eux. Ces conditions conduisent Gabriel Hanot, ancien capitaine de l’équipe de France, à affirmer : « En France, les facilités d’entraînement sont restreintes. […] L’entraînement se fait au cours des matches eux-mêmes »3. L’entraînement ne constitue donc pas la règle, en raison d’incompatibilités entre les conditions requises pour sa tenue et les disponibilités des joueurs. Les équipes qui peuvent y sacrifier de façon régulière sont rares. Beaucoup de joueurs d’équipes parisiennes sont également victimes de l’éloignement des terrains. Si effectivement le football s’est démocratisé déjà depuis la période précédant la première guerre mondiale, ses pratiquants ont davantage le loisir d’y jouer le dimanche que de s’y entraîner en semaine. Parfois seule la préparation athlétique est possible, en plein air ou en salle, et il faut reconnaître qu’elle ne représente pas un aspect des plus motivants pour des joueurs qui n’ont pas encore de statut professionnel. En effet, ces derniers ont choisi le football avant tout en raison de l’attrait du jeu avec le ballon. Dans leur grande majorité, les footballeurs délaissent donc la préparation physique.
2.2. Les perceptions de l’entraînement dans le cadre d’un football de loisir
8Selon A.A. Tunmer, l’un des promoteurs britanniques ayant introduit le football à Paris, « l’association doit sa vogue à la simplicité de ses règles, à l’avantage de pouvoir s’entraîner à quatre ou cinq joueurs […] »4. Ici, en fait, l’entraînement se résume au jeu proprement dit, pratiqué de façon informelle, avec un gardien de but et d’autres joueurs qui lui adressent des frappes, ou tout simplement en se passant le ballon au pied. La nécessité d’un entraînement suivi, synonyme de préparation structurée, ne s’impose pas vraiment. Cette situation est en partie liée à la prédominance de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA) qui régente depuis 1889 le sport amateur en France. Cette fédération multisport regroupe de nombreux sports dont le football. Elle se pose en chantre de l’amateurisme intégral : l’amateurisme est défini de façon très stricte et la morale véhiculée par l’USFSA va dans le sens d’un effort gratuit et désintéressé, d’un détachement par rapport à la victoire et la performance, soit autant de valeurs en vigueur chez les premiers pratiquants, issus de la bourgeoisie d’affaires (Y. Léziart, 1989). Dans ces conditions, à partir du moment où le fait de pratiquer d’une manière désintéressée est mis en exergue, où le jeu doit rester un plaisir, de nombreux footballeurs opèrent un raccourci commode et en déduisent que l’entraînement est superflu. Et même ceux qui sont rémunérés sacrifient à l’idéologie du don, pensant que leurs qualités innées les dispensent du souci de se perfectionner. Dans la presse, quelques journalistes relaient ces principes, même après la création de la Fédération Française de Football Association (FFFA) et l’éclatement de l’USFSA en 1919.
Les footballeurs, c’est un fait, supportent malaisément le chômage qui leur est imposé durant l’été […] Le Racing Club de Strasbourg, pour sa part, doit compter beaucoup avec la hâte de ses joueurs à reprendre l’entraînement. Il leur interdit l’usage du terrain de football durant les mois de juin et de juillet, et c’est très bien, mais il a grand tort de croire qu’il ne peut pas faire mieux5.
9À nouveau les traditions offrent des arguments solidement ancrés : en 1923 encore, les mois d’été doivent être dévolus à la pratique de l’athlétisme, comme au temps de l’USFSA où les pratiques ne devaient pas se concurrencer, mais demeurer complémentaires. En règle générale, il n’existe que quelques clubs au sein desquels les footballeurs ont l’occasion de s’exercer. Certes, les spécialistes préconisent de répéter certains gestes techniques juste avant les matches, de faire encadrer les joueurs inexpérimentés par d’autres plus chevronnés qui leur prodigueront des conseils. Il n’en reste pas moins que l’entraînement relève de la construction théorique, effectuée par les joueurs dans les vestiaires, ou lors des déplacements pour des parties disputées à l’extérieur. Cependant, à partir du milieu des années 1920, quelques équipes vont sacrifier aux exigences d’un réel entraînement, notamment dans le Sud-Est et le Nord de la France (O. Chovaux, 2004). Ce sont en général les plus connus et les plus huppés, souvent ceux qui sacrifient aux usages de l’amateurisme marron, mais il est certain qu’au regard de l’Angleterre ou d’autres pays d’Europe centrale, la comparaison est délicate à soutenir. « Nous n’avons en France que de pâles lueurs de ce que doit être l’entraînement. C’est que nous manquons totalement de tradition à cet égard »6. L’entraînement du footballeur n’est pas encore rentré dans les mœurs. La pratique de l’amateurisme marron, qui consiste à rétribuer de façon illégale les joueurs par des dessous-de-table, décriée à la fois les partisans et les opposants au professionnalisme, a exercé un effet pervers. En effet, en monnayant leurs services, les joueurs grèvent le budget des clubs. « En rétribuant leurs joueurs de manière plus ou moins déguisée, les dirigeants ont rendu quasi-impossible l’engagement d’un entraîneur »7. Les dirigeants des clubs cherchent en effet à parer au plus pressé et pour enlever le championnat régional ou la Coupe de France créée en 1918, ils tentent d’attirer des joueurs susceptibles de renforcer leur équipe. Ce faisant, ils misent sur le court terme, négligent la formation et donc le travail sur le long terme lié à l’embauche potentielle d’un entraîneur. On peut donc avancer qu’une constellation d’éléments divers cristallise l’attitude du joueur français face à l’entraînement : le manque d’infrastructures, le défaut d’équipement des terrains, le faible intérêt porté par les pouvoirs publics, les contraintes de travail des joueurs, le poids des traditions, l’attitude de certains acteurs face à l’amateurisme, le rôle de l’USFSA, l’amateurisme marron… Ces facteurs ont constitué un frein à l’institutionnalisation de l’entraînement et par là même à deux de ses corollaires : l’embauche d’un entraîneur qualifié et l’amélioration du spectacle proposé.
2.3. Le football pendant la Grande Guerre
10Achille Duchenne estime que l’entrée en guerre a freiné l’expansion du football français de même que les possibilités d’évolution et de progrès entrevues juste avant le conflit mondial. « Le défaut demeurait l’absence de toute unité dans le jeu des avants. En 1914, un progrès était incontestable à ce point de vue. Il ne put qu’être entraperçu et déjà c’était la guerre »8. Cependant, l’activité football, même ralentie, reprend à l’arrière dès octobre 1914 avec des équipes essentiellement constituées de jeunes. La création de ligues régionales dès 1916 puis de la Coupe Charles Simon9 dès 1917 contribue à structurer les championnats même si les équipes sont amputées de leurs meilleurs éléments. Au front, les poilus profitent parfois d’accalmies pour se livrer à des parties d’entraînement, voire à de véritables matches, grâce à des ballons fournis par des campagnes de presse menées par l’Auto ou Sporting. De surcroît, la présence de régiments britanniques dans les régions du Nord participe indéniablement à la diffusion et l’implantation du football auprès des populations françaises (A. Waquet, T. Terret, 2006). De la même façon, des sportifs néophytes français découvrent les joies du ballon rond au dépôt ou au front qui mêlent citadins et campagnards (P. Dietschy, 2007). De ce fait, on peut tirer un bilan contrasté de cette période de quatre années de guerre. Sur le plan du jeu, les quelques progrès techniques, voire tactiques, perceptibles dans les années 1912 ont été mis en sommeil. Les forces vives constituées par les meilleurs joueurs ont parfois été décimées, à l’image de l’équipe du Racing de Lens qui perd la moitié de son effectif de 1914 (O. Chovaux, 2001). À l’inverse, la guerre a permis l’acculturation au football de jeunes gens ouvriers ou ruraux. De ce fait, les demandes exprimées avant-guerre par la presse en matière d’entraînement trouveront un écho amplifié dès 1919, en raison de l’expansion du nombre de pratiquants corollairement associé aux besoins en matière d’encadrement.
3. Les demandes de la presse et des anciens joueurs
11Il convient de faire une distinction entre ce qui se pratique réellement dans la majorité des clubs et ce que réclament certains dirigeants et journalistes, qui sont souvent d’anciens joueurs. La plupart d’entre eux partent d’un constat simple, même s’il est en partie réducteur : les résultats de la sélection nationale ou des équipes françaises, lorsqu’elles sont confrontées à des clubs étrangers, tournent rarement en faveur des Français. Les défaites régulièrement subies constituent un indicateur fiable du niveau réel du football hexagonal. Elles invitent à s’interroger sur l’origine des carences : le manque d’entraînement, ou la faible propension des joueurs français à s’y soumettre, vont devenir les leitmotivs des dirigeants du football français dès le début des années 1920.
3.1. La référence à l’étranger
12Si le joueur français ne perçoit pas le caractère utile de l’entraînement, la presse se charge de l’y inciter. « Il faut aux clubs français des entraîneurs anglais pour inculquer à nos joueurs ce qu’est la vraie conception du football »10. Le journaliste fait sans doute implicitement mention du club de Sète, qui vient de recruter le joueur anglais Victor Gibson pour inculquer à l’équipe sudiste l’art de jouer et surtout de gagner. Quelle meilleure solution que celle d’importer un modèle qui a fait ses preuves ? En effet professionnel depuis 1885, le football anglais peut se targuer, aux yeux des observateurs, d’une expérience de près de quarante années en matière de pratique et de connaissance des problèmes d’entraînement. De ce fait, les rares recrutements effectués relèvent de cette logique.
Dans les clubs français, l’entraînement n’est dirigé par personne. Seules certaines sociétés puissantes qui peuvent payer un entraîneur, ont choisi pour tenir cet emploi un ex-grand joueur anglais amateur ou professionnel11.
13Les clubs qui souscrivent à cette nécessité ont recours aux spécialistes qui leur semblent posséder les meilleures garanties d’expérience. Et en général, ce sont en réalité des entraîneurs-joueurs qui sont recrutés avant tout pour leurs qualités de joueur. Néanmoins, ces clubs qui embauchent restent peu nombreux. Il convient dès lors de trouver un remède efficace : l’entraînement doit s’imposer, mais ne peut être exécuté à l’emporte-pièce. Au contraire, il doit être effectué sous la direction d’un spécialiste. Gabriel Hanot, l’une des sommités du football français, le prétend :
Tant que nos clubs n’auront pas de conseiller compétent (il n’est pas indispensable qu’ils viennent d’Outre-Manche, mais qu’ils connaissent leur affaire), l’avenir du football en France sera incertain12.
14Mais le ballon rond se heurte à un obstacle majeur : on ne trouve pas en France de génération spontanée d’entraîneur. Il n’existe pas de joueur en fin de carrière qui puisse se définir « en référence à un héritage », parce qu’il n’y a en matière d’entraînement pas de « patrimoine des aînés qui puisse constituer une référence explicite ou implicite » (J.-F. Sirinelli, 2005). Même les joueurs qui pratiquent depuis leur adolescence, n’ont pas été soumis à un encadrement structuré. Les points de référence feraient cruellement défaut à d’éventuels candidats qui décideraient de se convertir en entraîneurs. Pourtant, le problème soulevé semble crucial, dans la mesure où les joueurs ne semblent plus devoir être livrés à eux-mêmes, si on ambitionne de figurer dignement dans les confrontations internationales. « Il n’y aura jamais beaucoup de grands joueurs en France, si la Fédération n’encourage pas, dans la plus large mesure, la venue d’entraîneurs qualifiés dans les grands clubs »13. La formule est suffisamment évasive pour laisser libre champ à l’interprétation. Qui peut être considéré comme un entraîneur qualifié, s’il n’est pas britannique ? Les progrès effectués en matière de football par les pays d’Europe Centrale ou par d’autres nations plus voisines, laissent penser qu’ils pourraient opportunément fournir aux clubs français ces techniciens réclamés. En effet, la solution la plus commode et surtout la plus rapide réside dans l’emprunt de spécialistes étrangers reconnus. Diaz, international uruguayen qui évolue sous les couleurs du Red Star, émet un jugement cruel :
Les joueurs français ne peuvent, pour la plupart, atteindre naturellement la véritable classe internationale. Et c’est uniquement par manque d’entraînement. Un match par semaine est totalement insuffisant pour obtenir la grande forme14.
15Ce que propose Diaz revient en somme à sacrifier aux us et coutumes en vigueur dans les pays qui dominent le football mondial : pour obtenir des résultats, il faut s’entraîner. En raison du déficit patent constaté en France, le fossé risque de se creuser de plus en plus avec les nations étrangères. Le problème est que ces lacunes s’avèrent préjudiciables sur le plan de l’évolution du jeu. Ainsi, lorsque l’International Board décrète la modification de la règle du hors-jeu en 1925, cette nouvelle donne octroie un avantage à l’équipe attaquante. Les Anglais perçoivent rapidement le parti qu’ils peuvent tirer de cette nouvelle opportunité, et expérimentent des modifications tactiques. Ainsi, l’entraîneur d’Arsenal Herbert Chapman peut-il dès 1925 perfectionner le système de jeu du WM qui, recopié par les autres équipes anglaises puis européennes, régnera jusque dans les années 1950. Il s’agit bien d’une adaptation proposée en réponse aux contraintes et libertés offertes par la nouvelle réglementation du hors-jeu, ainsi que d’un rééquilibrage de la défense pour résister aux nouvelles possibilités offertes à l’attaque. Mais pour produire ce type de réflexion, il faut bien entendu quelqu’un qui possède une connaissance approfondie du jeu, liée à un recul suffisant et des compétences techniques. Ces changements sont le fruit d’une réflexion méthodique, peaufinée lors des séances d’entraînement.
Malheureusement, si le défaut du hors-jeu à trois joueurs est supprimé, l’avantage de l’en-jeu à deux joueurs n’a pas jusqu’à présent, été saisi par les équipes françaises. L’automatisme du geste, la routine de l’action, le manque de réflexion sont si grands sur nos terrains que les footballeurs se comportent exactement comme par le passé15.
16Mais alors qu’une opportunité de changement apparaît, les Français ne sont pas en mesure de la saisir. Il est vrai qu’ils ne bénéficient pas dans les clubs de techniciens pour analyser la portée de ces changements.
3.2. Discours de la presse et mesures fédérales : les prémices d’une évolution
17Si, comme le préconisent certains journalistes, la belle saison n’est pas faite pour céder aux caprices du ballon rond, il faut reconnaître que peu nombreux sont ceux qui cherchent à bafouer ces principes.
Le 30 août, tous les équipiers premiers se rappellent au bon souvenir de leurs dirigeants : ils vont bien, ils s’entraînent ferme, ils sont en pleine forme, ça va. Septembre : à coups de télégrammes, on est parvenu à rassembler tous les équipiers premiers. Première séance : désastres : points de côté, claquages, coups de pompe et de marteau […]. Et le premier match officiel qui se dispute dans huit jours… La saison, quoi…16.
18L’ironie du ton illustre le regard désabusé porté sur le milieu des joueurs. S’il est effectivement relayé par les journalistes, il émane souvent des dirigeants. De ce fait, la situation reste ce qu’elle a toujours été, malgré les mises en garde de la presse et de certains dirigeants fédéraux. Les frémissements d’un changement se font ressentir à l’automne 1927 :
Un vote ! Une décision : Ayons des entraîneurs. Il y a […] ensuite la décision prise par la 3FA de récompenser les clubs qui possèdent un entraîneur […] pour l’amélioration de la technique et l’entraînement de leurs joueurs17.
19Cette intervention fédérale est cependant peu relayée dans les ligues régionales et ne trouve pas d’aboutissement concret. Mais elle inscrit la préoccupation de former des cadres comme une priorité nouvelle du football français, afin de répondre à plusieurs objectifs : élever le niveau de jeu, prouver la compétitivité du football français au niveau international, former de nouveau joueurs, faire du football un véritable spectacle. La seconde moitié des années 1920 semble fournir les signes tangibles d’une certaine évolution. « Les grands clubs, pour améliorer la technique de leurs équipiers premiers, n’hésitent pas à faire appel à des entraîneurs étrangers »18. Puisque l’idée de la nécessité de l’entraînement s’impose petit à petit dans les esprits, celle du recours à l’entraîneur lui est immédiatement associée. Ces deux paramètres semblent devoir obligatoirement être interdépendants l’un de l’autre. À la fin des années 1920, l’entraînement a commencé à rentrer dans les mœurs des plus grands clubs. L’embauche d’entraîneurs, sans se banaliser, se généralise petit à petit. Certes, l’amateurisme marron n’est toujours pas en voie de disparition, mais il devient de plus en plus fréquemment accepté par l’opinion que l’embauche de joueurs, fussent-ils des vedettes, ne suffit pas à elle seule à garantir le succès. Pour y parvenir, il faut aussi du travail et des répétitions, qui soient dirigés par un spécialiste avisé. Que le professionnalisme soit adopté ou non, (la décision définitive n’intervient qu’en 1931), est un fait qui ne revêt pas une importance prépondérante. En effet, le regard porté sur l’entraînement a évolué depuis le milieu des années 1920 et a consacré la nécessité d’une pratique régulière. Bien entendu, l’avènement du professionnalisme contribue grandement à accélérer ce processus, mais il s’était mis en place avant son adoption. Ainsi, à la veille de la première saison professionnelle, on peut prétendre que certains des grands clubs français ont pris conscience de la nécessité d’un entraînement régulier. Cependant, l’embauche d’un entraîneur spécialisé n’a pas toujours été ni réalisée ni réalisable, pour de multiples raisons
4. Qui est-il ? L’entraîneur est étranger
20Bien avant le choix du professionnalisme, la question du recrutement des entraîneurs s’est déjà posée. La solution la plus évidente consiste à recruter des entraîneurs qui ont déjà exercé à l’étranger et peuvent ainsi se targuer d’une expérience avérée. Une alternative consiste à recruter des professionnels étrangers venus finir leur carrière de joueur en France en tant qu’amateurs marrons, qui pourraient éventuellement reproduire un modèle qui leur aurait été transmis par leurs anciens entraîneurs. Dans l’immense majorité des cas, ceux-ci sont britanniques.
Dans les clubs français l’entraînement n’est dirigé par personne. Certaines sociétés puissantes qui peuvent payer un entraîneur ont choisi pour tenir cet emploi un ex-grand joueur anglais amateur ou professionnel19.
21Ce sont évidemment les clubs les plus riches qui recourent aux services des entraîneurs étrangers, puisqu’ils ne sont pas obligés de renoncer à l’embauche des joueurs vedettes, mais peuvent appointer un technicien en sus. Au lendemain de la grande guerre, d’anciens militaires belges, luxembourgeois mais surtout britanniques, stationnés en France, renforcent les équipes françaises (M. Barreaud, 2003). De ce fait, ils peuvent également leur servir d’entraîneur lorsqu’elles effectuent ce choix. Ce recours à l’entraîneur rémunéré se répand peu à peu dans les années 1920, sans affecter cependant la majorité des clubs. Mais parmi les 31 équipes ayant effectué le choix du professionnalisme en 1932, la question se pose de façon incontournable. Elle n’est pas nouvelle pour tous. En effet, les grands clubs, par exemple ceux qui participent à la Coupe Sochaux20, ont d’ores et déjà cherché à améliorer leurs procédés d’entraînement. Les dirigeants du football français, notamment Emmanuel Gambardella, vice-président de la FFFA déplorent le recrutement hors des frontières françaises :
De plus en plus, on reconnaît, chez nous, la nécessité des entraîneurs, et la liste des clubs qui ont fait appel au concours d’un technicien s’allonge chaque jour. Cependant, on a le regret de constater que les neuf dixièmes de ces techniciens sont étrangers…21.
22Ce n’est pas la prédominance étrangère que reproche ici Gambardella, mais plutôt l’absence de participation française. Mais les anciens joueurs français peuvent-ils se sentir compétents, dans la mesure où eux-mêmes n’ont pas vécu sous le régime du professionnalisme, d’autant que dans de nombreux cas, ils n’ont pas connu l’assiduité à l’entraînement, voire l’entraînement proprement dit ? De ce fait, même si une partie de la presse revendique l’embauche d’entraîneurs français, cette demande est difficile à satisfaire. Gabriel Hanot peut ainsi justifier ce déficit :
Entraînez français ! a-t-on crié ces derniers temps en France, et une petite campagne de presse a même été engagée […]. Y a-t-il actuellement un entraîneur français qui ne fasse son apprentissage ? Livré à lui-même, sans passé, sans tradition, sans souvenir de sa carrière de joueur actif, sans conversation avec les entraîneurs des autres clubs, l’entraîneur français apprend petit à petit par bribes22.
23Sans vécu en matière d’entraînement, il est épineux d’entraîner. C’est pour cette raison que Gabriel Hanot prône le recours à des entraîneurs de grands clubs anglais tels que Chelsea ou Tottenham. En France, les vedettes étrangères manifestent moins de complexes que les Français du cru à accepter un poste d’entraîneur. Elles sont en effet auréolées d’un prestige inhérent à leur statut de joueur. Avant leur carrière hexagonale, elles ont souvent évolué dans leur propre championnat national où l’entraînement est une réalité. Elles connaissent aussi le faible niveau d’exigence qui a cours en France. Elles ont surtout besoin d’argent et savent que la France offre quelques possibilités de reconversion, en raison de l’adoption très récente du professionnalisme. De ce fait, elles jugent leur expérience et leur passé de joueur dignes de satisfaire aux impératifs de la tâche. Les représentations des dirigeants des clubs professionnels français vont d’autant moins à l’encontre de celle des joueurs étrangers qu’ils n’ont pas vraiment d’autre solution. Même au bout de cinq années de professionnalisme, le constat reste inéluctable : l’entraîneur français n’est pas parvenu à se faire une place dans le championnat français professionnel. « Les équipes professionnelles, pour la très grande majorité, se trouvent aux mains d’entraîneurs étrangers »23. Les chiffres corroborent de façon implacable cette réalité. Dans Football n° 396, du 18 août 1937, paraît la liste des entraîneurs de Division 1. Sur les seize équipes, une seule est entraînée par un Français : Sète, par Azéma. Les nationalités des autres entraîneurs sont les suivantes : 4 Anglais, 3 Écossais, 3 Autrichiens, 2 Hongrois, 1 Yougoslave, 1 Argentin, 1 Uruguayen24. Les clubs de l’élite, pour diverses raisons, n’ont pas l’occasion de témoigner leur confiance à un technicien français. Beaucoup accordent une préférence à la notion d’expérience professionnelle, donc à celle de vécu footballistique à l’étranger. De ce fait, les confrontations entre équipes françaises sont finalement régentées par des directeurs d’équipe d’origine étrangère. Il n’existe cependant pas une figure universelle d’entraîneur. Les styles peuvent être divers. L’important est que cet entraîneur, quelle que soit sa personnalité, existe réellement. Néanmoins, il faut reconnaître que plusieurs entraîneurs britanniques des années 1930 véhiculent une image composée de flegme, mais également de rigueur et d’autorité. Et leurs compétences en matière de tactique, qu’ils sont seuls à définir, renforcent leur pouvoir en la matière, surtout lorsqu’ils veillent à ce que leurs ordres soient exécutés à la lettre par les joueurs, sans avoir besoin de justifier leurs choix25. À la veille de la guerre, l’entraîneur professionnel français reste majoritairement un étranger.
24Pourtant, la tendance commence doucement à s’inverser. Football n° 501 du 30 août 1939 livre la liste des entraîneurs professionnels de Division 1. Cette fois, six clubs, contre un seul deux années auparavant, sont dirigés par un entraîneur français : Cannes, Metz, Paris, Red-Star, Roubaix et Sochaux26. Une durée de sept années s’est écoulée depuis la première saison de professionnalisme, et certains entraîneurs français ont eu le temps matériel de faire leur apprentissage, d’observer les méthodes de leurs collègues étrangers. D’autre part, à partir de 1933, la League anglaise a négocié un dédommagement avec son homologue, la FFFA, pour enrayer l’exode massif des footballeurs britanniques. De ce fait, le recrutement des joueurs britanniques dans les clubs français faiblit considérablement entre 1933 et 1939. Cette mesure a un impact indirect sur le recrutement des entraîneurs. En effet, les footballeurs britanniques proches de la fin de leur carrière sont moins nombreux à être tentés d’envisager une reconversion en France. D’autre part, avec un système de 36 équipes de Division 1 et 2 professionnelles, qui fait redescendre les équipes les plus mal classées à l’échelon inférieur, il est inéluctable que même les entraîneurs étrangers obtiennent de mauvais résultats. De ce fait, certains clubs peuvent être dorénavant tentés par l’embauche d’entraîneurs français : ces derniers, qui n’ont pas encore fait leurs preuves, ne peuvent faire valoir leur expérience. Ils ont donc l’avantage de coûter moins cher en termes de rémunération que les entraîneurs-vedettes étrangers. La deuxième guerre mondiale contribue à provoquer la dislocation de cette légion étrangère. À l’instar des footballeurs professionnels étrangers, leurs compatriotes entraîneurs préfèrent rejoindre des contrées plus paisibles que la France occupée (M. Barreaud, 2003), si bien que les équipes professionnelles n’auront sous l’Occupation d’autre alternative que de faire appel à des entraîneurs français.
Notes de bas de page
1 La Vie Au Grand Air n° 790, 8 novembre 1913.
2 Ibid.
3 Football et Sport n° 197, 7 juillet 1923.
4 La Vie Au Grand Air n° 275, 17 décembre 1903. Le football est souvent désigné sous le vocable d’association (diminutif de l’expression football association) pour le différencier du football rugby.
5 Football et Sport n° 197, 7 juillet 1923.
6 M. Pefferkorn. Football n° 48, 6 novembre 1930.
7 Le Miroir des Sports, 1er avril 1925.
8 A. Duchenne. Football Association n° 89, 10 juin 1921.
9 La Coupe Charles Simon deviendra la Coupe de France.
10 La Vie Au Grand Air, 14 mars 1914.
11 M. Pefferkorn, Le Football Association, Flammarion, 1921, 308 pages.
12 Le Miroir des Sports n° 251, 1er avril 1925.
13 G. Hanot. L’Auto, 25 septembre 1925.
14 Match n° 6, 14 déc. 1926.
15 Le Miroir des Sports n° 279, 16 décembre1925.
16 Match n° 50, 20 septembre 1927.
17 Match n° 54, 18 octobre 1927.
18 Match n° 74, 6 mars 1928.
19 M. Pefferkorn. Le Football Association. Paris, Ernest Flammarion, 1921.
20 Ce point sera développé en infra.
21 Football n° 27, 5 juin 1930.
22 Football n° 226, 26 avril 1934.
23 M. Pefferkorn. Football n° 388, 23 juin 1937.
24 La distribution exacte est la suivante : Antibes : Aitken (Écossais) ; Cannes : Hillier (Écossais) ; Excelsior : Davidovitch (Yougoslave) ; Fives : Berry (Anglais) ; Lens : Galbraith (Écossais) ; Lille : Maghner (Anglais) ; Marseille : Eisenhoffer (Autrichien) ; Metz : Friedthum (Autrichien) ; Racing : Kimpton (Anglais) ; Red Star : Stabile (Argentin) ; Roubaix : Hewitt (Anglais) ; Rouen : Skolaut (Autrichien) ; Sète : Azéma ; Sochaux : Ross (Uruguayen) ; Strasbourg : Blum (Autrichien) ; Valenciennes : Fabian (Hongrois).
25 Les exemples de Peter Farmer à l’OM (1923-1924 puis 1929-1930), de Ted Maghner (1937-1938) au FC Metz ou de George Kimpton au Racing de Paris (1932-1939) en témoignent.
26 Dont Maurice Cottenet à Cannes et Charles Fosset à Metz, Elly Rous au RC Paris, Paul Wartel à Sochaux.
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