Un regard éthique sur les Jeux olympiques de la jeunesse
p. 147-166
Texte intégral
1Deux jeunes sportifs ont été contrôlés « positif » à un test anti-dopage aux Jeux olympiques de la Jeunesse à Singapour. Avaient-ils conscience de l’illégalité de ces substances ? Ou était-ce leur entourage qui les avait incités à en user ? Pourquoi ont-ils utilisé ces moyens ? Étaient-ils sous pression ? Le sport de haut niveau place les athlètes sous une pression non seulement sociale et psychologique, mais aussi physique. Comment un kinésithérapeute doit-il réagir à chaque fois qu’il rencontre des blessures irréversibles, et qu’on ne réduit pas l’intensité de l’entraînement ? À qui doit-il en parler ? Doit-il informer l’athlète et ainsi courir le risque d’une désillusion ? Doit-il prévenir l’entraîneur de ces mauvaises nouvelles ? Les parents ? Le médecin de famille de l’athlète ? Le médiateur du club, s’il existe déjà ? Peut-il se rapprocher de la fédération à ce sujet ? Ou des médias ? Ces deux exemples ci-dessus s’appuient sur les normes et les valeurs du sport de haut niveau et des tournois internationaux de sport et montrent la pluralité des parties prenantes. Il est de plus en plus évident que le sport international ne génère pas que des valeurs, mais aussi des effets négatifs. Le sport au plus haut niveau peut susciter des émotions fortes, amener à des solitudes et finalement menacer l’intégrité de la jeunesse. Il s’agit de situations complexes où les responsabilités sont partagées entre les diverses personnes et organismes qui entourent l’athlète, ce qui rend les phénomènes plus compliqués à étudier. Cela ne facilite pas les études sur le sujet.
2À première vue, les Jeux olympiques de la Jeunesse (JOJ) ont un noble objectif : ils veulent donner aux meilleurs athlètes juniors du monde une éducation autour des valeurs d’excellence, d’amitié et de respect. Mais que penser de cette longue et pénible préparation ? Que penser de la compétition aux JOJ eux-mêmes, de la compétition pour être sélectionné aux JOJ, des longs voyages, du contexte commercial de l’événement, de l’entourage médical et technique intensif, de la perspective internationale de l’événement, de l’exposition aux médias ?
3De plus en plus de chercheurs posent des questions éthiques sur le concept même des JOJ, sont-ils vraiment aussi positifs que dans leurs objectifs ? Comment le sport de haut niveau influence-t-il le développement à l’adolescence ? Sous la pression, les conséquences sont parfois désastreuses sur le développement de l’adolescent. L’amélioration de la performance et la recherche du plus haut-niveau à tout prix pourraient-ils expliquer ou justifier des attitudes non-éthiques ? Que peuvent faire les acteurs pour éviter cela ? À quelle politique ciblée doivent-ils s’engager ? Ne faut-il engager une politique de lutte efficace contre l’usage du dopage, mais plus généralement, une politique pour un sport de la jeunesse plus éthique ?
Les Jeux olympiques de la Jeunesse (JOJ)
Origines et objectifs
4L’idée de l’organisation des JOJ vient de Jacques Rogge, le Président en exercice du Comité International Olympique (CIO). L’idée du Festival Olympique de la Jeunesse Européenne (FOJE) avait été lancée en 1991, lors de chaque édition des Jeux olympiques d’été1 et d’hiver2. Le cadre est largement identique à celui des Jeux olympiques, afin de laisser les jeunes athlètes vivre les valeurs de l’Olympisme, son atmosphère, son idéal et son éthique. Avec la création de ce cadre d’expériences internationales entre les athlètes, le FOJE voulait stimuler les athlètes pour qu’ils aient envie de prendre part aux vrais Jeux olympiques. Jacques Rogge défendait la même idée pour les JOJ : une compétition dans 26 sports, pour les jeunes de 14 à 18 ans, et pour laquelle la performance ne serait pas l’objectif principal. L’objectif principal est de transmettre aux jeunes les valeurs de l’Olympisme : excellence, respect et amitié. Pour atteindre cet objectif, le CIO organise, en plus de la compétition, un programme séparé sur la culture et l’éducation où ces valeurs centrales sont fortement suggérées. Lorsqu’il rédige les objectifs des Jeux olympiques de la jeunesse, le CIO n’emploie pas le terme « compétition »3.
Rassembler les meilleurs jeunes athlètes du monde et célébrer ce rassemblement
Proposer une initiation à l’Olympisme unique et mémorable
Innover dans l’éducation aux valeurs olympiques et débattre des défis sociaux
Partager et célébrer les cultures du monde dans une atmosphère de fête Toucher les communautés de jeunes à travers le monde afin de promouvoir les valeurs olympiques
Sensibiliser davantage la jeunesse au sport et à la pratique sportive
Faire office de catalyseur d’initiatives au sein du mouvement olympique Être une manifestation sportive de haut niveau pour les jeunes sur le plan international.4
5Dans le cadre d’un projet de recherche à l’Université Catholique de Leuven, des athlètes et des membres d’un comité national ont été interviewés5. Ils rapportent que le programme éducatif et culturel est un vrai succès, une initiative très réussie. Néanmoins, la compétition reste l’élément central, autour duquel le programme alternatif a été conçu. La question sous-jacente est de nature à interroger notre société même, comme système de compétition généralisée6. Malgré ses intentions de programme alternatif, le CIO peut-il seulement s’affranchir de la nature même de la compétition ? Les Jeux olympiques de la Jeunesse semblent bien rester les petits Jeux olympiques, avant les grands (ce qui fit d’ailleurs l’objet d’une déclaration publique d’un dirigeant du CIO au XIIIe congrès olympique de Copenhague en 20097), l’endroit où doivent se rencontrer les meilleurs athlètes du monde pour se confronter dans une même compétition.
Critiques sur la formule des JOJ
6Le nombre de participants aux JOJ limité à 3500 athlètes impose des restrictions sur le plan du programme. Les fédérations internationales ont dû faire une sélection par l’âge pour décider qui pourrait participer pour chaque sport : une sélection des années de naissance (groupes d’âge de seulement un ou deux ans) peut empêcher certains athlètes de prendre part à des JOJ qui ne se déroulent que tous les quatre ans. Le nombre de participants par pays est limité à un maximum de 70 athlètes individuels et 2 équipes sportives, une équipe féminine et une équipe masculine. Cela soulève la question de la procédure de sélection préalable, à laquelle les athlètes doivent être soumis afin de se qualifier pour les JOJ.
7Le CIO adapte la formule traditionnelle de la compétition olympique de trois manières dans un but à la fois d’attractivité, et d’allègement du programme. Par exemple, la formule 3 contre 3 en basket contribue à réduire le nombre de participants. Du coup, moins de basketteurs ont la chance de participer à des JOJ. Un journaliste belge8 prétend que les JOJ sont un laboratoire du CIO pour expérimenter de nouvelles formes de compétition. Le CIO a mis en place des concours mixtes, dans lesquels pays et sexes ont été mélangés, de sorte que tous les jeunes puissent goûter les différentes cultures. Le CIO a aussi modifié la formule du cyclisme. Il a introduit une fusion des résultats du cyclisme sur piste, du BMX et du VTT d’un seul pays. De cette façon, moins de médailles sont remises, et le podium des épreuves de cyclisme ne récompense pas de manière individuelle.
8Mais certaines voix9 prétendent que les JOJ mettent beaucoup trop de pression sur les athlètes, que ce soit des pressions mentales ou des surcharges physiques. Si les JOJ dans la planification pluriannuelle de l’athlète deviennent une cible clef à quatre ans, et si cette planification domine, alors le risque de surentraînement de blessures pour les athlètes est en forte augmentation10. Bien que les interviewés disent que le comité olympique n’a pas explicitement imposé de pression sur les performances à réaliser pour l’athlète, la réalité reste que la compétition l’emporte largement et que le programme alternatif demeure secondaire.
9Enfin, une dernière critique concerne l’ingérence politique dans le sport. La finale en taekwondo aux JOJ était un combat entre un Iranien et un Israélien. La fédération iranienne ne se présentait pas pour cause de blessure de son combattant. Ce n’était pas la première fois dans l’histoire du sport que l’Iran refusait de jouer un match contre Israël (ainsi pour la manche d’ouverture du tournoi de judo aux Jeux olympiques de 200411). Est-ce qu’un tel pays essaye de se mettre au-dessus des règles sportives ? À cette occasion, la jeunesse a-t-elle été abusée ?
10Compte tenu de ces arguments, le bilan des JOJ peut-il s’enorgueillir de l’accent porté sur les objectifs culturels et éducatifs ? Les aspects compétitifs semblent bien dominer, et avec eux, parfois, les fâcheuses conséquences que nous avons évoquées. Il semble qu’il existe un décalage entre les intentions et la réalité.
Le programme culturel et éducatif
11Ce décalage est-il perceptible dans l’expérience vécue des athlètes ? Sous la direction de Jan Tolleneer, Hanne Thys12 a réalisé des interviews de certains athlètes et du personnel d’accompagnement, ainsi que des entraîneurs qui étaient présents à Singapour. Elle les questionne sur leurs impressions vis-à-vis de la compétition et du programme culturel et éducatif. Les athlètes sont revenus de Singapour avec des impressions très positives. Les premiers Jeux olympiques d’été de la jeunesse ont été construits de sorte que les athlètes vivent une expérience olympique. Tous les athlètes sont restés durant toute la période des JOJ à Singapour et ont participé à la cérémonie d’ouverture. Certains athlètes ont apprécié de séjourner au village olympique, où le programme culturel et éducatif du CIO était centralisé. Ce programme comprenait les éléments suivants : le développement des compétences, du bien-être et un mode de vie sain, la responsabilité sociale et le développement de l’expression (de la capacité à exprimer son point de vue) ; et cela dans l’esprit olympique. Le programme culturel et éducatif se composait de sept types d’activités. Par exemple, des champions olympiques sont venus parler aux jeunes athlètes. Des expositions et des ateliers interactifs leur ont apporté des informations sur la vie d’un sportif de haut niveau : études, concours, nutrition… Plusieurs opérations de sensibilisation au concept de responsabilité sociale ont été menées. Chez les athlètes, le village était un village des cultures du monde. Le soir, il y avait des manifestations culturelles sur le mouvement olympique. Les athlètes après leur compétition pouvaient participer à une excursion d’une journée, un raid d’aventures. Il y avait également au programme une visite d’une demi-journée relative à deux projets écologiques à Singapour13.
12Quand on regarde le programme de la compétition, une remarque s’impose : les athlètes qui devaient réaliser leur performance les derniers jours ont eu moins de chance de participer au programme éducatif. En effet, la compétition prime sur les loisirs. Ce fut le cas, par exemple, pour une équipe nationale de volley-ball féminine, qui n’a pas pu vraiment profiter de ce programme, contrairement aux triathlètes, qui, après le premier jour des Jeux, avaient déjà terminé leur compétition.
13Une des responsables a déclaré qu’il n’était pas obligatoire de participer aux activités alternatives, mais qu’il était toutefois fortement recommandé d’expérimenter au moins deux activités. Finalement les athlètes eux-mêmes n’avaient pas l’opportunité de décider de leur participation au programme éducatif et dans de nombreux cas, cette décision était prise par l’entraîneur et suivant la nature du sport dans lequel les athlètes étaient inscrits14.
Impressions des athlètes
14Malgré ces limites, les athlètes ont estimé que le programme culturel et éducatif sans caractère obligatoire était une valeur ajoutée dans les jeux. Ils ont pu se confronter avec d’autres personnes, d’autres cultures, recueillir des informations sur la prévention… Les découvertes culturelles sont apparues souvent comme le plus mémorable dans leur esprit. Les jeunes ont gardé de nombreuses amitiés depuis ces JOJ.
J’ai gardé le contact avec les Africains et les Australiens, que j’ai pu rencontrer à Singapour. Nous prenons des nouvelles pour savoir comment ça va et quels sont les résultats dans leurs compétitions. Alors, c’est clair que nous étions à Singapour pas seulement pour le sport.15
Les athlètes pensent aussi que les valeurs olympiques (excellence, amitié et respect) sont d’une grande importance pour un athlète digne.
Vous devez toujours avoir envie de donner le meilleur de vous-même une fois que vous êtes dans l’eau. Mais il est également important que vous appreniez que votre « ennemi », en dehors du bassin n’est plus l’ennemi. Le respect va sans dire, si vous ne pouvez pas respecter les autres et vous-même, vous ne devriez pas commencer le sport de haut niveau.16
Les athlètes ont des avis aussi positifs en ce qui concerne les médias. À ce sujet, le CIO a joué sur les nouveaux médias avec la couverture de l’actualité sur Twitter, Facebook et Flickr, un secteur où les jeunes gens sont très à l’aise. Les médias traditionnels étaient présents aussi, même plus que prévus, mais ce n’était pas un vrai problème car ils étaient plus neutres, plus réservés et ne mettaient pas trop de pression sur les athlètes. Les jeunes athlètes avaient le temps pour s’habituer à l’attention des médias, et en ce sens, cela se passait mieux que dans les autres compétitions internationales.
Il est bon de pouvoir s’habituer aux caméras et appareils photo. En outre, vous acquérez une expérience sur la façon de donner une interview et comment vous pouvez vous exprimer correctement dans ces situations. J’ai fait quelques « erreurs » vis-à-vis des caméras et journalistes que j’espère ne plus faire. Je pense que cette expérience améliore la qualité des futures entrevues.17
15Parmi les sept projets conduits, celui sur la vie du jeune athlète de haut niveau a été remarquable. La plupart des athlètes disent qu’ils donnent leur confiance à leur entraîneur et qu’ils le suivent aveuglément. S’il semble en effet essentiel pour son développement qu’une confiance s’installe entre l’athlète et son entraîneur, cette relation peut toutefois comporter des risques : un jeune athlète sait-il ce qui est bon pour lui ? Et l’athlète peut-il relativiser, mettre en perspective ou comparer ce que l’entraîneur fait avec lui ? Comment peut-il savoir si le coach fait ce qui est le mieux pour lui (ou elle) ? Le statut du jeune athlète nécessite une protection, et il est encourageant que le CIO soit présent pour organiser des ateliers interactifs. Cette préoccupation lors des Jeux olympiques de la jeunesse n’est pas isolée de la politique plus générale que le CIO mène en la matière, comme semblent le démontrer le suivi des recommandations des athlètes à la suite du XIIIe congrès de Copenhague (2009)18, et plus récemment le travail de la commission de l’entourage olympique, exposé par Serguei Bubka à Amsterdam, lors de la 8e conférence mondiale du CIO sur le sport, l’éducation et la culture, la jeunesse et l’éducation (25-27 novembre 2012).
16Malgré tous ces efforts et les expériences positives des athlètes, le titre de la manifestation sportive « Jeux olympiques de la jeunesse » montre qu’il s’agit de vrais Jeux olympiques, en miniature. Est-ce qu’implicitement cette représentation ne pèse pas trop sur les jeunes athlètes ? Même si les CNO n’imposent pas non plus explicitement ou officiellement de pression, ni les médias, quelles sont les attentes à long terme ? Les JOJ sont-ils l’antichambre des vrais Jeux olympiques ? Est-ce que les JOJ en ce sens sont vraiment éthiques ? Quel est le rôle des JOJ dans les sports internationaux pour les jeunes ? Ont-ils, comme il semble que ce soit leur intention, un rôle éthique ? Ou sommes-nous en présence d’un double discours ?
Les effets du sport de haut niveau sur le développement des jeunes
17Le sport et plus particulièrement le sport de haut niveau pour la jeunesse entraîne à plusieurs titres un impact sérieux sur le développement d’un jeune athlète, influence sur son développement social, son développement psychologique, son développement physique et son développement intellectuel à l’école. Les JOJ font partie des sports de la jeunesse, quel est exactement leur rôle dans le développement des jeunes ? Pour le développement social d’un athlète, les parents jouent un rôle important. C’est leur tâche de donner un cadre motivant et inspirant dans lequel leur enfant peut participer à son sport favori19. Comme deuxième facteur, l’entraîneur joue un grand rôle, il aide dans le développement de la compétence de l’athlète. Pour l’athlète, il est important que ce développement se fasse dans un contexte de confiance vis-à-vis du coach, sans abus. Ses pairs, troisième acteur, deviennent également de plus en plus importants durant l’adolescence. Pour les athlètes de haut niveau, il est essentiel qu’ils maintiennent des contacts avec des pairs, surtout lorsqu’ils pratiquent un sport individuel, qui peut conduire à une forme d’isolement social. Les JOJ n’auraient pas vraiment un impact immédiat négatif sur le développement social. Les athlètes après tout ont naturellement beaucoup de contacts entre eux, ils sont dans « la même galère ». En outre, cet environnement devrait pouvoir soulager la pression excessive.
18Deuxièmement le sport de haut niveau affecte aussi le développement psychologique d’un jeune homme. Aux effets positifs peuvent être associés des risques psychologiques : excès de confiance, stress et inclination unilatérale dans la construction de l’identité20. Enfin, le sport influe logiquement sur le développement physique. L’objectif est que le jeune atteigne son point de performance maximum à la fin de cette phase de construction et qu’il montre des qualités réelles. Il est préférable que cette construction de la performance soit progressive sans que l’entraîneur s’attache trop aux résultats au meilleur niveau21. La formation, l’entraînement se déroulent mieux dans un environnement protecteur sécurisé, respectueux de l’enfant et ergonomique. L’importance de la connaissance de l’entraîneur est grande. La plupart des jeunes qui ont participé aux JOJ de Singapour avaient déjà 17 ans, un âge où les athlètes sont dans une phase d’entraînement pour aller au plus haut niveau de leur performance. Les JOJ sont-ils dans ce cas un challenge supplémentaire ? Une charge de travail supplémentaire22 ? En plus du développement sportif, chaque enfant doit également se développer intellectuellement à l’école, et souvent la combinaison n’est pas facile. Avec l’existence d’écoles de sport d’élite aujourd’hui, ce challenge est rendu plus facile. Donc les jeunes athlètes ont plus de possibilités pour obtenir un diplôme et pour sécuriser leur avenir après la carrière sportive. La participation aux JOJ semble jouer un rôle mineur ici, tandis que tous les athlètes voient clairement la nécessité d’obtenir un diplôme23.
19En plus de ces quatre principaux développements d’un jeune athlète professionnel, il y a quelques facteurs qui peuvent affecter cette évolution : la tentation du dopage, de possibles abus (sexuels) et le rôle des différents médias. Les médias jouent un rôle évident dans la commercialisation de certains sports. Certains sports sont devenus plus riches en raison de leur exposition dans les médias, alors que d’autres sports existent sans aucune forme de promotion. Les jeunes athlètes doivent développer, en plus de leur pratique sportive, leurs propres compétences pour pouvoir agir et s’entretenir avec les médias. Les médias travaillent après tout d’une manière très subjective et peuvent conduire à d’énormes pressions pour les athlètes. Les JOJ ouvrent la voie à cet égard et représentent un milieu d’apprentissage bien trouvé pour les athlètes, une sorte d’école de la vie. Ils avaient en effet la chance de répondre à des interviews sans trop de pression. La présence des médias était sensiblement moins importante en comparaison des Jeux olympiques et la couverture journalistique était perçue de manière positive24.
20Pour des performances optimales, une relation claire de confiance entre l’athlète et l’entraîneur doit se dessiner. Dans cette relation, l’entraîneur est investi d’un pouvoir important auquel l’athlète est très sensible. Cette confiance donnée peut dans certains cas extrêmes conduire à des abus, en prenant plusieurs formes : violence physique, abus sexuel, négligence et abus émotionnel et verbal. Du point de vue subjectif, tout est grave pour la victime, mais pas forcément pour le reste de l’entourage. C’est généralement le sentiment subjectif de la victime qui reste central. Bien sûr, les filles sont très vulnérables en cette période. Il n’existe pas beaucoup d’informations connues sur les abus sexuels pendant les JOJ, de sorte qu’on peine à connaître l’ampleur du problème25. Tous les types de pression externe, comme décrit ci-dessus, peuvent conduire au dopage chez les athlètes. L’Agence mondiale antidopage (AMA) et le CIO adoptent les mêmes règles pour les jeunes athlètes à quelques ajustements près. Mais c’est rarement l’athlète mineur lui-même qui fait le pas vers le dopage, il est fortement tributaire de son environnement26.
21Qu’engendre le sport de haut niveau auprès des jeunes ? Est-il bon ou mauvais ? Les autorités doivent-elles appliquer les mêmes règles dans les sports des jeunes que dans les sports des adultes ? L’expérience et la littérature nous enseignent qu’appliquer les règles pour les adultes, ou en inventer de nouvelles, n’est totalement satisfaisant et que finalement, c’est l’entraîneur qui joue le rôle plus important27.
22Du point de vue éthique, les JOJ sont un véritable défi. Ils sont soumis à un certain nombre de paradoxes. Si le sport vise des objectifs comme l’hygiène, la santé générale de la population et la lutte contre l’obésité, le haut niveau semble peu tenir compte de la santé des athlètes. Si les athlètes ont l’expérience multiculturelle des JOJ et suivent un programme d’études, ils risquent en revanche de s’abstraire de la formation traditionnelle à l’école. Si les jeunes s’immergent dans une culture du fair-play lors de leur séjour au village olympique, la pression de la performance et la présence des médias développent l’égocentrisme et peuvent inciter à la tricherie. Si le voyage et le long séjour à l’étranger peuvent considérablement renforcer les contacts entre les athlètes et les entraîneurs, la proximité et le contact étroit pendant un tournoi comme les JOJ peuvent provoquer des mauvais traitements et abus sexuels, et ce alors que les JOJ veulent être un véhicule de valeurs dans le programme éducatif. Enfin les partenaires ne paraissent pas fonder leurs valeurs sur les mêmes critères, tels les sponsors parrainant l’événement (Coca-Cola et McDonald’s), et qui seraient a priori associés à la santé. En outre, si la prévention du dopage est un élément important du programme éducatif, certaines situations impliquant des jeunes des JOJ peuvent entraîner le contact avec des personnages douteux, et augmenter par là le risque de dopage. Au vu de ces paradoxes, c’est la conception même des JOJ qui pose questions.
Dopage dans le sport de la jeunesse
23Les JOJ ont un grand potentiel pour enseigner des valeurs positives aux plus jeunes, mais en même temps, cela comporte des risques d’effets indésirables et inattendus. La spécialisation précoce, le risque de blessures, la surcharge de travail, les traumatismes, le burn-out, tout cela est lié aux pressions portées sur l’athlète, ce qui peut indirectement inciter à l’usage du dopage chez les jeunes. À l’occasion des JOJ deux tests de dopage ont été positifs. Comment les jeunes sont-ils amenés à se doper ? Auraient-ils pris cette décision eux-mêmes ? Pourquoi ? Comme dans tous les Jeux olympiques, le code mondial antidopage est applicable pour les JOJ. À Singapour, l’AMA a réalisé 1231 contrôles. En octobre, le Comité International Olympique a avoué que 2 lutteurs avaient été testés positifs sur l’utilisation du furosémide, un produit diurétique. L’athlète équatorien de lutte libre et le lutteur gréco-romain ouzbek ont été tous deux exclus des JOJ et suspendus pour deux ans28. Par ailleurs, le CIO a insisté auprès de l’International Federation of Associated Wrestling Styles (FILA) pour un complément d’enquête sur les circonstances de ces deux cas. Dans le cas d’un test positif d’un mineur, non seulement l’athlète est responsable, mais aussi son entourage. Du point de vue de la philosophie du CIO, on peut comprendre que ce ne sont pas les jeunes eux-mêmes qui commencent à se doper, parce qu’ils ne sont pas assez mûrs, et n’ont pas tellement conscience de toutes les possibilités et de tous les risques qu’il y a quand on commence à le faire. Ils n’ont pas assez de recul pour envisager une vision complète de leur vie. C’est souvent l’environnement du jeune qui l’encourage. Par conséquent, la formation de l’environnement est extrêmement importante, elle permet de protéger les jeunes contre ces mauvaises représentations ces mauvais raisonnements et ces méprises. En gymnastique acrobatique, une gymnaste de 15 ans a été accusée d’utilisation du furosémide, prise sur le fait comme les lutteurs. Le produit était dans un médicament qu’un médecin lui avait prescrit. L’AMA a montré de l’empathie pour sa situation et n’a suspendu l’athlète que deux mois. Pour les entraîneurs qui avaient l’autorité, une peine de six mois parce qu’ils n’avaient pas averti l’athlète et n’avaient pas expliqué les règles de l’antidopage29. Pourtant, il y a certains facteurs qui encouragent les jeunes en général à prendre des substances illégales. Et pas seulement les athlètes, car 30 à 40 % des jeunes utilisateurs de produits dopants ne font pas de sport30. Tout d’abord, ils veulent généralement viser des changements physiologiques dont ils pensent qu’ils peuvent avoir des effets positifs sur la performance ou l’esthétique de leur corps31. Cela se traduit souvent par plus de muscles pour les garçons, et un corps plus mince pour les filles. Deuxièmement, les jeunes athlètes sont déjà sous pression pour exceller et gagner. Cette pression peut être parfois augmentée de sorte qu’on ne fait plus la distinction entre ce qui est bon et mauvais. Ils recherchent avec d’autres jeunes des excuses à leur échappatoire, des subterfuges pour fuir l’instabilité dans leur propre vie. Le dernier facteur important est l’adolescence, dans laquelle les jeunes sont à la recherche d’eux-mêmes et de l’autonomie. Faible estime de soi, anxiété sociale, ou sentiment d’autonomie peuvent conduire à des conduites transgressives ou usage de substances illégales. Pour empêcher cela, était présent dans le village olympique le programme « Play True Generation » (joue vraie génération) de l’AMA. Il s’agissait d’un stand dans le village culturel où les athlètes et les entraîneurs pouvaient obtenir des informations sur les contrôles antidopage. En outre, les athlètes pouvaient jouer à un jeu vidéo, appelé « The true challenge » (le vrai challenge), qui leur enseignait la manière de prendre de bonnes décisions lorsqu’ils sont confrontés au dopage. Beaucoup d’athlètes sont venus ici sans se soucier outre mesure de ces questions. De cette façon le CIO et l’AMA veulent inciter les jeunes et leurs entraîneurs à réfléchir. Ils trouvent que les JOJ sont l’endroit idéal pour transmettre le message des JOJ, celui d’un sport pur, d’un sport sans dopage32 :
le CIO et l’AMA veulent que les jeunes réfléchissent déjà maintenant sur le problème du dopage. Avant qu’ils ne soient confrontés aux Jeux olympiques. L’objectif est donc d’éduquer les jeunes et leur montrer les dangers du dopage avant même qu’ils n’entrent en contact avec. Maintenant, ils sont encore jeunes, maintenant, ils ont leurs parents et l’entraîneur comme cadre, mais cela ne va pas durer à un moment donné. Nous essayons donc vraiment d’une manière pédagogique de mettre en garde les jeunes contre les dangers. Déjà, soyez prudents vis-à-vis des personnes que vous pourriez rencontrer, méfiez-vous des conséquences etc. On veut les éduquer afin qu’ils ne soient pas confrontés à l’utilisation du dopage sans en connaître les dangers.33
Dans les entretiens de Hanne Thys, beaucoup d’athlètes disent que les JOJ ne contribuent pas à augmenter le risque de dopage à un âge précoce. Ils ont trouvé encourageant que les participants aient été confrontés à des contrôles, afin qu’ils comprennent que le dopage n’est pas la solution. L’un des athlètes dit :
Je pense que les JOJ vont réduire plutôt le risque que les jeunes athlètes se livrent plus vite à des pratiques dopantes. Les athlètes se rendent compte qu’on ne peut pas atteindre les objectifs sportifs en se dopant.34
Mais tous les athlètes ne pensent pas de la même façon. L’un d’eux utilise les mots suivants :
Je crois que les JOJ vont peut-être augmenter les risques de l’usage de dopage. En particulier dans les sports individuels. Si un athlète pense qu’il est excellent sur les JOJ, néanmoins ne réalise pas de performances, étant donné qu’il ne réussit pas, alors, au risque d’échouer encore la prochaine fois, il pourrait peut-être utiliser du dopage.35
Les entrevues montrent que les avis sont partagés sur le dopage. Et à juste titre, il y a eu deux cas de dopage positif sur les JOJ, en lutte, puis un sport de force qui est plus sensible sur ce point. Les jeunes pourraient avoir les motivations pour se doper bien que leur propre initiative pour intervenir soit finalement limitée. C’est l’environnement de l’athlète qui doit fournir une protection, car un organisme jeune est très vulnérable au dopage et aux drogues. En outre, les JOJ ne sont qu’une infime partie des sports internationaux pour les jeunes. Beaucoup de disciplines et d’aspects du sport de la jeunesse et du sport en général convergent, qui rendent les JOJ si intéressants à analyser et à discuter. Les JOJ font des efforts pour porter l’attention sur le dopage, mais au regard de l’ampleur de la communauté sportive internationale, ces efforts atteignent seulement un petit nombre de jeunes gens.
Vers un programme efficace de promotion de l’éthique sportive
24Dans un débat à propos de l’éthique du sport, beaucoup de questions émergent sans qu’il n’apparaisse directement une réponse. Au centre de notre attention est l’intégrité physique et psychologique des jeunes athlètes. Pour protéger les jeunes contre le dopage, il y a besoin d’un programme efficace de lutte contre le dopage. Swedin36 a donné quatre pierres angulaires : recherche, contrôle, éducation et information. Ces quatre éléments apparaissent aussi dans les actions pour rendre le sport pour la jeunesse plus éthique.
Recherche
25Il est nécessaire de mener davantage de recherches dans le domaine de l’éthique sportive. Le retard est important vis-à-vis des sciences biomédicales. L’éthique, tout comme le dopage dans le sport des jeunes méritent plus d’attention de la part des chercheurs. On occulte souvent la question des jeunes dans la littérature éthique sur le dopage, alors qu’ils sont précisément un groupe très vulnérable dans le monde du sport, et plus largement dans la société régie par le principe de compétition37. Récemment, certains acteurs autour de l’éthique sportive ont établi un nouveau groupe de recherche à l’université de Louvain : Sport, éthique et intégrité. Cette plate-forme contribue à la mise en œuvre d’une mission de service public par un consortium interuniversitaire, coordonné par International Centre Ethics in Sport (ICES) : il s’agit de fournir des expertises dans le domaine de sport et éthique en particulier les problématiques concernant l’intégrité, les abus sexuels et les violences. Il rassemble des chercheurs issus de sciences différentes, en particulier des facultés de médecine et de philosophie. La question centrale est le management de l’intégrité. Comment promouvoir l’intégrité dans ce domaine ? C’est un champ d’action bipolaire, puisqu’il faut d’une part, promouvoir les pratiques honnêtes et droites des dirigeants du sport et, d’autre part, assurer la protection physique et psychologique des pratiquants. À plus long terme, le groupe de recherche veut fortifier la coopération avec d’autres universités de Flandre et d’ailleurs, et donner ainsi des recommandations à la communauté sportive. Non seulement cette recherche doit être multidisciplinaire, mais si possible aussi internationale. Récemment s’est fait jour une possibilité de coopération entre les universités flamandes et françaises, avec la Commission des Valeurs de l’Olympisme de l’Académie Nationale Olympique de France qui souhaite par exemple mettre en place des outils pour mieux atteindre le grand public, non seulement les jeunes athlètes, mais aussi leurs parents et d’autres personnes de leur entourage.
Lois et contrôles
26Tant en Belgique qu’en France, le gouvernement a explicitement inclus l’éthique sportive dans sa gouvernance. En Flandre, il y a le décret de 2009 « Ethisch verantwoord sporten » se référant aux pratiques du sport dans le respect de l’être humain. Il propose aux fédérations sportives reconnues (officielles) six thèmes autour desquels elles pourraient travailler : les droits de l’enfant dans le sport, l’inclusion, le principe de fair-play, l’intégrité physique et psychologique des sportifs individuels, le respect de la diversité et la solidarité. Récemment, le gouvernement flamand a publié un manuel concernant l’Intégrité physique et sexuelle dans des clubs sportifs et a établi un système pédagogique où les drapeaux de couleurs servent aux athlètes à prendre conscience des situations où l’intégrité est mise en cause (vert, rouge, jaune, noir)38. En France, les autorités ont fait des efforts juridiques pour renforcer l’éthique dans le sport et pour assurer les droits des athlètes à travers les thèmes suivants : respect des valeurs du sport, développement du sport, formation des sportifs, protection de la santé des athlètes et lutte contre le dopage. Les gouvernements et les autorités compétentes peuvent faire mieux : prévenir et réagir. Le dopage et d’autres substances interdites ont un effet extrêmement négatif sur un corps et son développement. La littérature montre qu’on a besoin de changements juridiques en ce qui concerne certaines substances légales pour les mineurs39. Un règlement antidopage adapté pour le sport de la jeunesse semble approprié.
Formation
27La formation est la première partie dans ce volet préventif dans la lutte pour l’éthique dans le sport. La formation des athlètes et de leur entourage est un aspect très important pour établir des changements dans l’avenir. Un maximum d’acteurs doit être engagé quand il s’agit de l’éthique du sport et des questions de sport de la jeunesse : les entraîneurs, les managers, les bénévoles et autres responsables, formateurs, gestionnaires, administrateurs, bénévoles. Cette formation mérite plus d’attention dans les programmes de formation à tous les niveaux, principalement dans les programmes des cours d’éducation physique, des sports et sciences du mouvement. Dans les écoles primaires et secondaires, les professeurs poursuivent des objectifs interdisciplinaires (formation éthique ou morale), alors qu’à l’université, une telle approche n’existe pas. Souvent à l’université, l’éthique du sport est limitée à un seul cours théorique, pratiquement isolée du reste du programme et avec peu d’applications pratiques. Il va sans dire que le lien formel de ces engagements sociaux avec les objectifs éducatifs ne va pas de soi. La plupart des cours ont une cohérence verticale (sur les différentes années), mais pour l’éthique cette coordination est très limitée voire inexistante. Il y a pourtant assez de points communs pour ancrer les valeurs d’éthique du sport, notamment pour la jeunesse, dans les cours pratiques et théoriques dans toute la formation40. Dans la théorie de Vanden Auweele41, la formation doit être le fer de lance de la lutte pour un sport des jeunes plus éthique. Le sport de haut niveau pour les jeunes n’a pas nécessairement un effet bon ou mauvais sur l’athlète, c’est la manière avec laquelle l’entourage des jeunes travaille qui fait la différence.
Information et sensibilisation
28La deuxième partie de la sensibilisation préventive concerne le plus grand nombre. À cet égard, des initiatives comme le Panathlon International sont très précieuses42. Ce mouvement a commencé en 1950 en Italie, inspiré par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Plus de 300 Panathlon clubs existent partout dans le monde. La Belgique est bien représentée, en France on trouve aujourd’hui 6 clubs. Le but du Panathlon est de porter l’attention et le débat sur les valeurs culturelles et éthiques dans le sport. Pour cela, une variété d’initiatives est imaginée, des jeux aux applications pour Smartphones, des congrès et des publications et des fondations de nouveaux clubs de Panathlon locaux. Panathlon Flandre organise chaque année un concours de photos sur le thème du fair-play dans le sport. Pour soutenir tous ces projets autour du sport des jeunes, Panathlon a publié en 2004 la Déclaration de l’éthique dans le sport chez les jeunes. Cette déclaration permet d’exprimer l’engagement de règles de conduite claires dans la poursuite d’un sport éthique pour la jeunesse. Ces documents sont dans le même temps reconnus par le CIO, l’Unicef et le Comité Fair-play International43.
La Déclaration sur l’éthique du Sport pour la Jeunesse
291. Nous avons la volonté de promouvoir les valeurs positives dans le sport chez les jeunes par un effort soutenu et une bonne programmation.
- Dans les entraînements et les compétitions, nous viserons de façon équilibrée les quatre objectifs fondamentaux suivants : un développement des compétences motrices (techniques, tactiques), une compétition saine et sécurisée, une approche personnelle positive et un regard social approprié. Les besoins des jeunes nous guideront dans cette démarche.
- Nous sommes convaincus que les efforts menant à l’excellence, à la victoire et à la connaissance du succès et du plaisir, mais également à la défaite et à la frustration, font tous partie du sport de compétition. Nous donnerons aux enfants et aux jeunes l’opportunité de cultiver et d’intégrer cela dans leurs performances. Nous les aiderons à gérer leurs émotions dans le cadre des structures, des règles et des limites de jeu. Nous accorderons une attention particulière à l’orientation et l’éducation des jeunes, suivant des principes éthiques et humanistes en général et le fair-play dans le sport en particulier.
Nous nous assurerons que les jeunes soient impliqués dans la prise de décisions concernant leur sport.
2. Nous continuerons nos efforts pour éliminer toutes formes de discriminations dans le sport des jeunes.
Il s’agit du principe fondamental d’égalité qui requiert une justice sociale et une distribution équitable des ressources.
Les jeunes les moins précoces, les moins valides et les moins talentueux se verront offrir les mêmes chances de faire du sport et profiteront de la même attention professionnelle que les jeunes doués et plus talentueux, sans discrimination de genre, de race ou de culture.
3. Nous reconnaissons et acceptons le fait que le sport peut également créer des effets négatifs et que des mesures préventives et répressives sont nécessaires afin de protéger les enfants.
- Nous chercherons à améliorer au maximum la santé physique et psychologique en multipliant nos efforts pour empêcher la tricherie, le dopage, l’abus, l’exploitation et pour aider les jeunes à en surmonter les éventuels effets négatifs. Nous sommes conscients que l’importance de l’environnement social et de la motivation des jeunes est encore sous-estimée. C’est pourquoi nous développerons, adopterons et appliquerons un code de conduite avec des responsabilités bien définies pour chaque intervenant jouant un rôle dans le sport chez les jeunes : leaders sportifs, parents, éducateurs, entraîneurs, managers sportifs, administrateurs, médecins, physiothérapeutes, diététiciens, psychologues, athlètes de haut niveau et les jeunes sportifs eux-mêmes.
- Nous recommandons vivement que l’établissement des aptitudes physiques aux niveaux appropriés soit sérieusement considéré.
- Nous encourageons la mise sur pied d’un système d’agréation et d’admission pour les entraîneurs et coaches.
4. Nous acceptons le soutien de sponsors et des médias, mais nous pensons que cette aide devrait être en harmonie avec les objectifs fondamentaux du sport chez les jeunes.
- Nous acceptons le sponsoring par des organisateurs et des sociétés seulement si celles-ci n’entrent pas en contradiction avec le processus pédagogique, la base éthique du sport et les principaux objectifs du sport des jeunes.
- Nous pensons que le rôle des médias ne doit pas seulement être réactif et refléter les problèmes de notre société, mais doit également être proactif en étant stimulant, éducatif et innovateur.
5. Nous entérinons officiellement la Charte du Panathlon des Droits de l’Enfant dans le Sport :
Tous les enfants ont le droit :
- de faire du sport ;
- de s’amuser et de jouer ;
- de bénéficier d’un environnement sain ;
- d’être traités avec dignité ;
- d’être entraînés et coachés par des personnes compétentes ;
- de suivre un entraînement adapté à leur âge, leur rythme individuel et leurs compétences ;
- de se mesurer à des jeunes du même niveau dans une compétition appropriée ;
- de pratiquer leur sport en toute sécurité ;
- de se reposer ;
- d’avoir la chance de devenir un champion ou de ne pas l’être.
Cette Charte ne pourra toutefois être accomplie que lorsque les gouvernements, les fédérations sportives, les agences de sport, les industries de fournitures sportives, les médias, le monde des entreprises, les scientifiques sportifs, les managers sportifs, les entraîneurs, les parents et les jeunes athlètes eux-mêmes en auront accepté les principes.44
30La Charte des droits de l’enfant est un excellent document qui permet de mettre en évidence les problèmes du sport et donc d’engager la discussion. De nombreux centres sportifs flamands affichent « les droits de l’enfant sportif ». La Flandre compte plus de 3 200 signataires, y compris 100 fédérations sportives, 13 autorités provinciales, 350 municipalités, 2 508 clubs de sports, 34 écoles et 138 personnes. Le nombre de signataires est de plus en plus important chaque jour45.
Conclusion
31Les JOJ, en voulant contribuer à l’éducation des jeunes athlètes, ont conçu à cet effet un programme spécial à côté de la compétition. L’organisation est certainement réussie, les athlètes ont été élogieux pour qualifier les activités organisées. Mais ils ne pensent pas toujours aux dangers et aux menaces d’un tel événement sur leur développement personnel. Les responsables interviewés n’imposent pas explicitement beaucoup de pression, mais reconnaissent que les athlètes rencontrent la pression. C’est négatif pour le développement psychologique de l’athlète. Chez les jeunes, le sport doit encore parcourir du chemin pour résoudre les questions éthiques, comme indiqué dans les divers paradoxes évoqués. Le problème, cependant, n’est pas facile. Les quatre domaines d’intervention offrent un cadre de référence pour les autorités et les citoyens dans la lutte pour un sport des jeunes plus éthique. La mise au point des organismes compétents peut résider dans leurs politiques en matière de formation de l’environnement de l’athlète. Cet effort peut contribuer d’une manière très positive à l’environnement éthique de l’athlète. Le jeune athlète n’est pas compétent pour décider de consommer des substances illicites. Une formation s’impose ainsi pour l’entraîneur. Bien sûr, les autres trois domaines restent importants, si les autorités veulent faire davantage de progrès.
32Néanmoins, dans ce domaine de l’éthique dans le sport, le chemin est long pour se faire reconnaître et trouver de la résonance à son action. Le mouvement Panathlon qui est actif pour affirmer l’éthique dans le sport des jeunes a gagné son pari sur la sensibilisation et la formation de l’entourage des athlètes, et même celles des gouvernements. Nous serons curieux de connaître les réactions des participants et de leur entourage, des adhérents et des critiques de la deuxième édition des Jeux olympiques de la Jeunesse d’été à Nankin du 16 au 28 août 201446. Ensuite il y aura les JOJ d’hiver de 2016 à Lillehammer (Norvège) et les JOJ d’été de 2018 à Buenos Aires (Argentine)47. Les jeux de Lillehammer48 retiennent notre attention spéciale. En 1994, les Jeux olympiques d’hiver y avaient déjà été organisés. L’édition d’hiver à Lillehammer a été souvent étiquetée comme premier événement « durable » dans l’histoire des Jeux olympiques. Est-ce que l’organisation maintenant va faire des efforts durables pour promouvoir des Jeux respectueux de l’enfant ?
33Ce sont des questions pour l’avenir. Il est clair que l’attention devrait être portée sur une sensibilisation avec l’ambition d’une conduite éthique par toute personne ayant à voir avec le sport. Non seulement les athlètes, les entraîneurs, les médecins et les préparateurs physiques, mais aussi les spectateurs et toute personne qui joue un rôle dans cette histoire du sport. Même les parents ? Et que dire des journalistes ?
Notes de bas de page
1 Franceolympic.com, « Qu’est-ce que le Festival Olympique de la Jeunesse Européenne ? » http://franceolympique.com/art/275, consulté le 26 janvier 2014.
2 Donna Wong, « The Youth Olympic Games : past, present and future », The international journal of the history of sport, 2011, vol. 28, n° 13, p. 1831-1851.
3 CIO, Feuille d’information des Jeux olympiques de la Jeunesse. http://www.olympic.org/Documents, version de décembre 2013, consulté le 14 janvier 2014.
4 CIO, Feuille d’information des Jeux olympiques de la Jeunesse. http://www.olympic.org/Documents, version de décembre 2013, consulté le 14 janvier 2014.
5 Hanne Thys, Youth Olympic Games : top sport of cultuurhappening ? Een verkenning van ethische argumenten pro en contra, Mémoire de Master d’éducation physique et kinésiologie, Université de Leuven, 2011, 94 p.
6 Alain Ehrenberg, Le Culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, 1991.
7 CIO, XXIII Congrès Olympique, Copenhague, du 3 au 5 octobre 2009 : Recommandations, http://www.olympic.org/Documents/Congress, version de 2009, consulté le 14 janvier 2014.
8 Jos Van Baelenos, « De belofte van Rogge », Focus Knack, 2010, vol. 41, n° 34, p. 30- 31.
9 Hans Vandeweghe, « YOG », Het Nieuwsblad, 2010, vol. 82, p. 33 ; Helmut Digelut, « The risks of the Youth Olympic Games », New studies in Athletics, 2008, vol. 3, p. 53-58.
10 Jan Tolleneer, Ronald Gaastra, Martine Thomis, Marc Maes, Vic De Donder, Andreas De Block, Tine Vertommen, Symposium : Debat over de zin en onzin van de Youth Olympic Games, Leuven Université, 2007.
11 Jim Parry, « The Youth Olympic Games. Some ethical issues », Sport, ethics and philosophy, 2012, vol. 6, n° 2, p. 138-154.
12 Hanne Thys, op. cit.
13 Culture and education, Singapore 2010 http://www.singapore2010.sg/public/sg2010/en/en_cultureeducation/en_cep_athletes.html; consulté le 23 février 2010. SYOGOC, 2010, Singapore Youth Olympic Games Organizing Committee, Culture and education program ; http://www.sportcentric.com/vsite/vfile/page/fileurl/0,11040,5240-202368-219591-165766-0-file,00.pdf ; consulté le 10 septembre 2010).
14 Hanne Thys, op. cit.
15 Interviewé 1 (hockeyeur), par Hanne Thys, op. cit., 14 décembre 2010.
16 Interviewé 2 (nageuse), par Hanne Thys, op. cit., 23 décembre 2010.
17 Interviewé 3 (rameur), par Hanne Thys, op. cit., 27 décembre 2010.
18 CIO, XXIIIe Congrès Olympique, Copenhague, 3-5 octobre 2009 : Recommandations http://www.olympic.org/Documents/Congress_2009/Recommandations%20-%20fre.pdf, version de 2009, consulté le 14 janvier 2014.
19 Paul De Knop, H. Van Driessche, Paul Wylleman, « The role of parents in their children’s sports education », Youth sport : a social approach, Brussel, 1993, p. 90-98.
20 Robert Malina et Michael Clark, Youth sports : perspectives for a new century, Monterey, Coaches Choice, 2003, 254 p. ; Bart Blondeel, Mentale en sociale vaardigheden in jeugdsport, Gent, Academia Press, 2008, 285 p. Daniel Gould, Kristen Dieffenbach, « Psychological issues in youth sports : competitive anxiety, overtraining and burnout », Robert Malina & Michael Clark, op. cit.
21 Jacques Vrijens, Jan Bourgois, Matthieu Lenoir, Basis voor verantwoord trainen, Gent, 2001, 451 p.
22 Shella Robertson, Richard Way, « Long-term athlete development », Coaches report, 2005, vol. 11, n° 3, p. 612.
23 Cornelis Bruinsma, H. Janssens, Aryan Van der Leij, Topsport, opvoeding en onderwijs : een empirisch onderzoek naar factoren die van invloed zijn op de topsportbeoefening, Amsterdam, Vrije Universiteit, 1991, 191 p. Interviews dans Hanne Thys, op. cit.
24 Paul De Knop, Bart Vanreusel, Jeroen Scheerder, Sportsociologie : het spel en de spelers, Maarssen, Elsevier gezondheidszorg, 2002, 428 p. Interviews dans Hanne Thys, ibid.
25 Marieke De Bodt, Onderzoek, ethiek en beleid rond sexual harassment in de sport. Een vergelijkende studie van Nederland en Vlaanderen, Mémoire de Master d’éducation physique et kinésiologie, Leuven, KU Leuven, 2008, 128 p. Jody Brylinsky, « Abuse of power : potential for harassment », dans Robert Malina, Michael Robert, op. cit.
26 Mike McNamee, « Beyond consent ? Paternalism and pediatric doping », Journal of the philosophy of sport, 2009, volume 36, p. 111-126.
27 Yves Vanden Auweele, Ethics in youth sport : analyses and recommendations, Leuven, Lannoo Campus, 2004, 199 p.
28 Doug Harrison, Youth Olympics wrestlers test positive for drug. 2 athletes disqualified for breaking anti-doping rules in August, http://www.cbc.ca/sports/youth-olympics-wrestlers-test-positive-for-drug-1.936838, consulté le 26 janvier 2014.
29 FIG Media, FIG reprimands and suspends Anastasiya Melnychenko, http://www.aipsmedia.com/index.php?page=news&cod=5540&tp=n, version de 1 mars 2011, consulté le 3 mai 2013.
30 Mike McNamee, Ethics, pediatric doping and the limitations of the Gillick consent, Swansea, Swansea University, Centre for Philosophy, Humanities and Law in Health Care, 2008, 17 p. (publication en ligne, http://www.ccels.cf.ac.uk/archives/issues/2008/mcnamee.pdf, consulté le 3 may 2013).
31 SM. Tanner, DW. Miller, C. Alongi, « Anabolic steroid use by adolescents : prevalence, motives and knowledge of risks », Clinical journal of sport medicine, 1995, vol. 5, n° 2, p. 108-115.
32 Masa Takaya, Anti-doping team at the Youth Olympic Games (publication en ligne : http://www.triathlon.org/news/article/anti-doping_team_at_youth_olympic_games, version du 26 août 2010, consulté le 3 mai 2013).
33 Interviewé 5 (dirigeant), par Hanne Thys, 5 mai 2010.
34 Interviewé 2 (nageuse), par Hanne Thys, 23 décembre 2010.
35 Interviewé 4 (volleyeuse), par Hanne Thys, 7 décembre 2010.
36 A. Swedin, « Young athletes against doping in sport », New studies in athletics, 2003, vol. 18, n° 3, p. 69-70.
37 Mike McNamee, op. cit. Arvaniti Nellie, « Ethics in sport : the Greek educational perspective on anti-doping », Sport in society, 2006, vol. 9, n° 2, p. 354-370.
38 Sensoa & ICES, Sport een spel met grenzen : Omgaan met lichamelijke of seksueel grensoverschrijdend gedrag via het vlaggensysteem, Antwerpen, Garant, 2012.
39 Ryan Calfee, Paul Fadale, « Popular ergogenic drugs and supplements in young athletes », Pediatrics, 2006, vol. 117, n° 3, p. 577-589. Donald Greydanus, Dilip Patel, « The adolescent and substance abuse : current concepts », Current problems in pediatric adolescent health care, 2005, vol. 35, n° 3, p. 78-98.
40 Jan Tolleneer, « Waardevorming, sport en bewegingswetenschappen », Ethische perspectieven, 2010, vol. 20, n° 2, p. 173-177.
41 Yves Vanden Auweele, Ethics in youth sport : analyses and recommendations, Leuven, LannooCampus, 2004, 199 p. Yves Vanden Auweele « Seksuele misbruik en ongewenste seksuele intimiteiten in de Vlaamse recreatie en competitiesport », Tijdschrift voor lichamelijke opvoeding 2010, 209 (2), p. 7-27.
42 Panathlon international, Histoire, 2013, http://www.panathlon.net/Default.asp?lingua=francese, consulté le 3 mai 2013.
43 International Fair Play Committee, Partner organisations, http://www.fairplayinternational.org/partners/partner-organisations, consulté le 26 janvier 2014.
44 Panathlon Wallonie-Bruxelles, La déclaration sur l’éthique du sport pour la jeunesse, http://www.panathlon.be/panathlon/fr/index.php/lassociation/declaration-dupanathlon/declaration/, consulté le 3 mai 2013.
45 VSF, Ondertekenaars Panathlon verklaring, 2013, http://www.sportopjongerenmaat.be/images/stories/Ondertekenaars%20Panathlon%20Verklaring.pdf, consulté le 26 janvier 2014.
46 Nanjing 2014, Partageons les jeux. Partageons nos rêves. 2e Jeux olympiques de la Jeunesse, 16-28 août 2014, Nankin, http://www.nanjing2014.org/fr/, consulté le 26 janvier 2014.
47 CIO, Buenos Aires 2018. Buenos Aires elected as host city for 2018 Youth Olympic Games, http://www.olympic.org/news/buenos-aires-elected-as-host-city-for-2018-youth-olympic-games/202222à, consulté le 26 janvier 2014.
48 Lillehammer 2016, Jeux olympiques de la Jeunesse du 12 au 21 février 2016, site préliminaire, http://www.lillehammer2016.no/home_fra.html, consulté le 26 janvier 2014.
Auteurs
-
Laurence Munoz
Université du Littoral Côte d’Opale (ULCO)
Laurence Munoz est Docteure en STAPS, Maître de conférences à l’Université du Littoral Côte d’Opale, en charge de la préparation des épreuves d’histoire du CAPEPS et de l’agrégation d’EPS. Ses recherches portent sur l’histoire du sport et particulièrement sa relation avec les religions. Elle est Vice-présidente de l’Académie Nationale Olympique Française (ANOF) et de la Fédération Sportive et Culturelle de France (FSCF). -
Hanne Thys
Université de Leuven
-
Jan Tolleneer
Université de Leuven
est professeur à l’Université de Leuven et l’Université de Gand (Belgique). Ses travaux ainsi que ceux de ses étudiants portent actuellement sur l’éthique dans le sport et, entre autres, sur la question des abus sexuels, du dopage et des activités physiques adaptées. Avec P. Bonte et S. Sterkcx, il a publié Athletic enhancement, human nature and ethics. Threats and opportunities of doping technologies (Springer Science, 2013). Il coordonne le Groupe de Recherche Interfacultés Sport et Éthique à leuven et enseigne l’histoire du sport à Gand.
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