EPS et Olympisme : convergences ou divergences ?
p. 137-146
Note de l’auteur
Note portant sur l’auteur1
Texte intégral
EPS et Olympisme : tentons de dépasser « les allant de soi »
1Une convention lie le Ministère de l’Éducation nationale (MEN) et le Comité National Olympique et Sportif Français depuis le 25 mai 20102. Elle a pour objet de promouvoir au sein de l’école les valeurs éducatives véhiculées par le sport et l’Olympisme, de favoriser l’accès à une pratique diversifiée au sein des établissements scolaires et à une pratique fédérale sous ses différentes formes. Elle vise enfin à permettre l’accès à une culture générale en s’appuyant sur les Activités Physiques Sportives et Artistiques (APSA) en se donnant les moyens pédagogiques de ces objectifs. L’Olympisme obéit à des principes fondamentaux dont le CNOSF assure la diffusion la plus large possible respectant ainsi la volonté de son créateur, le baron Pierre de Coubertin. Cette promotion ne peut pas faire fi des spécificités de l’école et particulièrement de ses valeurs ; c’est bien au sein de cette articulation avec les valeurs de l’école qu’une clarification s’impose.
Rappel des principes fondamentaux de l’Olympisme
2L’Olympisme est une philosophie de vie et se présente comme tel. Il se veut créateur d’une manière de vivre fondée sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et il tente d’allier le sport à la culture et l’éducation. Le but de l’Olympisme est donc « de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité »3, de considérer que « la pratique du sport est un droit de l’homme »4. Il obéit ainsi à un certain nombre de valeurs notamment la compréhension mutuelle, l’amitié, la solidarité, le fair-play et la lutte contre la discrimination. Dans la pensée du baron Pierre de Coubertin, « le sport n’est pas une éducation du corps, ou par le corps, mais une éducation de l’être »5. Ce système de pensée n’est pas au sens strict une philosophie, car il n’est fondé sur aucun concept ou notion permettant de comprendre le réel et les objets qui le composent. L’Olympisme est avant tout une morale en actes, et même une idéologie, au sens d’un ensemble d’idées et de valeurs susceptibles de structurer une lecture, une construction de la société se nourrissant dans ses préceptes tout autant de la philosophie grecque que de la chrétienté. L’éducation du baron Pierre de Coubertin n’est pas étrangère à cette approche. Ne perdons pas de vue qu’il fit sa scolarité chez les jésuites.
3L’Olympisme peut-il alors être porteur d’un système de valeurs universelles capables de se substituer à celles de l’école et donc à celles de la République ? Est-ce exclusivement dans la recherche de la performance que se trouveraient les valeurs fondatrices telles que le respect mutuel, la solidarité, le sens de l’effort, l’acceptation de la souffrance, la joie de la surmonter ? Les valeurs que véhicule le sport aujourd’hui sont-elles en cohérence avec les finalités de l’école républicaine ? Nous tenterons modestement de répondre à ces questions. L’état des lieux « du sport et de la jeunesse » ne plaide pas pour une réponse candide et naïve à toutes ces questions.
Une morale sportive aujourd’hui mise à mal
4« Je pense que le sport est en danger »6. Ces propos de M. Jacques Rogge, président du CIO, à propos de la corruption qui sévit aujourd’hui dans la plupart des sports collectifs par l’intermédiaire des paris sportifs en disent long sur le délabrement moral qui sévit aujourd’hui dans le sport. Si l’on ajoute à cela les problèmes récurrents de dopage, de violence, de tricherie, mais aussi les dérives de la professionnalisation, le surentraînement, la surmédiatisation permanente de certains événements, notamment du football professionnel, au point que parfois la réalité en soit totalement déformée, on peut s’interroger sur les valeurs morales du sport. Il devient difficile de soutenir qu’elles sont constitutives de la pratique et qu’il suffit de s’y adonner pour se « moraliser » puisque les vertus sont inscrites dans les règles et l’affrontement technico-tactique.
5Notons également que les athlètes de haut niveau sont de plus en plus éloignés du commun des mortels. Jusqu’à une période récente, nous pouvions encore nous identifier à un Mimoun ou un Poulidor, les voir se transcender dans l’effort permettait à notre imaginaire de se projeter dans leurs pas, de s’identifier à eux, de nous rassurer sur nous-mêmes, sur nos possibilités dont ils étaient les ambassadeurs, voire de tenter l’aventure. Aujourd’hui ces monstres de muscles, que nous regardons au départ d’un cent mètres nage libre ou d’athlétisme, semblent appartenir à un autre monde et c’est plutôt entre eux que l’imaginaire circule, par les propos qu’ils tiennent, les attitudes, les gestes, nous rendant voyeurs d’un combat titanesque dans lequel paradoxalement nous sommes à la fois étrangers par la distance qui nous sépare de ces héros et captés, fascinés par l’intensité des énergies vitales déployées. Les moyens scientifiques, médicaux, techniques… mis en œuvre pour accéder à ce niveau de performance ne concernent plus l’homme du quotidien. Est-ce un progrès, une référence pour l’humanité ? Cela mérite un débat, nous ne le mènerons pas ici si ce n’est qu’il pose la question de la culture sportive à transmettre, de la façon d’y faire référence aujourd’hui au sein de l’école.
Une jeunesse en souffrance
6Si le sport est malmené, la jeunesse l’est tout autant. La sédentarité, l’obésité, le mal-être, l’inactivité, les addictions multiples et variées, le chômage touchent la jeunesse européenne dans son ensemble. Le Nord – Pas-de-Calais est l’une des régions les plus touchées de France. C’est dans notre région que les enfants passent le plus de temps devant un écran et le moins de temps à la lecture. Ce mal s’accentue dans les professions et catégories socioprofessionnelles défavorisées et particulièrement chez les filles. Les jeunes se détournent du sport compétitif, et aspirent à d’autres loisirs physiques. Ils veulent bien pratiquer une activité physique, mais pour une diversité de motifs tels que le plaisir, la santé, rencontrer des amis, changer de look. La compétition, l’envie de gagner apparaissent en dernière position7. Nous sommes donc loin du sport de compétition.
7Alors que chacun sait que les jeunes qui pratiquent régulièrement une activité physique ne fument pas, boivent très peu, n’ont jamais pris de drogues, se sentent moins souvent fatigués, nous peinons à convaincre du bien-fondé de s’y adonner. Moins tristes, moins déprimés, moins anxieux, ils dorment et réussissent mieux leur scolarité quand ils pratiquent une activité physique ou un sport. Cependant cette habitude de pratique régulière peine à se développer et ne concerne qu’une minorité. Qu’il s’agisse de l’activité physique ou de l’activité sportive, la question de la mise en jeu du corps en mouvement, quel qu’en soit le mobile, dans la société d’aujourd’hui et de demain, est posée. Cet état de fait ne peut pas être sans conséquence sur les enseignements de l’EPS en France et en Europe.
Des pratiques de l’EPS en Europe qui changent et s’adaptent
8Le législateur est contraint de répondre aux enjeux de société concernant la jeunesse et ses difficultés. L’EPS, discipline scolaire, est à même de contribuer fortement à la prise en compte de ces enjeux. Elle ne peut plus rester centrée sur la transmission exclusive d’une culture sportive à dominante compétitive. Il devient nécessaire de s’ouvrir à d’autres styles de vie, c’est un enjeu de santé publique8, mais cela nécessite d’autres réponses politiques et de fait l’EPS française, comme ses partenaires européens, a dû évoluer. Elle intègre fortement aujourd’hui dans ses finalités et ses objectifs ces évolutions sociétales9 sans pour autant délaisser l’appropriation critique de la pratique sportive. Elle prend en compte les motivations des élèves et tente de répondre à leurs aspirations. Ses valeurs, inscrites dans les programmes10, croisent celles de l’Olympisme, mais elle les soumet aux valeurs fondatrices de l’école et de la République : liberté, égalité, fraternité, mais aussi laïcité.
9Doit-on, face à ces évolutions du sport et de la jeunesse, éduquer par l’Olympisme ou éduquer à l’Olympisme, voire ne pas éduquer à l’Olympisme du tout ?
Doit-on éduquer par l’Olympisme ?
L’EPS est une discipline d’enseignement scolaire
10Un certain nombre d’attributs la constitue et son identité est définie par son objet qui ne peut se réduire à la pratique du sport. Elle est à la fois une discipline de vie et une discipline d’enseignement. Comme discipline de vie, elle obéit à une éthique fondée sur la liberté de l’être. Comme discipline d’enseignement, elle permet la connaissance (physique) de soi dans un rapport au monde et aux autres par la pratique des activités physiques. Elle transmet avant tout des savoirs en acte. Elle se différencie ainsi du sport où la rationalité technique est au service instrumental de la performance et de la compétition. Elle s’appuie sur un corpus exigeant de connaissances, de compétences, d’attitudes puisé au cœur des pratiques physiques et son objet pour l’élève est de mieux connaître et utiliser ses ressources corporelles, par une approche critique en acte du patrimoine des pratiques physiques. Au cœur des contraintes posées à l’école, la visée éducative principale de l’EPS est de former un citoyen responsable, autonome, épanoui physiquement, lucide et critique dans ses choix de pratiques physiques. Cette visée centrale pilote les choix didactiques et de contenus d’enseignement relevés dans les activités physiques, sportives et artistiques. Le danger serait ici de réduire la discipline EPS à un simple « espace-temps de pratique »11, de considérer que la pratique sportive se suffit à elle-même pour éduquer.
11L’éthique de l’EPS se fonde sur une liberté de l’être, sa matrice idéologique obéit à une conception du corps, de la culture et de l’éducation. Le sport n’est qu’un élément de culture physique parmi d’autres. Ces conceptions sont régulièrement débattues par les acteurs du système éducatif qui en ont la charge et la responsabilité, au prisme du respect des valeurs qui la fondent. En revanche, l’Olympisme fonde sa matrice idéologique sur une conception du sport, de la culture et de l’éducation qui ne place pas le corps comme objet de réflexion et d’enseignement12. La culture scolaire de l’EPS trouve son origine dans les valeurs de la République, qu’elle décline dans ses dispositifs d’enseignement. La transmission des valeurs s’intègre à ces dispositifs mis en place et conçus à cet effet. Les savoirs transmis relèvent de la connaissance du corps et non du sport, même si celui-ci est le support de cette connaissance.
12L’EPS se doit donc comme les autres disciplines d’élever aux valeurs de la République :
À celle de Liberté tout d’abord : l’école est là pour aider le jeune citoyen à se constituer comme sujet, à pouvoir accéder par la pensée à une position réflexive et critique sur son activité (corporelle) et celle des autres à cette « façon que la pensée a de se penser »13.
À celle d’Égalité ensuite : l’école est là pour permettre à chacun, quel qu’il soit, d’accéder au plus haut niveau de savoirs et de compétences, même si cette mission reste encore aujourd’hui difficile.
À celle de Fraternité enfin : l’école est là, non pas pour instaurer des rapports de domination, mais de partage, elle permet de se constituer comme sujet et de reconnaître l’autre comme tel : il est là, ici et maintenant, et je n’ai pas choisi. Le sport, pour exister, a besoin d’homogénéiser et d’équilibrer les affrontements, a besoin d’une égalité artificiellement construite pour lutter contre les inégalités naturelles et structurelles. L’EPS en revanche doit concevoir ses activités en tenant compte d’une diversité, d’une hétérogénéité de la population qui est inhérente à l’école. Ses pratiques ont donc des formes plus ou moins éloignées, selon les circonstances, de celles du sport conventionnel, car l’EPS se doit d’accompagner le développement physique de tous les enfants.
13L’école est liée organiquement à la République14 qui est le gouvernement du peuple par lui-même ; or pour se gouverner lui-même il doit être « être instruit et éclairé »15. L’école a donc pour mission d’instruire et d’éduquer les citoyens, de les former à débattre de la chose publique dont le suffrage universel est le moyen et la volonté d’expression d’un peuple libre, non l’instrument d’une domination aveugle et despotique de tous au profit de quelques-uns. Il s’agit « d’éviter que le peuple devienne à lui-même son propre tyran »16. L’enjeu est d’apprécier avec justesse la relation parfois contradictoire entre l’intérêt particulier et l’intérêt général. L’accès au plus haut niveau de savoir pour tous, aux œuvres emblématiques de la culture, à l’exercice lucide et exigeant de la raison, constitue la condition principale pour exercer ce droit. Il s’agit de « soumettre la démocratie à la raison »17. L’idée républicaine renvoie à la supposition que l’espace public – la « res publica » – se fonde idéalement sur la possibilité de communication rationnelle entre les hommes. Elle affirme l’unité en droit de l’humanité18. Les républicains veulent instruire le peuple pour sortir de la contradiction suivante : la raison sans le peuple mène à la dictature, le peuple sans la raison mène à la barbarie. Il est donc essentiel de s’instruire pour ne pas être gouverné par l’éloquence, soumis aux croyances et à l’obscurantisme, séduit par les apparences, convaincu par la rumeur. En conséquence « quand la république perd sa vigilance l’école est condamnée »19.
14Si le sport soumet la raison à la passion, l’école en revanche soumet les passions à la raison et c’est ce qui en fait la spécificité, l’originalité, et justifie sa fonction sociale. Elle se propose de comprendre ce qui s’y joue et de pratiquer en toute connaissance de cause. Les valeurs de la république sont déclinées selon deux dimensions dans les programmes d’enseignement de l’EPS.
La première, sociale, comprend le respect d’autrui, de la règle, des valeurs de loyauté, d’effort collectivement partagé. La seconde, individuelle, vise le goût de l’effort, la persévérance, le dépassement de soi, dans le respect des différences de culture, de genre, de potentialités.20
L’école, le collège et le lycée aident donc à l’appropriation d’une culture physique, sportive et artistique de façon critique, responsable, lucide et citoyenne.21
La poursuite pleine et entière de ses valeurs nécessite un cadre. Ce cadre est la laïcité.
La nécessité d’un cadre laïque à l’enseignement de l’EPS
15Rappelons que la laïcité est posée comme une condition de possibilité de la poursuite des valeurs républicaines en vue de vivre en harmonie. C’est un espace abstrait, réunissant les conditions de possibilité a priori de la liberté de pensée, de l’égalité de tous dans l’accès à cette liberté, de la fraternité entre les hommes source de tolérance, de respect, d’entraide au-delà des croyances, des dogmes, des opinions et des passions. Il est donc essentiel, afin qu’elle puisse poursuivre sa mission, de protéger l’école par la loi de tout groupe de pression, y compris sportif, et de la rendre indépendante des pouvoirs22. En conséquence pour reprendre les propos de Catherine Kintzler23 : personne n’est tenu au sein de l’école d’avoir une philosophie, une croyance, un style de vie plutôt qu’un(e) autre, ou de ne pas en avoir. Personne n’est tenu d’avoir obligatoirement une philosophie, un style de vie, une croyance.
16L’enseignement de l’EPS se doit donc, sous certaines conditions, d’étudier tous les styles de vie offerts par la pratique physique qu’ils soient sportifs, artistiques ou de régénération. Elle ne peut donc imposer un style, un mobile plutôt qu’un autre. Le sport, avec comme mobile la compétition et le record comme but ne peut donc être le ressort exclusif de l’enseignement de l’EPS. C’est pourquoi, l’enseignement de l’EPS ne peut imposer une seule activité physique et une seule forme de pratique physique et/ou sportive représentative d’un style de vie, mais se doit d’en offrir le plus grand nombre. Elle se doit d’accepter au terme de son enseignement que certains puissent ne pas apprécier la vie sportive et ne pas en faire une pratique volontaire ou une philosophie de vie. L’EPS ne peut imposer la licence AS à tous les élèves, cela reste du domaine du libre choix.
17Ce cadre républicain est essentiel à l’école pour se protéger de toutes sortes de déviances y compris celles qui traversent le sport olympique. L’absence de rationalité, la force de la passion, ne rend pas raisonnable l’idée que l’Olympisme puisse se substituer aux valeurs fondatrices qui président à l’organisation de l’école républicaine, même si certaines des valeurs de l’Olympisme, comme la compréhension mutuelle, l’amitié, la solidarité, le fair-play, croisent celles de l’école.
18Ne pas éduquer par l’Olympisme ne signifie pas qu’il ne puisse pas être enseigné, étudié au sein de l’école…
Étudier l’Olympisme à l’école et en EPS
19On le peut et on le doit, car, en tant que fait de société, il contribue à la structuration de l’espace politique et social du XXIe siècle. L’Olympisme et son histoire sont des objets d’étude scolaire à part entière. Le sport olympique paradoxalement est lié à la société tout en tentant de la contredire24. Il est un mode d’expression du social et traduit certains usages du corps. Il obéit à une logique d’affrontement, de combat, de lutte, contre soi ou les autres, d’obstacles à surmonter, la recherche de performances ou de score ; prédomine. Le dépassement de soi constitue l’énergétique des conduites et la compétition l’organise. La supériorité de l’un est contredite par la volonté de supériorité de l’autre. Il est structuré en championnats, rencontres, et encadré par des acteurs (entraîneurs, bénévoles, salariés) appartenant à des fédérations, des clubs. Faire une approche critique, lucide, rationnelle, donc objective de l’Olympisme par le biais de projets pluridisciplinaires, d’expositions, d’approches historique, sociologique, politique, aller à la rencontre des sportifs, vivre par la pratique sportive ses enjeux, ses émotions, ses valeurs, mais aussi l’engagement qu’il nécessite, contribuera à se construire, se connaître, mais aussi à en poser à la fois les limites et les espérances. Le sport n’a-t-il pas été en 2012 le thème n° 2 de l’épreuve de culture générale en BTS : « le sport, miroir de notre société ? »25.
20L’EPS, discipline scolaire, a donc pour mission d’instruire pour libérer, d’éduquer pour insérer. Elle se doit d’élever aux valeurs de la République au travers des contenus qu’elle transmet. Elle favorise donc l’accès aux savoirs corporels de son temps, elle permet une approche critique de la corporéité et donc du sport et a fortiori de l’Olympisme dans la société actuelle. Elle invite à questionner les usages du corps dans les pratiques physiques au sein de la société.
21L’Olympisme par les valeurs qu’il défend peut trouver un lieu d’expression et d’éducation, sans contredire les valeurs de l’école, dans l’ensemble des pratiques sportives que peut offrir l’école. Fair-play, générosité dans l’effort, dépassement de soi, mais aussi fraternité, universalité sont des valeurs de l’Olympisme que ne renie pas l’EPS et que chacun peut rencontrer notamment dans ses pratiques volontaires, au-delà des enseignements traditionnels. Nous en évoquerons rapidement quatre26 :
Les enseignements lourds optionnels en lycée librement choisis par les élèves ont vocation à ouvrir des perspectives d’orientation professionnelle dans le champ des APSA et donc du sport. L’entraînement et la performance font partie des thèmes traités.
Le sport scolaire, quant à lui, a pour mission, par la pratique sportive au sein de l’AS et de l’UNSS, d’éduquer à la responsabilité et la citoyenneté en participant à la vie de l’association. Il prolonge l’EPS obligatoire. L’AS permet les rencontres inter-établissements, elle est pilotée par un projet d’Association Sportive, intégré au projet d’établissement, qui fait le lien entre le sport local et le développement du sport scolaire par le biais des conventions-cadres avec le milieu fédéral.
Les sections sportives permettent de concilier les études et la pratique sportive au meilleur niveau. Elles se différencient des structures offertes aux sportifs de haut niveau où l’école offre des aménagements d’étude pour poursuivre une carrière. Elles s’appuient sur les partenaires locaux et les fédérations par des conventions.
Le volet sportif de l’accompagnement éducatif offre une initiation à des activités nouvelles à des élèves éloignés de la pratique sportive. Cette offre se situe le soir après les cours sous forme de conventionnement avec les acteurs locaux, il sera par exemple proposé de découvrir l’escrime au travers de quelques séances.
22Tous ces moments de pratique volontaire, dont l’objet est la pratique sportive, permettent de croiser les valeurs de l’école et celles du sport olympique.
Conclusion
23En définitive, l’EPS vise, au terme de la scolarité, à (re)créer une habitude de pratique physique, librement consentie, régulière et maitrîsée, avec plaisir, seul ou avec d’autres, dans un souci de bien-être et d’épanouissement, dans le respect de son intégrité et de celle des autres. Les valeurs de la République déclinées en EPS et dans les pratiques sportives de l’école peuvent donc croiser celles de l’Olympisme, mais pas à n’importe quel prix et en toute connaissance de cause. L’EPS est attachée à la volonté d’aider l’élève à se construire comme sujet, à lui apprendre à réfléchir sur soi de manière critique, sur le monde, à se (re)mettre en question. Elle lui apprendra à débattre, à s’engager corporellement avec et face aux autres, à être producteur de sens, d’idées, de lien social, à décider et à agir avec courage, détermination et responsabilité après avoir évalué les conséquences de ses actes dans une situation donnée. Elle le mettra à l’épreuve, l’invitera à vivre ce que l’on dit, dire ce que l’on éprouve, pour construire une cohérence entre ce que l’on pense, ce que l’on dit, ce que l’on ressent et fait. Ainsi il s’astreindra à contenir sa violence, à reconnaître l’autre comme sujet et, à instaurer des relations faites de partage et non de domination.
24Il pourra apprendre à s’inscrire dans une combativité socialement constructive et à accepter l’émulation sans se perdre dans une concurrence stérile, à désirer et reconnaître ses désirs face à ceux des autres non pour les imposer, mais pour composer et vivre en harmonie. Ce projet éducatif, l’EPS et ses acteurs sont prêts à le partager avec ceux qui s’y reconnaîtront et nous ne doutons pas un instant que le Mouvement olympique en fera partie.
Notes de bas de page
1 Inspecteur d’Académie, Inspecteur Pédagogique Régional d’Éducation Physique et Sportive.
2 Le 25 mai 2010, à la Maison du sport français, le CNOSF a signé une convention-cadre avec le MEN établissant les principes généraux qui structureront la collaboration entre le monde scolaire et le mouvement sportif.
3 Charte olympique, 8 juillet 2011, extrait.
4 Ibid.
5 Pierre de Coubertin, Mémoires olympiques, Éditions Bertillat, 2016, 240 p. (rééd.)
6 Déclaration de Jacques Rogge, Président du CIO, Lausanne, CIO, 1er mars 2011, (extrait).
7 Jacques Arènes, Marie-Pierre Janvrin, François Baudier (dir.), Baromètre santé des jeunes (1997 – 1998), Éditions CFES, INSERM, 1998, 330 p.
8 Gilles Klein, Actualité de l’Éducation Physique en Europe (2 tomes), Paris, Éd. « Revue EPS », 2005, n° 64 et 66.
9 Bulletin Officiel spécial n° 6 du 28 août 2008, n° 2 du 19 février 2009, n° 4 du 29 avril 2010.
10 Ibid.
11 Raymond Dhellemmes, « la CP5. L’apprentissage du savoir. S’entraîner physiquement », Cahier du CEDREPS, édition AEEPS, 2011, n° 10.
12 Marie-Joseph Biache, La pensée de Pierre de Coubertin et la philosophie de la technique sportive, conférence lors du Congrès « Coubertin et l’Olympisme. Question pour l’avenir », Université du Havre, 17 au 20 septembre 1997.
13 Catherine Kintzler, Qu’est-ce que la laïcité ?, Vrin, 2008.
14 Charles Coutel, La République et l’école, une anthologie, Paris, Édition Presses Pocket, 1991.
15 Jules Barni, Ce que doit être la République, Amiens, Publication de l’« Union Républicaine de la Somme » 1872. (BNF, Lb 57.3477).
16 Catherine Kintzler, op. cit.
17 Rapport de Joseph Lakanal sur l’organisation des Écoles Normales, présenté à la Convention le 2 Brumaire, an III de la République, dans Célestin Hippeau, L’Instruction publique en France pendant la Révolution, éditions Klincksieck, 1990.
18 Alain Renaut, Luc Ferry, Philosophie politique, PUF, 1985, p. 179.
19 Jacques Muglioni, Instruction et éducation, dans : Philosophie, école : même combat ?, Actes du colloque de Sèvres, Paris, PUF, 1984, p. 22-24.
20 Ibid.
21 BOEN, op. cit.
22 Condorcet, Le premier mémoire sur l’Instruction publique (1791), Paris, Éditions Klincksieck, 1989, p. 56-61.
23 Catherine Kintzler, op. cit.
24 Bernard Jeu, Le sport, la mort, la violence, Paris, Éditions universitaires, 1975.
25 Élise Chedeville, Christophe Vaillant, Le Sport, miroir de la société. Anthologie, Éditions Flammarion, 2011.
26 Les Pratiques sportives à l’École, Ministère de l’Éducation Nationale, DEGESCO, avril 2012.
Auteur
-
Thierry Tribalat
IA IPR EPS
Académie de Lille
Est professeur agrégé d’Éducation Physique et Sportive, ancien IA/IPR dans l’Académie de Lille. Conseiller auprès du Recteur pour le parcours d’éducation artistique et culturelle, il a contribué de longue date à une réflexion sur les finalités et les contenus en EPS, en rédigeant de nombreux articles sur les liens que la discipline entretient avec les activités artistiques, la santé et le sport en général. Son parcours professionnel l’a conduit à enseigner en milieu scolaire, à l’Université, à être formateur et aujourd’hui IPR au sein de l’Éducation nationale.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Rugby : un monde à part ?
Énigmes et intrigues d’une culture atypoque
Olivier Chovaux et William Nuytens (dir.)
2005
50 ans de football dans le Pas-de-Calais
« Le temps de l’enracinement » (fin XIXe siècle-1940)
Olivier Chovaux
2001
L’Idée sportive, l’idée olympique : quelles réalités au XXIe siècle ?
Olivier Chovaux, Laurence Munoz, Arnaud Waquet et al. (dir.)
2017
Un pour Mille
L'incertitude de la formation au métier de footballeur professionnel
Hugo Juskowiak
2019