1La chronologie du site repose sur la confrontation de la stratigraphie et des informations issues de l’analyse du mobilier¹. De manière classique, les marqueurs principaux sont la céramique, les monnaies et le verre, qui ont été mis au jour dans tous les contextes appréhendés lors de la fouille, aussi bien pour l’Antiquité que, dans une moindre mesure, pour le Moyen Âge et l’époque moderne. Ils ont fait l’objet d’un inventaire complet et d’une étude exhaustive, dont les chapitres qui suivent proposent une version synthétique. Ces résultats ont été complétés par ceux issus de l’analyse dendrochronologique des bois, qui, ponctuellement, ont permis de préciser certaines fourchettes chronologiques. Compte tenu des référentiels existants, les datations des bois ne vont cependant pas au-delà de la deuxième moitié du III^e siècle. Enfin, pour les périodes les plus récentes, dix datations par mesure d’âge radiocarbone ont été effectuées (voir supra, chap. 5.2.3).

6.1. La céramique antique (LP)

6.1.1. Description du corpus

2L’étude a concerné l’ensemble de la céramique découverte sur le site hors des niveaux médiévaux et des couches de décapage. Elle porte donc sur l’intégralité des tessons issus des US antiques, appartenant aux phases 0 à 5.

3Il s’agit d’un corpus de 31 495 fragments, soit un nombre minimum d’individus (NMI²) de 5 330.

6.1.1.1. Données quantitatives globales

4Un inventaire détaillé de l’ensemble du corpus a été réalisé avec pour objectif de rechercher des indices chronologiques permettant de dater les US et les faits. Un soin particulier a été apporté à l’identification des productions les plus significatives dans ce domaine comme la sigillée, les céramiques fines et les amphores.

5Le tableau 3 récapitule les données chiffrées liées à cet inventaire (fig. 134).

Tab. 3 - Répartition du NR par grande catégorie et par phase.

Fig. 134 - Nombre de restes et d’individus par phase.

6La phase 0 correspond à des dépôts intrusifs dans les niveaux naturels, quantitativement peu importants. De même, il y a peu de structures attribuables à la fin de l’occupation antique (phase 5) et peu de mobilier associé à cette phase.

7En revanche, les contextes antiques des phases 1 à 4 sont beaucoup plus riches.

8Rappelons que la phase 1 s’étend de la fin du I^er à la fin du II^e siècle et correspond à des constructions principalement situées au nord et à l’est de l’emprise. La phase 2 couvre l’essentiel du III^e siècle et voit le développement des constructions au sud après la canalisation du chenal et à l’ouest. Au cours de la phase 3, à la fin du III^e et au début du IV^e siècle, la partie sud est abandonnée et les différents bâtiments réaménagés. Enfin, lors de la phase 4, dans le courant du IV^e siècle, la domus est progressivement désaffectée, tandis que la partie orientale est réorganisée.

9Les céramiques fines, et surtout les sigillées, occupent une place remarquable au sein du corpus (fig. 135). Ce sont toutefois les céramiques communes qui dominent, surtout celles que nous avons qualifiées d’« oxydantes » et qui sont cuites en mode A^3. En revanche, les amphores sont peu nombreuses sur le site.

Fig. 135 - Répartition par grande catégorie de céramique.

6.1.1.2. Principaux fossiles directeurs

10L’analyse ayant privilégié les catégories chronologiquement significatives, nous disposons de données globales sur ces céramiques et sur leurs évolutions.

11Le tableau suivant (tab. 4) récapitule les comptages pour les céramiques fines et engobées.

Tab. 4 - Répartition des céramiques fines et engobées.

12Ces productions sont utilisées surtout pour le service à table et la consommation des aliments. En revanche, les productions engobées peuvent cumuler d’autres fonctions comme les céramiques à engobe blanc qui comptent de nombreux vases à liquides (cruches, pichets) pouvant servir à la conservation. Les céramiques à engobe micacé et les plats à engobe rouge pompéien ont une fonction culinaire et de nombreux vases gardent des stigmates de leur utilisation au feu.

13La proportion des céramiques fines est variable selon les phases et oscille, pour le NR, entre 23,8 % et 34,7 % du total de la céramique, avec une moyenne à 27,7 %. C’est pour la phase 2 que leur part est la plus importante.

14Tout au long de la période, les productions régionales dominent nettement, en particulier pour les vaisselles de table comme les sigillées, les parois fines et les métallescentes qui proviennent essentiellement des ateliers de Lezoux.

15La chronologie habituelle des différentes catégories est à peu près cohérente par rapport à la succession des phases. On peut cependant relever le caractère résiduel de certaines familles, comme les sigillées sud-gauloises (TSSG) qui ne sont plus commercialisées dans la région à partir du II^e siècle.

La sigillée

16Les sigillées sud-gauloises proviennent des ateliers de La Graufesenque. Les types attestés sont parmi les plus courants dans les productions de ces officines. Une estampille sur un fond de bol, de type indéterminé, a été mise au jour dans un niveau de la phase 3 (fig. 136, n^o 1). On peut restituer [CRESTIO] qui est une marque connue à La Graufesenque entre 50 et 110 (Polak 2000 : 213).

Fig. 136 - Les estampilles sur sigillée.

17Le tableau 5 liste les types identifiés. Les datations absolues (d’après Genin 2007 et Lattara 1993) sont rappelées à titre indicatif.

Tab. 5 - Les sigillées sud-gauloises.

18Les sigillées du Centre proviennent presque exclusivement de Lezoux. Elles portent majoritairement un vernis grésé. Le tableau 6 récapitule les informations typologiques.

Tab. 6 - Les sigillées du Centre.

19Les coupes représentent près de la moitié des formes et c’est le type Drag. 37 qui est le plus abondant. Ces coupes hémisphériques sont majoritaires parmi les productions moulées à partir du début du II^e siècle (Brulet, Vilvorder, Delage 2010 : 118). On note la présence de rares signatures intra-décoratives. La plus remarquable correspond au groupe de Cinnamus (fig. 136, n^o 2) dont l’importante production est largement diffusée en Gaule entre 135 et 180 (Tilhard 2004 : 206 ; Brulet, Vilvorder, Delage 2010 : 124).

20Parmi les sigillées lisses, les bols et coupelles, dérivés des services flaviens, sont nombreux et ceux du type Bet 15/Drag. 35-36 semblent très appréciés. De même, les bols Bet 36/Drag. 33 paraissent avoir connu un beau succès. Là encore, il s’agit de types régulièrement attestés à partir du II^e siècle (Brulet, Vilvorder, Delage 2010 : 116).

21Les timbres sont peu nombreux dans cette importante série⁴.

22Parmi les sigillées du Centre de la phase 2, un bol porte la marque [BODVOCE] (fig. 136, n^o 3) sur laquelle nous n’avons pas trouvé d’informations.

23La phase 3 a livré un plus grand nombre d’estampilles. La première [DOCCIVSF] (fig. 136, n^o 4) correspond au potier Doccius, qui a travaillé à Toulon-sur-Allier entre 140 et 170 (phase 6 de Lezoux) puis à Lezoux (phase 7 : 170-240) (Tilhard 2004 : 212, n^o 229.2) ; elle se trouvait au fond d’un bol en TSC-ng. [RIIGALII(…)] est une des signatures de Regalis (fig. 136, n^o 5), également connu à Lezoux pour les phases 6 et 7 (140-240) (Tilhard 2004 : 246, n^o 431.2). Deux autres timbres provenant de la même US sont plus délicats à identifier : pour [(…)EXTVVS] (fig. 136, n^o 6) on peut proposer le potier Sextus de Lezoux pour la phase 7 (170-240) (Tilhard 2004 : 257), mais [ANTIII(…)](fig. 136, n^o 7) reste indéterminé. Une autre marque incomplète [(…)ARITVMI] (fig. 136, n^o 8) peut être attribuée à Maritumus, que l’on situe à Lezoux entre 140 et 170 (Tilhard 2004 : 233, n^o 339.1). Enfin, la marque [(…)RIMANI] (fig. 136, n^o 9) n’a pu être reconnue.

24Pour la phase 4 on dispose d’un [BELLINICCI] (fig. 136, n^o 10) dans un bol Bet 28/Drag. 27 ; ce nom est documenté à Lezoux et aux Martres-de-Veyre entre 140 et 170 (Tilhard 2004 : 197, n^o 136.2). Un autre timbre [ROTTALI(S)] (fig. 136, n^o 11) n’a pu être référencé.

25Enfin, pour la phase 5, un seul timbre a été mis au jour : il était imprimé sur un fond de vase volontairement retaillé, peut-être pour servir d’opercule. On peut lire [REGALIS] (fig. 136, n^o 12) et il s’agit encore de Regalis déjà évoqué plus haut (Tilhard 2004 : 246, n^o 431.1).

Les amphores

26Pour les amphores, le tableau 7 résume la répartition des fragments et du NMI en fonction de leur provenance et de la phase à laquelle ils appartiennent.

Tab. 7 - Les amphores.

27Si on exclut la phase 0, au trop faible effectif, la proportion des amphores est réduite et peu variable durant l’occupation.

28Les amphores vinaires gauloises représentent plus de la moitié des fragments et des individus. Il s’agit principalement de récipients à fond plat, en pâte calcaire, originaires de Narbonnaise. Les Gaul. 4 à lèvre en bourrelet sont les plus nombreuses avec au moins 27 exemplaires. Cinq amphores Gaul. 3, deux Gaul. 1 et deux Gaul. 5 complètent cet ensemble. Cinq autres amphores présentent des profils proches des amphores ligériennes⁵. On peut leur associer les productions régionales à pâte ocre à brune et peinture rouge, qui constituent un ensemble spécifique. Mais, dans cette série, si les amphorettes sont très nombreuses, le répertoire morphologique comporte également de petits dolia et des céramiques culinaires. On peut toutefois noter que le site a livré 107 amphorettes à peinture rouge, dont 83 à col en entonnoir (Barthélémy-Sylvand, Chambon, Couvin 2005 : 173-174).

29Les amphores de Bétique constituent le deuxième groupe en quantité. Il s’agit presque exclusivement de Dr. 20, facilement identifiables à partir des bords triangulaires, des anses à section ronde et même de la pâte sableuse et grisâtre. Elles étaient utilisées pour le transport de l’huile d’olive. On en compte 56 sur le site et ce sont les niveaux des phases 3 et 4 qui en ont livré le plus. Trois timbres ont pu être relevés mais un seul [GIAL(…)] a été restitué : il correspond probablement à G. Iuuenti Albani attesté à Malpica, sur les bords du Genil, dans le bassin du Guadalquivir, entre 70 et 160 ap. J.-C. (Berni Millet 2008 : 398-402). La circulation de ces amphores dans les régions du Centre de la Gaule est bien documentée (Barthélémy-Sylvand 2005 : 147-148). À Clermont-Ferrand, elles sont régulièrement attestées sur la plupart des sites fouillés (Jouquand, Sauget, Wittmann 1994 ; Silvino dir. 2010 ; Martinez dir. 2021, etc.).

30Les amphores africaines sont peu représentées sur le site. La seule forme identifiable provient d’un niveau de la phase 5, il s’agit d’une amphore de type Keay 35b. Ces grandes amphores cylindriques sont très fréquentes parmi les productions africaines du V^e siècle, elles servaient probablement à transporter des salsamenta (Bonifay 2004 : 134-135).

31Les phases 2 et 3 ont livré quelques fragments d’amphores de Lipari, à pâte jaunâtre d’aspect très grossier, avec d’abondantes inclusions notamment d’origine volcanique. Ce sont justement ces dernières qui ont permis de déterminer la provenance de ces amphores (Borgard 2001 : 89). La nature du produit qu’elles contenaient a également été longtemps méconnue. L’hypothèse la plus vraisemblable, communément admise aujourd’hui, est qu’elles ont servi au transport de l’alun (Borgard 2001) qui avait de multiples utilisations dans l’Antiquité, notamment pour la teinture des tissus (Borgard 2001 : 53) et pour le travail du cuir (Chahine 2005).

6.1.2. Analyse et évolution des assemblages

32Le graphique de la fig. 137 montre l’évolution des grandes catégories. Il y a assez peu de changements sur l’ensemble de la période : les communes oxydantes dominent largement, quelle que soit la phase ; la part des amphores est assez constante. Quelques variations peuvent toutefois être relevées : parmi les vaisselles fines, la sigillée est minoritaire au cours des phases 0 à 2, c’est-à-dire jusqu’au III^e siècle, puis elle occupe la première place. Les céramiques cuites en mode B⁶ sont toujours minoritaires, mais elles sont proportionnellement mieux représentées au début (phase 0) et à la fin de l’occupation (phases 4 et 5).

Fig. 137 - Évolution des catégories de céramique selon les phases ( % du NR).

33En complément de ces données générales, des assemblages représentatifs de chaque phase ont été mis en exergue⁷.

6.1.2.1. Phases 0 et 1 (fin I^er/début II^e – fin II^e siècle)

34L’ensemble sélectionné provient du bâtiment A et totalise 4 654 restes soit 724 individus. Ce lot est dominé par les productions communes à pâte sableuse cuites en mode A ; celles de qualité plus grossière (SABL-A) viennent avant les vaisselles plus fines (FINE-A). En troisième position, on trouve les sigillées du Centre à vernis grésé (fig. 138).

Fig. 138 - Répartition du NR et du NMI par catégorie pour le bâtiment A.

35La vaisselle fine de table (sigillée, parois fines et métallescente) représente environ 20 % des vases (NMI) et on peut lui ajouter des céramiques également destinées au service et peut-être au stockage⁸, notamment les engobes blancs, les engobes orangés, les terra nigra et enfin les FINE-A⁹. Au total, 35 % de la céramique pouvait être utilisée à table ou pour du stockage en petit volume. La vaisselle de cuisine servant à la préparation, à la cuisson et certainement aussi à la conservation des aliments représente quant à elle 59 % : c’est-à-dire 8 % pour les ERP et engobe micacé, 45 % pour les SABL-A et 6 % pour les FINE-B et SABL-B. Enfin, pour les transports et le stockage de grande quantité (peinture blanche, peinture rouge, amphores et dolia), on compte 6 % de vases.

36Parmi les sigillées, les productions du Centre sont prépondérantes. Les types apparus à la fin du I^er ou au début du II^e siècle sont les plus nombreux, alors que ceux qui apparaissent à la fin du II^e siècle, comme les mortiers Bet 100/Drag. 45 et les gobelets Bet 102/Déch. 72, ne représentent que 8 % de la série. Les coupes, et spécialement celles de type Drag. 37, sont majoritaires. On compte également de nombreux bols ou coupelles des services « flaviens », notamment les Bet 42-43/Curle 23. Parmi les bols, on retrouve très logiquement une bonne représentation des Bet 36/Drag. 33 qui sont particulièrement prisés à Lezoux (Brulet, Vilvorder, Delage 2010 : 121). Un de ces bols, au profil complet (fig. 139, n^o 5), comportait un graffiti et une estampille qui peut être restituée [CATIANIM] (fig. 139, n^o 1). Il s’agit certainement du potier Catianus, actif à Lezoux au cours de la phase 7 (170-240) (Tilhard 2004 : 204, n^o 174.1). Pour la même période, une autre estampille a été relevée sur un fond de bol de type indéterminé. Elle est incomplète [(…)SIGNETI] (fig. 139, n^o 2), mais il s’agit vraisemblablement du potier Cassignetus qui travaillait à Lezoux en même temps que le précédent (Tilhard 2004 : 203, n^o 171.1).

Fig. 139 - Céramiques fines et engobées du bâtiment A.

37Parmi les autres vases remarquables, on peut s’arrêter sur un exemplaire complet de coupe Bet 91 (fig. 139, n^o 6) avec un timbre positionné à l’extérieur du vase, au bas de la panse. Cette marque en faible relief [DOVIICCVS] qui peut être lue Doueccus (fig. 139, n^o 3), artisan prolixe de la seconde moitié du II^e siècle dont la production est distribuée jusqu’en Bretagne (Tilhard 2004 : 213, n^o 233). Enfin, une petite coupelle Bet 31/Walters 80 présente encore un profil complet et un timbre partiel [SEV(…)](fig. 139, n^o 7). Enfin, un fond d’assiette a livré une marque complète [CAMPANI] (fig. 139, n^o 4). Elle peut être attribuée au potier Campanus, documenté à Lezoux mais dont la période d’activité reste incertaine (Tilhard 2004 : 200).

38Les parois fines mises au jour sur ce secteur sont toutes engobées et exclusivement produites à Lezoux. La forme la mieux représentée est le gobelet (sept exemplaires), notamment ceux de type Bet 331 (Bet, Gras 1999 : 16). On compte aussi deux petites coupelles tripodes Bet 340, couvertes de chamotte.

39La céramique métallescente est une production à pâte calcaire et vernis grésé sombre. Elle est fabriquée à partir de la seconde moitié du II^e siècle et jusqu’au III^e siècle, dans les mêmes ateliers que la sigillée : Lezoux, puis Argonne, Trèves, etc. Pour les niveaux du bâtiment A, l’approvisionnement est exclusivement lézovien. Les gobelets dominent le répertoire avec 12 exemplaires dont trois de type Bet 306 (fig. 139, n^o 8), un de type Bet 307, quatre de type Bet 310 (fig. 139, n^o 9), de forme plus allongée, et enfin deux moulés de type Déch. 68. Les autres formes sont des bols hémisphériques de type Bet 303-304. Il s’agit de types assez communs et attestés dès la seconde moitié du II^e siècle (Bet, Gras 1999 : 29-30).

40On notera le décor de belle qualité qui orne l’un des Bet 310 (fig. 139, n^o 9). Il s’agit d’un lévrier, qui devait faire partie d’une scène de chasse, compositions bien attestées mais en général plutôt datées du III^e siècle (Bet, Gras 1999 : 29-30).

41Les FINE-A possèdent un répertoire de formes varié et largement dominé par les vases ouverts. Le NTI est de 77 dont 57 coupes. Ces dernières sont généralement de grande taille, munies d’une collerette et avec un bord droit ou légèrement rentrant (fig. 139, n^os 11-12). Ce profil s’apparente à celui des Drag. 44 en sigillée. Il s’agit de productions soignées, destinées aux tables. Parmi les autres formes, un grand « plat/couvercle » très bas, à bord arrondi et à lèvre triangulaire rappelle les couvercles en Africaine de cuisine de type Hayes 182, apparus vers le milieu du II^e siècle (Bonifay 2004 : 217, fig. 115). Ce genre d’imitation est commun à Clermont-Ferrand, par exemple sur le site de la rue sous les Augustins (Silvino dir. 2010 : vol. 1, 78) ou sur le site de la rue Fontgiève (Martinez 2014 : vol. 1, 267). Parmi les formes fermées, ce sont les cruches à une anse et col étroit qui dominent avec 14 individus, dont neuf exemplaires munis d’un manchon concave. Ces cruches, également fabriquées avec un engobe blanc, sont de petite taille et poissées à l’intérieur ; il s’agit de productions attestées dans les ateliers régionaux (Delage 2002 : 82). Sur un fragment de panse (épaulement) de cruche étaient gravés les mots « felix sitientibus ».

42Au sein des terra nigra, trois formes ont été identifiées. Le vase le plus remarquable est assez atypique : l’ouverture est étroite et la panse ondulée (fig. 139, n^o 13). Il pourrait s’agir d’un vase à liquide.

43Parmi les céramiques de cuisine, la famille des ERP totalise 32 individus, uniquement des plats à cuire. Les caractéristiques technologiques sont homogènes et renvoient à une production régionale, probablement des ateliers de la vallée de l’Allier (Delage 2002 : 43). Elle est régulièrement attestée à Clermont-Ferrand aux II^e et III^e siècles (à titre d’exemple : Silvino dir. 2010 : vol. 1, 80 et vol. 2, pl. 17 ; Martinez dir. 2021 : 192).

44Les céramiques à engobe micacé associent deux productions distinctes. La première, assez fine et soignée, avec un revêtement léger et de teinte cuivrée, cherche peut-être à imiter le bronze et ne présente jamais de trace d’un usage au feu. La seconde sous-famille, plus fréquente, comporte une pâte plus grossière et un engobe plus clair, argenté. C’est une vaisselle culinaire, portant souvent des résidus carbonés. Tous les exemplaires identifiés sont des vases de cuisson, notamment des pots à cuire de petits modules (fig. 139, n^o 10).

45Les céramiques sableuses cuites en mode A sont les plus répandues dans ce secteur avec 2 065 fragments, soit un NMI de 323. Elles regroupent toutes sortes de vases, destinés aussi bien à la préparation qu’à la cuisson et la conservation des aliments. Les pâtes siliceuses, bien dégraissées et bien cuites, leur assurent une bonne résistance à la chaleur et aux chocs, ce qui en fait une excellente vaisselle culinaire. Il n’est donc pas surprenant que les ustensiles de cuisson soient majoritaires et totalisent près de 70 % des formes inventoriées. Les pots, qui sont les plus fréquents, se déclinent dans différents modules et avec des profils hétéroclites bien que généralement assez simples (fig. 140, n^os 1-3). Hérités de la période gauloise, ils étaient utilisés pour faire bouillir les aliments (Delage 2002 : 39).

Fig. 140 - Céramiques communes du bâtiment A.

46Pour la préparation des aliments, on utilisait des mortiers à vasque très évasée et lèvre massive retombante, parfois munie d’un bec verseur (fig. 140, n^o 4). Des coupes pouvaient également être employées dans ce cadre. Les formes se rapprochent de celles en FINE-A, inspirées des Drag. 44 (3 vases), ou sont plus originales, comme l’exemplaire dessiné (fig. 140, n^o 5) qui rappelle également des sigillées, mais de type Bet 91. Une petite série de neuf grandes jattes tronconiques à bord en marli (fig. 140, n^o 6) a également été inventoriée.

47Enfin, les grandes bassines se répartissent en deux groupes. Les premières sont tronconiques, largement évasées, à fond plat et avec la lèvre rabattue à l’extérieur (fig. 140, n^o 7). On en dénombre 12 sur le bâtiment A. Plusieurs fragments portent des graffiti. Le second modèle correspond à des vases ovales à fond plat, bord droit et lèvre retombante. Ce type est représenté par 19 exemplaires. Ces récipients sont bien connus dans la région de Clermont-Ferrand ; ils pourraient avoir été fabriqués à Lezoux (Delage 2002 : 73). Leurs usages pouvaient être multiples : lavage, stockage, préparations alimentaires ou non, etc.

48Les SABL-B sont majoritairement des vases culinaires. On compte 16 pots globulaires et à col concave, 12 marmites tripodes, deux couvercles et un plat à cuire, sur le modèle des plats à engobe rouge pompéien (fig. 139, n^o 14).

49Dans la catégorie à peinture rouge, la plupart des vases sont de grands récipients de stockage, notamment des amphorettes. Il s’agit de vases dont la contenance pouvait varier de 18 à 36 litres (Delage 2002 : 16-17), fréquents en Auvergne et certainement fabriqués dans la région, notamment à Lezoux (Bet, Gangloff, Vertet 1987). Ils devaient servir pour reconditionner du vin importé ou pour transporter et stocker le vin local ou d’autres denrées (Vallat, Cabanis 2009 : 178-181). Les profils sont très caractéristiques : les bords montrent une ouverture très évasée en forme d’entonnoir, les anses sont plates et larges. La panse est rythmée par une série de baguettes et les anses se prolongent sur l’épaulement par de petits boudins d’argile. La majorité des exemplaires est recouverte d’un engobe rouge, sombre et mat, appliqué irrégulièrement. La chronologie de ces conteneurs reste encore mal connue ; à Clermont-Ferrand, des exemplaires ont été mis au jour dans des niveaux de la première moitié du I^er siècle (Silvino dir. 2010 : vol. 1, 65 et vol. 2, pl. 5, n^o 3). La fin de la production se situerait dans le courant du III^e siècle (Delage 2002 : 16). Pour la phase 1, sur le bâtiment A, 21 amphorettes de ce genre ont été comptabilisées. On peut leur associer une amphorette supplémentaire, mais avec un bord différent, deux pots et un petit dolium. L’un des pots a été dessiné, son profil est très proche de ceux observés en SABL-A (fig. 140, n^o 8).

50En plus des amphorettes décrites précédemment, on dénombre une dizaine d’amphores dont sept ont pu être identifiées. Les amphores gauloises sont majoritaires avec huit individus dont quatre Gaul. 4 et une Gaul. 3. Il s’agit exclusivement d’amphores vinaires. Les amphores de Bétique totalisent deux individus de type Dr. 20.

51Le lot sélectionné s’inscrit bien entre la fin du I^er et la fin du II^e siècle. Les fossiles directeurs les plus tardifs (sigillées, métallescentes) apparaissent à la fin de cette période et correspondent à la phase 7 de Lezoux. Néanmoins, ils sont minoritaires dans ce lot qui est dominé par les vases datables du II^e siècle.

6.1.2.2. Phase 2 à 4 (fin II^e – courant IV^e siècle)

52Le bâtiment D est une domus construite à l’ouest de l’emprise au début de la phase 2 et habitée jusqu’à la phase 4. Les lots sélectionnés proviennent d’une série de pièces localisées dans son aile orientale. L’ensemble analysé rassemble 1 241 fragments, soit au moins 193 individus. Le tableau 8 donne un aperçu de ces données chiffrées par phase. Les lots sont répartis équitablement durant la période d’occupation (fig. 141).

Fig. 141 - Évolution de la répartition du NMI par catégorie pour l’aile orientale du bâtiment D.

53Les rapports entre les catégories ne changent guère d’une phase à l’autre. Le trio de tête est toujours SABL-A, TSC et SABL-B. On note cependant que pour la phase 4, les SABL-B, les FINE-A et les engobes micacés sont à égalité (9,8 % pour les trois familles). La phase 4, qui n’a été étudiée que dans ce secteur, offre donc un profil différent.

54Pour les principales catégories, les évolutions sont nettes et régulières. Par exemple, les SABL-A augmentent régulièrement, tout comme les engobes micacés et les peintures rouges.

55Les sigillées tendent à décroître durant l’occupation. Les vases proviennent toujours majoritairement du Centre. Les coupes dominent, mais la seule forme attestée est celle des Drag. 37. L’un des exemplaires présente un vernis non grésé ; il provient d’une couche de la phase 3 et correspond peut-être aux productions tardives ou du Bas-Empire. Les Drag. 37 sont fabriqués à Lezoux jusqu’au IV^e siècle (Bet, Witmann 1994 : 210) et il n’est donc guère surprenant d’en retrouver encore en grand nombre ici, y compris pour la phase 4 (7 exemplaires). Il en va de même pour les bols Bet 36/Drag. 33 (fig. 142, n^o 2) et les services flaviens qui sont encore bien présents pendant les phases 2 et 3 (fig. 142, n^o 1¹⁰). Les assiettes Bet 58/Drag. 18 (fig. 142, n^o 3) et Bet 65/Drag. 19 appartiennent toutes à la phase 2 et sont certainement résiduelles dans ces contextes.

Fig. 142 - Céramiques du bâtiment D (phase 2).

56Seuls deux vases sont estampillés. Sur le premier, un bol, on peut lire [SACE(…)] qui correspond certainement à Sacer, connu à Lezoux pour la phase 6 (140-170) (Tilhard 2004 : 249). Le second timbre est complet [CARVSSA] (fig. 143, n^o 1) et proviendrait aussi de Lezoux, mais cette fois pour la phase 7 (170-240) (Tilhard 2004 : 203). Ces deux timbres ont été découverts dans des contextes plus tardifs (phase 3) que leur datation absolue et sont probablement en position résiduelle.

Fig. 143 - Céramiques du bâtiment D (phases 3 et 4).

57Les métallescentes sont ici mieux représentées que sur le reste du site. La forme la plus fréquente est celle des bols hémisphériques Bet 303-304 (fig. 143, n^o 2). Un autre exemplaire est plus original (fig. 142, n^o 4) ; il peut être rapproché du type Bet 315 (Bet, Gras 1999 : 30).

58Les céramiques à engobe brossé apparaissent ici dans des niveaux de la phase 4. Pour ces productions, le revêtement est appliqué, non par trempage comme pour les autres engobées, mais à l’aide d’un pinceau ou d’une brosse dont on peut observer les traces caractéristiques. Cette famille est bien connue à Bourges (Cher) où elle est datée du IV^e siècle (Chambon, Rouquet 1999 : 378-379). Ici, cette céramique à pâte jaune et engobe rouge-orange n’a livré qu’une forme identifiable, une coupe munie d’une petite collerette à mi-panse.

59Parmi les FINE-A, on retrouve les formes décrites plus haut : trois coupes dont deux avec une collerette imitant les Drag. 44 (fig. 142, n^o 5), deux cruches dont une à manchon concave, un pot et deux plats/couvercles (fig. 143, n^o 3) imitant le type Hayes 182.

60Parmi les terra nigra, peu de vases ont été examinés. On dénombre une assiette à lèvre triangulaire, proche du type Menez 13 (Menez 1989 : 121), ainsi que deux petits pots, dont un globulaire à petit col droit et lèvre déjetée (fig. 143, n^o 4).

61La SABL-A totalise 475 fragments soit un NMI de 61. C’est elle qui, une fois de plus, domine le corpus, quelle que soit la phase. Sa part tend même à augmenter pour atteindre 36 % de la céramique pour la phase 4. Les vases à cuire sont les plus courants, notamment les marmites tripodes au bord cerclé d’une collerette (fig. 143, n^o 7). Ces dernières dominent quelle que soit la phase et elles atteignent leur maximum (45 % du NMI) au cours de la phase 3. Les pots à cuire arrivent au deuxième rang et leur part est presque constante durant toute la période, oscillant entre 25 et 27 % du NMI. Une bouilloire s’ajoute à ces vases de cuisson (fig. 143, n^o 8), facilement reconnaissable à son bec pincé couvert de suie. Les coupelles à bord en S et avec traces de chauffe à l’intérieur sont aussi bien représentées ici (fig. 142, n^os 6-7). Les récipients servant à la préparation des aliments et les vases de stockage sont plus rares sur ce secteur. On peut, néanmoins, remarquer le profil très mouluré et assez original d’un bord appartenant certainement à une amphorette (fig. 142, n^o 9).

62Pour les SABL-B, le répertoire est dominé par les ustensiles de cuisson. Cinq pots à cuire, quatre marmites à lèvre en collerette et deux petits vases tripodes à panse carénée (fig. 143, n^o 5) ont été identifiés. Les plats à cuire correspondent au profil des plats à engobe rouge pompéien ; au moins un exemplaire disposait d’une panse striée, peut-être pour permettre une meilleure préhension (fig. 143, n^o 6). Enfin, cet ensemble comprend deux couvercles à lèvre en bandeau (fig. 142, n^o 8).

63Ce sont toujours les amphorettes à col en entonnoir qui dominent le répertoire morphologique des céramiques à peinture rouge ; on en compte huit, provenant des couches des phases 3 et 4. Un autre bord pourrait aussi correspondre à une amphorette. Il s’agit d’un vase à bord évasé, souligné par une baguette (fig. 143, n^o 9).

64Il y avait dans cet ensemble de nombreux fragments de panses d’amphores, mais finalement peu d’individus ont été recensés. Par exemple, les amphores gauloises totalisent 50 fragments, mais seulement un individu à fond plat de type indéterminé. On ne compte ensuite que deux fragments de panse d’amphore de Bétique. Ils sont très épais et grisâtres, correspondant certainement à une ou des Dr. 20.

65De même, seul un fragment de panse de dolium a été découvert dans cette zone.

66Les pièces de ce bâtiment ont livré moins de mobilier céramique que les autres secteurs. Toutefois, elles apportent des informations intéressantes, notamment en raison de la présence de niveaux de la phase 4, qui voient l’apparition ou le développement de certaines catégories. Entre les phases 2 et 3, ce secteur a subi quelques réaménagements. Cela pourrait s’accompagner d’un changement de vocation de ce lieu, comme le montre une diminution nette de la vaisselle de table au profit des vases de conservation. Cette multiplication laisse présager un lieu de stockage. Des espaces similaires ont été repérés lors de la fouille du Carré Jaude 2 à Clermont-Ferrand (pièces E et F ; Alfonso 2013 : 77-78).

6.1.3. Conclusion

67Le lot de céramique mis au jour lors de la fouille est remarquablement riche et diversifié.

68L’inventaire général avait pour objectif d’isoler les éléments porteurs d’informations chronologiques afin de contribuer à la datation des vestiges. Ce travail a été facilité par l’importante représentation des céramiques fines, notamment des sigillées qui sont de bons fossiles directeurs, même si les formes les plus communes sont fabriquées sur des périodes assez longues. Dans l’ensemble, la céramique a constitué un bon outil. Elle montre la continuité de l’occupation de la fin du I^er jusqu’au IV^e siècle. Il est possible de distinguer certaines évolutions, même si, d’une phase à l’autre, les données disponibles ne sont pas équivalentes en quantité et en qualité.

6.2. La céramique médiévale à contemporaine (YRL)

69Les niveaux considérés (phase 6) concernent 118 US réparties au sein de 87 structures – 66 tranchées, 15 trous de piquet, et 6 fosses. Un total de 1 403 tessons (NR), dont un minimum de 216 individus (NMI¹¹), a été dénombré. Près de 70 % du mobilier céramique – soit 970 tessons – proviennent des tranchées, dont le comblement est majoritairement unique. Le lot recèle environ 88 % de mobilier antique (1 228 NR) pour 12 % de vaisselier postérieur (172 tessons) et trois indéterminés. Sur l’ensemble des 118 US, 75 d’entre elles ne contiennent que du mobilier antique.

70Concernant le mobilier médiéval à contemporain, l’importante fragmentation et l’absence presque totale de remontage indiquent qu’il ne se trouve qu’en dépôt secondaire. Par ailleurs, toutes les US comportent du mobilier résiduel antique. Aucune forme complète ne nous est parvenue et l’état de conservation des 20 bords répertoriés en rend parfois la lecture difficile. Un tri par catégories céramiques a néanmoins été effectué et tous les bords présentant un état de conservation suffisant ont été dessinés (fig. 144).

Fig. 144 - La céramique médiévale et moderne.

6.2.1. Description des groupes techniques et données chrono-comparatives

71Après examen macroscopique, sept catégories céramiques ont été définies selon des critères de couleur, de composition et texture de pâte, de façonnage et de traitement de surface (fig. 145). Sauf mention contraire, tous les vases sont tournés.

Fig. 145 - Répartition en % des groupes techniques médiévaux à contemporains (total NR : 172).

72Les données quantitatives qui suivent ne concernent que les restes post antiques, soit 172 NR / 20 bords / 31 NMI. Toutes les références typologiques renvoient au répertoire le plus récent établi par S. Guyot (Martinez 2014 : vol. 1, 274-309).

73Les trois premières pâtes que nous décrivons sont fines, exemptes d’inclusions visibles à l’œil nu (pâte B1 et B1g1¹², faïence et pâte B2gl). Les suivantes sont de composition moyennement fine et se distinguent par la nature de leurs inclusions et leur cuisson (pâte A et Agl, C, E et F).

6.2.1.1. Pâte kaolinitique de teinte beige clair à rosée (pâtes B1 et B1gl)

74Cette catégorie concerne 35 tessons, soit 20 % du NR (fig. 145).

75Elle comporte une glaçure majoritairement externe et mouchetée, de teinte vert-jaune à kaki (B1gl), lisible sur 20 tessons. Les décors rapportés ne sont qu’au nombre de deux : une pastille agrémentée de plusieurs tétons de petite taille (fig. 144, n^o 12) et une pastille à téton central conique, bordée d’un cordon réticulé et d’une bande peinte à l’engobe rouge (fig. 144, n^o 7). Trois tessons portent un revêtement monochrome couvrant de couleur jaune orangé et vert de facture moderne.

76Quatre bords sont conservés :

• un bord de pichet à bec tiré qui s’avère trop fragmentaire pour permettre une représentation graphique et l’associer à une typologie précise ;

• deux bords de vases à liquide (fig. 144, n^os 2 et 11) s’apparentent au type pichet/cruche 4 (Martinez 2014 : vol. 1, 302 et vol. 2, pl. 138) ;

• une lèvre déjetée de forme ouverte peu lisible mais que la glaçure place indéniablement à l’époque moderne.

77La majorité de ce lot se comprend dans une chronologie du bas Moyen Âge. En effet, la glaçure n’apparaît pas avant le milieu, voire la fin du XIII^e siècle en basse Auvergne (Martinez 2014 : vol. 1, 281), tandis que les deux décors à pastille caractérisent la vaisselle de table très décorée de la seconde moitié du XIII^e-début du XIV^e siècle (Guyot 2003 : 24-25 ; Gaime et al. 2011 : 115 ; Ollivier 2013 : vol. 1, 157). Le type pichet/cruche 4 est attesté pour des contextes des XIV^e-XVI^e siècles dans le Puy-de-Dôme (Martinez 2014 : vol. 1, 302), mais l’aspect de la glaçure ainsi que l’assemblage céramique incitent à dater les deux exemplaires de l’ancienne Gare routière autour du XIV^e siècle.

6.2.1.2. Faïence à pâte rose ou blanche (faïence)

78Seuls six tessons de faïence à émail blanc ou noir ont été dénombrés. Aucun bord n’est conservé. L’émail blanc ou noir ne porte ni décor ni marque de fabrique.

79Leur chronologie couvre les XVIII^e-XIX^e siècles.

6.2.1.3. Pâte fine rouge glaçurée (pâte B2gl)

80On note la présence anecdotique de trois tessons à glaçure vert-brun, épaisse et monochrome.

81L’unique forme est un bord de forme fermée de type indéterminé (fig. 144, n^o 8). La glaçure revêt la surface interne, tandis qu’un engobe blanc couvre la paroi externe.

82Aucune comparaison typologique n’a été trouvée, mais le traitement de surface plaiderait pour une datation moderne postérieure à la première moitié du XVII^e siècle (Martinez 2014 : vol. 1, 281).

6.2.1.4. Pâte de teinte beige micacée (pâte A et Agl)

83Le cœur des tessons peut prendre une couleur grise quand les parois sont épaisses. Le mica est abondamment présent sous forme de paillettes de granulométrie variable. Quelques nodules rouges (oxydes ferriques ?) côtoient des inclusions minérales (quartz) non calibrées, qui confèrent à la pâte une texture râpeuse.

84Cette catégorie rassemble 61 tessons (soit 36 % du NR) et s’avère donc la mieux représentée.

85Les décors les plus fréquents consistent en des cordons rapportés, majoritairement réticulés au bâtonnet (fig. 144, n^os 4 et 17). Un unique tesson à parois épaisses montre un cordon digité associé [n^o 17]. De rares sillons concentriques apparaissent, associés sur un tesson de col à un registre horizontal d’impressions moletées rectangulaires (fig. 144, n^o 16). Si les décors de bandes appliquées et d’empreintes à la molette ne suffisent pas pour dater une production, ils sont ici associés à une catégorie céramique qui permet de les comparer aux nombreux exemples similaires du bas Moyen Âge clermontois (Guyot 2003 : 20-23 ; Ollivier 2013 : vol. 1, 157 ; Martinez 2014 : vol. 1, 282). Notons enfin que quatre tessons appartenant à ce groupe technique portent des traces de glaçure ponctuelle.

86Onze bords ont été recensés :

• un bord de cruche (fig. 144, n^o 1) de type cruche 1b (Martinez 2014 : vol. 1, 300-301 et vol. 2, pl. 137), dont la lèvre épaisse et arrondie présente un départ de bec rapporté. Par comparaison, il peut être daté entre la fin du XIII^e siècle et le début du XV^e siècle ;

• un bord de cruche de typologie indéterminée (fig. 144, n^o 6), muni également d’un bec verseur rapporté ;

• un bord de forme fermée que l’absence de préhension et de verseur ne permet pas d’attribuer à une typologie certaine (fig. 144, n^o 3). Il peut s’apparenter au pot 15 (Martinez 2014 : vol. 1, 293 et vol. 2, pl. 134), à la marmite 5 (Martinez 2014 : vol. 1, 298 et vol. 2, pl. 136) ou au pichet/cruche 3 (Martinez 2014 : vol. 1, 302 et vol. 2, pl. 138). Le pot 15 est attribué aux XIII^e-XIV^e siècles, tandis que les deux autres s’inscrivent dans la fourchette plus large des XIV^e-XVI^e siècles ;

• un bord fragmenté (fig. 144, n^o 9) lui est comparable, mais le départ de préhension le définit plus précisément comme un vase de type marmite 5 ou de type pichet/cruche 3 ;

• un bord très fragmentaire, peu propice à la représentation graphique, très comparable au précédent et que le départ de bec rapporté permet d’identifier comme un pichet/cruche 3 ;

• un bord à inflexion interne (fig. 144, n^o 14) qui s’apparente au type de pot 16 (Martinez 2014 : vol. 1, 293 et vol. 2, pl. 134) ou de cruche/pichet 1 (Martinez 2014 : vol. 1, 301 et vol. 2, pl. 138).

87Le pot 16 est attesté à la fin du XIII^e siècle et au siècle suivant. La cruche/pichet 1 est compatible avec cette datation, même si ce profil se rencontre encore à l’époque moderne au Puy-en-Velay (Martinez 2014 : vol. 1, 302). Toutefois, une datation moderne ne semble pas ici recevable en termes technologiques.

88Enfin, plusieurs fonds à pied débordant (fig. 144, n^o 5) appartenant à des vases à liquide ont été répertoriés. Cette caractéristique morphologique va également dans le sens d’une chronologie de la fin du Moyen Âge (Martinez 2014 : vol. 1, 301 et vol. 2, pl. 138).

89Les typologies en présence s’inscrivent dans une fourchette assez large des XIV^e-XVI^e siècles. Cependant, les spécificités de la pâte dégraissée et micacée peuvent permettre de la réduire aux seuls XIV^e-XV^e siècles (Martinez 2014 : vol. 1, 279).

6.2.1.5. Pâte de teinte grise à parois noires (pâte C)

90Trahissant une atmosphère de cuisson réductrice, la couleur grise est homogène à cœur tandis qu’elle peut prendre un teint plus foncé en surface. Les inclusions minérales, relativement abondantes, sont de faible granulométrie, rendant la texture râpeuse. Les paillettes de mica sont également de petite taille.

91Cette catégorie concerne 20 tessons (soit 12 % du NR).

92Les décors observés sont exclusivement constitués de cordons simples ou réticulés à la molette ou au bâtonnet, comparables à ceux de la catégorie précédente.

93Les quatre bords conservés (fig. 144, n^os 10, 13 et 15¹³) appartiennent tous à une forme fermée de type oule/marmite 3b (Martinez 2014 : vol. 1, 297 et vol. 2, pl. 136). Seul le [n^o 15] conserve un départ d’anse fixée sur l’épaule du récipient, qui permet de l’identifier comme une marmite. Les deux diamètres rétablis affichent une ouverture de 18 et 21 cm.

94Cette typologie, parfois désignée à « oreille de cochons », est connue comme « une production bourbonnaise qui atteint Clermont-Ferrand dans ses limites méridionales » (Martinez 2014 : vol. 1, 297). Mis à part quelques découvertes en contextes modernes, elle caractérise une large période allant du XIII^e siècle à la fin du XV^e siècle.

6.2.1.6. Pâte gris clair à la surface externe couleur caramel (pâte E)

95La composition de la pâte est comparable à la catégorie précédente, mais les tessons sont très cuits et sonores.

96Elle est représentée de façon quantitativement anecdotique par quatre tessons, qui ne portent aucun décor.

97Le seul bord, très fragmentaire, évoque un récipient fermé de type pichet/cruche 3 ou une marmite de type 5 semblable au bord [n^o 3] (fig. 144).

98Il pourrait être daté des XIV^e-XVI^e siècles (Martinez 2014 : vol. 1, 302).

6.2.1.7. Pâte de teinte brun-rouge homogène (pâte F)

99Les inclusions se composent de nodules de fer et de quartz de granulométrie variable, qui percent l’épiderme des parois et confèrent à la pâte une texture rugueuse. La pâte est abondamment micacée (fines paillettes).

100Cette catégorie céramique concerne 23 % du NR, mais cette forte proportion est peu significative car 37 des 39 tessons répertoriés proviennent d’un même individu issu du comblement de la fosse aménagée et utilisée pour le rouissage.

101L’épaule et le col de cet individu sont rythmés de sillons concentriques, tandis que des cordons obliques simples marquent sa panse.

102Son bord n’est malheureusement pas conservé. La partie supérieure de l’anse large et rubanée se fixe sur un col haut, ce qui tend à apparenter cette forme à un vase à liquide, malgré un fond sensiblement lenticulaire de 14 cm de diamètre.

103Aucune datation précise ne peut être avancée, mais les caractéristiques morphologiques sont compatibles avec le bas Moyen Âge.

6.2.2. Conclusion

104Le mobilier céramique médiéval étudié ici est exclusivement composé de récipients destinés à la cuisson ou au service de table. Soulignons qu’il ne recèle aucune forme ouverte liée à la préparation ou à la consommation des aliments. Ce vaisselier, hormis les rares indices de vases à liquide très décorés, caractérise un niveau social ordinaire. Excepté le bord de cruche à lèvre peu saillante à méplat (fig. 144, n^o 6), pour lequel n’a pas été trouvée d’équivalence typologique, il correspond au mobilier référencé pour la basse Auvergne.

105Les productions antiques résiduelles forment l’écrasante majorité des artefacts céramiques livrés par les niveaux médiévaux (fig. 146). Omniprésentes, elles sont significatives de la nature et de la formation des dépôts.

Fig. 146 - Répartition de l’ensemble céramique en grandes périodes chronologiques (en NR et en %).

106De l’autre côté du spectre chronologique, la place occupée par la période des XVII^e-XIX^e siècles est anecdotique et ne concerne que trois US.

107Concernant le Moyen Âge, aucun indice formel ne s’avère antérieur au XIII^e siècle. Si certaines données techno-typologiques inscrivent plusieurs niveaux dans une chronologie pouvant aller jusqu’à la fin du XV^e siècle et couvrir le siècle suivant, la majorité des indices se comprennent autour du XIV^e siècle.

108Au vu de la nature du contexte et des assemblages, on comprend que l’examen de la céramique des niveaux concernés peine à préciser la datation de la mise en culture du secteur ; sans pouvoir tout à fait infirmer l’hypothèse du milieu du XV^e siècle issue des datations radiocarbones, il ne permet pas non plus de la conforter.

6.3. Le verre (JV)

109Le mobilier en verre constitue un ensemble très important à l’échelle du site : 979 fragments pour un NMI de 424. Si sa répartition spatiale n’apporte pas d’information nouvelle sur l’occupation, on peut quand même noter qu’il est présent de façon homogène sur les zones d’habitat principalement. Les éléments de décor collectés ainsi que les nombreux vestiges de vitrage attestent, quant à eux, d’un habitat relativement aisé. S’agissant des importations ou productions locales, l’homogénéisation rapide du répertoire de formes dès la fin du Haut-Empire nous empêche, en l’absence d’indices complémentaires, de préciser les lieux de production. Toutefois, l’étude morphologique met en évidence un répertoire de formes varié qui ne montre aucune caractéristique particulière pouvant au contraire attester de productions lointaines spécifiques. Il est donc plus vraisemblable d’envisager que la majeure partie des pièces soit issue d’ateliers régionaux pour les différentes périodes concernées. Les indications typologiques mentionnées correspondent aux études de référence (AR : Rütti 1991 ; Is. : Isings 1957 ; AV V : Bonnet-Borel 1997 ; Feyeux : Feyeux 2003 ; Foy : Foy dir. 1995).

6.3.1. L’Antiquité

6.3.1.1. Le verre moulé

110Plusieurs formes de vaisselle précoces, en verre moulé, sont présentes de manière résiduelle (fig. 147, n^os 1-5). On recense une coupe moulée rouge et opaque, à lèvre ronde et éversée datée de 30 av. à 70 ap. J.-C. (AR 6.2/AV V 13/Is. 2) et une coupe basse hémisphérique (ou plat) de la première moitié du I^er siècle ap. J.-C. en verre millefiori vert émeraude décoré de petits cercles filants jaunes. Les autres individus identifiés se rapportent à des variantes plus ou moins profondes de coupes côtelées (AR 2.1/Is. 3), très courantes dans tout l’Empire du milieu du I^er siècle av. J.-C. à la fin du I^er siècle ap. J.-C. ou dans les premières décennies du II^e siècle. Elles se déclinent en verre polychrome, de couleurs vives ou bleu-vert.

Fig. 147 - Verre moulé et formes à lèvre coupée.

111Enfin, bien que réalisée par soufflage, est associée à ce groupe de formes précoces une cruche réalisée dans un verre violet de couleur vive presque opaque moucheté de blanc. Elle se distingue du répertoire des formes soufflées, car ce type de production à part entière est assez peu répandu et connu presque exclusivement pour le I^er siècle ap. J.-C. On en connaît de rares exemplaires isolés sur les sites clermontois en contexte d’habitat privé et public.

6.3.1.2. Le verre soufflé à la volée

Formes à lèvre coupée

112Elles concernent une dizaine d’individus (fig. 147, n^os 6-11), parmi lesquels un fragment de fond de plat incolore dont la face externe est polie et reprise à froid, décorée par gravure de formes géométriques. Ce type de vaisselle (AR 55-58) a une datation large, entre le milieu du II^e et le V^e siècle. Il est connu dans l’ensemble de l’Empire mais dans des proportions assez faibles, principalement en contexte d’habitat. Trois autres fragments témoignent de la présence d’une coupe assez similaire, mais de meilleure facture. Le décor, plus simple, réside dans la double moulure circulaire finement gravée sur le fond (AR 60/Is. 96b). Un gobelet haut en verre incolore assez épais, généralement à pied annulaire, appartient également à ce registre. La lèvre en légère saillie externe est coupée en biais et polie. Sa panse est décorée sur toute sa hauteur de facettes réalisées en écailles par meulage. Ces productions se rapprochent beaucoup des précédentes par leur esthétique, mais ces gobelets sont de datation plus précoce, au cours de la deuxième moitié du I^er siècle (AR 45/Is. 21).

113Les gobelets les plus fréquents sur le site, de type AR 38, disposent d’une lèvre coupée et meulée, évasée sur une panse presque cylindrique voire carénée. Ils sont réalisés dans un verre d’une grande finesse, incolore, et sont généralement des gobelets apodes. Ils se distinguent par leurs décors standardisés de lignes gravées en séries sous le bord, à mi-hauteur de la panse ainsi que sur la carène, ou au dernier tiers de la panse. Une variante existe dans le corpus, munie d’un pied en couronne de petites dimensions (AR 39). L’ensemble de ces productions est très largement répandu sur de nombreux sites à partir de la première moitié du I^er siècle et jusqu’à la fin du III^e siècle.

Formes à lèvre ronde

114Elles concernent plusieurs fragments de plat incolore daté du I^er au milieu du III^e siècle (AR 16.1 ; fig. 148, n^os 1-10). Leurs caractéristiques les plus marquantes sont le bord à marli et lèvre tombante ainsi que les deux cercles concentriques gravés sur le fond. Connu mais peu fréquent dans la région, ce type de plat est très répandu dans le Nord-Est et la vallée du Rhône jusqu’en Narbonnaise, où il apparaît dans des contextes d’habitats assez aisés.

Fig. 148 - Formes à lèvre ronde.

115Sur le site, ces productions sont illustrées principalement par plusieurs contenants dédiés à la consommation des liquides. Les bols et gobelets à lèvre arrondie sont un peu moins fréquents que les formes à lèvre coupée et plus délicats à identifier de façon certaine. C’est au milieu du II^e siècle qu’ils connaissent un très fort développement. Cette catégorie de coupes, bols et gobelets, aux variantes multiples, est diffusée en grand nombre et très largement à travers tout l’Empire jusqu’à la fin du III^e siècle. Les bols cylindriques sont les plus représentés sous plusieurs variantes courantes mais se rapportant à la même forme AR 98 : à lèvre éversée ou en saillie interne, à panse lisse ou ornée de filets horizontaux rapportés, en verre incolore ou bleu. Deux exemplaires se distinguent, l’un dont le verre incolore est rehaussé sur le dessus de la lèvre par un fil de verre, bleu foncé à outre-mer, appliqué à chaud et fondu dans l’arrondi de la lèvre (deuxième quart du II^e au milieu du III^e siècle) et l’autre sensiblement plus précoce à panse tronconique et lèvre évasée.

116Un bol enfin retient l’attention par sa forme particulière plus proche du type AR 87 (lèvre arrondie rentrante, de forme presque globulaire) et ses dimensions réduites, dont la production semble, pour les exemplaires connus au nord-est de l’Empire, être plutôt datée du milieu du I^er siècle. Il est représenté sur le site par trois exemplaires en verre bleu et vert-jaune vif.

Les coupes et plats à lèvre ourlée

117Cette catégorie de vaisselle de service est représentée par plusieurs fragments de bords (fig. 148, n^os 11-13). Tout en considérant les variantes que ceux-ci présentent dans le traitement de la lèvre (plus ou moins tubulaire, ourlée vers l’intérieur ou l’extérieur, simple ou double), tous sont assimilables à deux coupes dont la diffusion est très large du I^er au III^e siècle, voire jusqu’au IV^e dans certains cas, les types AR 107 et AR 109.1. Ces coupes se répartissent selon deux variantes principales concernant la lèvre, mais aussi le profil de la panse plus cylindrique ou tronconique. Elles sont soufflées dans un matériau essentiellement de couleur naturelle et de qualité moyenne, disposant d’un pied annulaire bas et pincé. Les exemplaires peuvent être de dimensions très variées allant jusqu’à de petits plats.

Les pots

118Trois catégories de pots se distinguent (fig. 148, n^os 14 et 15 et fig. 149, n^o 1), différenciés par leur forme et leur taille, associés à un exemplaire de couvercle au moins (type Is. 66A ; fig. 149, n^o 2). Les pots à lèvre arrondie sont représentés dans ce corpus par trois exemplaires à panse renflée ou globulaire, sur pied et dont l’embouchure est resserrée (AR 104.1/Is. 94). La lèvre est éversée ou large, droite ou évasée. Certains disposent de décors linéaires monochromes, fils de verre appliqués à chaud sur l’épaule ou la panse. Ils sont très répandus dans des contextes d’habitat et de consommation pour leur fonction primaire de stockage et de conservation de denrées du second quart du II^e au III^e siècle. On compte aussi deux exemplaires de pots apodes de forme ovoïde (AR 117/Is. 67a) dont la lèvre aplatie et débordante est réalisée par un double repli, formant ainsi un petit bourrelet sur le pourtour de la face antérieure. Deux individus de ce groupe se distinguent par leur taille plus réduite et leur verre bleu outre-mer, plus fréquents dans le courant du II^e siècle.

Fig. 149 - Couvercle, cruches et flacons.

119Enfin, deux petits pots à onguent ont retenu notre attention : de forme tronconique, avec une lèvre très évasée et arrondie, réalisés dans un verre incolore à verdâtre (AR 113/Is. 68). Forme peu diffusée en Auvergne, bien que sa taille très réduite puisse expliquer cette absence relative du répertoire des formes locales, sa diffusion est connue du milieu du I^er siècle au milieu du III^e siècle.

120Les formes fermées sont un peu moins nombreuses et plus délicates à appréhender. En effet, les bords, anses ou pieds peuvent la plupart du temps appartenir à plusieurs formes de flacon ou de cruche. À l’inverse, une même forme se décline souvent en diverses variantes. Il apparaît donc difficile, dans le cas d’un mobilier très fragmentaire, de préciser les formes typologiques.

Les balsamaires

121Les balsamaires sont de petits flacons mal représentés sur le site (fig. 149, n^os 3-7). Trois exemplaires de couleur naturelle, à panse tronconique plus ou moins basse et fond plat, et col long généralement aminci vers le haut et étranglé à sa base, renvoient à un type particulièrement répandu dans les régions du centre de la Gaule, et plus largement dans tout l’Empire (AR 135 et AR 137/Is. 82b). Ces flacons sont issus de contextes datés de la fin du I^er au tout début du IV^e siècle. La même chronologie large est attribuable au balsamaire en goutte de taille réduite conservé dans notre ensemble (AR 138/Is. 27).

122Moins d’une dizaine de fragments renvoient à des balsamaires à panse très fine de couleur vive bleu outre-mer, ou à des formes basses à panse renflée et col court, bleu et incolore dont les productions sont datées de la fin du I^er siècle jusqu’au début du II^e siècle (AR 128-129/Is. 28a). Enfin, un fragment attribuable à la deuxième moitié du I^er siècle retient l’attention par sa relative absence des contextes régionaux. Cette forme (AR 124/Is. 10) dispose d’une panse incolore globulaire très fine décorée d’un fil de verre incolore rapporté en spirale sur toute la panse jusqu’au fond convexe.

Les cruches

123Sont placées dans cette catégorie toutes les formes de carafes et flacons de service, afin de les différencier des balsamaires et des bouteilles dont elles peuvent être proches, mais dont la fonction est différente (fig. 149, n^os 8-12). Les aryballes sont représentés sur le site par trois fragments de cols, de goulots et d’anses. Ces objets, soufflés dans un matériau bleu-vert, présentent un goulot court et étroit, dont la lèvre aplatie est débordante et repliée vers l’intérieur, qui surmonte en général une panse globulaire (AR. 151/Is. 61). Ils sont munis d’au moins une anse latérale delphiniforme. Ces contenants sont souvent des productions locales, mais la forme est très largement diffusée dans tout l’Empire du I^er au III^e siècle. Un fragment de goulot a été identifié comme une cruche, sans que l’on puisse être plus précis (variante des types AR 149 ou AR 150). Il en va de même pour huit exemplaires d’anses (fines et longues, en ruban, à deux ou trois cordons et à pinçures). Les matériaux et savoir-faire observés tendent à placer ces productions dans des contextes antiques entre le dernier quart du II^e et le III^e siècle mais pouvant s’étendre jusqu’au IV^e siècle.

6.3.1.3. Le verre soufflé dans un moule

124La technique est attestée principalement dans la fabrication de récipients de stockage ou de transport tels que les bouteilles à section prismatique, à fond marqué de cercles concentriques, ou les bouteilles à panse cannelée appelées « barillets » (fig. 150). Présentes en grand nombre à travers tout l’Empire dès le milieu du I^er siècle et jusqu’au III^e, voire IV^e siècle, les bouteilles se déclinent en plusieurs variantes sur le site : à panse cylindrique, de section carrée, rectangulaire mais aussi octogonale ou hexagonale. Outre la section de la panse, elles ont la particularité d’être munies d’une ou deux anses latérales larges, en ruban ou peignées. Considérés comme des vases de transport et de stockage, ces récipients avaient probablement des fonctions plus variées. En effet, si certains possèdent une panse en verre épais et un gabarit important adaptés au transport de marchandises, d’autres présentent une petite taille et une finesse qui semblent les destiner à une autre fonction, telle que celle de récipient de stockage voire de service dans quelques cas.

Fig. 150 - Bouteilles.

125Ce procédé de fabrication est employé pour deux autres formes moins fréquentes : un flacon présentant un décor de style « grappe de raisin » et une coupe hémisphérique ornée de multiples côtes verticales très fines et régulières (AR 30.1). Sa diffusion est assez limitée, semblable à celle des bols décorés de scènes de spectacle, et s’étend sur le I^er siècle.

6.3.2. L’Antiquité tardive

6.3.2.1. Les gobelets et bols à lèvre coupée

126Comme durant le Haut-Empire, les bords coupés que l’on trouve à partir de la fin du III^e siècle s’observent sur des formes basses et évasées (coupes Is. 96), basses à bord droit (bols) et hautes et étroites (gobelets Is. 106). Ces formes de gobelets hauts légèrement tronconiques sont illustrées par trois exemplaires sur le site tandis que les formes basses plus cylindriques sont attestées par deux occurrences datables plutôt de la fin du IV^e ou du début du V^e siècle pour les premières et plutôt centrées sur le IV^e siècle pour les secondes. L’ensemble compte aussi plusieurs bols bas cylindriques (AR 60/AR 64) dont la datation large s’étend du milieu du II^e au V^e siècle.

6.3.2.2. Les coupes à lèvre rebrûlée

127La vaisselle soufflée à la volée datée des IV^e-VI^e siècles est aussi constituée de formes ouvertes dont la lèvre est repassée à feu pour l’adoucir et l’arrondir. Cette évolution technique est facilement observable dans la qualité du matériau, filandreux et riche en bulles. Ces formes sont le plus souvent réalisées dans un verre incolore verdâtre ou jaunâtre, mais aussi vert foncé ou brun. Ces coupes se caractérisent par un profil tronconique, la finesse de la paroi et une lèvre en saillie interne. Les fonds sont généralement plats ou très légèrement concaves. Les formes les plus fines sont décorées le plus souvent par l’ajout d’un ou deux fils en émail blanc sous la lèvre à l’extérieur, attribuables au dernier quart du V^e jusqu’au début du VI^e siècle, de type Feyeux 81 ou Foy 21.

128D’autres formes plus hautes de pots ou gobelets sont décorées par l’ajout d’un fil de verre en spirale sur le col, dont un seul exemplaire a été identifié.

6.3.2.3. Les carafes

129Une anse fine en cordon simple a été attribuée à une carafe dont les caractéristiques physiques et techniques correspondent aux mêmes productions que les vases à boire précédents. En revanche, là encore, ce fragment isolé ne permet pas d’être plus précis quant à son identification et sa forme typologique.

6.3.3. Le Moyen Âge

130L’occupation médiévale sur le site présente un important hiatus chronologique. Le seul témoin plus tardif collecté est un fragment de tige de verre à pied. Il s’agit d’une forme soufflée à la volée dans un verre incolore jaunâtre, dont la forme générale n’a pas été restituée (Foy 2001, type B3). Toutefois, la présence de ces verres est incontestable dans le vaisselier quotidien à partir du XI^e et jusqu’au début du XIV^e siècle.

6.4. Les monnaies (FD)

131Les investigations archéologiques sur le site de l’ancienne Gare routière ont livré un dépôt monétaire de bronzes du Haut-Empire et cinquante monnaies isolées.

6.4.1. Le trésor monétaire

132Cet ensemble a été découvert puis recueilli en deux temps. Les premières monnaies, situées au niveau actuel de la nappe phréatique, ont été prélevées le soir même de leur découverte pour éviter des pertes occasionnées par la remontée systématique des eaux au cours de la nuit. Le lendemain matin, la totalité du dépôt était mis au jour (fig. 151) et un relevé photogrammétrique réalisé. Chaque monnaie était ensuite prélevée, numérotée et positionnée sur ce relevé.

Fig. 151 - Le trésor monétaire.

133Au total, 151 monnaies ont été collectées (annexe 2) : 35 monnaies en surface le 4 juin 2014, et 116 monnaies le 5 juin.

134Il s’agit de monnaies d’orichalque (alliage de cuivre et de zinc) : 150 sesterces et un dupondius, tous émis dans l’atelier de Rome. La monnaie la plus ancienne est au nom de Vespasien (69-79) et la plus récente de Philippe I (244-249) pour son épouse Otacilia Severa ([inv. 151]¹⁴ ; tab. 9). L’ensemble a une masse après nettoyage de 3 563 g (soit 132 onces romaines, 3 564 g¹⁵) et une valeur équivalente à 602 asses ou encore 1,5 aureus d’or.

135Il a été caché sur un secteur occupé jadis par l’aile d’une auberge qui venait à peine d’être désertée (G6 ; voir supra, chap. 3.2.3).

136Le relevé en plan montre une séparation assez nette entre deux lots (fig. 152). Ce hiatus pourrait être interprété comme un effet taphonomique ou créé par la fouille si ce n’est que l’épicentre de chacun de ces deux ensembles présente une concentration plus élevée de monnaies en « piles ». Il s’agit donc vraisemblablement de deux lots placés côte à côte dont les contenants n’ont laissé aucun vestige. Ceux-ci n’étaient probablement ni en cuir (bourse) ni en bois (coffret) puisque des centaines d’objets dans ces matériaux ont été retrouvés à quelques mètres, très bien conservés dans ce milieu humide. Peut-être s’agissait-il de « boudins » réalisés dans des boyaux.

Fig. 152 - Relevé du dépôt monétaire et mise en évidence des deux ensembles qui le composent.

137La structure de ce trésor reflète à la fois les rythmes de la production de l’atelier romain et l’usage d’un stock de monnaies du II^e siècle qui circulent encore en Gaule au III^e siècle. Dans ce dépôt, le degré d’usure (frai) semble respecter la chronologie des émissions : les monnaies les plus anciennes, jusqu’à Hadrien, sont les plus usées, la proportion de monnaies moins usées augmente à partir du règne d’Antonin, puis encore sous Marc Aurèle, enfin les monnaies les plus récentes, de Sévère Alexandre jusqu’à Philippe I, sont les moins usées, presque neuves. Cela nous renseigne sur les décennies de prélèvement des monnaies, vers 240-250, mais pas nécessairement sur la date de leur cache qui a pu se produire bien des années après la collecte. Le contexte archéologique de la découverte nous fournit un cadre : la couche s’est constituée après la destruction des édifices à proximité et avant l’abandon définitif de la zone à la suite d’inondations répétées. Le mobilier en contexte date ces événements de la fin du III^e siècle, mais le site n’a livré aucun numéraire des années 260-270, pourtant le plus représenté au bilan des fouilles dans Augustonemetum¹⁶.

138Une autre opération effectuée rue Fontgiève (Martinez dir. 2021) a livré des mobiliers dont les analyses assurent que le secteur a été investi dans le deuxième quart du II^e siècle puis abandonné au milieu du III^e, là aussi consécutivement à la montée des eaux. L’étude des monnaies de ce secteur montre qu’une proportion importante des bronzes découverts (76 %) est constituée d’as et de dupondii, donc encore en circulation à l’époque de la cache du dépôt.

139De ces observations on peut poser que :

• ce dépôt peut avoir été assemblé à partir de ponctions dans la circulation monétaire du quartier, et non pas ailleurs « en ville », puis caché ici ;

• que le site est – au moins économiquement – abandonné dans les années 260.

140La date de la cache du dépôt est donc très probablement à placer dans cette décennie.

141Si son propriétaire ne l’a pas récupéré, ce n’est sans doute pas en raison de son décès, comme cela peut se produire en période de troubles, mais plutôt parce qu’une montée des eaux – certainement soudaine et rapide – l’en a empêché par la destruction des repères, ou son inaccessibilité.

142En termes de comparaison, le tableau 10 montre que le trésor de sesterces le plus proche, découvert au lieu-dit Puy-Dieu (Couzeix, Haute-Vienne, à 240 km de Clermont-Ferrand ; Desnier 1985), a une structure absolument similaire. Ils sont semblables au point que les deux dépôts se terminent par une monnaie identique au nom d’Otacilia Severa – RIC IV-3 (Philippe I) 203^e – non liée par les coins et, pour l’anecdote, que deux monnaies au nom de Sévère Alexandre (n^o 763 de Puy-Dieu et [inv. 145] de Clermont-Ferrand) sont liées par les droits.

6.4.2. Les monnaies isolées

143Cinquante items ont été trouvés isolés dans les différents niveaux de la fouille, avec des états de conservation très variables. Seules 31 monnaies sont bien ou assez bien identifiables. Si on ne prend en considération que les dates d’émission des monnaies identifiées, l’arc chronologique couvre près de cinq siècles. Mais, de fait, l’occupation du site est bien moins étendue¹⁷.

144Ainsi, par exemple, la monnaie la plus ancienne est un potin du I^er siècle av. J.C. (inv. 152), mais il a été trouvé en position secondaire dans un niveau du III^e siècle ap. J.C. (US 10969).

6.4.2.1. Phase 1a (fin du I^er siècle / début du II^e siècle)

145Cette phase n’a pas livré de monnaie.

6.4.2.2. Phase 1b (fin du II^e siècle)

146Cette phase n’a livré que deux monnaies en mauvais état de conservation – une d’Hadrien ? (inv. 188) et une indéterminée (inv. 198) –, pour lesquelles on ne peut faire de commentaire particulier.

6.4.2.3. Phase 2a (début du III^e siècle)

147Sur les douze monnaies recueillies, dix sont identifiées : Domitien (1) ; Hadrien (3) ; Antonin (1) et Marc Aurèle (5). Huit sont des petits et moyens bronzes (quadrans, as et dupondii) pour quatre sesterces. L’arc chronologique couvre près de 80 ans avec des monnaies à des taux d’usure variés.

148L’US 12684 a livré quatre monnaies : trois pour Hadrien (1 as, inv. 156 et 2 sesterces, inv. 157 et 159) associées à un as de Marc Aurèle (inv. 168), la moins usée des quatre.

149L’US 13535 a livré deux monnaies frappées pour Marc Aurèle, en bon état de fraîcheur et sans patine : un sesterce au nom de Lucille (inv. 173) et un dupondius pour Commode césar (inv. 174).

150L’US 12720 : deux as assez usés, l’un pour Antonin le Pieux (inv. 163) et l’autre de Marc Aurèle pour Lucille (inv. 171).

151L’US 12728 : deux as usés de la fin du I^er / début du II^e siècle (inv. 154 et 186).

152Un quadrans d’Hadrien (inv. 189) et un sesterce de Marc Aurèle (inv. 167) complètent le lot.

153Au final, 6 des 12 monnaies sont émises entre 145 et 178, ce qui cadre bien avec le phasage des contextes à l’extrême fin du II^e siècle.

6.4.2.4. Phase 2b (deuxième moitié du III^e siècle)

154Sur les 20 items trouvés, on dénombre 14 monnaies datables : Flaviens (3) ; Hadrien (2) ; Antonin (3) ; Marc Aurèle (3) ; dynastie antonine (2) ; Caracalla (1). L’arc chronologique couvre près de 120 ans et, là aussi, les monnaies présentent des taux d’usure variés. L’exemplaire le plus récent, et qui présente le meilleur état de surface dans ce lot, est le sesterce au nom de Caracalla (inv. 177) émis en 196-197.

155De cette phase, il faut surtout retenir les 17 monnaies issues d’un même niveau correspondant au dépotoir de la salle F2 (US 12482 / 12488).

156Leur état de surface indique qu’elles ont toutes été conservées en milieu humide : certaines (inv. 158, 160, 184, 191) sont exemptes de patine, beaucoup (inv. 155, 165, 172, 180, etc.) sont couvertes du dépôt brun caractéristique du battement de la nappe phréatique, aucune n’est recouverte par une patine verte (fig. 153).

Fig. 153 - État de surface de quelques monnaies.

157D’après la caractérisation de ce niveau et de son contexte, ces monnaies se trouvaient parmi des matériaux issus de travaux de démolition (voir supra, chap. 3.1.2). Comme ce lot n’est pas en situation primaire et qu’il ne représente qu’un pourcentage inconnu du lot initial, ces monnaies ne peuvent caractériser qu’en partie la (ou les) structure(s) détruit(e)s d’où elles proviennent et certainement pas très éloignée(s).

158Ce lot, constitué de 16 monnaies identifiées – douze moyens bronzes (as et dupondii) pour quatre sesterces, et huit monnaies postérieures à 150 –, a un profil plutôt fin II^e / début du III^e siècle. Cette proposition n’est pas contredite par les observations archéologiques : le contexte est de la deuxième moitié du III^e siècle¹⁸, mais les éléments composant l’US 12482 / 12488 sont des matériaux (bois de construction, outils, monnaies, etc.) plus anciens de quelques décennies.

6.4.2.5. Phase 3a (fin du III^e siècle)

159Les trois niveaux de cette phase (US 11721, 11713 et 10941 / 10969) ont livré six monnaies, mais seulement quatre assez identifiables : un potin gaulois, un as (de Tibère ?), un sesterce d’Antonin et un as du II^e siècle.

160Le potin (inv. 152), avec plus de trois siècles d’écart entre sa date d’émission et la date de son contexte de découverte, est très certainement en position secondaire.

161L’US 11721 donne l’impression d’un assemblage hétéroclite de pièces usées en position secondaire – trois des six sont frustes –, et non d’un lot de monnaies en circulation à la fin du III^e siècle. Il est étonnant que ces niveaux n’aient livré aucun antoninien, officiel ou non, des années 260-275, alors qu’ils sont bien représentés sur les sites clermontois occupés durant cette période (Dartevelle dir. 2022 : tome I, 127-153). On imagine mal une lacune de circulation des antoniniens localisée à ce seul secteur de la ville.

6.4.2.6. Phase 4 (IV^e siècle)

162Quatre US différentes, qui correspondent à des niveaux de destruction, ont livré chacune une monnaie : un sesterce du Haut-Empire (inv. 187) et trois nummi du IV^e siècle, dont un émis en 378-388 (inv. 194).

163C’est très peu pour un site qui aurait eu une activité économique au IV^e siècle : les monnaies émises entre 294 et 402 (89 m.) représentent 13,65 % des découvertes réalisées à Augustonemetum – hors Zac de Trémonteix (Dartevelle dir. 2022 : tome I, 134 et 148). Pour expliquer cette lacune, on peut supposer soit que les niveaux de cette phase ont été déplacés lors d’aménagements plus récents ou bien qu’à cette période il n’y avait sur cet emplacement aucune activité économique significative, hypothèse que nous privilégions.

6.4.2.7. Phase 5 (IV^e siècle)

164Pas de monnaie.

6.4.2.8. Phase 6 (bas Moyen Âge et époque moderne)

165Deux niveaux de cette phase ont livré deux monnaies antiques : un as indéterminé du I^er siècle (inv. 179) et un nummus de Maxime de la fin du IV^e siècle (inv. 193). De toute évidence du matériel en position secondaire.

6.4.3. Les dénominations

166Le tableau 11 montre qu’il s’agit de « petite monnaie », aucune espèce à fort pouvoir libératoire – denier ni même antoninien – n’est présente. À titre d’estimation, l’ensemble des 40 monnaies du Haut-Empire¹⁹ retrouvées équivaut à peine à la valeur de 5 deniers.

167Les moyens bronzes (MB) et les sesterces retrouvés datent surtout du II^e siècle (32 ex. sur 40) avec deux fois plus de MB (21 ex.) que de sesterces (11 ex.).

168La présence de nombreux MB suggère une datation haute des contextes, si on admet que leur proportion diminue dans la circulation monétaire en Gaule à partir de la seconde moitié du II^e siècle, au profit des sesterces²⁰. L’absence de denier irait dans le sens d’une datation basse puisque cette dénomination cesse d’être frappée (sauf occasionnellement) en 240 et disparaît progressivement de la circulation. Mais cette absence peut avoir d’autres causes, on peut imaginer que sur la zone fouillée l’usage de petites dénominations suffisait pour les échanges.

169L’absence d’antoninien est un marqueur qui nous semble également fort. Ces monnaies – officielles et leurs imitations – sont abondantes sur tous les sites en Gaule (même d’habitat) et leur absence ici doit vraiment marquer une occupation avec peu d’échanges économiques après 260 (voir supra, chap. 6.4.2.5, phase 3a).

6.4.4. En guise de conclusion

170Le seul examen des monnaies isolées suggère deux moments d’occupation : l’un au Haut-Empire, avec 40 monnaies essentiellement du II^e siècle ayant pu circuler jusqu’au milieu du III^e siècle (à cette période s’ajoute le dépôt monétaire) ; l’autre dans l’Antiquité tardive avec 5 monnaies.

171Plus remarquable est l’absence des monnaies antiques émises au I^er siècle, puis entre ca. 260 et ca. 380. Ces périodes sont parmi celles qui livrent le plus de monnaies sur les sites occupés en Gaule du I^er jusqu’au IV^e siècle, et c’est le cas à Augustonemetum. Si le site de l’ancienne Gare routière avait eu une vie économique marquée durant ces périodes il aurait livré des monnaies des abondantes émissions de bronze d’Auguste jusqu’à Claude, des antoniniens officiels des grandes émissions inflationnistes de Gallien et Claude II (265-270), des imitations radiées en usage dans les trois décennies suivantes, puis des émissions officielles et de leur cortège d’imitations du milieu du IV^e siècle (types Gloria Exercitus, Victoriae Dd Auggq Nn, Fel Temp Reparatio, etc.).

6.5. La dendrochronologie (FB)

172Un total de 298 bois, toutes essences confondues, a fait l’objet de mesures de cernes et 152 ont été datés, soit presque la moitié. Les bois non datés sont principalement issus de sapins et possèdent pour la plupart un nombre de cernes insuffisant (égal ou inférieur à 30 cernes). Ces mêmes raisons sont valables pour les bois de chêne non datés, en quantité moins importante.

6.5.1. Le chêne

173Sur les 114 bois de chêne mesurés, un peu plus de la moitié a été datée, soit 63 individus.

174La moyenne pour le chêne couvre une période comprise entre 206 av. J.-C. et 263 ap. J.-C. (fig. 154). Cette longue moyenne s’explique en partie par la présence d’un bois sans doute remployé (Bois 768²¹), daté avant notre ère et comportant une grande quantité de cernes (159). Hormis cet individu, aucun autre bois daté n’est isolé chronologiquement. Peu de bois datés avaient leur aubier conservé (12 bois), et aucun son dernier cerne de croissance, même si des estimations sont parfois possibles à partir des aubiers conservés.

Fig. 154 - Bloc diagramme des bois de chêne datés.

175Les résultats de synchronisation de la moyenne du chêne sur les références régionales et locales sont de très bonne qualité, avec des valeurs t de Student²² comprises entre 17,4 et 8,13 pour les six meilleurs résultats retenus (tab. 12), les plus élevées étant l’Auvergne bien sûr et la Bourgogne.

Tab. 12 - Résultats des différents calculs statistiques à partir des références publiées ou en cours de construction dans les laboratoires et bureaux d’études pour la moyenne du chêne du site de l’ancienne Gare routière.

6.5.2. Les autres feuillus

176Parmi les autres essences de feuillus, 11 bois sur 19 mesurés ont pu été datés (fig. 155). Ces datations reposent sur les référentiels du chêne, en premier lieu à partir de la moyenne du site lui-même, mais également à l’échelle locale et régionale. Les essences concernées sont le hêtre, l’orme et le frêne.

Fig. 155 - Bloc diagramme des autres feuillus datés.

177Tous les bois sont datés de la fin du II^e et du début du III^e siècle ap. J.-C. Ces essences sont pour la plupart destinées à des outils, du mobilier ou encore des objets tournés. Cependant, compte tenu de leurs dimensions et de leur aspect, certains bois étaient clairement utilisés pour la construction.

6.5.3. Le sapin

178Sur les 165 bois de sapin mesurés, moins de la moitié a été datée, soit 78 individus.

179La moyenne pour le sapin couvre une période moins longue que celle du chêne, entre 106 av. J.-C. et 231 ap. J.-C. (fig. 156). Le manque de références pour le sapin de cette période et la faible quantité de cernes sur la plupart des bois a largement entravé l’étude dendrochronologique. L’aubier du sapin n’est pas visible, comme c’est le cas pour le chêne, et il est donc impossible d’estimer une date d’abattage. Deux bois conservaient néanmoins leur cambium, ce qui a permis de dater précisément la date d’abattage des sapins.

Fig. 156 - Bloc diagramme des bois de sapin datés.

180Les comparaisons de la moyenne avec les quelques références dont nous disposons sont, sur un plan statistique et graphique, très bonnes. Même si les référentiels disponibles sont moins nombreux que pour le chêne, les valeurs t de Student sont nettement significatives (tab. 13). À l’inverse de ce dernier, nous avons inclus les chronologies des sites, uniquement en raison d’un manque de référentiels régionaux.

Tab. 13 - Résultats des différents calculs statistiques à partir des références publiées ou en cours de construction dans les laboratoires et bureaux d’études pour la moyenne du sapin du site de l’ancienne Gare routière.

6.5.4. Mise en perspective des résultats

181Les informations chronologiques les plus fiables pour la première phase d’occupation du site (1a) correspondent aux seuils de la porte nord du couloir B8, utilisant un chêne abattu après l’année 111 ap. J.-C., et de la salle B3/B4, avec une pièce provenant d’un sapin abattu après 89.

182Le réseau hydraulique de la phase 1b (voir supra, chap. 2.1.3. ; fig. 25) comporte majoritairement des bois – en sapin et en chêne – qui ne sont pas datés au-delà de la charnière des I^er et II^e siècles. Un tronçon en chêne de la canalisation 2549 a néanmoins été daté de 169 ap. J.-C. Les derniers cernes ne sont pas conservés, mais la dendrochronologie fournit un terminus post quem cohérent avec les informations issues de l’étude des autres mobiliers.

183Cette chronologie est par ailleurs proche de celle obtenue, pour la phase 2a, à partir des mesures réalisées sur les deux canalisations traversant la cour B22. Ces dernières ont été façonnées à partir de sapins abattus après 177 et 178.

184Pour la phase 2b, les données les plus précises proviennent de l’analyse des deux cuves monoxyles de l’espace F2 ([Bois 734] et [Bois 735]). Elles ont été confectionnées à partir d’un même chêne, dont la date d’abattage maximale a pu être estimée à l’automne ou à l’hiver 258-259 grâce à la conservation de l’aubier.

185Enfin, le bois le plus récent est un seuil en chêne aménagé entre les espaces B14 et B26 du portique construit durant la phase 3a autour de la cour centrale du bâtiment B. Son dernier cerne est daté de 263 et sa date d’abattage a pu être estimée entre les années 264 et 292, là encore grâce à son aubier.

186Comme précédemment avec le site de la rue Fontgiève (Martinez dir. 2021 : 122-127), l’étude des bois de l’ancienne Gare routière a permis de compléter la chronologie du chêne et du sapin en Auvergne. Dans le cas du chêne, la fourchette chronologique a même pu être étendue au-delà du milieu du III^e siècle ap. J.-C., encore trop peu couvert par les référentiels des autres régions.

6.6. Apport des différents marqueurs pour le phasage du site (JO)

187L’argumentaire chronologique a été présenté avec la description des vestiges (voir supra, chap. 2 à 5) et il est inutile d’en reprendre le détail. Nous insisterons simplement, en conclusion, sur l’apport et la complémentarité des différentes analyses pour l’établissement du phasage général (fig. 9).

188En ce qui concerne les premiers temps de l’occupation (phase 1a), la chronologie du bâtiment A repose presque exclusivement sur les données livrées par le mobilier céramique (services flaviens), même si quelques rares fragments de verre fournissent ponctuellement quelques informations pour dater son occupation du courant du II^e siècle. La fouille des niveaux de construction du bâtiment B a également permis de recueillir des céramiques à parois fines engobées de la charnière des I^er et II^e siècles, tandis que deux seuils en bois (B3/B4 et B8) proviennent d’arbres abattus après les années 89 et 111. C’est également la dendrochronologie qui permet de dater les réaménagements de la phase 1b de la fin du II^e siècle, qu’il s’agisse du réseau hydraulique mis en place autour du bâtiment A (arbre abattu après 169) ou du conduit découvert dans la salle B20 (derniers cernes datés de 173, 185 et 191). La découverte de céramique métallescente, de sigillée de la phase 7 de Lezoux et d’un as d’Hadrien confirment cette proposition chronologique.

189La dendrochronologie livre des données comparables pour les conduits mis en place dans la cour B22 durant la phase 2a (arbres abattus après 177 et 178). La céramique métallescente, qui apparaît à partir des années 170, se généralise dans les niveaux associés à cette période. Elle cohabite avec des productions qui s’échelonnent entre la fin du II^e siècle et le courant du III^e. Au cours de ce dernier, la céramique fine ne permet pas d’atteindre un degré de précision aussi satisfaisant que pour les siècles précédents. Ainsi, la phase 2b est datée de la deuxième moitié du III^e siècle grâce à l’analyse du dépôt monétaire de l’espace G8, sans doute enfoui au cours de la décennie 260, et celle des cuves de la salle F2, qui proviennent d’un chêne abattu durant l’automne ou l’hiver 258-259. Aucun mobilier postérieur au III^e siècle, hormis un tesson de sigillée de l’Argonne, n’a d’ailleurs été découvert en rive droite du cours d’eau, abandonnée à l’issue de la phase 2b.

190Le réaménagement des parcelles septentrionales (phase 3a) semble concomitant ou de peu postérieur à l’abandon du tiers sud de l’emprise. La céramique métallescente est toujours plus abondante dans les niveaux associés à la reconstruction de l’édifice B, au sein duquel un seuil (entre B14 et B26) a été débité dans un chêne abattu entre 264 et 292. Il s’agit néanmoins du bois le plus récent parmi les exemplaires datés. Les données sont donc moins précises pour les périodes suivantes. Ainsi, la phase 3b est attribuée au IV^e siècle, sans plus de précisions, grâce à la découverte de tessons de sigillée tardive.

191Ce même mobilier a été recueilli dans les niveaux des phases 4 – avec des fragments de pots à lèvre en bandeau et de céramique à engobe brossé ou estampée – et 5 – avec un tesson d’amphore africaine. La seule précision chronologique qu’il est possible d’avancer concerne la fin de l’occupation de l’édifice I, postérieure aux années 378-388 d’après un nummus mis au jour dans un niveau de destruction.

192La chronologie de la phase 6 s’appuie, elle aussi, sur différentes sources. Il s’agit en premier lieu des analyses ¹⁴C réalisées sur cinq piquets en bois et sur cinq échantillons provenant du comblement des tranchées. Les résultats sont remarquablement homogènes, à l’exception d’une date probablement erronée, et montrent que le terrain a été mis en culture au milieu du XV^e siècle. La céramique ne contredit pas cette hypothèse, puisque l’essentiel du lot correspond à des productions des XIV^e-XVI^e siècles, les rares tessons du XIII^e siècle étant sans doute résiduels. On signalera enfin la découverte, dans le comblement de la fosse aménagée de la parcelle III, d’un fragment de semelle en cuir dont la technique d’assemblage apparaît au début du XVI^e siècle. Les lieux semblent donc encore fréquentés durant l’époque moderne, comme l’attestent également quelques rares tessons de céramique de cette période au sein de la parcelle I.