Chapitre 3. Le développement du quartier (phase 2 : fin du iie siècle - fin du iiie siècle)
p. 67-94
Texte intégral
1La deuxième phase correspond au véritable essor du quartier, qui intervient à partir de la fin du IIe siècle, à une époque où Augustonemetum semble connaître sa pleine croissance. Le développement de ce secteur situé en marge du cœur de l’agglomération passe par d’importantes opérations d’assainissement. Sur le site de l’ancienne Gare routière, le cours d’eau est canalisé, ce qui permet l’investissement de ses abords immédiats, l’extension de l’auberge et le lotissement de nouveaux terrains.
2Comme la période précédente, la phase 2 a été subdivisée en deux états correspondant, pour le premier (2a), à la mise en place des nouvelles constructions à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle (fig. 56) et, pour le second (2b), à divers réaménagements réalisés dans la deuxième moitié du IIIe siècle (fig. 57).
Fig. 56 - Plan des vestiges de la phase 2a sur fond cadastral.

Fig. 57 - Plan des vestiges de la phase 2b sur fond cadastral.

3.1. Gestion et exploitation du cours d’eau
3Dès la fin du IIe siècle, des épisodes de crue commencent à perturber la vie du quartier. Des niveaux d’inondation ont ainsi été mis en évidence contre le mur sud du bâtiment A et en partie méridionale de l’auberge B, située dans un secteur particulièrement vulnérable. Pour faire face à ces risques, le cours d’eau est canalisé. Ces travaux autorisent dans le même temps, à travers l’utilisation de l’énergie hydraulique, le développement d’un artisanat principalement tourné vers la minoterie.
3.1.1. La canalisation du cours d’eau
4La gestion de la contrainte hydrique s’exprime en premier lieu au travers de la canalisation du cours d’eau en partie est de l’emprise. Dans le prolongement méridional de la parcelle occupée par l’auberge B, le tracé du chenal est en effet rectifié et ses eaux dirigées au sein d’un ouvrage maçonné d’orientation ouest-sud-ouest – est-nord-est (fig. 58, 4, coupe 3). Il est constitué de deux murs en pierres volcaniques liées au mortier beige rosé et à l’argile en partie inférieure, d’une largeur de 0,52 à 0,60 m au nord et de 0,54 à 0,65 m au sud. Des moellons calibrés sont utilisés en parement, à l’intérieur d’un conduit dont la largeur atteint 1,10 m, et retiennent des blocs plus grossiers en blocage. Compte tenu du niveau élevé de la nappe phréatique, le canal n’a été que ponctuellement fouillé et sa hauteur maximale observée s’élève à 0,55 m. Son tracé est néanmoins restituable dans ses grandes lignes. Le mur nord, dégagé en plan immédiatement au sud de l’aile méridionale de l’auberge et recoupé dans un sondage profond plus à l’est, est rectiligne. Au sud, le mur bajoyer se confond en partie orientale avec les limites nord des espaces G2 et G4. L’ensemble était peut-être voûté dans la mesure où une grande quantité de gravats a été découverte dans ce secteur, notamment à l’intérieur du conduit. Il paraît en outre avoir été doublé au sud par ce qui s’apparente à un système d’évacuation, dont la limite méridionale est formée par une maçonnerie large de 0,30 m.
Fig. 58 - Plan détaillé du bâtiment G.

5L’extrémité ouest du canal est reliée à l’auberge B par une maçonnerie prolongeant la clôture occidentale de cette dernière. L’angle qu’ils forment est occupé par une base monolithique en grès de 0,58 sur 0,64 m, dont le lit d’attente est recouvert de mortier beige rosé. Un second bloc devait initialement lui faire face pour constituer l’amorce de la partie canalisée du chenal. Immédiatement à l’ouest, les berges de ce dernier étaient renforcées par un dispositif en bois qui n’a été que très partiellement reconnu (fig. 59). Une planche en sapin de 5 cm d’épaisseur, retenue par un piquet et longue d’au moins 0,70 m, est en effet fichée verticalement dans l’axe de la face sud du bloc de grès. Elle porte à son contact une feuillure qui matérialise sans doute la présence d’une vanne permettant de déverser dans le chenal les eaux issues de deux conduits d’évacuation en bois dégagés à l’arrière. Des piquets complètent l’ensemble, mais il est, en l’état, difficile de préciser leur fonction.
Fig. 59 - Conduits d’évacuation et renfort de la berge du chenal, à l’extrémité ouest du canal maçonné.

6Le canal de l’ancienne Gare routière doit être rapproché de celui mis en évidence en 1985-1986 de l’autre côté de la rue Léo-Lagrange, à l’emplacement de l’ancienne confiturerie Humbert (Sauget, Claval 1989 : 36-37). Partiellement voûté, sa largeur est légèrement supérieure – 1,50 m (dimensions internes d’après la coupe présentée dans Savy 1986) pour une hauteur de 2,20 m – et il est situé dans son prolongement exact (fig. 60). Il s’agit donc d’une construction de grande ampleur, traversant plusieurs propriétés et probablement mise en place par les autorités publiques pour drainer la zone.
Fig. 60 - Restitution du tracé du bras de la Tiretaine canalisé et coupe au niveau du site de l’ancienne confiturerie Humbert.

7Les fouilles de 1985-1986 avaient conduit ses auteurs à dater la construction du canal du Ier siècle et son abandon du début du IIIe siècle (Sauget, Claval 1989 : 37). Ils en faisaient en effet un préalable au lotissement du quartier, mais cette chronologie doit aujourd’hui être révisée à la lumière des découvertes réalisées au niveau de l’ancienne Gare routière. Si sa mise en œuvre semble bien procéder d’une volonté d’assainir les terrains environnants pour en permettre l’investissement, elle intervient en réalité dans une deuxième phase d’expansion de la ville en direction du sud puisque les maçonneries sont adossées à celles de l’auberge. Le mobilier fournit quelques données complémentaires, mais il est uniquement issu de la fouille de l’extrémité occidentale du canal. La couche de sable dans laquelle est installée la planche artificialisant la berge du cours d’eau – elle-même façonnée dans un sapin abattu après 194 – a livré du mobilier céramique des années 170-280 ainsi que deux monnaies de Marc Aurèle, respectivement frappées entre 164 et 168 et en 178. Le mobilier permettant de dater la construction du corps de bâtiment G, concomitante de celle du canal, va également dans le sens d’une chronologie qui ne peut être antérieure à la fin du IIe siècle.
8Malgré ces travaux d’envergure, le cours d’eau continue à sortir périodiquement de son lit. En rive droite, des tranchées de drainage sont creusées pour remédier ponctuellement à ce problème, mais l’atterrissement progressif du chenal, en partie lié à une hausse sensible du niveau de la nappe phréatique, semble achevé durant la deuxième moitié du IIIe siècle.
9Plus à l’est, les abords du canal maçonné sont marqués par le dépôt de multiples couches sableuses, ce qui signifie que de nouvelles crues ont eu lieu assez rapidement. Même s’il est difficile de dater précisément ces événements, faute de mobilier, l’ouvrage paraît détruit à la fin du IIIe siècle.
3.1.2. Développement d’un artisanat en lien avec le cours d’eau : le bâtiment F
10La mise en place du bâtiment F est directement liée au cours d’eau et à l’exploitation de la ressource qu’il représentait (fig. 61). C’est ce qu’indiquent à la fois son orientation, calquée sur celle du chenal, et la nature des activités qui y étaient pratiquées.
Fig. 61 - Plan détaillé du bâtiment F.

11Cet ensemble se compose initialement (phase 2a) de quatre espaces observant la même orientation – NL 17° E –, mais dont le lien n’a pas été clairement mis en évidence. Au sud, les salles F3 et F4, situées en limite de l’emprise de la fouille, n’ont pas pu être explorées. Les murs qui les délimitent sont construits en pierres volcaniques liées au mortier gris violacé et leurs parements internes sont, au niveau de la pièce F3, couverts par un enduit blanc. La partie nord de l’édifice est formée de maçonneries de pierres volcaniques liées au mortier blanc-gris à blanc rosé, dont les joints ont par endroits été regarnis au mortier blanc (mur nord). Les chaînages d’angle sont pour leur part constitués d’éléments taillés en arkose et en trachyandésite. Entre les espaces F1 et F2, la cloison était bâtie en matériaux légers puisqu’une sablière basse en bois a été découverte en bordure orientale de la construction. À l’est, la pièce F1 couvre 2,65 m d’est en ouest pour une largeur de 2,40 m du nord au sud. Elle est dotée de plusieurs sols successifs – en terre battue ou en mortier – et de deux foyers adossés à ses murs est et sud. Leur sole, seule conservée, est formée de fragments de terre cuite architecturale liés au mortier gris. L’espace voisin, à l’est, est bien plus vaste. Sa largeur atteint 8,90 m d’est en ouest, mais aucune couche liée à l’occupation de cette période n’a été détectée. L’unique aménagement contemporain est situé au niveau de la limite orientale de la pièce. Il se présente sous la forme d’une petite canalisation en tuiles dont nous ignorons la fonction au sein du bâtiment.
12Durant la deuxième moitié du IIIe siècle (phase 2b), l’édifice connaît des modifications qui ont laissé plus de traces et qui, de ce fait, permettent de mieux appréhender sa fonction. Deux nouveaux espaces au moins, délimités par des maçonneries de même facture que ceux de la période précédente, sont créés plus au sud (F5 et F6), mais leur destination est inconnue. En revanche, les vestiges découverts au sein des espaces F1 et F2 indiquent assez clairement les activités qui y étaient pratiquées.
13Le mur séparant les deux salles est abattu et la limite occidentale de F1 est repoussée de 1,20 m vers l’ouest. De ce côté, l’arase de l’ancienne façade sert d’appui à un bloc de basalte rectangulaire (L : 0,54 m ; l : 0,48 m), partiellement enterré et évidé au centre (fig. 62), qui constitue la base d’un pétrin mécanique, dont la hauteur totale peut être restituée sur 0,66 m grâce à plusieurs fragments mis au jour en position secondaire. Si quelques rares exemplaires ont été découverts hors d’Italie (Didierjean, Lunias, Paulian 1978 : 458-459 : Dardaine et al. 1979 : 537-538 ; Brun, Borréani 1998 : 317, note 46 ; Salido Domínguez, Bustamente Álvarez 2014 : 51-52), les principaux éléments de comparaison permettant de décrire son fonctionnement sont issus de Pompéi et d’Herculanum (Monteix 2009 : 331-333 ; 2010 : 145-147). La partie pleine du bloc, soit environ 0,40 m, était enterrée tandis que la cuve, d’un diamètre interne de 0,41 m, émergeait du sol en terre battue de la pièce. La pâte y était mélangée à l’aide de différents éléments fixés, d’une part, sur ses parois et, d’autre part — dans le cas clermontois —, sur l’axe vertical qui était encastré dans la crapaudine centrale1. Les premiers, probablement en bois, étaient fichés dans de petits orifices circulaires de 2 cm de diamètre. Les seconds étaient plus vraisemblablement en métal compte tenu des sillons d’usure qu’ils ont laissés sur les parois. Une lame de frasage métallique aux extrémités recourbées et placée à la base de l’axe vertical complétait le dispositif, si l’on se fie aux découvertes réalisées à Pompéi (Monteix 2009 : fig. 69). Ce pétrin témoigne de l’existence d’une boulangerie, dont le four n’a cependant pas été localisé. Celle-ci est également attestée par la découverte d’un racle de boulanger dans les niveaux de destruction de l’espace voisin (fig. 190, no 3).
Fig. 62 - Le pétrin mécanique de la pièce F1 (relevé et évocation).

14Dans la salle F2, cette période est marquée par l’installation, dans l’angle nord-est, d’un aménagement en bois dans une dépression de 5,50 m d’est en ouest sur 2,50 m du nord au sud (fig. 63). Le caractère unique de cet ensemble rend son interprétation malaisée. Il s’agit de deux cuves monoxyles issues d’un même chêne et distantes de 0,20 m, disposées parallèlement au mur nord du bâtiment F et évidées en partie supérieure. Leurs dimensions sont presque identiques (voir infra, chap. 9.2.). Elles sont associées à une poutre, également en chêne2, placée perpendiculairement à 0,13 m à l’ouest des cuves. La fonction de contenant de ces dernières (environ une trentaine de litres chacune) est confirmée par la découverte d’une pièce de réparation en bois destinée à garantir l’étanchéité de la cuve sud. La partie méridionale de l’espace F2 a également livré des aménagements en bois difficiles à interpréter en raison de leur très mauvais état de conservation (plancher ?).
Fig. 63 - Aménagement en bois dans l’angle nord-est de la salle F2.

15L’ensemble est recouvert par un amoncellement de bois d’œuvre et de divers objets qui traduisent à la fois des opérations de démantèlement et l’abandon définitif de ce secteur. Il comporte en effet une grande quantité de poutres et de planches – parmi lesquelles l’enseigne inscrite (encart 2) –, ainsi que de nombreux éléments en métal (pentures, charnières) employés dans la construction. L’analyse des 531 clous découverts a ainsi révélé qu’ils provenaient d’un démontage minutieux, puisque beaucoup ont conservé leur pointe (80 %) et des déformations caractéristiques de l’emploi d’une tenaille. L’examen de la composition de ce dépotoir recèle en outre un certain nombre d’informations sur l’occupation de cet espace. En effet, parmi les 520 pièces de bois recueillies, plusieurs éléments sont très vraisemblablement des objets laissés in situ en raison de leurs faibles dimensions (fig. 64). C’est tout d’abord le cas de la catégorie la mieux représentée, qui correspond au travail du bois (chutes et rebuts de tour). On dénombre également plusieurs outils et objets de faibles dimensions, ainsi que des alluchons* appartenant au mécanisme d’engrenage d’un moulin. L’hypothèse de la présence d’un moulin sur place est par ailleurs étayée par la découverte d’une grande quantité de meules de fort diamètre. Sur les 21 exemplaires mis au jour, 19 ont été mis au jour à proximité, dont plus de la moitié au sein de l’espace F2.
Fig. 64 - Répartition par catégories des éléments en bois découverts dans le dépotoir de la pièce F2.

16Ces installations étaient probablement associées au canal maçonné identifié en rive gauche du cours d’eau, le long du mur formant le fond de la parcelle D. Long de 16,95 m et large de 1,70 m hors-œuvre, il est bâti en pierres volcaniques assemblées au mortier de chaux blanc violacé. Il comporte un conduit de 0,28 à 0,37 m de large, pour une hauteur utile de 0,35 m, dont le fond est formé de planches en bois. Le tout semble avoir été couvert car deux pièces en sapin et en chêne sont disposées transversalement sur les piédroits. L’ouvrage captait les eaux du chenal à l’ouest, où il était également alimenté par les fluides évacués depuis la parcelle C par un ouvrage en bois (fig. 65), pour les diriger vers l’est (fig. 66), selon une pente d’environ 3 %.
Fig. 65 - Vue en direction du nord-est de la jonction entre le conduit évacuant les eaux de la parcelle C et l’extrémité ouest du canal maçonné.

Fig. 66 - Portion est du canal maçonné.

17Les hypothèses relatives au mode de fonctionnement des équipements hydrauliques ont été déjà été exposées par ailleurs (Martinez, Ollivier 2018 : § 55-93) et nous nous contenterons ici d’en résumer les grandes lignes. La présence de poteaux en bois de section quadrangulaire à hauteur de la pièce F1 pourrait être liée à l’installation d’une roue actionnant le mécanisme du pétrin. Nous n’avons cependant aucune certitude sur l’attribution chronologique de ces aménagements et les rares pétrins connus dans le monde romain semblent tous avoir été mis en mouvement par la force humaine ou animale (Salido Domínguez, Bustamente Álvarez 2014 : 51). Les dispositifs de mouture devaient pour leur part prendre place au sein de la dépression nord-orientale de la pièce F2, selon un schéma comparable à celui reconnu dans l’établissement de Burgille (Simonin, Jaccottey, Gluhak 2016 : 223-227), avec une roue également située dans le cours d’eau. Le puits d’engrenage jouxtait ainsi les cuves en bois. Ces dernières ont pu être utilisées pour le trempage des grains avant mouture, comme le suggère la découverte de nombreux pollens de céréales et de déchets de décorticage dans les prélèvements sédimentaires, ou faire office de huches. La restitution de deux roues placées aux extrémités du bâtiment F (fig. 67) permettrait en outre d’éclairer la fonction du canal maçonné qui, en raison de sa configuration générale (gabarit, pente), ne peut pas être un coursier ou un canal de dérivation. Il est en revanche possible de l’interpréter comme un canal d’amenée secondaire destiné à renforcer ponctuellement le courant pour actionner la roue du moulin, tout en contournant l’obstacle que représentaient pour le bon fonctionnement de cette dernière les installations liées au pétrin.
Fig. 67 - Proposition de restitution des moulins hydrauliques.

18De nombreuses incertitudes demeurent et ces hypothèses ont simplement vocation à proposer une explication pour l’agencement des différents vestiges rencontrés. Quelle que soit leur configuration précise, il est néanmoins certain que des activités de mouture et de boulangerie étaient pratiquées au sein du bâtiment F, association très rarement documentée en Gaule (pour d’autres exemples, voir Bouet 2010 : 33-44 ; Brun 2016 : 31). Il est également possible que l’énergie hydraulique ait été utilisée pour le travail du bois dans la mesure où la fouille de l’espace F2 a révélé de nombreux rebuts de tournage ainsi que des outils (scie, burins, fer de rabot et ciselet) utilisés par les ébénistes et les menuisiers (sur ce point, voir Martinez, Ollivier 2018 : § 114-117). Les investigations ont également mis en évidence, dans le même secteur, de nombreux indices d’un travail du cuir (chutes, alènes), de tabletterie et de traitement des cornes.
19La chronologie des premières occupations du bâtiment F est difficile à déterminer en raison de l’indigence du mobilier recueilli. La céramique fine découverte dans les unités précédant sa construction se limite à trois bols Bet 14/Drag. 35-36, produits entre 70 et 240. Les couches d’occupation se rapportent plutôt à la fin du IIe siècle et au IIIe siècle d’après les données numismatiques (as de Marc Aurèle frappé entre 166 et 168) et le mobilier en verre.
20Pour la période suivante, les niveaux correspondant aux réaménagements de la salle F1 ont livré de la céramique de la fin du IIe siècle. Les meilleures informations sont cependant issues de l’étude dendrochronologique. Si les datations des nombreux bois du dépotoir scellant l’occupation de l’espace F2 sont très diverses – ce qui confirme l’hétérogénéité du dépôt, du moins pour les bois de construction –, les cuves en chêne de l’angle nord-est proviennent d’un arbre abattu durant l’automne ou l’hiver 258-259. La phase 2b peut donc être datée de la deuxième moitié du IIIe siècle.
3.1.3. L’esplanade méridionale et le bâtiment E
21La mise en place du bâtiment E est datée de la même période d’expansion du quartier. Il occupe l’angle sud-ouest de l’emprise, où sa lisière orientale a pu être étudiée. Le mur est correspond effectivement à sa façade. Il s’étendait initialement sur 13,86 m, avec deux retours en direction de l’ouest, marqués par des chaînages d’angle bâtis en blocs d’arkose et de trachyandésite. La maçonnerie, liée au mortier violacé, est conservée sur cinq assises en élévation (fig. 68). Entre la troisième et la quatrième assise, une saignée de 12 cm de profondeur et de 9 cm de haut a été réservée, probablement pour encastrer un plancher surélevé. En effet, même si aucun support intermédiaire n’a été découvert à l’intérieur de la pièce E1, la présence de quatre chantepleures en fragments de terre cuite architecturale traversant la maçonnerie montre bien qu’il s’agissait de créer un vide sanitaire. Le parement interne du mur sud comporte lui aussi une saignée, mais aucun dispositif d’évacuation.
Fig. 68 - Vue en direction du nord-est du parement interne du mur de façade de l’édifice E.

22Immédiatement au sud (E2), un four polylobé est construit dans le même temps (fig. 69). Son emprise au sol devait atteindre 3,50 m du nord au sud pour 3,15 m d’est en ouest (fig. 70). Ses parois sont constituées par un muret large de 0,26 à 0,31 m, qui est un assemblage de moellons d’origine volcanique et de fragments de terre cuite architecturale pris dans un mortier de chaux blanc. Il délimite cinq alvéoles d’un diamètre compris entre 0,80 et 0,90 m. La sole est quant à elle formée de tuiles retournées et de briques rectangulaires. Au nord, une fosse de travail (L : 1,92 m ; l : 1,76 m ; prof. : 0,41 m) précède le four, dont elle est séparée par un pilier bâti en fragments de terre cuite liés au mortier jaunâtre. Son comblement est constitué, en partie inférieure, d’un limon noir et meuble et, en partie supérieure, d’une alternance de lits d’argile limoneuse jaune à beige et de charbon, qui correspondent à autant de phases d’utilisation du four.
Fig. 69 - Plans et coupes du four du bâtiment E.

Fig. 70 - Premier état du four de l’espace E2.

23La bibliographie consultée n’a livré aucun parallèle strict et les prélèvements sédimentaires dans les couches d’utilisation n’ont donné aucun résultat. La fouille n’a pas non plus révélé de déchets de production caractéristiques. Par ailleurs, les traces de rubéfaction sont peu importantes et invitent plutôt à envisager l’hypothèse d’une structure de séchage, complémentaire des espaces de stockage au nord. Cette dernière fonction est non seulement suggérée par la présence d’un plancher surélevé dans l’espace E1, mais également par la découverte de 159 fragments de dolia dans le secteur (22,4 % du NR – nombre de restes – et 17,5 % du NMI), dont 80 dans une fosse dépotoir voisine. La plupart présentent un bord massif et oblique (fig. 71, no 13). D’autres, plus originaux, sont dotés d’un bord retombant et ont un diamètre moins important (fig. 71, no 2). Ils sont associés à une grande quantité de vaisselle de cuisine, qui totalise 63 % des formes identifiées au sein du bâtiment E et qui provient sans doute de locaux situés hors emprise. Ce secteur paraît donc avoir été dévolu à des activités de transformation et de stockage des denrées, mais il est difficile d’être plus précis dans leur identification.
Fig. 71 - Dolia découverts lors de la fouille du bâtiment E (éch. 1/4).

24Dans un deuxième temps (phase 2b), le four est refait (fig. 72). Un radier de pierres en pouzzolane recouvre l’ancienne sole et s’appuie contre quatre cylindres en terre cuite placés au centre. Au niveau des alvéoles, cinq nouvelles soles en dalles de terre cuite architecturale couvrent le radier. C’est semble-t-il à cette période que la façade orientale est prolongée au sud. Bien que peu épais (0,36 m), cet ouvrage était entièrement construit en dur, comme l’atteste son effondrement dans l’espace E2. Un foyer sommaire en fragments de terre cuite est enfin aménagé au sommet du comblement de la première fosse de travail du four.
Fig. 72 - Deuxième état du four de l’espace E2.

25Les couches sous-jacentes à l’occupation du bâtiment E ne sont pas antérieures à la fin du IIe siècle. L’unité à travers laquelle sont fondés le mur sud de l’espace E1 et le four a par exemple livré un fragment de mortier Bet 100/Drag. 45, produit à partir de la phase 7 de Lezoux. Les niveaux d’utilisation du four semblent de peu postérieurs puisqu’ils contiennent notamment de la céramique métallescente qui apparaît vers 170. Les seules données fournies par la céramique issue des strates les plus récentes nous indiquent simplement que la zone n’est plus fréquentée au-delà du IIIe siècle.
26L’espace séparant les bâtiments E et F est vierge de toute construction, à l’exception de deux lambeaux de maçonnerie qu’il n’a pas été possible de relier au moindre plan intelligible et pour lesquels il est, en l’état, difficile de proposer une interprétation satisfaisante. Les plus anciens sols détectés dans le secteur reposent directement sur les vases fluvio-lacustres et s’apparentent à des niveaux de circulation extérieurs, principalement composés de gravier de pouzzolane. Ils sont ponctuellement rechargés (fragments de terre cuite, terre battue) et alternent avec des couches de débordement du cours d’eau. Ce dernier est bordé, en partie occidentale, par un conduit d’adduction en bois (chêne et sapin) de section circulaire, qui alimentait peut-être le bâtiment F. Il n’est cependant conservé que sur une faible portion (2,10 m), d’un diamètre extérieur de 13 cm pour 6 à 8 cm de diamètre intérieur. Ces pièces de bois sont datées des années 169, 170 et 171. Le verre et la céramique découverts lors de la fouille de l’esplanade correspondent pour leur part à des productions des IIe et IIIe siècles.
3.2. L’agrandissement de l’auberge
27La canalisation du bras de la Tiretaine peut être considérée comme un préalable au développement du quartier, comme l’illustrent les découvertes de l’ancienne confiturerie Humbert, où les maisons prennent appui sur le canal maçonné (Sauget, Claval 1989). À l’échelle de l’emprise fouillée en 2013-2014, ces travaux (phase 2a) sont contemporains d’une extension sensible de l’auberge, en rive droite du cours d’eau, mais également vers l’ouest (fig. 56, 58). L’établissement connaît quelques transformations au cours du IIIe siècle (phase 2b), limitées à sa partie sud (fig. 57).
3.2.1. Le réaménagement des espaces préexistants
28Les travaux de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle (phase 2a) concernent en premier lieu les espaces créés lors de la période précédente.
29Alors que l’aile nord ne semble pas connaître de modifications, les ailes centrale et méridionale, affectées par des débordements du cours d’eau, sont remblayées. À cette occasion, les anciennes salles B6, B7 et B8 sont réunies en un unique espace d’environ 38 m² (B24). Il est doté d’un sol construit, dont seul le radier en pierres volcaniques est en place. Le niveau de circulation de l’espace voisin à l’ouest (B5) est également exhaussé. Il conserve un aspect rudimentaire (mortier recouvert de terre battue), conforme aux fonctions techniques que semble encore assumer la pièce puisqu’elle est dotée d’un nouveau foyer en fragments de terre cuite architecturale (L : 1,73 m ; l : 1,24 m), installé dans l’angle nord-ouest. La salle B9 demeure pour sa part inchangée, sans doute parce que son sol était à l’origine situé un peu plus haut que celui des salles voisines. Les chambres de l’aile méridionale sont également remblayées sur une vingtaine de centimètres et les nouveaux sols sont formés par le sommet piétiné des remblais. De nouveaux foyers-cheminées sont construits à partir de ce niveau, au même emplacement que ceux de la période précédente. Le mieux conservé est celui de la salle B104. La sole est constituée de deux niveaux de quatre tegulae liées au mortier gris, au-dessus desquelles s’élève le muret délimitant l’âtre, préservé sur 0,68 m et dont le diamètre interne est de 0,62 m (fig. 73). Le décor de la pièce reste en place, mais la plinthe grise est désormais occultée par les remblais.
Fig. 73 - Vue en direction du nord-est du deuxième foyer de la pièce B10.

30À l’extérieur, le sol de la cour B15 est également refait. Ses caractéristiques l’apparentent cependant à ceux précédemment évoqués pour cette zone située en extérieur (gravier de pouzzolane). Un autre aménagement, également attribué à cette phase, consiste en une fosse creusée entre le cours d’eau et l’aile sud. Celle-ci accueille le fond d’une amphore à huile Dr. 20, mais sa fonction est inconnue (fig. 58).
31Les espaces extérieurs sont les seuls à avoir connu des réfections au cours de la phase 2b, qui concernent principalement les sols, plusieurs fois rechargés suite à des crues. La fosse à amphore est pour sa part recouverte par un plancher conservé sur une faible surface (L : 1,27 m ; l : 0,57 m), mais qui, compte tenu de la proximité du cours d’eau, pourrait s’apparenter à un platelage comparable à des exemplaires bordelais (Gerber 2010 : fig. 3). Une lambourde est conservée le long du mur sud de l’auberge, ainsi que quelques planches auxquelles elle est assemblée à l’aide de clous.
32Les remblais apportés lors de ces travaux au sein des espaces centraux et méridionaux comportent principalement du mobilier résiduel qui ne permet pas d’asseoir la chronologie de manière satisfaisante. Les éléments les plus récents proviennent de la fosse à amphore, où deux fragments de coupe Bet 31/Walters 80, produits entre 170 et 240, ont été découverts. Les réaménagements (phase 2b) sont pour leur part trop ponctuels pour être correctement datés.
3.2.2. Les espaces gagnés sur les parcelles voisines à l’ouest
33L’extension de l’auberge vers l’ouest (phase 2a) s’inscrit dans le cadre d’une redéfinition du parcellaire, consécutive à la destruction du bâtiment A. Elle se traduit par la création d’une vaste cour fermée (B22), bordée par une galerie à l’est (B23) et ouverte sur une exèdre à l’ouest (B21).
34Les premiers travaux sont liés à la création des nouvelles limites de la parcelle. Un mur d’orientation est-ouest est adossé à l’ancienne clôture occidentale, dans le prolongement du mur sud du corps central de l’auberge. Il se développe sur une longueur de 12,38 m (l : 0,43 m) et observe un retour en direction du nord, dégagé sur 37,50 m (l : 0,50 m). Néanmoins, la restitution de la parcelle voisine (D) permet d’envisager une longueur totale d’environ 50 m. Les deux murs présentent un liant nettement plus violacé que les constructions de la période précédente. Leur élévation est constituée de moellons d’origine volcanique, principalement du basalte. Cinq assises sont conservées pour le mur sud et sept pour le mur ouest (0,86 m). Il convient d’ajouter à ces dernières les 12 assises découvertes effondrées à l’intérieur de la cour B22, ce qui porte la hauteur de son élévation bâtie en maçonnerie concrète à au moins 2,80 m. Le chaînage d’angle extérieur des deux murs, au sud-ouest, est formé de blocs en arkose disposés en besace, de manière identique à ce qui a pu être observé par ailleurs sur les parties plus anciennes de l’édifice B, construites un siècle plus tôt.
35Le mur occidental s’ouvre, approximativement au centre de la portion dégagée, sur une petite exèdre rectangulaire (B21) par l’intermédiaire d’une baie de 1,05 m de large. Bien qu’elle lui soit adossée, la nature des mortiers, l’observation des maçonneries ainsi que la stratigraphie montrent qu’il s’agit d’un seul et même programme architectural. L’exèdre est large de 1,92 à 1,95 m et longue de 2,98 m du nord au sud (dimensions extérieures). Ses murs, épais de 0,40 à 0,42 m, délimitent un espace intérieur d’un peu plus de 3 m².
36La dernière étape du chantier est la construction, en partie est, d’un mur étroit (0,30 m) et assez mal conservé. Il est appuyé contre le mur sud et délimite une galerie (B23) de 1,60 m de large, dont la longueur est d’au moins 20,70 m. Les nombreux fragments de terre cuite architecturale découverts dans les couches de destruction de sa partie centrale proviennent manifestement de sa couverture.
37Elle longeait une vaste cour dont la largeur moyenne est d’environ 10 m. À l’issue des travaux de construction, cet espace a été remblayé à l’aide de gravats triés (mortier, pierres, terre cuite architecturale) sur une épaisseur moyenne de 0,20 m. Les parements intérieurs des murs périmétraux ont ensuite été recouverts d’un enduit peint en rouge, contemporain du sol mis en évidence en différents points le long du mur occidental (fig. 74). Ils sont de même composition – un mortier orangé très riche en fragments millimétriques de terre cuite – et un léger bourrelet assure leur jonction. Le sol n’est conservé qu’en partie occidentale, sur une bande n’excédant pas 0,55 m de large. Au-delà, les seuls vestiges identifiés sont deux canalisations en bois contiguës. La première, au nord, est un conduit en sapin de section circulaire. La seconde, établie postérieurement au sud, est un assemblage de planches clouées, également en sapin. Toutes deux observent un pendage en direction de l’est, mais leurs points de départ et d’arrivée sont inconnus dans la mesure où elles n’étaient conservées que sur 6,25 m pour la première et 4,99 m pour la seconde.
Fig. 74 - Vue en direction du nord-ouest du mur occidental et du sol de la cour B22.

38La fin de la période (phase 2b) est marquée par différents épisodes de destruction. La galerie B23 a ainsi livré, en partie sud, les gravats issus du démantèlement du mur qui la délimite à l’ouest et, en partie centrale, les vestiges de sa couverture en tuiles. En revanche, la cour B22 a fait l’objet de remaniements en profondeur, qui ont largement détruit le sol en béton de tuileau qui la couvrait.
39Le mobilier recueilli dans les remblais supportant le sol de la cour B22 n’est pas différent de celui marquant la destruction de l’édifice A. L’analyse dendrochronologique des installations hydrauliques découvertes dans la cour indique par ailleurs que le bois utilisé pour leur confection provient d’arbres abattus après 177 et 178. L’extension de l’auberge dans ce secteur peut donc être datée de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle.
40La fouille des couches de destruction a livré des fragments de céramique métallescente, parmi lesquels des tessons de coupe Bet 301 et de mortier Bet 100/Drag. 45 ou encore Bet 97/Drag. 43, produits durant les phases 7 et 8 de Lezoux (170-280). Aucun élément ne semble postérieur au IIIe siècle.
3.2.3. L’investissement de la rive droite du cours d’eau : le bâtiment G
41Le bâtiment G est construit (phase 2a) en rive droite du cours d’eau canalisé (fig. 58). Cet ensemble doit avant tout être considéré comme une unité descriptive car il constitue très vraisemblablement, lui aussi, une extension de l’auberge5. Sa limite ouest prolonge en effet la clôture occidentale de l’établissement durant la première phase d’occupation. Le mur, dégagé sur 9,70 m de long, se développait initialement sur environ 10,50 m et observait un retour en direction de l’est, reconnu sur 23,80 m jusqu’aux limites orientales de l’emprise de la fouille. Les deux maçonneries sont respectivement larges de 0,46 et 0,50 m. Elles comportent un liant violacé et semblent avoir été intégralement bâties en dur, ainsi que le montre l’élévation écroulée du mur méridional – sur un peu moins de 2,40 m. Les sondages profonds n’ont pas permis d’atteindre la partie inférieure de ses fondations, particulièrement puissantes et constituées d’un double ressaut au sud, caractéristique des murs de terrasse (Ollivier et al. 2016a : § 124). Malgré des conditions d’observation rendues délicates par le niveau élevé de la nappe phréatique, deux ensembles architecturaux et, semble-t-il, fonctionnels paraissent se dégager à la lecture du plan, peut-être incomplet6.
42En partie ouest, les espaces G1 et G5 sont délimités par deux murs harpés et incomplètement reconnus en raison de la récupération de leurs matériaux. Le mur nord est ouvert à son extrémité occidentale, ce qui permettait d’accéder à l’édifice depuis l’extérieur. Il est large de 0,42 à 0,50 m et son arase, parfaitement lissée, semble témoigner d’une élévation en matériaux légers. L’unique cloisonnement se développe du nord au sud, à 3,80 m du mur oriental, et présente un mode de construction atypique sur le site. Il est constitué, en partie inférieure, de pierres volcaniques liées à l’argile. Cette fondation est recouverte par des fragments de terre cuite architecturale pris dans un mortier blanchâtre et disposés de chant en bordure, qui maintenaient probablement une sablière basse en bois d’une quinzaine de centimètres de large. Elle était assemblée à des éléments verticaux, également en bois, ainsi que l’atteste la découverte de plusieurs clous. Le mur s’interrompt à environ 2,20 m de la limite sud du bâtiment, dégageant ainsi une ouverture qui assurait la communication entre les espaces G1 et G5. Le seuil, probablement en bois d’après les traces ligneuses relevées en surface, est matérialisé par son radier en fragments de terre cuite architecturale (fig. 75, no 1). La salle G1 couvre un peu plus de 80 m² et il n’est pas impossible qu’elle ait été subdivisée par des cloisons qui n’ont pas été détectées à la fouille, compte tenu du caractère limité de notre intervention dans le secteur. C’est du moins ce que semble montrer l’identification de sols différents en partie est, où les plus anciens niveaux sont en terre battue, et en partie ouest, où un béton lissé de couleur blanc-crème, parsemé de gravier volcanique, a été mis au jour. Il est appuyé contre le lit de pose du seuil de la porte nord-occidentale et sert de support à un foyer, adossé au mur ouest. La pièce G5 occupe pour sa part une superficie d’environ 30 m² et, ici aussi, différents sols ont été identifiés. Au nord, le plus ancien niveau de circulation est formé d’une argile blanc-vert, riche en gravier et en inclusions charbonneuses. Au sud, le premier sol est un plancher appuyé contre la cloison à l’ouest, recouvert dans un deuxième temps par un niveau de mortier blanc (fig. 76), à la surface duquel un foyer-cheminée a été installé. La présence de foyers désigne ces deux espaces comme des lieux de vie. Cette impression est renforcée par le soin apporté aux maçonneries, couvertes d’enduits mouchetés (G1). La faible largeur de la salle G5 pourrait convenir à une chambre à coucher, mais, à moins de restituer des cloisonnements, il n’est pas possible de proposer la même interprétation pour G1, dont les dimensions nous orientent plutôt vers un espace dédié à la prise des repas en commun. Le caractère incertain du plan dans cette zone doit cependant inciter à la prudence.
Fig. 75 - Seuils du bâtiment G (phase 2a).

Fig. 76 - Coupe réalisée entre les pièces G1 et G5.

43L’ensemble G a ensuite été prolongé vers l’est. Néanmoins, il s’agit probablement d’une deuxième phase du chantier de construction, dont la réalisation différée pourrait s’expliquer par des questions structurelles. En effet, contrairement à la partie ouest du bâtiment, le secteur oriental paraît principalement occupé par des aires découvertes. L’accès principal était formé au nord par les espaces en saillie G2, G3 et G4, délimités par des murs qui, bien que relativement larges (0,51 à 0,61 m), reposent sur des fondations peu profondes et creusées à travers les couches de débordement antérieures à la canalisation du cours d’eau (fig. 77). Leur élévation était donc probablement légère. Depuis l’espace G3, il était possible d’entrer dans la salle G2 grâce à une ouverture dont le seuil occupe toute sa largeur (fig. 78). Il est formé d’une planche en chêne légèrement démaigrie sur ses deux tiers ouest et percée de trois cavités, à ses extrémités et au centre (fig. 75, no 2). Il correspond donc probablement au type C2 d’A. Bouet (Bouet 1994-1995 : 20-21), avec une porte à deux vantaux fermée par un verrou vertical au centre. Le seuil est encadré par deux bases en grès qui devaient supporter des poteaux verticaux en bois. Celui situé au sud présente sur son lit d’attente une mortaise rectangulaire, légèrement décentrée vers l’est. Elle servait peut-être à fixer le chambranle d’une deuxième porte reliant G3 à G6, dont le seuil pourrait être matérialisé par une empreinte lissée sur le mur qui les sépare. Les sols les plus anciens sont liés au chantier de construction, tandis que les plus récents sont d’aspect plutôt fruste (terre battue, mélange de mortier et de gravier). À l’arrière, la fouille de l’espace G6 n’a révélé aucun niveau d’occupation. Il est flanqué, à l’ouest, d’une probable galerie couverte (G8) soutenue par des supports reposant sur des bases en grès. Cette zone a en effet livré plusieurs éléments de toiture effondrée, ce qui n’est pas le cas plus à l’est, où il faut sans doute restituer un espace à ciel ouvert.
Fig. 77 - Coupe des espaces G2 et G3.

Fig. 78 - La pièce G3.

44L’unique remaniement du plan d’origine est la suppression de la cloison séparant les espaces G1 et G5 (phase 2b). Les fortes dimensions de l’espace ainsi créé (G7) – 114 m² – semblent une nouvelle fois indiquer que des murs ayant échappé à nos investigations devaient compléter le plan de cette partie de l’édifice. Cependant, et malgré un lessivage généralisé des derniers niveaux d’occupation, des sols comparables et situés à des altitudes voisines ont été reconnus au niveau de l’arase de l’ancienne cloison entre G1 et G5 (fig. 76) et dans la partie occidentale de la pièce G7, au-dessus du foyer détruit à cette occasion. Il s’agissait d’un sol construit – au revêtement disparu –, établi sur un puissant radier (0,23 m) de pierres volcaniques. D’autres niveaux de circulation ont été mis en évidence, mais les liaisons stratigraphiques manquent pour en définir clairement la chronologie. Durant cette période, certains enduits sont refaits et le foyer-cheminée situé dans l’angle sud-est de l’espace G7 est partiellement reconstruit.
45La destruction de cette partie de l’auberge se manifeste par la récupération des matériaux d’un certain nombre de maçonneries, parmi lesquelles le mur nord et les deux extrémités de celui qui séparait les espaces G3 et G4. Comme le mur situé en face, il est probable qu’il comportait des blocs ouvragés. Ces événements sont suivis par l’enfouissement, au sein de la cour G6, d’un trésor de 151 monnaies en orichalque (voir infra, chap. 6.4.1). La plus ancienne est frappée au nom de Vespasien et la plus récente date des années 244-249. Aucun creusement n’est perceptible et la fouille n’a pas révélé de traces de bois ou de cuir, malgré les conditions de conservation très favorables. La stratigraphie indique que les monnaies ont été déposées dans un secteur qui avait préalablement été détruit et qui était sans doute devenu difficile d’accès. Il est donc possible que leur propriétaire y ait vu un endroit propice à leur cache. L’ensemble est recouvert par une argile marron presque stérile, qui marque le retour à un environnement humide et traduit donc l’abandon définitif des lieux.
46La mise en place du corps de bâtiment G est contemporaine de la canalisation du cours d’eau, comme l’indique le lien entre cet ouvrage et la nouvelle limite occidentale de l’établissement, ainsi que son ouverture au nord. Cela implique des dispositifs de franchissement du canal, au-dessus de la voûte ou, le cas échéant, des murs bajoyers, mais aucune trace n’en a été découverte.
47La présence de pièces à caractère résidentiel à l’ouest (G1 et G5 puis G7) suggère que de nouveaux espaces dédiés à l’accueil des voyageurs avaient été prévus. Leur état de conservation et les difficultés d’intervention dans ce secteur ne nous permettent pas d’en restituer une image très précise, mais il pourrait s’agir, à titre d’hypothèse, d’une nouvelle chambre à coucher (G5) et d’une salle à manger (G1). Le secteur oriental pourrait, en revanche, être dédié à la prise en charge des véhicules et des montures, si on se fie à la largeur de l’espace G3 et des baies. Les lieux bénéficiaient en outre de la proximité du cours d’eau, dont les abords servaient déjà de lieu de stabulation lors de la période précédente. Quelles que soient les interprétations retenues, le bâtiment G représente un agrandissement sensible de l’établissement, avec des espaces susceptibles d’améliorer les prestations offertes à ses clients.
48Faute de mobilier, la chronologie de ces travaux (phase 2a) est particulièrement difficile à cerner. Un tesson de céramique métallescente, découvert dans la tranchée de fondation du mur sud, nous assure cependant qu’ils ne sont pas antérieurs au dernier tiers du IIe siècle.
49Les données relatives aux dernières couches d’occupation et de destruction (phase 2b) du secteur sont également peu abondantes. La céramique, en grande partie résiduelle, comporte des formes encore produites durant le IIIe siècle. Elles peuvent cependant être précisées grâce aux monnaies du dépôt enfoui au niveau de la cour G8. La plus récente est un sesterce frappé entre 244 et 249 par Philippe l’Arabe pour sa femme Otacilia Severa et sa faible usure indique que le trésor est constitué de monnaies en circulation durant les décennies 240-250. La cache est sans doute de peu postérieure et il est donc raisonnable d’envisager un abandon définitif de la zone durant la deuxième moitié du IIIe siècle.
3.3. Développement de l’habitat (C ? et D)
50La densification du quartier se manifeste également par le développement de l’habitat. À la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle, une à deux maisons sont édifiées en partie occidentale, dans le secteur autrefois occupé par le bâtiment A (fig. 79). La première, à l’ouest (C), n’a été que partiellement reconnue tandis que le plan de la seconde, à l’est (D), peut être presque intégralement restitué.
Fig. 79 - Plan détaillé des parcelles C et D (phase 2a).

3.3.1. Les limites de propriété
51Au sud, les nouvelles parcelles sont délimitées par deux murs longeant le cours d’eau en rive gauche. Ceux-ci adoptent la même orientation nord-ouest – sud-est, avec une légère inflexion en direction du nord dans le cas de la parcelle D. Le mur de clôture méridional de la propriété C est lié à celui qui définit la limite entre cette dernière et la parcelle D. Au nord, leur extension supposée repose sur la restitution de l’aile nord du bâtiment D, par symétrie avec celle qui se développe au sud du péristyle.
52À l’est, les choses sont un peu plus complexes. La maçonnerie formant la limite occidentale de la cour B22 de l’auberge constitue également le mur mitoyen avec l’édifice D au nord de l’exèdre B21. Plus au sud, les deux parcelles sont séparées par un passage (D18) de 2,40 à 2,60 m de large, qui ouvre sur un espace rectangulaire où aucun vestige construit n’a été détecté. Les murs délimitant le passage ont été fondés à partir d’une même couche d’argile sableuse gris foncé à noir et sont donc très vraisemblablement contemporains. C’est également à travers ce niveau qu’ont été édifiés les murs de l’exèdre B21, ainsi qu’une base maçonnée construite immédiatement au sud de cette dernière (fig. 80). Celle-ci est soigneusement bâtie en moellons d’appareil de trachyandésite, liés au mortier blanc violacé (L : 1,26 m ; l : 0,85 m ; élévation conservée : 0,44 m). Les couches de destruction qui lui sont associées ont livré divers éléments architecturaux – petits moellons en grès fin et en trachyandésite taillés en forme de rectangle, de losange ou de triangle rectangle, 2 fragments de bases de colonnette en grès fin – et mobiliers – fragment sculpté non identifiable en grès fin, nombreux fragments de statuettes en terre blanche (fig. 174, nos 1, 3, 4, 7, 11 et 13) – qui soulignent son statut particulier et permettent de lui assigner avec quelque vraisemblance une fonction cultuelle. Il pourrait en effet s’agir d’une base d’autel comparable aux aménagements compitalices, bien documentés à Pompéi (Van Andringa 2000), mais également en Gaule (Gerber 2016). En revanche, contrairement à ces derniers, la base clermontoise n’est pas liée à la rue et ne peut donc pas être considérée comme le soubassement d’un autel de carrefour. Elle occupe en effet une position isolée, au fond d’un passage séparant deux propriétés. C’est donc peut-être plutôt dans ce cadre qu’il faut l’analyser, celui de la réorganisation parcellaire qui est opérée à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle. Elle reproduirait ainsi, à une échelle plus modeste, le schéma pompéien, où les compita sont une manifestation des subdivisions territoriales au sein du paysage urbain (Van Andringa 2000 : 71-76).
Fig. 80 - La base de l’espace D18 et le mobilier découvert à proximité.

53L’extension de l’auberge à l’ouest et la création des parcelles C et D procèdent ainsi d’un même programme de réorganisation de l’îlot, nécessité par la densification du bâti dans un secteur qui est désormais pleinement intégré à l’agglomération. Les indices chronologiques pour dater ces constructions proviennent principalement de la couche argileuse à partir de laquelle ont été bâtis les murs délimitant le passage D18. Sa formation ne peut être antérieure aux années 170 puisqu’elle a livré un fragment de gobelet Bet 102/Déch. 72, produit à partir du dernier tiers du IIe siècle et surtout durant la première moitié du suivant. Un niveau d’occupation situé aux abords de la base maçonnée fournit des indices concordants, avec notamment un gobelet Bet 169 produit durant la phase 7 de Lezoux (170-240) et plusieurs fragments de coupelles Bet 42-43/Curle 23, datées des IIe-IIIe siècles.
3.3.2. La maison D
54L’édifice D se développe, selon nos restitutions, sur 51,80 à 56,60 m hors-œuvre du nord au sud, pour une largeur de 15,20 à 18 m, soit une superficie d’un peu plus de 900 m² (fig. 79). Il présente une configuration caractéristique d’une maison à plan centré avec, au nord, la partie résidentielle organisée autour d’un péristyle et, au sud, un vaste jardin d’agrément (tab. 2).
Tab. 2 - Principales caractéristiques des espaces du bâtiment D.
Espace | Superficie | Altitude du sol | |
Péristyle | D2 | 86 m² | 376,83 m NGF |
D3 | 82,30 m² | 376,53 à 376,55 m NGF | |
Aile sud | D8 | 4,50 m² | ? |
D10 | 3,50 m² | ? | |
D11 | 7,30 m² | ? | |
D12 | 17,75 m² | 376,91 m NGF | |
D13 | 1,30 m² | ? | |
D14 | 4,10 m² | ? | |
D15 | 9,75 m² | ? | |
D16 | 34 m² | 376,88 m NGF | |
Aile est | D4 | > 15 m² | ? |
D5 | 5,50 m² | 376,84 à 376,89 m NGF | |
D6 | 37,50 m² | ? | |
D7 | 7,80 m² | 376,71 m NGF | |
Partie sud | D9 | 19,50 m² | ? |
D17 | 253 m² | ? | |
D18 | 164,50 m² | ? |
55Les différents espaces couverts de la maison (fig. 81) se répartissent au nord, à l’est et au sud d’une cour (D3) encadrée par un portique à trois branches (D2), large de 2,40 à 2,60 m, pour une superficie totale dans l’œuvre de 198 m² environ. Le mur bahut est adossé à une maçonnerie dont l’orientation est légèrement divergente par rapport aux autres constructions de la demeure. Large de 0,48 m, l’élévation de son parement ouest présente des joints regarnis et retracés pour imiter un appareil hexagonal en partie supérieure et un petit appareil régulier en partie inférieure (fig. 82). L’arase est parfaitement lissée avec, par endroits, des éléments allongés en basalte ou des fragments de terre cuite architecturale destinés à former une assise de réglage. Cela suggère une élévation en terre et bois à partir de ce niveau. Les murs bahuts du portique, édifiés après ceux qui forment sa partie arrière, sont pour leur part larges de 0,98 à 1,10 m. Ils délimitent un espace légèrement trapézoïdal dont le sol est un niveau de terre battue, recouvert dans un second temps par une couche de mortier blanc violacé, reconnue sur environ 11 m². Le sol du portique, situé à une trentaine de centimètres plus haut, est un béton lissé blanc, parsemé d’éclats de roche volcanique et de terre cuite. Les murs étaient ornés de peintures, dont quelques lambeaux à fond jaune moucheté et agrémenté de filets noirs et orangés sont conservés sur le mur ouest. Dans le courant du IIIe siècle (phase 2b), cet espace connaît quelques modifications (fig. 83). Le mur bahut est reconstruit au même emplacement et désormais formé de maçonneries nettement moins larges (0,43 à 0,48 m), établies sur l’arase du premier ouvrage, côté portique. Ce dernier est équipé de nouveaux sols plus frustes (mortier, terre battue). Dans la cour D3, un puits habillé d’une cuve monolithique en arkose (L : 0,97 m ; l : 0,87 m ; ép. : 0,14 m ; h. min. : 0,53 m) est aménagé dans l’angle nord-est. Il porte en surface les traces d’un dispositif de puisage, sous la forme de deux cavités allongées sur les parois sud et nord (fig. 84). Un petit ensemble rectangulaire (L int. : 0,70 m ; l int. : 0,42 m), délimité par trois blocs de grès, est également bâti contre le mur bahut à l’ouest. L’importante induration des sédiments environnants a considérablement entravé la lecture de cette construction, dont l’interprétation repose en grande partie sur la découverte d’un dispositif d’évacuation dont elle constitue le point de départ. Il s’agit manifestement d’une installation hydraulique, dont la fonction précise ne peut cependant être déterminée (recueil des eaux de pluie ? fontaine ?).
Fig. 81 - Coupes du secteur bâti de la maison D.

Fig. 82 - Parement ouest du mur oriental de la cour D3.

Fig. 83 - Plan détaillé des parcelles C et D (phase 2b).

Fig. 84 - Le puits de la cour D3.

56Le portique ouvrait, dans l’angle nord-ouest, sur l’aile nord de la maison. Elle est entièrement située hors de l’emprise de la fouille, à l’exception de la baie permettant d’y accéder (fig. 85, no 2). Cette dernière est formée de deux blocs en arkose qui portent chacun en surface une rainure transversale de 0,10 à 0,11 m de large, ménageant ainsi un passage de 1,41 m entre les pièces de bois dont ces empreintes signalent l’emplacement.
Fig. 85 - Baies du bâtiment B (phase 2a).

57L’aile orientale était pour sa part desservie par la branche sud du portique. Dans le prolongement de cette dernière, la salle D7 assurait la transition avec l’aile sud, mais ne communiquait visiblement pas avec les autres pièces de l’aile orientale. Elle est dotée d’un sol en mortier jaunâtre et ses murs sont couverts, au niveau de la plinthe, d’un enduit blanc moucheté (noir et rouge). Les autres salles de l’aile est (fig. 86) sont construites à partir de l’angle nord-ouest du bâtiment A, épargné par l’importante campagne de destruction et de nivellement préalable à la construction de la maison. Deux murs sont bâtis entre la limite orientale de la cour et l’ancienne limite ouest du bâtiment A, créant ainsi trois nouvelles pièces. Le mur qui est édifié au nord, avec un double ressaut en fondation (fig. 87), sépare D4 de D5 et D6. Son pendant méridional ferme la pièce D5, dont l’occupation pour cette période est matérialisée par deux sols successifs en terre battue. L’espace D6 devait pour sa part être en grande partie découvert. Le niveau de circulation y est formé par le sommet des remblais mis en place pour niveler et sans doute assainir le terrain. Les réaménagements de cette partie de l’édifice (phase 2b) se traduisent par la mise en place d’étroits cloisonnements peu fondés et adossés au mur de la cour. Ils définissent de petits espaces (D19, D20, D21, D22, D23), pour la plupart ouverts à l’est sur D6 (fig. 88). Dans la pièce D7, les seuils sont refaits et un sol en béton blanc-gris, parsemé d’éclats divers (terre cuite, basalte, calcaire), est construit (fig. 89) après remblayage sur une quinzaine de centimètres. Hormis cette salle, tous les espaces identifiés au sein de l’aile orientale sont de faibles dimensions et ne paraissent pas avoir fait l’objet d’un soin particulier lors de leur construction. L’étude de la céramique a montré que l’essentiel du corpus était constitué de vases liés à la consommation et au service (43 % des vases identifiés), ainsi qu’à la cuisine (41 %). Il est donc possible que cette partie de l’édifice ait abrité des espaces de rangement.
Fig. 86 - Coupe de l’aile orientale de la maison D.

Fig. 87 - Mur séparant les espaces D4 et D5.

Fig. 88 - L’aile est de la maison D.

Fig. 89 - L’espace D7.

58L’aile sud couvre environ 105 m² dans l’œuvre. Sa création fut précédée par d’importants travaux de terrassement. Les murs sont fondés dans les vases fluvio-lacustres et bâtis en matériaux volcaniques liés au mortier gris rosé, parfois à l’argile en partie inférieure. Leur largeur varie entre 0,42 et 0,50 m et seuls trois d’entre eux ont conservé une à trois assises en élévation. Suite à la construction des fondations, les différents espaces ont été remblayés à l’aide des gravats issus du démantèlement des édifices de la période précédente, sur une épaisseur atteignant par endroits 0,80 m. L’ensemble est globalement en très mauvais état de conservation. La salle D16, qui occupe plus du tiers est de la surface de cette aile, constitue une exception (fig. 90). Elle présente un sol en béton blanc incluant des éclats de roche volcanique, coulé sur un radier de pierres en basalte et en pouzzolane, et ses murs étaient ornés de peintures murales qui sont conservées sur 0,37 m au nord. Au-dessus d’une plinthe gris foncé de 0,16 à 0,17 m de haut, un filet noir (ép. : 0,7 à 1 cm) délimite la partie basse du décor, où alternent panneaux à fond rouge (l : 1,16 m) et inter-panneaux à fond jaune (l : 0,29 à 0,30 m). Les enduits servent d’appui, en partie centrale de la pièce au nord, à un foyer-cheminée comparable à ceux décrits précédemment pour l’auberge (fig. 91). Compte tenu de son décor, de sa taille et de son équipement, la salle D16 constituait l’espace privilégié de l’aile sud, même s’il est difficile de définir le statut des autres pièces. En effet, seule la salle D12 a livré un sol en place, irrégulier et composé de mortier blanc (ép. : 0,10 m), qui pourrait n’être qu’un niveau lié aux dernières étapes du chantier de construction. Même si la nature de l’édifice est différente, ses dimensions sont comparables à celles des chambres de l’auberge. L’espace D15 semble constituer, eu égard à sa position axiale et à sa faible superficie, un espace de transition entre le jardin D17 et la demeure. Les espaces D10, D11 et D14 présentent, pour leur part, une forme allongée qui les désignent sans doute comme autant de couloirs voire, pour D10, comme l’infrastructure d’un escalier. La présence d’un étage justifierait par ailleurs la présence, en partie centrale, de ce qui apparaît comme un caisson de soutènement (D13). Enfin, la salle D8 semble trop exiguë pour y voir autre chose qu’un local technique. D’une manière générale, l’aile sud peut être considérée comme le secteur résidentiel de la maison. Elle occupe de fait une position privilégiée, à l’écart de la rue et entre les deux espaces d’agrément que constituent le péristyle et le jardin, tout en bénéficiant de la meilleure exposition possible.
Fig. 90 - L’espace D16.

Fig. 91 - Foyer de la salle D16, contre le mur nord.

59Toute la partie sud de la propriété était occupé par un espace découvert (D17) qui représente environ 30 % de la superficie dans l’œuvre de la maison. Au sein de cet espace, où aucun vestige bâti n’a été détecté, les vases fluvio-lacustres sont uniformément recouvertes par un remblai argileux noir, humide et organique. Les prélèvements sédimentaires ont révélé la présence de pollens et de pépins de raisin, mais surtout, pour les carporestes, une forte proportion de plantes rudérales et nitrophiles, ainsi que de plantes adventices des zones cultivées et des jardins. Le secteur a en outre livré, en partie sud, sept souches d’arbres (saules). Quatre d’entre elles sont régulièrement espacées (1,30 à 1,70 m) et forment un alignement qui respecte l’orientation du mur de clôture sud, confirmant ainsi qu’il s’agit bien de plantations ornementales. Le jardin est bordé en partie ouest par un espace longiligne (D9), formant un étroit passage (1 m) au sein duquel les maçonneries sont couvertes d’un enduit moucheté. Enfin, l’espace D17 était accessible depuis le passage D18 par l’intermédiaire d’une baie (fig. 85, no 1) à peu près semblable à celle décrite plus haut, dans l’angle nord-ouest du portique D2. Elle est formée de deux blocs en arkose, qui portent en surface des rainures transversales de 0,12 à 0,13 m de large, négatifs de chambranles en bois distants de 1,01 m. Les blocs sont respectivement percés, au nord, d’une crapaudine circulaire et, au sud, d’un trou de gâche rectangulaire pour un verrou vertical.
60Le bâtiment D adopte le plan d’une domus à cour centrale, représenté dans toutes les provinces de l’Empire romain (Gros 2006 : 148-196 notamment). Ce type de demeure est caractéristique des élites urbaines (Vipard 2007), à qui il offre de vastes espaces de réception et de représentation sociale, aussi bien pour la famille que pour la clientèle (Wallace-Hadrill 1988 : 44-47). C’est aussi pour cette raison que ces maisons aristocratiques sont plus particulièrement nombreuses dans les chefs-lieux de cité, où se déroulait l’essentiel de la vie politique. À Augustonemetum, comme dans beaucoup de capitales (Vipard 2007 : 263-265), elles semblent dans un premier temps concentrées autour du forum, au sommet de la butte et sur son flanc oriental (Provost, Mennessier-Jouannet 1994 : 162-170, 181-183, 186-189 ; Jouquand, Sauget, Wittmann 1994 ; Ollivier et al. 2016a). Avec le développement de l’agglomération, le modèle se diffuse au-delà du noyau urbain initial et l’exemple le plus proche est celui de la maison 1 de l’ancienne confiturerie Humbert (fig. 92, no 3), construite au IIIe siècle (Sauget, Claval 1989 : 37-39).
Fig. 92 - Comparaison du plan de la maison D avec celui d’autres exemplaires de Gaule romaine.

61La maison D de l’ancienne Gare routière s’inscrit dans le même contexte de lotissement de la périphérie sud de la ville. À l’échelle de la parcelle, l’importance des moyens financiers mobilisés pour sa construction se manifeste en premier lieu par l’ampleur des travaux réalisés. Les édifices antérieurs sont rasés et le terrain d’assiette est ensuite nivelé, non seulement pour faire place nette, mais également pour assainir le secteur avec des remblais drainants. L’aisance du propriétaire est également perceptible au travers de l’analyse du plan de la demeure. Dans un quartier désormais en proie à une importante pression foncière, la surface occupée par le jardin d’agrément D17 est particulièrement significative. Les mêmes contraintes d’urbanisme expliquent peut-être aussi le développement d’un parcellaire en lanières, à l’image des exemples de Pompéi ou encore de Saint-Romain-en-Gal. C’est sans doute dans ce quartier de la capitale viennoise que l’on trouve les parallèles les plus proches, avec plusieurs propriétés présentant une distinction marquée entre le jardin et la maison proprement dite (fig. 92, nos 1 et 2). À Clermont-Ferrand, le plan de cette dernière s’articule autour d’un péristyle formé d’une cour encadrée par un portique en U. Une telle configuration n’est pas rare, même si les architectes ont souvent cherché à mettre en valeur certains espaces (entrée, cour, salle de réception) selon un principe d’axialité (fig. 92, nos 3 à 6). En l’espèce, la disposition perpendiculaire adoptée semble répondre au manque d’espace disponible (Vipard 2007 : 250 ; fig. 92, nos 7 et 8). En effet, si la cour avait été ouverte sur l’aile sud, qui paraît constituer l’espace privilégié de la demeure, ses dimensions ainsi que celles du portique en auraient été considérablement réduites. Au contraire, la cour semble ici faire face à un mur aveugle qui la sépare d’un secteur apparemment dévolu à des activités techniques. Pour autant que nous puissions en juger, à plus forte raison si l’on considère que les espaces situés en front de rue sont fréquemment occupés par des locaux utilitaires (vestibule, boutiques), le plan de la maison D offre finalement peu de pièces à caractère strictement résidentiel. Ce constat plaide en faveur de l’existence d’un étage, hypothèse également appuyée par la nature de certaines constructions identifiées dans l’aile sud.
62Bien que particulièrement indigentes, les informations issues de l’étude du mobilier contemporain des premières couches d’occupation sont analogues à celles fournies par les niveaux de construction. La fouille des espaces D17 et D18 a ainsi permis de découvrir des fragments de céramique métallescente produite entre 170 et 280. Le même type de céramique a été mis au jour dans les remblais de l’espace D3 et les niveaux de destruction de la salle D7, ce qui ne nous aide pas à préciser la chronologie de l’évolution de la demeure au cours du IIIe siècle.
3.3.3. La parcelle C
63La parcelle voisine n’a livré aucun vestige bâti et les seules constructions mises au jour en partie nord lors du diagnostic semblent relever de la première phase d’occupation du site. Elle est délimitée par un mur dégagé sur 44,20 m de long, mais dont la longueur totale pouvait atteindre 52 m environ (fig. 79, 83). Celui-ci est chaîné à la clôture méridionale de la propriété, qui longe le cours d’eau.
64Le secteur a été presque intégralement décapé jusqu’à un niveau organique comparable à celui qui occupe le jardin D17 et au niveau duquel affleurent par endroits les tourbes sous-jacentes. Il est donc possible que cette parcelle ait adopté une configuration similaire à celle de sa voisine (D), avec des espaces bâtis le long de la rue et des jardins à l’arrière.
65Au nord, le dernier niveau atteint est un sol en terre battue qui, si on se fie à son altimétrie et si l’on considère que cette dernière était comparable d’une parcelle à l’autre, semble correspondre à la phase 2b (fig. 81, coupe 1).
66Les plus anciens niveaux ont livré du mobilier postérieur aux années 170. C’est le cas d’une assiette proche de la forme Bet 74 et de 22 fragments de mortier en céramique commune imitant la forme Bet 96.
Notes de bas de page
1 La superposition de certains éléments en métal et en bois restitués à partir des fragments de paroi nos 1 et 2 suggère plusieurs phases d’utilisation du pétrin.
2 L : 1,13 m ; l : 0,23 m ; H : 0,28 m.
3 L’exemplaire dessiné provient d’un autre secteur, mais la forme est identique.
4 Il a été déposé par une équipe de la SOCRA en mai 2014.
5 Sa localisation, de l’autre côté du cours d’eau, explique que nous lui ayons attribué une dénomination propre (G).
6 Ce secteur a été principalement traité par sondages dans la mesure où il était situé en limite d’emprise lors des deux phases de la fouille, en 2013 et en 2014.
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