Chapitre 8. Les espaces funéraires et la stèle de Suadullia Iulianè
p. 459-539
Note de l’éditeur
Avec la collaboration de : Jean-Luc Gisclon [contributeur]Véronique Savino † [contributeur] Emmanuel Ferber [contributeur]
Texte intégral
8.1. L’ensemble funéraire de la Labre et les sépultures dispersées des alentours (Fr. Blaizot, Chr. Ronco, Chr. Bonnet, Chr. Cécillon, avec la collab. de J.‑L. Gisclon, de †V. Savino et d’E. Ferber)
8.1.1. Implantation des espaces funéraires
8.1.1.1. Contexte topographique et stratigraphie
1L’ensemble funéraire de la Labre1 est implanté sur le flanc sud d’un pointement rocheux couvert de molasse gréseuse qui domine la plaine de Montélimar et culmine à 106 m d’altitude (fig. 1). Le sommet est occupé par une terrasse alluviale du Rhône composée de quartzites et de galets siliceux, très altérée, fersiallitisée, qui est datée du Riss ancien.
2Placé à 250 m au sud-ouest de ce point culminant et à quelque 500 m au sud-est de la villa du Palais, le site funéraire présente une pente de 3 à 4 % vers le sud et l’est. Un ensellement, occupé par un ruisseau sec, le sépare, au sud, des affleurements de calcaire crétacé et oligocène du massif de Châteauneuf-du-Rhône qui détermine le défilé de Donzère. Cette position, en ensellement et à l’abri du vent du nord, détermine le piégeage de sédiments éoliens que l’on retrouve en grande quantité sur ce site.
3Le substrat éolien apparaît dans les parties ouest et nord du site, qui définissent un point haut de ce substrat, alors que vers le sud et l’est, il s’enfonce sous des couches colluviales de plus en plus épaisses. Il s’agit de sables limoneux brun clair-rouge, meubles, légers, pulvérulents, à pseudomycélium, sous des limons sableux jaunes-bruns-gris. Celles-ci masquent une topographie originelle de dépressions voire un paléo-vallon.
4C’est dans ces colluvions que se trouvent les structures antiques, ainsi que d’autres plus anciennes (protohistoriques) et des artefacts de toutes périodes. L’érosion du versant aurait donc débuté avant la mise en place même des structures les plus anciennes.
5Ainsi, le site a été le siège d’intenses phénomènes successifs d’érosion-dépôt dès l’époque protohistorique, durant l’occupation antique et postérieurement à celle-ci. La mise en culture semble en grande partie responsable de ces phénomènes comme en témoigne la grande épaisseur de la terre végétale (qui peut atteindre 55 cm).
8.1.1.2. Organisation manifeste de l’ensemble funéraire de la Labre
Présentation générale
6La fouille, conduite par E. Ferber sur une emprise de 5 000 m², a mis au jour deux empierrements et une fosse du Bronze final, 115 structures funéraires antiques, ainsi que 12 fosses contenant des animaux morts à l’époque moderne (fig. 507).
Fig. 507 – Plan masse du site de la Labre (DAO : Ch. Ronco, P. Rigaud).

7Cinq dépôts de crémation, situés dans la partie orientale de l’emprise décapée, matérialisent le début de cette occupation. Ils sont alignés sur l’axe ouest-est, sur une distance légèrement supérieure à 10 m. Cette disposition suggère qu’ils se trouvaient en bordure d’un chemin ou d’un fossé orienté ouest-est, dont il ne reste aucune trace. Il faut dire que cet ensemble se situe dans la partie la plus érodée du site (partie nord-est), comme en témoigne la très faible profondeur conservée des fosses.
8Les inhumations sont datées de l’Antiquité tardive. L’ensemble se développe à l’ouest du groupe formé par les dépôts de crémation. Elles occupent une surface de 2 660 m² (70 m d’ouest en est et 38 m du nord au sud). Toutefois, la fenêtre réalisée au sud et la présence d’une sépulture à 2,50 m au sud de cette dernière, fouillée lors du diagnostic réalisé en 2005, montrent que l’opération de fouille n’a pas porté sur la totalité de l’ensemble funéraire. Si l’on retient l’hypothèse que les dépôts de crémation auraient été implantés le long d’un fossé ou d’un chemin, on peut supposer que l’ensemble funéraire de l’Antiquité tardive respecte cette limite, au moins en partie, puisqu’à l’exception d’un petit noyau de cinq, isolé au nord-ouest, les sépultures sont au sud de la droite dessinée par l’alignement des dépôts de crémation.
9Le tissu funéraire est assez dilaté, mais, compte tenu de l’érosion, on peut s’interroger sur la réalité du plan archéologique. Comme le montre l’analyse du recrutement de la zone fouillée (voir ci-dessous), les anomalies démographiques portent sur les individus âgés de moins de cinq ans, ce qui pourrait être expliqué par la destruction des sépultures les moins enfouies. Dans ce cas, les zones vides pourraient résulter, au moins en partie, de cette érosion. Cependant, même en comblant ici et là quelques vides, l’organisation des fosses donne l’impression que l’espace funéraire a été loti en plusieurs petits groupes de tombes plus ou moins denses.
Les tombes isolées
10Il s’agit de deux inhumations en amphore dispersées dans le finage de la villa. Elles se situent à un peu moins de 300 m au nord-ouest de l’ensemble funéraire de la Labre (fig. 508).
Fig. 508 – Situation des sépultures 45 et 158, dispersées dans le finage de l’habitat (DAO : W. Widlak).

11La sépulture 45, qui provient du site de la Maladrerie, est représentée par une amphore africaine de type indéterminé attribuable au IIIe ou au IVe siècle de notre ère (Rapport Brochier 2005). Elle est implantée à une distance de 8 m à l’ouest d’un fossé antique, perpendiculairement à son axe (Rapport Ronco 2006). L’amphore, très abîmée par les labours, a été découpée au niveau du col et des anses, côté ouest, et cette partie a été remplacée par un système de fermeture illustré par deux gros fragments de tegulae maçonnées au mortier de tuileau. Les ossements n’étaient pas conservés à l’exception de rares esquilles.
12La sépulture 158 est distante de 100 m au nord de cette dernière. Elle se situe dans un secteur occupé par des fossés et des fosses de plantation. Elle recoupe le comblement d’un fossé antique (FS 142) auquel elle est parallèle. Il ne reste qu’une partie de la panse de l’amphore dont le type, et donc la datation, n’ont pas pu être déterminés. Un cliché montre la présence de deux fragments osseux, situés au nord dans la partie inférieure de l’amphore ; leur analyse a montré qu’il s’agissait d’os de porc.
Limites de l’étude
13Sur 115 structures funéraires identifiées à la Labre, dix n’ont pas été fouillées, ce qui porte à 105 le nombre de sépultures potentiellement exploitables.
14Si toutes les structures ont été photographiées, l’enregistrement des données archéologiques (fiches ou relevés) n’a pas été systématique. Des relevés sont recensés pour 51 sépultures, les fiches d’enregistrement US pour 51 sépultures également (mais il ne s’agit pas forcément des mêmes) ; pour 23 autres, on dispose de données partielles et inégales renseignant la structure archéologique, tandis que pour les 74 restantes, seuls les clichés sont disponibles. Enfin, 72 sépultures sur 105 ont fait l’objet d’un enregistrement archéo-thanatologique, dont quatre partiellement.
15En conclusion, les données de l’enregistrement sont complètes pour 37 sépultures (relevé, clichés, fiches archéologiques, fiches archéo-thanatologiques, fiches biologiques), tandis que 16 autres ne sont documentées que par des clichés (dont les dix grossièrement dégagées et non fouillées). Pour le reste, les données sont incomplètes et les informations archéo-thanatologiques ne peuvent être que très partiellement récupérées a posteriori2.
8.1.2. Typologie des sépultures
8.1.2.1. Les dépôts de crémation
Organisation des dépôts
16Les dépôts de crémation sont représentés par cinq structures, dont quatre concernent des résidus en fosse (DP 112, 113, 114 et 130) et une représente un dépôt mixte (DP 111 : résidus et ossuaire). Il ne reste que le fond des structures, très érodées, à l’exception peut-être de la fosse 112 dont la couche charbonneuse est scellée par un remplissage dépourvu d’ossements humains. C’est pourquoi l’examen des ossements a été limité à deux objectifs : séparer les os de faune des os humains et estimer le nombre et la maturation de(s) (l’) individu(s).
17Les fosses sont de plan irrégulier, plus ou moins ovales à circulaire, et à fond concave. À leur faible profondeur conservée, aucune n’excède 1 m de longueur (fig. 509).
Fig. 509 – Données disponibles sur les dépôts de crémation (Fr. Blaizot).
dépôt | Long. | larg. | prof. cons. | masse osseuse |
111 résidus | ? | ? | 0,20 m | ? |
111 ossuaire | ? | ? | le fond (2,5 cm) | ? |
111 | 0,70 m | 0,55 m | 0,20 m | 125,6 g |
112 | 0,80 m | 0,70 m | 0,10 m | 125,9 g |
113 | 0,50 m | 0,50 m | 0,08 m | 21,6 g |
114 | 1 m | 0,90 m | 0,18 m | 195,3 g |
130 | 0,98 m | 0,95 m | 0,20 m | 32,6 g |
18Le dépôt mixte de crémation DP 111 se compose d’un vase ossuaire et des résidus déversés dans la fosse. Ces derniers se composent de nombreux tessons de céramiques brûlés et fragmentés, associés à quelques clous et à des os brûlés en suspension dans un sédiment faiblement charbonneux. Le faible nombre de charbons peut résulter du tri effectué préalablement au dépôt après avoir récupéré les vestiges sur le bûcher. Le vase ossuaire est illustré par le fond d’un pot à pâte grise kaolinitique, qui repose debout dans la partie occidentale de la fosse ; sa relation avec les résidus n’est pas claire : il aurait été placé après les résidus puisqu’il repose sur un « fragment de céramique brûlé, à plat » sur le fond de la fosse. Le fait que le fond de ce vase soit si étroitement mêlé aux fragments de vases qui ont brûlé sur le bûcher conduit à s’interroger cependant sur la réalité de ce vase ossuaire, dont le contenu n’a été ni décrit ni photographié, bien que les pots soient très fréquemment sélectionnés pour servir de réceptacles aux os brûlés (Bonnet et al. 2016). Aussi bien, ces os proviennent des résidus de crémation et auraient adhéré à ce fond de vase conservé sur 2,5 cm seulement… Au moment de la rédaction de ce texte, les os issus de ce récipient viennent d’être retrouvés, non lavés, avec ce dernier. Ces quelques esquilles n’étaient plus en place dans le vase, mais mêlées à du sédiment et dispersées au fond du sac en plastique. On ne peut donc pas intégrer ces données au débat, et la nature de ce dépôt, dépôt de résidus de crémation ou dépôt mixte de crémation, ne peut plus être précisée.
19Les résidus de crémation de la fosse 114 se présentent sous la forme de poches charbonneuses mêlées à un sédiment limono-sableux brun, décrites comme fortement perturbées par des fouisseurs. Les autres fosses comportent en revanche une couche charbonneuse bien différenciée. Dans tous les cas, les os sont en suspension dans le sédiment, mêlés à des tessons et des clous brûlés le cas échéant.
20L’examen des ossements, réalisé par J.‑L. Gisclon, met en évidence la présence d’os de taille adulte (112 et 113) ou de sujets adultes avérés (111, 114 et 130). Les masses osseuses, toutes très faibles, de 21,6 g (113) à 195,0 g (114) ne sont pas représentatives, car toutes les structures sont très érodées.
Les dépôts de récipients et la datation des structures
21Les fragments de céramique recueillis dans les couches proviennent des bûchers, bien que les traces de feu se révèlent difficiles à lire dans certaines productions, telles que les céramiques grises kaolinitiques. Il est à noter que les fragments de céramique des dépôts 113 et 130, mentionnés sur les fiches d’enregistrement, n’ont pas été retrouvés. On ne dispose pas non plus de tesson de céramique pour le dépôt 114, mais la fiche d’enregistrement ne précise pas si les poches charbonneuses en contenaient ou pas.
Le dépôt 111
22La structure conserve les restes éparpillés d’au moins sept vases et un fond de récipient qualifié de vase ossuaire (pot n° 1). La difficulté à lire les traces de feu sur les vases à pâte kaolinitique laisse toutefois des incertitudes sur l’origine de certains d’entre eux : se trouvaient-ils sur le bûcher à l’origine ? La nature de la céramique du pot, notamment, ne permet pas de lever le doute sur sa fonction.
23Ces fragments sont arrivés en masse avec du sédiment, ainsi que le montre la dispersion des fragments appartenant à un même récipient (les numéros entre parenthèses sont ceux qui ont été attribués sur le terrain).
- Vase 1 : cinq fragments de FAC dont trois brûlés (n° 16, 13), plat à lèvre débordante en céramique commune tournée rouge (Rapport Desbat, Roux 1990‑1992 : pl. 103, n° 26) ;
- vase 2 : 13 fragments de FAC, dont 13 brûlés, (n° 2, 10, 14, 15, 20, 22, 12), plat type Desbat 3 en sigillée claire B (Desbat 1988) ;
- vase 3 : deux fragments de bord, brûlés (n° 5), probablement plat type Desbat 3 en sigillée claire B ;
- vase 4 : 10 fragments de bord (n° 7, 6, 10) ; les traces de feu sont difficilement lisibles sur cette production ; un petit pot avec anse (Py 1993a, KAOL A14) en céramique commune grise kaolinitique à pâte plutôt fine ;
- vase 5 : six fragments de bord et fond (n° 8, 11) ; les traces de feu sont difficilement lisibles sur cette production ; un petit pot avec anse (KAOL A14) en céramique commune grise kaolinitique à pâte plutôt fine du même genre que le vase 4.
24Par ailleurs, 37 fragments de vase à pâte kaolinitique n’ont pu être attribués à un vase précis.
- Vase 7 : un fond (n° 1) de pot à pâte grise kaolinitique qui correspond à ce qui reste du vase ossuaire ;
- vase 8 : cinq fragments de bord (n° 19) d’une lampe à pâte orangée, les traces de feu sont difficilement lisibles sur cette production.
25Le cortège est donc constitué de trois plats pour les nourritures solides, deux petits pots qui sont des vases à liquides, un fond de pot indéterminé (ossuaire ? n° 7) et une lampe.
Le dépôt 112
- Vase 1 : des fragments d’un vase indéterminé, un gobelet tronconique en céramique à revêtement argileux ou claire B, le tout brûlé ;
- vase 2 : trois fragments d’un vase indéterminé en céramique commune à pâte rouge.
26Pour ce qui concerne la datation, les deux dépôts de crémation ont livré des vases en sigillée claire B, en particulier le type Desbat 3 dont la production commence à partir des années 170 ap. J.‑C. Le plat en céramique commune n° 1 de DP 111 est un type répertorié dans le dépotoir de l’atelier de Saint-Péray daté du IIIe siècle. Il est donc envisageable de proposer une datation de l’extrême fin du IIe ou de la première moitié du IIIe siècle pour ces deux structures.
8.1.2.2. Les inhumations en coffrages complets de tuiles
27La dénomination de « coffrage complet de tuiles » désigne une caisse construite dans la fosse dont tous les éléments sont en tuile (fond, parois et couverture). Un nombre de 18 coffrages appartient à cette catégorie, dont 11 sont à section quadrangulaire et sept à section triangulaire (fig. 510 et fig. 511). Il est à noter que 20 sépultures en partie détruites n’offrent pas d’informations pour identifier précisément l’architecture : des fragments de tegulae résiduels permettent seulement de les classer dans la large catégorie des coffrages, mais on ne peut déterminer s’il s’agit de coffrages complets de tuiles ou de coffrages associant la tuile et le bois.
Fig. 510 (1/2) – Caractéristiques des coffrages de tegulae à section quadrangulaire (Fr. Blaizot).

Fig. 510 (2/2)

Fig. 511 – Caractéristiques des coffrages de tegulae à section triangulaire (Fr. Blaizot).

Coffrages complets à section quadrangulaire
Architecture
28Le fond et les parois sont constitués par des tegulae, à l’exception de la sépulture 127 dont les parois sont réalisées en carreaux de terre cuite (voir ci-dessous).
29La disposition des tegulae qui forment les parois varie peu d’une sépulture à l’autre (fig. 510) :
30– pour constituer les parois latérales, la plupart des tegulae sont posées de chant sur leur grand côté (10 exemples) contre un cas où elles sont placées sur leur petit côté (SP 23 ; fig. 512). On compte également un assemblage mixte (SP 105 ; fig. 513) où les tuiles du côté oriental sont sur leur petit côté alors que celles à l’ouest sont sur leur grand côté ; dans deux tombes enfin, les tegulae, placées sur leur grand côté, sont complétées par une demi-tuile placée sur son petit côté (SP 68 et SP 92 ; fig. 514 et fig. 515) et dans la tombe SP 89 il s’agit d’une brique (fig. 516). De manière générale, les tegulae des parois latérales sont placées avec le rebord à l’extérieur. On note deux exceptions, l’une concerne la demi-tegula qui complète les parois de la tombe SP 68, et l’autre la tombe SP 105 où toutes les tegulae du côté sud sont placées avec les rebords à l’intérieur ;
Fig. 512 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 23 (DAO : P. Rigaud, Chr. Ronco).

Fig. 513 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 105 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fig. 514 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 68 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fig. 515 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 92 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fig. 516 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 89 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

31– les parois transversales sont systématiquement constituées d’une seule tegula généralement placée sur son grand côté (neuf cas contre trois sur le petit côté). Contrairement à leur orientation sur les parois latérales, les tegulae qui ferment les petits côtés du coffrage sont indifféremment placées avec le rebord à l’extérieur (six cas) ou à l’intérieur (six cas) ;
32– les parois latérales et transversales enserrent les tuiles du fond. Seuls les coffrages des tombes SP 23, 35, 68 et 105 présentent des variantes. Les tegulae des parois latérales de la tombe SP 23 reposent en effet sur celles du fond, alors que celles des parois transversales les encadrent (fig. 512). Dans les coffrages des tombes SP 68 et 105, seule une partie des tegulae des parois reposent sur celles du fond (fig. 514 et fig. 513) ; il s’agit, pour les deux sépultures, de celle qui constitue la paroi transversale orientale, et pour la tombe SP 105 des deux tegulae qui sont situées à l’est sur les parois latérales (fig. 513). Dans ce dernier cas, ces tuiles ont été en réalité rapprochées pour affecter un plan trapézoïdal à l’ouvrage (voir ci-dessous). Enfin, la paroi transversale de l’extrémité occidentale du coffrage de la tombe SP 35 repose sur la tuile du fond qui dépasse de 14 cm vers l’ouest (fig. 517) ;
Fig. 517 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 35 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

33– le fond des coffrages est composé de tegulae juxtaposées par leurs grands côtés, sauf pour les tombes SP 35, 42 et 83 où elles sont placées longitudinalement, c’est-à-dire juxtaposées par leurs petits côtés (fig. 517, fig. 518 et fig. 519). Les rebords sont dirigés vers le haut, à l’exception du coffrage SP 83 où ils reposent contre le fond de la fosse (fig. 519) ;
Fig. 518 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 42 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fig. 519 – Coffrage de tegulae de la tombe SP 83 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

34– les couvertures sont constituées de tegulae posées à plat et orientées par leur largeur sur l’axe longitudinal, c’est-à-dire qui se jouxtent par leurs grands côtés. La tombe SP 35 fait exception (fig. 517), avec ses tegulae orientées par leur longueur (se jouxtent par leurs petits côtés). Une originalité de cet ensemble réside en la présence d’une seconde rangée de tegulae ; celles-ci, placées à plat sur les points de jonction des tuiles précédentes et orientées à l’identique, ont un rôle de couvre-joints, généralement tenu par des imbrices. Ce dispositif, intégralement ou partiellement conservé, a été identifié dans six coffrages complets de tuiles, l’usage de l’imbrex n’ayant été qu’observé une seule fois (SP 92 ; fig. 515) et en complément à trois tegulae posées à plat. Les couvercles qui comportent des tegulae servant de couvre-joints sont bien agencés, avec le rebord des tuiles de la première rangée orienté vers le haut, tandis que sur la deuxième, il est dirigé vers le bas. La tombe SP 23 ne comporte qu’une seule rangée de tegulae dont le rebord est orienté vers le bas (fig. 512), ce qui pourrait désigner une seconde rangée placée sur une première couverture en bois. Cependant, les tegulae des deux autres coffrages qui ne comportent qu’une seule rangée sont orientées vers le haut par leur rebord (SP 35 et 105) ; cela signifie-t-il pour autant qu’elles étaient surmontées de planches ? Dans la tombe SP 35, on a tenté de remédier au problème de l’étanchéité en faisant se chevaucher les petits côtés des tuiles. Du mortier a été retrouvé sur les éléments de couverture du coffrage SP 89, malheureusement en partie détruit (fig. 520).
Fig. 520 – Mortier au sommet des parois du coffrage de la tombe SP 89 (cliché : équip ede fouille).

35Globalement, ces coffrages sont donc bien construits, à quelques exceptions près, comme on l’a vu pour l’extrémité orientale du coffrage SP 35. La cuve de la tombe SP 42 constitue un autre exemple de coffrage relativement mal agencé, avec la dernière tuile (extrémité est), sur le côté sud, qui n’est pas parallèle aux tegulae du fond (fig. 521). On voit que les tuiles s’articulaient mal entre elles, celle du nord étant trop courte relativement à celles du sud et de l’est. Une planche pourrait avoir été placée dans cet espace, ce qui expliquerait que l’avant-dernière tuile orientale, ainsi mal équilibrée, n’ait pas basculé en dedans. L’hypothèse est confirmée par la position en équilibre instable de la patella et des os des pieds disloqués à distance du bord sud de la tegula du fond et de celle qui constitue la paroi : ces éléments ne sont pas tombés dans l’espace entre ces deux tuiles. Enfin, la tuile du fond, côté est, en pendage de 8 cm vers l’ouest, constitue la seconde « approximation » dans la construction de ce coffrage ; cette tuile pourrait ne pas avoir été posée sur un fond plat, ou bien elle devait s’appuyer légèrement contre la paroi orientale de la fosse (non visible). Deux phalanges du pied gauche se sont alors déplacées vers l’amont, l’une en situation médiale au tiers distal du tibia et l’autre sur l’articulation tibio-fémorale. Le fond du coffrage de la tombe 105 présente un pendage vers l’est, marqué par une forte inclinaison de la deuxième tegula en partant de l’ouest ; à sa suite, deux tegulae ont été empilées afin de rattraper la dépression du sol sous-jacent.
Fig. 521 – Éléments du squelette SP 42 en équilibre instable (cliché : équipe de fouille).

36Le coffrage de la sépulture 127 est particulier dans la mesure où la cuve est composée de carreaux de terre cuite rectangulaires, de 0,42 m sur 0,27 m et épais de 4 cm (fig. 522). Le couvercle est fait de quatre éléments en terre cuite de forme semi-cylindrique de 0,41 m de côté pour une hauteur de 0,14 m, qui forme le tiers d’un cylindre de 0,46 m de diamètre, imitant un imbrex. Si des traces de mortier relevées sur les carreaux indiquent des remplois, rien ne permet de le dire pour les semi-cylindres dont l’origine est indéterminée. Par leur forme, ils évoquent les imbrices « géants » couvrant un monument public à Narbonne (Thèse Manniez 1999 : 31) et à Digne (Colardelle, Demians d’Archimbaud, Raynaud 1996 : 277), mais ils s’en distinguent par leur plus faible longueur (0,41 m contre 0,70 à 0,80 m), et par l’absence de rétrécissement à l’une des extrémités qui permettait le chevauchement des tuiles. Il n’est pas exclu que ces éléments aient été fabriqués expressément pour la sépulture, comme c’est le cas pour des tegulae incurvées servant de bâtière dans les ensembles funéraires de la Valentine à Ouveilhan (Aude), de Gissos à Aspiran (Hérault), ou encore des Angles dans le Gard (Thèse Manniez 1999 : 32). Les tuiles semi-circulaires sont surmontées d’une seconde rangée d’éléments de couverture, illustrés par des carreaux de terre cuite posés sur d’autres placés de part et d’autre et au contact des tuiles semi-sphériques, au-dessus des jointures. Du côté nord-est, des pierres effondrées sur le sol d’inhumation pourraient signaler un système équivalent en bois.
Fig. 522 – Vue du coffrage de tegulae de la tombe SP 127 (cliché : équipe de fouille).

37La taille des coffrages (dimensions externes) varie de 0, 80 m à 2,15 m. La faible valeur, 0,80 m (SP 84), est sans doute en relation avec l’âge au décès du sujet (sépulture non fouillée). Si on l’exclut, 7 coffrages sur 11 mesurent entre 1,80 m et 2 m de longueur, à l’exception de celui de la tombe SP 105 qui n’atteint que 1,55 m de longueur (adulte féminin) et de ceux des tombes SP 78, 23 et 35 qui atteignent jusqu’à 2,15 m (adultes masculins). Si la largeur du coffrage de SP 84 est faible (0,24 m), celle des autres est comprise entre 0,48 m et 0,55 m, mais les coffrages de SP 110 (adulte) et 83 (adolescent) dépassent ces mesures avec 0,68 m et 0,75 m.
38En plan, ces coffrages complets de tuiles sont rectangulaires, sauf les coffrages des tombes SP 35, 92 et 105 qui sont trapézoïdaux ou plus précisément qui sont marquées par un rétrécissement à l’extrémité orientale où se trouvent les pieds des squelettes. Le plan trapézoïdal est amorcé de différentes manières selon les cas. Dans la première, la dalle orientale de la paroi sud est décalée en dedans, dans la deuxième, les deux dernières tuiles des parois latérales sont décalées vers le sud (fig. 517 et fig. 515), tandis que dans la troisième, ces mêmes tuiles sont rapprochées l’une de l’autre, en équilibre sur la tegula du fond (fig. 513).
Fonctionnement
39Un coffrage de tuiles ayant forcément été fabriqué sur place, le corps devait être amené sur un support de type brancard. Si celui-ci a directement été placé dans la fosse, aucun clou ne l’atteste directement, mais d’autres systèmes d’attache et d’autres matériaux combinés pouvant avoir été impliqués dans ce dispositif, l’absence de clou ne constitue en aucun cas un contre-argument à cette hypothèse. Cependant, aucun squelette ne présente les signes d’une décomposition sur un support en bois (Blaizot et al. 2001 ; Duday, Lambach, Plouin 1990 ; Blaizot 2014). En effet, on n’observe aucun exemple d’ouverture des côtes à l’horizontale susceptible de se produire dans le cas d’un plancher constitué de planches juxtaposées, ni de rapprochement des genoux évoquant le ramollissement d’un plancher, ni d’effets de planches dans les cas où le fond des coffrages est instable. Sur tous les squelettes, les côtes se sont normalement verticalisées, et aucune anomalie de situation ni de proportion n’est enregistrée sur les squelettes des tombes 23, 42 et 105 (fig. 523, fig. 524 et fig. 525), successivement caractérisés par un profil concave sur l’axe longitudinal, un pendage vers l’amont sur la tuile orientale du fond, un empilement de deux tuiles sur le fond précédé à l’ouest d’une tuile en pendage en arrière du tiers médian du squelette (voir ci-dessus). Tout se passe comme si les squelettes avaient été placés directement sur le fond de tegulae des coffrages.
Fig. 523 – Vue du squelette SP 23 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 524 – Vue du squelette SP 42 in situ (cliché : Fr. Blaizot).

Fig. 525 – Vue du squelette SP 105 in situ (cliché : équipe de fouille).

40La planche de bois ponctuellement insérée entre deux tegulae (fond et paroi) dans la tombe 42 constitue l’un des très rares exemples démontrés d’un doublage des tuiles par des planches (voir ci-dessus). Cependant, les coudes et l’épaule gauche de ce squelette sont au contact des tuiles, ainsi que des os de son pied gauche qui ont roulé contre la tegula nord-orientale, indiquant que la planche restituée sur la paroi opposée, latéralement au membre inférieur droit, consiste en un rajout ponctuel (fig. 524). Les squelettes de la série sont d’ailleurs tous au contact de la paroi au moins une fois, ce qui constitue un argument en faveur de l’absence d’un double contenant, à condition, bien sûr, que le contact concerne une tuile qui n’a pas basculé vers l’intérieur. Les pieds du squelette de la tombe 83, très dispersés, sont allés buter contre les trois parois du coffrage tandis que la bascule en dedans de la tuile du sud-ouest a contraint les côtes qui se sont redressées (fig. 526) ; ces phénomènes indiquent que le coffrage de tuile était l’unique contenant du corps. Dans la tombe 110, les humérus et les os du pied droit sont au contact des tuiles, ainsi que le bloc crânio-facial qui est redressé indiquant qu’il s’appuyait contre la tegula occidentale dès l’origine (fig. 527). La position archéologique des os de la tête et du cou du squelette 92 pourrait résulter également d’un appui de la tête contre la paroi, mais ici, l’ensemble aurait alors progressivement glissé vers la gauche du corps (fig. 528). L’hypothèse d’un coussin céphalique n’est guère validée par les données en présence, en raison de la non-dispersion des vertèbres cervicales et de l’absence d’aspiration vers l’amont des clavicules.
Fig. 526 – Vue du squelette SP 83 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 527 – Vue du squelette SP 110 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 528 – Vue du squelette SP 92 in situ (cliché : équipe de fouille).

41Certains squelettes offrent cependant des contraintes latérales à distance d’une ou deux parois de la fosse. Le squelette de la tombe 54, dont le bloc crânio-facial et les phalanges des pieds sont au contact des parois transversales du coffrage, est caractérisé par une contrainte qui affecte sa moitié inférieure gauche à distance de la paroi nord (fig. 529). Cette contrainte est illustrée par le maintien de l’os coxal en vue antérieure et par la chute de la patella et de l’ensemble du pied en direction médiale. Dans la sépulture 68, si l’éversion complète de l’humérus gauche et la situation de la patella gauche au contact de la paroi nord du coffrage de tegulae ne sont pas compatibles avec l’hypothèse d’un contenant de bois placé à l’intérieur de ce dernier, deux contraintes sont relevées sur le squelette à distance des parois sud et est (fig. 530). En effet, les deux os de l’avant-bras droit sont empilés avec le radius en vue latérale en équilibre instable et les os des deux avant-pieds ont basculé vers l’amont alors qu’ils se situent à distance de 8 cm de la tegula orientale. On peut encore citer la tombe 78, avec le bloc crânio-facial du squelette en équilibre instable et l’affaissement du pied droit maintenu en connexion anatomique en direction médiale, alors que le radius et quelques os de la main gauche, totalement disloqués, sont allés buter contre les tegulae de la paroi sud (fig. 531). C’est un schéma proche dans la tombe 127, où le bloc crânio-facial est redressé à quelques centimètres de la tegula occidentale, le pied gauche en connexion anatomique est affaissé vers l’avant et en direction médiale, alors que les membres supérieurs sont au contact des parois latérales du coffrage (fig. 532).
Fig. 529 – Vue du squelette SP 54 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 530 – Vue du squelette SP 68 in situ (cliché : F. Blaizot).

Fig. 531 – Vue du squelette SP 78 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 532 – Vue du squelette SP 127 in situ (cliché : équipe de fouille).

42L’unique cas évoquant un double contenant est celui de la sépulture 139 (fig. 533), dont le squelette présente des contraintes latérales en dedans des limites des parois du coffrage fournies par l’emprise des tegulae au sol et de la couverture (bloc crânio-facial incliné vers l’avant et la gauche, humérus en forte composante postérieure, délimitation linéaire côté gauche…).
Fig. 533 – Vue du squelette SP 139 in situ (cliché : équipe de fouille).

43À l’exception de cette sépulture, l’hypothèse d’un contenant de bois venant doubler le contenant de tuiles doit être rejetée pour la série de la Labre, dans la mesure où certains os sont au contact des parois des coffrages. L’interprétation d’une enveloppe souple ou de vêtements se révèle, comme toujours, accommodante pour résoudre ce type de contradiction, mais reste à l’état d’hypothèse en l’absence d’autres arguments tangibles susceptibles de le prouver.
Les inhumations en coffrages complets à section triangulaire
Architecture
44Les sept coffrages sont illustrés par des tegulae disposées en bâtière. Le coffrage de la tombe SP 50 a été interprété sur le terrain comme un dispositif mixte avec les tegulae de la moitié orientale en bâtière et celles de la seconde partie formant une section quadrangulaire. Néanmoins, au réexamen des données archéologiques et archéo-thanatologiques, il s’est révélé être en bâtière sur toute sa longueur (fig. 534).
Fig. 534 – Vue du coffrage en bâtière de la tombe SP 50 (cliché : équipe de fouille).

45À l’exception du coffrage 77, qui est constitué de carreaux de terre cuite et de tegulae, toutes les parois et le fond sont en tegulae.
46Deux de ces bâtières ne possèdent cependant pas de fond construit à l’aide de tegulae. Au moment de leur découverte, les squelettes reposaient directement sur le fond de la fosse. Le fond de ces coffrages pourrait avoir été construit en bois, ce qui est le cas pour la tombe 10. En effet, elle a livré deux clous, l’un sur le fond entre les côtes supérieures gauches et l’autre en arrière de l’extrémité distale de la fibula gauche. Bien que les pointes soient dirigées vers le bas, le fait qu’au moins l’un d’entre eux soit clairement signalé en arrière d’un os démontre son appartenance au plancher. L’hypothèse d’un plancher est conforme aux dislocations relevées sur ce squelette, à savoir le rapprochement des genoux, illustrant un gauchissement de planches qu’évoque aussi l’éversion du fémur gauche, peut-être le mouvement latéral relevé sur le rachis lombaire qui peut être corrélé à une fracture du fond, et enfin l’amorce d’ouverture à l’horizontale sur les côtes gauches qui a été stoppée par la tegula inclinée, comme le montre le redressement des extrémités sternales (fig. 535). Le squelette de la tombe 50 ne fournit en revanche pas d’argument en ce sens, ce qui ne signifie cependant pas que le coffrage était dépourvu de fond en bois. Si la dénomination de « coffrages complets de tegulae » ne convient donc pas pour ces coffrages, nous ne les avons cependant pas classés dans les coffrages composites, dans la mesure où chaque élément constitutif n’est réalisé que dans un seul matériau : les fonds sont soit en tuiles soit archéologiquement absents, tandis qu’aucune planche de bois n’est impliquée dans la construction des parois qui ne comptent que des tegulae.
Fig. 535 – Vue du squelette SP 10 in situ (cliché : équipe de fouille).

47La disposition des tegulae qui forment les parois ressemble à ce qui a été mis en évidence pour les coffrages à section quadrangulaire (fig. 511) :
48– pour ce qui concerne les parois latérales, la disposition des tegulae est cependant plus variable que dans les coffrages à section quadrangulaire, puisqu’elles sont juxtaposées par leur long côté dans quatre coffrages et par leur petit côté dans les trois autres. Les rebords sont orientés vers l’extérieur, sauf dans le coffrage SP 62 où ils sont tournés vers l’intérieur. Les tuiles tiennent en force, le sommet de l’une s’appuyant sur celui de l’autre, et, à la base, elles enserrent les tegulae du fond le cas échéant. Le coffrage SP 1 possède deux rangs de tuiles, celles du second venant s’appuyer au niveau de la jonction entre celles du premier rang ; les tuiles du premier rang ont les rebords orientés vers l’extérieur alors que sur les autres ils sont tournés vers l’intérieur. Ce système est identique à celui relevé sur le couvercle de plusieurs coffrages de section quadrangulaire (voir ci-dessus et fig. 510), puisque dans un système en bâtière, les tegulae font à la fois office de parois et de couvercle. Il est possible que les fragments de tegulae et d’imbrices relevés contre les parois du coffrage SP 124 illustrent les restes d’un deuxième rang, partiellement détruit ; l’hypothèse de calage semble toutefois plus probable dans la mesure où le rebord des tegulae incomplètes du deuxième rang est placé vers le haut (fig. 536) ;
Fig. 536 – Vue de la bâtière de tegulae SP 124 (cliché : équipe de fouille).

49– pour les autres coffrages, c’est le point de contact supérieur entre les tegulae qui est couvert, soit par des tegulae à plat (3 cas), soit par des imbrices (1 cas), soit en combinant les deux, ce qui est représenté par SP 77 dont les parois sont déjà constituées de tegulae et de carreaux (fig. 537). Seul le coffrage SP 62 ne possède aucun élément venant se juxtaposer aux tegulae inclinées ;
Fig. 537 – Bâtière de tegulae de la tombe SP 77 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

50– les parois transversales sont toutes constituées par des tegulae posées sur leur long côté sauf dans les coffrages SP 50 et 124 où elles reposent sur leur petit côté. Elles encadrent les tuiles du fond lorsqu’elles existent et les rebords sont indifféremment placés vers l’extérieur (4 cas) ou vers l’intérieur (3 cas). La tegula orientale du coffrage SP 50 est calée par une pierre ;
51– les quatre fonds construits sont faits de tegulae juxtaposées par leur petit côté, deux ont les rebords orientés vers le haut et deux vers le bas. Dans le coffrage 13, les 12 derniers centimètres à l’est sont « pavés » de fragments de tegulae qui font suite aux trois tuiles complètes, afin d’obtenir la longueur désirée (fig. 538).
Fig. 538 – Bâtière de tegulae de la tombe SP 13 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

52La longueur des coffrages (dimensions externes) varie de 1,18 m à 2 m. Les plus courts (SP 62 et 77), renfermaient des squelettes d’enfants3. Les cinq autres coffrages, qui renferment des adultes ou des sujets de taille adulte, mesurent entre 1,80 m et 2 m de longueur. La longueur des coffrages est de toute évidence en relation avec la taille des individus, comme en témoigne le rajout de petits fragments de tegulae sur le fond (voir ci-dessus, SP 13). Cinq coffrages ont une largeur variant de 0,40 m à 0,45 m quel que soit l’âge de l’individu, les plus grandes largeurs étant relevées sur les coffrages SP 1 (0,80 m) et SP 10 (0,50 m). La largeur n’est ainsi pas corrélée à la longueur des coffrages.
53En plan, les bâtières de tuiles sont plutôt rectangulaires, à l’exception des coffrages SP 1 et SP 10 dont l’extrémité orientale, où se trouvent les os des pieds des squelettes, est rétrécie (fig. 539). Ce rétrécissement est marqué par l’orientation en dedans de l’extrémité de la dernière tuile (SP 10), ou en plaçant leur base plus près des tegulae du fond (SP 1).
Fig. 539 – Bâtières de tegulae : tombes SP 1 et SP 10 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fonctionnement
54Hormis le coffrage SP 10 où la présence d’un plancher est attestée par plusieurs arguments, aucun des squelettes issus de contenants alors pourvus d’un fond de tegulae ne présente d’arguments en faveur d’un plancher en bois venant doubler celui-ci. Il en est de même d’éventuelles parois de bois sur lesquelles les tegulae se seraient appuyées : l’enregistrement réalisé sur le terrain précise bien que les tuiles étaient au contact des os.
55Le dispositif en bâtière a produit des contraintes sur le squelette qui varient bien entendu selon la proximité qui existait initialement entre le corps et les tuiles.
56Par exemple, la seule contrainte enregistrée sur le squelette de la tombe SP 62 concerne le crâne qui se présente en vue latérale à faible composante antérieure, et donc en équilibre instable (fig. 540). Le fait qu’il s’agisse d’un enfant, dont le corps est d’une largeur inférieure à celle d’un adulte, explique le faible nombre de contraintes : seule la tête, relativement volumineuse, s’est trouvée en butée lorsqu’elle a basculé sur le côté (l’ensemble des vertèbres cervicales se présentent en vue latérale gauche). La base des parois latérales du coffrage SP 1 était relativement éloignée du corps ; en effet, une vertèbre cervicale disloquée et les coudes du squelette sont en situation latérale aux bords de la tuile du fond, reposant dans l’espace situé entre le fond et la paroi inclinée (fig. 541). En raison du plan trapézoïdal du coffrage, la partie supérieure du corps n’est pas contrainte, contrairement à la moitié inférieure à partir du bassin : celui-ci est maintenu fermé, la patella gauche est tombée en direction médiale et les pieds se sont affaissés contre les parois obliques. L’inclinaison des parois latérales du coffrage SP 10, en revanche, a exercé des contraintes sur l’ensemble du squelette : le bloc crânio-facial, à distance de la paroi transversale ouest, est maintenu en équilibre instable sur l’occipital, les pieds sont descendus contre les parois inclinées et l’humérus droit est surélevé, à l’origine en appui contre la tegula oblique (fig. 535). Le maintien en équilibre instable du bloc crânio-facial par l’inclinaison des parois est un phénomène fréquent, et concerne également les trois squelettes suivants (124, 13 et 50). Dans le coffrage SP 124, le corps devait être plus près de la paroi sud, puisque son humérus droit est surélevé et son os coxal droit redressé (fig. 542) ; ces contraintes sont bien d’origine, comme l’indiquent la verticalisation des clavicules et le fait que l’extrémité sternale de la droite sorte du volume de l’épaule. Les squelettes des coffrages SP 13 et 50 sont les plus contraints. On retrouve, sur le squelette SP 13 (fig. 543), la même surélévation de l’épaule et l’ascension de la clavicule gauches que dans la tombe précédente, l’humérus gauche est plaqué contre la face latérale des côtes, le coude droit est en équilibre instable plaqué contre la face latérale des côtes (vue antéro-latérale), le bassin est fermé et les pieds sont affaissés vers l’avant. Le squelette 50 illustre aussi le maintien du bloc crânio-facial en équilibre instable, ses membres supérieurs sont plaqués contre les côtes, avec le gauche redressé, de même que l’os coxal homolatéral, indiquant que la paroi nord était plus contraignante que la méridionale (fig. 543). Ici, les contraintes sont cependant plus marquées que sur le squelette précédent, comme en témoignent les côtes refermées en avant du rachis, et les pieds effondrés sur l’axe longitudinal médian. S’il s’agissait d’une architecture de bois, on pourrait presque restituer un contenant monoxyle…
Fig. 540 – Vue du squelette SP 62 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 541 – Vue du squelette SP 1 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 542 – Vue du squelette SP 124 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 543 – Vue des squelettes SP 13 in situ (cliché : équipe de fouille).

57Globalement, ces bâtières de tegulae, en dépit du doublage des parois ou de l’ajout de tuiles faîtières, restent en partie perméables aux infiltrations de terre. En témoignent le maintien relatif du volume du thorax du squelette SP 1 et la préservation des connexions anatomiques sur la main droite du squelette SP 13 plaquée en équilibre instable contre le pubis. Dans la même tombe, on peut encore signaler le morceau de tegula effondré en amont du bloc crânio-facial du squelette alors que le coffrage était en partie comblé (il repose 15 cm au-dessus du fond).
8.1.2.3. Les inhumations en coffrages composites de tuiles et de bois
Architecture
58Dix-neuf tombes renferment des coffrages composites. Comme expliqué précédemment, nous avons réservé cette appellation aux coffrages dont au moins une paroi contenait du bois. Lorsqu’il s’agit plus précisément d’un élément ou d’un ensemble fonctionnel du coffrage, à savoir le fond, les parois transversales, les parois latérales, la couverture, le qualificatif de « composite » est appliqué si les deux matériaux entrent dans la composition d’un des éléments (le fond, le couvercle, une paroi) et celui de « mixte » se rapporte à des coffrages dont une paroi (latérale ou transversale) est intégralement en bois et l’autre intégralement en tuiles.
59Les coffrages composites concernent cinq bâtières et neuf à dix contenants de section quadrangulaire (fig. 544). La section des coffrages des tombes SP 73 et 74 est inconnue puisque ces tombes n’ont pas été fouillées, tandis que celle des coffrages SP 18, 56, et 106 peut difficilement être évaluée avec certitude dans la mesure où les parois latérales étaient intégralement construites en bois. La rotation complète du bloc crânio-facial dans la tombe SP 18 et la chute latérale à plat sur le fond des tuiles septentrionales semblent toutefois désigner un coffrage de section quadrangulaire. L’os coxal et tous les os longs du côté gauche du squelette montrent une éversion latérale ainsi que la rotation du crâne du même côté (fig. 545). Pour ce qui concerne la tombe 106, si les tegulae placées à plat sont celle de la couverture stricto sensu et ne servaient pas de « couvre-joints » à des parois en bâtière, on serait face à un coffrage à section quadrangulaire (fig. 546).
Fig. 544 (1/2) – Caractéristiques des coffrages composites (Fr. Blaizot).

Fig. 544 (2/2)

Fig. 545 – Vue du squelette SP 18 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 546 – Vue du coffrage mixte SP 106 (cliché : équipe de fouille).

60La part des tegulae et du bois et leur mise en œuvre varient d’une sépulture à l’autre ; en réalité, le nombre de cas est très proche du nombre de sépultures4 :
- toutes les parois et le couvercle sont en bois : SP 18 ;
- les parois latérales, le fond et le couvercle sont composites, les parois transversales sont mixtes : SP 29 ;
- seules les parois latérales sont composites : SP 48 ;
- les parois latérales sont composites, les parois transversales sont mixtes : SP 69 ;
- tout est en bois sauf le couvercle qui est composite : SP 56 et 106 ;
- toutes les parois et le fond sont en bois, seul le couvercle est en tegulae : SP 118 ;
- le fond est composite, les parois transversales sont mixtes : SP 64 ;
- le couvercle est en bois, les parois latérales sont mixtes : SP 70 ;
- le couvercle et les parois transversales sont en bois, les parois latérales sont mixtes : SP 71 ;
- les parois latérales, le fond et le couvercle sont en bois, seules les parois transversales sont en tuile : SP 137, SP 74 : sauf fond non observé (coffrage non fouillé) ;
- les parois transversales sont mixtes, le couvercle est en bois : SP 73 ;
- fond et couvercle en bois, parois latérales composites, parois transversales mixtes : SP 82 ;
- le fond et le couvercle sont en bois, les parois transversales sont mixtes : SP 95 ;
- parois latérales composites, parois transversales mixtes et couverture en bois : SP 97 ;
- parois latérales composites, parois transversales mixtes mais fond non observé (coffrage non fouillé) : SP 103 ;
- le fond et les parois latérales sont composites, le reste est en bois : SP 128 ;
- parois longitudinales et fond en bois : SP 139.
61Par ailleurs, l’hypothèse d’un fond en bois n’est que très rarement démontrée, comme on l’a vu précédemment avec les bâtières de tegulae qui en sont dépourvues. Sur les cinq cas recensés ici, seule la sépulture SP 106, dont la section est indéterminée, pourrait en avoir comporté un (fig. 546). Cette hypothèse ne repose que sur la présence de trois clous mentionnés à l’emplacement théorique des parois latérales, mais ne peut être vérifiée par la taphonomie du squelette puisqu’il n’existe qu’un seul cliché de cette inhumation avec les tegulae qui masquent le squelette. Les squelettes des coffrages SP 71, 82, 118 et 137 ne montrent aucun indice en ce sens, tandis que la fouille partielle et sommaire du coffrage SP 56 ne permet pas de le vérifier.
62La section de la tombe 70 se révèle difficile à identifier. La paroi nord est constituée de tegulae verticales, mais le fond et la paroi n’ont pas la même orientation (fig. 547). Le fait que le coude gauche du squelette se trouve en situation latérale au bord nord de la tegula sur laquelle il repose évoque un schéma vu précédemment sous les bâtières de tuiles. Faut-il envisager qu’une planche de renfort était insérée dans cet espace ? Rien n’est moins sûr : le coude gauche du squelette ne présente aucun effet de butée ni de contrainte validant cette hypothèse. Il faut alors plutôt envisager un « bricolage de dernière minute » résultant sans doute de la manière dont le coffrage a été assemblé ; L’espace s’est-il révélé insuffisant, en cours de montage, pour caser la moitié supérieure du corps, ce qui a conduit à décaler la paroi de tuiles ?
Fig. 547 – Vue du coffrage mixte SP 70 (cliché : équipe de fouille).

63On n’observe aucune relation entre la section du coffrage et l’agencement des tuiles des différentes parois et du fond.
64La variabilité mise en évidence indique que la construction de ces coffrages composites n’est pas du tout standardisée, ce que confirme l’examen de la position des tuiles et rappelle les constats précédemment émis pour les coffrages de tegulae.
65Dans les six cas composites, le fond de ces coffrages est « normalisé » pour ce qui concerne l’agencement des éléments ; en effet, la partie en bois est systématiquement placée à l’extrémité orientale du fond. En revanche, si les tegulae sont le plus souvent placées avec le rebord tourné vers le haut (sept cas contre trois où le rebord est vers le bas), les exemples où les tegulae sont juxtaposées par leurs grands côtés sont aussi nombreux que ceux où elles se jouxtent par leurs petits côtés (cinq et cinq).
66Ce n’est pas le cas sur les parois latérales, où la disposition la plus courante des tegulae est de se jouxter par leurs longs côtés (11 cas sur 13) avec les rebords orientés à l’extérieur (11 cas sur 13). Lorsque le fond est également en tegulae, celles-ci butent contre les tuiles des parois latérales. Les parois de bois peuvent être calées par des pierres, comme c’est le cas par exemple sur le côté sud des tombes 71 et 97 et dans la tombe 56 où deux pierres sont enregistrées latéralement aux fémurs (seule la couverture est en tegulae) [fig. 548]. Des demi-tuiles, renforcées par des briques et des pierres peuvent également être utilisées, par exemple dans la tombe 64. Ponctuellement, comme on l’a vu précédemment pour les coffrages à parois de tuiles, une pierre peut aussi maintenir une tegula, ce qui est le cas sur la paroi sud de la tombe 73 ou sur la paroi nord de SP 64. Lorsque les parois latérales sont composites, les planches de bois sont souvent dans la partie orientale du coffrage (SP 69, 82, 103 et peut-être 64), à l’exception du coffrage SP 97 ou le bois est sur la paroi sud de la moitié occidentale. Le coffrage en bâtière de la tombe SP 95 est le seul à présenter une double rangée de tegulae, à l’instar de ce qui a été vu dans les coffrages complets de tuiles (fig. 549). La seconde rangée n’est cependant représentée que par un segment, situé à l’est, et rien ne permet de préciser si le reste a été récupéré ou bien était en bois. Toutes ces tegulae sont couvertes d’imbrices sauf à l’extrémité ouest où une tegula est posée à plat sur la bâtière de la première rangée. Une autre exception concerne le coffrage SP 29, dont une partie de la paroi sud, côté ouest, serait aménagée d’imbrices empilées (fig. 550). La faible hauteur obtenue par cet empilement est toutefois sensiblement inférieure à celle des tegulae, ce qui invite à envisager qu’elles servaient plutôt de calages à une paroi en bois.
Fig. 548 – Dispositifs de calages des parois en bois des coffrages mixtes : sépulture SP 71, SP 56 et SP 64 (cliché : équipe de fouille, DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud, Fr. Blaizot).

Fig. 549 – Double rangée de tegulae de la tombe SP 95 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fig. 550 – Coffrage mixte de la tombe SP 29 (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

67On compte sept cas où les deux parois transversales sont en bois, et sept où les parois sont mixtes (une en bois une en tegula). Dans les cas mixtes, c’est systématiquement la dalle orientale, vers les pieds, qui est en bois. On retrouve donc la tendance affichée sur les parois latérales et sur les fonds composites à privilégier les tegulae dans la partie où se trouve la tête du défunt. La disposition des tegulae est assez variable : huit tegulae sont placées sur le petit côté contre sept sur le grand, mais l’orientation du rebord à l’extérieur (dix cas) est plus fréquente que celle où il est orienté à l’intérieur (quatre cas). Comme on l’a vu, les fragments de tegulae qui constituent la paroi occidentale du coffrage SP 29 invitent à s’interroger sur leur fonction : paroi réelle ou calage d’une paroi de bois, comme pour la paroi latérale sud du même coffrage.
68Les couvercles composites concernent trois sépultures (SP 56, 106 et 139), ceux en tegulae cinq à six (SP 29 ?, 48, 64, 69, 103, 118), ceux des autres tombes étant probablement en bois.
69Une couverture en bois est illustrée dans la tombe SP 137 par la présence de sept clous, tous placés avec la pointe dirigée vers le bas (fig. 551). Quatre sont groupés en situation médiale au tiers proximal de l’humérus droit, et un cinquième repose en avant de la clavicule et des côtes supérieures gauches. Deux autres clous ont été relevés à l’est, l’un en situation médiale à la moitié supérieure du tibia gauche et l’autre latéralement et à distance du tiers médian de la jambe droite. La situation de ces clous et le fait que certains reposent jusqu’à 8 cm au-dessus du fond de la fosse indiquent sans équivoque qu’ils appartiennent à un couvercle, tandis que leur disposition, en deux lignes perpendiculaires à l’axe longitudinal médian de la fosse, évoque deux traverses assemblant des planches parallèles. Cependant, l’aspect du squelette est compatible avec des parois disposées en bâtière : le bloc crânio-facial et le pied gauche sont en équilibre instable, les coudes sont écartés du corps et légèrement surélevés, la contrainte relevée sur les métatarsiens droits s’est produite en dedans du coude et celle qui affecte le coude gauche est en dedans de la délimitation dessinée par les céramiques brisées et la patella gauche qui s’est déplacée. Dans l’hypothèse de parois en bâtière, la couverture de planches sur traverses ne peut pas être imputée à la cuve, mais aurait plus probablement reposé au-dessus du coffrage ; maintenait-elle l’ensemble de la fosse en espace vide ? Il reste difficile de l’affirmer, dans la mesure où les clous restent dans les limites restituables du contenant ; cette seconde couverture pourrait en effet être limitée au contenant, à l’image des doubles rangées de tegulae décrites précédemment, bien que dans ces cas-là, la seconde relève du même dispositif que la première, ce qui ne serait pas le cas ici. En tout cas, l’hypothèse d’une évolution du contenant en espace vide est corroborée par l’éversion de la tegula orientale, qui démontre que la fosse n’était pas comblée de terre (voir ci-dessous).
Fig. 551 – Coffrage de la tombe SP 137 avec son couvercle composite (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

70Un autre coffrage montre clairement un premier couvercle en bois et une seconde couverture de tegulae. Il s’agit de la tombe SP 118, dont l’ensemble de la cuve est en bois, avec la paroi septentrionale ponctuellement calée par un morceau de tuile (fig. 552). Quatre clous ont été relevés dans cette tombe : deux se faisant face, les pointes dirigées vers l’intérieur, se trouvent à l’extrémité occidentale, un autre est en situation latérale à la partie distale de l’humérus droit et le dernier repose latéralement à l’os coxal gauche ; ces clous ont été retrouvés sous les tegulae, mais sont piégés en hauteur ce qui confirme leur appartenance au couvercle. Ces tegulae sont posées avec les rebords orientés vers le bas, ce qui est compatible avec l’hypothèse d’une seconde couverture destinée à assurer l’étanchéité du coffrage sous-jacent, selon un dispositif relevé sur les coffrages complets de tegulae (voir ci-dessus).
Fig. 552 – Coffrage de la tombe SP 118 avec son double couvercle dont un en bois (DAO : Chr. Ronco).

71La tombe 47 est particulière dans la mesure où elle est représentée par une cuve de section quadrangulaire totalement réalisée à l’aide de tegulae (fond et parois), mais recouverte d’une bâtière de bois dont le sommet est couvert d’imbrices tombés dans la cuve sur l’axe longitudinal médian du coffrage (fig. 553). Les parois transversales et latérales inclinées de la bâtière étaient calées par des morceaux de tegulae implantés dans la tranchée de fondation du coffrage moins profondément que celui-ci. Ce coffrage se caractérise également par une couche de béton enregistrée sur le fond à l’extrémité orientale, qui devait peut-être supporter une planche de bois, et par l’emploi de tegulae fragmentées ajustées et scellées par du mortier. Il est à noter que du mortier a également été enregistré au niveau de la couverture de SP 89 (voir ci-dessus), et sur les tuiles de SP 88, mais ce dernier coffrage était trop détérioré pour identifier ses modalités de construction et l’usage du mortier.
Fig. 553 – Coffrage de la tombe SP 47 avec sa cuve rectangulaire et son couvercle en bâtière de bois couvert d’imbrices (DAO : Chr. Ronco, P. Rigaud).

Fonctionnement
72Les os des squelettes des coffrages dont les parois comportent des tegulae sont généralement au contact de ces dernières. Il reste cependant difficile de réaliser des observations sur l’ensemble des sépultures, voire sur l’ensemble des os d’une sépulture, en raison de la mauvaise lisibilité et de l’insuffisance de clichés. On retrouve néanmoins, sur certains squelettes, des anomalies taphonomiques ponctuelles qui ne sont guère compatibles avec l’architecture enregistrée. C’est le cas, par exemple, du squelette d’enfant SP 69 dont des pièces osseuses sont maintenues en équilibre instable à distance des parois et les pieds affaissés vers l’avant (fig. 554) ; le fait que l’avant-bras gauche soit venu se placer au contact d’une tegula lors de l’effondrement du coude semble pourtant indiquer que le corps a été placé à même le coffrage de tuiles. Néanmoins, ce coffrage semble avoir été doté au moins d’un couvercle en bois placé sous le couvercle en tegulae ; en effet, cette sépulture a recoupé le squelette 67 dont le radius et l’os coxal gauches qui ont été retrouvés dans le coffrage FS 69 au niveau de l’épaule droite du squelette. Or, les os des deux squelettes sont séparés par une couche de 6 cm de terre, ce qui implique forcément qu’ils sont arrivés dans le coffrage alors que celui-ci avait commencé à se remplir de terre. Cependant, au moment de la découverte, les tuiles de la couverture du coffrage étaient en place. Si des os ont pu se retrouver entre les deux couvercles, c’est que le premier, en bois, ne reposait pas sur les tegulae latérales, mais sur d’autres parois, ce qui serait en faveur d’un deuxième contenant. Le contact entre l’extrémité proximale de l’avant-bras gauche et la paroi nord du coffrage pourrait alors être imputé à un mouvement sur la tuile, d’autant plus qu’elle est distante de moins de 10 cm du coffrage SP 68 qui la jouxte. Dans le coffrage SP 48, le maintien des humérus en vue antéro-latérale n’est pas pertinent en raison de la situation des avant-bras en avant de l’abdomen, mais les pieds, notamment le droit, se présentent en équilibre instable à distance des parois (fig. 555).
73Comme dans les cas discutés précédemment, l’hypothèse d’éléments de contention ne repose pas sur des arguments référencés ; la piètre étanchéité des couvertures est probablement à mettre sur le compte de ces maintiens ponctuels : sur les régions anatomiques constituées de petites pièces osseuses et d’un faible volume de chair, tels que les pieds, justement, un ou deux centimètres de sédiment infiltrés peuvent suffire à maintenir les os en connexion anatomique et en équilibre instable. Le phénomène est particulièrement bien illustré par les pieds du squelette 137, restés plaqués en connexion anatomique contre la tuile transversale qui ferme le coffrage à l’est (fig. 556).
Fig. 554 – Vue du squelette SP 69 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 555 – Vue du squelette SP 48 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 556 – Vue du squelette SP 137 in situ (cliché : équipe de fouille).

74La tombe SP 71, dont les bords de fosse ont été, de toute évidence, inexactement définis à la fouille, possède des pierres calant les planches de bois, qui permettent de restituer au moins l’emplacement de cette paroi (fig. 557). Il faut donc considérer que les os de la tête et surtout ceux des pieds ont été maintenus en équilibre instable par l’inclinaison des parois, puisqu’il s’agit d’une bâtière ; cette inclinaison devait être forte, puisque les pieds se situent à une grande distance de la base de la paroi visible (côté gauche). Le maintien des os de la tête et des pieds sur les squelettes 82 et 95 est de même imputable aux parois de la bâtière.
Fig. 557 – Vue du squelette SP 71 in situ (cliché : équipe de fouille).

8.1.2.4. Les marques sur les terres cuites architecturales
75Quarante-quatre sépultures fouillées à la Labre, soit 38 %, utilisent des éléments de terres cuites architecturales dans leur coffrage, soit au total 534 pièces suffisamment bien conservées pour être étudiées (fig. 558).
Fig. 558 – Type et nombre de marques sur les tuiles architecturales de la Labre. FT : fond en tuiles ; FST : fond sans tuiles ; Q : section quadrangulaire de la sépulture ; T : section triangulaire de la sépulture ; I : section indéterminée de la sépulture ; en rouge : carreau ; en bleu : carreau aux angles coupés (Chr. Ronco).

76Les terres cuites architecturales employées dans la construction des coffrages sont en majorité des tegulae (496 individus soit 92,9 %), le reste se répartissant entre 32 carreaux (6 %) et six éléments divers (1,1 %).
77Les carreaux de terre cuite sont utilisés dans deux coffrages : SP 85 et 127. Le premier, partiellement conservé, se compose exclusivement de carreaux de 0,35 m de côté dont l’angle inférieur droit est biseauté. Le coffrage atypique de SP 127 est constitué de carreaux rectangulaires de 0,27 m par 0,42 m et de terres cuites en forme de section de cylindre de 0,41 m de longueur, d’une largeur équivalente au tiers d’un cylindre de 0,46 m de diamètre.
78Un peu plus de la moitié des terres cuites architecturales (55,6 %) présente des marques digitées réalisées avant cuisson (soit 55,6 %) ; cette proportion reste valable quel que soit le type (56,4 % des tegulae et 53 % des carreaux marqués).
79À des fins de classement et de comparaison avec d’autres ensembles funéraires, en particulier le site dit des « Terrasses II » à Savasse (Drôme ; Rapport Ronco 2013), situé à une distance d’environ 15 km au nord de la Labre, des groupes typologiques ont été déterminés en fonction de la forme de la marque :
80– les boucles ouvertes (type A) pour lesquelles la boucle a une largeur supérieure à sa hauteur ;
81– les boucles serrées (type B) pour lesquelles la hauteur de la boucle est supérieure à sa largeur ;
82– les boucles croisées (type C) ;
83– les marques en forme de « S » (type D) ;
84– les marques diverses qui ne rentrent dans aucun des types précédents (type E)5.
85Dans un deuxième temps, chacune de ces catégories a été divisée en fonction du nombre de doigts utilisés pour la réalisation de la marque (de 1 à 4) [fig. 559].
Fig. 559 – Marques digitées représentées sur les tuiles du site de la Labre (DAO : Chr. Ronco).

86La répartition des types de marques est très inégale, avec 87 % de boucles (catégories A, B et C). Parmi ces types de boucles, on note une majorité de boucles ouvertes (catégorie A avec 62,5 % des boucles et 54 % de tous les types de marques) ainsi qu’un tiers de boucles croisées (catégorie C avec 30,4 % des boucles et 26,4 % de tous les types de marques).
87Pour ce qui concerne la réalisation de ces marques, plus de 85 % sont dessinées avec deux (48,3 %) ou trois doigts (36,8 %) ; les boucles réalisées avec un et quatre doigts restent rares (respectivement 7,8 et 7,1 %).
88L’ensemble funéraire des « Terrasses II » à Savasse comporte des coffrages de tuiles similaires datés du Ve siècle (fig. 560). Sur 228 tuiles utilisées dans les coffrages, 174 sont marquées, soit plus des trois quarts, contre seulement 55,6 % à la Labre. Ces marques ont été classées et inventoriées suivant les mêmes caractéristiques (forme des marques et nombre de doigts utilisés). Les résultats sont sensiblement différents. À la Labre, les boucles ouvertes réalisées avec deux ou trois doigts sont présentes sur 144 terres cuites architecturales soit près de la moitié des éléments marqués. Les boucles croisées tracées avec deux ou trois doigts sont ensuite les plus fréquentes avec 70 cas soit un peu moins d’un quart des TCA marquées. Aux Terrasses, les doubles et triples boucles serrées sont en revanche largement majoritaires avec 64 cas (36,8 %), viennent ensuite les doubles et quadruples marques en « S » avec 48 exemplaires (27,6 %) alors que les marques prédominantes à la Labre (plus de 80 %) ne représentent ici que 28,7 % des tuiles.
89Une marque de type particulier, présente à la fois à Savasse et à Châteauneuf-du-Rhône, a attiré notre attention. Il s’agit d’une quadruple marque en forme de « S », présente sur seize tuiles d’un coffrage des Terrasses (SP 91) et neuf carreaux d’un autre coffrage de section rectangulaire atypique de la Labre (SP 127). Dans les deux cas, l’empreinte laissée dans l’argile fraîche par les doigts du tuilier au départ de son geste de marquage montre que le tracé a été réalisé à l’aide de la main gauche (fig. 561). Ce constat suggère qu’un même artisan ait réalisé ces tuiles ; en l’état, l’hypothèse reste toutefois fragile et demanderait, pour être étayée, d’étendre les recherches sur un corpus élargi.
Fig. 561 – Marques réalisées par un gaucher (SP 91 et 127) [cliché : Chr. Ronco].

8.1.2.5. Les dépôts en vase-cercueil
Modalités de dépôt
90Seulement trois sépultures ont été réalisées en vase-cercueil. Dans les trois cas, il s’agit d’amphores, qui ont accueilli le corps de jeunes enfants6.
91Dans les amphores 60 et 93, la tête du sujet a été placée au niveau de l’épaule du récipient. Dans la première, le fond est absent et une ouverture longitudinale a été pratiquée pour introduire le corps, entre la base du col et le bas de la panse. La partie où repose le corps est conservée sur 0,55 m. L’amphore de SP 65 a également été découpée longitudinalement, mais cette fois-ci c’est le col qui manque, et la tête de l’individu se situait du côté du fond ; des fragments de panse conservés en avant des os du crâne du squelette semblent indiquer que la partie découpée a pu être replacée pour fermer le contenant. Il est à noter que le pilon a été arraché : il se trouve contre la partie inférieure de l’amphore au nord. Dans la tombe SP 93, deux amphores différentes ont été mises en œuvre pour constituer le contenant ; l’une, conservée du bord jusqu’au bas de la panse, sert de réceptacle, et l’autre de couverture et ponctuellement d’éléments de calage comme l’indiquent les deux fragments placés de chant de part et d’autre de l’amphore dans le quart oriental (fig. 562). À l’instar de l’amphore de la tombe 60, le fond est absent.
Fig. 562 – Dispositif de la tombe SP 93 et vue du squelette de SP 93 in situ (clichés : équipe de fouille).

92Pour ce qui concerne la sépulture SP 65, on peut supposer que la partie absente de l’amphore, en aval des pieds, était fermée d’une tegula, comme on en connaît des exemples dans l’Antiquité tardive. L’absence de tuile fermant la partie découpée de l’amphore SP 60 en aval des pieds du squelette désigne un élément en bois. L’adjonction d’éléments en bois concerne très probablement les tombes SP 65 et 93, mais de manière étendue ; en effet, la partie conservée du récipient faisant office de réceptacle est plus courte que le corps, et à partir des genoux, les os du squelette reposent sur le fond de la fosse. Dans la tombe 93, les os des jambes de l’individu étaient cependant couverts par la partie de l’amphore qui servait de couverture, tandis que les deux morceaux placés comme calages se situent latéralement aux jambes du squelette. L’ensemble de ces constats semble indiquer que la partie absente de l’amphore a été remplacée par des éléments en bois, à savoir des parois latérales calées par des deux morceaux d’amphore, une paroi transversale à l’est et probablement un fond. Il en est de même de la tombe SP 60 ; l’enfant, décédé entre deux et quatre ans, repose dans une amphore conservée sur 65 cm, ce qui est bien trop juste pour cet âge. Le cliché réalisé (fig. 563) sur le terrain montre que les pieds se trouvaient au-delà de la partie conservée du récipient, préalablement découpée. Dans la tombe SP 65, on peut supposer que la lacune relevée en aval de l’os coxal droit est d’origine taphonomique et que la partie en bois venait s’appuyer contre la partie cassée de l’hémi-cylindre, en arrière du tiers médian des diaphyses fémorales, comme l’indique la gauche conservée.
Fig. 563 – Vue du squelette de SP 60 in situ (cliché : équipe de fouille).

93L’adjonction d’un fond en bois évoque les dispositifs de coffrages mixtes vus précédemment. Cela peut s’expliquer peut-être par le fait que les sujets inhumés dans ces trois récipients ne sont pas décédés en phase infantile, contrairement à ce qui est généralement observé. Dans le cas des amphores 60 et 65, qui contiennent les individus les plus âgés, la longueur initiale de ces récipients, qui avoisine les 80 cm en comptant le pilon, restait bien trop juste pour placer les corps sans ajouter préalablement un élément.
94En conclusion, les cassures de la base de ces amphores ont été probablement réalisées de manière intentionnelle, afin de permettre ces ajouts (fig. 564). Ces cassures ne signifient pas que ces conteneurs sont des récipients préalablement mis au rebut puis récupérés pour l’occasion ; il s’agit d’amphores sans doute intactes à l’origine, « bricolées » pour pouvoir inhumer ces enfants.
Fig. 564 – Amphore servant de vase cercueil dans la tombe SP 60 (dessin : Chr. Bonnet ; cliché J.‑C. Sarrazin ; DAO : Fr. Blaizot).

95Dans les tombes SP 60 et SP 93, une moitié de panse fermait l’hémi-cylindre qui contenait le corps ; on peut supposer qu’il en est de même pour la tombe 65 où les fragments de panse sont mêlés aux ossements remaniés ; ils représentent sans doute les restes de la partie ayant servi de couvercle. Les morceaux qui se trouvent en situation latérale à l’hémi-cylindre à l’extrémité occidentale de la tombe sur le fond de la fosse (fig. 565) leur appartiennent ; ces éléments ne se présentent pas en suspension, remontés dans le sédiment, mais reposent sur le fond. Ils semblent en place, car même si des éléments du rachis cervical et du crâne ont migré latéralement, les fragments déplacés du récipient reposent sur le fond de la fosse et n’ont pas entraîné la mandibule ni le maxillaire. L’affaissement de ces éléments de part et d’autre de la partie qui servait de réceptacle au corps indiquerait que l’amphore se trouvait dans une fosse non remblayée, ou bien protégée par une architecture de bois (couvercle ou planches placées en bâtière). Un fragment de tegula, mêlés aux fragments provenant de l’amphore, pouvant éventuellement avoir participé à un tel dispositif.
Fig. 565 – Vue du dispositif de la tombe SP 65 et du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

96Les informations relatives aux amphores situées dans le finage de l’habitat restent très succinctes (fig. 566). L’amphore africaine de la tombe SP 45 provenant de la Maladrerie (IIIe siècle) a été découpée transversalement au niveau de l’épaule pour introduire le corps (Rapport Cordier, Brochier 2005 : 18) ; un amas de mortier de tuileau maigre liant deux fragments de tegulae placées de chant, avec le bord en direction de l’amphore, faisait office de fermeture. L’absence du col de l’amphore SP 158 peut également résulter d’une découpe volontaire ; il est à noter que seule la partie de la panse servant de réceptacle au corps est en place. Si l’absence de la seconde moitié de l’amphore n’est pas due aux labours, on peut envisager qu’elle était surmontée d’une bâtière de bois, mais aucun élément ne vient étayer cette hypothèse. Il nous faut en outre préciser que dix fragments de céramique commune claire se trouvaient dans le comblement de cette hémi-amphore, dont l’origine ne peut être déterminée : vestiges du dépôt d’une cruche ou vase ayant contribué à fermer le dispositif.
Fig. 566 – Vue des amphores SP 45 (la Maladrerie) et SP 158 (le Grand Palais) [clichés : équipes de fouille].

97Les squelettes inhumés dans ces amphores présentent les signes d’une décomposition sur un mode en gouttière : maintien en équilibre instable du crâne (SP 60 et 93), humérus plaqués contre les côtes et/ou passés en avant de celles-ci et rapprochement des os longs sur l’axe longitudinal médian du vase (SP 60 et 65). L’individu 65 a été placé en appui contre la paroi sud de l’amphore (fig. 563) : les côtes droites sont verticales, fermées, alors que les gauches sont ouvertes, les os des avant-bras ont basculé vers la gauche du corps, et l’humérus a effectué une rotation complète (il est en vue postérieure). Le fond de l’amphore-réceptacle de la tombe SP 93 s’est tassé en arrière de l’abdomen et des fémurs : ces derniers reposent environ 5 cm moins profondément que la partie supérieure du squelette, tandis que la moitié inférieure est descendue ; les restes du bassin sont en effet trop éloignés des os conservés de l’avant-bras droit et l’extrémité distale des fémurs passe en partie en avant de l’extrémité proximale des tibias (fig. 562). On ne dispose pas de données sur la position du squelette, réduit à quelques esquilles non identifiées lors de la fouille de l’amphore SP 45. Rappelons que, dans l’amphore SP 158, aucun os humain n’était préservé.
Les récipients
Présentation
98Dans les tombes 60 et 65, les vases sélectionnées pour servir de cercueil (fig. 567) sont des amphores africaines dites cylindriques de moyenne dimension, comme dans le cas de la sépulture 45 de la Maladrerie (fig. 566). Le vase de la tombe 60, dont le col est conservé, peut être rattaché plus précisément au type Keay 25 sous-type 3B (Bonifay 2004 : type 28, fig. 64, n° 8). Le col comporte une marque discrète, vraisemblablement anépigraphe, faite avant cuisson. Le cercueil de la tombe 93 est constitué de deux amphores (fig. 562). L’amphore la mieux conservée, qui constitue le réceptacle, est probablement du type Almagro 51C de Lusitanie mais le bord ayant été égaré, l’identification n’est pas assurée. La deuxième, pour laquelle seuls des fragments de panse sont conservés, présente la même pâte.
Fig. 567 – Les amphores ayant servi de vase-cercueil à la Labre (Chr. Bonnet).
SP | n° vase | Famille | Catégorie | Identification | % conservé | Partie absente | Observations |
60 | 1 | amphore | Afrique | Keay 25 sous-type 3 ; Bonifay 28 | 80 % | fond et petit fragment de bord | estampille anépigraphe sur le col |
65 | 1 | amphore | Afrique | Keay 25 sous-type 3 ? | 40 % | col | le pilon est détaché du fond |
93 | 1 | amphore | Lusitanie | Almagro 51C ? | 60 % ? | fgts de col et fond | |
93 | 2 | amphore | Lusitanie ? | Almagro 51C ? | 30 % ? | col et fond |
99Ces types d’amphores, qui appartiennent au répertoire courant de l’Antiquité tardive, sont fréquemment utilisés comme cercueil à partir du IVe siècle aussi bien à Lyon (Silvino, Bonnet 2016 : fig. 5 et fig. 9) que dans le Sud, comme en témoigne, entre autres, le site de Grange Neuve à Allan (Drôme), avec trois amphores hispaniques et quatre amphores africaines tardives (Rapport Ferber 1996 ; Blaizot, Alix, Ferber 2003).
Description
100SP 60
Amphore vinaire africaine dite cylindrique de moyenne dimension, Keay 25 sous-type 3B (Bonifay 2004 : type 28, fig. 64, n° 8), avec une marque discrète faite avant cuisson sur le col.
Il s’agit d’une amphore conservée sur plus de 0,80 m de hauteur, depuis le bord jusqu’au bas de panse. Le fond, absent, a été découpé. Ensuite, le corps de l’amphore a également été soigneusement découpé sur la longueur afin de créer une cuve pour déposer le corps, l’autre moitié servant de couverture.
Hormis l’absence du fond et les découpes, le vase ne présente pas de lacune sauf pour un petit fragment de bord.
101SP 65
Amphore africaine de moyenne dimension.
Elle est conservée par deux fragments du fond et 31 fragments de panses. Il s’agit peut-être d’un conteneur Keay 25 mais sans certitude. 20 à 30 % du vase sont conservés.
102SP 93
43 fragments d’amphores hispaniques (Bétique), au moins deux vases, l’un de type Almagro 51A/B sert de réceptacle et peut-être un type Almagro 51C qui est utilisé en calage et en couverture.
103Les périlleuses découpes nécessaires à la création d’un réceptacle à partir d’une amphore, c’est-à-dire à la fabrication de deux demi-sphères, ont pu être facilitées par l’enlèvement d’une extrémité, le col pour SP 65 ou le fond pour SP 60. C’est également le col avec les anses qui a été découpé à la Maladrerie. Si les découpes longitudinales, comme dans le cas de SP 60, sont facilement identifiables, parce qu’elles sont régulières, certaines cassures anciennes naturelles, présentant un aspect rectiligne, ne se distinguent pas aisément des découpes intentionnelles. Par exemple, toujours dans le cas du récipient de la tombe 60, le fragment qui sert de couverture est lui-même cassé longitudinalement, probablement par le poids de la terre ; or, on rencontre des difficultés pour distinguer, par l’aspect de la cassure, ce qui relève d’une découpe volontaire d’une fracture d’origine taphonomique. Il en est de même pour ce qui concerne la cassure transversale à la base. Ce constat rappelle combien les observations réalisées a posteriori en laboratoire nécessitent, pour être interprétées, d’être couplées à un enregistrement rigoureux sur le terrain, ce qui est d’ailleurs le cas pour toutes les questions archéologiques.
8.1.2.6. Les architectures de bois
Les sépultures dépourvues de vestiges architecturaux conservés
104Trente-huit tombes ne comportent aucun reste de tuile ou de dalle de terre cuite ayant pu participer à l’élaboration d’un contenant. Certaines livrent des clous ou des pierres de calage qui désignent indirectement une architecture de bois.
105La mise en évidence d’architectures de bois au moyen de l’analyse des anomalies taphonomiques du squelette nécessite une fouille minutieuse des squelettes, l’identification des bords des fosses et l’enregistrement de leurs profils. Les conditions dans lesquelles cette fouille a dû être réalisée et les difficultés de lecture des creusements (illisibles pour la plupart) dans le contexte sédimentaire du site, font que ces deux exigences ne sont pas remplies pour chacune des sépultures. De ce fait, une dizaine de sépultures ne fournissent pas les éléments permettant d’analyser les faits de manière à restituer les dispositifs funéraires.
Les assemblages à l’aide de clous
106Si le rapport fait état de cinq cercueils de planches clouées, l’examen de la position en trois dimensions de ces clous montre qu’il ne s’agit pas dans tous les cas de « cercueil cloué » au sens où il est entendu, à savoir un assemblage systématique des éléments de la cuve à l’aide de clous.
107En effet, certains des clous enregistrés dans ces sépultures ne reposent pas sur le fond des fosses, mais jusqu’à plus de 10 cm au-dessus, et ont été retrouvés parfois en avant du squelette (fig. 568). Les tombes SP 16 et SP 17 ne peuvent être prises en considération dans cette analyse : la première n’a été dégagée que globalement, la seconde est très érodée et le squelette partiel, tandis que les clous mentionnés latéralement à l’os coxal droit (SP 16) et au niveau du pied droit (SP 17) ne sont pas documentés (cote et orientation). Les clous isolés sont toujours difficiles à interpréter. Par exemple, deux clous ont été relevés parmi les os des pieds de la tombe SP 32, l’un repose sur le fond et l’autre sur le calcaneus gauche ; ce dernier pourrait indiquer qu’il provient d’un couvercle mais l’argument reste faible (fig. 569) ; on doit en tout cas envisager que la paroi orientale de ce contenant est très proche, comme le montrent les métatarsiens contraints contre le tarse et surélevés de 7 cm au-dessus du fond ; cette proximité expliquerait l’affaissement du pied gauche en direction médiale. La sépulture 31 a livré un clou, en situation latérale à l’humérus, mais sa position n’est pas non plus documentée. Dans la mesure où cet élément est isolé et que le squelette n’affleurait pas sous le niveau de décapage, nous n’avons pas considéré que ce clou faisait partie de la construction du contenant : tout au plus s’agit-il d’un élément de renfort ponctuel, ou bien d’un clou en place sur une planche réutilisée, à moins qu’il ne constitue l’unique survivant d’un couvercle cloué à la cuve.
Fig. 568 – Situation des clous dans les sépultures qui en comportent (Fr. Blaizot).

Fig. 569 – Vue des sépultures SP 32, 21 et 79 avec les clous in situ (clichés : équipes de fouilles).

108Dans la tombe 21, l’organisation des sept clous en présence délimite un rectangle de 1,70 m sur 0,40 m, qui correspond à l’emprise de la cuve (fig. 569). Pour la plupart, ils sont orientés avec les pointes dirigées vers l’intérieur, ce qui a conduit à envisager qu’ils assemblaient le fond aux parois de la cuve. Cependant, seuls deux de ces clous reposent sur le fond de la fosse (côté sud de l’extrémité orientale) ; les autres reposent entre 7 et 15 cm au-dessus, parmi lesquels deux ne sont pas orientés avec la pointe dirigée en dedans (paroi nord). Ces clous pourraient donc plus probablement appartenir à un couvercle qui se serait affaissé sur lui-même, expliquant le maintien des clous à leur emplacement.
109Les données relatives à la tombe SP 79 apparaissent lacunaires : la sépulture est très érodée, il y est fort probable qu’il manque la majeure partie des clous (fig. 569). Au moins trois des clous verticaux, dont deux se situent respectivement latéralement aux diaphyses humérales et un latéralement au pied droit, reposent sur le fond. C’est également le cas de celui qui se trouve en situation latérale au pied gauche mais se présente horizontalement. Ces clous pourraient appartenir à la liaison entre le fond et les parois du contenant ; leur emplacement, dans chacun des quarts des extrémités du contenant, suggère l’emploi de traverses. En revanche, les deux clous qui reposent 7 cm au-dessus du fond à l’extrémité orientale, donc un au-dessus du pied gauche du squelette, appartiennent probablement à une couverture. Il est donc possible que cette inhumation illustre les vestiges lacunaires d’un véritable contenant cloué.
110L’hypothèse d’un cercueil cloué, posé sur deux tegulae placées aux deux extrémités de la fosse, semble a priori également plausible pour la sépulture SP 98 : les clous qui reposent sur le fond, latéralement au squelette avec les pointes dirigées vers l’intérieur pourraient matérialiser les parois latérales (fig. 570). D’autres sont amassés au niveau de la tegula placée sur le fond à l’extrémité orientale de la fosse ; ils présentent des orientations anarchiques et au moins trois passent en arrière des pieds et d’une chaussure du sujet ; un seul clou a été recueilli sur la tegula situé à l’ouest, en arrière de l’humérus droit du squelette, mais d’autres peuvent ne pas s’être conservés. Les éléments pouvant être attribués au couvercle sont illustrés par les deux clous qui se croisent par leur pointe dans l’angle sud-ouest, puisqu’ils ne reposent pas sur le fond de la fosse mais 10 à 13 cm au-dessus. Cet exemple se rapproche du précédent par l’organisation, au niveau de la tegula orientale, des clous qui passent en arrière des os du squelette, ce qui évoque une traverse sur laquelle reposait le plancher. On s’interroge alors sur la fonction des clous alignés au sud et au nord : appartiennent-ils vraiment à l’assemblage du fond et des parois, ou bien proviennent-ils du couvercle qui se serait affaissé, les faisant descendre jusqu’au niveau d’inhumation ? Le décalage en dedans et l’orientation convergente des deux clous situés du côté sud dans la moitié est de la fosse contribuent à soulever cette question…
Fig. 570 – Vue de la sépulture SP 98 avec les clous in situ (clichés : équipe de fouille, DAO : É. Bayen).

111Les faits enregistrés dans la tombe SP 46 sont encore plus difficiles à interpréter. La majeure partie des clous, très nombreux et de plus petite taille que dans les autres sépultures, repose en avant du squelette en suspension dans le sédiment, ou s’est infiltrée entre les os (fig. 571). Ils présentent des orientations anarchiques, et leur situation dans la sépulture est inhabituelle. Quatre lots peuvent être distingués : le premier au niveau du tiers distal des fémurs, le deuxième à la hauteur de la hanche droite, de l’abdomen et du pelvis, le troisième au niveau du tiers distal de l’humérus gauche et le dernier en amont de la tête du côté gauche du squelette. Globalement, l’ensemble forme une ligne qui se dirige vers le nord-ouest, et évoque quatre traverses assemblant des planches d’un couvercle, qui se serait effondré vers le nord à partir de sa partie médiane. Seuls deux clous pourraient être imputés à un plancher : il s’agit des deux éléments enregistrés en arrière des pieds, dont l’un est décrit comme se présentant par la pointe. Leur position permet d’envisager également un système sur traverse pour assembler les planches du fond, mais on ne peut déterminer s’il s’agit d’un dispositif ponctuel sur ce contenant, ou bien si d’autres clous se présentant dans la même position n’ont pas été enregistrés. Enfin, dans le lot situé en amont du bloc crânio-facial, se trouve un clou de plus grande dimension (7,5 cm de longueur), qui repose 6 cm au-dessus du fond de la fosse. Son appartenance au contenant est probable puisqu’il jouxte un plus petit clou, mais il pourrait s’agir d’un élément non fonctionnel, présent sur une planche de récupération, par exemple.
Fig. 571 – Vue des clous et du squelette in situ : sépulture SP 46 (cliché : équipe de fouille, DAO : Chr. Ronco, Fr. Blaizot).

112En conclusion, la fosse contient une caisse de bois dont le couvercle est réalisé à l’aide de planches juxtaposées maintenues par des traverses, et cette caisse est munie d’un plancher dont les éléments devaient être assemblés de même, au moins à une extrémité. On ne dispose cependant pas de clous pouvant être attribués à l’assemblage des différentes parties de la cuve, ni de celle-ci au couvercle ou au plancher. Dans tous les exemples discutés ici, il faut garder à l’esprit que l’on raisonne sur des données tronquées : fosses érodées, bords de fosses erronés (notamment SP 98), fouille et enregistrement rapides.
113La répartition des clous dans les tombes SP 46, 79 et 98 est compatible avec la présence d’un plancher. Dans la dernière, celui-ci reposait sur deux tegulae placées aux extrémités, que l’on peut mettre en relation avec un système d’installation du coffre dans la fosse : en aménageant un espace vide sous-jacent, elles facilitaient le retrait de cordes avec lesquelles le contenant était descendu dans la fosse. On est donc bien, dans ce cas-là, face à un élément mobile, pour lequel le terme de « cercueil » convient. La présence de ces tuiles n’a engendré que très peu de remaniements sur le squelette. Mis à part la dislocation du coude droit, la ligne de rupture juste en aval du thorax ne présente pas de dislocation, et les vertèbres lombaires ne sont pas descendues dans le pelvis. On peut imputer à la présence du bord de la tuile orientale, l’extrême rétraction de l’avant-pied droit dont les phalanges, à l’exception de l’hallux resté sur la tuile, se sont infléchies ; sorti de son contexte, ce pied présente une taphonomie que l’on aurait pu mettre en relation avec une chaussure, alors qu’il traduit un effet de butée contre le bord de la tuile lorsque le fond en bois s’est décomposé. En dehors des clous, les indices en faveur d’un plancher sont inexistants dans la tombe 46, ne serait-ce l’inclinaison du rachis cervical, avec la septième vertèbre qui est passée en vue caudale (fig. 571) ; ce mouvement vers la gauche du corps peut être mis en relation avec un déséquilibre qui a affecté l’ensemble de cette région, os de la tête compris, peut-être en relation avec la chute du couvercle, et a pu être facilité par la présence d’un fond construit. Dans la tombe SP 79, le rapprochement des genoux, qui donne l’image de pieds divergents, évoque le gauchissement d’un plancher (Blaizot 2014 ; Mémoire d’habilitation Blaizot 2018). La question se pose pour le squelette de la tombe SP 21, dans laquelle les clous semblent tous appartenir au couvercle ; l’état déplorable des os ne favorise pas l’analyse mais on remarque que les os des pieds, disloqués sont groupés en situation interne et à distance de l’alignement défini par les clous sur les côtés latéraux. Si ces modalités de dislocation ne sont pas en relation avec un enveloppement du corps, elles pourraient traduire un gauchissement du fond à l’instar de ce que l’on a vu dans la tombe 79. À cela s’ajoute le déplacement du rachis thoracique inférieur, lombaire et sacré dans la partie droite du tronc et de l’abdomen, qui pourrait illustrer un mouvement de planche (Blaizot 2017). Dans la tombe SP 32 qui conserve un clou à l’aplomb du pied gauche (fig. 569), l’hypothèse d’un fond pourrait également être émise sur la base des torsions en vrille et de la sinuosité du rachis. L’interprétation des anomalies enregistrées sur ce squelette mérite discussion. Si le maintien du bloc crânio-facial en équilibre instable et sa légère descente en direction des épaules peuvent évoquer une décomposition sur une surface concave, l’hypothèse d’un contenant monoxyle peut être écartée dans la mesure où les cotes de profondeur relevées en arrière des ossements déterminent un fond plat. Le redressement de l’extrémité distale des métatarsiens droits peut s’expliquer par la proximité des parois sud et est du contenant, cette dernière étant très proche des os, comme on l’a vu. La position du bloc crânio-facial pourrait témoigner d’une contrainte exercée par la paroi occidentale du contenant. Ces observations détermineraient un contenant plutôt court, mais plutôt large, puisque l’on n’observe pas de constriction latérale sur les parties en connexion anatomique. Cependant, comme on le verra plus bas, d’autres explications peuvent être proposées.
114Globalement, les contenants en présence paraissent plutôt larges, à l’exception de celui de la tombe SP 20. Dans la tombe SP 46 (fig. 571), la répartition des clous et les anomalies taphonomiques relevées sur le squelette montrent que l’individu était appuyé contre la paroi nord du contenant contre laquelle est d’ailleurs venu buter le bloc crânio-facial : une contrainte affecte l’épaule gauche surélevée et l’os coxal qui s’est redressé ; côté sud au contraire, l’humérus et l’os coxal droits se sont éversés, ce qui place la paroi du contenant à distance du corps, comme le confirment les deux clous effondrés du couvercle latéralement et à distance du fémur droit. C’est probablement le même schéma dans la tombe 79 : le bloc crânio-facial contraint et l’humérus définissent une ligne parallèle et proche des trois clous alignés côté sud, alors que du côté nord, le coude est éversé, montrant que la paroi est plus éloignée (fig. 569). Dans cette tombe, le redressement du bloc crânio-facial indique que la tête était en butée contre la paroi transversale, mais les os des pieds n’ayant pas été dégagés, on ne peut dire si le corps a été placé dans un contenant trop court ou bien si la tête s’est retrouvée en appui contre cette paroi. L’écartement des clous et la position des coudes du squelette dans la tombe 98 indiquent également que le contenant était large. En revanche, celui de la tombe 21 était beaucoup plus étroit, comme en témoignent les contraintes enregistrées sur les épaules (clavicules verticalisées, épaule droite surélevée, iliums redressés : fig. 569).
115La répartition des clous, associée aux contraintes qui se sont exercées sur les ossements, désigne des contenants de plan rectangulaire. La question d’un contenant trapézoïdal se pose néanmoins pour la tombe 79 (fig. 569), puisque l’écartement des clous verticaux relevés latéralement au niveau des épaules est plus élevé que celui entre les clous situés latéralement aux pieds. Cependant, on a vu que le clou situé au nord-est ne se présentait pas verticalement par sa pointe mais horizontalement, ce qui indique soit qu’il a bougé, soit qu’il n’appartient pas à l’assemblage du plancher. De ce fait, on ne peut pas retenir cet unique élément en faveur d’un plan trapézoïdal.
Les contenant de bois non cloués
116Plusieurs squelettes qui présentent les indices d’une décomposition en espace vide fournissent suffisamment d’informations pour qu’on puisse envisager que les dépôts ont été effectués dans des contenants de planches à section quadrangulaires et à fond plat. Dans ces tombes, les os du crâne ont pivoté latéralement, les os coxaux et les côtes se sont affaissés parfois jusqu’à la mise à plat complète, et les contraintes ou les butées qui sont enregistrées sur les os définissent l’emplacement des parois qui peuvent, selon la largeur de la cuve ou d’éventuels effondrements, modifier les événements précités sur les os du crâne, les côtes ou les os coxaux.
117Dans la tombe SP 31, les contraintes qui affectent les membres supérieurs du squelette sont illustrées par la surélévation des os de l’épaule droite et la rotation interne complète de l’ulna gauche qui se présente en vue postérieure et recouvre en partie l’extrémité proximale du radius (fig. 572). Les pressions exercées par les parois étaient plus marquées du côté septentrional que méridional ; en effet, la contrainte sur l’épaule droite a lâché pendant la décomposition, ce qui a provoqué la bascule de la clavicule, alors qu’à gauche la rotation de l’ulna, le redressement de l’ilium (9 cm de pendage) et l’angle droit entre les os du tarse et les métatarsiens indiquent que le corps était en léger appui contre la paroi nord. Lorsque le bloc crânio-facial a basculé, il a buté contre cette paroi, puisqu’il se présente en équilibre instable, dans l’alignement du coude et de la hanche, en vue antéro-inféro-latérale droite. Il est à noter que le glissement en direction médiale du fémur gauche pourrait se rapporter à un mouvement de planche, témoignant d’un fond en bois.
Fig. 572 – Vue du squelette de SP 31 in situ (cliché : équipe de fouille).

118Les contraintes sont plus faibles sur le squelette SP 39 (fig. 573). Par exemple, le maintien en vue latérale des humérus peut difficilement être pris en compte, puisque les avant-bras reposent en avant du bassin : l’affaissement de l’abdomen pendant la décomposition contribue à maintenir, voire augmente la rotation interne des humérus en faisant descendre les avant-bras. Toutefois, on remarque que des contraintes se sont exercées sur les iliums dont la mise à plat est incomplète ; les cotes de profondeur enregistrées sous les os déterminant un fond plat, ce phénomène peut être imputé à des parois, puisque la rotation latérale des os de la tête désigne une décomposition en espace vide. L’état lacunaire des pieds ne permet guère de faire entrer ces données dans la discussion ; l’hypothèse d’une contrainte, côté gauche, est néanmoins probable compte tenu de la position en vue dorso-distale du tarse postérieur. Dans la tombe SP 43, la mise à plat de l’ilium droit a entraîné l’ulna latéralement à distance du radius resté en place (fig. 574) ; celle-ci est restée surélevée 4 cm au-dessus du fond de la fosse, manifestement contre une paroi. Côté gauche, le membre supérieur est resté maintenu en équilibre instable en dépit de l’affaissement de l’ilium. L’interprétation de ces contraintes, comme pour la majorité des autres, reste néanmoins soumise à la condition d’un dépôt en contenant de bois, puisqu’aucun bord de fosse n’a pu être identifié sur le site. Pour couper court à un raisonnement circulaire, il convient de préciser que l’hypothèse d’un dépôt à même la fosse n’est pas validée dans la mesure où l’on n’observe aucun effet d’enfoncement du corps sur le fond : l’étalement relatif des côtes et l’ouverture du bassin ne fonctionnent guère avec ces modalités de dépôt. Il en est de même probablement pour la tombe 126, dont seule une partie du squelette est en place (fig. 575). Tous les os sont à plat, le bloc crânio-facial a basculé latéralement, néanmoins on n’observe aucun effet de contrainte sur les parties en connexion anatomique, sauf peut-être sur les os de l’avant-bras maintenus en équilibre instable.
Fig. 573 – Vue du squelette de SP 39 in situ à droite (cliché : équipe de fouille).

Fig. 574 – Vue du squelette de SP 43 in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 575 – Vue du squelette de SP 126 in situ, à droite (cliché : équipe de fouille).

119L’étiologie du remaniement qui affecte l’épaule gauche du squelette SP 32, discuté plus haut, reste difficile à identifier : peut-on le mettre sur le compte du passage d’un animal ou bien sur celui de l’effondrement d’un couvercle ou d’une paroi (fig. 569) ? L’absence de fracturation des os indique bien que le remaniement ne s’est pas produit en espace colmaté et donc que le contenant ne se trouvait pas dans une fosse remblayée. Or, si l’hypothèse d’un fouisseur fonctionne sur la base de cet argument, elle ne concorde guère avec le fait que seule la première côte ait été mobilisée et notamment que ce mouvement se soit produit vers l’aval, à l’inverse de celui qui affecte l’humérus et la ceinture scapulaire. Dans le cas de la chute d’un élément du contenant, on peut s’étonner qu’aucun os n’ait été cassé, néanmoins il s’agit de l’hypothèse la plus convaincante. Adopter cette option implique cependant de préciser la morphologie de ce contenant ; en effet, la chute d’un couvercle n’expliquerait pas que la clavicule et la partie distale de l’humérus soient aussi éloignées du reste du squelette, ce qui nécessite un déplacement de la paroi latérale nord du contenant. Ce déplacement est par ailleurs amorcé par le décalage latéral du thorax et de l’épaule vers la gauche du corps ; on peut envisager que le fond du contenant s’est fracturé, soulevant et repoussant cette région anatomique.
120Deux explications peuvent ainsi être proposées au déplacement de la paroi septentrionale du contenant : soit il s’agit d’une paroi droite qui s’est rompue, soit il s’agit d’une paroi en bâtière qui s’est effondrée. Le mouvement de planches du fond et l’hypothèse de parois en bâtière expliqueraient alors autrement le remaniement des os de la tête et la chute médiale du pied gauche.
121La question de planches de bois placées en bâtière se pose en réalité pour plusieurs sépultures. La part que prend ce dispositif dans les tombes de la fin de l’Antiquité et du début du haut Moyen Âge reste en réalité mal évaluée, en raison de nos difficultés à les identifier. Comme on l’a vu avec les bâtières de tegulae, les contraintes susceptibles de s’exercer sur le squelette lorsque les parois sont inclinées, touchent non seulement les éléments périphériques du corps, à condition que la base des parois soit au contact du corps, mais également, et c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement, les éléments volumineux ou émergents qui sont proches ou sur l’axe longitudinal médian du corps, tels que le crâne, les os du bassin et les pieds. Le premier reste généralement en équilibre instable sur l’occipital ou ne bascule pas complètement sur le côté, la face antérieure des iliums peut être maintenue plus ou moins relevée, et les pieds, s’ils reposaient sur le talon, sont conduits à s’affaisser vers l’avant. Selon la proximité des parois, les épaules peuvent être redressées.
122La difficulté est que ces caractéristiques sont globalement celles qui permettent de déterminer un dépôt en fosse étroite de plan anthropomorphe et également de distinguer un contenant monoxyle à fond plus ou moins concave. Pour les premières, la discrimination nécessite d’avoir pu identifier correctement les bords de la fosse et d’en avoir relevé le profil ; pour ce qui concerne les contenants monoxyles, c’est le degré de concavité du fond qui, conjugué à sa largeur, peut – ou non – engendrer des anomalies spécifiques.
123Dans le cas de la tombe SP 30, dont le squelette est mal conservé, c’est surtout le cordon de pierres placées en périphérie du squelette qui a conduit à envisager un dispositif en bâtière (fig. 576). Bien qu’incomplet, l’aménagement de galets se présente de la manière suivante : un premier cordon est disposé sur le fond de la fosse, constitué des pierres et de fragments de tuiles posées à plat. Ce premier cordon est surmonté par d’autres pierres, de plus gros module ; elles reposent en partie sur les précédentes, puisqu’elles sont placées plus près des parois de la fosse, comme l’indiquent les pendages en direction interne. Les restes du squelette témoignent de fortes contraintes périphériques : les humérus, bien qu’éversés (ils sont en vue antérieure) sont plaqués contre les côtes, le pied gauche est en vue médio-distale et l’ensemble du membre inférieur droit est en forte composante latérale, avec le genou qui semble repoussé, comme si la paroi s’était effondrée. L’humérus gauche et la main droite du squelette sont au contact de pierres qui appartiennent au premier cordon : celles-ci ne pouvaient donc pas constituer le calage des parois, mais plus probablement leur assise : les parois de bois inclinées reposaient sur les pierres de ce premier cordon et leur calage était assuré par les plus grosses pierres du deuxième cordon qui se présentent en pendage vers l’intérieur de la fosse. Des dispositifs équivalents ont été mis en évidence dans l’ensemble funéraire de l’Esperelle à Roquemaure (Gard) : il s’agit de parois de dalles, ou bien constituées de dalles et de parties en bois disposées en bâtière, placées sur des alignements de pierres, avec au moins un exemple de double alignement (Manniez 1994).
Fig. 576 – Sépulture SP 30 : vue du squelette in situ et coupe de la fosse (cliché et DAO : équipe de fouille).

124L’hypothèse d’une bâtière de bois peut également être discutée pour la tombe SP 108 (fig. 577). Les déplacements en dehors du volume du corps sont faibles à inexistants, on ne compte que la patella droite tombée entre les genoux et l’affaissement de la mandibule en avant des vertèbres cervicales. Le reste du squelette présente les caractéristiques relevées dans les tombes sous bâtière de tuiles, à savoir le maintien du bloc crânio-facial en équilibre instable sur l’occipital, le redressement des iliums et la non-éversion des os des pieds, alors que le profil transversal de la fosse est plat. L’épaule gauche est surélevée de 5 cm et si le coude droit est écarté du corps, la tête humérale est passée en avant et légèrement en amont de la scapula. Du côté gauche, les contraintes cumulées sur le squelette définissent une délimitation linéaire oblique en dedans en direction du pied. Sur le fond de la fosse, un clou à tige tordue, qui repose à une distance de 6 cm latéralement au tiers médian du fémur gauche, pourrait avoir été en place sur une planche de récupération, ou bien provenir d’une couverture fermant la fosse.
Fig. 577 – Sépulture SP 108 : vue du squelette in situ : dispositif en bâtière de bois ? (cliché : équipe de fouille).

125D’autres squelettes présentent les caractéristiques d’une décomposition dans un contenant de bois dont le fond est légèrement concave, ce que l’on peut interpréter comme un cercueil monoxyle.
126C’est le cas de la sépulture SP 66 qui offre plusieurs arguments en ce sens, dont notamment la légère bascule vers l’amont des côtes (composante endothoracique) et leur empilement qui expriment la concavité du fond en dur, et l’ouverture en cœur du bassin qui témoigne de pressions exercées sur les hanches pendant la décomposition (fig. 578). La concavité est responsable du maintien du crâne en équilibre instable et des contraintes latérales enregistrées sur les pieds. L’étroitesse du contenant est perceptible dans la surélévation des épaules (6 cm moins profondément que la face postérieure des vertèbres) et l’obliquité des parois par la position de l’avant-bras droit, surélevé en équilibre instable, mais avec une rotation latérale de l’humérus. Dans la tombe 94, dont le squelette est très mal conservé, l’hypothèse d’un contenant à fond concave repose sur deux arguments (fig. 579) : le premier est que la patella droite est passée en arrière du tiers distal du fémur, et le second que les métatarsiens gauches, orientés latéralement et vers l’aval, reposent 4 cm moins profondément que le tarse. La surélévation de l’humérus et du coude gauches est identique : ils sont 4 cm moins profonds que la face postérieure des vertèbres. Le squelette de la tombe 37 présente certaines anomalies qui évoquent ce type de contenant. La concavité du fond se traduit par le maintien du crâne en équilibre sur l’occipital, la fermeture du bassin, le redressement de l’épaule droite, la surélévation de l’humérus gauche 3 cm au-dessus du fond et le glissement de l’extrémité distale du tibia en direction de l’axe longitudinal médian du corps (fig. 580). La colonne vertébrale est très sinueuse, avec la majorité des vertèbres thoraciques décalées dans la partie droite du thorax ; conjugué à la position des côtes droites, en vue supéro-exothoracique avec leur extrémité sternale légèrement redressée, le glissement latéral du rachis pourrait témoigner d’un léger affaissement du fond sous la moitié droite du corps.
Fig. 578 – Sépulture SP 66 : vue du squelette in situ : contenant monoxyle (cliché : équipe de fouille).

Fig. 579 – Sépulture SP 94 : vue du squelette in situ : contenant monoxyle (cliché : équipe de fouille).

Fig. 580 – Sépulture SP 37 : vue du squelette in situ : contenant monoxyle (cliché : équipe de fouille).

127La documentation sur la sépulture SP 116 se compose d’un cliché sur lequel ont été portées quelques cotes de profondeur. Les anomalies enregistrées témoignent d’une forte contrainte qui s’est exercée sur les épaules (scapulas de chant), qui étaient haussées (clavicules verticales), tandis que le redressement du crâne, en vue supérieure, exprime une pression postérieure qui indique la proximité d’une paroi (fig. 581). À ce niveau des observations, l’interrogation porte sur la nature des parois, l’invisibilité des bords de fosse ne permettant pas de déterminer a priori s’il s’agit de celles de la fosse ou d’un contenant. Toutefois, on remarque d’une part que le bloc crânio-facial n’est pas seulement redressé mais aussi descendu entre les épaules et, d’autre part, que la partie gauche du squelette est totalement en butée ; en effet, elle repose 3 à 6 cm moins profondément que le côté droit, les côtes sont en vue exothoraciques comme « enroulées », l’os coxal est redressé et le fémur en composante latérale, tandis que le fémur droit est au contraire en légère composante médiale. Si la fosse constituait le réceptacle du corps, la scapula droite aurait peu de chances d’être en vue latérale, mais reposerait plus probablement à plat, à moins d’envisager une fosse très étroite. L’ensemble évoque plus probablement un contenant monoxyle qui aurait très légèrement basculé vers le sud. Dans la sépulture 11, les contraintes illustrées par la verticalisation complète de la clavicule gauche, par la situation très basse des restes crâniens et le redressement des os coxaux d’une part, ainsi que la disposition des pierres qui forment un arrondi en aval des tibias d’autre part, évoquent des caractéristiques relevées sur des inhumations en contenant monoxyle (fig. 582). Si l’effondrement latéral de la patella droite est inhabituel, on remarque cependant qu’elle se présente de chant, en situation interne à la limite latérale du coude, ce qui témoigne alors de la proximité de la paroi. Ainsi, bien que lacunaires, les données relatives à cette sépulture sont compatibles avec l’hypothèse d’un cercueil monoxyle.
Fig. 581 – Sépulture SP 116 : vue du squelette in situ : contenant monoxyle (cliché : équipe de fouille).

Fig. 582 – Sépulture SP 11 : vue du squelette in situ : contenant monoxyle (cliché : équipe de fouille).

128Dans la tombe SP 96, le décalage en hauteur de l’os coxal gauche, maintenu en vue antérieure, et du fémur gauche témoigne de la proximité d’une paroi contre laquelle le corps s’appuyait. Les quelques os conservés du squelette montrent des phénomènes qui sont conformes à une décomposition en contenant monoxyle, comme le redressement du crâne sur l’axe longitudinal médian du corps, la surélévation du seul humérus conservé, en vue latérale, et le déplacement en direction médiale de l’extrémité distale du fémur gauche (fig. 583). Toutefois, ces indices restent maigres et le fait que les os des jambes soient écartés et reposent à la même cote pourrait constituer un argument contraire à l’hypothèse d’un fond en auge.
Fig. 583 – Sépulture SP 96 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

129Les difficultés sont les mêmes pour la sépulture SP 2 (fig. 584). Le crâne a pivoté vers la gauche du corps sur un fond plat. À droite, l’épaule est surélevée (scapula en vue latérale), l’os coxal est en vue antérieure, tandis que le pied s’est effondré sur lui-même, ce qui traduit une succession de contraintes de ce côté formant une délimitation linéaire. Du côté gauche en revanche, le coude est en situation latérale à l’os coxal pourtant redressé (10 cm de pendage antéro-postérieur) et des métatarsiens disloqués. Il se trouve que le coude et les métatarsiens disloqués reposent un peu moins profondément que le rachis thoracique pour l’un (2 cm) et que le tarse postérieur pour les autres (5 cm) ; cela pourrait traduire un fond en auge évasée, qui ne serait perceptible que sur le côté gauche du squelette, peut-être parce que le corps aurait été plaqué contre la paroi sud du contenant ? Les arguments restent faibles.
Fig. 584 – Sépulture SP 2 : vue du squelette in situ (cliché : É. Bayen).

130Sur le squelette de la tombe SP 134, on retrouve la position du bloc crânio-facial en équilibre instable (vue antérieure à faible composante latérale droite), la surélévation de l’épaule gauche, ainsi que l’attraction d’os longs en direction de l’axe longitudinal médian du squelette qui se manifeste l’orientation de l’extrémité distale du fémur gauche, le déplacement médian du droit, et le rapprochement des os des deux jambes en contact l’une de l’autre (fig. 585). La position du membre inférieur gauche n’est pas celle du dépôt (genou fléchi en dedans) car le fémur est en vue antérieure et le tibia en vue médiale. Cependant, on a du mal à associer à un contenant monoxyle l’architecture de pierres sur le côté sud. Celle-ci se compose de trois grosses pierres qui se situent à une distance moyenne de 25 cm du squelette et reposent entre 4 et 8 cm au-dessus du fond de la fosse, mais dont le sommet présente des cotes équivalentes ; la pierre située le plus à l’est sur cette rangée recouvre en partie une autre qui repose sur le fond. À l’est, perpendiculairement à l’axe longitudinal médian du corps et à une distance de plus de 10 cm de l’extrémité distale des tibias, se trouve une tegula de chant ; celle-ci jouxte la tuile transversale occidentale du coffrage de tegulae de la sépulture 105 et la question de son appartenance à cette tombe se pose d’autant plus qu’elle est décalée vers le nord relativement à l’axe longitudinal du squelette. Les blocs côté sud participeraient-ils à un aménagement qui se rapporterait non pas au contenant du corps, mais à la fosse tout entière ? Font exception les deux pierres situées au contact du côté droit du squelette, de toute évidence associées au contenant (fig. 585). Or, si le galet est compatible avec un calage d’un contenant dont la paroi externe serait convexe, la pierre plate inclinée au contact du crâne et de l’épaule droite du squelette est non seulement inhabituelle avec ce type de contenant, mais aussi non pertinente dans l’objectif de le caler pour l’empêcher de rouler. Ainsi, seule la position du galet au contact du tibia droit paraît sans équivoque, à moins d’envisager que la pierre se soit effondrée et ait roulé. La position de la pierre plate évoque en revanche plutôt une paroi inclinée en bâtière. Dans cette hypothèse, le fait que les blocs se situent à distance du squelette contraint n’est plus un problème : les contraintes auraient alors été provoquées par la partie médiane des parois qui étaient très fortement inclinées comme l’indique la position des pierres contre lesquelles la méridionale était en butée : la base des parois était éloignée du corps.
Fig. 585 – Sépulture SP 134 : vue du squelette in situ (clichés : équipe de fouille).

131Ces derniers exemples ouvrent sur toute une série d’autres sépultures qui présentent des anomalies taphonomiques résultant de contraintes exercées par des parois, mais dont il est difficile de restituer précisément l’architecture. Dans un grand nombre de cas, le fait que les bords des fosses n’aient pas été identifiés complique énormément l’interprétation des faits, mais la rapidité d’intervention sur certaines sépultures, pour lesquelles il manque des informations essentielles (cotes de profondeur, face d’apparition des ossements non précisée et non visible sur les clichés en raison du mauvais état de conservation des os) engendre des lacunes qui compromettent la restitution des dispositifs funéraires.
132C’est le cas, par exemple, du squelette SP 135 (fig. 586) ; le maintien du bloc crânio-facial en vue antérieure traduit un fond en auge ou des contraintes exercées par des parois obliques, mais rien ne vient argumenter, sur le reste du squelette, l’une ou l’autre de ces hypothèses. La seule contrainte enregistrée est sur l’humérus droit parce qu’il présente une forte composante postérieure ; ce n’est pas le cas du gauche ni des os coxaux qui sont à plat.
Fig. 586 – Sépulture SP 135 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

133Dans la tombe SP 61 (fig. 587), les contraintes latérales sont fortes sur les deux pieds, l’os coxal gauche est redressé, mais le maintien en vue latérale des humérus n’est pas pertinent en raison de la situation des avant-bras en avant du bassin. Si la face antérieure du bloc crânio-facial, l’humérus et le pied contraint se situent sur une même ligne parallèle à l’axe longitudinal médian du corps, la contrainte qui affecte le pied gauche est très en dedans du bord latéral de l’humérus homolatéral. L’hypothèse d’un contenant de planches de plan trapézoïdal doit donc être rejetée, sans doute au profit d’un affaissement du plancher à l’extrémité orientale. Hormis cette hypothèse, la sépulture ne fournit aucun élément permettant de préciser la morphologie du contenant : caisse de bois, bâtière de bois, contenant monoxyle ; il est à noter que les deux dernières propositions ne trouvent aucun argument favorable, en regard des exemplaires commentés plus haut.
Fig. 587 – Sépulture SP 61 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

134Dans la tombe SP 100, le coude gauche est très écarté du corps, contrastant avec la contrainte latérale enregistrée sur les deux pieds (fig. 588), et l’éversion de l’angle inférieur de la scapula montre que le membre supérieur se trouvait en abduction à l’origine, donc que le coude devait être maintenu surélevé en situation latérale au tronc. Or, la fosse possède un fond plat, puisque les cotes enregistrées en arrière de tous les ossements sont équivalentes, ce qui explique la mise à plat du bassin ; l’hypothèse d’un dépôt du corps à même une fosse à « effet de banquette » doit ainsi être exclue. La décomposition en espace vide est argumentée par la rotation latérale du crâne et des vertèbres cervicales, et par le fait que les os longs du membre supérieur droit ont été replacés en « fagot » les uns directement au contact des autres au moment où la sépulture 42 a été implantée. Les contraintes enregistrées sur les épaules (haussées à l’origine comme l’indique la verticalisation des clavicules), sur le thorax (relativement fermé), et celles qui affectent les pieds contrastent avec la rotation du crâne, l’ouverture du bassin et l’éloignement du coude, le tout sur un fond plat. Ces phénomènes excluent bien entendu un contenant monoxyle comme un cercueil de planches à section quadrangulaire, mais pourraient très bien être envisagés sous une bâtière de bois constituée de plusieurs éléments juxtaposés de manière irrégulière. Plusieurs exemples d’inhumations sous bâtière avérée (tuiles, dalles) présentent ces caractéristiques : coudes écartés du corps, bassin affaissé, contraintes sur les pieds (Manniez 1994 : fig. 8 et 20 ; Gagnière 1965 : 72, fig. 17). La tombe 121 conserve les restes très altérés d’un squelette dont le coude est écarté du corps comme dans le cas précédent. L’unique indice pour envisager des parois placées en bâtière est constitué par les deux pierres qui reposent dans le volume du corps et, au moins pour l’une, en avant des os (fig. 589). En effet, ainsi que l’on en connaît de nombreux exemples, à commencer sur ce site, des pierres sont parfois utilisées pour caler les parois inclinées (Raynaud 2010 : 171, fig. 117) ; on peut supposer que si ces dernières s’effondrent à plat, les pierres peuvent rouler en avant du squelette.
Fig. 588 – Sépulture SP 100 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 589 – Sépulture SP 121 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

135On doit enfin évoquer la tombe 91 qui a fait l’objet d’un nettoyage de surface et a été sondée dans sa moitié orientale afin de vérifier la présence d’un squelette. La sépulture se caractérise par des vestiges de mortier de chaux formant des bandes de 5 cm d’épaisseur environ qui dessinent les bords d’un coffrage rectangulaire de 1,50 m sur 0,80 m (fig. 590). Celles-ci, enregistrées sous le niveau de décapage à 87,59 m d’altitude, se rapportent selon toute vraisemblance à un couvercle scellé au mortier de chaux.
Fig. 590 – Sépulture SP 91 : vestiges du mortier de chaux (cliché : équipe de fouille).

8.1.2.7. Des tombes en fosse ?
136Les opérations réalisées sur les ensembles funéraires de Lunel-Viel (Hérault) ont mis en évidence, pour les VIe et VIIe siècles, des fosses étroites qui constituent le réceptacle du corps (Raynaud 2010). Ces fosses ont souvent un profil transversal légèrement en auge, et sont rétrécies aux deux extrémités. Ainsi, les anomalies taphonomiques que l’on observe sur les squelettes issus de telles fosses évoquent celles qui résultent d’une décomposition dans un contenant à fond concave ou sous une bâtière, comme le montrent, par exemple, les illustrations de la tombe 274 du Verdier et de la tombe 37 de Saint-Vincent (Raynaud 2010 : 48, fig. 32 et 172, fig. 120).
137Dans la tombe SP 72 de la Labre (fig. 591), la bascule du bloc crânio-facial vers l’aval et la gauche du corps, la chute du pied droit en dedans, la chute de la patella droite, la circulation de vertèbres et d’os des mains sur des amplitudes relativement élevées et la dislocation du tarse droit illustrent une décomposition en espace vide et/ou des contraintes. Sur son côté gauche, s’alignent le bloc crânio-facial, le coude légèrement contraint et le tarse affaissé du côté inverse à la gravité : cela traduit une paroi tellement rectiligne que l’on est tenté de la distinguer de celle de la fosse, non perçue. Côté droit en revanche, l’éversion de l’humérus, en vue antérieure, montre l’absence de contrainte de ce côté, alors qu’au niveau du pied, l’éversion du tarse accompagnée du retournement du talus en vue plantaire latéralement à l’extrémité distale du tibia conjuguée à l’angle droit relevé sur l’interligne de Chopart désigne une contrainte qui s’est exercée en dedans du membre supérieur. Le squelette se caractérise par le fait que sa moitié supérieure est désaxée et moins profonde de 5 cm que sa moitié inférieure ; cependant, l’absence de rupture sur le squelette, autre que les vertèbres thoraciques supérieures qui sont disloquées, indique qu’il s’agit probablement de la position originelle du corps, qui explique aussi le décalage en hauteur de l’épaule droite. L’hypothèse d’un contenant de planches de plan trapézoïdal n’est pas recevable dans la mesure où la délimitation linéaire du côté gauche est parallèle à l’axe longitudinal médian du corps ; celle d’un contenant monoxyle n’est validée par aucun argument, de même que celle d’une bâtière, mais l’aspect contraint du squelette témoigne d’un réceptacle étroit.
Fig. 591 – Sépulture SP 72 : vue du squelette in situ : tombe en fosse ? (cliché : équipe de fouille).

138Les squelettes des sépultures SP 81 et 24 présentent le même type de contrainte sur les pieds qui évoque une décomposition dans une gouttière (Blaizot 2017 : fig. 67, 68, 141‑142). Dans les deux cas, le maintien du crâne en équilibre instable s’accorde avec le type d’effondrement des pieds (fig. 592). En revanche, dans la sépulture 81, on peut s’étonner de la rotation latérale de l’humérus droit et de la mise à plat de l’os coxal gauche (le seul conservé) ; certes, le probable effondrement du couvercle illustré par la violente dislocation de l’avant-bras peut être mis en cause dans l’éversion de l’humérus, mais cela nécessite cependant de la place, c’est-à-dire un relatif éloignement de la paroi du contenant. Dans la sépulture 24, les faits sont identiques : l’ouverture du bassin et l’éversion de l’humérus gauche s’opposent à l’infléchissement du genou droit, à la dislocation des pieds en amas et au maintien du crâne en vue antérieure. Il est donc difficile de déterminer, dans les deux cas, à quel dispositif on a affaire, un contenant monoxyle large à fond aplati sur les deux tiers de sa longueur, une tombe en fosse de type anthropomorphe mais à fond plat, un contenant rectangulaire contenant un corps enveloppé dans un linceul contraignant et résistant, etc.
Fig. 592 – Sépultures SP 81 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

139La question d’un dépôt à même la fosse s’est posée pour la sépulture SP 67 (fig. 593) ; en effet, si les contraintes latérales enregistrées sur les pieds sont compatibles avec une décomposition dans un contenant en gouttière, la position du crâne ne l’est pas, en dépit du maintien de l’équilibre instable, puisqu’elle ne se situe pas sur l’axe longitudinal médian. Le redressement des côtes et la préservation des connexions anatomiques sur les mains placées sur le pubis évoquent un colmatage progressif du volume du corps, mais la rotation latérale droite des vertèbres cervicales à l’exception de l’atlas, de même que la rotation latérale du coude droit ne sont pas compatibles avec l’hypothèse d’un remblaiement direct du corps. Il faut envisager une couverture peu étanche, et peut-être un dispositif en bâtière qui serait à l’origine de la position du crâne en équilibre instable et des modalités d’affaissement des pieds, mais l’hypothèse reste mal argumentée.
Fig. 593 – Sépulture SP 67 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

140Six sépultures se distinguent par des positions inhabituelles au sein de la série et plus largement au sein de la période chronologique. En effet, la position des corps devient très standardisée dans les inhumations postérieures au milieu du IIIe siècle (Blaizot 2009), et à quelques exceptions près7, les individus reposent sur le dos avec les membres inférieurs en rectitude. Sur le site de la Labre, ces positions inhabituelles sont illustrées par la flexion de l’un ou des deux genoux dans quatre cas, et par la position générale du corps sur le côté ou presque sur le ventre dans les deux derniers. Les limites du creusement de la fosse ne sont connues pour aucune de ces tombes.
141Le squelette de la tombe SP 28 montre que le corps a été placé en appui contre une paroi, côté sud : l’humérus droit est surélevé de 10 cm relativement au gauche, l’ilium droit redressé, et les côtes homolatérales se présentent en vue exothoracique avec les extrémités relevées (fig. 594). Côté gauche, l’humérus est éversé, mais les genoux fléchis, en situation latérale au membre supérieur gauche, sont surélevés de 5 cm par rapport à la hanche et de 9 cm par rapport aux chevilles. On notera le maintien du bloc crânio-facial en équilibre instable (vue antéro-latérale), qui traduit également une contrainte. Cependant, il n’est pas possible d’interpréter ces effets de butée : les parois sont-elles celles de la fosse ou bien d’un contenant ? La rotation des vertèbres cervicales, en vue latérale droite, la remontée de la tête humérale gauche et de l’extrémité latérale de la clavicule gauche désignent en tout cas une décomposition en espace vide. Le squelette SP 101 évoque le précédent à la fois par sa position et par le type de contraintes enregistrées : bloc crânio-facial en équilibre instable, et appui du corps contre une paroi (cette fois la septentrionale) comme l’indique le décalage en hauteur du membre supérieur gauche (fig. 595) ; la sépulture ne livre pas plus d’argument que la précédente pour déterminer la nature des parois. Dans la tombe 27, en revanche, la seule contrainte enregistrée est celle qui affecte le bloc crânio-facial, qui se présente en vue supérieure, la face orientée vers la gauche du corps (fig. 596) ; les cotes de profondeur enregistrées en arrière des os déterminent une fosse à fond plat, ce que confirme la manière dont le thorax et le bassin se sont affaissés. On retrouve la même contrainte sur le crâne du squelette SP 40, et la même absence de pressions sur le reste du squelette (fig. 597) ; celui-ci repose sur un fond plat, tandis que l’éversion de la scapula gauche et la situation relative des os de la main homolatérale indiquent que le coude était fléchi et très écarté du tronc, ce qui indique un espace d’inhumation large.
Fig. 594 – Sépulture SP 28 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 595 – Sépulture SP 101 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 596 – Sépulture SP 27 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 597 – Sépulture SP 40 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

142Le squelette SP 122 repose sur le côté droit, les genoux fléchis avec les fémurs perpendiculaires à l’axe longitudinal médian du corps (fig. 598). Il se caractérise également par un redressement du crâne, qui apparaît par sa face supérieure, et par une contrainte qui s’est exercée sur l’humérus gauche maintenu en équilibre instable 5 cm au-dessus du fond. La dislocation des genoux rend compte d’une décomposition en espace vide, mais sa nature, fosse couverte ou contenant de bois, ne peut être déterminée sans avoir identifié les bords de la fosse. Les indices de décomposition en espace vide sont faibles sur le squelette SP 58 puisqu’ils ne concernent que l’éparpillement de quelques os des mains (fig. 599). L’ensemble du squelette, qui repose sur le côté droit avec le tronc tourné vers le fond, témoigne d’un colmatage différé du volume du corps (chute des fibulas dans le volume des mollets, connexion lâche de l’épaule gauche, affaissement des côtes). La hanche gauche est maintenue surélevée et le genou fléchi en connexion anatomique. Une fois encore, les bords de la fosse étant inconnus, les modalités de dépôt de cet individu ne peuvent être déterminées.
Fig. 598 – Sépulture SP 122 : vue du squelette in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 599 – Sépulture SP 58 : vue du squelette in situ, à gauche (cliché : équipe de fouille).

8.1.2.8. Les ossements en situation secondaire
143On n’abordera pas ici les structures dans lesquelles la position secondaire des os résulte de remaniements engendrés par la récupération des matériaux de construction de la tombe (par exemple les structures 49, 89…).
144Les tombes SP 97, 58, 39 et 40 conservent des ossements disloqués provenant de sépultures qu’elles ont détruites ou recoupées.
145Dans la première, il n’existe plus une seule région anatomique encore en connexion ; les os disloqués ont été recueillis en partie entre la paroi sud du coffrage de tuiles et la paroi de la fosse, et en partie dans le comblement sur le couvercle, ainsi que l’attestent des pièces effondrées dans le coffrage (fig. 600). Il s’agit principalement d’os longs et d’un os coxal appartenant à un adulte de sexe masculin, mais un fémur immature appartient au squelette 121 dont la tombe a été recoupée par SP 97. L’installation de la sépulture 39 a perturbé la moitié gauche du squelette SP 40 : ses ossements, US 443, ont été regroupés en un fagot orienté sur l’axe longitudinal médian du corps, entre l’os coxal et le pied droit en place (fig. 601). Ils concernent tous les os prélevés de ce squelette (membre inférieur, os coxal, membre supérieur, côtes gauches). Le fagot repose directement au contact du fémur droit en place de ce squelette, mais sur une couche de terre de 10 cm d’épaisseur au-dessus du pied droit. Ces précisions indiquent que le comblement de la fosse initiale était peu avancé. En aval des pieds de ce squelette, se trouvent les restes d’un autre squelette, US 125, constitué du pied droit en place et d’un amas comportant les os disloqués du pied gauche et les os longs des jambes orientés perpendiculairement à l’axe longitudinal du pied en connexion anatomique (fig. 601). Le reste de ce squelette, de maturation adulte, n’a pas été retrouvé pendant la fouille ; les os manquants pourraient avoir été évacués dans la partie supérieure non conservée du comblement. Les os, US 503, amassés à l’extrémité orientale de la tombe 58 appartiennent au squelette SP 126 recoupé par cette tombe (fig. 575). Ils reposent sur le fond de la fosse, sous la moitié inférieure du squelette 58 ; les os longs des membres inférieurs sont réunis en fagot à l’extrémité orientale de la fosse, globalement sur l’axe longitudinal médian de la nouvelle sépulture, tandis que le radius droit, le sacrum, l’os coxal et la patella gauches sont groupés à une vingtaine de centimètres en amont. Il manque l’ulna et la main droite, ainsi que les pieds, à l’exception du talus droit.
Fig. 600 – Sépulture SP 97 : vue des ossements in situ (cliché : équipe de fouille).

Fig. 601 – Sépulture SP 40, à gauche : vue des ossements in situ (cliché : équipe de fouille).

146Le bloc crânio-facial d’un enfant décédé en phase infantile, noté « US 477 dans SP 127 », a été retrouvé dans la caisse contenant les os du squelette SP 127 ; on ne dispose d’aucune information sur ce bloc crânio-facial, ni dans le rapport de fouille, ni dans les fiches d’enregistrement de la sépulture.
8.1.2.9. Des tombes « en chambre »
147Plusieurs anomalies enregistrées dans les sépultures indiquent que les fosses n’étaient pas comblées après le dépôt du contenant du corps, mais au moins fermées d’une couverture.
148Les coffrages dont les parois sont en tegulae ou composites en offrent plusieurs exemples.
149La question a déjà été abordée pour la tombe SP 137 (voir ci-dessus, et fig. 551), dans laquelle l’organisation des clous provenant d’un couvercle n’est pas compatible avec la disposition des parois en bâtière, ce qui pourrait suggérer une couverture distincte du coffrage, bien que les clous restent limités à l’emprise du contenant. L’argument d’une évolution en espace vide repose plus largement sur l’éversion de la tegula orientale. Ces bascules de parois en direction des bords des fosses constituent en effet des arguments irréfutables. On en compte deux exemples patents dans les coffrages complets de tegulae, qui concernent une ou les deux tuiles transversales des tombes 23 et 110 (fig. 512), mais également des tuiles des parois latérales dans cette dernière. Le cas est aussi rencontré dans les coffrages composites, sur la tuile de la paroi latérale nord du coffrage SP 29, ainsi que de la tuile transversale occidentale dans SP 97, ou orientale dans SP 137 (fig. 502 et fig. 503). Les éléments latéraux de la moitié ouest de la seconde rangée de la bâtière de tegulae SP 50 sont effondrés l’un sur l’autre, sur une amplitude supérieure à la largeur du fond. Les tuiles transversales des bâtières de tegulae SP 1, 13 et 124 sont également éversées, impliquant un espace vide entre les parois et les bords de la fosse. L’exemple de la tombe 124 montre que cet espace vide peut être parfois limité, puisque des tuiles (demi-tegulae et imbrices) ont été placées contre les parois de la bâtière, probablement calées entre celles-ci et les bords de la fosse (ci-dessus, fig. 536). En revanche, l’espace vide peut être bien plus large, comme le montre l’exemple des tegulae latérales de la paroi nord du coffrage composite SP 18, effondrées à plat sur le fond (ci-dessus, fig. 602).
Fig. 602 – Sépulture SP 18 : vue du coffrage avec les tuiles de la paroi nord effondrées (cliché : équipe de fouille).

150Comme on l’a vu précédemment, le déplacement de l’humérus et de la ceinture scapulaire gauches du squelette 32 (coffrage de planches de section indéterminée) a, de toute évidence, nécessité un espace vide relativement étendu puisque ces os reposent sur le fond de la fosse (scapula) ou 3 à 6 cm au-dessus (fig. 569).
151Dans la tombe SP 108 (fig. 577), dont le squelette a été inhumé sous une bâtière de bois, l’unique clou recueilli sur le fond de la fosse à distance du fémur gauche du squelette pourrait provenir d’une couverture surmontant la bâtière, mais on ne peut le démontrer à l’aide d’un élément isolé ; aussi bien, ce clou, complètement tordu, n’avait aucun rôle fonctionnel, mais se trouvait sur une planche de récupération.
152En conclusion, l’existence de tombes en chambre est surtout démontrée par la chute ou l’éversion des éléments conservés de l’architecture, ce qui explique leur suprématie parmi les coffrages de tegulae ou composites. Cependant, de rares événements taphonomiques ou la situation de certains clous témoignent de phénomènes identiques sur des architectures de bois (coffrages de planches à section quadrangulaire ou triangulaire, cercueils cloués ou monoxyles), impliquant un dispositif de chambre.
8.1.3. Datation de l’ensemble funéraire
8.1.3.1. Les radiodatations
153Sept radiodatages ont pu être réalisés sur la série, quatre en 2006 par le Centre de datation par le radiocarbone de Lyon, et trois en 2018 par le Laboratoire du radiocarbone de Poznan (fig. 603). Les résultats montrent l’étendue de la variation pouvant parfois s’étaler sur presque trois siècles, ce qui rend délicate l’utilisation de ces dates.
Fig. 603 – Résultats des radiodatations (Fr. Blaizot, d’après les données des laboratoires de Lyon et de Poznan).
Laboratoire | Résultat |
Poz-97746 2018 | 1785 ± 30 BP : 135-332 ap. J.-C. |
Poz-97747 2018 | 1675 ± 30 BP : 258-425 ap. J.-C. |
Ly-14194 2006 | 1607 ± 39 BP : 385-544 ap. J.-C. |
Poz-97788 2018 | 1765 ± 30 BP : 142-379 ap. J.-C. |
Ly-14195 2006 | 1600 ± 45 BP : 384-561 ap. J.-C. |
Ly-14196 2006 | 1600 ± 35 BP : 394-542 ap. J.-C. |
Ly-14197 2006 | 1740 ± 40 BP : 224-397 ap. J.-C. |
154Globalement, trois groupes de datations peuvent être mis en évidence. Le premier est représenté par la sépulture SP 30, dont la valeur la plus récente se place dans le premier tiers du IVe siècle ; le deuxième réunit les sépultures SP 40, 66 et 118, dont la valeur la plus récente se situe à la fin du IVe siècle ou au début du Ve siècle ; le dernier groupe enfin comprend des sépultures dont la valeur la plus ancienne est à la fin IVe siècle et la plus récente au milieu du VIe siècle.
8.1.3.2. Le mobilier céramique
Catalogue des dépôts (fig. 604 et fig. 605)
SP 35
155Objet 27 – Céramique commune grise kaolinitique. Jatte/marmite à col, épaule carénée, lèvre débordante avec gorge, fond plat marqué d’un léger ressaut (Goudineau, Gras 1978 : fig. 5, 1). Le même type de vase était déposé dans une inhumation tardive du site de Grangeneuve à Allan (Drôme ; US 1037 ; Rapport Ferber 1996 ; Blaizot, Alix, Ferber 2003). Le vase est conservé à 90 %, il manque plus d’un tiers du bord (cassure ancienne). L’objet est déposé à gauche de la tête contre l’objet 28.
156Objet 28 – Céramique à revêtement argileux. Gobelet tulipiforme Lam. 14/26 ou Portout 134 (Pernon, Pernon 1990), à décor de lunules à la barbotine. Ces gobelets à décor de lunules sont fréquemment déposés dans les tombes, par exemple à Fontager (Drôme ; Richaud, Blanc 1963 : fig. 6) où ils sont associés à des monnaies du milieu du IVe siècle, et également en Languedoc (Raynaud 2010 : fig. 13, n° 207). Le vase est conservé à 99 %, il manque un petit fragment de bord (cassure ancienne). L’objet est déposé à gauche de la tête contre l’objet 27.
SP 97
157Objet 26 – Céramique à revêtement argileux. Bouteille sans anse, col haut évasé, lèvre non marquée, panse globulaire, décor de guillochis sur le haut de panse. Ce type de vase sans anse ne semble pas être répertorié. Le vase est conservé à 98 %, il manque des fragments de bord (cassures fraîches et anciennes). L’objet se trouve aux pieds du sujet.
SP 110
158Objet 23 – Céramique à revêtement argileux. Cruche de type Desbat 85 (Desbat 1988) ou Portout 95 (Gagnière 1965 : fig. 13, 14 ; IVe siècle). Le type Desbat 85 est assurément la cruche la plus fréquemment déposée dans les tombes de l’Antiquité tardive aussi bien dans les régions méditerranéennes qu’en Rhône-Alpes et même en territoire helvète (Blaizot et al. 2001 : 307). Le vase est conservé à 97 %, il manque des fragments de bord (cassures anciennes). L’objet est déposé aux pieds.
159Objet 24 – Céramique commune grise kaolinitique. Marmite à col, lèvre débordante avec gorge, fond plat marqué d’un léger ressaut. (Goudineau 1977 : fig. 1, 3b). Il s’agit du même type de vase que celui de la SP 35, également attesté dans la tombe 1037 de Grangeneuve à Allan (Drôme). Objet complet avec peut-être une cassure ancienne. L’objet est déposé aux pieds.
160Objet 25 – Céramique à revêtement argileux. Gobelet avec anse apparenté au type Lam. 14/26. Le vase est conservé à 60‑70 %, il manque la partie supérieure, des fragments de panse et la plus grande partie du fond (cassures fraîches et anciennes). L’objet est déposé aux pieds.
SP 137
161Objet 40 – Céramique commune grise kaolinitique. Plat à panse tronconique, lèvre en bourrelet (Goudineau 1977 : fig. 6, 9a). Le même modèle est déposé dans une tombe d’Allan-Grangeneuve (US 1067/1068). Le vase est conservé à 98 %, il manque un fragment de fond (cassure ancienne). L’objet a été déposé brisé, en tas, en amont de l’épaule gauche. Le plat a globalement été cassé en deux, une moitié restant intacte, l’autre se brisant en quatre morceaux dont seuls trois ont été déposés dans la tombe. Le fragment de fond manquant est vraisemblablement resté à l’extérieur de la tombe. Les plus gros fragments sont installés à l’envers. Ce vase a manifestement été brisé intentionnellement et les tessons déposés en tas dans la tombe.
162Objet 39 – Céramique à revêtement argileux, pâte jaune friable. Pot ou gobelet globulaire à lèvre incurvée (Goudineau, Gras 1978 : fig. 2, 3). Vase apparemment intact à la fouille mais arrivé en miettes à l’étude. Dépôt à droite de la tête.
Datation des dépôts
163Les céramiques fines comprennent des gobelets tulipiformes Lam. 14/26 (un modèle avec une anse, un autre sans anse avec un décor de lunules), une cruche apparentée à Desbat 85 ou Portout 95, une bouteille sans anse à col évasé de type indéterminé, un gobelet globulaire à lèvre avec gorge. Ces vases qui présentent une grande variété de pâte (jaune à orangée, savonneuse ou dure…) et de qualité de revêtement (quasiment absent ou adhérent) sont à rattacher aux productions tardives à revêtement argileux rhodaniennes que l’on rencontre à partir du IVe siècle (Bonnet et al. 2012). Seul le gobelet de SP 35 pourrait provenir des Alpes du Nord puisqu’on le retrouve dans la production de l’atelier de Portout (Savoie ; Pernon, Pernon 1990) et également dans une sépulture tardive à Annecy (Haute-Savoie ; Gabayet 2015 : fig. 124, n° 3).
164Les céramiques communes sont représentées par deux jattes-marmites et un plat en céramique commune grise kaolinitique. La jatte-marmite avec un col et une lèvre avec gorge est attestée dans les niveaux du IVe siècle sur le site de Bourbousson à Crest et celui de Grangeneuve à Allan également au IVe siècle (Bonnet 2002 : fig. 7, n° 6 et fig. 8, n° 11).
Fig. 604 – Dépôts de céramique des sépultures SP 35, 97, 110 et 137 (dessin : Chr. Bonnet ; DAO : É. Bayen).

8.1.3.3. Les monnaies
165Le site livre six monnaies frappées entre le Ier siècle av. J.‑C. et le IVe siècle ap. J.‑C., dont deux sont issues d’une sépulture (SP 98) et une d’un niveau de sol partiellement conservé (US 211), tandis que l’origine des trois dernières, recueillies lors du décapage mécanique, est inconnue (fig. 606).
Fig. 606 – Les monnaies recueillies sur le site de la Labre (Chr. Cécillon).
Structure | n° objet | Identification | Avers | Revers | Émission |
SP98 | Inv. la Labre : n° 29 ; voir ci-dessus, C17 | Follis réduit au 1/96e de livre de Constantin II César (317-337) | CONSTANTINVS IVN NOB C Tête laurée à droite de Constantin II | CAESARVM NOSTRORVM // Q croissant sous une *, A à l’exergue | 321-322 |
SP98 | Inv. la Labre : n° 30 ; voir ci-dessus, C19 | Nummus ou follis réduit au 1/96e de livre de Constantin II César (317-337) | C[ONSTANTINVS IVN] NOB C Buste lauré, drapé, cuirassé de Constantin II à gauche | [PROVIDEN-TIA]E CA[ESS] / lettres d’atelier illisibles à l’exergue Porte de camp surmontée de deux tours (une étoile ? entre les deux tours) | 324-330 ? |
SL211 | Inv. la Labre : n° 36 ; voir ci-dessus, C1 | Dupondius d’Auguste (27 av.-J.-C.-14 ap. J.-C.) | [I]MP [D]IVI F Têtes adossées d’Agrippa à gauche coiffé de la couronne rostrale et d’Auguste tête nue à droite | COL N[EM] Crocodile à droite enchaîné à un palmier surmonté de volutes ; deux palmes sous le crocodile | 27 av. J.‑C. ou 16/15-10 av. J.‑C. |
décapage mécanique | Inv. la Labre : n° 31 ; voir ci-dessus, C7 | Denier de Julia Domna frappé sous Septime-Sévère (193-211) | IVLIA-AVGVSTA Buste de Julia Domna à droite | PIETAS-PVBLICA La Piété voilée debout à gauche à côté d’un autel allumé tenant une torche dans la main gauche et levant la main droite | 202-203 ? |
décapage mécanique | Inv. la Labre : n° 33 ; voir ci-dessus, C27 | Nummus de Constantin I (307-337) | […C]ONSTAN[TI]-NVS P[F] AV[G] Buste lauré, drapé et cuirassé de Constantin à droite | [GLORIA-E]XERC-ITVS // […]S à l’exergue Deux soldats debout se faisant face appuyés sur leur bouclier et tenant une haste ; entre eux un étendard orné d’un I (?) | 336-341 (type avec un seul étendard) |
décapage mécanique | Inv. la Labre : n° 32 ; voir ci-dessus, C46 | Centenionalis de Constance Galle César (351-354) ou de Julien II César (355-360) | […]VS NOB C[AES] Buste tête nue, drapé et cuirassé de Constance Galle à droite | [F]EL TEMP R-[EPAR]ATIO // S[CO]N à l’exergue D ? ou M ? dans le champ à gauche. Soldat romain frappant de sa lance un cavalier barbare chutant avec son cheval | émission : 353-354 ou 355-358 |
166Le dupondius de Nîmes (C1, voir ci-dessus, 7.1.5) trouvé sur le lambeau de sol SL 211 est associé à des tessons de céramique du Ier siècle de notre ère. En raison de son degré d’usure moyen, cette pièce n’a vraisemblablement pas circulé longtemps et son usage ne peut être contemporain des sépultures. Sa présence témoigne d’une fréquentation du site aux alentours du Ier siècle ap. J.‑C., les dupondii de Nîmes (parfois coupés en deux) ayant couramment été utilisés en Gaule durant tout le Ier siècle de notre ère pour pallier la pénurie de petites divisionnaires nécessaires aux achats dits de première nécessité.
167Les deux folles réduits ou nummi de la tombe 98 (voir ci-dessus, C17 et C 19) portent l’effigie et la titulature de Constantin II, l’un des trois fils de Constantin I, honoré du titre de César de 317 à 337. Le mince écart chronologique relevé entre les émissions des deux revers (321‑322 et 324‑330) et le faible degré d’usure de ces deux pièces à l’effigie du même prince sont autant d’arguments qui plaident en faveur d’un dépôt de ce numéraire durant la période constantinienne (années 320‑330).
168Les trois dernières monnaies inventoriées ont été récoltées lors du décapage mécanique du terrain.
169La présence du denier « à fleur de coin » (usure quasi-nulle) à l’effigie de Julia Domna (voir ci-dessus, C7), frappé sous le règne de Septime-Sévère (193‑211) matérialise sans doute une fréquentation au début du IIIe siècle, peut-être en relation avec les dépôts de crémation.
170Les deux autres piécettes de bronze (voir ci-dessus, C27 et C32) sont plus récentes, puisqu’elles ont été frappées durant la période de la dynastie constantinienne ; elles sont contemporaines de l’occupation funéraire tardo-antique. Les petits bronzes du IVe siècle circulent encore au Ve siècle voire au VIe siècle pour alimenter le circuit monétaire qui n’est plus pourvu d’espèces nouvelles à une période où les ateliers occidentaux cessent pratiquement de frapper le bronze dans les années 400‑420 (Brénot 1987 : 197).
171Deux monnaies du IVe siècle sur quatre sont issues de l’atelier monétaire d’Arles (n° 29 et 32), documentant l’approvisionnement monétaire régional.
8.1.3.4. Typochronologie des sépultures
172Les données du radiocarbone désignent une chronologie très resserrée sur la fin du IVe siècle et le milieu du VIe siècle, à l’exception de la tombe 118. Le rare mobilier en présence désigne le IVe siècle au moins, et très probablement le premier tiers du Ve siècle. Même si les onze cas de chronologie relative représentent un bon score pour un contexte rural (fig. 607), ils restent insuffisants pour dégager l’évolution typologique au sein de cette durée et sont entachés par la présence de tombes dont l’architecture est incertaine (voir ci-dessus, difficultés de discrimination entre les tombes en fosse, les bâtières de bois et les contenants monoxyles dans cette série).
Fig. 607 – Sépultures en situation de chronologie relative (Fr. Blaizot).
Date | SP n° | Architecture |
39 | coffrage de planches | |
I | I | |
258-425 ap. J.-C. | 40 | ? tombe en fosse ? |
42 | coffrage complet de tegulae | |
I | I | |
394-542 ap. J.-C | 100 | bâtière de bois |
385-544 ap. J.-C. | 58 | tombe en fosse ? |
I | I | |
126 | coffrage de planches | |
69 | coffrage mixte | |
I | I | |
67 | bâtière de bois | |
94 | cercueil monoxyle | |
I | I | |
224-397 ap. J.-C. | 118 | coffrage mixte |
94 | cercueil monoxyle | |
I | I | |
95 | bâtière mixte | |
bouteille ≥ IVe s. | 97 | coffrage mixte |
I | I | |
136 | indéterminé | |
97 | coffrage mixte | |
I | I | |
121 | bâtière de bois | |
105 | coffrage complet de tegulae | |
I | I | |
134 | contenant monoxyle ? bâtière de bois ? | |
128 | bâtière mixte | |
I | I | |
113 | dépôt de crémation | |
135 | bâtière bois ? tombe en fosse ? | |
I | I | |
bouteille ≥ IVe s. | 97 | coffrage mixte |
I | I | |
121 | bâtière de bois |
173L’examen des relations stratigraphiques révèle que les bâtières de bois se situent toutes en base de la stratigraphie. Peut-on leur associer les bâtières mixtes ? Le fait que la bâtière mixte SP 128 repose sur un dépôt de crémation sans doute antérieur au milieu du IIIe siècle ne prouve rien.
174Les coffrages mixtes à section rectangulaire surmontent à deux reprises une bâtière de bois. Néanmoins, les mesures du radiocarbone obtenues sur le squelette d’une autre bâtière (SP 100) et sur celui d’un autre coffrage mixte (SP 118) s’opposent à ce constat stratigraphique ; la première est datée quelque part entre l’extrême fin du IVe siècle et le milieu du VIe siècle, tandis que le second se place entre la fin du premier tiers du IIIe siècle et la toute fin du IVe siècle.
175La relation d’antériorité stratigraphique d’une bâtière de bois est aussi observée relativement à un coffrage complet de tegulae à section quadrangulaire. Pour ce qui concerne ces coffrages complets de tegulae, deux livrent du mobilier céramique produit à partir du milieu du IVe siècle. En réalité, les récipients en céramique, tous datés du IVe siècle, proviennent de contenants complets de tegulae et d’un seul coffrage mixte à section quadrangulaire (SP 97).
176Avec toutes les réserves de rigueur, compte tenu de ce qui vient d’être exposé, la typochronologie du site pourrait être la suivante :
- Des dépôts de crémations sont implantés à la fin du IIe ou au IIIe siècle.
- Les données en présence ne permettent pas de préciser si des inhumations ont ponctuellement été implantées dans le courant du IIIe siècle dans l’espace qui a été fouillé ; par exemple, la radiodatation de l’individu de la tombe 30 autorise une inhumation dans le premier tiers du IVe siècle. Toutefois, la céramique et les monnaies recueillies dans les sépultures ne sont pas antérieures au premier tiers du IVe siècle, ce qui suggère au contraire une solution de continuité chronologique entre les deux occupations funéraires (dépôts de crémation et inhumations).
- Les inhumations les plus anciennes semblent avoir été réalisées dans des cercueils cloués et sous des bâtières de bois sans doute dès le premier tiers du IVe siècle. Il est à noter que les deux monnaies frappées dans la première moitié de ce siècle sont issues d’un probable cercueil cloué. L’inhumation peut certes être plus tardive, mais la date des monnaies est compatible avec la chronologie des cercueils cloués, qui disparaissent dans le courant de la seconde moitié du IVe siècle.
- Les coffrages mixtes et composites de section rectangulaire leur sont sans doute en partie contemporains, mais durent plus longtemps jusque dans le Ve siècle. Ils sont manifestement contemporains des coffrages complets de tegulae. L’enchytrisme a pu apparaître dans le courant du IVe siècle également, comme en témoigne la typologie des amphores réutilisées.
- Les derniers contenants rencontrés pourraient être les contenants de planches non clouées et les contenants monoxyles, ce qui ne signifie pas, bien entendu, qu’ils n’apparaissent que tardivement.
- Il reste difficile de placer précisément les bâtières de tegulae au sein de cette chronologie.
- Enfin, datées en raison de la position inhabituelle des défunts (avec les genoux fléchis, l’un sur le dos et l’autre sur le côté gauche), les tombes en fosse (?) SP 40 et 58 sont bien contemporaines des autres sépultures, entre le IVe siècle et le début du VIe siècle au plus tard.
177En conclusion, les inhumations de la Labre ont été réalisées sur une période d’au moins deux siècles. La grande diversité typologique observée est conforme à celle qui est relevée dans la région aux IVe et Ve siècles, chacune étant plus ou moins en vogue selon les moments et avec des formes en passe de sortir de l’usage, tels le cercueil cloué et plus largement l’usage de clous dans la construction des contenants (Mémoire d’habilitation Blaizot 2018).
8.1.4. Le recrutement de l’espace funéraire tardo-antique
8.1.4.1.Composition de la série
178Le nombre de structures funéraires postérieures au Haut-Empire enregistrées sur le terrain est de 111. Parmi celles-ci, 15 n’ont pas été fouillées, ni testées par l’équipe, et 25 ont été grossièrement ou partiellement dégagées mais l’intégralité des ossements a été laissée sur place. On se trouve donc avec 40 squelettes potentiels pour lesquels on ne dispose pas d’informations précises sur la maturation atteinte par l’individu au moment du décès.
179Les ossements conservés de la série totalisent 74 squelettes, sachant que les tombes 40, 97 et 127 contiennent chacune, outre un squelette en connexion anatomique, les os disloqués d’un second individu. En admettant, ce qui n’est pas démontré, que les 15 sépultures non fouillées et les 25 partiellement ne contiennent qu’un seul individu, le nombre de squelettes se trouvant dans l’emprise de l’opération de fouille serait de 114 (fig. 608). On retiendra cette estimation, faute de mieux.
Fig. 608 (1/3) – Synthèse des résultats relatifs au sexe et à l’âge au décès des individus ; sépultures en gris clair : squelettes non prélevé, sépultures en gris sombre : tombes non fouillées (Fr. Blaizot).

Fig. 608 (2/3)

Fig. 608 (3/3)

180Certains des 40 individus absents de la collection sont cependant en partie renseignés : 15 individus seulement ne fournissent aucune donnée sur le stade de maturation (fig. 609). Les données de terrain fournissent, en effet, parfois, des informations permettant de classer 25 individus dans l’un des trois grands stades de maturation, à savoir les enfants, les adultes, ou les individus de taille adulte (= adultes ou grands adolescents non discriminés). Pour les adultes ou les individus de taille adulte, il s’agit d’observations réalisées sur les sépultures en partie dégagées, ce qui est le cas également pour certains des individus immatures. Pour ces derniers (neuf individus), la taille des structures entre également en ligne de compte ; les fosses ou les coffrages non fouillés dont la longueur est inférieure ou égale à 1,30 m désignerait, selon les références des populations du troisième tiers du XXe siècle des individus ayant atteint au moins un à deux ans mais décédés avant huit-dix ans (Sempé, Pédron, Roy-Pernot 1979).
Fig. 609 – Sépultures absentes du corpus (Fr. Blaizot).
Aucune donnée sur la maturation | Adulte | Adulte ou grand adolescent | Individu immature (observé ou déduit de la taille de la structure) | |
25 squelettes dégagés non prélevés | 7 | 13 | 2 | 3 |
15 fosses non fouillées | 8 | 1 | 6 | |
Ossements non conservés | 1 | |||
Total | 15 | 13 | 3 | 9 |
181Les méthodes d’estimation du sexe et de l’âge au décès ayant évolué depuis 2005, les squelettes ont été réexaminés pour la publication.
182Le sexe des adultes et des grands adolescents a été déterminé par la méthode morphoscopique (Brůžek 2002), la seule employée en 2005, et par une méthode morphométrique (Probabilistic Sex Diagnosis [DSP] : Murail et al. 2005) récemment revue (Brůžek et al. 2017). L’intérêt de la DSP est de s’affranchir des erreurs d’observation dans les cas difficiles, et de fournir la valeur de la probabilité « p » (fig. 610). Dans la série cependant, la méthode morphoscopique n’a pas posé de problème, le dimorphisme sexuel sur les os coxaux étant bien net dans cette série (fig. 611) ; il est à noter que le sexe de dix squelettes n’a pu être estimé que par cette méthode (six hommes et quatre femmes).
Fig. 610 – Mesures (exprimées en mm) et calculs de probabilités d’appartenance à tel ou tel sexe, à partir de la méthode DSP (Brůžek et al. 2017) [Fr. Blaizot].

Fig. 611 – Détermination du sexe au moyen de la méthode morphoscopique (Brůžek 2002) [Fr. Blaizot].

183La diagnose a pu être réalisée sur 43 individus adultes ou sub-adultes, soit sur 70,5 % des squelettes dont le bassin était suffisamment mature pour le permettre en théorie.
184L’âge au décès des individus immatures a été estimé au moyen de plusieurs critères en fonction des os disponibles, mais aussi de l’âge au décès des individus.
185L’estimation a pu être réalisée au moyen de la maturation dentaire (Moorrees, Fanning, Hunt 1963a et 1963b) pour 21 individus (fig. 612), tandis que pour 14 individus (fig. 613) l’estimation a été obtenue en prenant en compte la maturation osseuse (Scheuer, Black 2000 ; Schaefer, Black, Scheuer 2009 ; Coqueugniot, Weaver, Houët 2010) et ou la stature (Telkka, Palkama, Virtama 1962 ; Virtama, Kiviluoto, Palkama, Telkka 1962 ; Sempé, Pédron, Roy-Pernot 1979)8.
Fig. 612 – Estimation de l’âge au décès des individus immatures d’après la maturation dentaire (Moorrees, Fanning, Hunt 1963a et b) [Fr. Blaizot].

Fig. 613 – Estimation de l’âge au décès des individus immatures d’après la maturation osseuse et la stature (Scheuer, Black 2000 ; Schaefer, Black, Scheuer 2009 ; Coqueugniot, Weaver, Houët 2010 ; Telkka, Palkama, Virtama 1962 ; Virtama et al. 1962 ; Sempé, Pédron, Roy-Pernot 1979) [Fr. Blaizot].

186L’âge au décès de huit de ces squelettes repose au moins sur deux critères. Le cas échéant, si pour chaque critère, la classe d’âge dans laquelle l’individu a été placé a été définie en prenant en compte la variabilité maximale, la diagnose conclusive n’a retenu que la plage des valeurs se recoupant.
8.1.4.2. La mise en évidence d’anomalies démographiques
187La composition de la population adulte met en évidence un déséquilibre entre les deux sexes, avec 29 sujets masculins contre 14 féminins, soit un rapport de masculinité de 2,07. Bien que cette différence soit tout juste significative (U = 2,29), ce résultat a été retenu ; en, effet, il n’existe objectivement aucune raison pour envisager que les 18 individus adultes ou sub-adultes dont l’état du squelette n’a pas fourni les éléments pour estimer le sexe soient composés uniquement de femmes.
188Si l’on exclut les 15 squelettes pour lesquels on ne dispose d’aucun élément pour estimer l’âge au décès, le quotient de mortalité avant 20 ans atteint 385,4 ‰ et celui avant 15 ans 333,3 ‰. Ces résultats sont acceptables pour la population considérée9, la valeur de 15q0 étant conforme, par exemple, avec une espérance de vie à la naissance de 35 ans (Ledermann 1969).
189En raison de ces 15 individus et des 10 squelettes supposés immatures sur la base de la longueur de la fosse ou du coffrage, la courbe de mortalité ne peut être dressée avec l’ensemble de la population estimée dans l’emprise de l’opération archéologique. Ne serait-ce que la répartition des 10 squelettes probablement décédés entre un/deux ans et avant dix ans, qui devrait être testée sur deux classes et deux interclasses d’âges, la prise en compte de tous les sujets nécessiterait des calculs de probabilités très lourds, et par ailleurs un peu vains dans la mesure où l’ensemble funéraire s’étend en dehors de l’emprise fouillée au sud (fig. 507). C’est pourquoi la table de mortalité a été calculée uniquement avec les squelettes qui ont été prélevés, soit 78 sujets composés de 51 adultes et 27 individus immatures ou à cheval sur la dernière classe immature et la première classe adulte.
190Les 78 sujets pris en considération comportent 18 individus immatures pouvant appartenir à deux classes d’âge (fig. 614). C’est pourquoi nous avons appliqué le principe de minimalisation des anomalies démographiques, qui consiste à obliger la population archéologique à se conformer à une population à schéma de mortalité archaïque de manière à ne retenir que les anomalies irréductibles ne pouvant pas être imputées à nos méthodes d’estimation de l’âge au décès (Sellier 1996).
Fig. 614 – Minimalisation des anomalies démographiques (Sellier 1996) [Fr. Blaizot].
Squelettes prélevés uniquement : 78 | |
Adultes | 51 |
Total ind. Imm. | 27 |
0 | 1 |
0/1-4 | 2 |
1-4 | 2 |
1-4/5-9 | 4 |
5-9 | 4 |
5-9/10-14 | 1 |
10-14 | 2 |
10-14/15-19 | 6 |
15-19 | 0 |
15-19/AD | 5 |
191La redistribution des 18 individus propose 262 144 combinaisons correspondant à 1 260 cas dont certains sont redondants. Afin de raisonner sur un nombre raisonnable de cas, seuls ceux produisant une distribution des classes 5‑9 et 10‑14 ans compatible avec celle d’une population naturelle (Sellier 1996 : 192) ont été examinés ; en d’autres termes, nous avons retenu les combinaisons dans lesquelles les rapports D (5‑9)/D (10‑14) et D (5‑14)/D (≥ 20) sont respectivement le plus proche de 2 pour le premier et compris entre 0,1 et 0,3 pour le second. Le rapport D (5‑9)/D (10‑14) est de 2 associé à un rapport D (5‑14)/D (≥ 20) de ≥ 0,16 ≤ 0,24 représente 72 combinaisons.
192On obtient un quotient de mortalité avant 15 ans compris entre 205,1 et 230,8 ‰, tandis que celui avant 20 ans va de 282,1 à 346,2 ‰. Ils se situent donc en deçà de ceux que l’on a pu calculer avec la totalité de la population estimée dans l’emprise décapée, notamment celui avant 15 ans. Celui-ci correspondrait à une espérance de vie à la naissance proche de 50 ans, ce qui apparaît surestimé pour l’époque romaine, conformément aux données dont on dispose sur les populations préjenneriennes.
193Relativement aux tables types (Ledermann 1969), toutes ces combinaisons présentent les mêmes anomalies. Les quotients de mortalité avant 1 à 5 ans sont trop faibles, avec 0q1 : 12,8 à 38,5 ‰ et 1q4 : 26,7 à 90,9 ‰, alors que dans une population à schéma de mortalité archaïque, ils devraient être les plus élevés. En revanche, les effectifs enregistrés à partir de 5‑9 ans sont trop élevés ; on obtient en effet des valeurs de 5q5 étendues de 84,5 à 111 ‰, celle de10q5 va de 46,2 à 62,5 ‰, et celle des grands adolescents, 15q5, est comprise entre 82 et 177,4 ‰. Même s’ils restent envisageables pour une espérance de vie à la naissance de 25 ans, les valeurs minimales enregistrées dans la série sont systématiquement proches des valeurs théoriques maximales.
194Si l’on construit la courbe de mortalité pour une population dont la valeur de 15q0 est de 205 ou de 204 ‰ (Ledermann 1969), celle qui a été calculée pour la série, notre quotient 0q1 reste trop faible, celui entre un et quatre ans entrerait dans la variabilité, mais les suivants, trop élevés, ne pourraient être retenus.
195Dans la mesure où les quotients des deux premières classes d’âge sont, quoi qu’il en soit, sous-représentés, nous avons retenu la combinaison qui présentait le moins de distorsion dans les trois classes suivantes (fig. 615 et fig. 616). Il est alors possible de faire entrer les enfants d’au moins cinq ans et l’ensemble des adolescents (10‑14 et 15‑19 ans) dans la courbe théorique, même si les valeurs restent proches des valeurs hautes des références préjenneriennes, notamment pour la classe 10‑14 ans.
Fig. 615 – Calcul de la table de mortalité (anomalies minimalisées) en fonction des tables de la démographie historique Ledermann 1969 (réseau 100) [Fr. Blaizot].

Fig. 616 – Courbe de mortalité de la population inhumée à partir des squelettes étudiés (dessin et DAO : Fr. Blaizot).

8.1.4.3. Quelle population ?
196La population mise au jour à la Labre présente des distorsions relativement à une population naturelle : les hommes sont deux fois plus nombreux que les femmes et les jeunes enfants sont sous-représentés au profit de ceux décédés à partir de cinq ans. Ces anomalies sont fréquentes dans les ensembles funéraires tardo-antiques (Blaizot 2009). Dans le premier cas, elles peuvent être imputées à la fouille partielle d’un ensemble funéraire dont l’organisation générale est fondée sur le sexe, ou bien d’un recrutement spécialisé ; dans le second, l’absence des jeunes enfants résulte pour partie d’une destruction des petites fosses sépulcrales peu fondées, mais également, en tout cas au moins pour la mortalité infantile (avant un an), de l’existence de lieux spécialisés pour l’inhumation des très jeunes enfants (Blaizot, Alix, Ferber 2003).
197Les sépultures fouillées à la Labre ont livré 78 individus, mais on sait que 40 environ n’ont pas été fouillées, tandis que les limites du site n’ont pas été atteintes côté sud. Nous avons tenté néanmoins de restituer la population vivante à un moment donné à partir des données de la fouille : Population vivante = (N/D) x e, sachant que « N » correspond au nombre total d’individus décédés, « D » à la durée d’utilisation de l’ensemble funéraire, estimée à 200 ans à la Labre, et « e » à l’espérance de vie à la naissance, à condition d’émettre le postulat d’une population stationnaire (nombre de décès = nombre de naissances). Sur les 78 individus d’âges connus, 90 % ont plus de quatre ans ; si l’on prend comme référence une population dont l’espérance de vie à la naissance est de 27 ans (Ledermann 1969), plausible pour la période chronologique considérée, les tables de mortalité de l’ancien régime permettent d’évaluer à 46,7 % la part des individus décédés avant quatre ans, ce qui nous permet d’estimer à 29 le nombre réel d’individus décédés avant quatre ans à la Labre. Ainsi, sur cette base, le nombre d’individus vivants à un moment donné serait de douze. Dans l’hypothèse d’une espérance de vie à la naissance de 35 ans, ce nombre augmente à 15. Ces résultats sont plus élevés si l’on extrapole au nombre de sépultures repérées, soit 20 ou 25 pour une espérance de vie à la naissance de 27 ou de 35 ans, à condition d’envisager que le pourcentage de décès avant quatre ans soit équivalent, ce qui n’est pas du tout garanti, car le recrutement de la partie non fouillée peut différer de celui de la partie à laquelle nous avons eu accès.
198En conclusion, l’échantillon fouillé de l’ensemble funéraire de la Labre correspond à une population composée de 15 à 20 individus en moyenne, à condition que la partie non fouillée ne soit pas trop étendue et que son recrutement ne diffère pas de celui de la partie fouillée, et que l’on soit dans le cas d’une population stationnaire sur toute la durée.
8.1.5. Pratiques rituelles
8.1.5.1. Évocation des repas funéraires
Le four à pain
199En bordure septentrionale de l’ensemble funéraire se trouve un four, creusé dans le substrat. Il est orienté nord-sud dans le sens du pendage originel du terrain. Il se compose d’une chambre de chauffe circulaire de 1,50 m de diamètre intérieur (fig. 617). Des traces de rubéfaction sont visibles sur une épaisseur de 0,10 m dans le terrain naturel. La sole est plate et les parois verticales ne sont conservées que sur une hauteur de 0,25 m. Les fragments de tuiles qui jonchent la sole, conservée sur 0,10 m de profondeur seulement, proviennent vraisemblablement de la voûte, plutôt que du fond, dans la mesure où ils ne forment pas un dallage continu, mais se présentent en suspension dans le sédiment. La bouche du four s’ouvre sur une chambre de travail oblongue d’une longueur de 2,50 m pour une largeur de 1 m. Cette fosse a servi de vidange pour le foyer comme en témoigne le niveau cendreux et charbonneux US 433 dans le comblement. Enfin, le comblement unique de la chambre de chauffe rend compte d’un remblaiement immédiat après la dernière utilisation.
Fig. 617 – Four à pain : plan et coupe (DAO : P. Rigaud).

200Ce type de four doit être rattaché à un usage culinaire : la sole circulaire, la bouche unique, et la chambre de chauffe creusée dans le substrat évoquent un four à pain, à l’origine couvert d’une voûte hémisphérique (Vial 2013 : 227‑231). En l’absence d’occupation domestique contemporaine sur les secteurs diagnostiqués et/ou fouillés, son association à l’ensemble funéraire se révèle irréfragable.
201Dans les ensembles funéraires, il est rare de trouver des fours ayant servi à la cuisson des aliments destinés à être consommés dans le cadre des cérémonies. Dans la région, on peut citer, à Lyon, la batterie de huit fours fouillés dans l’ensemble funéraire du site de la voie de l’Océan (Frascone 1999 : 131‑135). Les fours de ce site, répartis le long de la voie, du côté nord de l’ensemble funéraire, sont tous antérieurs à la fin du Ier siècle, et donc contemporains d’une partie des sépultures. L’absence de vestiges d’habitat sur le site de Vaise lie sans aucun doute ces aménagements aux activités funéraires.
Sélection, traitement et dispositif de la vaisselle
Choix et fréquence des vases des inhumations
202Seules quatre sépultures ont livré un dépôt de vases, soit 7 % de toute la série.
203Deux inhumations contiennent deux vases en céramique : l’une associait une marmite et un gobelet (SP 35) et l’autre un plat et un gobelet (SP 137). Dans la tombe SP 110, trois vases avaient été déposés (marmite, cruche, gobelet). Enfin, un seul vase (une bouteille) se trouvait dans la tombe SP 97. Les schémas des associations fonctionnelles correspondent à ce qui a été observé lors des études réalisées dans les ensembles funéraires des IVe et Ve siècles de la moyenne vallée du Rhône (Blaizot et al. 2001 ; Blaizot 2009 ; Rapport Ronco 2013). Sur le plan fonctionnel, le duo vase à solides et vase à liquides est un schéma récurrent mis en évidence par de nombreux auteurs (Gagnière 1965 : 67 ; Blaizot et al. 2001 : 308 ; Blaizot 2009). Les dépôts à trois vases regroupant un vase à solides, une cruche et un gobelet, sont particulièrement bien illustrés sur l’ensemble funéraire de Savasse (Bonnet 2016 : fig. 6), alors que, dans d’autres séries régionales, ils se révèlent peu fréquents au profit des dépôts à un ou deux récipients. Dans les cas de dépôt unique, par exemple au Trillet dans le Rhône (Blaizot et al. 2001 : 308), on a plus fréquemment un vase à liquides, ce qui est le cas à la Labre avec la bouteille. En somme, on peut donc dire que les modes de dépôts pratiquées à la Labre sont tout à fait caractéristiques de la période tardive dans cette aire géographique.
Situation des objets dans la tombe
204Les vases ont été déposés soit à la tête du défunt soit près de ses membres inférieurs, les deux situations n’étant jamais réunies dans la même tombe. Dans la tombe SP 35, un vase à solides et un vase à liquides initialement en position usuelle ont été réunis à gauche de la tête ; le plat brisé dans la tombe 137 est à gauche de la tête du défunt alors que le gobelet en position usuelle est à droite de celle-ci. Les trois vases de la tombe 110 sont placés latéralement à l’humérus droit et le vase de la sépulture 97 a été déposé aux pieds du sujet. Dans le cas de la Labre, les vases à solides et à liquides sont donc indifféremment placés aux pieds ou à la tête, alors que quelques ensembles contemporains de la moyenne vallée du Rhône et du Languedoc montrent qu’à la tête n’étaient déposés que des vases à liquides (Blaizot et al. 2001 : 314 ; Girard, Raynaud 1982). À Savasse, les rares vases déposés à la tête sont plutôt des vases à liquides mais il y a aussi des vases à solides (Bonnet 2016).
205À l’exception peut-être de la cruche de la tombe SP 97, tous les vases ont été placés à l’intérieur du contenant du corps.
206Dans deux cas, leur position incite à s’interroger sur le dispositif originel des dépôts. Le premier concerne les récipients de la tombe 35 (fig. 618). D’une part, la marmite affecte un léger pendage vers l’est, et la partie inférieure de sa paroi, oblique, passe en avant du pariétal gauche du squelette. D’autre part, le gobelet est renversé ; son embouchure est séparée de la scapula par une fine couche de terre, à l’instar de sa base qui repose 2 cm au-dessus du fond du coffrage ; on remarque également que la clavicule est fracturée et qu’autour de l’embouchure du gobelet, les fragments d’une côte sont dispersés attestant un choc d’une certaine violence. Ces récipients pourraient avoir été placés sur des supports. Les mêmes constats peuvent être faits à propos des trois vases recueillis dans la tombe 110 (fig. 618). Ces trois vases se situent en partie latéralement et en partie en avant de la jambe droite du squelette : le gobelet et la cruche sont couchés sur le flanc, et une fine couche de terre sépare la seconde du premier qui est le seul à reposer directement sur le fond du coffrage ; la marmite, qui surmonte les os de la jambe du squelette, se trouve en amont de ces derniers et en pendage latéral, et sa partie la plus profonde est séparée du fond par du sédiment.
Fig. 618 – Dispositif des vases dans les sépultures (DAO : Fr. Blaizot).

207Ces deux coffrages constituaient l’unique contenant du corps comme l’indiquent les nombreux contacts relevés entre les os et les tegulae : on ne peut donc pas envisager que les vases reposaient sur le couvercle d’un contenant en bois placé dans le coffrage de tegulae. Il faut donc plutôt s’orienter vers des supports de type « petites étagères » placées dans le coffrage. Dans le cas de la tombe 110, on supposera que seul le gobelet reposait sur le fond du coffrage, alors que les deux autres récipients, qui sont séparés du fond par de la terre, se trouvaient sur l’étagère. Il est à noter que l’emplacement d’une étagère au-dessus des membres inférieurs a été enregistré dans des contextes tardo-antiques du Languedoc (Blaizot et al. 2008).
208La bouteille de la tombe SP 97 semble, en revanche, s’être trouvée en dehors du coffrage. Située à l’extrémité orientale de la tombe, elle se présente en équilibre instable, inclinée vers le nord - nord-est, et repose moins profondément que les pieds du squelette (87,41 contre 87,33 m NGF ; fig. 618). Elle passe sur l’extrémité distale des deux clous qui assemblaient les planches qui complétaient le coffrage de tegulae de ce côté, ce qui indique qu’elle se trouvait au contact de l’angle nord-est du coffrage. Cependant, sa position, bien au-dessus du fond de la fosse, signifie qu’elle reposait soit sur une étagère, soit sur le couvercle du coffrage ; dans un cas comme dans l’autre, elle se serait effondrée sans dommage, glissant à l’aplomb de l’angle du coffrage.
209Enfin, la dernière sépulture concernée par des dépôts est la tombe SP 137, qui comporte un gobelet et un plat incomplet déposé à l’état de fragments. Le gobelet repose sur le flanc, sur le fond du coffrage (fig. 618) ; sa chute peut participer au même mouvement qui est à l’origine de la bascule de la tête et du cou. Les fragments du plat sont entassés en amont de l’épaule du squelette, en partie masqués par le bloc crânio-facial qui a basculé, et au moins deux éléments passent en avant de la tête humérale et de l’extrémité latérale de la clavicule verticalisée. Or, ces éléments reposent entre 4 et 5 cm au-dessus du fond de la fosse, selon les fragments, ce qui signifie qu’ils ont chuté d’un niveau plus élevé : compte tenu de l’architecture de la sépulture (bâtière de bois), on peut supposer qu’ils ont été déposés contre la paroi inclinée en bâtière, coincés entre celle-ci et la fosse, et qu’ils se sont effondrés dans l’espace d’inhumation lors du pourrissement du bois.
Traitement des vases : mutilation et bris
210Le bon état de conservation de la majorité des inhumations à mobilier a permis de faire des observations sur l’état des vases et leur représentativité (fig. 605). Sur les huit vases présents, un seul est complet, six ont une représentativité comprise entre 90 et 99 % ; un seul est très fragmentaire avec 60 à 70 %. Les fragments manquants n’ont jamais été déposés dans la tombe et n’apparaissent pas dans le comblement (plat de la tombe SP 137). De la même manière, l’ensemble funéraire de Savasse qui a livré 232 vases compte seulement 26 % de vases complets. À la Labre, à l’instar de ce que l’on observe par ailleurs, les lacunes portent sur le bord des cruches et du gobelet de la tombe SP 35 ; ce dernier présente une petite cassure dite « en V » qui est souvent décrite dans la littérature archéologique. Le bord est également en grande partie absent sur la marmite en céramique commune (fig. 619). Ces vases sont déposés mutilés auprès du défunt. Ces lacunes, qui s’apparentent parfois à de véritables découpes, sont désormais bien documentées pour les sépultures du Haut-Empire et de l’Antiquité tardive (Blaizot 2009 : fig. 32 ; Bonnet 2016 : fig. 10, 11) : ils pourraient illustrer des pratiques à vocation apotropaïque, de manière à ce que les récipients des vivants et des morts ne soient pas confondus.
Fig. 619 – Mutilations et bris de récipients (clichés : Chr. Bonnet).

211Le plat de la sépulture SP 137 se rapporte à un autre registre, puisqu’il a été brisé avant le dépôt (fig. 618). Quatre fragments d’un plat en céramique commune sont clairement entassés, pour la plupart à inverse de leur position usuelle, en amont de l’épaule gauche du sujet. Le caractère lacunaire du plat indique qu’il a été brisé à l’extérieur de la tombe et la disposition particulière des tessons ne peut en aucun cas être naturelle : ces éléments ont été expressément déposés en tas et non pas jetés ou éparpillés dans la fosse contrairement à ce qui se pratique généralement (Blaizot et al. 2001 : 312 ; Blaizot et al. 2015).
212Le dépôt de fragments de vases se réfère, à l’instar de ce qui a pu être mis en évidence au Haut-Empire, aux ustensiles utilisés par les vivants lors du repas partagé des funérailles. Ce nouvel exemple montre que les vases ne se contentent pas du rôle statique de conteneur de viatique qu’on leur a longtemps prêté, mais qu’ils sont au contraire de véritables acteurs du rituel funéraire.
Le niveau de sol US 211
213Dans la partie nord-ouest de l’emprise décapée, une portion de sol était conservée sur 18 m² (US 211). Sa fouille a livré 162 fragments de céramique antique qui représentent les restes de sept vases. Cinq sont identifiés à partir des bords, mais les deux derniers ne sont représentés que par des fragments de panse. On comptabilise un pot (KAOL A19), une bouilloire (KAOL F1), une bouilloire ou un pichet, un vase de type indéterminé en céramique commune grise kaolinitique (fig. 620, n° 1 à 4), et un pot (fig. 620, n° 5) en céramique tournée rouge (apparenté à Bonnet et al. 2012 : fig. 81, n° 14). Ces vases sont en miettes et n’ont pu être reconstitués. Le type des deux autres vases n’a pas été déterminé : de l’un, subsistent trois fragments de panses de céramique non tournée du Haut-Empire, et, de l’autre, trois fragments de panses de céramique commune claire.
Fig. 620 – Céramiques issues du niveau du sol SL 211 ; 211/1 à 211/3 : tournée grise à pâte blanche kaolinitique ; 211/4 : tournée blanche kaolinitique (?) ; tournée rouge (dessins : Chr. Bonnet ; DAO : É. Bayen).

214Le pot KAOL A19 et le pichet en céramique kaolinitique, ainsi que le pot de la catégorie Tournée rouge appartiennent au répertoire de l’Antiquité tardive, alors que, dans ce secteur géographique, la céramique non tournée concerne exclusivement le Ier siècle ou le début du IIe siècle (Bonnet, Carrato, Delage 2017 : fig. 3).
215Les quatre vases identifiés par leur bord sont tous des céramiques communes de cuisine, bouilloires ou pichet et pots. Ils sont datés de l’Antiquité tardive. Leur mauvais état de conservation ne permet pas d’observations précises de l’état des vases mais ils ne semblent pas montrer de traces de feu.
216En conclusion, ce niveau de sol conserve les vestiges de cinq récipients contemporains des sépultures. Les éléments plus anciens sont représentés par de petits tessons et un dupondius de Nîmes (C1 : voir ci-dessus), qui pourraient se trouver à l’état résiduel dans les sédiments.
8.1.5.2. Chaussures et monnaies : dispositif de dépôt
217Trois sépultures contiennent des clous de chaussures (fig. 621).
Fig. 621 – Vue des clous de chaussures in situ dans SP 23 et SP 98 ; emplacement des monnaies dans la sépulture SP 98 (DAO : Fr. Blaizot).

218Dans les tombes SP 23 et 98, le nombre de clous est suffisant pour identifier chacune des chaussures et discuter leur position. Il apparaît clairement dans les deux cas que les chaussures n’étaient pas portées, mais déposées à proximité des pieds, comme on en connaît plusieurs exemples (Tranoy 1995 ; Blaizot 2009 ; Blaizot et al. 2015 : 45‑46). Les chaussures de la sépulture 98 reposaient sur le fond du coffrage en aval des pieds du défunt et étaient orientées avec leur partie antérieure vers l’est : le talon de la semelle en aval du pied droit se situe à 10 cm du calcanéus, et pour le côté gauche, où la semelle est incomplète, le pied disloqué et effondré en aval et en dedans ne peut, ni par sa position, ni par sa distance, avoir été chaussé. L’extrémité des pieds de l’individu se trouvait au contact de la partie arrière des chaussures, comme l’indiquent les quelques phalanges qui surmontent les clous. Dans la tombe 23, la position des clous de chaussures montre que ces dernières se trouvaient en situation latérale à la moitié distale de la jambe droite, mais les clous sont de manière générale moins bien maintenus que dans le cas de l’exemplaire précédent, ce qui ne permet pas de lire l’orientation des chaussures. En revanche, le fait que certains des clous qui appartiennent à l’une des chaussures reposent sur le tarse antérieur et remontent contre la partie latéro-antérieure du tibia indique que les chaussures ont été placées après le corps, contrairement à la tombe précédente ; se trouvaient-ils sur une étagère, à l’instar de certains récipients, ou ont-ils ainsi été placés directement au contact de la jambe droite du sujet ? Les clous sont un peu disloqués, mais chacune des chaussures reste bien individualisée : cela ne permet pas de démontrer qu’elles se sont effondrées depuis un niveau plus élevé.
219Enfin, les trois clous recueillis dans la tombe SP 64 se situaient entre les deux calcanéus éversés ; ils sont trop peu nombreux pour déterminer avec certitude si les chaussures étaient ou non portées.
220La sépulture 98 est la seule qui, en outre, conserve des monnaies. Il s’agit de deux follis, chacun placé sur une paupière du défunt (fig. 621). Cette pratique reste peu attestée dans la moitié sud-est de la Gaule, où les dépôts de monnaies ne sont d’ailleurs pas très nombreux (voir ci-dessus, 8.1.3.3 et Blaizot et al. 2015 : 46‑47). L’emplacement de ces monnaies montre que, dans ce cas précis, elles font partie de l’apparat du défunt ; on doit supposer qu’un linceul maintenait ces pièces en place.
8.1.6. Dynamique, organisation et caractérisation de l’espace funéraire
8.1.6.1. Genèse, développement et organisation de l’espace funéraire
221Les surfaces explorées pour l’instant dans ce territoire n’ont pas livré d’indices funéraires contemporains des premiers temps de la villa. Les seuls éléments attribuables au Haut-Empire sont les dépôts de crémation datés de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle, situés dans la partie orientale de l’ensemble funéraire de la Labre.
222Ce groupe de tombes, probablement établi en bordure d’une voie, est fidèle au schéma d’organisation des sépultures antiques dans le finage des habitats, sous la forme de petits groupes dispersés aux abords des voies ou des fossés (Tranoy et al. 2009). Il ne reste de cet ensemble que des fonds de fosses érodées, au-dessus desquels s’élevaient vraisemblablement des monuments, seuls éléments susceptibles de marquer le statut de l’individu à l’époque romaine (Blaizot 2016). Les inhumations de jeunes enfants en amphore dispersées dans le finage des habitats sont également courantes jusqu’à la fin de l’Antiquité tardive, les modalités d’inhumations des individus décédés en phase infantile sont caractérisées par une grande variabilité, tant dans les dispositifs que dans les lieux funéraires (Blaizot, Alix, Ferber 2003 ; Blaizot 2009 : 69‑77 et 308‑310).
223À la Labre, une solution de continuité est probable entre ces dépôts de crémation et les inhumations, puisqu’aucune inhumation attribuable au Haut-Empire n’a été identifiée, ni par le dispositif funéraire, ni par le mobilier. De ce point de vue, le site de la Labre évoque tout particulièrement celui de Grange Neuve à Allan, situé à une dizaine de kilomètres à l’est (Blaizot, Alix, Ferber 2003) ; l’ensemble funéraire tardo-antique se développe dans le courant du IVe siècle à proximité d’un groupe de cinq dépôts de crémation du IIe siècle. Dans les deux cas, la voie constitue probablement un élément attractif et explique la coïncidence entre les deux occupations, au Haut et au Bas-Empire. Il est a priori aussi difficile de mettre ces espaces funéraires en relation entre eux, qu’avec un ou plusieurs établissements, qu’il s’agisse ou non de la villa du Palais.
224L’Antiquité tardive est la période historique à laquelle la diversité des dispositifs funéraires est la plus élevée (Mémoire d’habilitation Blaizot 2018). Conjuguée à l’homogénéité des radiodatations obtenues sur le site, traduisant une relativement courte durée d’utilisation, cette diversité constitue un handicap pour comprendre selon quelle dynamique l’espace funéraire s’est constitué et développé, d’autant qu’il s’étend vers le sud en dehors de l’emprise de la fouille menée par E. Ferber, et qu’il est très érodé.
225Les différents types de sépultures se retrouvent sur l’ensemble de la surface occupée. Si l’on examine la répartition des tombes dont la typologie se situe parmi les formes les plus anciennement avérées10 et celles dont la typologie fait partie des formes les plus récentes11, le site ne montre pas d’évolution spatiale à partir d’un seul secteur, mais évoque un développement polynucléaire (fig. 622). On remarque notamment que les types de tombes parmi les plus anciens ne sont pas tous situés à proximité des dépôts de crémation de la fin du IIe siècle. Cette organisation polynucléaire peut être comparée à la dynamique de lotissement funéraire des secteurs périurbains, polynucléaire et saltatoire (Tranoy, Blaizot, Bel 2009 : 292‑294). Elle a déjà été mise en évidence en contexte rural, notamment aux abords des voies mais pas uniquement, par exemple à Soumaltre (Aspiran, Hérault ; Thernot, Bel, Mauné 2004) ; parfois, deux groupes spatiaux se distinguent nettement dans de petits ensembles ruraux, comme au Pillon à Marennes (Rhône ; Blaizot et al. 2001) ou encore sur le site précité de Grangeneuve à Allan (Blaizot, Alix, Ferber 2003).
Fig. 622 – Éléments d’évolution chronologique de l’espace funéraire (DAO : Fr. Blaizot).

226Comme pour le Haut-Empire, le statut du défunt n’est marqué que par l’éventuelle superstructure, qui nous fait ici défaut comme dans la grande majorité des contextes archéologiques, même si l’on peut imaginer que l’aménagement du sépulcre devait différer selon les moyens mis en œuvre, par exemple la taille de la chambre qui recevait le contenant, son éventuel décor, etc. En son état archéologique, l’ensemble funéraire de la Labre n’offre aucun élément de discussion en ce sens : les habitants de l’occupation tardive de la villa, dans l’hypothèse où ils seraient inhumés dans cet ensemble funéraire, ne peuvent être identifiés.
227Du point de vue du recrutement, on a vu que la partie fouillée révèle deux anomalies : la première est le déficit en jeunes enfants et la seconde la surreprésentation masculine. Le déficit en enfants décédés avant l’âge de cinq ans est un phénomène fréquemment rencontré en archéologie, que l’on impute le plus souvent à des événements taphonomiques en raison du plus faible enfouissement des corps de petite taille, ainsi qu’à des pratiques funéraires excluant les enfants, ou autorisant leur inhumation dans d’autres lieux, ces deux facteurs pouvant s’exercer conjointement. La dernière option est vérifiée dans toute la Gaule à l’époque romaine (Blaizot 2009 : 308‑310), comme en témoignent d’ailleurs ici les deux inhumations mises au jour dans le finage de l’habitat (voir ci-dessus, 8.1.1.2, « Les tombes isolées »). Sur le site de la Labre, la surreprésentation masculine est une caractéristique plus intéressante à noter, puisque ce constat est loin d’être nouveau pour les ensembles funéraires tardo-antiques, comme nous l’avons souligné par ailleurs (Blaizot 2009 : 305). On rappellera, par exemple, les cas emblématiques de Chantambre à Buno-Bonnevaux (Essonne) où le RM12 est de 1,75, ou celui de Sainte-Barbe à Strasbourg composé uniquement, pour l’Antiquité tardive, d’individus masculins (Murail 1997 ; Blaizot et al. 2004). On ne peut, à ce jour, fournir l’explication de ce constat, qui n’est d’ailleurs certainement pas univoque : collèges dans les cités, main-d’œuvre spécialisée en contexte rural, les hypothèses peuvent être nombreuses. L’examen de la répartition des individus par sexe et par maturation (adultes et individus immatures) n’est pas explicite (fig. 623) ; au centre de la partie ouest, on observe un groupe de 14 sépultures riche en individus masculins (9 hommes, 1 femme) mais les 4 adultes de sexe indéterminé pourraient modifier le résultat. D’une part, il est fort probable, comme on l’a souligné, que cet ensemble funéraire soit composé de plusieurs sous-groupes sociaux qui se jouxtent et, d’autre part, il nous manque la finesse dans la lecture chronologique des inhumations qui permettrait sans doute d’y voir plus clair. Le croisement avec les rares données de chronologie relative (fig. 622) ne révèle en effet rien de particulier.
Fig. 623 – Répartition spatiale des individus en fonction du sexe et de l’âge au décès (DAO : Fr. Blaizot).

228On reviendra sur les individus dont la position ou le dispositif funéraire ne sont pas conventionnels (voir ci-dessus). Ils n’apparaissent pas regroupés dans l’espace funéraire, à l’exception des sépultures SP 27 et 28 qui se jouxtent et de SP 40 située à 5 m de ces dernières. Les six individus concernés se répartissent entre trois hommes, deux adolescents et un adulte de sexe indéterminé. Il est difficile d’interpréter ces particularités, et tentant de les mettre en relation avec une forme de « dissociation » de ces individus d’avec le reste de la communauté, en raison peut-être de leur statut et de leur origine (travailleurs masculins spécialisés importés ?). On ne dispose cependant d’aucun argument pour le démontrer.
229Il s’agit ici d’un ensemble funéraire réunissant un nombre assez élevé d’individus, comme on en voit émerger durant l’Antiquité tardive. En réalité, ce qui est nouveau est surtout la durée de ces espaces funéraires, qui rompt avec la dynamique saltatoire du Haut-Empire (Tranoy, Blaizot, Bel 2009). Par extrapolation du NMI13, en restituant les individus manquant de moins de cinq ans sur la base des données de la démographie historique (Ledermann 1969) et en retenant une durée de 200 ans, on peut calculer la taille de la population vivante à un moment donné à 15 ou 16 individus pour une espérance de vie à la naissance de 20 à 27 ans. Ce résultat relativise la perception que l’on pourrait avoir, a priori, de la taille de cet ensemble funéraire et les hypothèses que l’on peut émettre à propos de son recrutement. Si le caractère polynucléaire de son organisation semble probable, cela n’implique pas forcément que les individus forment des communautés distinctes.
230Comme le plus souvent (Blaizot 2009 : 303‑304), la logique de cet ensemble funéraire est difficile à lire. Plus exactement, les outils mis en œuvre ici, à savoir l’estimation du sexe et de l’âge au décès, se révèlent insuffisants pour approcher les modalités précises de la constitution et de l’organisation de l’ensemble funéraire, dont tout n’a pas été fouillé de surcroît. On soulignera le fait que cet ensemble funéraire ne survit pas à la fin de l’Antiquité tardive. Certes, même si c’est alors que plusieurs espaces funéraires se fixent (Blaizot 2018), le cas d’abandon de la zone d’inhumation à la fin du Ve siècle n’est pas isolé et traduit très probablement de nouvelles stratégies d’occupation et d’organisation des communautés sur le territoire.
8.1.6.2. L’ensemble funéraire de la Labre dans son contexte culturel
231L’ensemble funéraire de la Labre (fig. 624) s’inscrit bien, du point de vue culturel, dans la sphère méridionale. L’usage de tegulae pour construire les coffrages, qui constituent ici le matériau majoritairement employé, et l’inhumation des jeunes enfants en amphore, sont caractéristiques des régions du sud de la France, ces formes étant exceptionnellement rencontrées au nord de Vienne, à l’exception des villes pour ce qui concerne les dépôts en amphore (Mémoire d’habilitation Blaizot 2018).
Fig. 624 (1/4) – Typologie des sépultures de la Labre (Fr. Blaizot).

Fig. 624 (2/4)

Fig. 624 (3/4)

Fig. 624 (4/4)

232Pour l’Antiquité tardive, les ossements en situation secondaire sont presque uniquement rencontrés dans le sud de la France, où ils constituent néanmoins toujours des pratiques minoritaires sur les sites (Crubézy, Raynaud 1987 ; Blaizot et al. 2008 ; Raynaud 2010). Les exemples relevés sur le site de la Labre doivent néanmoins être pris avec circonspection. En effet, il ne s’agit pas de réductions de corps stricto sensu engendrées par la réutilisation programmée d’un même espace d’inhumation ; tous les exemples d’ossements en situation secondaire recensés sur le site résultent en réalité de recoupements fortuits d’une sépulture par l’implantation d’une nouvelle fosse sépulcrale. Les faits en présence, ceux de la Labre d’une part, ou des séries du Midi d’autre part (Raynaud 2010) ne sont donc pas comparables entre eux ; c’est pourquoi nos quelques exemples n’entrent pas dans le cadre d’une pratique que l’on peut qualifier de méridionale pour la période considérée.
233Du point de vue historique, le site de la Labre s’insère dans les problématiques relatives aux changements culturels et religieux propres à l’Antiquité tardive, dont se sont emparés les archéologues à la suite des historiens.
234Les travaux des historiens (entre autres : Rebillard 2003 ; Rebillard 2012 ; Chuvin 1990 ; Gauthier 1997) et de récentes synthèses menées dans la région (Blaizot 2018 ; Blaizot à paraître a et b) ont conduit à relativiser des interprétations hâtives des faits archéologiques qui ont parfois été celles des archéologues confrontés à la mutation des pratiques funéraires à la fin de l’Antiquité. Il est notamment apparu que l’archéologie n’était pas en mesure d’évaluer l’ampleur de la christianisation notamment dans les campagnes et de manière générale par l’analyse des pratiques funéraires. Par ailleurs, les historiens rappellent qu’on assiste, dans l’Antiquité tardive, à une très grande diversité de croyances et de cultes, et que le paganisme, comme le christianisme, restent des notions très accidentelles qui, pour les individus de l’Antiquité tardive, n’avaient pas la même réalité que pour nous. Enfin, l’analyse des textes révèle que l’Église paléochrétienne ne s’est en aucun cas intéressée à la manière dont les morts ont été ensevelis, mais plutôt aux relations que les vivants ont entretenues avec leurs défunts sur la durée (Rebillard 2003).
235Il n’en reste pas moins que les pratiques funéraires connaissent une série de mutations dès le milieu du IIIe siècle, avec notamment la conversion à l’inhumation entre 250 et 300. On a pu démontrer que ce renversement dans le traitement du corps précède la conversion de l’Empire au christianisme qui se produit au début du IVe siècle, et qu’il était indépendant de la logique générale des pratiques funéraires, les mêmes gestes et les mêmes dispositifs étant transposés de la pratique de la crémation vers la pratique de l’inhumation (Blaizot 2009 ; Blaizot 2018). Dans cette optique, le passage à l’inhumation constitue un changement bien moins fondamental qu’on a pu le croire.
236Le site de la Labre s’inscrit dans la fourchette chronologique durant laquelle se produit un changement plus frappant, à savoir la disparition générale, dans les tombes, de la vaisselle qui a trait aux repas funéraires, et que l’on peut fixer à la fin du premier tiers du Ve siècle au plus tard (Blaizot 2018). Cet effacement s’inscrit vraisemblablement dans la continuité de l’abandon du faste des funérailles ; ce dernier, amorcé dès le IIe siècle, s’est accéléré par la pratique de l’inhumation avec laquelle disparaît la profusion de la vaisselle impliquée dans le repas des funérailles du Haut-Empire. Si des sépultures tardo-antiques, issues d’un seul ou de plusieurs sites, peuvent contenir des récipients parfois en assez grande quantité, on n’en connaît aucune qui atteigne un nombre de vases aussi élevé que sur les bûchers.
237Les travaux conduits dans la région sur la fonction, la représentativité et le traitement de la vaisselle14 ont permis d’émettre plusieurs propositions sur la fonction des récipients dans les pratiques funéraires et notamment d’associer les vases partiellement brûlés et brisés sur le bûcher à ceux utilisés par les vivants lors des funérailles, et la vaisselle entière déposée dans la sépulture à la part du défunt lors des commémorations (Scheid 2005 ; Blaizot 2009 ; Blaizot 2018). Dans l’Antiquité tardive, où la cérémonie des funérailles et celle des commémorations se déroulent non plus dans deux mais dans une seule structure, des fragments de récipients brisés en dehors de la fosse (ici le plat de SP 137) voisinent avec des vases mutilés ou non placés dans la sépulture.
238À la Labre, seules quatre sépultures contiennent de la vaisselle, ce qui est bien peu comparativement au site géographiquement proche et contemporain des « Terrasses II » à Savasse où 90 % des 128 sépultures en sont pourvues (Rapport Ronco 2013). Ces deux exemples illustrent bien la variabilité générale du corpus des inhumations tardo-antiques : la part des sépultures comportant de la vaisselle, de la seconde moitié du IIIe au premier tiers du Ve siècle, peut être légèrement inférieure à 10 %, comme à la Labre, ou atteindre 100 % en passant par toutes les proportions possibles entre ces deux extrêmes. En réalité, qu’il s’agisse de la part des vivants (un seul récipient concerné dans une seule tombe à la Labre) ou de la part du mort, le dépôt dans la sépulture des instruments du repas funéraire n’est pas systématique. Pour la part du mort, cela vaut tant pour le Bas-Empire que pour le Haut-Empire : les proportions de sépultures contenant des récipients entiers étant équivalentes (Blaizot 2018).
239Les contextes chrétiens avérés que l’on peut examiner dans la région (basiliques funéraires), tous postérieurs à la fin du deuxième tiers du IVe siècle, ne comportent aucune sépulture qui renferme un vase à nourriture solide ou liquide, les seuls récipients présents étant illustrés par les grands balsamaires à parfum. En revanche, ces sites livrent des vestiges qui se rapportent à des repas funéraires pris par les vivants (foyer, vaisselle brisée et os d’animaux, offrande en surface, sur les couvertures des sarcophages ou dans des fosses creusées expressément), confirmant que les chrétiens et les non-chrétiens honoraient leurs défunts de la même façon, à savoir par le repas funéraire qui fait partie de leurs codes culturels ; cependant, la part du mort n’est jamais illustrée chez les premiers, ce qui nous semble témoigner d’une mutation des pratiques funéraires en relation avec la foi chrétienne : d’une part le repas des funérailles n’est plus partagé avec le défunt, et d’autre part, on n’honore plus ce dernier en lui offrant de la nourriture.
240Le fait que les outils du rite n’aient jamais été placés systématiquement dans les sépultures complique grandement la lecture des modalités d’abandon du dépôt de vaisselle dans les tombes à la fin de l’Antiquité, et anéantit tout espoir d’identifier les tombes des individus ayant renoncé aux croyances et aux rites traditionnels. Avec ses 7 % de sépultures dotées de vaisselle, le site de la Labre arrive parmi les derniers du secteur géographique, par exemple après les Girardes à Lapalud (63 %), Grangeneuve à Allan (23 %), le site des Boulevards à Valence (21 %), le Patis à Montboucher-sur-Jabron (17 %). Ce faible taux pourrait être expliqué par la variabilité des pratiques, mais on ne peut réfuter qu’une part non négligeable des inhumations ait été pratiquée dans la seconde moitié du Ve siècle, ce qu’autorisent au moins trois radiodatations. Toutefois, les quatre autres squelettes datés par le radiocarbone offrent une plage de probabilités antérieure au milieu du Ve siècle. La première proposition apparaît donc plus vraisemblable.
241L’intérêt du site de la Labre, pour les questions qui nous occupent, est de comporter un four à pain et un lambeau de sol, forcément en relation avec les sépultures puisqu’aucun site d’habitat n’est attesté dans l’emprise de la fouille ni à proximité directe (Rapport Cordier, Brochier 2005). Certes, le four à pain n’est pas daté, et le fait qu’il se situe à proximité du sol, qui conserve de la céramique tardo-antique, ne suffit pas à envisager qu’il ait fonctionné lors des inhumations tardives, plutôt qu’au IIe siècle au moment des dépôts de crémation.
242Les fragments de céramique recueillis sur le sol appartiennent à des vases qui n’ont jamais été enfouis et témoignent en cela de rites de surface. Cette céramique est celle qui a été employée par les vivants, puisqu’il s’agit de vases de cuisson. En effet, cette catégorie de céramique n’est jamais ou très exceptionnellement déposée sur les bûchers du Haut-Empire ni dans les sépultures du Haut et du Bas-Empire, mais se retrouve sous la forme de multiples fragments rejetés sur le bûcher ou enfouis dans des fosses « dépotoirs » (Blaizot 2009 : 333‑334). En revanche, on ne peut pas préciser si ces récipients se rapportent à la cérémonie des funérailles ou à celle des commémorations, puisqu’elles se trouvent en dehors des fosses sépulcrales. Ce « détail » fait toute la différence… Si la présence de fragments de récipients dans la fosse sépulcrale désigne le repas des funérailles dans le cadre du rite traditionnel, leur absence, conjuguée aux éléments recueillis sur ce sol, est compatible avec toutes les hypothèses (variabilité ou mutation, funérailles ou commémoration).
8.2. Le site de Morterol : l’emplacement d’un mausolée ? (J.‑Cl. Béal, Chr. Landry, A. Schmitt)
243Passant de 86 m d’altitude devant la mairie de Châteauneuf-du-Rhône à 60 m près du Rhône, la route qui, au pied du massif calcaire de la Montagne, relie le bourg au pont sur le fleuve et, au-delà, à Viviers, est assise tantôt sur les derniers affleurements de la roche, tantôt sur l’ultime lambeau occidental de la terrasse géologique (Fy). Au nord de la route, une forte dénivellation permet de rejoindre les basses terres inondables (fig. 1).
244Plusieurs sources ou résurgences jaillissent au contact des deux aires, prolongeant ici un phénomène déjà noté à Combeaumont ou à l’ouest de la mairie (chemin de la Fontaine Vieille). Pour sa part, la résurgence de Morterol (parcelles AB 86 et 340‑341) jaillit (fig. 625), à une température constante de 15 degrés, dit-on, au pied de la Montagne et à son articulation avec la zone des basses terres, à la limite de la zone inondable, pour alimenter une rivière qui, s’élargissant rapidement à 6 m (prof. : env. 0,70 m), rejoignait à 150 m de là un bras du Rhône aujourd’hui disparu.
Fig. 625 – Bassin de la résurgence de Morterol (cliché : J.‑Cl. Béal).

245On arrive alors au quartier de Port-Vieux (« de Parvieux » dit le cadastre napoléonien de 1811), un peu au sud de notre site, là où se trouvait, jusqu’à la fin du XIXe siècle, « un port dont il reste quelques traces […] et le souvenir des relais d’attelages pour tracter les barges » (Jeantet 2001b : 43). Venant de Lyon et de Condrieu (Rhône), les « descizeurs », qui conduisaient les embarcations à la descente, s’arrêtaient au port de Chateauneuf15.
246Depuis le XVIIe siècle, la résurgence a été aménagée à des fins industrielles (moulin, bassins à rouir le chanvre, tannerie, usine électrique) tandis qu’une tour de puisage y était construite pour arroser des jardins.
8.2.1. Les vestiges antiques de Morterol
247Dès 1817, Delacroix (1817 : 322) signalait « près du village [de Châteauneuf-du-Rhône], du côté du Rhône […] la fontaine de Morterol, où sont de beaux vestiges d’un bain dont on attribue dans le pays la construction à un proconsul romain ». Le caractère antique des vestiges est affirmé à nouveau par la suite (Delacroix 1835 : 463), et Lacroix (1868 : 179) estime que « les bains de la fontaine de Morterol […] ont dû être remplacés au moyen-âge par un moulin à farine ». En 1843, l’enquête archéologique diligentée par l’évêque de Valence (Chatrousse [Mgr] 1843) décrit une « fontaine bornée au midi par un mur tout bâti en petites pierres de taille et partagé par d’autres petits murs qui s’avancent dans l’eau » et qui sont en fait des pilastres rythmant la façade.
248La fontaine de Morterol, et surtout le mur qui la surplombe, sont représentés vers 1859 sur une lithographie de J.‑J.-B. Laurens, intégrée aux illustrations de la seconde excursion de son Album du Chemin de Fer de Lyon à la Méditerranée.
249Au XXe siècle, la Carte archéologique de la Drôme, dans sa version ancienne (Sautel 1957 : 38, n° 60) ne connaît pas ce site, et dans sa version récente (Planchon, Bois, Conjard-Réthoré 2010 : 215), renvoie à la bibliographie du XIXe siècle. L’hypothèse a été avancée récemment que la muraille a été « édifiée probablement à l’époque médiévale », pour « sécuriser la circulation des piétons sur le chemin qui serpente dans la combe, depuis la colline de Montpensier jusqu’au port » (Féchet, Orsola 2012 : 30). Cette hypothèse est sans fondement.
250En avril 2017, nous avons pu profiter des travaux de nettoyage entrepris par le propriétaire pour faire des observations, un relevé au laser-scanner et un relevé photogrammétrique avec les moyens techniques de l’UMR 5138 et un positionnement par V. Vachon16.
8.2.2. Description des vestiges
251Le seul vestige antique reconnu est un grand mur, long de 37 m environ (fig. 626), épais, à la base de son élévation, de 1,10 m, et de 0,95 m au sommet conservé. Il soutient en arrière de lui, au sud, une terrasse artificielle, vers 70 m d’altitude, en pente montant légèrement vers le sud où elle rejoint, à une trentaine de mètres, l’affleurement rocheux du pied de la Montagne.
Fig. 626 – Localisation et relevé du mur de soutènement de Morterol (topographie : V. Vachon ; relevé : V. Vachon et A. Schmitt).

252Le mur est fait de moellons réguliers (L. : 12‑15 cm, parfois jusqu’à 20 cm ; H. : 9‑10 cm) en calcaire urgonien local (voir ci-dessus, 4.7.1.2). Des joints tirés au fer ont été observés dans toutes les travées et sur les pilastres.
253La base du mur est par endroits, principalement dans les travées 1, 2 et 3, déchaussée, laissant voir la maçonnerie de fondation, vers 64 m d’altitude. À la base de la travée 4, le mur est, pour partie, fondé sur le rocher et, pour partie, dans le limon argileux qui en comble les dépressions : le déchaussement de la fondation fait alors apparaître une lacune, comme à la base de la travée 10 (fig. 627), où une grande cavité à plafond plat apparaît aujourd’hui au-dessus du sol actuel. D’autre part, un lambeau rocheux s’élève dans les travées 5 à 7, séparant visuellement le mur en deux parties.
Fig. 627 – Travées n° 7 à 11 du mur de soutènement de Morterol (cliché : A. Schmitt).

254Au sommet de la fondation court un premier ressaut, à 65,05 m. Un ressaut d’élévation court à 65,65 m entre les travées 1 et 4, un peu plus haut (65,87 m) entre les travées 9 et 11 ; la dégradation des parements ne permet pas d’observations ailleurs.
255Le mur est divisé sur sa face septentrionale en onze travées numérotées de 1 à 11 d’ouest en est (fig. 628), que séparent autant de pilastres identifiés de A à K d’ouest en est. Quand elle a pu être mesurée, l’épaisseur des pilastres varie entre 0,40/0,46 m (A, B, C, D, E, K) et 0,68 m (pilastre G). Leur largeur varie entre 0,54/0,57 m (pilastre A, B, C, D, E, K) et 0,60/0,68 m (pilastres F, G, H, I, J). La largeur des travées varie de 2,84/2,88 m (travées 2 à 6 à l’ouest) et 2,57/2,65 m (travées 8 à 11 à l’est).
Fig. 628 – Travées n° 1 à 6 du mur de soutènement de Morterol (cliché : A. Schmitt).

256À l’extrémité orientale du mur, le pilastre K forme un retour vers le sud, conservé sur 0,40 m. À l’ouest, la tour de puisage recouvre le mur dont l’extrémité et le retour éventuel ne sont pas connus.
257Dans la travée 1, un contrefort s’élève jusqu’au niveau du ressaut de fondation à 65,05 m. Tous les pilastres, ainsi que le contrefort, sont liés au mur dont ils sont par conséquent contemporains.
258De nombreux trous de boulin ont été identifiés ; ils sont généralement situés de part et d’autre des pilastres. À l’est du lambeau rocheux, on en repère une première ligne à 66,50 m d’altitude environ, une seconde à 67,13 m, une troisième à 67,80 m. Une ligne intermédiaire apparaît dans les travées 9 et 10. À l’ouest du lambeau rocheux, le dispositif d’échafaudage est apparu plus difficile à lire. D’autres ouvertures sont des trous d’écoulement (par ex. au sommet de la fondation dans les travées 1 et 10) habillés de tegulae.
259Une fine corniche, faite de deux plaquettes de calcaire oolithique court à l’est, entre les travées 11 et 4 et sur les pilastres qui les délimitent. La dégradation des vestiges ne permet pas de savoir si, comme il est vraisemblable, le pilastre K et son retour portaient la corniche. Vers l’ouest, elle s’arrête après avoir ceinturé le pilastre C : les travées 1, 2 et 3 en sont dépourvues.
8.2.3. Chronologie
260Le mode de construction (emploi de moellons réglés d’origine locale et jointoyés au fer) est sans rapport avec ce qu’on observe sur des édifices plus récents de Châteauneuf-du-Rhône, au château des Montpensier (XIIIe siècle) qui domine le bourg de Châteauneuf, où les constructeurs ont recouru à des moellons irréguliers, à l’Hôtel d’Arlempdes (XVIe siècle) dans le bourg, dont la façade est faite de gros moellons équarris en molasse.
261En revanche, le même appareil de pierre a été mis en évidence sur le site de la villa du Palais, par exemple dans le parement des piédroits du mur 544 de l’état Ia (fig. 50). Ce mode de construction disparaît dans les états les plus récents de la villa.
262On peut donc, sous réserve de données nouvelles issues d’un sondage archéologique, proposer de dater l’édifice de l’époque romaine et peut-être plutôt du Haut-Empire. L’orientation du mur est sans rapport avec celle du cadastre B d’Orange dont cependant l’un des fragments conservés concerne la centurie DD XXXI - VK V (plaque IV, F ; Piganiol 1962 : 253‑254, n° 219, fig. 28) dont la limite orientale passe à 300 m à l’ouest du site.
263À l’occasion de nettoyages sur le site, le propriétaire a recueilli, hors stratigraphie, une tegula, deux monnaies des Antonins ; des fragments de céramique datable entre le VIIe et le XIVe siècle (rens. d’A. Horry) proviendraient de la lacune située à la base de la travée 10. Le parement du mur présente, dans les travées, des dégradations, que le propriétaire attribue pour partie (travées 3 et 4 notamment) à l’effet d’un obus de la Seconde Guerre mondiale tombé à proximité (sur les avions abattus et l’activité militaire dans ce quartier en 1944 : Jeantet 2001a).
8.2.4. Fonction de la terrasse artificielle de Morterol
264C’est donc à un mur de soutènement dominant une résurgence qu’on a affaire à Morterol. Il est divisé en travées qui, par leur format comme par la présence de la corniche, suggèrent que la partie la plus à l’ouest (travées 1, 2, 3) avait un statut différent des travées 4 à 11. Plusieurs hypothèses peuvent être faites.
265La proximité d’un bras du Rhône permettrait de conduire au fleuve des marchandises stockées dans un entrepôt placé hors d’inondation sur la terrasse artificielle. Cela supposerait qu’on puisse passer aisément du niveau de la terrasse à celui de la rivière. La localisation du Port-Vieux de Châteauneuf-du-Rhône témoignerait de l’adaptation du lieu à cette fonction.
266Cependant, on privilégiera d’autres hypothèses, plus en accord avec le caractère monumental de la construction.
267L’hypothèse d’un lieu de culte domanial n’est pas inenvisageable. Elle s’accorderait avec le statut différent de la partie la plus à l’ouest et avec la présence de la résurgence. Mais on peut envisager enfin que, sur cette avancée extrême de la terrasse géologique qui domine le Rhône, se soit dressé un monument funéraire. En tout cas, on connaît plusieurs exemples de monuments dominant un fleuve navigable. C’est le cas au moins, pour le seul Rhône, au nord du site, du mausolée de la Sarrasinière à Andance (Ardèche ; autres exemples dans Béal, Charpentier 2006 : 352 et note 53), et en amont de Lyon, de celui de Géligneux (Ain ; Buisson 1991) ou, au sud, d’autres édifices dans la région de Beaucaire (Christol, Fiches 1999 : 147 ; à nuancer par Leveau 2000). Dans tous les cas, l’érection de l’édifice sur une terrasse haute augmentait la visibilité du monumentum. Elle lui donnait aussi une fonction supplémentaire de point de repère dans la navigation, particulièrement bienvenu ici, à l’entrée de la passe difficile du défilé de Donzère : on pense au système de terrasses qui cernent la Pile funéraire de Cinq-Mars (Marot 2008).
268Dans une maison dans le bourg, au 2, rue du Portail, on nous a signalé un fragment sculpté antique (0,42 x 0,25 m), en calcaire, montrant un crâne humain posé au sol, et sur lequel était posée une patte griffue (fig. 629) : le fragment appartient à une représentation de sphinx ou de sphinge funéraire (voir par exemple Gaggadis-Robin, Mignon, Zugmeyer 2009 ; Gaggadis-Robin 2004).
Fig. 629 – Fragment sculpté d’un sphinx funéraire au bourg de Châteauneuf-du-Rhône (cliché : J.‑Cl. Béal).

269Cette maison, comme le site de Morterol, ont appartenu, pendant la majeure partie du XIXe siècle, à la famille Arsac, propriétaire, un temps, du moulin de Morterol et dont un membre a pu trouver la sculpture dans sa propriété et la rapporter au bourg : l’indice est intéressant, mais non décisif.
270En tout cas, à Morterol, la résurgence pourrait, lacus au pied de la terrasse, avoir contribué à l’aménagement d’un jardin funéraire, comme on en connaît aussi bien en Gaule romaine (mention d’un lacus dans le Testament du Lingon : CIL, XIII, 5708 ; Le Bohec 1991) qu’en Italie (par ex. mention de piscinae dans un cépotaphe de Rignani : CIL, XI, 3895). L’hypothèse s’accorderait enfin avec le statut différent de la partie la plus à l’ouest, où un édifice funéraire pourrait s’être trouvé.
271Du fait de l’importance de l’édifice et de sa position géographique, on voit mal à quel site rattacher ce monument si ce n’est à celui de la villa du Palais, un peu plus proche (1 600 m environ) que la villa de Tourvieille (voir ci-dessus, 1.2.4.1, « La villa de Tourvieille à Malataverne »), seule autre villa de taille moyenne ou grande dans ce secteur, à 1 900 m environ de Morterol.
8.3. La stèle funéraire de Suadullia Iuliane (†B. Rémy)
272Deux inscriptions sur pierre proviennent du site du Palais. La première, très fragmentaire, a été trouvée en fouille. C’est une inscription honorifique sur plaque de marbre (voir ci-dessus, 4.8.4.3).
273La seconde est l’inscription funéraire de Suadullia Iuliane. Elle paraît avoir été réemployée postérieurement à l’Antiquité, dans des constructions ou des sépultures médiévales. Son lieu de découverte initial, proche, n’est donc pas connu, mais il est vraisemblable de la rattacher soit à l’ensemble funéraire de la Labre, soit à un lieu funéraire voisin17. Elle a été signalée, en 1833, à Châteauneuf-du-Rhône, « au quartier du Palais, dans un jardin d’une ferme [i.e. la maison Ginot] » (Delacroix 1835 : 462‑463). Elle est aujourd’hui conservée à Montélimar, dans la collection Vallentin du Cheylard.
274C’est un autel en calcaire, dont la base et le couronnement ont été arasés ; les côtés gauche et droit pourraient avoir été retravaillés en vue d’un remploi. Sur le côté gauche figure la représentation d’une ascia et sur le côté droit, celle d’un niveau et d’un fil à plomb.
275Dimensions : H. : 90 cm ; l. : 39 cm ; ép. : 23 cm.
276Texte de huit lignes. Pas de point de séparation.
277Bibliogr. : CIL, XII 1741, Sautel 1957 : 38, n° 60 (sans le texte latin) ; Boisse 1968 : 184 ; Blanc 1982 : 125, n° 101 ; Desaye 1992 : 36, 38 et suiv. (sans le texte latin, avec photo) ; Planchon, Bois, Conjard-Réthoré 2010 : 215‑216, n° 85, avec photo.
D uacat M | |
C SEVERI | |
VS IVLIA | |
4 | NVS SVA |
DVLLIAE I | |
VLIANEN | |
I MATRI PI | |
8 | [.]NTISSIM |
278La mise en page semble correcte et la coupe des lignes est à peu près syllabique. Profondément gravées, les lettres sont d’assez belle facture, mais les barres horizontales des L sont très courtes. Ligne 2 : les trois premières lettres sont quasiment effacées ; ligne 8 : un trou moderne a fait disparaître la première lettre.
D(is) M(anibus). | |
C(aius) Severi- | |
us Iulia- | |
4 | nus Sua- |
dulliae I- | |
ulianen- | |
i, matri pi- | |
8 | [e]ntissim(ae). |
279Traduction : « Aux dieux Mânes. Caius Severius Iulianus (a fait ce monument) pour Suadullia Iuliane, sa mère très attentionnée ».
280Comme l’atteste leur dénomination (duo nomina pour la défunte ; tria nomina pour l’auteur de l’épitaphe), cette épitaphe concerne des citoyens romains. C’est le fils, Caius Severius Iulianus, qui s’est chargé de l’épitaphe de sa mère, Suadullia Iuliane. Le mari et père n’apparaît pas, car il était peut-être mort ; toutefois la prudence s’impose, car nous ignorons à peu près tout des coutumes des Anciens en matière de rédaction des épitaphes. Ainsi, à Grenoble, a vécu, à la fin du Ier siècle et au début du IIe siècle, une famille sans doute forte d’au moins cinq personnes. À son décès, la mère, Uritea Tita, a été enterrée par son mari, Publius Cassius Hermetio (ILN Vienne 2004‑2005 : 422), un sévir augustal. Veuf, ce dernier a fait graver de son vivant sa propre épitaphe (ILN Vienne 2004‑2005 : 375). Le couple avait eu (au moins) une fille, Cassia Paulinula, qui n’apparaît pas dans ces deux textes. À sa mort, à dix-sept ans, son père s’est chargé de son épitaphe (ILN Vienne 2004‑2005 : 395). Sa mère n’est pas mentionnée. Enfin, un petit garçon, Quintus Iuventius Victor, décédé à deux ans, était le fils d’un père homonyme et d’une Paulinula (ILN Vienne 2004‑2005 : 409). Comme le surnom de sa mère n’est attesté en Narbonnaise que pour la seule Cassia Paulinula, il est au moins plausible d’identifier les deux femmes. En ce cas, il faut noter que la fille ne figure pas dans l’épitaphe de sa mère et que l’époux de Cassia Paulinula n’apparaît pas dans celle de sa femme. Faut-il envisager que tous ces monuments étaient regroupés dans un même enclos funéraire, ce qui évitait d’entrer dans les détails ?
281Sans doute désireux de se mettre en avant, le dédicant, Caius Severius Iulianus, vient en premier lieu dans l’épitaphe de sa mère. Cette pratique n’est pas très courante, mais elle est connue chez les Voconces. Severius, son gentilice latin patronymique formé sur le surnom Severus, est assez courant en Narbonnaise (quinze occurrences connues dans Lörincz 2002 : 76). Iulianus, son surnom latin (Kajanto 1965 : 148), est commun dans la Province. Au vu de la quasi-confusion paléographique des I et des L par le lapicide, la lecture du gentilice indigène (Delamarre 2007 : 172) de la défunte pose un problème : Suaduilia ou Suadullia ? Suaduilia semble être un hapax dans le monde romain comme gentilice, ce qui est envisageable, tant les lacunes de notre documentation sur les anthroponymes gallo-romains sont importantes. On pourrait aussi penser à une erreur du lapicide ou de l’ordinator qui aurait gravé un I incongru, puisque Suadulius/a est connu à Saint-Privat (CIL, XII, 2984). Cependant, il est sans doute préférable de lire Suadulliae avec deux L, puisque ce gentilice est assez bien attesté dans le monde romain (en Narbonnaise, à Nîmes : AE 1981 : 622 ; en Germanie supérieure, à Saint-Pierre [Flotté, Fuchs 2001 : 545] et à Saverne [CIL, XIII, 11658]). Cette femme avait le même surnom que son fils, mais hellénisé et décliné à la grecque avec le datif Iulianeni qui se retrouve à cinq autres reprises dans le monde romain (CIL, XI, 2543, à Chiusi, en Étrurie ; CIL, XIII, 2159, à Lyon ; CIL, XIV, 1784, à Ostie…). Ce nom pourrait d’ailleurs être grec, car son association avec un gentilice indigène laisse penser que la défunte était une affranchie (Béraud, Mathieu, Rémy 2017), puisque bon nombre de maîtres ou de propriétaires donnaient aux esclaves un nom grec, par snobisme culturel et que ces noms étaient rarement donnés aux ingénus, sauf s’ils étaient d’origine hellénophone.
282Sur ses faces latérales, l’autel est décoré de trois symboles funéraires : l’ascia, un niveau et un fil à plomb. Malgré de nombreuses recherches, la signification de l’ascia reste encore inexpliquée. Peut-être, pourrait-on envisager qu’elle soit seulement un symbole de consécration religieuse de la tombe, une promesse d’immortalité. En tout cas, de la formule d’un sarcophage de Vienne (ILN Vienne 2004‑2005 : 202) : hoc sax(um) sub ascia ded(icatum) est (cette pierre a été dédiée sous l’ascia), il semble possible de considérer que ce n’est pas l’épitaphe qui est dédiée sous l’ascia, mais le monument funéraire lui-même. Il devient une res sacra : l’ascia ne protège pas seulement la tombe des dangers matériels qu’elle peut courir ; elle veille aussi sur le repos éternel du défunt et n’a absolument rien à voir avec le christianisme. Le niveau et le fil à plomb symbolisent l’égalité des hommes devant la mort.
283L’invocation, en abrégé, aux dieux Mânes et la représentation de l’ascia permettent de dater cette épitaphe de la seconde moitié du IIe siècle ou du début du IIIe siècle : elle est donc à peu près contemporaine de la résidence de l’état II.
284Suadullia Iuliane est un des rares affranchis dont la présence et la sépulture soient attestées dans le monde rural de la moyenne vallée du Rhône : la plupart des autres sont connus dans les villes et les bourgs. On rappellera cependant qu’à sept kilomètres à l’est du Palais, c’est un esclave, intendant du domaine d’Anarias, qui fait au IIe siècle, à Allan, une dédicace aux Mères Victorieuses (AE 1907 : n° 257, a, f, g ; Rouzeau, Bois 2016 : 98‑109). Dans la cité voisine des Voconces, deux cas drômois à peu près contemporains de celui du Palais ont été retenus (Béraud, Mathieu, Rémy 2017 : paragr. 29‑32) : le cippe de l’esclave Corydon proviendrait d’une nécropole domaniale inconnue par ailleurs, tandis qu’à Pontaix, une affranchie et son propre affranchi devenu sevir devraient être rattachés à la grande villa de la Condamine (Bois, Planchon, Rhétoré 2010 : 494‑496).
Notes de bas de page
1 Il est signalé par erreur dans Planchon, Bois, Conjard-Réthoré 2010 : 218, sous le nom de « La Prade ».
2 L’ensemble des données typologiques et la qualité des informations disponibles sont donnnés dans le tableau synthétique (fig. 624).
3 Vérifié sur le coffrage SP 62, le contenu de SP 77 n’ayant pas été fouillé.
4 Nous précisons, dans la liste qui suit, ce qui est en bois ou composite ; le reste est en tegulae.
5 Ces types sont également attestés au Grand Palais où s’ajoute un nouveau type, figurant une boucle plus haute que large exécutée d’un seul doigt.
6 SP 60 : âge dentaire entre 1,75 et 3,83 ans ; SP 65 : âge dentaire : 3,25 à 3,92 ans ; SP 93 : âge dentaire : 0,75 à 2,17 ans.
7 L’ensemble funéraire du Verdier, à Lunel-Viel (Hérault ; fin IIIe-début VIIe siècle), compte un squelette placé sur le dos dont les genoux sont fléchis vers la droite du corps (Raynaud 2010 : 287, fig. 48).
8 Seul le critère de la stature n’a pu être pris en compte pour le squelette de la tombe (SP 83).
9 Une population à schéma de mortalité archaïque, dite préjennérienne, dont l’espérance de vie à la naissance est comprise entre 20 et 40 ans.
10 On pense principalement aux (rares) cercueils cloués avérés qui ne dépassent guère la fin du IVe siècle et aux constructions utilisant des clous et les bâtières de bois qui sont généralement antérieures à 500 dans le Sud (mémoire d’habilitation Blaizot 2018).
11 Il s’agit des contenants monoxyles, certes présents au IVe siècle surtout dans le Sud, mais qui se développent surtout à partir du Ve siècle, et des contenants non cloués à section quadrangulaire, présents anciennement, mais sans interruption jusqu’à la fin du haut Moyen Âge (mémoire d’habilitation Blaizot 2018).
12 RM : rapport de masculinité, soit l’effectif des hommes sur celui des femmes dans une population donnée ; il est de 1 dans une population naturelle.
13 Population vivante : (N/D) x e°(0).
14 Voir les travaux de Chr. Bonnet et d’A. Wittmann.
15 Enquête dialectologique de J.-Cl. Bouvier (1974) auprès de Louis Brugier, le 28 août 1968. Selon L. Brugier, une écurie de 50 à 60 chevaux de halage se trouvait dans la plaine de la Barcasse (Bouvier 1974 : 115, note 8). L’activité du port de Châteauneuf a été ruinée par le développement de la batellerie à vapeur (Bouvier 1974 : 109, note 2).
16 Participaient à cette opération J.-Cl. Béal, V. Blanc-Bijon, E. Dumas, Chr. Landry, M. Drot, V. Niochet, A. Schmitt et A. Tourasse.
17 Le problème de localisation se pose aussi pour le dépôt d’incinération signalé par Fr. Artaud (voir 2.1.2.1).
Auteurs
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