1Afin de mieux comprendre les relations sociétés-milieux dans la longue durée, le sol, le sous-sol et le paysage sont devenus, ces dernières décennies, des objets d’étude de l’archéologie, au même titre que les vestiges. Parmi les approches transdisciplinaires pouvant être mises en œuvre, deux grandes catégories complémentaires car interférentes peuvent être distinguées : les approches concernant l’évolution de l’environnement physique et abiotique (géomorphologie, sédimentologie, pédologie, géophysique, micromorphologie, géochimie…) et celles concernant l’évolution de l’environnement biologique (anthracologie, carpologie, malacologie, palynologie, entomologie, parasitologie…).

2L’approche géomorphologique développée dans ce chapitre, qui traite des évolutions physiques et sédimentaires des paysages, sous forçages climatique et/ou anthropique, a pour but de souligner les rétroactions sociétés-milieux répétitives à une échelle microrégionale. La mise en évidence de ces phénomènes amène à comprendre d’une part les évolutions de la surface terrestre dans la longue durée, d’autre part les conséquences de cette évolution sur les fréquentations ou l’occupation par les sociétés, et enfin l’impact de ces dernières sur l’évolution physique des paysages et des milieux.

3À Châteauneuf-du-Rhône, aux environs de la villa du Palais, les opérations archéologiques réalisées ces trente dernières années (1985 à 2017) ont permis d’acquérir de nombreuses données concernant le sous-sol, dont les strates sont les pages, souvent palimpsestes, d’un livre d’histoire couvrant une période allant du Pléistocène supérieur à nos jours. Cette histoire reflète de manière singulière les rétroactions sociétés-milieux à l’échelle microrégionale depuis la préhistoire et la protohistoire jusqu’à la période actuelle, dans un cadre chronologique cependant plus ou moins bien contraint.

4Dans la première partie de ce chapitre sera exposé brièvement le contexte physiographique et géologique du secteur étudié, à l’échelle du bassin de Montélimar, puis de manière plus localisée aux environs de Châteauneuf-du-Rhône. Seront ensuite présentées les méthodes de traitement des données récolées sur les vingt et une opérations archéologiques réalisées dans un rayon d’un kilomètre autour de la villa du Palais. Suivra une description résumée des données acquises sur chacune de ces opérations, sous la forme de notice. Enfin, les données mobilisées seront confrontées afin de proposer un état des lieux synthétique de l’évolution géomorphologique depuis le Pléistocène supérieur jusqu’à la période actuelle, à une échelle microrégionale, en insistant plus particulièrement sur les moments d’occupation de la villa du Palais et des sites environnants.

3.1. Le contexte physiographique et géologique

3.1.1. La plaine de Montélimar

5Dans sa moyenne vallée, le Rhône traverse une succession de défilés séparés par des bassins plus ou moins larges, tel celui de Montélimar, dont le caractère déprimé résulte en partie de la tectonique fini-miocène (Mandier 1988). Ce bassin, long de 17 km pour une largeur de 5 km, est délimité par deux étroitures de la vallée rhodanienne, celle de Cruas et de la Coucourde au nord et celle du défilé de Donzère au sud.

6Le bassin de Montélimar sépare le Massif central, à l’ouest, des reliefs calcaires préalpins, à l’est ; ces terrains constituent respectivement les flancs de la vallée. Le Rhône s’écoule actuellement à l’ouest, contre le rebord oriental du Massif central (Ardèche). À l’est, au-delà du lit majeur holocène constituant le fond de vallée et jusqu’aux premiers reliefs préalpins, l’espace est principalement occupé par les terrasses alluviales pléistocènes du Rhône, mais aussi par les terrasses polygéniques à caractère torrentiel constituées conjointement par le Rhône et le Roubion, affluent de rive gauche débouchant dans la vallée rhodanienne au niveau de Montélimar.

7Au sud-est de la plaine de Montélimar, aux environs de la villa du Palais, les terrasses alluviales pléistocènes sont bien conservées (fig. 32). Elles sont associées aux stades glaciaires du Donau, du Günz, du Mindel, du Riss et du Würm ancien, et sont étagées plus ou moins haut selon leur âge : de 150 m NGF pour la plus ancienne à 70 m NGF pour la terrasse alluviale du Würm ancien, qui possède un recouvrement holocène discontinu (Mandier 1988 ; fig. 32, n° 8 et 11 et fig. 33).

Fig. 32 – Extrait de la carte géologique au 1/50 000^e vectorisée et de sa notice dans le secteur de Châteauneuf-du-Rhône (fonds de carte : BRGM, Scan 25® - IGN ; réseau hydrographique : BD Topo® - IGN ; DAO : E. Morin).

Fig. 33 – Modèle numérique d’altitude et réseau hydrographique dans le secteur de Châteauneuf-du-Rhône (fond de carte : RGE Alti®, Scan 25® - IGN ; réseau hydrographique : BD Topo® - IGN ; DAO : E. Morin).

8Cette dernière, nommée terrasse de Saint-James, de la Roberte ou encore de Gournier, est la plus étendue. Elle domine la bande active holocène (fig. 32, n° 12) de 10 à 15 m (Lorenchet de Montjamont et al. 1979). Elle est à rapporter, dans sa plus grande superficie, au stade isotopique 4 de l’oxygène, c’est-à-dire environ entre 71000 et 57000 avant le présent (Mandier 1988 ; Brochier 1997 ; Rapport Brochier 2005 ; Lisiecki et Raymo 2005). D’une épaisseur de 7 à 15 m, elle est constituée de graviers et de galets polygéniques d’origine alpine, et porte un sol d’altération interstadiaire développé durant le Würm moyen (stade isotopique 3, de 55000 à 27000 avant le présent). Ce sol, de type fersiallitique avec un horizon Bt rubéfié, argilisé et décarbonaté, est épais de 0,50 à 0,60 m lorsqu’il est bien conservé (Lorenchet de Montjamont et al. 1979 ; Mandier 1988 ; Brochier 1997 ; 2005 ; 2014). La surface de cette terrasse, qui possède une topographie ondulée héritée des paléochenaux würmiens, a connu des évolutions morpho-sédimentaires complexes au cours du Würm récent et de l’Holocène. Dans le secteur de Montélimar en particulier, l’érosion des hauts-fonds et la sédimentation colluviale associée dans les dépressions ont permis de conserver des sols archéologiques dans ces dernières. Ainsi plusieurs sites néolithiques et protohistoriques fouillés à ce jour sont implantés sur la terrasse alluviale du Würm ancien et sont regroupés sous le nom d’ensemble de « site du Gournier » (Beeching et al. 2010 ; Brochier 2014). Au cours du Würm récent (stade isotopique 2), l’alluvionnement grossier du Rhône s’est poursuivi jusqu’après 22000-20000 av. J.-C ; le fleuve a ensuite connu un important creusement antérieur à 17000-14000 av. J.‑C. d’après les corrélations régionales avec les données obtenues à Péage-de-Roussillon et à Saint-Nazaire-en-Royans (Mandier 1988).

9En contrebas de la terrasse du Würm ancien, dans le fond de vallée, le Rhône a divagué dans son lit majeur au cours de l’Holocène (stade isotopique 1, depuis 9 700 ans cal. BC), se métamorphosant, en alternance selon les périodes, d’un chenal unique méandriforme à un système fluvial tressé (Bravard et al. 2008). Cette activité a été freinée depuis le XX^e siècle avec l’aménagement du fleuve par la CNR. Dès lors, les modifications morphologiques du lit majeur holocène, mais également du reste de la plaine de Montélimar, ont été essentiellement anthropogènes, malgré la récurrence de crues débordantes jusqu’à récemment, à l’instar de celle de décembre 2003.

3.1.2. Les environs de Châteauneuf-du-Rhône

10Au sud de la plaine de Montélimar, aux environs de Châteauneuf-du-Rhône, la terrasse alluviale du Würm ancien constitue une bande de terrain de 400 m de large reposant sur les calcaires crétacés. Ces derniers sont recouverts par endroits de molasse gréseuse miocène formant de petites collines, comme celle de la Labre, culminant à 106 m NGF (fig. 32 et fig. 33).

11Les collines molassiques sont coiffées de lambeaux de terrasses alluviales ante würmiennes, attribuées au Riss ancien et au Mindel (Mandier 1988 ; fig. 32, n° 6, 7 et fig. 33). Sur leurs versants, à leurs pieds et dans les vallons qui les séparent, un glacis colluvial quaternaire, dont la chronologie est a priori mal déterminée, s’est mis en place (fig. 32, n° 15 et fig. 33).

12Sur le plan hydrographique, l’affluent local de rive gauche du Rhône, la Riaille, conflue avec le fleuve au nord du bourg de Châteauneuf-du-Rhône. Cette rivière intermittente, prenant naissance dans les contreforts calcaires préalpins à l’est de la plaine, draine un bassin de plus de 32 km² majoritairement constitué de formations sédimentaires, dont la molasse miocène et les terrasses alluviales diachroniques quaternaires. Elle possède un caractère torrentiel méditerranéen susceptible d’entraîner de fortes érosions ou accumulations sédimentaires lors des épisodes météorologiques extrêmes.

13Au cours du Würm ancien, la Riaille a constitué un cône détritique peu étendu et emboîté dans la basse terrasse alluviale rhodanienne (fig. 32, n° 9). Durant le Tardiglaciaire et l’Holocène, dans son cours aval, la rivière a incisé cette terrasse et façonné une vallée d’environ 150 m de large, le lit endigué depuis le XX^e siècle ne représentant plus qu’une cinquantaine de mètres (fig. 34). Néanmoins, l’interprétation de clichés aériens permet de mettre en évidence, en rive droite de la rivière, des paléochenaux de débordement de la rivière, de style tressé, au-dessus de la terrasse du Würm ancien (fig. 33). Lors de ces débordements, la Riaille a ainsi pu atteindre localement une cote amont-aval comprise respectivement entre 84 et 78 m NGF, c’est-à-dire localement environ 3 à 5 m au-dessus de son lit actuel. Depuis le XX^e siècle et les travaux d’aménagement de la vallée par la CNR (voir 1.1), la confluence de la Riaille avec le Rhône est artificielle. Alors que la rivière débouchait selon un axe grossièrement est-ouest dans le lit majeur du Rhône, elle forme désormais un coude vers le sud pour confluer avec le fleuve juste en amont du défilé de Donzère (fig. 13). Lors de sa crue d’octobre 1988, durant laquelle les pluies ont apporté localement environ 220 mm d’eau en cinq heures (PPRN-I 2017 : 41), la Riaille déborda sur la terrasse en rive droite et en amont de la RD 73, inondant des habitations.

Fig. 34 – Transects topographiques et lithologie de surface dans le secteur de la villa du Palais (fond de carte : RGE Alti®, Scan 25® - IGN ; réseau hydrographique : BD Topo® - IGN ; DAO : E. Morin).

14Un des affluents actuels de rive gauche de la Riaille, le Meyseras, prend naissance dans les reliefs calcaires du sud de la plaine de Montélimar (fig. 32 et fig. 33). Ce cours d’eau intermittent et torrentiel, qui possède un bassin-versant de plus de 2 km², draine, avec ses affluents, les vallons ensellés par les collines molassiques selon une direction sud-nord. À son débouché dans le vallon situé au pied du versant méridional de la colline de la Labre, le Meyseras forme un coude à 90° vers l’ouest puis s’écoule selon cette orientation. Plus en aval, il entaille selon un vallon marqué le talus séparant la terrasse würmienne du lit majeur holocène rhodanien (fig. 32 à 34). Son cours aval est endigué, canalisé et partiellement enterré jusqu’à sa confluence artificielle avec la Riaille à l’ouest du château de Combeaumont. Durant la crue de 1988, le Meyseras a aussi connu des débordements. En particulier dans sa partie aval, l’accumulation d’eau dans une cuvette topographique en rive gauche causa la rupture d’un muret en pierre à l’est du château de Combeaumont ; la vague qui en résulta inonda tout le secteur.

15Dans ce cadre, la villa du Palais semble située à un emplacement privilégié. Elle est établie sur la terrasse alluviale du Würm ancien, à une cote d’environ 75 m NGF. Elle domine, en position de promontoire, la confluence de la vallée de la Riaille avec le lit majeur holocène du Rhône, qu’elle surplombe aujourd’hui respectivement d’environ 4 et 5 m (fig. 34, n° 4).

3.2. Le traitement des données géomorphologiques : aspects méthodologiques

16Afin de préciser l’évolution géomorphologique de ce secteur sud du bassin de Montélimar au Pléistocène récent (Würm) et à l’Holocène, il a paru nécessaire de récoler les observations sédimentaires réalisées ces trente dernières années sur les opérations d’archéologie préventive et programmée, dans un rayon d’un kilomètre autour de la villa du Palais. Sur l’ensemble des 21 opérations recensées, 19 possèdent des données sédimentaires exploitables dans le cadre d’une synthèse, tandis que deux opérations réalisées en 2006 n’ont pas donné d’informations : un diagnostic conduit au Palais par A.‑Cl. Remy (fig. 35, n^o 16 ; Rapport Remy 2006) et une fouille menée par Chr. Ronco à la Maladrerie (« Les Jardins de Phébus ») [fig. 35, n^o 17 ; Rapport Ronco et al. 2008], opération au cours de laquelle une étude anthracologique a été menée par M. Cabanis.

Fig. 35 – Localisation des opérations archéologiques réalisées aux environs de la villa du Palais (fond de carte : photographies aériennes 2000‑2005® - IGN ; DAO : E. Morin).

17La qualité de l’information stratigraphique et sédimentaire est hétérogène selon les opérations considérées. Elles ont en effet été réalisées à différentes périodes, ce qui implique des problématiques et acquis scientifiques, une formation des équipes, des contraintes, des techniques et des moyens différents, en reflet de l’évolution des archéosciences ces dernières décennies. La qualité, la présentation et l’interprétation des informations sédimentaires et stratigraphiques varient de manière importante d’une opération à l’autre. En particulier, au sein du corpus étudié, seul un tiers des opérations recensées (huit opérations) a fait l’objet d’une expertise de terrain par un géomorphologue, suivie généralement d’une contribution spécifique au rapport.

18Ainsi, les données récolées ne peuvent pas être traitées de manière uniforme, ce qui constitue une limite évidente à un exercice de synthèse. Dès lors, l’apport fondamental des travaux des contributions géomorphologiques, lorsqu’elles ont pu être effectuées, doit être souligné.

3.3. Présentation du corpus : les données géomorphologiques par site

19Les données géomorphologiques acquises sur les opérations archéologiques dans le secteur de la villa du Palais sont présentées ci-après sous forme de notices synthétiques par site.

3.3.1. Le diagnostic et la fouille préventive « ZM 217 » (fig. 35, n° 1)

20Le diagnostic (Rapport Bois 1987) et la fouille préventive qui suivit (Rapport Carlier 1987) sont implantés, d’après la carte géologique, sur la terrasse du Würm ancien, laquelle peut posséder à cet emplacement un recouvrement limoneux et/ou colluvial (fig. 32, n° 8, 10, 15). Ces deux opérations ont fait l’objet d’observations sédimentaires de la part des fouilleurs, sans intervention d’un géoarchéologue. Leur exploitation est limitée par l’absence d’altitudes NGF.

21Dans les sondages, au-dessus de la terrasse alluviale constituée d’un sable argilo-graveleux (sol fersiallitique probable), un niveau constitué de « galets de calade » a été mis au jour (fig. 36). Ce niveau est scellé par une succession de deux couches grisâtres « cendreuses » d’une épaisseur cumulée d’une trentaine de centimètres (fig. 36, C1, C2). Ces couches sont en grande partie anthropogènes et renferment des graviers, tuiles à rebords, tessons de céramique, verre et os ; elles pourraient correspondre à des remblais, ou encore des couches domestiques ou culturales très amendées.

Fig. 36 – Coupe stratigraphique réalisée au sud de l’emprise de la fouille « ZM 217 » (d’après Carlier 1987).

3.3.2. Le diagnostic « CD 88 » (fig. 35, n° 2)

22Les données concernant cette opération sont issues des notes de terrain prises en 1988 par P. Sarrazin, responsable de l’opération. Les sondages, documentés d’un point de vue sédimentaire sans intervention d’un géoarchéologue, sont essentiellement implantés, d’après la carte géologique, sur le recouvrement limoneux de la terrasse alluviale du Würm ancien et directement sur cette dernière (fig. 32, n° 8, 10). Deux sondages sont également situés respectivement d’une part en bordure de la vallée de la Riaille et, d’autre part, dans le thalweg aval du Meyseras (fig. 32, n° 12). Ce dernier sondage n’est pas présenté ici puisqu’il est situé sur l’emprise du diagnostic « Chemin du Stade-RD 73 » qui a fait l’objet d’une étude géomorphologique plus détaillée (voir 3.3.15).

23Dans les sondages, la terrasse alluviale du Würm ancien, décrite comme étant de faciès graveleux incluant des lentilles sableuses, ne semble pas posséder de recouvrement sédimentaire puisqu’elle affleure directement sous l’horizon de terre arable. Cela indique dans les sondages concernés une relative stabilité morphologique dans la longue durée. En revanche, dans le sondage situé en bordure de la vallée de la Riaille, la terrasse alluviale du Würm ancien possède un recouvrement d’environ 0,70 m de sédiment argilo-graveleux jaunâtre. Ces sédiments, probablement alluviaux et déposés par la Riaille, semblent présenter un faciès assez similaire à celui des couches alluviales encaissantes des fosses de plantation antiques mises au jour sur l’opération « Le Grand Palais, les résidences du Ponant ».

3.3.3. Le diagnostic « ZM 225‑226 » et la fouille préventive « le Palais » (fig. 35, n° 3, 4)

24Le diagnostic « ZM 225‑226 » (Rapport Ronco 1989) et la fouille préventive « le Palais » qui, sous la même direction de Chr. Ronco, fit suite sur une surface plus restreinte (Rapport Ronco 1992), sont essentiellement localisés, d’après la carte géologique, sur la terrasse alluviale du Würm ancien, et en moindre partie sur son recouvrement limoneux (fig. 32, n° 8, 10). Menées avec la contribution géoarchéologique de J.‑Fr. Berger, ces opérations, pour lesquelles les indications d’altitude NGF sont manquantes, ont permis de mettre en évidence, au-dessus de la terrasse alluviale dénuée de sol fersiallitique, un recouvrement limoneux rubéfié spatialement discontinu (fig. 37, respectivement n° 9 et 8). Au-dessus de ces dépôts s’établit, sur environ 0,70 m d’épaisseur, une succession de couches alluviales manifestement issues de la Riaille. À la base de la séquence alluviale, la première couche, de faciès limoneux ocre jaune, renferme en partie supérieure du mobilier gallo-romain fragmenté et roulé (fig. 37, n° 6 et 7). Elle est recouverte par une seconde couche alluviale limoneuse brunâtre, contenant de nombreux éléments de démolition, mise en place vers la fin du XI^e siècle : cette dernière couche a été déposée lors d’une crue de la Riaille responsable de la destruction du cimetière médiéval (fig. 37, n° 5). Au-dessus, les 0,40 m supérieurs de la stratigraphie sont constitués de couches alluviales, moins riches en mobilier et remaniées à leur sommet par les labours (fig. 37, n° 1 et 2). L’influence de cet alluvionnement « récent » est notamment plus marquée vers le nord, en se rapprochant du cours de la Riaille.

Fig. 37 – Coupe stratigraphique réalisée sur la fouille préventive « le Palais » en 1992 (modifiée d’après Ronco 1992).

3.3.4. Le premier diagnostic « RD 73 » (fig. 35, n° 5)

25Ces deux sondages, réalisés en 1993 sous la conduite de C. Jung et d’A. Allimand au niveau de la résidence, sont situés, d’après la carte géologique, sur le recouvrement limoneux de la terrasse alluviale du Würm ancien ou directement sur cette dernière (fig. 32, n° 8, 10). Les observations ont été menées sans intervention d’un géoarchéologue et les indications d’altitude NGF ne sont pas exploitables. À la base des sondages, le sol fersiallitique de la terrasse alluviale a été mis au jour (Rapport Jung, Allimand 1993). Il est recouvert par deux couches alluviales d’inondation de faciès limoneux, sur lesquelles reposent les niveaux d’occupation, de remblais et de démolition associés à l’habitat antique. Les vestiges sont scellés par une dernière couche alluviale limoneuse brunâtre, dans laquelle s’est développée une pédogenèse.

3.3.5. Le second diagnostic « RD 73 » (fig. 35, n^o 6)

26D’après la carte géologique, cette opération a été réalisée sur le recouvrement limoneux de la terrasse du Würm ancien (fig. 32, n° 10). Seuls les sondages n° 1 et n° 2, sous la conduite de Fr. Thiercelin, J.‑Cl. Mège et C. Jung, sont inclus dans la zone d’étude et présentés ci-après. Les indications d’altitude NGF font défaut.

27Au cours de l’opération, la terrasse alluviale du Würm ancien a été mise au jour à la base des sondages, sous 1,90 à 1,10 m de recouvrement, ce dernier étant décroissant vers le nord (Rapport Thiercelin, Jung, Mege 1994). La terrasse ne paraît pas localement supporter de sol fersiallitique, indiquant une troncature de ce dernier à une période indéterminée antérieure ou contemporaine de la Protohistoire. La terrasse est recouverte par une couche alluviale sablo-limono-argileuse grisâtre, d’environ 0,40 m, renfermant des petits fragments de charbon de bois et un fragment de bronze. Cette dernière couche, manifestement mise en place au moins dès la Protohistoire, est scellée par des sables alluviaux fluviatiles déposés sur 0,55 à 0,80 m d’épaisseur (fig. 38). Ces sables sont dénués de pédogenèse à leur sommet.

Fig. 38 – Logs stratigraphiques des sondages n° 1 et n° 2 réalisés à l’occasion du diagnostic « RD 73 » (modifié d’après rapport Thiercelin, Jung, Meige 1994).

3.3.6. Les sondages programmés des « Zones N1 et N2 » (fig. 35, n^o 7)

28Ces sondages programmés ont été réalisés par J.‑Cl. Béal, avec la contribution géoarchéologique de J.‑Fr. Berger, dans le lit majeur holocène du Rhône, à l’aval du débouché de la Riaille (fig. 32, n° 12). Au sein des séquences alluviales reconnues dans les sondages (Rapport Béal 1996), le niveau attribué à la période gallo-romaine a souvent été repéré entre 0,60 et 1,50 m de profondeur, soit 5 à 7 m en contrebas de la terrasse du Würm ancien où la résidence est implantée. Son faciès limono-argileux brunâtre et les inclusions de fragments de terre cuite architecturale qu’il renferme suggèrent qu’il correspond à un niveau de mise en culture amendé, il correspond ainsi à un paléosol pédologique anthropisé (fig. 39). Il est scellé par des dépôts alluviaux détritiques historiques (alluvions sableuses et sablo-graveleuses) mis en place par des écoulements plus ou moins compétents. L’influence de la Riaille dans ce secteur est manifeste, comme l’indique la présence à différents niveaux dans les séquences sédimentaires d’éléments calcaires et de plaquettes gréseuses en surreprésentation par rapport à un cortège pétrographique strictement rhodanien. Dans divers sondages, le niveau gallo-romain est également recoupé et tronqué par l’incision d’un ou plusieurs anciens chenaux post-antiques, dont le comblement peut renfermer des fragments de tuiles roulés jusqu’à plus de 2 m de profondeur.

Fig. 39 – Niveau antique (paléosol pédologique anthropisé, à la base de la coupe) scellé par des alluvions historiques dans le sondage n° 15 de la « Zone N2 » (d’après Béal 1996).

3.3.7. Les sondages programmés de la « Zone du stade » et du « Parc de Combeaumont » (fig. 35, n° 8, 9)

29Ces sondages programmés ont été implantés par J.‑Cl. Béal dans le lit majeur holocène du Rhône, à l’aval du débouché du Meyseras (fig. 32, n° 12). Les séquences alluviales mises au jour dans les sondages (Rapport Béal 1996) sont constituées d’une alternance de couches et de surfaces d’érosion issues de débordements plus ou moins compétents, sous l’influence conjointe du Meyseras, de la Riaille et du Rhône. Dans certains sondages, un niveau incluant des fragments de tuiles a été observé entre environ 1 et 1,50 m de profondeur. Il correspond probablement au niveau attribué à la période gallo-romaine observé lors de l’opération des « Zones N1 et N2 ». Tout comme sur cette dernière opération, ce niveau est absent dans d’autres sondages, ce qui indique manifestement une troncature postérieure par des paléochenaux. Dans la longue durée, sur la période historique au moins, la balance de la sédimentation versus l’érosion reste néanmoins, localement, nettement positive.

3.3.8. La fouille programmée « le Palais » (fig. 35, n^o 10)

30La résidence du Palais, objet de la fouille programmée de J.‑Cl. Béal, est située, d’après la carte géologique, sur la terrasse alluviale du Würm ancien et son recouvrement limoneux (fig. 32, n° 8, 10). La stratigraphie reconnue dans ces sondages, sans intervention d’un géoarchéologue, est essentiellement archéologique. Néanmoins, le sol fersiallitique de la terrasse alluviale a été observé à la base de la stratigraphie de la salle basilicale (Rapport Béal 1996). Sur cette terrasse et sous les dépôts anthropiques avérés, il est délicat de déterminer si le limon rougeâtre observé, qui renferme des fragments de tuiles, procède d’un dépôt naturel anthropisé ou d’un premier niveau anthropique. Il est également difficile d’estimer quel fut l’impact de l’aménagement du terrain en vue des constructions gallo-romaines (décaissement-remblaiement-nivellement).

3.3.9. Vallée de la Riaille (fig. 35, n^o 11)

31Une coupe nord-sud a été réalisée par J.‑Fr. Berger au Palais dans le fond de vallée de la Riaille, en rive gauche et à proximité du pont de la RD 73 ; sa localisation précise fait défaut, tout comme les indications d’altitude NGF. Elle a cependant permis d’observer une séquence alluviale reposant sur le substrat calcaire miocène (fig. 32, n° 12 ; Thèse Berger 1996). Cette séquence est composée comme suit, de la base vers le sommet :

• des dépôts sablo-graveleux renfermant de la céramique du Bronze final et du premier âge du Fer (fig. 40, n^o 1) ; ils se sont ainsi mis en place dans un fond de chenal actif au moins dès le premier âge du Fer ;
• une succession de couches sablo-limoneuses et limono-sableuses renfermant des fragments de tegulae, de mortier et de céramique mise en place entre la fin du I^er siècle et le III^e siècle (fig. 40, n^o 2 à 6) ; ces dépôts indiquent un colmatage sédimentaire de la vallée et un exhaussement du plancher alluvial ;
• une succession de couches sableuses à sablo-graveleuses renfermant de la céramique altomédiévale, mise en place dès la période mérovingienne (VI^e-VIII^e siècles ; fig. 40, n^o 7 à 10) ;
• une succession de couches et de phases érosives modérées postérieures à la période mérovingienne, non décrites.

Fig. 40 – Séquence alluviale de la Riaille, au pied des moyennes et hautes terrasses quaternaires du Rhône, description des couches d’époque romaine et du haut Moyen Âge (modifié d’après Berger 1996).

3.3.10. Le diagnostic « le Grand Palais » (fig. 35, n° 12)

32D’après la carte géologique, l’emprise de cette opération menée sans intervention d’un géoarchéologue est essentiellement implantée sur la terrasse alluviale du Würm ancien, sauf l’extrémité occidentale située dans le lit majeur holocène de la Riaille (fig. 32, n° 8, 12).

33À la base des sondages, un front d’altération gleyifié de la terrasse a été mis en évidence (Bleu 2005). Il résulte de l’évolution d’un sol fersiallitique dans un contexte hydromorphe de haut niveau de la nappe phréatique, entraînant une perte de la coloration rubéfiée initiale, à l’instar de ce qui a été mis en évidence sur le site « Le Grand Palais, les résidences du Ponant » (cf. 3.3.13). Au-dessus de cette formation se sont mis en place des dépôts de débordement alluviaux de la Riaille, de faciès limono-sableux à limono-argileux, renfermant de la malacofaune en quantité variable. Cet alluvionnement a débuté avant la période gallo-romaine. En particulier le niveau gallo-romain, caractéristique par les inclusions qu’il renferme (fragments de tegulae notamment), a été mis en culture sous forme de vergers. Il est recouvert par 0,80 à 1 m environ d’alluvions fluviatiles postérieures déposées par la Riaille.

3.3.11. Le diagnostic et la fouille de « la Labre » (fig. 35, n^o 13, 15)

34Le diagnostic conduit par Fr. Cordier et J.L. Brochier (2005a) et la fouille préventive d’E. Ferber qui suivit avec la contribution géoarchéologique d’O. Franc (Rapport Ferber et al. 2006 ; des incompatibilités d’altitude NGF ont été relevées), sont situés sur le versant méridional de la colline de la Labre. D’après la carte géologique, le diagnostic, d’une surface plus étendue que la fouille, a été réalisé à cheval sur un éperon de molasse, un lambeau de terrasse alluviale du Riss et le glacis colluvial de bas de versant (fig. 32, n° 3, 7, 14, 15).

35En partie haute du site, les sondages ont rencontré une molasse gréseuse sub-affleurante, altérée à son sommet sous un faciès de terra rossa. Plus bas sur le versant, quatre grands ensembles sédimentaires ont été mis en évidence, présentés ci-dessous chronologiquement :

• des dépôts de sables et limons éoliens (2 à 3 m d’épaisseur) ; l’entrecoupement de la séquence éolienne par des phases de ruissellement suggère une mise en place à une période récente du Würm (fig. 41, n° 6 à 9, 12, 13) ;
• des limons argileux éoliens gleyifiés en contexte hydromorphe, car piégés au sein d’une dépression sur le versant (Würm récent ; fig. 41, n° 18, 20 à 22, 24 à 26) ;
• un lambeau de paléosol brunifié constitué au sommet des dépôts éoliens durant l’Holocène inférieur (fig. 41, n° 5) ;
• des colluvions alimentées par la troncature du paléosol brunifié (fig. 41, n° 15, 19, 23) ; elles renferment des tessons néolithiques et protohistoriques, indiquant un démantèlement par l’érosion d’occupations diachroniques situées plus haut sur le versant et développées sur le paléosol ; cette érosion a débuté avant le Bronze final et s’est poursuivie au cours de la période historique ; l’impact érosif par le travail mécanique des horizons arables au cours de la période historique semble avoir accentué sensiblement l’intensité des processus d’érosion et de sédimentation associée ; l’horizon de labour subactuel peut être enrichi en galets de quartzite, ce qui indique pour la période récente un démantèlement plus marqué de la terrasse alluviale du Riss située en surplomb (fig. 41, n° 1).

Fig. 41 – Transect lithostratigraphique réalisé dans la moitié occidentale de l’emprise du diagnostic « la Labre » (modifié d’après Rapport Cordier, Brochier 2005a).

3.3.12. Le diagnostic « la Maladrerie » (fig. 35, n^o 14)

36Ce diagnostic de Fr. Cordier et J.L. Brochier (Rapport Cordier, Brochier 2005b) est situé au pied du versant occidental de la colline de la Labre. D’après la carte géologique, la terrasse alluviale du Würm ancien est recouverte sur cette parcelle par un glacis colluvial (fig. 32, n^o 15). Le diagnostic a permis de mettre en évidence douze phases de sédimentation. Seules trois à quatre de ces phases sont holocènes (stade isotopique 1 de l’oxygène), les autres étant à rattacher au Würm ancien et récent (respectivement stades isotopiques 4 et 2). La sédimentation würmienne présente les caractéristiques suivantes :

• à la base de la stratigraphie, la terrasse alluviale du Würm ancien dénuée de sol fersiallitique (fig. 42, n° 1) ;
• des dépôts éoliens lœssiques affectés par une gleyification (Würm récent ; fig. 42, n° 2) ;
• des dépôts soliflués alimentés par les lœss (Würm récent ; fig. 42, n° 3) ;
• des dépôts éoliens lœssiques francs (Würm récent ; fig. 42, n° 4) ;
• des alluvions graveleuses issues du versant de la Labre (fig. 42, n° 5) ;
• une pédogenèse brunifiante au sommet des alluvions graveleuses (Bölling/Allerød ? ; fig. 42, n° 6) ;
• des colluvions issues du remaniement et de la troncature du sol brunifié (Würm final ; fig. 42, n° 7) ;
• l’apport alluvial d’une nappe de galets de quartzite (Würm final ; fig. 42, n° 8).

37Au-dessus, la stratigraphie holocène s’établit comme suit :

• des dépôts alluviaux d’âge indéterminé (apport local probable ; fig. 42, n° 9) ;
• des colluvions limono-argileuses brunâtres et sombres, issues de l’érosion de paléosols brunifiés constitués durant l’Holocène inférieur sur le versant de la Labre (fig. 42, n° 10) ; la présence éparse de silex taillés néolithiques, d’un tesson de céramique néolithique ou protohistorique et de petits fragments de terre cuite architecturale dans ces colluvions indique que l’érosion des paléosols de l’Holocène inférieur fut accompagnée par le démantèlement de niveaux d’occupation ; ces processus ont été initiés au moins dès la fin du second âge du Fer ou le début de la période antique ;
• des colluvions antiques à post-antiques sablo-limoneuses brun jaunâtre, mises en culture dès cette dernière période (fig. 42, n° 11) ;
• des alluvions de versant sablo-argileuses jaune grisâtre, mises en culture et amendées à la période antique tardive ou médiévale (fig. 42, n° 12) ; la teinte jaunâtre de plus en plus prononcée des sédiments indique le parachèvement de l’érosion des sols de l’Holocène inférieur et la dénudation plus prononcée de leurs substrats, dont la molasse miocène.

Fig. 42 – Transects lithostratigraphiques réalisés à l’extrémité occidentale (A) et dans la moitié méridionale (B) de l’emprise du diagnostic « la Maladrerie » (modifié d’après Rapport Cordier, Brochier 2005b).

3.3.13. La fouille « le Grand Palais, les résidences du Ponant » (fig. 35, n° 18)

38La parcelle est implantée, d’après la carte géologique, à cheval sur la terrasse alluviale du Würm ancien et son glacis colluvial issu du versant occidental de la Labre (fig. 32, n° 8, 15). L’étude géomorphologique réalisée par J.L. Brochier lors de cette opération a permis de préciser l’évolution morpho-sédimentaire de la parcelle du Pléistocène supérieur jusqu’à la période historique contemporaine à récente (Brochier in Rapport Landry 2012). Les données paléo-environnementales ont été complétées par les études de S. Martin (malacologie) et M. Cabanis (carpologie et anthracologie).

39Pour le Pléistocène supérieur, les éléments suivants ont été mis en évidence :

• des graviers et sables non altérés de la terrasse alluviale du Würm ancien à la base de la séquence sédimentaire, incluant des passées limoneuses ou sableuses (fig. 43, US 1104, US log 16, US 1104S) ;
• une gleyfication du sol d’altération de la terrasse alluviale du Würm ancien ; ce processus résulte de l’évolution d’un sol fersiallitique, en contexte hydromorphe sous l’influence d’un haut niveau moyen de la nappe phréatique, entraînant une perte de la coloration rubéfiée initiale (fig. 43, US 5a/5b) ;
• des structures de cryoturbation, acquises durant le Würm récent (stade isotopique 2), au sein du sol d’altération gleyfié (fig. 43, US 5a/5b) ;
• des dépôts alluviaux de versant, issus de la colline de la Labre, riches en sable et éléments gélifractés molassiques (fig. 43, US U) ; ces alluvions ont pu se déposer aux environs du dernier maximum glaciaire ;
• des dépôts sablo-limoneux de caractère éolien, déjà identifiés plus au nord sur la terrasse alluviale würmienne (fig. 43, US T), attribuables également aux environs du dernier maximum glaciaire (Rapports Brochier 1997 ; 2005 ; 2007).

40À l’instar du Pléistocène supérieur, la période holocène est constituée par des séquences sédimentaires polyphasées dont l’enregistrement varie spatialement :

• une troncature des sols de l’Holocène inférieur à moyen s’est effectuée potentiellement dès le Néolithique et jusqu’au Moyen Âge ; le développement de ces sols évolués est attesté résiduellement par des illuviations brun ocre acquises per descensum dans les dépôts du Würm récent (US S), mais aussi par le dépôt de pédosédiments colluviaux néo-protohistoriques issus du versant de la colline de la Labre (fig. 43, US R) ;
• après cette phase de troncature, la mise en place des premiers dépôts alluviaux limono-argileux post-glaciaires par la Riaille sur l’ensemble du site, durant le second âge du Fer (fig. 43, US 4) ; ces dépôts renferment localement une véritable thanatocénose de mollusques gastéropodes ayant fait l’objet d’une étude malacologique ; la teinte grise à verdâtre de ces dépôts, acquise quasi contemporainement et/ou postérieurement à leur mise en place, témoigne d’un mauvais drainage du sous-sol dans le secteur ; dans la partie supérieure de l’US 4 sont inclus en position secondaire des artefacts hérités du démantèlement de sites archéologiques localisés en amont dans le bassin de la Riaille ; parmi ces artefacts ont été caractérisés des silex taillés du Paléolithique supérieur et du Néolithique moyen à final, mais aussi des tessons de céramique de la Protohistoire, notamment du second âge du Fer, ce qui fournit un TPQ ;
• une troncature spatialement localisée de ces derniers dépôts alluviaux par la dynamique fluviatile de la Riaille ;
• la mise en place par la Riaille d’alluvions à composante sableuse plus ou moins marquée, sur tout le site, excepté les points hauts (fig. 43, US Z) ; la présence de la fraction sableuse et sa teinte jaunâtre, indiquent que l’érosion de collines molassiques dénudées alimente en partie ces apports alluviaux ; le caractère hydromorphe de ces dépôts est moins marqué, en lien avec un changement de contexte climatique et/ou à une amélioration du drainage par les riverains ; ces dépôts renferment en position secondaire des tessons de céramique non-tournée protohistorique au sens large, des silex taillés du Néolithique et du Bronze ancien, et des fragments de briques en partie supérieure ; la mise en place de ces dépôts pourrait ainsi être contemporaine de la fin du second âge du Fer et du début de l’occupation gallo-romaine ;
• une troncature spatialement localisée de ces derniers dépôts alluviaux par la dynamique fluviatile de la Riaille ;
• à partir des premières occupations romaines s’observe une bipolarisation de la sédimentation : dans l’angle sud-ouest de la parcelle une sédimentation anthropogène s’est développée, formant un tertre sur près d’un mètre d’épaisseur (ruines de dépôts d’habitat, y compris d’élévations en terre crue) ; dans le reste de la parcelle, un alluvionnement sablo-argileux à argilo-sableux de la Riaille s’est produit au cours de plusieurs inondations, lesquelles sont à situer entre le I^er siècle av. J.‑C. et les IV^e-V^e siècles, voire après ; ces inondations sont ainsi contemporaines de l’occupation ; dès leur mise en place et jusqu’après l’occupation romaine, ces dépôts alluviaux ont été constamment brassés par les activités agraires et amendés (fig. 43, US Y) ;
• une nouvelle phase de dépôts alluviaux à dominante sableuse (V^e-VII^e siècles ?), dans lesquels se développe une pédogenèse brunifiante (VII^e-XII^e siècles ?), traduisant consécutivement une phase d’instabilité morphologique suivie d’une phase de relative stabilité (fig. 43, US X) ;
• à la partie supérieure de la stratigraphie, un scellement du paléosol médiéval par des apports sableux alluviaux fluviatiles (US W) ou issus du versant de la colline de la Labre (fig. 43, US Q), soulignant potentiellement l’impact du Petit Âge glaciaire.

Fig. 43 – Transect lithostratigraphique réalisée à l’est de l’emprise de la fouille « le Grand Palais, les résidences du Ponant » (modifié d’après Brochier J.L. in Rapport Landry 2012).

3.3.14. Les diagnostics « Chemin de Champblanc » et « Maladrerie-chemin de Champblanc » (fig. 35, n° 19, 20)

41Ces deux diagnostics contigus, réalisés consécutivement par Fr. Thiercelin-Ferber en 2013, sans intervention d’un géoarchéologue, sont implantés, d’après la carte géologique, respectivement sur le recouvrement limoneux de la terrasse alluviale du Würm ancien et sur le glacis colluvial recouvrant cette dernière. Ces emprises bordent la rive droite du vallon du Meyseras (fig. 32, n° 10, 15).

42Entre ces deux opérations, les sondages ont permis d’observer des séquences sédimentaires très similaires. La terrasse alluviale rhodanienne du Würm ancien n’a pas été rencontrée à la base des sondages, lesquels ont traversé dans leur partie inférieure des alluvions graveleuses de faciès local (nombreux éléments calcaires et gréseux), très probablement mises en place par le ruisseau du Meyseras (fig. 44, US 2.6). Ces alluvions sont recouvertes par 0,5 à 1 m de pédosédiments (fig. 44, US 2.2 sous-solée à 2.4) renfermant sporadiquement des fragments de tuiles, de mortier, de céramique (Rapport Thiercelin-Ferber 2013a ; 2013b). Ce recouvrement, antique à post-antique, présente un faciès colluvial assez similaire à celui mis en évidence en bas de pente sur le site de « la Labre » (cf. ci-dessus, 3.3.11). Le travail mécanique du sol à la période historique a pu favoriser l’étalement de matériaux sédimentaires sur des pentes faibles.

Fig. 44 – Log stratigraphique représentatif des séquences sédimentaires mises au jour sur le diagnostic « Maladrerie-chemin de Champblanc » (modifié d’après Rapport Thiercelin-Ferber 2013a).

3.3.15. Le diagnostic « Chemin du stade-RD 73 » (fig. 35, n° 21)

43Cette opération de diagnostic, menée en 2016 par A. Rébiscoul et E. Morin, est essentiellement située, d’après la carte géologique, dans le vallon incisé par le Meyseras au niveau du ressaut séparant la terrasse alluviale du Würm ancien du lit majeur holocène du Rhône. L’emprise s’étend également au nord, sur une moindre superficie, sur le recouvrement limoneux de la terrasse alluviale (fig. 32, n° 10, 12).

44Dans la partie nord de l’opération, le sol fersiallitique de la terrasse alluviale a été rencontré peu profondément dans tous les sondages (Rapport Rébiscoul, Morin 2016). Sa surface, initialement légèrement bosselée, a manifestement été nivelée par les travaux aratoires du sol au moins depuis une période médiévale indéterminée : il en a résulté une troncature de ce sol dans les parties hautes, où la terrasse est sub-affleurante et où le déport de matériaux limono-sablo-graveleux a acquis une teinte brunâtre dans les modestes dépressions, sur une cinquante de centimètres au maximum.

45Dans le vallon du Meyseras, il a été mis en évidence chronologiquement :

• une incision du vallon après le stade isotopique 3 et avant le Néolithique, qu’indique l’absence de sol fersiallitique (en orange sur la fig. 45) en fond de vallon ; seuls les dépôts rhodaniens würmiens non altérés ont ainsi été rencontrés à la base des sondages ; cette incision est probablement consécutive à l’important creusement reconnu en moyenne vallée du Rhône après 22000-20000 av. J.‑C. et avant 17000-14000 av. J.‑C. ;
• le développement d’un paléosol brunifié en fond de vallon durant l’Holocène inférieur ;
• une érosion de ce paléosol avant ou dès la période gallo-romaine ; le paléosol n’a ainsi été identifié qu’en position secondaire dans le comblement d’une structure arasée du Néolithique (fig. 45, F1) ;
• de puissants dépôts (plus de 2 m) d’alluvions sableuses à limono-sableuses, détritiques, plus ou moins enrichies en graviers calcaires et gréseux, de teinte jaunâtre dominante (en jaune sur la fig. 45) ; ces alluvions ont été mises en place par le Meyseras au moins dès la période antique d’après les fragments de tegulae qu’elles renferment dans toute leur épaisseur ; elles recouvrent directement les vestiges néolithiques ; elles sont parfois mélangées à des tessons très altérés de céramique non tournée néolithique ou protohistorique à la partie inférieure de la séquence, au contact de la terrasse alluviale ; la mise en place de ces alluvions traduit un fort accroissement de l’érosion dans le bassin-versant du Meyseras à partir de la période gallo-romaine, accompagnée d’une dénudation des horizons pédologiques jusqu’aux horizons géologiques ; ceci est bien indiqué par la teneur importante en limons et en sables issus de la molasse miocène ou des dépôts éoliens quaternaires ;
• dans le fond de vallon, la mise au jour de quelques vestiges du V^e siècle suggère une phase de relative stabilité morphologique à cette époque ;
• après le V^e siècle jusqu’à la période subactuelle, un mètre de sédiments a été déposé, ce qui a en grande partie parachevé le remblaiement du vallon et participé à son relatif nivellement dans la topographie (en jaune sur la fig. 45) ;
• en bordure du vallon, des colluvions alimentées par le déport aratoire des horizons de surface de la terrasse alluviale (en brun sur la fig. 45), après le V^e siècle, lors d’une phase indéterminée du Moyen Âge ;
• une phase de ravinement, puis de colmatage du vallon, à la période moderne et à la période contemporaine, en lien potentiel avec les impacts climato-anthropiques du Petit Âge glaciaire.

Fig. 45 – Transects lithostratigraphiques réalisés à l’est (A) et au sud (B) de l’emprise du diagnostic « Chemin du stade RD73 » (modifié d’après Rapport Rébiscoul, Morin 2016).

3.4. Évolution géomorphologique depuis le Pléistocène supérieur à l’échelle microrégionale : synthèse

46Dans l’espace investigué, les enregistrements sédimentaires décrits précédemment varient notablement d’une parcelle à l’autre. Ces variations résultent notamment de forçages naturels (lithologie, relief, climat, hydrographie, couvert végétal…), mais aussi anthropiques (agriculture notamment, mais aussi sédimentation anthropogène et autres impacts). Les données sédimentaires mobilisées, certes fragmentaires, permettent de réaliser un état des lieux synthétique, dans un canevas chronologique plus ou moins précis, de l’évolution géomorphologique depuis le Pléistocène supérieur jusqu’à nos jours (fig. 46).

Fig. 46 – Schéma chronostratigraphique synthétique de l’évolution géomorphologique aux environs de la villa du Palais.

3.4.1. L’évolution de la fin du Pléistocène supérieur

47Les diagnostics et fouilles menés sur le versant et au pied de la colline de la Labre (« la Labre », « la Maladrerie », « le Grand Palais, les résidences du Ponant ») ont mis en évidence des dépôts polyphasés de limon lœssique et de sable d’origine éolienne, jusqu’alors non reconnus dans le secteur. Si les plus anciens de ces dépôts peuvent potentiellement être attribués au stade isotopique 3, leur grande majorité semble s’être mise en place durant la période froide et sèche qui a constitué la majeure partie du stade isotopique 2. Cette chronologie relative apparaît en adéquation avec les quelques datations obtenues en Provence et en Ardèche, où la sédimentation éolienne a pu se développer de manière conséquente dès 41000 avant l’actuel (seconde moitié du stade isotopique 3) et jusqu’à la fin du Pléistocène (stade isotopique 2 ; Bosq et al. 2018). Dans la moyenne vallée du Rhône plus spécifiquement, sur le plateau de Lautagne à Valence, ces apports éoliens, alimentés par les alluvions du fleuve, se sont effectués entre 25000 et 14000 av. J.‑C. (Bosq et al. 2018), c’est-à-dire au cours du stade isotopique 2, dans un environnement alternant entre steppe et toundra. À Châteauneuf-du-Rhône, à 3 km au nord-est de la Labre, un site du Paléolithique supérieur (Magdalénien moyen ou supérieur, voire Epigravettien)1 a été découvert lors de défonçages agricoles dans des dépôts lœssiques en place au lieu-dit « Le Conquet », sur la terrasse rissienne Fxa. Ces différentes données tendent à corroborer un âge voisin, c’est-à-dire très probablement du stade isotopique 2, pour les formations éoliennes rencontrées sur la colline de la Labre, et plus généralement aux environs de Châteauneuf-du-Rhône. Selon les sites, ces phases de sédimentation éolienne ont pu être précédées, entrecoupées ou suivies d’épisodes d’alluvionnement (de versant ou de la Riaille à proximité de cette dernière), d’érosion et de solifluxion, soulignant le caractère non univoque de l’évolution morphologique du paysage à cette période (fig. 46).

48Les formations éoliennes reconnues localement sont érodibles et peuvent supporter des sols fertiles. Elles ont ainsi alimenté les sédiments colluviaux (pied du versant de la Labre) et alluviaux (vallée de la Riaille, vallon du Meyseras) constitués localement au cours de l’Holocène, en lien notamment avec les pressions anthropo-climatiques sur l’occupation du sol et l’érosion.

49Sur le diagnostic de « la Maladrerie », au pied du versant de la colline de la Labre, une phase de pédogenèse attribuable aux interstades Bölling-Allerød (Tardiglaciaire, fin du stade isotopique 2 ; fig. 46) a été mise en évidence. Elle traduit une phase locale de relative stabilité morphologique et paysagère, non enregistrée ou non perçue sur les autres opérations. Sur le même site, cette phase de pédogenèse est suivie d’épisodes de colluvionnement puis d’alluvionnement d’une nappe de galets de quartzite antérieurs à l’Holocène. Le manque de point d’amer chronologique permet tout au mieux de suggérer un âge Dryas récent pour ces dépôts.

50Au pied du versant de la Labre et en bordure de la Riaille (opérations « le Grand Palais » et « le Grand Palais, les résidences du Ponant »), le sol d’altération de la terrasse alluviale du Würm ancien a été affecté postérieurement à son développement par des processus hydromorphes en contexte réducteur, à l’instar de certaines formations alluviales très postérieures de l’Holocène supérieur. Cela traduit une à plusieurs périodes d’ennoiement pérennes des terrains, postérieures au Würm moyen, en lien avec un plancher de la Riaille plus élevé, et/ou un écoulement hydrogéologique en provenance de la proche colline de la Labre. Ce milieu à tendance humide n’est reconnu que très localement, car ces phénomènes n’ont pas été mis en évidence plus à l’ouest ou au sud.

3.4.2. L’évolution holocène

3.4.2.1. L’Holocène inférieur

51Dans la grande majorité des sites, la période postglaciaire de l’Holocène inférieur est caractérisée par un hiatus chronologique et sédimentaire. Cette période fut favorable à la pédogenèse brunifiante. Néanmoins, les sols évolués constitués à cette époque ont été généralement tronqués postérieurement par l’érosion. Seul un lambeau de sol brun évolué, développé au sommet des dépôts lœssiques du Würm récent sur le versant de la colline de la Labre, pourrait constituer un reliquat de cette période.

52Le développement de ces sols bruns évolués est cependant attesté de manière indirecte. Sur les opérations situées au pied de la colline, le glacis colluvial a été alimenté par l’érosion de ces sols, lesquels sont ainsi retrouvés en position secondaire. Sur l’opération « Chemin du Stade-RD 73 », dans le vallon du Meyseras, un sol brun est présent en position secondaire dans le comblement d’une structure néolithique, initialement creusée depuis son sommet. Sur l’opération « le Grand Palais, les résidences du Ponant », l’existence de ces sols anciens est également signalée par des illuviations brun ocre acquises per descensum dans les dépôts du Würm récent.

53Le développement de ces sols bruns au cours de l’Holocène inférieur laisse entrevoir localement une phase d’apparente biostasie, mal fixée chronologiquement, antérieure aux premiers impacts anthropiques érosifs (fig. 46). Par comparaison, cette phase de relative stabilité morphologique et paysagère pourrait couvrir les chronozones du Boréal et de l’Atlantique ancien (entre 8500 et 6000 av. J.‑C.), déjà observées dans des secteurs proches de la moyenne vallée du Rhône (Berger et al. 2002 : 234 ; Berger, Brochier à paraître).

3.4.2.2. Néolithique et Protohistoire

54L’érosion des sols de l’Holocène inférieur, et le colluvionnement associé en pied de versant, ont pu débuter avant l’âge du Bronze final, ce qui est attesté sur le site de « la Labre ». Il est cependant probable que ces processus aient été initiés dès le Néolithique, en lien avec les premiers épisodes de défrichement et de modifications anthropiques de l’occupation du sol, comme le suggèrent les observations faites sur le site « le Grand Palais, les résidences du Ponant » (fig. 46). Au pied de la colline de la Labre, ces processus se sont manifestement poursuivis jusqu’à la fin de la Protohistoire et au cours de la période historique, sans qu’une rythmicité de leur intensité puisse être clairement établie. La présence éparse, dans les niveaux colluviaux, de silex taillés néolithiques et de tessons de céramique néolithique ou protohistorique indique un démantèlement par l’érosion, plus ou moins complet, de niveaux d’occupation installés sur ces paléosols, notamment au niveau des versants de la colline de la Labre et aussi dans le vallon du Meyseras.

55Dans le fond de vallée de la Riaille, les plus anciennes alluvions mises au jour au-dessus du substrat molassique miocène sont datées du premier âge du Fer. Elles caractérisent à cette période l’existence d’un chenal actif rapproché du versant sud de la vallée.

56De part et d’autre de la vallée, sur la terrasse alluviale du Würm ancien, les crues débordantes de la rivière ont entraîné des troncatures et des alluvionnements antérieurs à la période antique, comme cela a été montré sur les sites du « Grand Palais » et de la « RD 73 ». Sur le site « le Grand Palais, les résidences du Ponant », les premiers dépôts fluviatiles recouvrant la terrasse alluviale, renfermant localement de véritables thanatocénoses de mollusques gastéropodes, peuvent être attribués au second âge du Fer (fig. 46). La mise en place de ces dépôts traduit l’amorce progressive d’une remontée des planchers fluviaux, processus qui sera plus prononcé par la suite.

57Le contact direct de ces alluvions de l’âge du Fer sur les substrats anciens, respectivement miocène en fond de vallée et pléistocène sur la terrasse, amène à envisager que leur dépôt ait été précédé d’une phase érosive, ou du cumul de plusieurs de ces phases. La péjoration climatique largement reconnue en moyenne vallée du Rhône à la transition entre l’âge du Bronze final et le premier âge du Fer, puis au début de cette dernière période (Berger et al. 2009 : 32), pourrait y avoir participé. Ainsi, les débordements de la Riaille sur la terrasse, entraînant des érosions, plus localisées, et des dépôts, plus extensifs, sont donc observés dans la fenêtre étudiée au moins depuis la fin de la Protohistoire jusqu’à nos jours.

58Dès ou après leur mise en place sur la terrasse alluviale, les alluvions polyphasées du second âge du Fer ont été localement affectées, notamment sur le site « le Grand Palais, les résidences du Ponant », par des processus d’hydromorphie en contexte réducteur. Ces processus caractérisent un mauvais drainage des terrains, en lien avec un haut niveau de la nappe phréatique des alluvions, c’est-à-dire un plancher de la Riaille plus élevé, et/ou un écoulement hydrogéologique en provenance de la proche colline de la Labre. De tels phénomènes post-dépôts avaient déjà été mis en évidence sur le même site dans le sol d’altération de la terrasse alluviale du Würm ancien. Sans doute cette hydromorphie et le caractère humide du secteur à la fin de la Protohistoire masquent-ils cependant des alternances saisonnières d’humectation et de dessiccation (Brochier in Rapport Landry 2012 : 67). Ces observations sédimentaires sont en accord avec les données malacologiques, qui montrent un assemblage d’espèces hygrophiles et xérophiles indiquant une humidité relative et probablement saisonnière (voir 6.1.1).

59En rive gauche de la Riaille, sur le site « le Grand Palais, les résidences du Ponant », la présence de silex taillés du Paléolithique supérieur et du Néolithique moyen à final, mais aussi des tessons de céramique de la Protohistoire a été mise en évidence au sein des alluvions du second âge du Fer. En rive droite de la rivière, sur le diagnostic « RD 73 », un fragment de bronze a été découvert dans la couche recouvrant la terrasse alluviale würmienne. Ces éléments indiquent encore, à l’instar de ce qui est enregistré dans les séquences colluviales, un démantèlement, plus ou moins proche au sein du bassin-versant de la Riaille, de niveaux d’occupation préhistoriques et protohistoriques.

60L’érosion des sols anciens, le colluvionnement qui lui est associé et la mise en place d’une sédimentation alluviale détritique qui caractérise une relative dénudation progressive des horizons pédologiques jusqu’aux roches mères, soulignent un impact anthropique marqué, dès la période néo-protohistorique, au sein des paysages environnants. Sur le site de « la Maladrerie », la dénudation des horizons pédologiques pourrait avoir favorisé la mise en place d’alluvions de versant issues de la molasse de la colline de la Labre (fig. 46). L’érosion des surfaces a vraisemblablement entraîné une perte progressive des capacités agricoles à l’échelle microrégionale, avant même la période antique. Ces impacts paraissent prendre une importance particulière durant le second âge du Fer. Ils sont également indiqués par les données malacologiques obtenues sur l’opération « le Grand Palais, les résidences du Ponant », lesquelles caractérisent à cette période des milieux très ouverts, quasi exclusivement herbacés, avec une vraisemblable exploitation du milieu de type pastoral aux environs (voir 6.1.1).

3.4.2.3. La période gallo-romaine

61À la fin du second âge du Fer et au début de la période antique (I^er siècle av. J.-C.), les transformations du paysage se sont poursuivies de manière marquée. Au niveau de la colline de la Labre, l’érosion et le colluvionnement ont continué, ce qui est visible en pied de versant. À ce dernier emplacement, les dépôts colluviaux ont manifestement été amendés, brassés et cultivés dès cette période, comme le souligne l’incorporation notable de fragments de tegulae et de briques. La composante de plus en plus sableuse des dépôts colluviaux indique encore une dénudation de plus en plus prononcée du substrat molassique au niveau de ce relief.

62Dans le fond de vallée de la Riaille un colmatage sédimentaire et l’exhaussement du plancher alluvial, en lien avec la hausse de la fréquence et de l’intensité des crues débordantes, sont mis en évidence entre la fin du I^er et le III^e siècle (fig. 46). Cette tendance aux dérèglements hydrologiques, généralement observée dans les vallées des affluents préalpins de la moyenne vallée du Rhône dès la fin du second âge du Fer et jusqu’au III^e siècle, ne fut pas favorable à la pédogenèse dans les lits fluviaux (Berger et al. 2009 : 32). À la même période, avant le V^e siècle, le déclenchement de la sédimentation détritique dans le vallon du Meyseras, alimentée par les limons et sables issus de la molasse miocène ou des lœss quaternaires, est également à mettre en lien avec cet exhaussement généralisé des planchers alluviaux.

63Au niveau du site « le Grand Palais, les résidences du Ponant », sur la terrasse alluviale en rive gauche de la Riaille, la récurrence des processus d’érosion/sédimentation liés à l’activité fluviale semble également souligner cet exhaussement généralisé du plancher alluvial. À la suite de l’alluvionnement polyphasé de l’âge du Fer, une phase érosive a été suivie, au cours d’un ou plusieurs événements hydrologiques, par la mise en place de dépôts fluviatiles à composante sableuse plus ou moins prononcée (fig. 46). Cette nouvelle phase d’alluvionnement, assez extensive, semble s’être développée à la fin du second âge du Fer, voire au tout début de l’occupation antique. Ces dépôts, présentant un caractère hydromorphe moins marqué que les précédents, pourraient avoir bénéficié d’un meilleur drainage, notamment grâce au creusement de fossés. Ceci est également souligné par les données malacologiques qui caractérisent des assemblages spécifiques plus xérophiles au sein de ces dépôts (voir 6.1.1).

64Sur ce même site, après une nouvelle phase d’érosion localisée, une bipolarisation de la sédimentation est observée entre le I^er et les IV^e-V^e siècles, voire après. D’une part, la sédimentation anthropogène s’est développée à proximité des pôles d’habitat en extension, formant progressivement un tertre qui a pu atteindre un mètre d’épaisseur ; ce dernier a été alimenté uniquement par les ruines, les élévations en terre crue et les remblais liés aux phases successives de déconstruction/reconstruction. Il a permis de mettre progressivement les occupants à l’écart des inondations. D’autre part, un alluvionnement polyphasé à composante sableuse plus ou moins marquée, issu notamment de la molasse miocène dénudée dans le bassin-versant de la Riaille, s’est effectué en marge des pôles d’habitat. Ceci indique une mise en exploitation des collines molassiques environnantes. Ces dépôts alluviaux, dans lesquels s’ouvrent les fosses de plantation, ont constamment été brassés et localement amendés, voire jardinés, au cours de l’occupation romaine et probablement après.

65Ces éléments montrent clairement une récurrence de crues débordantes contemporaines de l’implantation de l’occupation antique, en lien avec l’exhaussement des planchers alluviaux. En l’occurrence, ces premiers occupants n’ont pas spécifiquement bénéficié d’un contexte stable et en apparence favorable à leurs activités. À l’inverse, ils ont été résilients et adaptatifs face à un environnement en constante évolution, et ont su tirer dans certains cas des bénéfices de ces modifications du paysage.

66Dans la vallée du Rhône, au débouché de la Riaille ou du Meyseras, la sédimentation a été fortement influencée par la dynamique de ces deux cours d’eau. À cet emplacement, le niveau alluvial (paléosol pédologique anthropisé) attribué à la période romaine a été identifié entre 0,60 et 1,50 m de profondeur, soit cinq à sept mètres en contrebas de l’habitat romain situé sur la terrasse (fig. 46). Ce dernier niveau, daté sans plus de précision, a été amendé et brassé pour la mise en culture. L’existence d’un niveau antique cultivé dans le lit majeur du Rhône pourrait paraître a priori surprenant à une période où l’exhaussement des planchers alluviaux est clairement établi sur les cours de la Riaille et du Meyseras. Néanmoins, il n’est pas exclu qu’au sein de la tendance générale perçue sur le temps long, de petites phases pluriannuelles voire pluridécennales de relative stabilité morphologique aient été favorables à l’extension des activités agraires en fond de vallée, ou encore que ce niveau soit tardo-antique. Cette dernière hypothèse est étayée par la mise au jour de quelques vestiges du V^e siècle dans le fond du vallon du Meyseras, à l’occasion de l’opération « Chemin du Stade-RD 73 ». Cette hypothèse est également confortée par la reconnaissance d’une phase de stabilité paysagère et de pédogenèse dans la vallée du Rhône entre les IV^e et V^e siècles (Berger, Brochier 2006 : 195).

67La mise en place de colluvions et d’alluvions enrichies en sable et en limon issues respectivement de la molasse miocène et des dépôts éoliens pléistocènes souligne, dans la continuité de la tendance observée jusqu’alors, une dénudation exacerbée des substrats géologiques, suite à l’érosion des couvertures pédologiques holocènes. Cette dénudation est perçue localement, comme au pied des versants de la colline de la Labre, mais aussi à l’échelle des bassins-versants de la Riaille et du Meyseras.

3.4.2.4. La période médiévale

68Dès la fin de la période antique ou au début de la période médiévale, un regain de la dynamique sédimentaire alluviale est enregistré sur différents sites (fig. 46). Lors de l’opération « le Grand Palais, les résidences du Ponant », la mise en place par la Riaille d’alluvions à dominante sableuse et le développement postérieur d’une pédogenèse brunifiante ont été identifiés. Cette dernière séquence pourrait être corrélée avec la phase de dérèglements hydrologiques reconnue en moyenne vallée du Rhône entre la fin du V^e siècle et le VII^e siècle, puis avec la phase de stabilité paysagère et de pédogenèse qui a suivi entre les VII^e-VIII^e siècles et le XII^e siècle (Berger, Brochier 2006 : 197‑198). Lors du diagnostic « RD 73 », les alluvions affectées par la pédogenèse scellant les vestiges antiques paraissent constituer une séquence similaire. Enfin, dans la vallée de la Riaille, la mise en place d’alluvions à charge grossière plus abondante, déposées dès la période mérovingienne, semble confirmer un regain de l’activité hydro-sédimentaire au début du Moyen Âge.

69Dans le vallon du Meyseras (opération « Chemin du stade-RD 73 »), une reprise de l’alluvionnement détritique est également observée après le V^e siècle. Ces apports, alimentés en grande partie par la molasse miocène et les dépôts éoliens pléistocènes, signalent encore une fois une importante dénudation des substrats géologiques dans le bassin-versant de ce cours d’eau, consécutive à l’érosion des sols depuis plusieurs siècles. En bordure de ce vallon, des apports colluviaux issus des horizons de surface de la terrasse du Würm ancien, caractéristiques du fait de leur aspect rubéfié, sont interstratifiés dans les alluvions post-antiques. La mise en place de ces apports colluviaux latéraux paraît contextuellement avoir largement été favorisée par les travaux et déports aratoires.

70Sur le site de « la Maladrerie », la mise en place d’alluvions de versant, amendées et mises en culture dans l’Antiquité tardive ou durant le haut Moyen Âge, a été reconnue (fig. 46). La nature de ces alluvions, alimentées en grande partie par la molasse miocène et les dépôts éoliens pléistocènes, souligne encore la forte dénudation des substrats géologiques au niveau de la colline de la Labre à cette période. Ceci est également bien indiqué par les données malacologiques obtenues dans un silo médiéval à l’occasion de l’opération « le Grand Palais, les résidences du Ponant », qui évoquent encore l’existence d’un milieu très ouvert et très dégradé, comportant probablement des zones où la roche affleure (voir 9.4.2 et 9.4.3). Dans l’opération limitrophe « ZM 217 », les couches alluviales tardo-antiques à médiévales d’aspect cendreux, amendées et mises en culture, résultent probablement des mêmes processus d’alluvionnement de versant.

71À proximité de la villa du Palais, le diagnostic « ZM 225‑226 » et la fouille préventive « le Palais » qui a suivi ont permis de mettre en évidence un important épisode de crue de la Riaille vers la fin du XI^e siècle, responsable sur ce site de la démolition du cimetière médiéval (fig. 46). Cet épisode, qui constitue le seul enregistrement sédimentaire bien défini concernant le Moyen Âge central, a probablement affecté plus largement le secteur environnant, bien qu’il n’ait pas été clairement identifié sur d’autres opérations. Sa survenue souligne néanmoins l’existence de pulsations dans la dynamique fluviale de la Riaille avant le XII^e siècle, à une période présumée de relative stabilité paysagère et de calme hydrologique.

3.4.2.5. Périodes moderne et contemporaine

72Ces périodes récentes sont relativement peu documentées localement dans les archives sédimentaires. En bordure de la Riaille (opération « le Grand Palais, les résidences du Ponant »), le paléosol alluvial médiéval a été scellé par des apports alluviaux sableux, dont l’origine (fluviatile, de versant) est mal déterminée. Dans le vallon du Meyseras (opération « Chemin du stade-RD 73 »), une phase de ravinement, puis de colmatage sédimentaire, est observée à la même période (fig. 46). Enfin, au pied du versant de la Labre (diagnostic et fouille de « la Labre »), la présence de galets de quartzite dans les horizons sédimentaires superficiels indique un démantèlement plus prononcé de la partie haute de la colline, sur laquelle repose la terrasse alluviale du Riss. En l’état, il est donc délicat de rattacher ces minces observations de terrain à d’éventuels impacts climato-anthropiques du Petit Âge glaciaire.

3.5. Conclusion

73Les données sédimentaires recueillies ces trois dernières décennies à l’occasion des opérations archéologiques réalisées autour de la villa du Palais livrent des informations paléoenvironnementales et chronologiques fragmentaires, certes très variées, néanmoins assez cohérentes entre elles. Ces informations ont permis de dégager les grandes tendances de l’évolution géomorphologique à une échelle microrégionale depuis le Pléistocène supérieur. Il est cependant difficile de restituer, à partir de ces données, une évolution climatique, sinon en s’appuyant sur d’autres informations recueillies régionalement. Les rétroactions sociétés-milieux sont plus perceptibles, car mieux documentées, à l’Holocène moyen et surtout supérieur, dans un canevas chronologique toutefois plus ou moins contraint. Les milieux et paysages environnant Châteauneuf-du-Rhône, qui constituent une mosaïque en perpétuelle évolution, ont en ce sens subi une forte pression anthropique probablement dès le Néolithique et manifestement au cours de la Protohistoire et aux périodes qui ont suivi.

74La fin du Pléistocène supérieur est marquée dans le secteur par le développement d’une sédimentation éolienne lœssique et sableuse sur les versants, parfois puissante. Ces dépôts éoliens ont pu se mettre en place dans leur plus grande partie probablement au cours du Würm récent (stade isotopique 2). La sédimentation éolienne ne marque cependant pas le seul trait d’évolution du paysage à la fin de la dernière période glaciaire à l’échelle locale : les épisodes d’alluvionnement (de versant ou de la Riaille), d’érosion et de solifluxion, de variations hydrogéologiques ou encore de pédogenèse mis en évidence selon les sites soulignent le caractère non-univoque et très variable de l’évolution morphologique de la fin du Pléistocène supérieur, en lien avec les forçages climatiques et internes locaux.

75L’Holocène inférieur peut être caractérisé dans le secteur par une apparente stabilité morphologique, favorable à l’évolution pédologique de sols évolués, au sein d’un paysage fermé et en relative biostasie, du fait d’un faible impact anthropique. Cette vision doit cependant être nuancée, car des phases d’érosion et de régénération des sols, sous contrôle climatique, sont attestées à cette période au niveau régional (Berger, Brochier à paraître). Cette perception d’une apparente stabilité est surtout relative quand on la compare aux périodes ultérieures. Ces dernières sont en effet, d’une part, mieux documentées par les archives sédimentaires (effet de lissage) et aussi, d’autre part, beaucoup plus dynamiques dans le temps, du fait d’événements dus, entre autres, à un impact anthropique croissant dès le Néolithique et fossilisés dans les séquences lithostratigraphiques.

76En l’occurrence, il est à souligner que les données récolées sur les différents sites étudiés s’accordent sur le fait que, du fait des pratiques agriculturales notamment, l’impact anthropique sur les couvertures pédologiques et subséquemment sur les processus hydro-sédimentaires associés (colluvionnement, dynamique fluviatile) a entraîné des érosions marquées, probablement dès le Néolithique, comme observé au niveau régional (Brochier et al. 1991 ; Beeching, Brochier, Argant 2004), et surtout manifestement au cours de la Protohistoire, avec une importance plus particulière au cours du second âge du Fer.

77Cet impact s’est poursuivi de manière marquée au cours de l’Antiquité puis dans les périodes qui ont suivi. L’érosion de plus en plus prononcée des couvertures pédologiques, et l’absence de possibilité de régénération de ces dernières, a entraîné une perte progressive mais irréversible jusqu’à nos jours des capacités agronomiques à l’échelle microrégionale, avant même la période antique ; ce dernier point doit être souligné. Les rétroactions sociétés-milieux sont ici bien mises en évidence.

78À la période romaine, c’est ainsi un terroir en partie dégradé qui a été exploité, si on le compare à celui des périodes plus anciennes. Ce phénomène n’est pas exclusivement local car tout l’espace régional a été également impacté, comme le met en évidence un bilan de l’érosion dans le bassin de la Valdaine, en marge de la plaine de Montélimar, qui souligne une exploitation soutenue des terres de l’âge du Fer (700 av. J.‑C.) jusqu’au haut Moyen Âge (800 ap. J.‑C.), avec un pic lors du Haut-Empire romain (Notebaert, Berger, Brochier 2014).

79Aux environs de la villa du Palais, la période romaine et celles qui ont suivi ont été ainsi caractérisées par une histoire climatique et paléoenvironnementale complexe, où les crues de la Riaille et du Meyseras ont en particulier fortement impacté (positivement ou négativement) les terrains environnant la villa, entraînant des adaptations de la part des sociétés riveraines. Cela a notamment été le cas lors des phases de plus grande instabilité hydroclimatique, comme au cours du III^e siècle, mais aussi au cours du Moyen Âge et des périodes moderne et contemporaine.