3. Les partenaires
p. 49-56
Texte intégral
1Comme son nom l’indique, la convention industrielle de formation par la recherche est historiquement destinée à favoriser les collaborations entre la science et l’industrie. Bernard Daugeras, co-fondateur du dispositif, écrit : « l’idée – gentiment perverse – qui a présidé à la création des conventions Cifre en 1981 était de “mettre le ver dans le fruit” en s’assurant qu’un certain nombre de cadres de l’industrie soient exposés à la recherche au moins une fois dans leur vie »1. Au moment de la Stratégie de Lisbonne, ce type de collaboration est désignée par le terme de « recherche industrielle » entendue comme « une recherche planifiée ou des enquêtes critiques visant à acquérir de nouvelles connaissances, l’objectif étant que ces connaissances puissent être utiles pour mettre au point de nouveaux produits, procédés ou services ou entraîner une amélioration notable des produits, procédés ou services existants »2. Mais rapidement, les pouvoirs publics français prennent conscience du caractère limité du terme « industriel » qui conditionne les partenariats de recherche aux seules « activités économiques qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché » (c.f. définition de l’Insee). Ils lui substituent la terminologie de « recherche partenariale » pour caractériser « les projets de recherche qui impliquent à la fois des établissements publics (établissements de recherche, universités, grandes écoles, etc.) et des entreprises privées »3. L’unité « entreprise » privilégiée par l’ANRT pour caractériser les partenaires des thèses Cifre va évoluer au fil du temps, permettant notamment de mieux prendre en compte plusieurs spécificités des conventions industrielles de formation par la recherche pour les sciences humaines et sociales.
Des profils de partenaires spécifiques
2Les données attestent du fait que les partenaires des conventions industrielles de formation par la recherche en sciences humaines et sociales ont des profils bien différents de ceux des autres domaines scientifiques. En contrepoint du rapport de l’institut des politiques publiques analysant les effets du dispositif Cifre sur les entreprises et les doctorants, qui note l’importance prépondérante des grandes entreprises et des industries manufacturières dans le programme4, nous observons qu’il en est tout autrement pour les SHS. Le graphique ci-dessous montre la primauté des petites et moyennes entreprises, bien devant les grandes entreprises qui ne représentent que 6% de l’ensemble des partenaires des thèses Cifre financées en SHS depuis 2013.

3Seules 15% des conventions signées en sciences humaines et sociales sur la période concernent le secteur industriel. Si on y regarde de plus près, elles se concentrent essentiellement sur les activités de fabrication, surtout celles qui ont trait aux matériels de transport. Des entreprises comme Airbus, Renault ou PSA Peugeot-Citroën emploient ainsi un nombre non négligeable de doctorants Cifre en SHS. Le secteur de production et distribution d’énergie est également demandeur de ce type de partenariat de recherche. Plusieurs thèses Cifre en sciences humaines et sociales ont par exemple été menées chez EDF et Engie.
Une place notable du secteur tertiaire
4Le secteur tertiaire héberge 84% des thèses Cifre en sciences humaines et sociales ; les services professionnels, scientifiques et techniques en premier lieu. Parmi les structures qui fournissent ces services, les cabinets de conseil, les cabinets d’avocat et les agences d’architecture ont une place privilégiée au sein du dispositif.
5Viennent ensuite les établissements dédiés à l’information et à la communication, dont les entreprises de télécommunication, comme Orange qui a déjà embauché 27 doctorants Cifre en sciences humaines et sociales depuis 2013.
6En revanche, les services d’hébergement et de restauration, de culture et de loisirs, d’immobilier sont peu sollicités dans ce type de configuration de recherche.
Secteur d’activité des entreprises | Nombre de thèses Cifre en SHS 2013-2020 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 596 |
Information et communication | 192 |
Activités financières et d’assurance | 142 |
Commerce, transport et entreposage | 119 |
Fabrication | 111 |
Production et distribution d’énergie, collecte et traitement des déchets | 91 |
Services communautaires, sociaux et personnels | 83 |
Services administratifs et d’assistance | 37 |
Activités immobilières | 24 |
Construction | 15 |
Culture et production animale | 3 |
Réparation | 3 |
Sylviculture et exploitation forestière | 1 |
L’implication des organismes publics et des associations
7Depuis 2006, en sus des entreprises, sont désormais éligibles au dispositif les organismes publics et parapublics sous certaines conditions, ainsi que les associations. Ces nouveaux entrants sont particulièrement investis dans les thèses Cifre en sciences humaines et sociales. Ils sont aujourd’hui aussi nombreux que les entreprises, comme l’indique le graphique ci-dessous.

8L’ouverture du dispositif à l’action publique et sociétale permet de diversifier notablement le champ d’application des thèses Cifre menées en sciences humaines et sociales. Dans le secteur privé, les domaines d’activité qui n’étaient que peu couverts par les entreprises sont désormais accessibles par le biais des associations. Ces dernières permettent notamment aux doctorants de conduire des recherches dans les domaines de l’action sociale, humanitaire et caritative mais aussi de l’éducation, de la formation et de la recherche, comme le montre le tableau ci-dessous.
Domaine d’activité des associations | Nombre de thèses Cifre en SHS 2013-2020 |
Action sociale, humanitaire et caritative | 102 |
Éducation, formation et recherche | 91 |
Défense et promotion d’intérêts professionnels | 77 |
Économie et développement local | 67 |
Culture et loisirs | 56 |
Santé, rééducation et actes de sensibilisation | 26 |
Nature, environnement et cadre de vie | 22 |
Droit, sécurité, politique | 13 |
9De leur côté, les organismes publics ouvrent des « problématiques de politique publique territoriale (transition écologique, numérique, économique, démographique, santé, etc.) »5 qui sont particulièrement fécondes dans ce domaine de recherche.
10Une conseillère municipale témoigne : « quand vous avez un chercheur qui arrive dans un territoire avec une problématique de recherche il fait avancer les choses et nous permet à nous, acteurs et habitants, de formuler des désirs, des besoins, mais aussi des solutions, qu’on sous-estime souvent parce qu’on croit qu’on n’est pas capable »6. Cette proximité avec le terrain explique sans doute que l’échelle communale soit préférée, pour conduire une thèse Cifre en SHS, à l’échelle départementale ou régionale.

11Les collectivités territoriales ne sont toutefois pas les seules institutions publiques à recevoir des doctorants Cifre en sciences humaines et sociales. Si elles sont souvent mises en avant dans les communications de l’ANRT, elles ne représentent en réalité que 37% de l’ensemble des conventions Cifre signées dans le secteur public depuis 2013. On dénombre surtout des établissements publics parmi les partenaires publics des conventions industrielles de formation par la recherche en sciences humaines et sociales. Il peut s’agir de métropoles, de communautés d’agglomération, d’agences régionales de santé, de centres hospitaliers, de chambres consulaires, de musées, entre autres. Quelques thèses ont également été conduites dans des groupements d’intérêt public ou, plus rarement, dans des autorités administratives indépendantes.
Établissements publics | Nombre de thèses Cifre en SHS (2013-2020) |
Établissements publics de coopération intercommunale | 81 |
Établissements publics à caractère administratif | 59 |
Établissements publics de santé | 20 |
Établissements publics à caractère industriel et commercial | 19 |
Établissements publics de coopération locale | 19 |
Chambres consulaires | 15 |
Établissements publics de coopération culturelle | 13 |
Notes de bas de page
1 Lettre de l’association Formation par la recherche, n°76, op.cit.
2 Règlement (CE) n°364/2004 de la Commission du 25 février 2004 modifiant le règlement (CE) n°70/2001 en ce qui concerne l’extension de son champ d’application aux aides à la recherche et au développement (L63/23).
3 Rapport de la mission sur « Les dispositifs de soutien à la recherche partenariale », confiée au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET), à l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et à l’Inspection générale des finances (IGF), février 2013, 34 p.
4 Guillouzouic, A., et Malgouyres, C. Évaluation des effets du dispositif Cifre sur les entreprises et les doctorants participants. Op.cit.
5 Présentation du programme « 1 000 doctorants pour les territoires ».
6 Témoignage recueilli dans le cadre du programme « 1 000 doctorants pour les territoires » : https://1000doctorants.hesam.eu/articles/les-temoignages/122-francoise-ramel-un-chercheur-nous-permet-de-formuler-des-desirs-des-besoins-mais-aussi-des-solutions
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