1. Le volume de thèses Cifre à l’aune d’une nomenclature disciplinaire consolidée
p. 35-40
Note de l’auteur
Les considérations précédentes (encadré en ouverture de partie) ont entrainé un important travail de reprise de la base initiale afin que soient mises en cohérence les différentes informations en lien notamment avec le fichier national des thèses.
Texte intégral
1Il est intéressant de constater que le travail de recodage de l’ensemble de la base communiquée par l’ANRT a permis de confirmer la progression de la part des SHS dans le dispositif Cifre, tout en précisant un certain nombre de phénomènes. Si la part des SHS est moindre que celle annoncée par les services de l’ANRT, la raison en est qu’un certain nombre de projets de thèse recensés relèvent en fait d’autres disciplines telle l’informatique. Néanmoins, les sciences humaines et sociales représentent en 2020 plus de 20% de l’ensemble des thèses Cifre financées. Le nombre de conventions signées dans le domaine a augmenté de 22% entre 2013 et 2020, ainsi que le montre le graphique ci-après.
2Au regard d’autres dispositif de soutien à la recherche1, cette dynamique est tout à fait satisfaisante même s’il existe sans aucun doute une réserve de thèses SHS finançables dans le cadre d’une Cifre. En effet, comme l’a rappelé le travail sur le doctorat réalisé par l’alliance Athéna à partir des données du MESR, les doctorants SHS représentaient en 2018, 52 % de l’ensemble des doctorants inscrits à l’université (plus de 55 500 doctorants au total dont plus de 29 000 en SHS) ; 47 % des écoles doctorales ressortent des SHS (125 sur 265) et près d’un tiers des doctorats (autour de 4800) délivrés annuellement par les établissements d’enseignement supérieur s’inscrivent en SHS. Si on se limite à la première inscription, les SHS totalisent 6280 premières inscriptions en 2018, ce qui représente 38% des premiers inscrits en doctorat.

La disparité des disciplines
3Lors du colloque organisé par l’ANRT sur la recherche partenariale en SHS, le conseiller auprès de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédéric Dardel, a précisé que, si la part des SHS était de plus en plus satisfaisante, il ne fallait pas conclure trop hâtivement à une acculturation totale des sciences humaines et sociales au dispositif Cifre. S’il « reconnaît qu’en matière de recherche partenariale, on assiste dans le domaine des SHS à une évolution », il considère que « des marges de progrès subsistent », en soulignant que « de nombreux efforts restent encore à accomplir pour surmonter les résistances culturelles »2.
4La base de l’ANRT reconfigurée permet d’apporter des éléments de réponse chiffrés à cette question de la place des différents champs disciplinaires. Un premier constat peut être dressé qui établit que les disciplines de SHS impliquées dans le dispositif se sont diversifiées au fil des années. Tandis qu’au départ seuls l’économie, le droit et la gestion prenaient part aux conventions industrielles de formation par la recherche3, aujourd’hui toutes les disciplines de sciences humaines et sociales ont bénéficié du dispositif (certes parfois minimalement comme en lettres et langues), ainsi qu’en témoigne le graphique ci-dessous :

5Les thèses en droit, gestion, économie, psychologie – qui ont été les premières à être financées par une convention industrielle de formation par la recherche – restent toutefois les plus fréquemment soutenues. L’intérêt de la thèse Cifre pour la structure d’accueil est sans doute plus directement perceptible dans ces disciplines.
6A contrario, les disciplines telles que la littérature, la philosophie, l’archéologie ou encore l’anthropologie sont rarement convoquées. Certes ces disciplines ont des visées et des applications a priori moins « pratiques » que celles précédemment citées, pourtant, elles contribuent de manière évidente à la compréhension globale des sociétés humaines dans lesquelles s’insère chacun des organismes partenaires.
Quelques exemples de thèses Cifre en lettres et langues :
Edition électronique d’un corpus de textes littéraires occitans, entre 1850 et 1914 et élaboration d’applications et d’outils de lecture en ligne
Ressources et communautés dans la littérature postcoloniale : quelle gouvernance à l’ère anthropocène ?
Sociétés multiculturelles et identité nationale : comparatif des politiques culturelles des municipalités de Saint-Denis de La Réunion et de Cape Town en Afrique du Sud
Quelques exemples de thèses Cifre en philosophie :
La vulnérabilité différenciée des pays et individus aux impacts du changement climatique : quelles politiques publiques à l’échelle globale ? Le cas des mécanismes assurantiels climatiques
Éthique et assurance : les nouveaux défis philosophiques de l’assurance à l’âge de la Troisième Révolution Industrielle
La normativité des technologies numériques : approche d’une éthique « by design » dans les entreprises
Quelques exemples de thèses Cifre en archéologie :
Le système portuaire antique de Narbonne : approche géo-archéologique
Voiliers de cabotage du littoral de la Corse entre le XVIe et le XXe siècle : essai de généalogie comparative des traditions de construction navale
Approche paléoécologique des paysages anciens au cours de l’Holocène. L’apport de la carpologie
7Le développement effectif des thèses Cifre en sciences humaines et sociales ces dernières années n’a ainsi pas mis fin au phénomène de différenciation disciplinaire. Si toutes les disciplines de SHS ont désormais pu pratiquer le dispositif, il en est qui sont nettement plus familières que d’autres. Comme l’a déclaré la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, en quarante ans d’existence, « les Cifre n’ont cessé de gagner en attractivité »4, néanmoins, comme le montre cette analyse, un travail pourrait encore être conduit notamment avec les acteurs socio-économiques et les communautés scientifiques pour étendre « la culture Cifre » à un plus grand nombre d’acteurs et de disciplines de sciences humaines et sociales car, malgré toutes les formes de mobilisation dont elles peuvent faire l’objet notamment de la part de l’ANRT, les conventions industrielles de formation par la recherche restent peu connues de nombreux doctorants en SHS5.
Notes de bas de page
1 On peut évoquer notamment la place réservée aux SHS à l’ANR (la part des SHS à l’ANR est autour de 5% des financements en moyenne) comme le montrent les études réalisées dans le cadre de l’alliance Athéna.
2 Extraits du compte-rendu du colloque du 5 mars 2020 à la Maison des sciences de l’Homme Paris Nord sur « La recherche partenariale en SHS – Enjeux et conditions de réussite ».
3 Cf. Petit, G., Ibid.
4 Extrait d’un discours prononcé à l’occasion du colloque organisé en 2021 par l’ANRT pour célébrer les quarante ans des conventions industrielles de formation par la recherche.
5 Bourdaa, M., et Lamy, A. « Les conventions CIFRE : quel statut pour le doctorant, quel(s) rôle(s) pour les laboratoires de recherche ? Retours d’expérience… », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 6 | 2015, mis en ligne le 03 février 2015, consulté le 29 novembre 2022.
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