2
Les conseils scientifiques des Maisons
p. 117-122
Note de l’auteur
Mon propos a été nourri de discussions avec plusieurs responsables de Maisons et de Conseils Scientifiques que je tiens à remercier. J’ai tenu à anonymiser chaque remarque ou chaque observation faite par l’un d’entre eux et mon propos n’engage que moi. Je tiens seulement ici à rendre compte des pratiques mises en œuvre, sans formuler ni critiques, ni préférences. J’adresse mes remerciements à Pascal Buléon et Jacques Commaille, mes premiers attentifs lecteurs, pour leurs suggestions.
Texte intégral
1Ouvrir aux échanges internationaux, enrichir la vie scientifique, faire vivre un espace propre à la réflexion stratégique, éviter les localismes en étant force de proposition pour les établissements, telles ont été les grandes missions confiées aux conseils scientifiques des Maisons des Sciences de l’Homme dès leur création. La Charte des MSH, telle qu’elle se décline aujourd’hui, est ainsi l’aboutissement d’une démarche longue d’une vingtaine d’années dont on retrouve aujourd’hui un écho dans l’article 9 relatif au conseil scientifique des MSH, véritable ADN des Maisons qui les distingue des simples regroupements internes de laboratoires.
« Les MSH sont dotées d’un conseil scientifique composé d’enseignants-chercheurs et de chercheurs exerçant à l’étranger ou dans des établissements extérieurs aux établissements tutelles des MSH. Le conseil scientifique a vocation à accompagner et à enrichir la vie scientifique des Maisons. Les centres, équipes et unités de recherche associés à une MSH participent à son fonctionnement et conservent leur souveraineté méthodologique et scientifique tout en favorisant le développement d’actions de mutualisation. »1
2La création de ces conseils scientifiques n’a pas été si facile et il a fallu assez souvent les légitimer. Cette entreprise a pris des formes différentes selon les Maisons, certaines étant un regroupement d’UMR de grande taille ayant déjà une longue histoire, d’autres fonctionnant selon le mode « projets ». Dans le premier cas, la simple idée d’un conseil scientifique de la Maison est apparue parfois superflue, tant chaque UMR voulait mener sa politique sans prendre en considération son nouvel environnement. Une autre contrainte qui pouvait rendre difficile l’acceptation d’une politique scientifique fut, un temps, la faiblesse des budgets susceptibles d’être mis en œuvre pour des projets associant plusieurs entités composant une Maison. Ces temps sont révolus.
3La composition des conseils scientifiques ne doit rien au hasard, avec un équilibre entre collègues étrangers et collègues français, choisis en dehors du périmètre de la Maison. Une telle extériorité du conseil permet d’éviter l’influence trop grande d’une économie localiste du champ de la recherche propre à l’histoire de telle ou telle Maison ou Université. En fonction des situations, les directeurs des Maisons peuvent assister (sans voix délibérative) aux dits conseils. Cette présence est la plupart du temps jugée utile et appréciée de tous les participants.
4L’évolution des cadres de la politique scientifique européenne et nationale2 de ces dix dernières années conduit à conférer aux conseils scientifiques des MSH un rôle plus important sur les différents sites. Réfléchir sur les grands choix scientifiques de la Maison, suivre ses thématiques et ses projets marqués du sceau de la pluridisciplinarité et/ou de l’interdisciplinarité, apprécier le fonctionnement des services communs et plateformes de la Maison, autant de fonctions qui doivent être pensées en lien avec les politiques de recherche locales, ces dernières devant trouver des interlocuteurs dans les personnalités qui composent les conseils scientifiques des Maisons. Ces orientations politiques générales font écho a priori à l’esprit initial des MSH qui est bien celui de la fédération des approches disciplinaires, du soutien à la production de nouveaux outils pour la recherche et de l’élargissement interdisciplinaire.
5Comme le montrent les résultats de la politique de recherche européenne (Horizon 2020), il existe entre le cadre politique général et ses applications de forts écarts3 qui imposent d’être pensés par l’ensemble des communautés SHS et qui doivent être bien connus des membres des CS des MSH pour un meilleur accompagnement des Maisons.
6Le conseil scientifique est aussi le lieu où est débattu le soutien à des programmes émergents (souvent aidés par des crédits spécifiques ou par des budgets alloués par les collectivités locales). C’est là encore une mission majeure des Maisons qui, avec l’aide de leur conseil scientifique, participent ainsi au renouveau de la recherche sur les différents sites. Dotés de financements faibles mais précieux pour les équipes SHS, les appels d’offre internes à chaque Maison génèrent de riches temps d’échanges. Les membres des CS assument la fonction de jury et leurs interventions sont saluées par tous les acteurs qui voient là une tâche essentielle (et ce, notamment dans les Maisons à ample spectre disciplinaire et quand le conseil scientifique compte des collègues des autres sciences).
7Face à cet ensemble de missions assumées différemment d’un site à l’autre, le mode de fonctionnement des conseils n’est pas uniforme. Bien souvent est organisée une réunion annuelle d’une demi ou d’une journée entière. Un autre choix est parfois fait, d’une réunion de deux ou trois jours, le conseil auditant tous les acteurs de la Maison, ceux des pôles, des services communs et plateformes, et bien sûr ceux des projets sélectionnés et financés. Le dialogue ne s’établit pas avec les seuls directeurs d’équipes ou de plateformes mais avec un grand nombre de personnels. Le temps disponible permet d’assurer un suivi de l’action d’une année à l’autre et de s’entretenir avec les partenaires de la Maison, de la Ville, de la Région.
8La « géographie » interne des Maisons est aujourd’hui plus diverse qu’elle ne l’était il y a une dizaine d’années, de celles qui s’appuient sur quelques Unités, le plus souvent de grosses UMR, dans le domaine des SHS sans en sortir beaucoup, à des Maisons soit localisées dans une université pluridisciplinaire soit au centre d’un vaste réseau d’Universités, d’Instituts et d’Écoles acteurs de recherches en SHS, en droit, économie et sciences dites « dures », de la biologie à la physique. Dès lors, la fonction du conseil scientifique change car, dans le second cas, les appels d’offre ont des thématiques très vastes, ce qui nécessite alors pour le bon fonctionnement du conseil de compter en son sein des personnes aux profils « sciences dures » comme nous l’avons évoqué précédemment. Si l’on note des différences qui tiennent à la nature du site, il en est d’autres qui tiennent au budget mis en œuvre selon que l’essentiel vient des dotations CNRS, des Universités ou des partenaires, selon l’insertion de la Maison dans un Idex ou selon le soutien (seulement dans les Régions hors Ile-de-France) de crédits CPER. Différences que les membres des conseils doivent savoir apprécier.
9Au fil du temps, le rôle des conseils scientifiques des MSH s’est ainsi à la fois renforcé et diversifié, demandant aux membres de ces conseils une plus grande implication et une plus grande disponibilité4 mais ces exigences sont peu de choses au regard de l’apport intellectuel et scientifique de telles instances
Notes de bas de page
1 Article 9 de la charte des MSH, 2019
2 Voir infra le texte de Gilles Pollet et Jean Vigreux, L’interdisciplinarité en mouvement.
3 Cf. Contribution de l'alliance Athéna au programme cadre européen H 2020 [http://www.alliance-athena.fr/contribution-de-lalliance-athena-au-programme-cadre-europeen-h2020/].
4 Les « jeunes émérites » constituent de précieux soutiens pour ces conseils.
Auteur
Président (2001-2005) du Réseau national des MSH, Directeur (2000-2012) de la Maison Archéologie & Ethnologie René-Ginouvès à Nanterre (MAE), directeur de recherche émérite au CNRS, historien et archéologue.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Avenir de la recherche et Maisons des sciences de l’Homme
Réédition 2020
Jacques Commaille (dir.)
2020
Mutations des sciences humaines et sociales
Les Maisons des Sciences de l'Homme et leur réseau
Françoise Thibault (dir.)
2021
Les thèses Cifre en sciences humaines et sociales
Ouvrir le champ des possibles
Clarisse Angelier et Françoise Thibault (dir.)
2023
L’interdisciplinarité sans concession
Réseau national des Maisons des sciences de l’homme (dir.)
2023