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La Catho

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Catherine Masson

Chapitre 4. Le rectorat de Mgr Lesne

Texte intégral

1En 1918, le pays est exsangue, ruiné, dévasté. La ville de Lille s’éveille douloureusement après quatre années d’une occupation qui laisse bien des blessures. L’Université catholique n’a pas été épargnée tant sur le plan matériel que sur le plan humain. Mais le courage et l’ambition ne font pas défaut à ceux qui, entraînés par leur nouveau recteur, le chanoine Émile Lesne, engagent alors la reconstruction. C’est à Notre-Dame de la Treille qu’il confie cette œuvre en faisant éditer une image de la Vierge protectrice du diocèse avec une prière.

« O Marie, siège de la Sagesse, obtenez de votre Fils, Notre Seigneur, que la foi nous éclaire et que la divine sagesse nous conduise. Faites qu’au lendemain de la terrible guerre, les enfants dévoués de la Sainte Église soient en France, nombreux, vaillants et forts, que les plus instruits et les meilleurs soient pour les autres des chefs, des conseillers et des guides. Daignez s’il vous plait, permettre que l’Université catholique de Lille en formant cette élite de vrais chrétiens et de bons Français travaille à établir le règne de Dieu. S’il lui plait de la destiner à cette tâche, obtenez qu’elle vive et prospère pour la plus grande gloire de Dieu. Ainsi soit-il. »

2Dans cette perspective, les vingt années de ce rectorat, qui s’achève avec la mort de Mgr Lesne peu de temps après la catastrophe de 1940, sont marquées, au-delà des problèmes de la reconstruction, par la volonté des autorités académiques d’assurer un enseignement de qualité, en même temps qu’une solide formation religieuse. Le souci constamment réaffirmé est de protéger l’étudiant contre tout ce qui peut nuire non seulement à la qualité de ses études mais aussi à la formation de sa personnalité et à sa vie morale et spirituelle. Ce défi, il faut le relever, dans un contexte peu propice, tandis que les remous politiques, économiques et sociaux de ces années d’entre deux guerres ne manquent pas d’atteindre l’Université. Mgr Lesne doit gérer quelques tensions, en particulier au lendemain de la condamnation de l’Action française ressentie douloureusement par nombre d’enseignants et administrateurs qui en étaient très proches, et tandis que se développe simultanément tout un courant autour de l’enseignement social des papes.

3Cette période est marquée par les fêtes du cinquantenaire qui donnent à Mgr Lesne l’occasion de mettre en valeur l’histoire des origines, que nous avons déjà plusieurs fois évoquée, de poursuivre le programme de construction, en particulier celle de la chapelle et de l’aile de l’Aula maxima, alors que resurgit toujours en toile de fond la question financière, tant pour faire face aux dépenses de fonctionnement qu’à celles engendrées par ces nouvelles constructions.

Un nouveau recteur pour une université à reconstruire

Mgr Lesne

Mgr Lesne, recteur

Mgr Lesne, recteur

4Émile Lesne, né en 1870, a près de 50 ans lorsque lui est confiée la lourde tâche du rectorat. Sa famille, apparentée à Fustel de Coulanges, est venue s’installer à Oisy-le-Verger dans le Pas-de-Calais, alors qu’il avait 8 ans. Après des études au petit séminaire d’Arras, au collège Saint-Jean à Douai et au séminaire académique de Lille à partir de 1888, il est licencié ès-lettre, en 1891. Ordonné prêtre en 1895 il enseigne quelque temps dans son ancien collège avant d’être envoyé poursuivre des études à Paris. Il est reçu premier à l’agrégation d’histoire-géographie que les ecclésiastiques peuvent encore passer à cette date (1899). Nommé à la faculté libre de lettres de Lille, il poursuit ses études et en 1905, il est diplômé de l’École de hautes études avec un travail sur La hiérarchie épiscopale – Provinces, métropolitains, primats en Gaule et en Germanie (742-882). Il met en chantier sa monumentale Histoire de la propriété ecclésiastique en France dont il présente le premier volume comme thèse de doctorat en 1910. Il apparaît alors comme l’un des pionniers de l’histoire économique. Professeur titulaire en 1910, il est aussi chargé du secrétariat de la société « Mémoires et travaux » publiés par les professeurs des facultés catholiques de Lille. De 1912 à 1919 il est doyen de sa faculté, avant d’être nommé recteur en juillet 1919 en remplacement de Mgr Margerin. Resté à Lille pendant la guerre, il avait contribué au maintien de l’activité universitaire pendant toute cette période. Il va désormais présider pendant vingt ans, aux destinées de l’Université catholique de Lille.

Le recteur avec des enseignants et des étudiants

Le recteur avec des enseignants et des étudiants

5Il restaure en 1919, la fonction de secrétaire général qu’il confie au chanoine Henri Dutoit. Cette fonction occupée par les chanoines Dehaisnes et Salembier jusqu’en 1913 avait été alors supprimée. Le secrétaire général est particulièrement chargé des relations avec l’extérieur (recrutement, familles, liens avec les anciens, avec les services académiques, propagande, recherches de fonds...). Le chanoine Biguet du diocèse d’Arras est nommé vice-recteur. Il le reste jusqu’en 1925, date à laquelle le chanoine Dutoit reprend cette fonction qu’il cumule avec celle de secrétaire général. Nommé par Mgr Liénart, en 1928, vicaire général du diocèse de Lille et archidiacre de Lille, il est remplacé par le chanoine Allaert en 1929, puis en 1932 par le chanoine Deconinck. Selon les statuts en vigueur le recteur et le vice-recteur, le secrétaire général et les doyens constituent les autorités académiques. Les questions d’administration générale et de finances sont à la charge du Conseil d’administration, alors présidé par Jean Bernard (1860-1924), puis à sa mort par Ernest Bonduel (1863-1928) et à la mort de celui-ci par Paul Feron-Vrau. Les membres du CA sont toujours des personnalités du monde des affaires et de l’industrie, banquiers, chefs d’entreprise (Michel Scalbert, Alfred Thiriez…) catholiques fervents et dont l’influence est importante sur les choix et orientations générales de l’Université catholique, voire sur ceux des établissements, dans la mesure où leur implication financière, parfois personnelle, oblige à tenir compte de leurs orientations.

6Dès sa prise de fonction, Mgr Lesne exprime la ligne qui restera toujours la sienne malgré les obstacles qu’il ne manque pas de rencontrer : « On ne saurait admettre, et nous n’accepterons jamais, quoi qu’il en coûte, que faute d’un outillage suffisant, l’enseignement soit en souffrance, ni que de bons travailleurs soient empêchés par là de commencer ou de poursuivre des recherches qui seules qualifient un professeur d’Université » (1923). Dans cette perspective il évoque tout à la fois, les ateliers, laboratoires et autres services nécessaires, l’institution d’une caisse de retraites, le relèvement du traitement des enseignants… En tous ces domaines, comme en celui des constructions, il suit avec précision et compétence les dossiers. Son rectorat est marqué par le foisonnement des instituts et écoles, développement de fondations anciennes ou créations de nouvelles, dans le souci de pourvoir l’université des moyens de servir tous les domaines du savoir théorique et pratique. Sans doute peut-on penser que, sous l’autorité de Mgr Lesne, l’Université catholique dispose de tout ce qui doit lui permettre de jouir pleinement de sa qualité, de ses droits, de son crédit de véritable université, s’il ne lui manquait un statut légal de vraie liberté d’une part et si les finances étaient à la hauteur des ambitions d’autre part.

Situation de la Catho au lendemain de la guerre et perspectives

7La situation n’est guère brillante au lendemain de la guerre. Plus encore que les quelques dégâts subis lors des bombardements en 1914, c’est le non entretien des locaux pendant ces quatre années qui est la cause de l’état de délabrement dans lequel se trouve l’université. Les installations modernes d’avant guerre, qu’il s’agisse du chauffage ou de l’éclairage sont inutilisables, le matériel des laboratoires, même s’il n’a pas été détruit ou endommagé par l’humidité et la rouille, est devenu obsolète, les maisons de famille sont dans un piteux état.

  • 1 Cardinal Désiré-Joseph Mercier (1851-1926), archevêque de Malines (Belgique) de 1906 à 1926. Il est (...)

8Mais où trouver l’argent dans une région où tout a été dévasté, des villages rasés, des villes détruites, des champs laissés en friche, des usines pillées, la population décimée par les combats, la faim, la maladie ? On a vu comment Mgr Margerin a tenté de faire face contre vents et marées, faisant appel à la générosité et à l’abnégation des enseignants pour qu’un enseignement puisse se poursuivre sans qu’il soit possible de leur verser régulièrement et totalement leur salaire. Le chanoine Lesne lui-même a considéré ces sacrifices normaux, compte tenu des circonstances, tout en insistant sur la nécessité à terme de respecter les contrats. Mais c’est avec un énorme déficit de près de 100 000 F dans les comptes qu’il lui faut affronter la rentrée et les nécessités de la reconstruction. Sans doute celui-ci n’est-il pas beaucoup plus important que celui que les facultés connaissaient déjà avant la guerre, mais les ressources habituelles sont difficilement mobilisables, tandis que le budget nécessaire à la nouvelle année universitaire est évalué à 860 000 F. C’est du Saint-Siège, très attaché à cette œuvre, que viennent les premiers secours, Benoît XV puis son successeur Pie XI s’engageant à verser les mêmes subsides que ceux qu’elle obtenait en moyenne, pour une année universitaire, des libéralités des catholiques du Nord. Dans le même temps le chanoine Ernest Dimnet, professeur d’anglais à la faculté libre, mandaté par les évêques et par le pape lui-même, s’embarque en 1919 pour les USA, où il plaide avec force la cause de l’Université catholique, dans un climat en fait assez peu favorable : lassitude américaine, propagande de la presse allemande et germanophile, rebuffades également dans les milieux catholiques américains qui sont marqués par l’ambiance générale. Dimnet d’autre part a été précédé par d’autres quémandeurs et non des moindres comme le cardinal Mercier1. Ceci ne le décourage pas. Lors d’un premier séjour aux USA, avant la guerre, il s’était lié avec plusieurs publicistes et avait ainsi gardé quelques amis francophiles. Ils lui ouvrent la porte de plusieurs journaux et revues et bientôt des grands collèges et universités. Il parcourt les USA d’est en ouest et va même au Canada. Églises, universités, cercles et salons divers répondent à son appel et il parvient à intéresser des Américains aux besoins des dispensaires ou des salles d’hôpital, plus qu’aux besoins d’un enseignement purement théorique. Il ne suspend son effort que lorsqu’il a obtenu son cent millième dollar. 1,2 M F sont ainsi récoltés grâce auxquels l’université peut amorcer sa reconstruction. L’emploi de ces fonds, strictement déterminé par la volonté des donateurs, permet de restaurer et moderniser peu à peu l’ensemble des bâtiments : électricité, nouvelle installation de chauffage central viennent équiper les facultés, dispensaires, hôpitaux qui peuvent alors reprendre et développer leurs activités et services. Des postes de téléphone sont installés dans différents locaux avec le projet de développer le réseau dès que possible. La bibliothèque est rapidement remise en état tandis que l’on s’attache à en renouveler le fonds. Elle est pendant toute cette période dirigée par Henry Dubrulle. Bientôt les cloches de l’horloge centrale égrènent à nouveau les heures, une partie du jardin botanique est replanté, la serre réparée. Sans doute cela reste-t-il modeste en ce début des années 1920 et il faut encore quelques temps pour que l’on puisse envisager de nouveaux travaux, agrandissements, aménagements pour mieux répondre aux besoins, mais l’essentiel est de pouvoir reprendre l’activité d’enseignement, en même temps que les activités de soins de la faculté de médecine, dans les meilleures conditions.

  • 2 Camille Looten, « La mission en Amérique de M. le chanoine Dimnet » FCL, mars 1938.
  • 3 Ernest Dimnet The Art of thinking, New York, Simon and Schuster, 1928

9Les projets comme les idées ne manquent pas, tant au niveau des autorités académiques qu’au sein des facultés et écoles. L’ambition internationale trouve déjà quelque concrétisation dans les travaux et le rayonnement de certains professeurs. Le voyage d’Eugène Duthoit a resserré les liens déjà existants avec le Canada. En juin 1919, Mgr Bruchesi, archevêque de Montréal a rendu visite à l’Université catholique et a promis de lui envoyer des étudiants. Le chanoine Dimnet, outre des fonds, a recueilli de ses longues pérégrinations outre Atlantique un réseau de relations littéraires et son talent de conférencier lui permet d’entreprendre tous les ans une campagne de leçons qu’il professe tantôt dans une ou plusieurs villes choisies à dessein, tantôt à l’appel de l’une ou l’autre université, s’y faisant l’apologiste de la France et donnant à son retour à mieux connaître l’Amérique et ses habitants. Il souligne « les abus du divorce, les lacunes de l’enseignement secondaire, le culte trop ardent du dollar », mais loue l’honneur que les Américains « rendent au travail et leur noble activité, leur don d’organisation en tout état de cause, la grande ouverture d’esprit des milieux universitaires et le désir qu’on y éprouve de se perfectionner toujours, et de s’élever à un niveau supérieur de culture, l’estime du savoir, l’accueil plein de sympathie dont jouit l’étranger avantageusement connu… »2. Il publie plusieurs ouvrages dont l’un « L’art de penser »3 est un très grand succès de librairie aux USA.

Le chanoine Ernest Dimnet. Couverture de son livre Art of thinking

Le chanoine Ernest Dimnet. Couverture de son livre Art of thinking
  • 4 Projets généraux de réorganisation. ACUCL, K5Br.

10Cette découverte des universités américaines alimente quelques réflexions comme celles que résume un dossier « confidentiel »4, malheureusement non daté, non signé, de 19 pages dactylographiées, intitulé « L’Avenir de nos universités catholiques ». Ce texte rappelle la naissance des universités catholiques et met en avant le rôle qu’elles ont joué, depuis, dans la formation de la jeunesse. La guerre a fortifié ses raisons d’être, entre autres « rétablir l’unité de la pensée ». L’idée développée est que les liens établis pendant la guerre avec les Alliés et plus spécialement les Américains ouvrent au-delà d’une « fraternité d’armes », vers « une union définitive des âmes et des intelligences ». On constate que, déjà avant la guerre, ont eu lieu des échanges de professeurs, d’étudiants, de publications entre universités des deux pays, mais pas avec les universités catholiques. Or les catholiques, affirme-t-on, ont à prendre leur part en réponse, en outre, à leur vocation d’universalité. On rappelle que l’Union de Fribourg a permis, dans les années 1880, d’approfondir, avec les encouragements du Saint-Siège, la question sociale et a contribué à la rédaction de l’encyclique Rerum novarum, que plus tard les Semaines sociales de France ont attiré l’attention des élites espagnoles, italiennes, belges, polonaises et même d’Uruguay où a été lancée cette même initiative. Pour répondre à ces défis, il semble souhaitable, aux auteurs du texte, de viser une complémentarité entre les universités catholiques en France, un développement harmonieux de leurs spécificités : chacune d’elles abrite déjà des institutions uniques qu’il faut développer pour y attirer une clientèle nationale et même internationale. Mais, dans cette perspective, il faut aussi songer à se partager les attributions, avec des instituts de hautes études à un seul exemplaire, chacune gardant cependant la possibilité d’assurer des bonnes études fondamentales dans les différents domaines (théologie, lettres, sciences) qui sont la base de la formation du clergé. Il faut développer des instituts de recherche, sorte de système nerveux de l’Université à l’image de ce qui se fait aux USA. Une création semble nécessaire : un institut d’études internationales, comportant une section philosophique et théologique, une section juridique et une section historique, un centre d’information et de documentation, un centre de rencontres et un séminaire universitaire pour la formation des jeunes gens se destinant au journalisme, à la carrière diplomatique et à la politique. Pour cela il importe de changer l’administration même des universités au sein d’une fédération : organisme central qui seul aurait une force d’attraction suffisante pour espérer avoir une chance d’attirer des libéralités venues de l’étranger et spécialement d’Amérique d’où revient le chanoine Dimnet. Il est difficile de savoir l’écho qu’a eu ce texte sauf à noter que certaines de ses idées seront mises en œuvre à long terme.

  • 5 Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la Fœderatio Universitatum Catholicarum prendra so (...)
  • 6 L’Institut de coopération intellectuelle a été créé en 1924, par la France, dans le cadre de la SDN (...)

11Mais les liens entre universités catholiques en France restent assez ténus. En 1924, sous l’impulsion de l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan en Italie, fondée en 1921, et de la plus jeune encore Université de Nimègue aux Pays-Bas (1923) sont faits les premiers efforts pour réunir les universités catholiques en une Fédération. L’année suivante quatorze institutions sont représentées, lors d’une première Assemblée générale, à l’Institut catholique de Paris. En 1927, est publié un premier annuaire des universités catholiques5. Les manifestations du cinquantenaire des universités catholiques cette même année, sont aussi l’occasion de rencontres et ces mots de Mgr Lesne, devant les recteurs des quatre universités catholiques françaises et d’autres universités étrangères, dont il souligne la présence, en disent les perspectives et les limites : « s’il y a des autonomies légitimes, des sections bien distinctes, il n’y a pas de barrière dans cette collaboration entre les hauts foyers d’enseignement que représente ici le délégué de l’Institut de coopération intellectuelle »6. Ceci se traduit aussi par des conférences comme celle de Mgr Baudrillart en 1926, à Lille, pour la DRAC, ou celle que Mgr Lesne donne à l’Institut catholique de Paris, en 1934, à la séance de clôture du Congrès d’histoire de l’Église de France sur « La part du clergé dans la production historique et la méthode qu’il doit suivre ». Mais le Bulletin des FCL évoque beaucoup plus souvent des échanges avec Louvain qu’avec les autres universités catholiques françaises.

12Celles-ci continuent à s’inquiéter d’une véritable liberté et le Bulletin des facultés catholiques, en 1919-1920, fait écho à un rapport d’un professeur de la faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, l’abbé Rouland, qui estime que nul enseignement n’est libre en France en raison d’une loi qui ligote, alors même qu’elle proclame le principe de la liberté, et il ajoute ses craintes, en raison de projets de réformes qui risquent de renforcer encore le caractère de l’enseignement supérieur en France, davantage couronnement des études secondaires que lieu de véritable introduction aux recherches scientifiques et aux carrières sociales, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne. Ce n’est pas la première fois, depuis Hautcœur que l’on regarde outre-Rhin et, en ces lendemains de défaite allemande, il est peut-être assez audacieux de considérer la richesse et les moyens de l’enseignement supérieur allemand et de revendiquer, sur ce modèle, une véritable liberté tant pour l’université libre que pour l’université d’État en France, liberté des programmes, liberté des examens et moyens financiers de cette liberté.

13Il est vrai qu’au lendemain de la guerre les universités catholiques françaises, d’initiative privée, et à la différence des universités américaines, elles aussi d’initiative privée, n’ont qu’une clientèle très restreinte et leur influence sur l’opinion reste modeste. Les années 1920 voient cependant le nombre d’étudiants augmenter.

Les étudiants…

  • 7 Des statistiques précises restent impossibles car les chiffres donnés chaque année ne prennent pas (...)

14Au lendemain de la guerre les étudiants reviennent peu à peu. Les chiffres relevés dans les documents du service des archives montrent que l’ascension se poursuit jusqu’à l’aube des années 1930, pour atteindre environ 1400 inscrits7.

15Dans son discours de rentrée en 1929, Mgr Lesne indique que, pour la première fois, le nombre d’étudiants a, dans l’année précédente, atteint le millier (étudiants régulièrement inscrits dans les facultés et écoles et sans tenir compte des enseignements hors cadres qui donneraient sans doute un nombre de 1500). Une baisse des effectifs globaux s’amorce alors, qui n’atteint pas de la même façon tous les établissements. La faculté des lettres, par exemple, est proportionnellement moins atteinte et elle connaît un redressement plus important en 1933, année où l’on atteint les effectifs maximum et où l’on peut penser que la crise est surmontée. De son côté la faculté de théologie connaît une baisse sensible, dès 1925, pour remonter à un niveau jamais atteint, dès 1931.

Effectifs des facultés et des écoles de 1875 à 1913

Effectifs des facultés et des écoles de 1875 à 1913

16Les étudiants sont majoritairement originaires des départements du Nord et du Pas-de-Calais, mais il y a aussi des étudiants d’autres régions ou des étrangers dont la proportion varie selon les facultés ou écoles : en 1926-1927, sur un peu plus de 800 étudiants, une soixantaine représentent 20 nations étrangères. En 1931, avec un total de 105 étudiants, les étrangers constituent un dixième de l’effectif. Des associations dites provinciales regroupent les étudiants de même origine, qui y entretiennent le culte de leur petite patrie.

17En 1919, les frais d’inscription, payables en 4 fois, se montent à 100 F par inscription pour les facultés, 250 F pour les étudiants de l’école industrielle. Des droits supplémentaires sont demandés pour la bibliothèque (20 F), pour la carte d’étudiant (5 F), pour les travaux pratiques en médecine et en sciences. Des réductions et des dispenses peuvent être accordées.

18La Fédération générale des étudiants (Fédé) se reconstitue dès 1919 sur ses bases d’avant-guerre. Facultés, associations corporatives, associations provinciales y nomment leur délégué. Réunions instructives et récréatives, bibliothèque, salle de lecture, concours variés, relations avec les grandes associations professionnelles de France et de l’étranger, conférences ouvertes au public lillois, résurrection de la revue L’Escholier tels sont les buts de la fédération rappelés alors par son nouveau président, Gabriel Potié, interne des hôpitaux. En mars 1920, la Fédé invite le général de Castelnau, l’année suivante, Constant Groussau, par exemple.

19Beaucoup d’étudiants résident encore dans les maisons de famille. C’est normalement obligatoire, pendant les trois premières années, pour ceux qui n’habitent pas chez leurs parents. L’eau chaude y reste un luxe dont ils n’osent pas rêver, tandis que l’éclairage et le chauffage des chambres sont à leur charge. Celui-ci reste assuré par des poêles à charbon jusqu’à l’installation du chauffage central en même temps que l’eau courante, en 1929. Le prix de la chambre et de la pension est, en 1919, de 225 F par mois. Les sorties sont réglementées, y compris pendant les vacances. Les étudiants autorisés à loger au-dehors ne peuvent prendre leurs repas que dans des maisons autorisées par l’administration.

20La forte proportion d’ecclésiastiques, principalement dans les facultés de lettres et sciences s’explique toujours par leur place dans les collèges d’enseignement secondaire et la volonté des fondateurs de relever le niveau de l’enseignement qui y est donné. Ces deux facultés sont ainsi très liées au séminaire académique. Elles se considèrent comme l’École normale supérieure de l’enseignement libre. Dès lors, les événements du séminaire concernent au premier chef les facultés, qu’il s’agisse, par exemple, des deuils qui l’affectent et provoquent des suspensions de cours ou encore des décisions diocésaines concernant les clercs. Mais il y a pendant ces années une baisse régulière du nombre des ecclésiastiques tandis que peu à peu le nombre des laïcs augmente, surtout lorsque sont admises les jeunes filles.

… et les étudiantes

  • 8 P. Delerue, « La faculté des Sciences. Maîtres et chercheurs », Ensemble, 1976, op. cit. p. 253.

21La proportion assez faible de jeunes filles, entre 10 et 15 %, est inégale selon les facultés. En faculté des lettres, qui a été essentiellement fréquentée avant la guerre par des ecclésiastiques, elles représentent la moitié de l’effectif en 1933. Leur admission transforme la vie des facultés. Cela ne se fait pas sans mal. Cela avait déjà été discuté en 1907 en faculté des lettres, en réponse au souci de préparer les cadres de l’enseignement dans les pensionnats de filles et de se prémunir contre d’éventuelles mesures législatives. Il n’y a cependant pas de suite alors et le problème mûrit pendant la guerre. Un règlement qui nous paraît aujourd’hui pour le moins extravagant a été mis au point. Les jeunes bachelières peuvent être admises à la faculté, après que leur admission ait été prononcée par une directrice attitrée. L’étudiante suit alors les cours accompagnée d’une « dame accompagnatrice ». Des places spéciales seraient réservées aux unes et aux autres. En fait une seule étudiante, une religieuse, semble être passée par ces exigences draconiennes qui sont abolies dès juillet 1919. Leur nombre augmente par la suite et leurs résultats, sauf paraît-il en latin, n’ont rien à envier à ceux des étudiants. Il faut toutefois attendre 1948 pour qu’une femme soit admise dans le corps professoral de la faculté des lettres : Jeanne Villette qui reprend alors les conférences d’histoire de l’art du chanoine David. À partir de 1925, on voit également arriver des jeunes filles en faculté des sciences. L’abbé Annycke, professeur de mathématiques en est quelque peu étonné. Celles-ci lui semblent peu faites pour un enseignement si abstrait. Il s’émeut de leur sensibilité : « les jeunes filles, dit-il, il faut en recaler les trois quarts à l’écrit. Car, à l’oral, elles pleurent, alors on est bien obligé de les recevoir »8 !

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.

Les maisons de famille comprennent outre les chambres d’étudiants, une chapelle, une salle de lecture, une salle de jeux et un réfectoire

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.

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Étudiantes, en 1936

Étudiantes, en 1936

Étudiantes en bibliothèque

Étudiantes en bibliothèque

22Le Bulletin FCL évoque en 1926 quelques pages écrites par le vice-recteur Henri Dutoit sur « le dilemme contemporain dans l’éducation des jeunes filles ». Celui-ci estime que l’impiété moderne s’acharne « en ce moment avec une extraordinaire énergie à pervertir l’âme de la femme […] parce que l’éducation athée, la littérature athée, la philosophie athée rivalisent d’influence pour imposer à la femme comme à l’homme les erreurs intellectuelles qui la feront capituler devant les passions ». Et Dutoit de rappeler que la vocation de la femme est d’être d’abord épouse et mère. « Qu’elle acquière une culture plus étendue et qu’elle développe de façon plus variée ses riches aptitudes, elle n’en doit pas moins rester femme d’intérieur ». On comprend les réticences, non à des propositions particulières pour les jeunes filles, dans cet esprit, mais à leur admission pleine et entière dans les mêmes cursus universitaires que les jeunes gens.

23Un autre problème se pose lorsque des jeunes filles sont reçues à l’internat des hôpitaux. Tout en considérant normale leur égalité de traitement avec les jeunes gens, on ne peut concevoir qu’une jeune fille soit logée dans le même lieu réservé aux internes qu’un jeune homme. Cette question se pose particulièrement à Saint-Antoine.

  • 9 Catho paraît pour la première fois le 1er janvier 1930. Son rédacteur en chef, René Saive, est étud (...)

24Au Conseil supérieur on s’inquiète plusieurs fois des conséquences de cette entrée des étudiantes qui « si elle peut avoir sous certains rapports d’heureuses conséquences constitue cependant un danger pour la moralité et le bon esprit de nos étudiants » et l’on cite à l’appui la revue des étudiants Catho9 où, dans un article du 15 mai 1931, un professeur, Pierre-Henri Simon, met sur un même pied les étudiants de l’État et ceux des facultés catholiques et approuve les rapports de camaraderie entre étudiants et étudiantes, avec ce commentaire : « Cette revue qui fonctionne officiellement après une censure dont les étudiants tiennent plus ou moins compte est un vrai danger pour notre Université, elle est du reste une tentation permanente pour la verve malsaine de nos étudiants et à mon avis, la conclusion qui s’impose c’est de la supprimer » !

25Une lettre de Paul Feron-Vrau, président du CA, à Mgr Chollet revient sur ce problème : particulièrement négatif quant à l’ambiance de la Catho en ces années, Paul Feron-Vrau y voit une des conséquences de l’admission des jeunes filles :

« À l’heure actuelle, il souffle partout un esprit d’indépendance et d’orgueil, des conceptions et des mœurs païennes qui font rejeter toute autorité. Beaucoup d’étudiants n’ont plus pour leurs professeurs le respect qu’ils leur doivent […] Ils s’insurgent contre ceux qu’ils appellent les bourgeois, qui comprennent cependant leurs parents et leurs bienfaiteurs qui soutiennent l’Université. Ils prétendent surtout ne plus avoir d’entraves pour, comme ils disent, vivre leur vie. Les études bien souvent passent au second plan ; quelques-uns fréquentent des lieux de plaisir […] J’ajouterai que, chez bon nombre, la piété laisse à désirer […] C’est en présence de cet état d’esprit déjà bien mauvais qu’un fait nouveau s’est produit : l’entrée des étudiantes à l’Université catholique […] ».

26Le journal Catho, normalement contrôlé par l’autorité académique y est également stigmatisé comme étant l’expression d’une liberté sans borne. Expression d’un conflit de génération ? Peut-être, sauf à savoir que l’on trouve aussi ces mêmes griefs à la fin des années 1930 formulés par des étudiants eux-mêmes dans le cadre d’un cercle d’Action catholique. Les uns et les autres considèrent que ces débordements contribuent à entacher la réputation de l’université auprès des parents et ont des conséquences importantes sur son recrutement. Le problème des examens n’est pas non plus étranger à cette difficulté.

Le problème des examens

27Nous le verrons, les projets ne manquent pas et de nouveaux cursus sont susceptibles d’attirer des étudiants. Mais la question des examens pousse un certain nombre à préférer l’université publique, d’autant que la réputation d’exigence, en termes de travail, des professeurs de l’Institut catholique en dissuade aussi quelques-uns.

28Même s’il se réjouit du taux de succès aux examens, presque toujours égaux et parfois supérieurs à ceux des facultés officielles, Mgr Lesne s’indigne du déni de justice qu’a été le retrait de la collation des grades. Il ne se contente pas de protester, il réagit en étendant l’institution des diplômes dans tous les domaines respectés par le monopole et obtient de plusieurs gouvernements étrangers la reconnaissance des grades conférés par les facultés catholiques. Les titres donnés par les écoles techniques obtiennent de leur côté une reconnaissance officielle : diplôme HEI ou diplôme d’État des élèves infirmières.

29Mais les facultés, établissements d’enseignement supérieur, ne peuvent ni établir leurs programmes, ni décerner leurs diplômes. Elles pâtissent de cette tare originelle, les professeurs en premier lieu qui, malgré leurs compétences reconnues, sont réduits au rang de répétiteurs. Jusque 1920 les règlements ont peu changé. La licence ès-lettres, par exemple, s’obtient à la suite d’une épreuve unique que l’on subit au bout de deux ou trois années de préparation. Cet examen comporte une partie commune (dissertation française et composition latine à l’écrit) et des épreuves particulières, écrites ou orales, selon la spécialité choisie (lettres, histoire, philosophie, langue vivante). En 1907 la partie commune a été supprimée, chaque licence devenant autonome, même si, selon le jeu des options, les matières classiques gardent leur importance. En 1920, la licence unique éclate en multiples certificats dont la préparation et l’examen s’échelonnent librement tout au long des études. Aucun groupement fixe n’est prévu sauf pour la « licence d’enseignement », aucune condition n’est exigée pour les trois premiers certificats, le quatrième seulement, qui donne le titre de licencié, nécessitant le baccalauréat. Ce système soulève tant de protestations qu’en 1932 une réforme introduit un cinquième certificat d’études littéraires classiques (français, latin, grec) pour obtenir la licence d’enseignement en histoire, philosophie ou langues. Par la suite il y aura encore plusieurs réformes qui, dans un sens ou l’autre, reviendront sur la nécessité d’une culture générale.

30Comment dans ces conditions sauvegarder l’originalité de l’enseignement dans les facultés catholiques ? Non seulement la qualité des enseignants l’exige mais aussi la spécificité du recrutement visant à former des clercs et autres professeurs de l’enseignement libre. L’une des réponses à cette exigence est dans le choix des facultés où se passent les examens, Lille, mais aussi à Paris, Rennes ou Nancy. La guerre a rendu nécessaires des jurys lillois qui sont maintenus ensuite pour certaines disciplines. Toutefois peu à peu, la complexité et la diversification des programmes rendant impossible, pour les professeurs de la faculté libre de lettres, de préparer simultanément plusieurs séries différentes d’auteurs français et latins, il est décidé de s’aligner sur les programmes locaux. Quelques isolés seulement continuent à passer leurs grades à Paris jusqu’à la guerre.

31Si l’enseignement est conforme à celui qui est donné dans les facultés d’État, les maîtres renforcent le caractère de leur enseignement par toute une série d’exigences propres. En lettres les étudiants sont astreints à suivre quatre cours généraux portant sur les littératures classiques (française, latine et grecque) et étrangères. Ces cours sont soigneusement distingués des « conférences » destinées à préparer les auteurs du programme. Leur objectif est de donner une bonne culture générale. Ils sont cependant vécus comme une surcharge par des étudiants qui cherchent souvent à y échapper. Deux fois par an, un examen répond aux mêmes préoccupations. Jusqu’à la guerre il est construit sur le modèle des examens officiels mais comporte un beaucoup plus grand nombre d’épreuves : examen de la faculté et expression de sa pédagogie, il ne donne aucun diplôme mais on lui attache toutefois la plus grande importance, comme expression de sa personnalité propre. Or les réformes d’après-guerre rendent difficiles l’organisation de cet examen de culture générale qui est remplacé par une année préparatoire de rhétorique supérieure couronnée par un certificat d’études littéraires classiques (anticipation d’une réforme qui se réalisera une dizaine d’années plus tard). Seuls les ecclésiastiques y sont tenus, cette année étant simplement conseillée aux autres étudiants. La réforme de 1932, qui en est comme une « consécration officielle » (L. Bayard) supprime la raison d’être de cet examen qui subsiste toutefois pour les étudiants qui n’ambitionnent pas de diplôme officiel ou pour des étudiants étrangers.

Article de Pierre-Henri Simon publié dans Catho le 15 mai 1931.

Article de Pierre-Henri Simon publié dans Catho le 15 mai 1931.

Cette revue est alors considérée par le conseil supérieur comme un « danger ».

Situation juridique

32Cette question des examens, récurrente, est l’un des problèmes importants auxquels est confronté le recteur qui s’ajoute à une gestion administrative et financière lourde et onéreuse. La situation juridique assez complexe dans la mesure où l’institution est à la fois de droit romain et de droit français fait l’objet d’une mise à jour qui aboutit en 1938 à une nouvelle rédaction des statuts.

  • 10 Mgr Charost a été nommé à titre temporaire après la mort de Mgr Hautcœur en juillet 1915 et confirm (...)

33Si les statuts originels n’ont connu que de faibles modifications jusqu’en 1920, à cette date, il faut prendre en compte une situation renouvelée par la création du diocèse de Lille, d’une part, et la publication, en 1917, du code de droit canonique. Le texte des statuts de l’Université catholique, en date du 10 avril 1920, précise que l’archevêque de Cambrai préside le conseil supérieur, tandis que le chancelier est désormais l’évêque de Lille10. Ce texte est en fait une refonte des statuts de 1877, intégrant les emendationes de 1887-1888. Il n’y a pas de modification fondamentale. Notons simplement qu’après la crise moderniste, la surveillance du Saint-Siège a été accrue sur le recteur mais aussi sur les professeurs de droit canonique, de théologie, de philosophie scolastique, nommés par le Saint-Siège sur présentation du conseil supérieur. Le Saint-Siège a seul le droit de suspension et révocation des enseignants nommés par lui (art. 6 et 7). Les enseignants et les clercs sont toujours soumis au serment antimoderniste instauré par Pie X, qui est renouvelé chaque année lors de la messe du Saint-Esprit à la rentrée.

34En 1924, par un indult, Rome accède à la demande de Mgr Lesne, de faire passer le nombre de membres du CA de 15 à 25, « en raison de l’intérêt qu’il y a pour l’Université de s’entourer d’un nombre important d’amis dévoués et éclairés ». Il faut aussi intégrer la création de plusieurs écoles dans l’organisation administrative de l’université. La composition du sénat académique est modifiée et inclut désormais leurs directeurs.

35Après la publication en 1931 de deux textes importants : la constitution apostolique du pape Pie XI Deus scientiarum Dominus de Universitatibus et Facultatibus ecclesiasticorum et l’ordonnance de la Sacrée congrégation des séminaires et universités qui lui a fait suite, les statuts de l’Institut catholique sont quelque peu amendés en 1938. Le grand chancelier, tel qu’il est désormais désigné, doit recevoir la profession de foi du recteur conformément au code de 1917. C’est lui qui préside les doctorats et signe le premier les diplômes de licence et doctorat. Les écoles et instituts annexés aux facultés sont désormais mentionnés mais leur rattachement reste précaire : « ni les uns ni les autres n’ont caractère statutaire et ils peuvent être supprimés au gré du Conseil supérieur ». Ces écoles ont leurs règles et directions propres (les directeurs sont nommés par le conseil supérieur, sur proposition du recteur) tout comme les facultés ont leurs statuts. On s’achemine vers une plus grande autonomie des facultés rendue nécessaire par le développement de l’Université. Le rôle du doyen est mis en valeur, tandis qu’il peut être déchargé de certaines de ses fonctions par des assesseurs. Quelques modifications concernent la nomination du recteur « magnifique », par le Saint-Siège sur présentation du chancelier, au nom du conseil supérieur. Il demeure dans son office ad nutum Sanctae Sedis, c’est-à-dire tant que dure la volonté du Saint-Siège. Il n’est plus forcément docteur en théologie, ce qui ouvre la porte à d’autres compétences. C’est lui qui reçoit la profession de foi des professeurs et de ceux qui sont promus aux grades académiques.

36Outre ces modifications d’articles existant dans les statuts précédents, sont ajoutées trois nouvelles rubriques concernant les professeurs, les étudiants, la bibliothèque et les instruments de travail, conformément au titre II de Deus scientiarum Dominus « des personnes et du gouvernement ». À propos des professeurs de la faculté de théologie, qui a des statuts particuliers, est introduite la notion de mission canonique. Le nombre de professeurs par matière est précisé, pour répondre à une exigence de Pie XI, soucieux qu’ils ne soient pas surchargés et aient du temps pour leurs travaux de recherche. Inédit le titre X sur les étudiants qui « doivent, s’ils sont clercs ou religieux, présenter les lettres testimoniales de leur Ordinaire ; s’ils sont laïcs, un certificat de bonne conduite délivré par l’établissement où ils ont fait leurs études secondaires ou par le curé de leur paroisse ». On rappelle en ce qui concerne les cursus qu’ils sont soumis à la loi française. Le titre XI sur la bibliothèque et les instruments de travail répond à ces mêmes exigences, la loi faisant obligation aux universités libres de disposer d’un minimum d’infrastructures pour les études : bibliothèques, laboratoires, ateliers, hôpitaux, dispensaires, etc. Il n’y aura plus d’autres modifications avant les profondes transformations des années soixante-dix.

37Parallèlement, une autre dimension de la consolidation de l’Institution est la reprise des chantiers interrompus par la guerre et la mise en œuvre de nouvelles constructions.

Construction de l’aile droite de l’hôtel académique

Construction de l’aile droite de l’hôtel académique

L’aile de droite abrite à gauche de la tour lanterne la salle des actes et l’aula maxima, à droite, les locaux affectés à l’école des hautes études commerciales (rez-de-chaussée) à l’école des sciences sociales et politiques et à l’école de journalisme (1er étage) et à la faculté des lettres (2e étage), photo 1927

Couloirs de l’hôtel académique, à partir de l’entrée du 60 bd Vauban

Couloirs de l’hôtel académique, à partir de l’entrée du 60 bd Vauban

atrium de l’aile droite et escalier vers l’aula maxima avec les entrées de la salle des actes et de la salle Montalembert (aujourd’hui amphi René Théry).

Atrium de l’hôtel académique, entre la cour d’honneur et le jardin et couloir

Atrium de l’hôtel académique, entre la cour d’honneur et le jardin et couloir

Couloir de l’hôtel académique vers la rue François Baës avec à droite le secrétariat et plus loin la bibliothèque.

Couloir de l’hôtel académique vers la rue François Baës avec à droite le secrétariat et plus loin la bibliothèque.

Remarquer la statue de saint Pierre

Vue des ailes de l’Aula maxima et de la chapelle depuis le perron

Vue des ailes de l’Aula maxima et de la chapelle depuis le perron

Photo G. Leroy-ICL

La salle des actes peut contenir (estrade, parterre, tribune) 500 personnes.

La salle des actes peut contenir (estrade, parterre, tribune) 500 personnes.

Elle sert aux soutenances de thèses, aux cours et conférences d’un intérêt général

L’aula maxima est destinée aux séances solennelles.

L’aula maxima est destinée aux séances solennelles.

Elle peut contenir 3 000 personnes. Le parterre incliné a 25 m de large sur 23 m de longueur. Deux étages de tribunes s’élèvent sur les trois côtés, sans qu’aucune colonne de soutènement gène les mouvements et les regards du public. L’estrade peur recevoir 200 personnes.

La Chapelle universitaire : reprise et achèvement des travaux.

La Chapelle universitaire : reprise et achèvement des travaux.

État de la construction en 1921

Entre le chœur et la chapelle absidiale

Entre le chœur et la chapelle absidiale

Chapelle terminée

Chapelle terminée

La Chapelle universitaire extérieur : façades des transepts.

La Chapelle universitaire extérieur : façades des transepts.

Statue de l’archange saint Michel dominant la façade nord

Statue de l’archange saint Michel dominant la façade nord

Photo G. Leroy-ICL

Le programme des vitraux établi par Mgr Lesne.

Le programme des vitraux établi par Mgr Lesne.

Constructions

38À l’issue de la guerre, il a fallu parer au plus pressé. Un à un les bâtiments universitaires ont été réparés, équipés de réseaux d’éclairage et de chauffage central. Il en est de même pour les laboratoires, dispensaires et hôpitaux. Dans un premier temps on a choisi de surseoir aux travaux de la chapelle. Mais tandis qu’approchent les fêtes du cinquantenaire il apparaît urgent d’achever ces travaux interrompus par la guerre et dont le chantier a été endommagé : la chapelle absidiale est achevée, le 11 novembre 1922 et l’église universitaire solennellement bénite, le 18 novembre 1924.

39On met aussi en chantier l’aile droite, dont le premier tronçon comportant la salle des Actes et la salle Vareilles-Sommières est inauguré en novembre 1925. Le second est achevé à la rentrée 1926-27, les grilles de la cour d’honneur montées et l’on peut inaugurer l’Aula maxima en 1927, à l’occasion des fêtes du cinquantenaire. Pour faire face à ces dépenses, l’Université catholique bénéficie de dommages de guerre auxquels s’ajoutent des dons. L’autel de l’abside est offert par l’association des anciens, le maître autel par un « généreux ecclésiastique ».

 

  • 11 Brigitte de la Sayette « Les vitraux de l’Église de l’Université catholique de Lille » Ensemble Jui (...)

40L’architecte Jean-Baptiste Maillard avait travaillé un style néogothique assez lourd et massif, qui contraste quelque peu avec le style plus enlevé du palais académique. La grande église de briques roses rehaussées de pierres blanches, dont la nef est surmontée d’un vaisseau de pierres sculptées utilise un répertoire néogothique très décoratif ; les bas-côtés sont étroits surmontés d’une tribune, le transept peu débordant, le chœur volumineux avec chapelle haute fermée dite absidiale. Dès 1913, les travaux étant suffisamment avancés plusieurs maitres-verriers ont fait des offres pour la réalisation des vitraux11. En juin 1914 des pourparlers ont été engagés avec maître Muraire d’Évreux qui a fourni un projet de volutes décoratives sur fond de vitrerie géométrique. Mais lorsque la guerre a interrompu les travaux, l’église a été simplement pourvue d’une vitrerie blanche provisoire.

Quelques vitraux réalisés

Quelques vitraux réalisés

Guérison de l’aveugle et du paralytique

Le semeur et le bon pasteur, avec la signature de Pierre Turpin

Le semeur et le bon pasteur, avec la signature de Pierre Turpin

Vitrail en l’honneur de Mgr Baunard adoration des mages et présentation au temple

Vitrail en l’honneur de Mgr Baunard adoration des mages et présentation au temple

Photos G. Leroy-ICL

Vitrail en l’honneur de Mgr Lesne (recevant la Légion d’honneur)

Vitrail en l’honneur de Mgr Lesne (recevant la Légion d’honneur)

Photos G. Leroy-ICL

41Mgr Lesne devenu recteur trouve la lumière trop blanche, trop claire et souhaite doter l’église entière de vitraux. Un don lui permet de lancer le projet : Louis Derville et ses sœurs offrent 12000 F à l’Université en mémoire de leurs parents. Lesne attribue immédiatement cette somme à la réalisation d’un vitrail. Il trace le programme thématique général « pour donner au vitrail offert la place qui lui revient dans une composition d’ensemble » et exécuter ainsi une « œuvre belle, pieuse et bien ordonnée ». Ce programme concerne les dix-huit fenêtres du rez-de-chaussée, larges baies en arcs brisés, comportant deux lancettes géminées surmontées d’une rosace trilobée qui abrite un médaillon (54 motifs) ; les quatre fenêtres des galeries hautes du chœur toujours dans une large baie en arc brisé, comportant une lancette centrale, flanquée de deux petites lancettes à arc brisé. Pour les quatorze autres fenêtres de l’étage (sur même modèle), il ne donne que quelques indications, ainsi que pour les autres fenêtres de l’église : les béatitudes pour les huit baies du retable ajouré du chœur, Notre-Dame des étudiants ou les saints patrons de l’université pour la rosace du transept à droite, « Dieu maitre des sciences » pour celle de gauche qui est réalisée, la transfiguration, la résurrection et l’ascension pour les trois fenêtres de la façade.

42Ce programme constitue une catéchèse destinée aux étudiants dont le parcours doit se faire comme un chemin de croix de fenêtre en fenêtre, à partir de l’entrée habituelle des étudiants, à droite du chœur, par la porte donnant sur le palais académique (et non à partir de l’entrée principale sur le boulevard). Le parcours structuré et cohérent respecte la chronologie de la vie du Christ. Il s’agit de donner un enseignement religieux en complément du programme universitaire, sorte d’« évangile de l’étudiant », devant lequel il puisse trouver un sujet de méditation : exhortations, mises en garde… fondées sur la vie de Jésus lui-même. Le choix est fait de 36 épisodes de la Nativité à la Pentecôte. Pour les galeries hautes du chœur les thèmes primitivement choisis sont l’annonciation, la visitation, la Mater dolorosa et le couronnement de la Vierge, constituant comme le prélude et la conclusion du cycle des fenêtres du rez-de-chaussée. Le programme prévoit également les figures ornant les médaillons : évangélistes, patriarches, prophètes, apôtres…

Détails des vitraux avec les dédicaces

Détails des vitraux avec les dédicaces

Photos G. Leroy-ICL

43Mgr Lesne choisit le mode du concours pour recruter le maître-verrier. Vingt fenêtres sont prévues et les scènes neuf et dix représentant la vocation des apôtres et les Fils de Zébédée sont soumises au concours. Parmi les contraintes, il leur faut inscrire lisiblement la légende en latin du sujet présenté et réserver une place pour le nom du donateur de chaque vitrail. Le concours est lancé en 1929. C’est Pierre Turpin, verrier lillois, avec des cartons d’Henri Morin qui l’emporte. Mais seules quatorze fenêtres pourront être dotées de vitraux, au fil des années, travée par travée. Parmi ceux-ci les quatre vitraux du chœur réalisés en 1935 représentant les quatre recteurs de l’Université : Hautcœur, Baunard, Margerin et Lesne, financés par souscription pour la nomination dans la Légion d’honneur de Mgr Lesne qui fournit 17000 F et un don anonyme de 20000 F, venant à n’en pas douter du recteur lui-même. Sans doute y a-t-il aussi une contribution personnelle de Pierre Turpin. Le programme est arrêté par la guerre et la mort de Mgr Lesne. En 1941, Pierre Turpin, exilé à Paris demande à Henri Morin un devis pour les maquettes et cartons des vitraux encore à réaliser. Il ne semble pas qu’il ait pu y donner suite. Il meurt en 1944 et son atelier est vite abandonné.

44Une statue de l’archange saint Michel, enfin, érigée en 1929 au-dessus de la chapelle, côté cour d’honneur, « défie et écrase toutes les puissances du mal déchaînées contre nos constructions matérielles, intellectuelles et spirituelles » (Lesne).

45Outre ces travaux, qui permettent d’achever l’ensemble prévu à l’origine par les plans de Dutouquet, débute une série de constructions isolées répondant à des besoins ponctuels. Le secteur médical et plus particulièrement hospitalier est le premier concerné. Grâce au don des familles Delassus et Sander, la maternité Sainte-Anne, permettant de répondre à de nouveaux besoins, est inaugurée solennellement le 19 novembre 1925, boulevard Vauban et ouverte en mars 1926. Après la maternité est construite la polyclinique Saint-Philibert : un ensemble de consultations est inauguré le 16 novembre 1933 par le nonce Mgr Maglione, l’hôpital avec 70 lits ouvre ses portes en 1934.

46La présence des jeunes filles nécessite aussi de prévoir leur hébergement. Des religieuses ursulines sont chargées de leur encadrement et une maison est construite, rue du Gros-Gérard, la maison Sainte-Marguerite avec « le confort moderne ». Elle est vite trop petite et, en 1933, elle est transférée 392 rue Gambetta, où est transformé un ancien hôtel particulier, avec 20 chambres, un foyer, des salles d’études et de divertissement et une chapelle au sein d’un grand jardin.

47Il faut pour tous ces travaux, comme pour un certain nombre d’autres dépenses d’entretien, de rénovation ou de modernisation – en 1923 est installée une 1re ligne de téléphone qui suffira pendant une quarantaine d’années à répondre aux besoins de l’ensemble universitaire – des moyens financiers auxquels contribuent les dommages de guerre ou des dons. Mais la question financière reste très prégnante.

Et toujours des difficultés financières

48Les difficultés financières dans lesquelles se débat la Catho au lendemain de la guerre menacent son existence même. Ses principaux pourvoyeurs, le commerce et l’industrie sont eux-mêmes dans le besoin. Il faut tendre la main ailleurs, ce qu’a fait le chanoine Dimnet aux USA. La souscription, qui reste la principale source de revenus, redémarre lentement. On cherche des correspondants pour la relancer à travers les différents diocèses. À cette fin, le chanoine Paul Melchior (1898-1977) entre aux facultés catholiques, en octobre 1931, comme directeur de la souscription. Pendant 28 ans il va chaque dimanche, dans les paroisses du Nord et du Pas-de-Calais, assurer la prédication et faire connaître les facultés catholiques afin de leur procurer les ressources nécessaires à leur fonctionnement.

49Il faut bien dire que les finances manquent aussi parce que le soutien des catholiques n’est pas toujours au rendez-vous, qu’il s’agisse de leur soutien financier ou de leur empressement à reconnaître et utiliser les services des facultés catholiques. Maintes fois les évêques de la province leur rappellent leur devoir en ce domaine. À ceux qui, y compris chez les catholiques, évoquent des sommes énormes englouties en pure perte par l’enseignement libre, Mgr Lesne répond que cet enseignement ne coûte pas ce qu’il vaut, sinon son budget quadruplerait, qu’aux maîtres sont sans cesse demandés des sacrifices qui les honorent, mais qu’il n’est « pas honorable de leur laisser porter ». La charité des catholiques est trop tiède, ajoute-t-il.

Le chanoine Paul Melchior, responsable de la souscription

Le chanoine Paul Melchior, responsable de la souscription

50Cette situation pèse sur un certain nombre de choix du CA, au regard en particulier des engagements personnels des administrateurs et des souscripteurs qui, lors des crises sur lesquelles nous reviendrons – Action française, accueil dans les locaux de l’université de manifestations du syndicalisme chrétien, choix des enseignants et des programmes – démissionnent ou font planer des menaces sur la souscription. Cette problématique est, par exemple, au cœur des tensions entre le recteur et Paul Feron-Vrau qui démissionne en 1931 de la présidence du CA. Il n’est pas d’accord avec le choix de construire un véritable hôpital autour de la maison Saint-Camille et avec le projet d’y recevoir des indigents qui bénéficieraient des Assurances sociales. Feron-Vrau estime les ressources insuffisantes et pense que le projet risque de compromettre l’œuvre entière, tandis que la souscription diminue, en contexte de crise économique et sociale. Mgr Lesne estime que cette construction est indispensable à la survie de la faculté de médecine.

51D’autres demandent que l’on augmente les traitements des professeurs, au risque de compromettre leur recrutement si rien n’est fait sur ce plan. Cette question et celle de leur retraite revient de façon récurrente. Décès, démissions, mutations, retraites ont été à l’origine de nombreux changements dans le corps professoral qui comporte toujours beaucoup d’ecclésiastiques mais aussi de plus en plus de professeurs laïcs avec charge de famille, ce qui n’est pas sans conséquences sur le budget. Certains professeurs âgés coûtent cher à l’institution, même si a été résolu le problème des promesses faites à l’origine. D’autres ne répondent plus à ce que l’on attend d’eux et se pose la question de leur mise à la retraite. Il semble alors que celle-ci puisse être exigée à 70 ans. Mais la caisse de retraite existante est grevée par les pensions des veuves. C’est une question de solidarité même si Paul Feron-Vrau estime qu’à cet égard l’intérêt de la Catho n’est pas en jeu. Comme déjà les fondateurs, Mgr Lesne attache beaucoup d’importance à la réputation des maîtres, dont les compétences doivent être vérifiées par l’étude et les recherches personnelles. Il a le souci d’attirer des vrais savants et de ne laisser accès aux chaires, par le moyen des épreuves et concours, qu’à des compétences indiscutables, reconnues tant par le monde savant que par la caution extérieure de la collection « Mémoires et travaux » et le concours d’Agrégation. Ain que ces maîtres puissent également se consacrer totalement à leurs étudiants, Mgr Lesne insiste pour qu’ils demeurent à proximité et que dans la mesure du possible ils ne soient pas accaparés par d’autres obligations professionnelles ou politiques. Ce dernier point fait débat, nous y reviendrons. Ces problèmes sont d’autant plus cruciaux que le creux démographique consécutif à la baisse de la natalité pendant la guerre affecte le recrutement et que les événements de 1936 risquent d’aggraver encore le déficit, en raison de la nécessité de relever traitements et salaires tandis que la souscription connait une nouvelle diminution inquiétante et que les autres ressources voient diminuer leur rendement.

52Ces difficultés récurrentes n’empêchent pas quelques initiatives originales qui font pendant ces années la réputation de la Catho et auront parfois un rayonnement durable. Si quelques-unes concernent les facultés, il est vrai aussi que s’amorce alors le développement des écoles qui s’accélèrera après la guerre tandis que certaines facultés voient simultanément baisser leurs effectifs.

Des initiatives originales

École de journalisme

Paul Verschave et des étudiants de l’école de journalisme, 1930-31

Paul Verschave et des étudiants de l’école de journalisme, 1930-31

Les quatre pages du tract en vue de la souscription, années 1930

Les quatre pages du tract en vue de la souscription, années 1930
  • 12 Cf., « L’ESJ racontée par des témoins de sa vie. Documents et souvenirs réunis et accommodés par Ma (...)

53Après une section de journalisme, annexe des facultés de droit et lettres, une école de journalisme est fondée, en 192412. Première en France, elle a pour objectif de former journalistes et hommes de presse. Il s’agit d’une initiative de l’Assemblée des cardinaux et archevêques (ACA) qui, en février 1923, exprime le désir que « les recteurs des Instituts catholiques étudient les voies et moyens d’établir chez eux, s’ils la jugent possible, une École de journalistes, en utilisant les cours déjà existants et en y ajoutant quelques cours spéciaux. » Le contexte est celui de ces années où, après avoir reconquis son droit de cité dans les tranchées, l’Église catholique craint de voir resurgir les vieux démons de la République anticléricale et prend conscience de l’importance de l’opinion dans une démocratie. Angers et Lille rédigent un projet. Celui de Lille emporte l’adhésion de l’épiscopat, sans doute parce que malgré sa position excentrée, elle réunit les cinq facultés traditionnelles, que sa faculté de droit jouit d’une réputation internationale et que son institut des sciences sociales et politiques a montré aux évêques ce dont elle est capable. Le fondateur de l’école de journalisme, Paul Verschave (1878-1947) a fait ses études à la faculté de droit et à la section des sciences sociales et politiques et est, depuis 1911, maître de conférences à la faculté. Après avoir été prisonnier pendant la guerre il est revenu à Lille et enseigne le droit administratif. Il dirigera l’école jusqu’à sa mort, en 1947. Il a été dirigeant de la Jeunesse catholique après avoir également milité au sein de l’Action libérale populaire. À partir de 1937 il préside le congrès international de la presse catholique.

  • 13 René Pelatan, un des premiers élèves de l’école, deviendra directeur du Journal de la Marne à sa so (...)
  • 14 Entre Nous : le nom est le même que celui du bulletin du séminaire académique.

54À la première rentrée, en 1924, les étudiants ne sont que trois, quatre ou cinq selon les sources. C’est cette petite section qui assure, en 1927, le service de presse des fêtes du cinquantenaire. Les trois premières promotions réunies ne totalisent que 15 étudiants, jamais plus de 11 par promotion. 29 étudiants sont inscrits en 1936-37, dont vingt-cinq français parmi lesquels six étudiantes. Ils viennent de divers pays d’Europe. Cette même année, l’abbé Franz Koenig, futur archevêque de Vienne (1952), suit tout à la fois les cours de deuxième année de l’école de journalisme et de troisième année de l’école des sciences sociales et politiques. La formation dure trois ans, avec exercices pratiques et stages de vacances, auprès de diverses rédactions en France. L’école est installée alors dans trois pièces au premier étage de l’hôtel académique qu’elle ne quittera qu’en 1966 après s’être agrandie progressivement. Dans l’une des salles sont donnés les enseignements spécifiques, peu nombreux, tandis que les étudiants suivent la majorité des cours dans les facultés de lettres et droit ou à l’institut des sciences sociales et politiques. En 1932, les anciens de l’ESJ (une cinquantaine) se constituent en association, sous la présidence de René Pelatan13 et sous le patronage de saint Paul. Un bulletin Entre Nous14 est publié.

École des sciences sociales et politiques

55L’école des sciences sociales et politiques est rapidement réorganisée après la Première Guerre mondiale, avec le personnel disponible. Quelques licenciés ou diplômés d’enseignement supérieur pas tout à fait préparés pour ce genre de travail se joignent aux docteurs. Parmi les juristes, on peut citer César Chambrun qui a succédé à Claude Arthaud dès 1912, Tancrède Rothe, Maurice Gand, Maurice Vanlaer, Paul Verschave, Eugène Duthoit, Paul Boyaval. François Cau, licencié ès-sciences, diplômé d’école supérieure de commerce, trois ecclésiastiques de la faculté des lettres, Émile Lesne, Auguste Leman et Pierre Tiberghien, apportent également leur concours. À partir de 1920, des cours communs avec l’EHEC sont organisés. D’autres enseignants rejoignent les précédents, l’abbé Joseph Peter, spécialisé en histoire économique et sociale, l’abbé Baeckeroot licencié ès-lettres (histoire) et ès-sciences, l’abbé Albert Muller venu d’Anvers où il enseigne à l’école supérieure des sciences commerciales, financières et consulaires, le chanoine Henri Dutoit secrétaire général des FCL, le chanoine Édouard Thamiry, doyen de la faculté de théologie, l’abbé Hugueny, canoniste et théologien qui succède à Tancrède Rothe. Un jésuite, Achille Danset qui, avant d’entrer au noviciat, a travaillé dans l’entreprise de son père à Armentières, enseigne l’économie sociale, le dominicain Joseph Delos (1891-1974), ancien étudiant, est spécialiste du droit naturel ; l’abbé Gaston Delépine, professeur de géologie à la faculté des sciences, donne un cours sur la « géographie de l’Europe nouvelle ». À leurs côtés, interviennent des conférenciers aux compétences diverses, parmi lesquels on note les noms de Pierre Bayart, Pierre Deffontaines, Marcel Prélot, François de Menthon, Adolphe Choteau, Joseph Danel, ces quatre derniers étant appelés à un rôle politique important. Plusieurs professeurs de la faculté de médecine apportent aussi leur concours à l’école et à sa section d’anthropologie : Henry Duret († 1921), Gonzague Eustache, Henri Desplats, Maurice D’Halluin. L’école est un lieu de diffusion des conceptions du catholicisme social. Elle contribue à la formation humaine et sociale des étudiants des facultés et écoles. Elle décerne ses propres diplômes y compris des titres de maîtres ou docteurs à des étudiants étrangers. Un important bulletin bibliographique est publié à partir de 1921, chaque mois, comme supplément du Bulletin des Facultés catholiques de Lille. La participation de l’Université catholique, en 1921, aux manifestations du sixième centenaire de Dante par une série de conférences publiques organisées par l’école des sciences sociales et politiques est une autre expression de son rayonnement.

École de service social

  • 15 Valentine Charrondière (1878-1953) était institutrice de l’enseignement public dans la région lyonn (...)

56Valentine Charrondière15, inspectrice du travail, fonde en 1931 une école d’infirmières « visiteuses d’hygiène sociale à l’enfance et à la tuberculose », puis en 1932, avec l’aide d’Eugène Duthoit, l’école de service social de la région du Nord. Celle-ci fonctionne d’abord comme section de l’école des sciences sociales et politiques, avant de prendre son autonomie dans le cadre des facultés catholiques de Lille. La première année est commune avec les étudiantes infirmières (école d’infirmières fondée en 1923). Elle prépare ses élèves au diplôme d’État de service social, récemment créé. Valentine Charrondière dirige cette école jusqu’à sa mort en 1953. Elle donne également des cours de méthodologie et d’initiation aux enquêtes sociales à l’école des sciences sociales entre 1930 et 1937, enseigne à l’école normale ouvrière, organise des sessions de formation intensive au service social.

57En 1938, des décrets nécessitent une nouvelle organisation tant de l’école de service social que de l’école d’infirmières. Celle-ci se consacre uniquement à la formation des hospitalières en deux ans, tandis que la première absorbe celle des visiteuses de l’hygiène sociale de l’enfance et des visiteuses de la tuberculose. Les études y durent trois ans et la première année des deux écoles est commune. L’école d’infirmières reste attachée à la faculté de médecine

École des missionnaires du travail

  • 16 Lettre de la Sacrée congrégation du concile à Mgr Liénart (1929) : texte important, qui dans le con (...)
  • 17 « Au service du monde du travail : les mémoires de fin d’année des étudiants de l’École des mission (...)
  • 18 Lettre de la Sacrée congrégation à Eugène Duthoit.

58Créée à la demande de Pie XI, en 1932, et composée à l’instar du séminaire académique d’étudiants ecclésiastiques, l’école des missionnaires du travail s’en différencie en n’admettant que des prêtres ayant déjà effectué quelques années de ministère. Déjà la Lettre à Mgr Liénart de la Sacrée congrégation du Concile, en 192916, reconnaissant le syndicalisme chrétien, a suggéré la nomination dans les régions industrielles de « missionnaires du travail » « dont l’apostolat, outre qu’il protégera les populations contre le mal de l’indifférence et du péril socialiste et communiste, sera aussi un témoignage de la sollicitude dont l’Église entoure les travailleurs ». La création de ce corps spécialisé, note Jean-Pierre Ribaut17, nécessite la mise en place d’un organisme de formation, qui apporte aux jeunes prêtres destinés à ce ministère « une préparation appropriée qui complète, par de fortes études sociales, leurs études philosophiques et théologiques, en même temps qu’elle adapte pratiquement aux exigences spéciales du monde ouvrier leur formation apostolique générale »18. Aussi est-ce sous l’égide de la faculté de droit que cette école est ouverte, comme une section de l’école des sciences sociales et politiques. Elle devient bientôt un organisme distinct (comme la section de service social). Eugène Duthoit en assure la direction. La première promotion compte trois candidats venant des diocèses de Lille, Arras et Strasbourg. Les cours comportent une formation à la doctrine sociale de l’Église, à partir de l’étude des documents pontificaux, mais aussi, et c’est une nouveauté, une formation aux structures de monde qui les entoure : économie politique, droit du travail, histoire de la classe ouvrière, analyse du marxisme, initiation à la sociologie et aux problèmes de l’entreprise, ainsi que des stages pratiques.

  • 19 Quelque 200 mémoires ont été rédigés pendant les 40 ans d’existence de l’école, qui témoignent de s (...)
  • 20 Henri Godin avec Yvan Daniel auteur en 1943, de France, pays de mission ? Lyon, 1943 éditions de l’ (...)
  • 21 Cf. Jean-Pierre Ribaut op. cit. p. 115.

59Un mémoire19 de fin d’études couronne alors une scolarité au sens strict du terme, marquée par des examens trimestriels dans chaque discipline d’enseignement. Les sujets de recherche s’intéressent aux rapports de la justice sociale et de la charité ou au travail mais, surtout, s’intéressent directement à l’apostolat dans le monde ouvrier. Les notions de vie ouvrière et d’Action catholique apparaissent constamment dans les titres. Certaines études gardent une orientation historique, portant sur les catholiques sociaux du XIXe siècle, par exemple, mais aussi sur l’histoire proche comme, dès juin 1937, une analyse des événements de l’année précédente en France et de leur impact prévisible. Des travaux abordent les aspects de la vie ouvrière par des voies indirectes et mettent en œuvre les notions de culture et d’éducation. Au premier rang se détache le sujet choisi par l’abbé Henri Godin20, des Fils de la Charité, étudiant en 1934-1935 : Déclassement, Religion et Culture humaine : Essai de psychologie sociale. Mais la préoccupation de l’éducation, de l’orientation professionnelle, de l’influence du marxisme sur l’enfant montrent assez combien les étudiants ont déjà une conscience très nette de problèmes qui prendront, par la suite, une importance grandissante.21

60En février 1937, cette école reçoit officiellement l’appui de l’Assemblée des cardinaux et archevêques. La personnalité d’Eugène Duthoit et la floraison des œuvres sociales dans la région contribuent à sa réputation. Ses étudiants viennent de 15 diocèses. Chacun des diocèses de France y envoie tour à tour un ou plusieurs jeunes prêtres destinés à la direction des œuvres ouvrières. Quelques-uns sont aussi originaires d’Angleterre, du Canada, sur impulsion du Saint Siège lui-même. Par exemple en 1937-38, il y a 21 étudiants, dont douze Français, trois Anglais, quatre Canadiens, deux Espagnols, un Tchécoslovaque.

  • 22 Henri Barbeau (1905-1983), originaire du diocèse de La Rochelle, a fait ses études à partir de 1930 (...)

61Parmi les professeurs il faut noter l’influence de l’abbé Pierre Tiberghien, avant comme après la guerre, qui participe à sa fondation et s’attache en particulier à commenter les grandes encycliques sociales des papes depuis Léon XIII ; ou encore celle d’Henri Barbeau, qui est simultanément chargé de conférences religieuses au Poste de Radiodiffusion de Paris (1937), de Radio-Sud-Ouest (1938) et de Radio-Luxembourg (1938)22.

Cours d’initiation médicale et scientifique pour les missionnaires

Le père Joseph Loiselet, jésuite fondateur de la LMEF

Le père Joseph Loiselet, jésuite fondateur de la LMEF
  • 23 Georges Depape (1884-1969), enseignant à la faculté des sciences, directeur diocésain de l’enseigne (...)

62Initiative originale de la faculté de médecine, les cours d’initiation médicale et scientifique, enseignement théorique et pratique pour les missionnaires et leurs collaborateurs, sont lancés en 1926 par le P. Joseph Loiselet. Dès 1880, le cardinal Lavigerie avait envoyé à Lille les six premiers étudiants algériens. Destinés à devenir médecins ou officiers de santé dans leur pays, ces étudiants étaient douze en 1882, dix-huit en 1883, sélectionnés dans les orphelinats installés par la société des Pères blancs. L’expérience jugée alors positive semble cependant s’être terminée dès 1885 et il faut attendre 1923 pour que surgisse un nouveau dynamisme missionnaire sous l’impulsion du P. Loiselet. Ce jésuite a fait des études de médecine à Lille puis à Dijon, sa ville natale. On le retrouve ensuite à Paris à l’Institut Pasteur et à l’Institut de médecine coloniale, à Madagascar où il dirige une clinique, un dispensaire et une léproserie, puis à la faculté de médecine de Beyrouth à la tête de l’institut de recherche parasitologique. À 49 ans, il doit revenir en France en raison de problèmes de santé et s’attache, à partir de 1923, à faire découvrir les maladies tropicales aux étudiants lillois. Il meurt en 1935. Sa grande idée est d’organiser des sessions médicales missionnaires. La première débute en octobre 1926 et dure six semaines. Elle attire quelque vingt prêtres missionnaires et une religieuse, tous européens. Ces cours d’initiation gratuits ont ensuite été proposés chaque année, sauf pendant la guerre, et en 1947 font école en plusieurs endroits, notamment dans les facultés catholiques de Lyon ou dans l’Ordre de Malte. Ceux de Lille restent l’initiative la plus importante et la plus durable du genre, bénéficiant des enseignants et des équipements scientifiques et hospitaliers de la faculté de médecine. L’enseignement théorique et pratique comporte des stages hospitaliers le matin et des cours l’après-midi sur les pathologies les plus fréquemment rencontrées en pays de mission : tuberculose, lèpre, peste, amibiase, filarioses, paludismes, etc. Au début, est aussi proposée une initiation aux sciences naturelles par le chanoine Depape23, à la sociologie par Joseph Danel ou à la géographie par Pierre Deffontaines. Ces suppléments extramédicaux sont rapidement supprimés en même temps que les cours évoluent vers une pédagogie plus adaptée, sous forme d’entretiens. Le P. Loiselet crée aussi un bulletin qui maintient le lien avec ces assistants techniques médicaux en même temps qu’il continue à prodiguer des conseils et renseignements, et « l’Aide médicale », organisme fournissant aux missionnaires médicaments, instruments et livres, gratuits ou à prix réduits, depuis Paris. Il réalise enfin un Bréviaire médical à l’usage des missionnaires et des coloniaux, qui est publié en 1930 sous la direction de Léonce Thilliez, doyen de la faculté de médecine. Ce volume de 730 pages a obtenu la collaboration de nombreux enseignants de la faculté : Adrien Besson, Henry Billet, Louis Courty, Louis Danel, Henri Deherripon, Henri D’Hour, Carlos Lepoutre ou Jean Rieux. Il est plusieurs fois réédité, doublé d’un Guide missionnaire médical et pharmaceutique, dont Loiselet a accepté d’être le conseiller médical.

Session d’initiation médicale pour les missionnaires, années 1930

Session d’initiation médicale pour les missionnaires, années 1930

L’Orientation professionnelle

  • 24 École d’orientation professionnelle. La Croix du Nord 3 janvier 1945 « Une heureuse création, l’Ins (...)

63Le concept d’orientation professionnelle, avec lequel nous sommes aujourd’hui très familiers, est né dans les années 1930. Des services spécialisés se développent alors dans le contexte des difficultés liées à la crise des années 1930, à partir du constat de l’inadéquation entre les très nombreuses offres d’emplois et celles des offres non satisfaites. À la suite de décrets-lois de 1938 ayant pour objectifs de favoriser une hausse du niveau de la qualification professionnelle en même temps que d’assurer les formations répondant aux besoins de l’économie, des centres d’orientation sont mis en place pour guider les jeunes au sortir de l’école primaire vers des apprentissages adaptés. Mais c’est surtout après la Libération que les départements s’équipent de ces centres. Or dès 1932 un office a été créé par la Chambre de commerce de Tourcoing et, en mai 1938, un office gratuit interprofessionnel et familial d’orientation professionnelle est créé à Lille, à l’initiative de l’Union des syndicats professionnels de l’industrie lilloise. Très vite il apparaît nécessaire de former les orienteurs en même temps que de favoriser les liens entre les différentes personnes et instances concernées, écoles, médecins, assistance sociale et famille. Dès 1938, des cours sont organisés par l’Université catholique de Lille. Le fonctionnement en est interrompu au bout d’un an par la guerre et le local réquisitionné par les autorités allemandes, mais les cours reprendront dès la Libération, avec des stages dans les offices de Roubaix et Tourcoing. Ils se rattachent au programme national et le résultat est sanctionné par un certificat constatant l’assiduité aux cours, stages et travaux pratiques, et le succès à l’examen. Cet institut de formation des conseillers d’orientation de la Catho a pour objectif de guider les jeunes dans la recherche d’une profession convenant à leurs aptitudes, avec pour finalité dernière « leur bonheur physique, moral et spirituel ». Il s’agit pour l’Université catholique d’aider les jeunes à connaître leur « vocation », c’est-à-dire, dit-on alors, à « régler une décision libre selon la volonté de Dieu »24. Mais très vite le gouvernement retire les subventions accordées aux facultés catholiques, considérant que leur formation ne répond pas aux exigences du ministère, et le diplôme ne peut être reconnu. Quelles qu’aient été les raisons de ce refus il est révélateur d’une divergence profonde quant aux conceptions de l’orientation, que les uns veulent essentiellement service de sélection professionnelle, alors que les autres l’ont envisagée comme un service à la personne humaine en même temps qu’au bien commun, en complément de la formation donnée dans les facultés et écoles.

Facultés et écoles dans l’entre-deux-guerres

64En dépit des trous créés par la guerre, le personnel des facultés est peu à peu reconstitué et les facultés retrouvent bientôt leur fonctionnement normal. Mais après une hausse générale des effectifs étudiants, des difficultés apparaissent à partir des années 1930 auxquelles n’échappe aucune faculté.

Moqueries du journal Catho à l’endroit des étudiantes en droit

Moqueries du journal Catho à l’endroit des étudiantes en droit

Clémence Dupont, futur enseignante de la faculté de droit dont elle a été étudiante dans les années 1930

Clémence Dupont, futur enseignante de la faculté de droit dont elle a été étudiante dans les années 1930

Les étudiants reçus par Eugène Duthoit et son épouse

Les étudiants reçus par Eugène Duthoit et son épouse

La faculté de droit

  • 25 Un important colloque a eu lieu à l’Université catholique de Lille en 1994, à l’occasion du cinquan (...)

65La faculté de droit avait été marquée par la forte personnalité du marquis de Vareilles-Sommières qui avait dû affronter les luttes anticléricales et la permanente inquiétude du lendemain. Son successeur Louis Selosse, très absorbé par le barreau a laissé la plupart de ses responsabilités à l’un des ses assesseurs, Eugène Duthoit25, qui joue un rôle prééminent dans cette faculté bien avant d’en devenir doyen en 1924. Les querelles religieuses ont perdu de leur acuité et il peut affronter sa tâche dans un climat plus serein. Personnalité différente de son illustre prédécesseur, Eugène Duthoit en a été l’étudiant remarqué.

« Nous avons beaucoup d’étudiants aussi assidus que lui, plusieurs qui sont aussi intelligents, plusieurs qui parlent aussi bien et même un ou deux qui écrivent encore mieux, plusieurs qui ont au même degré que lui l’énergie du caractère, la délicatesse du cœur, un tendre dévouement pour l’Université catholique de Lille. Mais aucun ne réunit au même point toutes ces qualités et tous ces talents à la fois. Sans l’ombre d’une exagération, c’est l’étudiant parfait » (Vareilles-Sommières, 1889).

  • 26 René Théry, Ensemble, op. cit. 1976, p. 225.

66Sans doute l’élève ne laissera-t-il pas une œuvre intellectuelle comparable à celle de son maître mais son action a été beaucoup plus large au prix d’un immense labeur, d’un désintéressement absolu et d’une méditation incessante. Le ressort de sa vie est essentiellement d’ordre spirituel et il est l’un de ces « apôtres laïcs » qui ont marqué leur temps. Serviteur de l’Église, il se fait le champion du catholicisme social qui imprègne toute son œuvre intellectuelle. Après avoir dans un premier temps enseigné le droit constitutionnel, il consacre entièrement son enseignement à l’économie politique plus proche de ses préoccupations. Pour lui, les méthodes et programmes d’enseignement doivent porter la marque d’origine des facultés catholiques et « promouvoir une civilisation pénétrée de catholicisme », ce qui teinte ses cours d’un certain moralisme. Ses étudiants plaisantent volontiers sur son éloquence, sa solennité et même sa candeur, mais apprécient un maître toujours disponible26.

  • 27 La Bourgeoisie chrétienne est une création tout à fait originale du diocèse de Lille, mise en œuvre (...)

67Le nombre des étudiants de la faculté de droit augmente jusqu’à l’aube des années 1930 pour dépasser alors, avec plus de 200 inscrits, celui des étudiants en lettres. Il connait ensuite, avec quelques aléas, une baisse sensible pour remonter un peu au-dessus de 100 à la veille de la guerre. La faculté d’État qui a vu proportionnellement ses effectifs augmenter rapidement, en compte trois fois plus, alors qu’au début du siècle la faculté libre représentait quelque 90 % des effectifs. La réputation d’exigence de la faculté a sans doute dissuadé quelques étudiants espérant des succès plus faciles. Mais il est aussi certain que les conditions d’examens contribuent à la défection d’étudiants issus des collèges catholiques, même lorsque les études de droit deviennent plus exigeantes dans les facultés d’État. Le mouvement sera catastrophique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En attendant, dans les années 1930, la faculté est portée à son plus haut. Le doyen Duthoit s’enorgueillit, en 1937, d’un enseignement qui est loin d’être calqué sur les programmes officiels et dit sa fierté des cours de droit naturel, droit canonique, cours de religion et de déontologie, disciplines maîtresses qui apprennent à penser, mais aussi des enseignements, plus techniques et spécialisés, sur les assurances, le notariat, l’enregistrement. Les résultats aux examens, passés devant les professeurs de la faculté d’État de droit de Lille, sont à la hauteur des ambitions et beaucoup d’étudiants vont jusqu’au doctorat. Duthoit sait garder des contacts avec les deux doyens successifs, Mouchet et Paul Duez. Il sait aussi attirer quelques professeurs de choix : Fernand de Visscher, illustre romaniste belge mais qui rejoint bientôt Louvain et est remplacé par Marcel-Henri Prévost (1911-1977), le P. Joseph Delos (1891-1974) professeur de philosophie du droit international, Raoul Naz (1889-1977), historien et canoniste, Adolphe Choteau (1894-1975) civiliste, rédacteur en chef de la Revue du Droit maritime, Paul Verschave, fondateur de l’école de journalisme, Pierre Bayart (1882-1968), avocat, une des personnalités marquantes de la Catho, fondateur avec le P. Ranson du mouvement de la Bourgeoisie chrétienne27, et Joseph Danel (1885-1975) dont l’action a marqué profondément le monde patronal et ouvrier de la région. Certains sont d’anciens étudiants dont Duthoit favorise le recrutement : Marcel-Henri Prévost, Louis Blanckaert, Émile Hoffmann, René Théry ou Clémence Dupont. La réputation de quelques professeurs comme le P. Delos ou M-H. Prévost dépasse les frontières. Cela, ajouté aux relations traditionnelles avec Louvain, donne à la faculté de droit un rayonnement international. Duthoit tente d’asseoir sur cette réputation la création de diplômes et même d’un doctorat libre.

Pierre Bayart 1905

Pierre Bayart 1905

68Cette période est cependant assombrie par une forte indiscipline chez les étudiants : nombreuses manifestations de diverses natures, chahuts pendant les cours, qui répondent sans doute à une sympathique tradition estudiantine, comme une course à vélo dans les couloirs en 1932 mais qui, dans l’excès, affaiblissent la qualité du travail universitaire. Diverses techniques pour encadrer davantage les étudiants sont alors expérimentées avec plus ou moins de bonheur : cercles d’études de droit public et conférences de plaidoiries, conférences de révisions…

  • 28 Françoise Dekeuwer-Defossez, « Eugène Duthoit et le rôle de la femme dans la société », Colloque Eu (...)

69Eugène Duthoit se préoccupe aussi beaucoup de la vie des étudiants comme de celle des anciens, participant à diverses manifestations festives, créant des contacts avec les anciens dont il fait constituer un fichier. Il s’intéresse aussi au sort des étudiantes dont le nombre augmente. Une association des étudiantes présidée par Clémence Dupont (1912-1991) et placée sous la direction religieuse du chanoine Depape est créée en 1933. Certaines connaissent de belles réussites même si leur place n’est pas toujours facile à trouver et si elles sont souvent victimes des quolibets de leurs collègues masculins. La revue Catho en garde quelques traces. Françoise Dekeuwer-Defossez28 remarque que, par certains côtés de sa pensée, Duthoit est un « féministe », mais qu’il estime que le milieu du travail est « pathogène » pour les femmes et qu’il faut les en retirer, convictions très partagées à cette époque en considération du travail dans les usines et même dans les bureaux, d’autant que la place de la femme, pour Duthoit comme pour de nombreux catholiques alors, est de façon primordiale dans la famille.

La faculté des lettres

  • 29 Joseph Coppin (1885-1978). Sa thèse sur Montaigne a été couronnée par l’Académie française. Un volu (...)
  • 30 Jean Dumortier, Ensemble 1978, p. 59.

70La faculté des lettres qui n’a qu’une cinquantaine d’étudiants en 1920, voit ses effectifs augmenter régulièrement pour atteindre 282 étudiants à la rentrée de 1929. Avec quelques variations ils restent au-dessus de 200 jusqu’en 1936. Les règlements de la faculté et son organisation sont assez stables. Le recrutement des professeurs dépend du recteur qui, toutefois, prend avis du conseil de la faculté. Si dans une société encore fortement hiérarchisée l’autorité du doyen est importante, la charge n’est sans doute pas excessivement lourde. Sa fonction est alors d’assurer la bonne marche de la faculté, quant aux horaires ou examens intérieurs et d’assurer les relations avec les universités officielles devant lesquelles les étudiants passent leurs examens. Il présente un rapport d’activité une fois par an lors de la séance solennelle de rentrée. Chaque année, il s’adresse aussi aux étudiants, dans une allocution qui est non seulement une invitation convenue au travail, mais une expression de sa conception de la faculté libre de lettres. Lorsqu’Amédée de Margerie, l’un des fondateurs de l’université, a quitté le décanat en 1900, la charge est passée selon une rotation triennale d’un professeur titulaire à l’autre. Après Auguste Charaux (1900-1903), Camille Looten (1903-1906), Louis Bayard (1906-1909), Constantin Lecigne (1909-1912), Émile Lesne est élu en 1912 et prorogé dans ses fonctions pendant la guerre jusqu’en 1919, date à laquelle il est nommé recteur. On retrouve alors en alternance et faisant parfois plusieurs mandats, Albert Delplanque, Henri Dehove, Camille Looten (1925-1928, 1929-1932), Louis Bayard. Le chanoine Joseph Coppin29 élu en 1935 demeurera en fonction jusqu’en 1947. Esprit ouvert dont les premières années de sacerdoce sont marquées par la crise moderniste, « ils obéissant de l’Église il garda toujours dans les domaines de libre examen une réserve un peu fière, son droit d’être lui-même »30. Appelé par Mgr Lesne pour donner des cours de lettres à la faculté en 1920, il est au préalable envoyé suivre des cours en Sorbonne. Sa correspondance avec Lesne est intéressante qui révèle la personnalité de ce jeune enseignant qui juge avec sévérité ses maîtres en Sorbonne qui négligent l’analyse des grands écrivains pour étudier leurs obscurs prédécesseurs !

Faculté des lettres. Quelques-uns des enseignants : Joseph Coppin, Pierre Defontaines, Camille Looten Pierre-Henri Simon, Raymond Vancourt, Auguste Leman

Faculté des lettres. Quelques-uns des enseignants : Joseph Coppin, Pierre Defontaines, Camille Looten Pierre-Henri Simon, Raymond Vancourt, Auguste Leman

Des enseignants nombreux et réputés en leur domaine

  • 31 Henri Platelle « La faculté des Lettres de 1900 à 1939 : variation sur un registre », Ensemble, 197 (...)
  • 32 Auguste Angellier (1849-1911), professeur de langue et littérature anglaise, doyen de la faculté de (...)

71Deux traits s’airment alors avec force, note le chanoine Platelle31, « le culte des lettres classiques et l’esprit familial de la faculté ». Les professeurs sont assez nombreux eu égard au nombre d’étudiants. Si l’on en comptait treize pour quarante-neuf étudiants en 1901, ils sont dix pour vingt-trois en 1919, sachant toutefois que trois d’entre eux cumulent avec leur enseignement d’autres charges dans l’Université. Ils sont titulaires du doctorat ou le préparent. Parmi eux se dégage la personnalité du chanoine Camille Looten (1855-1941), angliciste, qui a été l’ami d’Auguste Angellier32, « humaniste à l’aise dans toutes les littératures, serviteur dévoué de sa terre de Flandre » (H. Platelle), sur lequel nous reviendrons à propos de la chaire de néerlandais. Il est président presque à vie du comité flamand de France, docteur honoris causa de l’Université de Louvain (1930). Le chanoine Albert Delplanque, enseigne le latin après une thèse sur saint François de Sales. Les étudiants surnomment « Zeus » ce professeur en soi qui est aussi un modèle de lettré et d’humaniste ouvert à toutes les formes du beau.

72À partir de 1924, Pierre Deffontaines (1894-1978), l’un des fondateurs de l’université de Sao Paulo et dont certains cours sont retransmis par la radio locale, enseigne la géographie. Il crée en 1924-25 l’Institut de géographie qu’il dirige jusqu’en 1939, avant d’accepter le poste de directeur de l’Institut français de Barcelone. Auparavant des cours de géographie physique étaient dispensés aux étudiants en licence d’histoire par un historien de formation ou, en faculté des sciences, par G. Delépine, géologue de formation. La géographie était donc enseignée, mais elle restait une discipline annexe ne concernant qu’un petit nombre d’étudiants. P. Deffontaines permet au laboratoire de prendre forme, de se structurer et de se développer. Son appel aux bonnes volontés de très nombreux pays étrangers contribue à l’acquisition de cartes, vues, livres concernant la région, grâce à des achats, des dons et des legs. Aidé dans un premier temps par G. Delépine pour la géographie physique, n’assurant alors que la géographie humaine dans laquelle il est spécialisé, il se voit confier en 1932, après avoir soutenu sa thèse de doctorat, la totalité de l’enseignement en géographie. Il y a alors une quinzaine d’étudiants en moyenne. P. Deffontaines est aussi le créateur de l’enseignement de la géographie dans plusieurs universités, au Brésil, au Québec, en Espagne.

  • 33 Pierre-Henri Simon (1903-1972). Nous reviendrons sur sa querelle avec le général de Castelnau qui l (...)
  • 34 Le chanoine Raymond Vancourt (1902-1978), « juste parmi les nations ». Cf. plus loin, chapitre 6.
  • 35 Bernard Amoudru (1894-1986), se fait une réputation en publiant La vie posthume des Pensées de Pasc (...)

73Pierre-Henri Simon33 arrive en 1929 comme maître de conférences en littérature française. Ses cours ont beaucoup de succès et certains sont également retransmis par la radio régionale. L’abbé Raymond Vancourt34, professeur de philosophie, assure quelque cours à partir de 1934, avant d’entrer définitivement dans le corps professoral en 1941. Bernard Amoudru35 supplée P.H. Simon à partir de 1938, avant de lui succéder… Ces hommes, sans oublier évidemment le doyen Joseph Coppin, occupent une grande place dans la vie intellectuelle de l’université, avant et après la guerre, et contribuent à son rayonnement au-delà du cercle assez restreint des étudiants de la faculté des lettres. Ils sont les fidèles signataires des articles du Bulletin des Facultés catholiques de Lille. À partir de 1935 la participation des professeurs aux causeries de radio PTT fournit aussi à la revue quelques contributions soignées. Elle sert de tribune à cette « nouvelle vague » de la faculté des lettres comme on qualifie alors Pierre Deffontaines ou Pierre-Henri Simon… La collection « Mémoires et travaux » des professeurs des Facultés catholiques de Lille, ouverte en 1905, atteste de la place qu’ils occupent sur le chantier intellectuel, deux tiers des titres émanant des professeurs de cette faculté.

Des conférences publiques

74Dès les origines le caractère quelque peu oratoire des cours avait attiré un public d’amateurs lillois. Sans doute après la guerre, à quelques exceptions près, cette pratique est-elle tombée en désuétude. On revoit cependant « des auditoires mondains aux leçons de P.-H. Simon, un charmeur qui parlait comme un livre » note H. Platelle, mais surtout les professeurs donnent des conférences de tous ordres dans des sociétés savantes ou des organismes culturels, comme au sein même de l’Université. Ces conférences honorent quelques grands penseurs comme Bergson, Péguy, Termier, Huysmans, Brunhes ou Mauriac. C’est ainsi qu’en 1938 Jacques Maritain vient exposer « les derniers aspects du bergsonisme ». L’extension universitaire continue à proposer des cours d’enseignement supérieur aux jeunes filles (300 inscrites en 1921). Le chanoine David donne à Lille, depuis 1922, des cours publics d’art chrétien qui connaissent une très grande affluence. L’actualité y est également prise en compte avec, par exemple, en cette année 1938, année de l’hitlérisme triomphant, une conférence consacrée au peuple juif.

75Si la faculté des lettres peut alors apparaître comme « citadelle des études classiques qui après chaque alerte se dotait de défenses nouvelles, milieu un peu clos où les ecclésiastiques donnèrent longtemps le ton », elle est aussi un foyer d’initiatives novatrices, « toutes les fois où les valeurs fondamentales n’étaient pas en jeu » (Henri Platelle). Parmi ces initiatives la création de divers enseignements qui n’ont alors pas ou peu d’équivalent à la faculté d’État. En 1926 le chanoine Maurice David, qui a pris possession de la chaire d’histoire ancienne, inaugure un véritable enseignement de l’histoire de l’art par un cours sur l’art égyptien. Il propose des cours aux étudiants des différentes disciplines et la possibilité de préparer, non la licence d’histoire de l’art, qui n’existe pas encore, mais un certificat unique offert aux étudiants s’intéressant à l’art et à l’archéologie. Polonais, langue et littérature néerlandaises, littérature et histoire russes et pédagogie constituent également des propositions originales de cette faculté.

L’enseignement du polonais

  • 36 « 1926-1986 : soixante années d’enseignement du polonais aux facultés catholiques de Lille » par Ga (...)

76L’enseignement du polonais36 est la conséquence d’un important afflux d’émigrés polonais au lendemain de la guerre. Pour les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais, on passe de 4692 personnes de nationalité polonaise en 1912 à 148 163 en 1936. Leur assistance religieuse préoccupe particulièrement Mgr Chollet, archevêque de Cambrai. D’où l’idée d’ouvrir un cours de langue polonaise à la Catho et d’offrir ainsi la possibilité aux séminaristes qui le désirent d’acquérir une connaissance suffisante de la langue pour pouvoir prendre en charge les paroisses à forte densité polonaise. Pour financer ces cours, Mgr Chollet sollicite les compagnies minières qui souscrivent à ce projet. Même si la Catho s’efforce de donner à son institut de polonais un caractère universitaire, on n’oublie jamais, au moins jusqu’à la guerre, que la création de celui-ci est destinée aux curés et vicaires. L’archevêque de Cambrai oblige même les séminaristes de son diocèse à suivre ces cours, à partir de 1929. Après une année pendant laquelle l’enseignement est assuré par un étudiant polonais de la Catho, le cours est confié à Charles Moyse, français connaissant toutes les langues slaves et une partie des langues sémitiques. Il a, l’année précédente, occupé la chaire de polonais de l’université d’État de Lille. Il est secondé par des lecteurs mis à la disposition des deux universités lilloises par le gouvernement polonais. Wenceslas Godlewski (1902-1996) est nommé à ce poste en 1931. Il l’occupe jusqu’en 1940. À partir de 1929-30, l’enseignement est réparti sur trois années, sanctionnées par un certificat d’études polonaises (examen intérieur). Les examens de licence sont passés devant la faculté d’État, à qui la Catho fournit le plus grand nombre de candidats.

Histoire et littérature russes

  • 37 Mgr d’Herbigny, jésuite d’origine lilloise, recteur de l’Institut pontifical oriental, président de (...)
  • 38 Georges Maklakoff (1892-1969), est le fils d’un ministre de l’Intérieur de Nicolas II, fusillé en 1 (...)

77C’est par volonté et fondation de Pie XI qu’est créée, en 1928, la chaire d’histoire et littérature russes. Une importante émigration russe a provoqué à Lille la création d’un séminaire russe. La langue russe n’y est pas du tout enseignée alors. Au-delà de ces motifs religieux, le développement de relations économiques et commerciales avec l’URSS, constitue un nouveau défi pour des jeunes français. Pie XI reverse à cette fin les sommes recueillies pour le denier de Saint-Pierre dans les trois diocèses de la Province en 1927. Par la suite l’œuvre d’Orient, dirigée par Mgr Lagier, accorde des subventions jusqu’en 1944. Cette chaire bénéficie également de l’appui de Mgr d’Herbigny37. À partir de 1937, toutefois, dans un contexte de crise, les ressources propres s’amenuisent et l’institut catholique et l’école de journalisme doivent aller au secours d’un enseignement qui jusqu’alors a pu vivre sur ses propres ressources. Georges Maklakoff38, en prend la direction à partir de 1934. Celui-ci donne également ces cours de langue, littérature et histoire russes, en Belgique, à Genève, à l’Institut catholique de Paris et à l’école de journalisme de Lille. Il dépose sa bibliothèque personnelle à la bibliothèque de l’institut de russe des facultés catholiques et l’enrichit grâce aux subventions de l’œuvre d’Orient. Ce fonds comportait en 1937 plus de 5000 volumes, soit selon Mgr Lesne une collection spécialisée à peu près unique en France.

La chaire de néerlandais

  • 39 « La fondation de la chaire de néerlandais à l’Université catholique de Lille et les deux premiers (...)
  • 40 Cf. dans Ensemble, 1978, p. 221-230 le compte-rendu de la thèse de Michel Nuyttens sur C. Looten qu (...)

78La chaire de néerlandais39 est fondée par le chanoine Camille Looten40. La Flandre française occupe une grande place dans les travaux et préoccupations de ce docteur ès-lettres, professeur de littérature étrangère à la faculté des lettres, essentiellement angliciste, né en 1855 à Noordpeene au pied du Mont Cassel. Sa thèse principale soutenue en 1889 portait sur le poète néerlandais Vondel (1587-1679) et sa thèse complémentaire sur Grotius. Outre son intérêt intellectuel pour la littérature néerlandaise, il mène un « combat pour la langue » (M. Spanneut). Il est entré dès 1885 au Comité flamand de France dont il est le président de 1900 à sa mort en 1941. Tout en gardant ses distances avec le mouvement flamand en Belgique, dont les préoccupations sont d’abord d’ordre politique, il poursuit une lutte linguistique pour le maintien de cette « langue maternelle », « langue de tout point achevée » et non « patois dégénéré » qui doit, selon lui, trouver sa place dans les programmes scolaires et être particulièrement enseignée aux séminaristes en vue de leur futur ministère dans les arrondissements d’Hazebrouck et Dunkerque. Dès 1924, un cercle d’études flamandes a été institué à la faculté des lettres à la demande de Mgr Lesne. Mais, en 1925, une circulaire du ministre de l’instruction publique, Anatole de Monzie, interdit l’enseignement des parlers provinciaux à l’école primaire, réservant à l’enseignement supérieur l’étude des dialectes. Tout en protestant sur la confusion entre les langues comme le breton ou le flamand et les patois, Camille Looten suggère la création à la Catho d’une chaire de néerlandais. S’il peut craindre quelque résistance de la part du conseil supérieur ou de l’opinion, l’encouragement vient d’une autre circulaire ministérielle qui, en 1926, autorise parmi d’autres l’enseignement du « hollandais » comme seconde langue dans certains baccalauréats. Dès lors, pour celui qui effectue un deuxième mandat comme doyen de la faculté des lettres, la création d’une chaire de néerlandais va de soi avec pour objectif de former des professeurs capables d’enseigner cette langue. C’est fait à la rentrée 1926-27. Il s’agit d’étudier le néerlandais, c’est-à-dire la langue officielle de la Flandre belge, et non la langue parlée dans la Flandre française qui s’est détériorée comme toute langue locale, mais de l’étudier cependant dans ses liens avec « le flamand tel qu’il est parlé dans le Nord ». L’entreprise reste modeste, une heure et demie d’enseignement hebdomadaire à une vingtaine d’étudiants tout au plus, donné par l’abbé René Despitch (1870-1960). L’abbé Maxime Deswarte (1907-1989) lui succède en 1937 et occupera cette chaire pendant 42 ans jusqu’en 1979.

La formation pédagogique

79La pédagogie est aussi une préoccupation importante des facultés de lettres comme de celle de sciences dont la mission est toujours essentiellement de former des enseignants, clercs et laïcs, pour les établissements d’enseignement secondaire. C’est Pierre Deffontaines qui fonde, en 1927, l’UTO (Union des trois Ordres : primaire, secondaire et supérieur) de l’enseignement libre, qui donne aux enseignants des diverses disciplines l’occasion de se rencontrer. Des congrès sont organisés, dans diverses villes de la région sur des thèmes intéressant les enseignants du secondaire ou du primaire. Un bulletin de liaison est édité. L’initiative fait école dans d’autres diocèses. Chaque année la Catho accueille la journée de l’UTO. Cependant, les diocèses organisent progressivement la formation des enseignants du primaire : une école normale de jeunes filles, ouverte en 1909, à Loos, forme déjà les institutrices. À la demande des évêques, une école est créée, en 1936, pour les garçons de l’enseignement primaire des trois diocèses. L’institut pédagogique Saint-Joseph de Lille, appelé » « Pédago », s’installe 236 rue du faubourg de Roubaix à Lille. Le chanoine Bruno Piettre en est l’artisan et elle est à son ouverture dirigée par le chanoine Auguste Fermaux. L’école de jardinières d’enfants, fondée en 1933, est rattachée, en 1936, à l’Institut de pédagogie des facultés catholiques.

La faculté des sciences

  • 41 Henry Boulangé (1885-1969), militant syndical (CFTC) et familial est père de 10 enfants. Il sera à (...)

80La faculté des sciences est « après la faculté de médecine et de pharmacie, celle dont le décanat est le plus chargé de mille soins » dit Mgr Lesne, tandis que le professeur Henry Boulangé41, titulaire de la chaire d’anatomie et d’embryologie comparées, remet en 1937, ses fonctions au chanoine Gaston Delépine qui a déjà été doyen entre 1923 et 1926. Non seulement il faut comme en lettres veiller à l’organisation des cours et des examens, mais il faut aussi organiser et équiper les laboratoires nécessaires à l’enseignement comme à la recherche dans laquelle s’illustrent quelques enseignants. La faculté revendique quelques scientifiques reconnus. L’abbé Annycke y fut pendant près de 50 ans professeur de mathématiques. Son succès tient d’abord à sa compétence indiscutée. Mais sa carrière est avant tout celle d’un enseignant. Il a la charge des mathématiques générales et de la mécanique et enseigne également à l’ICAM et dans divers collèges (Marcq, Froyennes en Belgique, Saint Joseph à Lille). Il est réputé pour la clarté de ses cours et contribue à former de nombreuses générations d’enseignants et d’ingénieurs. Il y a aussi quelques brillants chercheurs en chimie, en lien parfois avec les enseignants de la faculté de médecine. C’est ainsi qu’Hubert Caron publie avec son collègue pharmacien, Désiré Raquet, des Tableaux d’analyses qualitatives pour les étudiants PCN, plusieurs fois réédités. Le chanoine Fenaert introduit la chimie physique. Son successeur Omer Liévin étudie Les solutions salines de l’iode (1923). Le professeur Émile Lenoble qui présente en 1928 un important travail intitulé Les synthèses totales en chimie organique, semble avoir été l’un des chercheurs les plus féconds. Ce travail est poursuivi par le chanoine Alfred Leman qui publie, en 1938, Recherches dans la série des naphtols. Le chanoine François Puche soutient cette même année sa thèse sur La décomposition thermique de quelques composés chlorés de la mine de platine. Le chanoine Alfred Carpentier (1878-1952), second titulaire de la chaire de botanique après le chanoine Boulay, est un spécialiste de paléobotanique, de réputation internationale, qui consacre l’essentiel de son œuvre aux végétaux fossiles. Il contribue à la rédaction de L’Encyclopédie française et donne des articles à la Revue Générale de Botanique. Georges Depape, aux multiples fonctions, est un spécialiste des microflores du tertiaire.

81Gaston Delépine (1878-1963), second professeur de géologie a succédé directement au chanoine Bourgeat dont il a été l’élève. Il est titulaire de la chaire en 1919. Pendant la guerre il a aidé Joseph Willot dans la fabrication de journaux clandestins. Ses très nombreuses publications (141 titres) lui valent une renommée internationale. Il est, en 1929, l’un des fondateurs des congrès du carbonifère contribuant particulièrement à la connaissance de celui-ci en Europe occidentale et dans le bassin méditerranéen. Dès 1923, la Société géologique de Londres l’a élu correspondant étranger. Peu après la Société géologique de Belgique lui confie le même honneur. Il est chargé d’enseignement en 1927 dans l’université canadienne, en 1938 dans celle de Liège. Il est honoré de plusieurs prix de l’Académie des Sciences avant d’en devenir membre après la guerre. Sous sa direction, le laboratoire de géologie se développe. Chaque année des travailleurs étrangers, venus parfois de très loin y sont reçus. Des voyages d’exploration géologique sont organisés, au Maroc ou au congrès géologique international de Moscou. G. Delépine effectue à cette occasion un périple de près de 6000 km à travers l’Oural et la Russie en 1937. « Belle figure de prêtre savant » (Caudron) il succédera à Mgr Lesne au rectorat en 1940.

82On peut encore citer parmi les professeurs, le chanoine Gonzague Dubar (1896-1977), docteur es-sciences naturelles en géologie (1926). Géologue de terrain, il a fait toute sa carrière à la faculté libre des sciences, à partir de 1939. Il donne plus de 90 publications entre 1920 et 1976 et obtient le prix Gosselet de géologie en 1930, le prix Kuhlmann de la Société des sciences en 1951. Dorothée Le Maître (1896-1990) directeur de recherches au CNRS, effectue de son côté un énorme travail pour l’exploration et la recherche pétrolière en Afrique du Nord où elle participe à de nombreuses missions sur le terrain

83La faculté des sciences s’enorgueillit toujours du laboratoire maritime d’Ambleteuse, géré alors par Henry Boulangé. Le CA de la Catho tient à soutenir et renforcer cet organe. Un nouveau corps de bâtiments est construit en 1934, comportant une vaste bibliothèque sur laquelle s’ouvrent 3 laboratoires réservés aux maîtres et savants fréquentant la station. Grâce à un mécénat, les étudiants qui viennent y travailler pendant les vacances peuvent être logés, des chambres ayant été construites au-dessus des nouveaux bâtiments. Un ancien chalet peut quant à lui accueillir des étudiantes.

Une spécificité lilloise la faculté libre de médecine et de pharmacie42

  • 42 André Caudron, « Former des médecins chrétiens : l’ambition de la faculté libre de médecine et de p (...)

84La période qui suit la guerre semble florissante pour la faculté de médecine et de pharmacie. Sans doute l’est-elle sous bien des aspects. Mais des difficultés se traduisent, dans les années 1930, par une baisse des effectifs qui pourrait devenir catastrophique.

85L’institution dont la renommée régionale et nationale est déjà faite, atteint alors une dimension internationale à laquelle concourt particulièrement son ouverture missionnaire. Le rayonnement de la faculté de médecine à travers la France est d’autant plus important qu’elle reste alors unique en son genre. Aucune autre Catho ne forme des médecins, ce qui sans doute augmente ses responsabilités et ses difficultés dans la mesure où elle ne peut confronter son modèle avec d’autres.

« Elle est, de tous nos organismes, le plus développé et le plus délicat, celui dont la conduite exige le plus d’unité de vues, de continuité d’action, de méthode, de tact et d’autorité. Il faut joindre le sens de la tradition à un souci de rajeunissement, de perfectionnement toujours nécessaire ; ajuster au respect des droits acquis par la Faculté et par chacun de ses membres, tant d’intérêts qui tourbillonnent en elle et autour d’elle » (Mgr Lesne dans son discours de rentrée en 1937).

Des médecins renommés

  • 43 André Le Grand (1895-1951), psychiatre sera doyen de la faculté de 1947 à sa mort. En 1927 il est m (...)

86Point n’est besoin de lire entre les lignes pour comprendre tout à la fois le dynamisme et les tensions qui caractérisent alors cette faculté. La guerre terminée, il a fallu combler les vides creusés par les décès ou par les départs à la retraite dans les rangs de la première équipe professorale rassemblée par Camille Feron-Vrau. Deux pionniers sont encore là en 1927 pour le cinquantième anniversaire : François Guermonprez et Ernest Baltus, mais l’âge les a écartés de l’enseignement. En décembre 1929, la faculté propose que le recrutement des professeurs se fasse sur concours : agrégation d’État ou agrégation (créée) de la faculté libre, exception faite pour les candidats particulièrement titrés. Cette décision pose un problème, car ce n’est pas prévu par les statuts et cela dépossède le recteur et le conseil supérieur de leur pouvoir de nomination des professeurs. C’est alors, cependant, que sont recrutés, Léon Vouters, Maurice de Vaugiraud, Maurice Favreau, André Le Grand43, le père jésuite Pierre Cappe de Baillon. La tradition des liens avec le service de santé militaire est maintenue et c’est ainsi qu’arrivent aussi parmi les nouveaux maîtres, des médecins officiers : Henri Billet, Honoré Reverchon, Louis Courty ou Jean Rieux. En 1976 le professeur Antoine Delattre, alors doyen honoraire de la faculté libre de médecine évoque en ces termes les professeurs de ces années, rejoignant ou remplaçant leurs prédécesseurs :

Faculté des sciences. Quelques enseignants : Edmond Charron, Gonzague Dubar, Dorothée Le Maître, François Puche

Faculté des sciences. Quelques enseignants : Edmond Charron, Gonzague Dubar, Dorothée Le Maître, François Puche

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse

Faculté de médecine : quelques enseignants : Henry Billet, Louis Courty, Jules Dereux, Henri D’Hour, André Le Grand, Georges Lemière, Carlos Lepoutre, Maurice de Vaugiraud

Faculté de médecine : quelques enseignants : Henry Billet, Louis Courty, Jules Dereux, Henri D’Hour, André Le Grand, Georges Lemière, Carlos Lepoutre, Maurice de Vaugiraud

« Fermant les yeux et nous efforçant d’évoquer les visages disparus, nous distinguons E. Rogié, pénétrant dans le grand amphithéâtre un long bambou à la main, tel Moïse descendant du Sinaï ; le Pr Baltus, visage sévère, lisant son cours magistral, le binocle effleurant le manuscrit ; A. Delassus, au sourire ironique, pédagogue simplificateur, capable, et il s’en vantait, de discourir une heure durant sur n’importe quel sujet ; H. Desplats, doctoral, mimant à merveille les signes cliniques ; É. Camelot, la dignité même, apprenant avec la clinique le respect des malades ; H. Billet, anatomiste convaincu, solennel dans son enseignement comme s’il apportait l’Évangile ; Le Bourdellès, l’œil clair et perpétuellement absent, mais l’oreille fine, susurrant ses réponses ; Courty, virtuose du bistouri et chef d’école ; Le Grand, le regard scrutateur sous un chapeau à large bord masquant un visage froid, mais d’un abord bienveillant ; Danel, malicieux, tourmentant sa barbiche, un pince-nez à l’extrémité nasale ; Reverchon, grand patron très écouté comme son collègue Rieux, tous deux anciens militaires ; voici Archer, qui occupa la chaire de bactériologie tenue par le Pr Lemière ; Adolphe Bernard qui inculquait aux jeunes étudiants la propédeutique ; D’Halluin qui étudia « la mort cette inconnue »…

87La notoriété scientifique de certains d’entre eux est importante : Hubert Lavrand est un des fondateurs de la société d’oto-rhino-laryngologie, Carlos Lepoutre, Henri D’Hour et Jules Dereux président respectivement les sociétés françaises d’urologie, de pathologie respiratoire et de neurologie. Henri Billet, Carlos Lepoutre, Léon Langeron, médecin des hôpitaux de Lyon, et Jules Dereux sont ou seront membres correspondants de l’Académie de médecine. Bien des professeurs de la faculté de médecine sont familiers des congrès internationaux ce qui garantit la qualité des revues émanant de la faculté : Journal des sciences médicales de Lille, Bulletin de la Société anatomo-clinique, Journal de médecine de Lille (1928-1940), Questions médicales d’actualité (1930-1940). Ces deux derniers périodiques ont été lancés à l’initiative du professeur Léon Langeron.

88Cette période est aussi une période de développement de la faculté de pharmacie. Cyrille Carrez, assesseur du doyen pour cette faculté, contribue à cette vitalité en 43 ans de collaboration avec l’Université catholique. À sa mort, en 1937, la section de pharmacie qui n’avait qu’une dizaine d’étudiants avant la guerre 1914 en compte plus de 40.

Des médecins chrétiens

  • 44 Cité par Gaston Delépine devant la société des sciences de Lille, A. Caudron, 125e, p. 111

89Même si tous les enseignants n’ont pas le même profil, la dimension de la charité est très importante : médecins chrétiens, en général assez riches, ils sont rétribués sous forme d’honoraires dont le montant est souvent fonction de la situation des patients pauvres et en absence, pour beaucoup, d’assurances. Quelques figures se détachent : Ernest Baltus, doyen que l’on dit mort presque pauvre en 1937, Carlos Lepoutre qui résume ainsi leur engagement : « Quelle que soit notre ardeur à perfectionner notre technique, quel que soit notre appétit de science et de culture, gardons bien au centre de notre action professionnelle cette charité qui en est à la fois la plus belle parure et le puissant levier »44. La consultation d’Hubert Lavrand attire à Saint-Camille en 1927 jusqu’à 3000 consultants par an. Il est connu dans toute la région. L’oculiste Léonce Thilliez reçoit quelque 7000 indigents chaque année dans son dispensaire. Sans oublier Henri Deherripon qui accueille nombre d’enfants malades et les obstétriciens Ernest Klein, Maurice Favreau… L’immense popularité auprès du public de ces grands patrons permet d’affirmer l’aspect social inhérent à la profession du médecin.

  • 45 Georges Lemière (1860-1933), premier occupant de la chaire d’hygiène et de microbiologie.

90Camille Feron-Vrau avait voulu faire du médecin chrétien « une sorte d’apôtre laïque de la foi ». L’un des principaux fondateurs de la société Saint-Luc, association catholique de médecins, ancêtre du Centre catholique des médecins français, le docteur Wintrebert, appartenait à la faculté catholique de Lille. Henry Duret et Henri Desplats, Georges Lemière45, Carlos Lepoutre lui ont succédé à la présidence du comité régional, de cette société. Une formation déontologique chrétienne est dispensée aux étudiants en médecine, par l’abbé Pierre Tiberghien. Les valeurs du médecin chrétien, en tête desquelles est placé le respect du malade se transmettent dans les cours mais aussi dans la pratique, au chevet des patients ou dans les laboratoires. Outre quelques initiatives déjà évoquées ou la création d’Ad Lucem dont l’idée émerge au sein de la faculté de médecine, et sur laquelle nous reviendrons, quelques exemples sont significatifs de cet état d’esprit.

91À la suite d’Henry Duret, plus d’un ancien a eu à cœur au lendemain de la guerre de se mettre au service de la Croix-Rouge. D’autres organisations doivent beaucoup à tel ou tel professeur de la Catho : Ligue du Nord de défense contre la tuberculose (Henri D’Hour, médecin chef du dispensaire Louise de Marillac), Association régionale de lutte contre la poliomyélite et association des paralysés de France (Jules Dereux), Comité antialcoolique (Hubert Lavrand). Plus tard Hélène Borel-Carette, pharmacienne issue de la faculté libre, fonde l’Association familiale des parents de malades chroniques dont le foyer d’accueil pour infirmes moteurs porte son nom à Raimbeaucourt. Divers organismes professionnels comptent des professeurs ou des anciens de la faculté de médecine parmi leurs dirigeants : le conseil départemental de l’ordre des médecins (Carlos Lepoutre), le syndicat des médecins de Lille (Georges Lemière), le syndicat des pharmaciens du Nord (Georges Joly), le syndicat des électroradiologistes français (René Desplats). En 1920 le docteur Deherripon a présenté un rapport sur « La puériculture et l’éducation morale » au congrès des associations familiales de France tenu à Lille. Cette énumération n’est certainement pas exhaustive, mais il est à remarquer qu’un certain nombre de noms reviennent à plusieurs reprises, personnalités de grande envergure, capables de se dégager des préoccupations strictement professionnelles et de prendre du temps pour des activités d’ordre religieux, social, caritatif, comme Georges Lemière, familier des lecteurs de La Dépêche, des auditoires de la Ligue patriotique des Françaises (LPDF) et des congrès catholiques régionaux où il traite des écoles ménagères, de la goutte de lait, de la mortalité infantile, des habitations ouvrières et autres sujets traduisant des préoccupations sociales ; il participe à l’animation de la Fédération familiale du Nord ainsi qu’à la Ligue antipornographique. Agile Delassus, qui autour de L’hôpital et son rôle social (1920), a présenté, devant le congrès diocésain de 1930, un vœu pour « une action sur les propriétaires de taudis », est un des piliers du florissant patronage Saint-Léonard dans le populeux quartier lillois de Wazemmes ; il préside le comité lillois contre l’immoralité des rues. Le docteur François Vergriete dirige dans les années 1920 la jeunesse catholique de l’arrondissement d’Hazebrouck avant de se consacrer à la Fédération nationale catholique (FNC). À Dunkerque, le docteur Albert Monteuuis (1861-1922) s’est dépensé pour étendre les cercles d’études et ouvrir la Jeunesse catholique. Les cercles d’études, Pasteur et Duret, proposés aux étudiants font bientôt place à la JEC, animés par le chanoine Georges Depape, ancien stagiaire de l’Action populaire de Reims. Autour de 1930 le secrétaire fédéral de la JEC est un étudiant en médecine Albert Grimbelle. Henri D’Hour, de son côté dispense un enseignement dans les sessions de l’Union féminine civique et sociale (UFCS) et l’Union catholique du personnel des services de santé. Le service des malades du comité des pèlerinages diocésains continue à bénéficier du concours de médecins de la faculté, en particulier de Pierre Lamelin.

Un ensemble hospitalier en développement

92Cliniques et dispensaires connaissent toujours un grand succès auprès d’un vaste public et il faut s’équiper pour répondre à la demande. L’ensemble hospitalier se développe et se modernise, d’abord par la construction d’une nouvelle maternité grâce aux libéralités des familles Delassus et Sander. La maternité Sainte Anne qui a changé quatre fois de siège en 50 ans, est transférée boulevard Vauban, en 1926, ce qui agrandit d’autant la clinique Saint-Raphaël. Elle devient maternité Sainte-Anne et Sainte-Monique, la première continuant à recevoir des indigentes et restant ouverte à l’enseignement clinique selon la tradition des sœurs augustines, la seconde étant réservée aux familles de condition modeste, de préférence les familles nombreuses. Quelques chambres, au tarif supérieur sont prévues pour des femmes plus fortunées.

93Un nouvel hôpital, Saint-Philibert est inauguré en 1933. Il jouxte la clinique Saint-Camille, où sont créés des services spécialisés (urologie, dermatologie, neurologie…). La construction en a été décidée dès 1930, sous l’impulsion du doyen Léonce Thilliez qui en a établi le principe et élaboré les plans. Son successeur, à partir de 1931, É. Camelot a veillé à son exécution et à sa mise au point. Nécessaire du fait de l’inadéquation des structures existantes aux besoins d’un enseignement moderne et capable de rivaliser avec la faculté d’État, ce projet a mis quelque temps à se concrétiser. La dépense est lourde et les réticences importantes au conseil d’administration. Les évêques qui le considèrent comme primordial pour l’avenir de la faculté l’encouragent y compris financièrement. Mgr Lesne y est favorable. On s’inquiète, en effet des projets de cité hospitalière rassemblant tous les hôpitaux et hospices de la ville, avec une nouvelle faculté de médecine, et du risque d’infériorité grave de la faculté libre, dont les services sont éparpillés et moins bien outillés, et qui pourrait entraîner la désertion d’étudiants.

La maternité Sainte-Anne et Sainte-Monique, fondée en mai 1926.

La maternité Sainte-Anne et Sainte-Monique, fondée en mai 1926.

L’hôpital Saint-Philibert rue de La Bassée, inauguré en 1933

L’hôpital Saint-Philibert rue de La Bassée, inauguré en 1933
  • 46 Congrégation fondée en Alsace en 1849, pour le soin des malades, des personnes âgées, isolées, etc. (...)

94Une partie de la dépense est couverte en utilisant les réserves financières de l’université, ce qui en conséquence diminue son revenu, mais on espère des revenus de l’exploitation de la nouvelle clinique. Des dommages de guerre, des dons et des souscriptions y contribuent également. Des religieuses de Niederbonn46, en constituent le personnel comme pour Saint-Camille. Cet établissement reste une maison de santé où, avec des tarifs de pension divers, tous les malades sont pris en charge par les médecins de leur choix, alors que Saint-Philibert est un hôpital, régi par la règle de tous les hôpitaux. Lieu de soin, de science et d’enseignement mais aussi de « charité », il continue à répondre à la vocation des établissements de la Catho d’accueillir des indigents en même temps qu’il accueille des malades payants. Comme les conditions, qui sont celles de l’université, ne permettent pas de prendre en charge une hospitalisation gratuite, il est fait appel aux concours des organismes de bienfaisance ou des caisses d’assurance. Les services de l’hôpital Saint-Philibert se développent rapidement puisque, dès 1937, avec 12000 journées d’hospitalisation il atteint presque sa capacité maximale. En 1936, est mis en service le pavillon d’isolement Saint-Luc avec une unité de pneumophtisiologie, dirigée par le professeur Henri D’Hour.

Hôpital Saint-Antoine

Hôpital Saint-Antoine

chaque salle peut accueillir 12 enfants malades, soignés par des sœurs franciscaines. Il y est donné 8500 consultations par an aux enfants et nourrissons. Parmi ses médecins le professeur Billet.

95Les services de l’hôpital Saint-Antoine sont réorganisés et se développent avec le professeur Maurice de Vaugiraud qui meurt en 1925, à l’âge de 42 ans. Difficile dans ces conditions de résoudre les problèmes d’un hôpital qui malgré une somme substantielle touchée au titre de dommages de guerre ne parvient pas à se développer faute de moyens. C’est alors que le professeur Henri Billet, arrivé en 1922, propose d’aménager des chambres particulières pour accueillir des enfants plus fortunés dont les familles seraient capables de payer les frais d’hospitalisation. Diverses initiatives et de nouveaux dons permettent le développement et la modernisation de l’hôpital qui, en 1936, compte près d’un millier d’hospitalisations. De son côté, l’Asile des Cinq-Plaies, destiné aux « incurables », est aussi ouvert à l’enseignement médical et de nouveaux laboratoires et services de la faculté y sont organisés.

L’école des sages-femmes

96L’école des sages femmes, attachée à la faculté de médecine, est installée place Sébastopol. Elle avait connu une baisse de recrutement dès la fin des années 1890. Sans doute souffrait-elle alors de la concurrence que les bourses d’État faisaient à la faculté catholique. À la veille de la guerre, différents aménagements paraissent indispensables dont les événements ont retardé l’exécution. Rouverte en 1919, l’école qui compte alors quelques 300 anciennes ne parvient pas à retrouver le dynamisme de sa création. Les travaux sans cesse retardés, ne sont amorcés qu’en 1929. La maternité Sainte-Famille est alors transformée et rajeunie et l’école de sages-femmes y trouve tous les équipements nécessaires (internat, salle d’étude…) tandis qu’est nommé un nouveau directeur, le docteur Favreau. Toutes les élèves y sont internes. L’enseignement leur est donné par des professeurs de la faculté, secondés par une religieuse. Les sœurs dirigent l’internat. Les futures sages-femmes reçoivent une formation pratique ainsi qu’une formation morale et religieuse. Il est maintes fois souligné l’importance pour elles d’une vie irréprochable et de convictions morales et religieuses, tandis que la société compte sur elles pour que soit protégée la vie de l’enfant avant et après la naissance. Une association catholique de sages-femmes, qui ne semble cependant pas avoir survécu à la Seconde Guerre mondiale, se constitue en 1932 autour du docteur Favreau. Celui-ci est en outre le fondateur des Congrès internationaux de sages-femmes dont le premier se tient à Lille, en avril 1934, dans les locaux de la Catho, sous la présidence du cardinal Liénart. L’école qui n’a peut-être pas, au gré de Mgr Lesne, répondu à tous les espoirs que l’on avait placés sur elle en un demi-siècle d’existence, semble cependant repartir d’un bon pied, en 1939, quand la guerre interrompt cette ascension.

L’école d’infirmières

Mère Marie-Emmanuel

Mère Marie-Emmanuel

L’école d’infirmières, 72 rue du Port

L’école d’infirmières, 72 rue du Port
  • 47 Mère Marie-Emmanuel meurt dans sa 100e année (1884-1983). Notice nécrologique Ensemble XL, 2 juin 1 (...)

97En marge de la faculté de médecine il faut évoquer aussi, en 1927, l’ouverture par sœur Marie-Emmanuel47 de l’école d’infirmières, une des premières de France, dans les bâtiments d’un ancien café, à l’angle de la rue du Port et du boulevard Vauban, dont une décision de justice vient d’ordonner la fermeture. Par suite du développement technique médical, un décret de 1922 a officiellement adopté le terme d’infirmier et d’infirmière et un diplôme d’État est institué en 1924. C’est à ce moment que Mgr Lesne demande à la congrégation des augustines, présente dans les cliniques de Saint-Raphaël et de Saint-Camille, de créer une école d’infirmières. Sœur Marie-Emmanuel alors en fonction à l’hospice Gantois se charge des démarches. Elle dirigera cette école pendant 34 ans. Dix élèves s’inscrivent alors, deux menant leurs études jusqu’au diplôme d’État. Les promotions voient ensuite leur nombre augmenter d’année en année. Dès 1927, sœur Sébastienne, instruite par l’expérience des innombrables tracas avec l’administration civile, a imposé aux sœurs infirmières de Saint-Raphaël de passer les épreuves du diplôme d’État, y compris celles qui sont déjà en exercice. La direction générale des études de la nouvelle école d’infirmières revient au docteur Georges Lemière.

Les journées médicales

98Signalons enfin parmi les initiatives originales de la faculté de médecine, les Journées médicales, enseignement postuniversitaire avant la lettre, créées en 1927, qui connaissent leur apogée entre 1936 et 1939 et dont le comité directeur est présidé par le professeur Billet. Des échanges universitaires sont également initiés, signalés par le Bulletin des Facultés catholiques : en 1937, par exemple, deux étudiants sont envoyés en stage d’internat à Prague, un étudiant tchécoslovaque venant travailler à Saint-Antoine. D’autres étudiants étrangers font leurs études à la faculté libre de Lille dont des étudiants de Louvain. Des thèses y sont soutenues par ces étudiants étrangers. Ce diplôme ne donne aucun droit d’exercer en France mais il est reconnu par les pays étrangers à l’égal des diplômes décernés par les universités d’État et permet donc aux étudiants d’exercer dans leur pays d’origine (Cuba, Canada, Mexique…).

Des difficultés et une baisse des effectifs

  • 48 Lettre du 25 novembre 1926, signée par les étudiants. « Crise. Enquête sur l’état de la faculté de (...)

99Rayonnement et dynamisme semblent donc au rendez-vous. Mais cela n’est pas sans quelques difficultés majeures au sein de la faculté elle-même. Les débats et crises des années 1920 en témoignent. Dès 1925, un certain nombre de questions sont posées quant à la qualité de l’enseignement qui y est dispensé. Un questionnaire en ce sens a été envoyé par Mgr Chollet dont les réponses font état de quelques sujets d’inquiétude : carence des professeurs, insuffisance des publications, manque de malades… que corrobore l’année suivante une lettre des étudiants48. Ceux-ci ne sont pas très nombreux. Les premières promotions de l’après-guerre, formées d’étudiants mûris par les combats, manifestent parfois un certain esprit frondeur. Ils ont surtout hâte de terminer leurs études. Les promotions qui suivent, gardent d’assez faibles effectifs, de quelques dizaines d’étudiants par année tout au plus. Stables jusqu’en 1934, au maximum 122 étudiants en 1930, soit environ 1/8 de ceux de la faculté officielle, ces effectifs fléchissent progressivement ensuite pour atteindre le taux le plus bas avec 40 étudiants en médecine en 1938. Nonobstant la modernisation et l’élargissement des installations, les étudiants se plaignent de l’insuffisance de l’enseignement : les cours, sauf quelques exceptions soulignées, sont en général médiocres, disent-ils ; les services cliniques en particulier celui de clinique médicale de l’hôpital de la Charité après la maladie et le décès du docteur Vouters, sont insuffisants, les lits souvent vides. On se plaint aussi de laboratoires déficients, du service de radiologie suspendu pendant les vacances, du service des autopsies dépourvu de crédits. Des lacunes sont également signalées dans les diverses spécialités ; certaines sont absentes, malgré des promesses, ce qui est aussi source de lacunes dans l’enseignement reçu. Face à cette situation, même les anciens étudiants de la faculté catholique préfèrent envoyer leurs patients dans les services de la faculté d’État ! s’exclame-t-on au conseil supérieur.

  • 49 Jacques Liefooghe et Henri Ducoulombier op. cit.

100Que faire lorsque surgissent, en outre, à l’aube des années 1930 de nouveaux avatars avec des échecs inattendus aux examens passés devant les facultés de sciences et médecine de l’État ? Deux raisons sont invoquées : « un sectarisme anticlérical résiduel de la part de certains examinateurs officiels, les amenant à affecter une note rédhibitoire, voire le zéro éliminatoire aux étudiants de « La Catho » et la conséquence de programmes traités différemment par les enseignants de l’une et l’autre faculté, une situation qui ne peut que s’aggraver à mesure que les connaissances médicales se développent : de plus en plus, enseigner devient choisir… et on ne choisit pas tous les mêmes choses »49. Aussi en 1932 la faculté décide-t-elle d’envoyer ses étudiants passer leurs examens devant la faculté de Nancy où le climat est plus serein et bienveillant. Cette disposition sera suspendue en 1940 à cause de la guerre.

Henri Desmet supérieur du séminaire académique et François Agnius, directeur.

Henri Desmet supérieur du séminaire académique et François Agnius, directeur.

Tous deux appartiennent à congrégation des prêtres de la Mission, dite des lazaristes.

Les enseignants et étudiants du séminaire académique.

Les enseignants et étudiants du séminaire académique.

Au centre Mgr Charles Lecomte, évêque d’Amiens (1921-1934)

Léon Mahieu, doyen de la faculté de théologie

Léon Mahieu, doyen de la faculté de théologie

Mgr Achille Liénart évêque de Lille depuis 1928

Mgr Achille Liénart évêque de Lille depuis 1928

Le chanoine Pierre Tiberghien 1880-1963 (à la fin de sa vie)

Le chanoine Pierre Tiberghien 1880-1963 (à la fin de sa vie)

La faculté de théologie

101Évoquant la faculté de théologie dans ses discours de rentrée, Mgr Lesne l’appelle « la tête de l’Université ». Il faut bien dire, cependant, que les tensions qui avant la première guerre mondiale et jusqu’à la condamnation de l’Action française (1926), se sont développées en son sein, ont quelque peu gêné son rayonnement.

Tensions autour de la question biblique

  • 50 Mgr Louis Duchesne (1843-1922), historien acquis aux méthodes de la jeune science historique appliq (...)
  • 51 Gustave Bardy, Paul de Samosate. Étude historique, Paris, Champion, 1923.

102Les conséquences de la crise moderniste s’y sont fait durement ressentir et ressurgissent au lendemain de la guerre. En 1919, arrive à Lille l’abbé Gustave Bardy, originaire du diocèse de Besançon qui est chargé d’enseigner la patrologie et l’histoire du dogme. Ancien de la faculté de théologie de Paris, docteur en théologie, il prépare alors une thèse en Sorbonne sur Paul de Samosate et est acquis aux méthodes critiques. Il a publié en 1921 un opuscule intitulé En lisant les Pères. Or sa thèse soutenue en 1923, saluée alors par la « chronique universitaire » de FCL comme plaçant son auteur « au premier rang parmi les historiens des premiers âges de l’Église », est l’objet d’une recension particulièrement malveillante de L’Ami du clergé : recension anonyme émanant en fait de l’abbé Albert Michel, titulaire de la chaire de dogme de la faculté de théologie et qui déjà avant la guerre s’était opposé particulièrement à l’abbé Tiberghien. Il reproche à Gustave Bardy de s’être inféodé à Mgr Duchesne50 et de minimiser la primauté romaine. Paul de Samosate51 est déféré à l’Index et finalement condamné donec corrigatur en 1926. Lesne commente ainsi ces controverses autour des ouvrages de Bardy dont il salue la qualité du travail :

« L’auteur est un prêtre profondément croyant et très pieux. Frappé par le fait de la guerre d’une surdité presque complète, il a dû à son grand regret, renoncer au ministère des âmes pour se donner par l’étude seule au service de l’Église. Une condamnation le discréditerait et briserait sa plume. Elle découragerait aussi ceux qui, en particulier dans les Universités catholiques, voudraient se consacrer à des études et publications de cet ordre qu’ils croient nécessaires pour l’honneur de l’Église et la défense de la foi contre les attaques des historiens et exégètes rationalistes et modernistes. »

  • 52 Outre le conflit intellectuel que nous venons d’évoquer l’abbé Michel est au cœur d’un scandale, en (...)
  • 53 Le Manuel biblique, cours d’Écriture sainte à l’usage des séminaristes de F. Vigouroux (1837-1915), (...)
  • 54 La commission biblique est présidée par le cardinal Van Rossum. C’est le cardinal Merry del Val qui (...)
  • 55 Léon Berthe « La Faculté de théologie : enseignement, recherche, ouverture pastorale », Ensemble, N(...)

103Par respect pour le Saint-Office, G. Bardy est toutefois mis en congé. Il doit démissionner de sa chaire. On juge opportun pour favoriser un apaisement d’éloigner aussi l’abbé Michel qui part pour Strasbourg en 192752. C’est évidemment très dommageable pour l’abbé Bardy lui-même mais aussi pour l’Université catholique, d’autant qu’il y a d’autres sources de tensions autour de la question biblique. Le Manuel biblique de Brassac53 a été lui aussi condamné en 1923, ce qui n’est pas pour encourager les exégètes de l’Ancien comme du Nouveau Testament, respectivement Eugène Pannier et Louis Pirot, à publier. Le pontificat de Pie XI (1922-1939) ne voit pas l’avancée de la méthode historico-critique qu’on attendait. Plus qu’au pape lui-même, les déboires des exégètes sont alors dus à des blocages de la bureaucratie romaine et au verrouillage de la commission biblique54. À Lille, toutefois, l’accession de Mgr Liénart au siège épiscopal de Lille est bénéfique. Lui-même a enseigné l’Écriture sainte au séminaire et l’a étudiée au contact de l’École biblique de Jérusalem. Il donne les coudées franches aux professeurs de la Catho qui se retrouvent alors « dans des conditions favorables pour revitaliser, par un retour aux sources, un enseignement devenu à la longue trop formaliste et desséchant »55. Les années 1930-1935 marquent une importante évolution dans l’orientation de la faculté de théologie. L’enseignement et les publications des professeurs confortent une réputation de solidité en matière de recherche historique, dans la perspective ouverte par Bardy, celle d’une recherche scientifique en patrologie et en histoire de l’Église ancienne, comme aussi à celle de la vulgarisation des sources. Après une vacance de la chaire en patrologie, le successeur de Bardy, en 1934, Marcel Richard acquiert également une réputation internationale. Henri Renard (1902-1986), qui succède à Eugène Pannier (†1937) à la chaire d’enseignement de l’hébreu et d’exégèse de l’Ancien Testament, joue aussi dès cette époque et surtout après la guerre un rôle important dans la prise en compte des découvertes modernes et en particulier des recherches historiques pour la lecture de la Bible.

Liens avec les facultés profanes

104L’une des caractéristiques de la faculté de théologie réside également dans la place donnée au thomisme, conformément à l’enseignement des papes depuis Léon XIII. Saint Thomas a été choisi comme patron de la faculté de théologie et chaque année un de ses maîtres en prononce l’éloge. Thèse, articles et ouvrages nombreux lui sont été consacrés, dont une biographie publiée en 1894 par chanoine Didiot. Par ses philosophes, la faculté de théologie fournit aussi un apport à l’étude des grands courants de la pensée contemporaine. On peut citer en particulier le P. Gaston Rabeau qui enseigne à la faculté entre 1932 et 1939.

  • 56 La pensée de Pierre Tiberghien a eu une grande influence sur l’ouvrage des abbés Godin et Daniel Fr (...)

105Il y a, d’autre part, une véritable interaction entre les facultés profanes et la faculté de théologie. Sans doute celle-ci n’accueille-t-elle alors que des prêtres, religieux et séminaristes, mais qui suivent des cours dans les autres facultés. Nombre d’entre eux sont titulaires d’un diplôme profane ce qui est une incitation pour les enseignants de la faculté de théologie à encore plus de rigueur dans leur propre enseignement. Théologiens, juristes, historiens, scientifiques, médecins s’enrichissent mutuellement. L’enseignement de Pierre Tiberghien est significatif du rôle que la faculté de théologie et ses enseignants peuvent jouer dans l’ensemble de l’Université. Il y a créé une chaire d’apologétique avec l’intention, formellement exprimée à Mgr Lesne, d’en faire profiter toutes les facultés et écoles de l’université, estimant que cet enseignement, sans cesse renouvelé et adapté aux besoins des étudiants, constitue un important ministère auprès d’eux. Il enseigne la déontologie en faculté de médecine, la morale professionnelle à la faculté de droit, à l’école des sciences sociales, à HEI ou encore à l’école d’électricité. Il est aussi l’un des promoteurs de l’école de journalisme où il donne ces enseignements. Il a l’art de rajeunir et rendre vivants les thèses et les auteurs les plus traditionnels, considérant par exemple saint Thomas comme « le philosophe le plus approprié de notre temps ». On le retrouve aux débuts de l’école de service social comme de celle des missionnaires du travail, en même temps qu’en dehors des cours de l’université il participe à la formation des militants du syndicalisme chrétien à l’école normale ouvrière. Son audience est très grande auprès des syndicalistes et autres catholiques sociaux et il est l’un des conseillers théologiques les plus écoutés de la jeune Église de Lille. Aumônier diocésain de l’ACJF (1912-1935) à laquelle il fait prendre le tournant décisif de la spécialisation, il contribue à la naissance et au développement de l’Action catholique spécialisée dans le diocèse56.

Des enseignants réputés

106Le début des années 1930 marque un tournant pour la faculté de théologie et les travaux de ses enseignants, individuels et collectifs, nourrissent sa réputation. Les trois premiers volumes du Supplément au Dictionnaire de la Bible ont été dirigés, à la demande des éditions Letouzé et Ané par Louis Pirot (jusqu’à l’article « Herméneutique » en 1938) qui en signe 38 articles. Chez le même éditeur, il collabore ainsi que la plupart des biblistes français et nombre d’étrangers à la rédaction de La Sainte Bible, commentaires de l’ensemble des livres bibliques. Louis Pirot a également fait le projet d’une édition de la Bible destinée à toucher un large public. C’est son successeur Henri Renard qui fera aboutir ce projet après sa mort. La revue Bible et Terre sainte est due à l’initiative d’un professeur de la faculté, le chanoine René Leconte. Nombreux sont aussi les professeurs qui participent à la rédaction de diverses encyclopédies : Palémon Glorieux et Philippe Delhaye à la New Catholic Encyclopedia, Gustave Bardy, Philippe Delhaye et Marcel Richard au Dictionnaire de Spiritualité, Jean-Charles Didier, Jacques Liébaert et H. Maisonneuve au Dictionnaire d’Histoire et de géographie ecclésiastique. Sept d’entre eux participent au Dictionnaire de Droit canonique dirigé par un professeur de la faculté libre de droit de Lille, Raoul Naz, davantage encore au Dictionnaire de Théologie catholique, dont Albert Michel a dirigé pendant vingt ans Les Tables générales. Ces publications donnent la mesure de l’enseignement que reçoivent les étudiants de la faculté de théologie, marqué aussi par la diversité d’un corps professoral plus ou moins ouvert aux courants de pensée qui caractérisent ces années 1930.

107Parmi les autres personnalités qui marquent la faculté en ces années, Léon Mahieu (1873-1967) qui, après avoir été élève du séminaire académique, enseigne 36 années (1907-1943) durant au sein de la faculté de théologie. Il succède à Louis Pirot au décanat en 1937, avant que la limite d’âge ne l’oblige à quitter ses fonctions. Il s’attelle à une révision des statuts et à la réforme des études théologiques à la suite de laquelle les étudiants, après quatre ans d’études, sont licenciés et non plus seulement bacheliers. Avec une année supplémentaire, ils peuvent prétendre au doctorat. Quelques nouveaux enseignements sont introduits conformément à la constitution Deus scientiarum : patrologie, grec biblique, théologie orientale, histoire de la liturgie, ascétique et archéologie chrétienne. Par contre l’Université catholique de Lille n’est pas obligée d’ouvrir des facultés de droit canon et de philosophie, ces enseignements étant assurés dans les facultés de droit et lettres.

108La faculté de théologie comme la faculté de droit a amorcé le tournant de l’Action catholique et contribue à bâtir une théologie de l’Action catholique et de l’Action sociale. Palémon Glorieux, enseignant de la faculté et aumônier de JOC est un maître à penser en matière d’Action catholique ; Pierre Tiberghien joue un rôle considérable dans son développement et la réflexion sur l’Action sociale chrétienne. Ceci ne fait pas l’unanimité à la faculté de théologie ni au séminaire académique, reflet normal de ces tensions, et dont les élèves constituent l’essentiel des étudiants de la faculté de théologie.

Le séminaire académique

109Après Léon Flipo (1915-1919), le séminaire académique (SAC) est à nouveau dirigé par des prêtres de la congrégation de la Mission (lazaristes) : Lucien Misermont (1919-1925), Alexandre Colliette (1925-1929), Joseph Sackebant (1930-1937). Henri Desmet qui lui succède en 1937 reste à ce poste jusqu’en 1947. Ces deux derniers ont été, pendant plusieurs années, directeurs, ainsi que Louis Dillies (1920-1925), Auguste Wattez (1927-1940), François Agnius (1934-1940 puis 1947-1950), Jean Cantinat (1938-1940). Le SAC est d’abord un séminaire au règlement assez strict, plus que dans les maisons de famille. Son objectif est la préparation au sacerdoce, tant par la vie, l’atmosphère, le règlement, les exercices de la communauté, que par l’esprit de recueillement et de prière, imposé pendant ces longues années (3, 5 ou 7 ans) d’études et de formation. Les séminaristes disposent d’une chambre avec un lit de fer, une table, un rayonnage, une commode avec un bassin émaillé. Les journées démarrent tôt, avec à 5 h 30 un temps d’oraison, à 6 h la messe. Exercices religieux, chapelet, visite du Saint-Sacrement, adoration, ponctuent les semaines d’une vie collective et studieuse. L’enjeu est de permettre de poursuivre simultanément et sans rupture des études supérieures et la formation sacerdotale. Il s’agit surtout de former des prêtres professeurs. Les anciens soulignent, lors de la célébration des 75 ans du séminaire en 1952, l’esprit de piété simple et profonde en même temps que l’esprit de travail qui l’anime, tandis qu’ils préparent simultanément les licences classiques, scientifiques, théologiques, en évitant une spécialisation trop hâtive. Esprit fraternel aussi, dans la vie quotidienne, dans diverses manifestations, rencontres sportives et groupements auxquels participent les séminaristes : cercles de formation à la prédication, d’initiation aux questions sociales, groupe des historiens, groupe missionnaire, groupes régionaux, ou encore équipe de rédaction du journal Entre nous. Sans doute cette fraternité n’exclut pas une grande diversité des personnalités des séminaristes. Certains, plus traditionnels et conformes au modèle alors reconnu des prêtres, d’autres aux personnalités plus originales qui ont parfois quelques difficultés à rester dans les cadres imposés.

Les grandes écoles

110Très rapidement, nous l’avons vu dans les premiers chapitres, des écoles sont nées soit en marge d’une faculté, soit autonomes.

HEI

  • 57 L’ICAM (Institut catholique des arts et métiers) n’est pas sous la juridiction du recteur des facul (...)

111La plus ancienne d’entre elles et sans doute alors la plus importante est HEI, l’école des hautes études industrielles. Le chanoine Ghesquier a réussi à en assurer le fonctionnement pendant la guerre et même à créer en 1916 une section de chimie qui est équipée après la guerre. En 1918, il amorce sa réorganisation mais il meurt à la tâche en février 1919. L’abbé Florent Fenaert, professeur de physique à la faculté libre des sciences qui succède. À sa demande une subvention de 10 000 F de la fondation Loutreuil de l’Académie des sciences est accordée à l’école en vue de sa reconstruction et du développement de son matériel technique et scientifique. Grâce à l’association des anciens, qui lui vote un important crédit en 1924, un atelier de mécanique et un laboratoire de métallographie sont ouverts sous la responsabilité de Léo Douvrain, ingénieur civil HEI, licencié ès-sciences. La section d’électricité est équipée grâce à la récupération et au renouvellement du matériel confisqué. Parmi les nombreux étudiants qui s’inscrivent, on trouve des anciens aviateurs, des officiers et des exilés russes et quelques anciens combattants qui viennent terminer des études amorcées quatre ans plus tôt. Le succès est tel que l’école est à nouveau à l’étroit dans ses locaux et bientôt la section commerciale est obligée d’émigrer à la faculté de droit. En 1934, une nouvelle loi réglemente le titre d’ingénieur tandis que se développe en France l’enseignement technique. En 1935 l’école est autorisée à délivrer les diplômes d’ingénieur civil HEI, d’ingénieur électricien HEI et d’ingénieur chimiste HEI. HEI est avec l’ICAM l’une des premières écoles privées à obtenir ce label d’État. La taxe d’apprentissage apporte les fonds nécessaires à l’équipement des ateliers et divers laboratoires. On s’inquiète cependant depuis déjà plusieurs années de la concurrence de ICAM57 qui attire de nombreux bacheliers, qui ne doivent pas passer de concours, et absorbe ainsi des recrues naturelles de HEI. Malheureuse controverse, semble-t-il, entre deux écoles qui ont eu les mêmes promoteurs et bienfaiteurs et ont parfois les mêmes professeurs. Sans doute les perspectives de départ ont-elles été très différentes, HEI étant conçue comme une école pour les patrons et directeurs, l’ICAM pour les contremaitres et chefs d’atelier. Mais cette dernière, en recrutant des bacheliers et en devenant une école d’ingénieurs à part entière, devient une véritable concurrente. Or en ces temps de crise, le nombre d’étudiants d’HEI stagne autour de 50, sans doute aussi du fait des conséquences démographiques de la guerre. L’ouverture aux filles (une en 1930 une autre en 1931, il faut attendre 1941 pour voir arriver la suivante) ne compense pas le manque de garçons. L’école a au moment de la déclaration de guerre un niveau de recrutement inférieur à celui d’avant 1914.

Promotion HEI en 1925.

Promotion HEI en 1925.

Au centre le directeur l’abbé Florent Fenaert

Quelques photos des étudiants d’HEI en cours ou TP

Quelques photos des étudiants d’HEI en cours ou TP

photos du Courrier des ingénieurs HEI, no 50, juin 1985, centenaire d’HEI, 1885-1985

HECN

  • 58 Chanoine honoraire en 1924, Joseph Peter obtient, en 1934, le prix Thérouanne de l’Académie françai (...)

112La section des hautes études commerciales, jusque là adjointe à HEI, est d’abord rendue autonome, en 1921, puis annexée à la faculté de droit, dont quelques étudiants font un double cursus droit et commerce. Elle devient en 1920, l’école des hautes études commerciales du Nord (HECN), sous la direction du chanoine Joseph Peter. Celui-ci, après s’être illustré pendant la guerre en collaborant avec les services secrets alliés, a repris la direction de la maison Saint-Louis. Il enseigne l’histoire économique, tout en continuant ses cours d’histoire du Moyen Âge à la faculté libre de lettres et poursuivant ses travaux avec la publication, en collaboration avec Dom Ch. Poulet de Histoire religieuse du département du Nord pendant la Révolution58. Il est également bibliothécaire de la section des sciences sociales et politiques (1922), sous-directeur de l’école supérieure de direction des entreprises (1922) qui est toutefois rapidement supprimée faute de moyens. L’école, dotée d’un budget spécial, est cependant rattachée à l’Université. On y dispense des cours de comptabilité, administration générale, économie et techniques commerciales, complétés par de la géographie économique et des langues étrangères. Peu à peu elle délaisse les enseignements de caractère strictement scientifique pour donner place à des enseignements de technique commerciale et aux langues vivantes, anglais, obligatoire pour tous, allemand, espagnol, italien mais aussi langues slaves et même arabe. En 1938 elle quitte les locaux de la faculté de droit et s’installe au rez-de-chaussée de la maison Albert-le-Grand. Autonome elle ne renonce pas pour autant à faire appel aux professeurs de la faculté de droit.

Joseph Peter directeur d’EHEC

Joseph Peter directeur d’EHEC

Un « vivier de militants chrétiens »

113Pour Mgr Lesne, à la suite des fondateurs, c’est l’enseignement tout entier qui doit être chrétien. Simultanément il s’efforce aussi de favoriser cet esprit chrétien en apportant un soutien constant aux cours d’apologétique, de déontologie, de droit naturel ou de sociologie chrétienne, comme aux exercices religieux, retraites, œuvres de charité et de piété, demandant aux enseignants de les soutenir, par leur exemple auprès des étudiants et en puisant eux-mêmes aux sources de la vérité religieuse et de la vie surnaturelle. Les vitraux de la chapelle, dont il a tracé le programme, sont l’une des expressions de cette préoccupation d’une formation religieuse des étudiants. Concernant les œuvres charitables, l’Institut catholique lui-même, depuis son origine, en montre l’exemple, dans le souci des indigents. Mais plus encore Mgr Lesne, convaincu que l’enseignement supérieur chrétien a à apporter une aide à la fois intellectuelle et morale à la société chrétienne tout entière, encourage particulièrement toutes les initiatives qui visent à former à une Action sociale chrétienne. La Catho accueille dans ses murs un certain nombre de manifestations : en 1931 quelques rencontres du congrès eucharistique s’y déroulent, 50 ans après le premier congrès international qui avait eu lieu dans ses locaux en 1881. Le cardinal Liénart y est légat du pape. La Semaine sociale de 1932 ou les Congrès catholiques tiennent leurs séances plénières à l’Aula maxima. Des professeurs de la Catho y ont été très actifs dès l’origine et continuent à y donner des conférences : Eugène Duthoit qui a fait partie du groupe des fondateurs ou Pierre Tiberghien qui y participe dès 1908 et est membre à partir de 1912 du Comité d’organisation.

Congrès eucharistique de 1931

Congrès eucharistique de 1931

participation des enseignants de la Catho à plusieurs manifestations dans ses locaux et à l’extérieur

  • 59 André Caudron, « Un vivier de militants chrétiens. La faculté libre de droit de Lille entre 1895 et (...)

114D’une manière générale, les professeurs, les aumôniers, les étudiants eux-mêmes contribuent à faire de la Catho un « véritable vivier de militants chrétiens » selon l’expression d’André Caudron59, à propos de la faculté de droit de ces années. Des étudiants issus d’autres écoles et facultés y construisent également les bases de leurs engagements spirituels, caritatifs, associatifs, sociaux ou politiques. Ceux-ci portent souvent la marque de l’Action catholique alors en plein développement.

L’animation religieuse des étudiants

115Les exercices de piété ne sont pas l’apanage exclusif des étudiants du séminaire académique. Messe de rentrée, retraite pascale et autres cérémonies religieuses sont proposées à l’ensemble des étudiants. Pour les grandes cérémonies et les retraites pascales, une vaste salle a été aménagée au 3e étage de l’hôtel académique, avant que ne soit construite la chapelle universitaire. La vie dans les maisons de famille est toujours ponctuée d’un certain nombre d’exercices religieux comme la prière du matin et du soir, la messe quotidienne. Les repas y sont pris en commun. Salles de jeux, de conversation, de lecture offrent « des distractions honnêtes » et les sorties du soir comme les vacances font l’objet d’autorisations spéciales. Dans chaque maison de famille existe une conférence Saint Vincent de Paul présidée par un professeur. Celles-ci restent l’un des principaux lieux de l’engagement social des étudiants. Agile Delassus, omniprésent, dirige le conseil particulier de Lille avec ses 28 conférences. La congrégation Notre-Dame des Étudiants, s’est reconstituée au lendemain de la guerre avec une quarantaine d’étudiants. Elle se réunit deux fois par mois, avec messe, le premier samedi du mois, et salut, le troisième vendredi. Les appels à l’Adoration nocturne semblent avoir eu plus de succès que les réunions régulières, (une cinquantaine en 1920).

Plusieurs cercles d’études sont consacrés à l’encyclique Rerum novarum.

Plusieurs cercles d’études sont consacrés à l’encyclique Rerum novarum.

Le chanoine Pierre Tiberghien en est un des principaux animateurs

116Depuis les origines plusieurs cercles, animés par des prêtres professeurs, ont été créés pour les étudiants qui réfléchissent aux questions religieuses, mais aussi sociales ou déontologiques… Le cercle Pasteur s’adresse aux étudiants en PCN, le cercle Duret aux étudiants en médecine. Ce dernier animé par Georges Depape, doyen de la faculté des sciences de 1928 à 1931 fait bientôt place à la JEC. Le cercle Montalembert, en référence à l’initiative du P. Peillaube, mariste, à Paris, dans le but de donner aux étudiants la possibilité d’une formation religieuse et apostolique au niveau de leur culture profane, édite une revue qui assure les liens entre les anciens. Ces cercles regroupent souvent des étudiants par ailleurs adhérents à l’ACJF. En 1922, Robert Garric, est invité par l’école des sciences sociales et politiques pour parler des Équipes sociales qu’il vient de fonder (1921). Ce mouvement d’éducation populaire est unique par le caractère novateur de ses méthodes : travail en équipe et interéducation ont pour objectif de permettre à de jeunes étudiants, souvent catholiques, de partager leur savoir avec les ouvriers. Il entraîne quelques étudiants de la Catho.

117En 1928 apparaît pour la première fois dans le Bulletin des Facultés catholiques un long article consacré aux étudiantes qui elles aussi éprouvent le besoin de s’organiser. Il y est fait écho aux activités du cercle Louise de Bettignies fondé en 1927 et présidé par Marie-Louise Josien, étudiante de la faculté des Sciences.

L’abbé Robert Prévost, aumônier des étudiants

L’abbé Robert Prévost, aumônier des étudiants
  • 60 Antonie Roux, décédée le 1er janvier 2001, à l’âge de 97 ans a été au service des étudiants, au Cer (...)
  • 61 Jacques Dhondt, (1907-1977), devenu industriel, sera un des principaux responsables de la Mutuelle (...)

118Outre la présence de nombreux prêtres enseignants, il y a bien sûr au sein de cette institution catholique une aumônerie des étudiants, chargée de l’animation pastorale des jeunes gens de l’Université. Parmi les activités proposées, chaque semaine, un cercle d’études, une « Tribune populaire », destinée à s’exercer à la parole publique, l’œuvre des secrétariats charitables, pour faire connaître leurs droits aux pauvres et faciliter le règlement de leurs affaires, ou encore l’animation de groupes de scouts. On peut en percevoir le rôle de l’aumônier à travers le profil de certains d’entre eux. Le père Claude Verley (†1934), jésuite, aumônier de 1919 à 1929, est également aumônier de l’union sociale d’ingénieurs catholiques (USIC) pour la section Nord, fondée en 1922, et travaille, à partir de 1924, à l’essor des scouts de France, avant de partir à Madagascar en 1931. L’abbé Robert Prévost a été nommé aumônier de la fédération des étudiants des facultés catholiques en 1928. Il participe, dès cette époque, à la création de la JEC, tant dans les collèges qu’à la Catho, dont il est aumônier de 1929 à 1935. Il est également animateur d’un groupe qui s’intéresse aux missions, à l’origine d’Ad Lucem, mouvement sur lequel nous allons revenir et dont Robert Prévost devient directeur général, laissant l’aumônerie des étudiants à l’abbé Robert Lepoutre (1898-1985). Celui-ci est depuis 1932 directeur de la maison Saint-Louis, dont il s’attache à améliorer les locaux. L’année suivante, il devient en même temps aumônier adjoint de Robert Prévost avant de lui succéder jusque 1944. Avec Antonie Roux60 il règne sur le 2e étage du Cercle, rue Meurein, tandis que Valentine et Gaston Dufaye prennent en charge le rez-de-chaussée. À côté de son bureau il transforme une salle de réunion en chapelle. Il aménage un terrain de basket dans la cour du cercle. Il y a même un certain temps un terrain d’athlétisme qui longe la rue Colson et le boulevard Vauban. Il est à l’origine de la création de Ad vitam (Association de Vacances Intéressantes et Tranquilles À la Mer transformée ultérieurement en Itinérantes et Toniques). Il aide les étudiants dans tous leurs travaux en particulier les galas annuels. Il rénove complètement la scène de l’Aula maxima. Il anime la JEC, accompagne la Fédération française des étudiants catholiques (FFEC), les réunions des corpos alors appelées les « punchs ». Simultanément les locaux du Cercle sont remis à neuf par l’Association d’Aide sous l’impulsion de Jacques Dhondt61, étudiant des facultés libres de lettres et de droit depuis 1925, Robert Dupleix et Gérard Vanlaer. Jacques Dhondt appartient à l’équipe dirigeante de la FFEC.

Le cercle, rue Meurein, schéma situant les différents services

Le cercle, rue Meurein, schéma situant les différents services

les étudiants y trouvent un café-restaurant, une salle des fêtes avec théâtre, une salle d’escrime, une bibliothèque. Un aumônier y est à leur disposition chaque soir

FFEC et JEC

  • 62 Cf. David Golon, projet de thèse La Fédération française des étudiants catholiques, 1922-1966, sous (...)

119La Fédération française des étudiants catholiques62 est née en 1922, répondant à la volonté d’une poignée de responsables étudiants de Paris, Strasbourg ou Montpellier, de créer une instance nationale qui coordonne tous les efforts de pastorale dans leur monde et qui les représente au sein de l’Église. Elle réunit des délégués de trente cercles et groupes, soit alors 5200 membres, plus de la moitié étant des Parisiens. Dès l’origine et avant même la création de la JOC, elle s’inscrit dans le cadre des débats qui animent déjà l’ACJF quant à la spécialisation. Ses membres veulent affirmer la spécificité des étudiants au sein de celle-ci, dont les instances dirigeantes sont, à cette date, hostiles à toute forme de spécialisation. En marge donc de l’ACJF, la FFEC se place sous la protection du recteur de l’Institut catholique de Paris, Mgr Baudrillart, mais continue, jusqu’à la création de la JOC, de revendiquer son appartenance à l’ACJF. Le maintien d’un lien formel avec celle-ci est en effet la condition indispensable à l’adhésion des groupes dirigés par des aumôniers jésuites.

Action catholique : instructions épiscopales dans le premier numéro de la revue des étudiants Catho, daté du 1er janvier 1930

Action catholique : instructions épiscopales dans le premier numéro de la revue des étudiants Catho, daté du 1er janvier 1930

120Avec la naissance de l’Action catholique spécialisée, des équipes de JEC, se constituent sur le modèle de la JOC, dont les premières équipes ont vu le jour dans le diocèse de Lille en 1927. La spécialisation de l’ACJF qui s’en suit, et en particulier le lancement de la JEC universitaire conduisent, au terme de vives négociations, à un partage des rôles dans le milieu étudiant : à la JEC revient l’apostolat chrétien, à la FFEC, la représentation des étudiants catholiques auprès de l’opinion publique et du pouvoir politique. Dans ce cadre, le comité directeur de la FFEC publie, à partir de 1928, une revue, L’Etudiant catholique, et organise des congrès annuels thématiques. Celui de 1928 se tient à Lille, Jacques Dhondt étant alors président. La FFEC représente également les étudiants catholiques français au sein de la Confédération internationale des étudiants catholiques, dite Pax Romana. Elle prolonge son action sur le terrain syndical aussi bien que dans les manifestations de rue. Elle se veut avant tout une union corporative, au sein de laquelle chaque groupe conserve son autonomie. En 1937, elle revendique 16 000 adhérents, réunis dans 68 cercles affiliés : 28 à Paris et 40 en province, répartis dans 24 villes universitaires. Les perspectives ouvertes par l’Action catholique spécialisée bouleversent quelque peu les conceptions quant à l’animation spirituelle des étudiants et quant au cocon au sein de laquelle elle est conçue. Mgr Lesne s’en inquiète en 1929 dans un rapport au conseil supérieur, à propos du projet d’une fédération du groupe de Jeunesse étudiante.

121On a alors du mal à imaginer l’ouverture aux étudiants catholiques de l’État qui se retrouvent dans des équipes de JEC avec les étudiants de la Catho que l’on a toujours souci de protéger contre toutes les influences qui pourraient leur être néfastes, tandis que l’on insiste toujours sur l’obligation pour les catholiques d’envoyer leurs enfants faire leurs études à la Catho

« Jusqu’à présent, toute liaison a été soigneusement écartée entre étudiants des Facultés catholiques et ceux de l’État, même catholiques. Il était admis en principe, que sauf circonstances exceptionnelles les familles catholiques avaient le devoir de confier leurs enfants à l’Université catholique. L’entrée de ceux-ci à l’Université d’État les mettait en marge des règles. Le travail de démolition conduit contre l’UC par des adversaires serait facilité par une consigne qui mettrait les étudiants catholiques de l’État sur le même pied que les étudiants de l’UC. Nos étudiants ont adhéré à la Fédération des Étudiants catholiques dont le Congrès a eu lieu à Lille l’an dernier, mais il a été bien entendu qu’ils représenteraient seuls les étudiants catholiques. »

Ad Lucem

  • 63 Père Vincent Lebbe (1877-1940), missionnaire lazariste belge naturalisé chinois ; fondateur en Chin (...)
  • 64 Georges Goyau (1869-1939), historien, académicien, penseur catholique de premier plan. On lui doit (...)

122La dimension missionnaire est très présente dans les orientations pastorales des responsables de la Catho. L’œuvre des étudiants étrangers permet de récolter des fonds, dans cette perspective. Il y est souligné, dans le style de l’époque, l’efficacité des aumônes de cette œuvre « pour la conquête des âmes et la régénération du monde païen ». On a vu déjà la présence importante d’étudiants étrangers de diverses origines, d’Europe, bien sûr, mais aussi du Canada, d’Afrique ou d’Asie… Des baptêmes d’étudiants chinois sont célébrés. La participation du père Lebbe63 dans diverses manifestations les concernant est soulignée. On a vu déjà les initiatives en ce domaine de la faculté de médecine, du point de vue de l’enseignement. L’école des sciences sociales et politiques donne aussi des conférences sur ce thème en 1925. Georges Goyau64 fait partie des invités. Il donne par la suite plusieurs autres conférences. Chaque année pendant les cinq semaines du Carême, les étudiants sont invités à suivre des instructions qui en 1925 sont rassemblées sur la seule semaine sainte et données par Mgr Beaupin, secrétaire général du Comité catholique des amitiés françaises à l’étranger. Ces conférences ouvertes « à l’élite intellectuelle de la ville », ont un large succès. Elles portent sur les missions à l’étranger et le « rayonnement spirituel de la France catholique », et également sur l’union des Églises et les problèmes de la paix.

Louis Aujoulat en 1947, lors de la visite au Cameroun du cardinal Liénart.

Louis Aujoulat en 1947, lors de la visite au Cameroun du cardinal Liénart.

Celui-ci baptise le fils d’un infirmier baptisé Marie-Achille

Photo d’après La Vie catholique illustrée, no spécial, 1947

  • 65 Louis Aujoulat (1910-1973), médecin, sera élu en 1945 représentant du Cameroun à l’Assemblée consti (...)

123Dans cette perspective missionnaire, il nous faut donner une place à part parmi les engagements des étudiants de la Catho à l’association Ad Lucem née en 1932 en écho à l’élan donné aux missions par le pape Pie XI. En 1926, le P. Ursmar Milliez, professeur au collège Saint-Joseph a fondé avec des pensionnaires de ce collège un groupe missionnaire qui, 3 ans plus tard, donne naissance à la Ligue missionnaire des écoles. Elle s’ouvre encore plus largement et devient la Ligue missionnaire des étudiants de France (LMEF), qui tient son premier congrès national à l’occasion de l’Exposition coloniale de Vincennes (1931). D’autre part les étudiants ont des contacts avec l’Université de Louvain où une association l’Aucam (Association universitaire catholique d’aide aux missions) a déjà contribué à la propagande intellectuelle en faveur des missions ; parmi eux, deux étudiants en médecine de la Catho de Lille : Charles Leblond et Louis Aujoulat65. Le premier est un ancien de Saint-Joseph, inscrit tout à la fois en médecine et en sciences. Le second, également étudiant en médecine, né en Algérie, a été président de la section lilloise de la LMEF, puis président national (1932-36). Dès 1931, Charles Leblond a lancé les bases d’un mouvement baptisé LUCEM (Ligue universitaire catholique et missionnaire), mouvement qui se développe et devient, en 1932, Ad Lucem (Association des laïcs universitaires catholiques et missionnaires). L’abbé Robert Prévost en est le directeur général, Charles Leblond étant secrétaire général. Louis Aujoulat lui succède dès 1933. L’association est présidée par le cardinal Liénart lui-même qui manifeste un vif intérêt pour cette initiative et dont le soutien ne se démentira pas, même dans les plus grandes difficultés pendant la guerre. L’idée de base est d’envoyer des laïcs chrétiens dans les pays dits de missions, au titre de leur compétence professionnelle. Louis Aujoulat part en éclaireur, en 1935, au Cameroun et au Gabon, et présente à son retour un projet de fondation médicale qui reçoit l’agrément du cardinal. L’évêque lui confie alors un mandat missionnaire, analogue à celui des laïcs de l’Action catholique, au cours d’une cérémonie religieuse, le 31 mars 1936. Louis Aujoulat s’installe au Cameroun avec son épouse Marguerite Catinot et le ménage de son confrère Henri Gaubert, originaire de l’Aveyron, mais qui a fait ses études de médecine à Lille. La première fondation médicale Ad Lucem, naît à Efok où est installé un hôpital (qui existe toujours) tandis qu’Henri Gaubert se voit confier un poste en pleine forêt équatoriale à Omvan où son épouse fonde une pouponnière. La fondation comprend bientôt six hôpitaux, une léproserie et un dispensaire en brousse. Parallèlement, Aujoulat suscite la création d’équipes d’Action catholique à Douala et Yaoundé à partir de 1937.

124Né autour d’étudiants en médecine, le projet Ad Lucem a suscité une vague d’enthousiasme dans l’ensemble des facultés catholiques. Un institut Ad Lucem est installé près du cercle de la rue Meurein, dans la maison natale du général Faidherbe, et inauguré par le cardinal Liénart le 21 décembre 1933. Il s’agit davantage d’un secrétariat que d’un institut, mais c’est le centre très actif de nombreuses rencontres et d’échanges au moins jusqu’en 1936. Des cercles d’études et causeries y sont organisés, profitant de l’animation spirituelle et intellectuelle de nombreuses personnalités au premier rang desquelles le P. Tonneau (o.p.) qui a été doyen de la faculté du Saulchoir. Trois autres professeurs bien connus animent ce lieu, Joseph Folliet, Wenceslas Godlewski et Hans Conrad Ernest Zacharias, le seul permanent à temps complet. Les soutiens ne manquent pas tant du côté des facultés catholiques que d’ailleurs : Jacques Maritain, Pierre-Henri Simon…

125Trois jeunes filles figurent dans le premier noyau, alors même qu’elles sont encore peu présentes à l’université : Elisabeth Dubreuil-Chambardel qui gagne le Maroc en 1934, Yvette Tiphaigne qui prend la direction d’un hôpital en Inde et Andrée Rossignol qui, nantie de son diplôme de docteur en médecine, entre chez les franciscaines missionnaires de Marie. Elle meurt à 31 ans de fièvre typhoïde au Maroc. Parmi les figures emblématiques Emma Payelleville qui, élève infirmière, a attiré plusieurs de ses camarades à l’Association. Elle part pour l’Afrique en 1935 où elle vivra longtemps comme infirmière et assistante sociale.

Une équipe de Rugby

Une équipe de Rugby

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier

126Les milieux médicaux ne sont pas les seuls concernés même si l’aide qu’ils peuvent apporter aux pays de mission semble la plus évidente. L’un des premiers partants Gustave Langrand a été étudiant en lettres. Il succède à Aujoulat à la tête de la section lilloise et part à Hué (Vietnam) comme professeur de lettres (1936-39). En 1936, c’est Jean-Marie Sédès, juriste, futur directeur de l’école des sciences sociales et politiques, qui remplace Aujoulat à la présidence nationale de la LMEF.

Autres engagements et associations d’étudiants et anciens étudiants

127Il est difficile d’être exhaustif tant les exemples de militance sont nombreux. Nous avons plusieurs fois évoqué la diversité des engagements des enseignants à travers l’histoire de chacune des entités comme celle des étudiants dans les corpos. L’Association des élèves-ingénieurs d’HEI, l’Intégrale, par exemple, est née en 1931, sous l’impulsion d’André Boncompain. Elle publie un bulletin, organise des réunions mensuelles et constitue un centre de liaison et d’informations précieux pour tous ses membres. Ses principales activités consistent en visites d’usines dans le but de faciliter le cas échéant la recherche de stages et de sujets de mémoire de fin d’études. À l’époque, la direction de l’école voit cette association d’un assez mauvais œil et les accrochages sont fréquents avec l’intransigeant chanoine Fenaert qui n’accepte comme seul représentant des élèves que le major de chaque promotion. Des liens s’établissent avec les bureaux des élèves des autres écoles et les HEI participent aux activités de la Fédé. C’est ainsi que son président en 1937, Robert Leurent met sur pied l’association « Sport Université Catholique » qui aboutit à ce que toutes les écoles de la Catho libèrent une après-midi par semaine pour permettre à leurs élèves la pratique du sport… sauf HEI dont l’emploi du temps ne doit en rien être perturbé !

Quelques aspects de la vie universitaire vus par les rédacteurs de la revue Catho (1931­1936)

Quelques aspects de la vie universitaire vus par les rédacteurs de la revue Catho (1931­1936)

Monômes et bizutages

Monômes et bizutages
  • 66 Qui deviendra l’AEU (Association d’entraide Universitaire Lille-Vauban) au lendemain des événements (...)

128La Fédé rassemble des délégués des diverses corpos et associations d’étudiants et poursuit ses activités d’animation et d’entraide. En 1929, Jacques Dhondt est le co-fondateur de l’Association d’aide aux étudiants des facultés catholiques66, qui a alors la caractéristique très particulière d’être animée par des anciens étudiants et un représentant de l’autorité académique en la personne du vice-recteur. Henri Dutoit fait donc partie de cette association tout le temps de sa fonction. L’objectif est « d’apporter tous appuis moraux et matériels aux étudiants des facultés catholiques de Lille et « principalement aux étudiants peu fortunés » en proposant des bourses d’études. En 1933, Jacques Dhondt justifie leur action avec quelques chiffres. Il y a, dit-il, à l’Université catholique 40 étudiants qui bénéficient d’un prêt d’honneur et 250 qui ont dû demander une réduction sur le prix de leur inscription. Il insiste pour dire la difficulté, la véritable pauvreté, voire l’héroïsme de certains. Un système de repas à prix réduit a également été organisé à la maison des étudiants.

129L’association des anciens de la Catho, fondée dès 1878, par Georges Herlin († 1929), qui 50 ans plus tard est toujours secrétaire, compte en 1928, plus de 1600 membres. Elle présente diverses formes de regroupements : chaque faculté et école a son association particulière mais il y a aussi des associations régionales, les Bretons par exemple, qui se rencontraient naguère à Paimpol, ou les anciens HEI installés à Paris qui y tiennent une réunion annuelle, qu’ils ouvrent à tous les anciens de l’université. Les activités sont diverses : par exemple, celle des pharmaciens à face corporative professionnelle, prend chaque année une nouvelle initiative comme de faire éditer le plan détaillé du jardin botanique, ou de frapper une médaille à sa patronne, sainte Madeleine.

130En 1936-37, l’association des anciens de la faculté de droit se reconstitue après quelques années de flottement. Il y a aussi une amicale de la faculté de médecine, une association des anciens de HECN, des anciens étudiants ecclésiastiques, des anciennes étudiantes et des anciennes élèves infirmières… Il y a en outre une forme fédérale, la plus ancienne, qui publie en 1937 son Annuaire de 300 pages, qui fournit les noms et adresses des anciens étudiants groupés successivement par associations corporatives, par département et par ordre alphabétique. La fédé fête son 60e anniversaire en 1939. Un ancien président le bâtonnier Henri Derély, depuis 1937 président de l’association des anciens étudiants de la Catho, rappelle en ces circonstances la nécessité pour les anciens de soutenir encore et toujours l’Université catholique ainsi que l’utilité, l’importance et le rôle des universités catholiques, insistant auprès des familles catholiques pour qu’elles la choisissent pour leurs enfants. Quelques semaines plus tôt, ces anciens se sont associés à une initiative des étudiants qui ont organisé deux journées d’études sur la mission universitaire de l’Église.

131De leur côté, les anciennes étudiantes, tout en continuant selon la tradition à collaborer avec les étudiants dans les associations professionnelles et l’association fédérale, se regroupent de façon autonome en 1933, sous la présidence de Jeanne Villette, pour traiter des questions qui les concernent plus spécifiquement. L’un des objectifs est pour les anciennes étudiantes de s’aider mutuellement, une fois leurs études terminées à « suivre le mouvement intellectuel ». Service d’entraide aussi dans la recherche de situations pouvant leur convenir. Cette même année une association des anciens étudiants ecclésiastiques voit également le jour, qui rassemble dans un premier temps 150 anciens (soit environ un tiers du chiffre total des prêtres anciens étudiants). Au-delà de l’amitié, elle se propose d’être un lieu d’entraide sacerdotale, intellectuelle, voire matérielle, et de travailler à la promotion de l’Université catholique. Elle est à sa fondation présidée par le chanoine David.

132Sans doute faut-il aussi rappeler que l’objectif de la Catho est de former des professionnels, compétents dans leur domaine, qui exercent leur métier conformément aux valeurs chrétiennes. Cette préoccupation inspire en 1937, à la requête de Mgr Chollet, la proposition d’étendre à tous les étudiants qui quittent l’une ou l’autre faculté pour exercer une profession libérale à souscrire, comme les médecins dans le « serment d’Hippocrate », les engagements qu’elle comporte de la part d’un catholique fidèle. Les sections de pharmacie, droit, HEI élaborent des formules d’engagement du pharmacien, juriste ou industriel chrétien et la promesse est faite devant l’autel ND des Étudiants, le jour de la fête patronale de chaque faculté et école, en présence des maîtres et autres étudiants plus jeunes.

L’engagement politique

133Certains aussi se passionnent pour la politique sur un échiquier qui en ces temps troublés s’étend de l’extrême droite au centre gauche. François Guermonprez (1849-1932), grand novateur en chirurgie des accidents du travail, est résolument conservateur sur le plan politique. Premier responsable de la Ligue d’Action française dans le Nord, familier des conférences d’études sociales de Notre-Dame du Hautmont, il s’est montré un adversaire virulent de l’abbé Lemire. Après lui, le flambeau du royalisme nostalgique est repris de façon moins agressive par son neveu, Antoine Delattre, fils d’un pamphlétaire intégriste d’avant 1914. Le professeur Léon Reverchon, médecin colonel de réserve, titulaire de citations élogieuses est membre des Croix de feu de La Roque. Ces courants nationalistes ont sûrement quelque audience parmi les étudiants en médecine, prompts à étoffer le cas échéant certains défilés tumultueux, même s’il semble bien que la majorité d’entre eux préfèrent les manifestations folkloriques.

134La démocratie chrétienne recrute chez les médecins comme chez les juristes, quelques acteurs politiques notoires. Le docteur Samsoen et le pharmacien Louis Lernout à Hazebrouck sont de fervents soutiens de l’abbé Lemire. Jules Vanneufville (1864-1926), président des anciens internes des facultés catholiques, médecin à Tourcoing y est depuis longtemps un promoteur du catholicisme social. Louis Delegrange (1868-1932), également ancien de la faculté de médecine, préside après la guerre le secrétariat social de Roubaix-Tourcoing qu’il a aidé à fonder. Il est président de la Fédération des républicains démocrates du Nord en 1920 et participe à la fondation du Parti démocrate populaire dans sa ville. Il donne des cours à l’école normale ouvrière. À Lille le docteur Jules Defaux (1885-1977), qui a été étudiant en faculté des lettres avant de faire médecine est un ardent militant du Sillon. Il est président départemental du PDP, à la naissance de celui-ci en 1928, puis du MRP après la guerre, adjoint au maire, conseiller général, en même temps que généraliste auprès d’une population ouvrière et enseignant à la faculté de médecine et à l’école, infirmières. On retrouve beaucoup d’anciens étudiants parmi les membres et même les dirigeants du PDP. Beaucoup de médecins généralistes à la campagne sont maires et conseillers généraux. Seul Louis Aujoulat sera député et même ministre après la guerre. Le docteur Victor Leplat est maire de Wattrelos pendant 5 ans mais il démissionne d’une fonction qui lui paraît incompatible avec l’exercice de sa profession. Camille Douvrin, président de la fédération des associations d’anciens de la Catho (1933-1937) est conseiller d’arrondissement, animateur des comités libéraux et patriotes, le docteur Poiteau est conseiller général de Pas-en-Artois, etc.

135La diversité de ces engagements n’est pas sans créer quelques difficultés au sein de l’institution. Déjà nous avons évoqué les tensions entre modernistes et antimodernistes. Le courant des catholiques sociaux et démocrates chrétiens, particulièrement important au sein de la faculté de droit mais aussi chez les théologiens, est longtemps confronté aux sympathisants de l’Action française tant au sein du corps professoral que des autorités académiques. La tension est particulièrement vive au lendemain de la condamnation de l’Action française en 1926.

Tensions et crises

136À la différence de la querelle moderniste qui reste, à la Catho, le fait de cercles assez restreints, les tensions politiques dans les années 1920-1930, éclatent sur la place publique et font les beaux jours d’une certaine presse anticléricale. Ces tensions amènent certains à penser qu’il y a une incompatibilité entre les engagements politiques et la mission de l’enseignant à l’Université catholique.

Autour de l’Action française

137L’affaire de L’Escholier lillois « Organe des Étudiants des Facultés catholiques », qui devient « Organe des Étudiants catholiques de Lille » révèle, avant que n’éclate la crise de l’Action française, les tensions idéologiques et politiques existant tant au sein du corps professoral que chez les étudiants. Cette petite revue rédigée par des étudiants a été créée en 1922, après la reprise d’une revue du même nom existant avant la guerre. Le comité de rédaction est composé d’étudiants et d’anciens étudiants de la Catho, en majorité d’Action française, qui cherchent à s’affranchir de la censure du vice-recteur Henri Dutoit. Celui-ci lui reproche des propos déplacés… voire des hérésies… en particulier une poésie intitulée « Automne ». En juillet 1926 L’Escholier lillois cesse de paraître pour resurgir sous la forme d’un nouvel organe Septentrion, revue régionaliste dont la véritable origine est dissimulée. Michel Dard, notoirement Action française, est secrétaire de rédaction. Son comité de rédaction est élargi et l’on a obtenu le patronage de quelques personnalités, étrangères à la querelle avec le vice recteur. On fait croire que c’est lui qui a empêché la publication de L’Escholier, tandis qu’au printemps 1926 il a déjà interdit « Le Café des Fleurs », « lieu de plaisirs » vers lequel s’établit parmi les étudiants « un courant dangereux ». Cela a été l’occasion d’une manifestation contre le vice-recteur dont les meneurs cherchent à renforcer la réputation d’intransigeance.

138La condamnation de l’Action française, en 1926, ravive également les clivages au sein du corps professoral. Il y a quelques incidents, dont le récit donne une idée de l’ambiance qui règne alors dans certaines facultés. En janvier 1927, des étudiants de différentes facultés et écoles de l’Université catholique de Lille rédigent une adresse de fidélité au Saint-Père, tandis que des partisans de l’Action française mènent des intrigues de tout genre. Les partisans de l’Action française avec le concours d’un théologien, rédigent une contre adresse, dont tous les paragraphes commencent par les mêmes mots que la première, mais dans le texte de laquelle ont été introduites des réticences et des réserves habilement formulées. Tout aussitôt, soit par surprise, soit par pression, on rassemble au bas de cette contre adresse un certain nombre de signatures et elle est expédiée à Rome par une voie ignorée des autorités académiques. Une lecture un peu rapide, qui ne permet pas de voir les pièges dissimulés, et l’ignorance des incidents dont s’accompagne l’envoi du document induisent en erreur la secrétairerie d’État qui répond par un bref télégramme de remerciements. L’évêché transmet celui-ci au recteur qui le laisse ignorer et insiste simplement pour que la signature de la véritable adresse soit achevée dans les plus brefs délais. L’inspirateur de celle-ci, le père Verley, est chargé d’insérer l’ensemble des signatures au texte définitif. Pendant l’opération de recueil de signatures, un étudiant se fait arracher la feuille. On n’a pas le temps de rechercher à nouveau ces signatures mais on en recueille au total environ 200. Cette adresse au pape et la réponse du Saint-Père sont transmises par l’entremise du nonce apostolique. Il y a de nouvelles tentatives mensongères des opposants par La Croix qui se méfie, et Le Télégramme du Nord qui publie.

L’Affaire de L’Escholier lillois. Couverture d’un numéro de 1912 de L’Escholier lillois. Couverture du numéro de février-mars 1926 de L’Escholier lillois dans lequel a été publié le poème mis en cause par Henri Dutoit

L’Affaire de L’Escholier lillois. Couverture d’un numéro de 1912 de L’Escholier lillois. Couverture du numéro de février-mars 1926 de L’Escholier lillois dans lequel a été publié le poème mis en cause par Henri Dutoit

Poème « l’Automne »

  • 67 René Benjamin (1885-1948), écrivain et journaliste français, collaborateur de l’Action française.

139Si les fêtes du cinquantenaire permettent une trêve, une nouvelle campagne d’Action française est lancée, en mai, au moment de l’élection du président de la Fédé qui est un échec pour l’Action française. En novembre il y a de nouvelles intrigues au moment d’élections complémentaires, notamment auprès des nouveaux, servis par une querelle que les étudiants en médecine font au président de la Fédé. Nouvel échec. Les deux tendances se font à peu près équilibre au sein du bureau. Cependant, le 1er décembre 1927, une réunion de rentrée de la fédération nationale des étudiants d’Action française, est organisée sous la présidence de Michel Dard, avec à l’affiche une conférence de René Benjamin67 : « Aristophane et la démocratie ». Sujet culturel apparemment anodin mais le vice-recteur ne s’y trompe pas qui dénonce la manœuvre, interdit toute propagande et fait refuser toute permission de sortie ce soir-là par les directeurs des maisons de famille.

140Les étudiants d’Action française ne désarment pas et le monôme de la Saint-Nicolas est l’occasion d’autres manifestations, le 8 décembre 1927 : la queue d’un monôme d’étudiants tente « d’envahir l’Université, d’en enfoncer les portes en poussant des cris de forcenés et de goujats ». Le 15, ces scènes de désordre se renouvèlent lors de la séance générale de la fédération au Cercle où une petite minorité fait échec au président élu, Jacques Dhont, accusé d’être le candidat du recteur, lors d’une séance de la fédération en présence de celui-ci. S’y ajoute une animosité des étudiants en médecine à l’endroit des étudiants en droit. D’autres manifestations se déroulent contre l’autorité universitaire particulièrement devant le domicile du vice-recteur, Henri Dutoit, rue François Baës. Le 20 décembre, en réponse à l’admonestation que celui-ci a portée dans toutes les salles de cours à l’adresse des meneurs, un pamphlet polycopié « dont l’esprit et l’insolence sont inqualifiables » (Lesne) est distribué dans la rue par un camelot à la sortie des cours. Ces débordements sont sanctionnés par la convocation d’un conseil de discipline, le 22 décembre. Deux étudiants sont exclus définitivement des facultés catholiques. Roger Gobled de l’équipe rebelle de L’Escholier lillois puis de la nouvelle revue Septentrion, qui a mené la cabale contre le nouveau président de la Fédé et, battu aux élections, a cherché cependant à introduire des opposants dans le comité. Philippe Roques étudiant en droit, auditeur de HECN est également exclu définitivement. Il avait aussi organisé un tapage lors d’une conférence de G. Depape « L’Église libératrice de l’Intelligence », fondée sur les deux exemples de condamnation, celles du Sillon et de l’Action Française. Son père, rédacteur du Progrès du Nord avait mené une campagne de presse contre les facultés catholiques de Lille. Un autre étudiant est exclu un mois, deux autres ont respectivement un avertissement et un simple blâme. Les étudiants incriminés étaient inscrits en faculté de médecine, en lettres ou à l’école de journalisme.

141Les étudiants exclus sont avertis le dernier jour avant les vacances. Ils organisent pendant celles-ci une grève pour le jour de la rentrée. Le vice-recteur fait aussitôt enlever les affiches apposées le 3 janvier dès 4 h 30. S’il y a quelques absences, la majorité des étudiants sont présents aux cours qui se déroulent normalement. Les procédés violents, liquides malodorants, lacrymogènes sont surtout le fait d’anciens étudiants ou d’étrangers à la Catho. Le mouvement a peu de succès auprès des étudiants des facultés et écoles qui ne sont qu’une centaine. Quelques journaux y font écho mais il reste sans lendemain. Le 14 janvier 1928, le conseil supérieur fait afficher un message aux étudiants et, le 16, une instruction épiscopale rappelle : « la politique distrait et divise. Les étudiants doivent s’abstenir d’apporter les préoccupations politiques dans leurs études qui ne peuvent qu’en souffrir ».

142La question de l’Action française provoque encore dans les mois et années suivantes quelques soubresauts, lorsqu’Henri Mabille de Poncheville proteste contre un cours annoncé de P. Tiberghien sur le libéralisme et l’Action française ou que Paul Bernard (beau-frère de Paul Feron-Vrau, membre du CA et de la Commission permanente) dénonce une campagne contre l’Action française et démissionne. Un professeur présent au cortège Jeanne d’Arc en mai 1928 dans le groupe d’Action française, doit par lettre attester que cette présence n’engage pas ses idées et s’engager à ne plus paraître en public dans des manifestations qui pourraient entrainer ce type d’interprétation. Le climat politique des années 1930 ne favorise pas un retour à la sérénité. Le cardinal Liénart intervient le 24 février 1934 rappelant aux prêtres du clergé séculier et régulier de son diocèse que l’Action française a été condamnée pour des motifs religieux et non politiques. « Sans paraître attaquer la religion, elle la [pervertit] dans l’esprit de ses lecteurs » et génère un esprit de résistance qui a provoqué, dit-il, les interventions du Saint-Siège et des évêques de France en 1926-28.

143Le Saint-Siège a reproché alors à Mgr Lesne un certain manque d’énergie (Caudron) dans la gestion de cette crise. Celle-ci, en fait, est douloureuse pour l’université et pour son recteur qui a pris en l’occasion nettement position. Il l’a fait, sans doute, en obéissance aux injonctions romaines mais aussi en vertu de sa conception d’une Église qui ne peut être « considérée sous le seul aspect d’une société religieuse, bien ordonnée et fortement hiérarchisée », dont on ne peut ravaler la fonction à celle « d’une sorte de gendarmerie spirituelle, comme si son objet purement utilitaire n’avait qu’une portée terrestre » et « n’admet pas que l’on distingue le catholicisme de l’authentique et intégral christianisme ». Il réaffirme ainsi la mission spirituelle de l’Église et celle de l’université au sein de laquelle la vie et la doctrine de l’Église doivent être florissantes. Or les tensions y ont été d’autant plus vives que l’accession au pontificat de Pie XI, la promotion de l’Action catholique et de l’action sociale et la condamnation de l’Action française ont libéré les forces vives du catholicisme social.

Catholiques sociaux et démocrates chrétiens

  • 68 Bruno Béthouart, « Eugène Duthoit : un démocrate chrétien », Colloque Eugène Duthoit (1869-1944), U (...)
  • 69 Mgr Paul Six (1860-1936), directeur des œuvres sociales du diocèse de Lille, qui avait fondé la rev (...)
  • 70 Louis Blain (1888-1938) et Charlemagne Broutin (1884-1963) sont des syndicalistes chrétiens qui ont (...)

144Ce courant a de longue date ses lettres de noblesse à la Catho, même s’il est loin d’y faire l’unanimité. La présence d’Eugène Duthoit sur « tous les fronts du catholicisme social dans sa version démocratique »68, tant à l’Université catholique que dans la région, laisse place à la diversité même des courants de la démocratie chrétienne. Il contribue à faire « des facultés catholiques un lieu de fécondité pour le mouvement démocrate chrétien ». Sous son influence, ou celle de Pierre Tiberghien, ami de Mgr Six69 et des disciples que celui-ci a formés comme Louis Blain ou Charlemagne Broutin70, plusieurs enseignants de la Catho mettent leurs compétences au service des démocrates chrétiens. Ainsi Adéodat Boissard qui, venu de Marseille, enseigne le droit administratif et industriel et la législation financière, mais aussi Joseph Danel, le P. Delos, Louis Blanckaert ou le chanoine Vancourt. La secrétaire de Duthoit, Marguerite Mouy sera par la suite la secrétaire de la fédération MRP du Nord. Le Petit démocrate est diffusé dans les différentes facultés. Parmi les étudiants engagés dans cette voie, Marcel Hénaux, futur héros de la résistance, anime les Jeunesses démocrates.

145Les problèmes sociaux qui agitent la région à la fin des années 1920 ne les laissent pas indifférents et l’affaire du Consortium textile, dans laquelle Mgr Liénart est intervenu en faveur des syndicats ouvriers chrétiens, a également quelque écho à l’université. Des patrons se plaignent à propos de l’accueil dans les locaux de la Catho d’un congrès des syndicats chrétiens, estimant que l’université ne peut accueillir des syndicats qui diffusent des idées contraires à celles que prônent un nombre important de membres du CA, même s’ils reconnaissent qu’il est de la liberté de certains professeurs de partager ces idées. Dans ce contexte, en octobre 1929, les attaques du docteur Jacques Valdour (pseudonyme du docteur Louis Martin), professeur à l’école des sciences sociales, contre les syndicats chrétiens au congrès des jurisconsultes de Tours et ses publications qui sont de la même veine, provoquent la suspension de ses cours. Il est intéressant de signaler qu’il y a sur ce plan un désaccord entre Mgr Liénart et Mgr Chollet qui amène le conseil supérieur à laisser la liberté de décision au recteur qui, finalement révoque Valdour en janvier 1930.

Le général de Castelnau contre Pierre-Henri Simon

  • 71 Le général Édouard de Castelnau (1851-1944), qui a perdu trois fils pendant la guerre, a fondé en 1 (...)

146Un autre incident surgit avec la publication de l’ouvrage de Pierre-Henri Simon, professeur en faculté des lettres, Les Catholiques, la Politique et l’Argent qui suscite une vive émotion et une réaction non moins vive du général de Castelnau71. Celui-ci ne veut pas laisser sans protestation ce qu’il appelle « l’inqualifiable provocation de M. Pierre-Henri Simon » qu’il accuse d’être « le porte-parole des néo-catholiques de la ‘Collection Esprit’ soutenue par l’Aube, la Vie Catholique, la Jeune République, l’Éveil des Peuples, la Terre Nouvelle, et autres publications qui ont été créées et entretiennent la division dans les milieux catholiques ». Castelnau est décidé à intervenir à Rome s’il n’obtient pas satisfaction quant à la fin de ces campagnes. Bien que l’ouvrage, publié sous son nom, n’engage pas l’Université catholique, l’auteur accepte, le 10 juin 1936, de signer une lettre à Mgr Chollet considérant les critiques de celui-ci comme « justifiées », reconnaissant ses « erreurs et imprudences » et acceptant que, pour calmer l’émotion, sa lettre soit rendue publique. Il précise cependant que cette mise au point ne touche pas aux thèses fondamentales de son livre qu’il a pu « compromettre par des outrances [qu’il] regrette. Il doit rester entendu qu’un professeur catholique n’est pas blâmable pour avoir souhaité la parfaite indépendance politique du catholicisme français, ni pour avoir rappelé les condamnations pontificales contre les excès du nationalisme et certains désordres du capitalisme ». Dès lors le conseil supérieur considère l’incident comme clos.

Action catholique contre action politique…

  • 72 Dossier intitulé « Action catholique Universitaire 1935-38 ». Comptes-rendus adressés à « Berger » (...)

147Un dossier72 conservé aux archives de la Catho et remis dans son contexte donne un éclairage intéressant sur les débats qui agitent alors l’Université catholique, du moins certains de ses enseignants et étudiants, et que les autorités académiques et le conseil supérieur doivent prendre en compte. Il s’agit de compte-rendu de réunions d’un groupe d’Action catholique universitaire dont l’instigateur est sans doute Pierre Bayart. Avec le souhait d’une plus grande solidarité au sein de la Catho, entre étudiants et professeurs des différentes facultés, est créé en 1935-1936 un cercle d’Action catholique universitaire qui réunit une vingtaine de personnes le dimanche matin tous les 15 jours, en commençant par la messe. L’abbé Prévost dirige ce cercle. Lors de la première rencontre les participants s’interrogent sur l’Université catholique : « Une des plus belles réalisations catholiques – Un effort financier écrasant – le dévouement de 50 prêtres et 80 laïcs pour 800 étudiants » : A-t-on conscience de ce qu’est la Catho ? Pour quels motifs y vient-on ? Que s’attend-t-on à y trouver ? Qu’y apporte-t-on ? Les réponses à ces questions portent de la part des présents un jugement assez négatif sur l’ensemble des étudiants : souvent on n’arrive à la Catho sans trop y réfléchir et sans idéal catholique particulier, ni véritable désir de formation même si, au bout de quelques années, la Catho stimule ce désir. On dénonce des problèmes liés au bizutage, des pressions exercées sur les bizuths par les anciens… pour qu’ils ne se laissent pas accaparer par les « curés »… On critique le journal Catho plus soucieux de publier « des choses marrantes », et où les articles sérieux, s’ils y sont admis, sont qualifiés de « bourgeois », faits pour donner le bon ton mais pas pour être lus ! On évoque aussi la vie corporative qui permet des réalisations qu’on ne trouve pas dans les autres universités, les « virées » importantes surtout pour ceux qui sont en maison de famille… mais l’on regrette les débordements, sources de mauvaise réputation pour la Catho. Globalement on dénonce l’esprit anti-bourgeois de beaucoup d’étudiants (qui pourtant le sont !) et le fait que souvent ce sont les étudiants les moins cultivés qui font la loi. Un tableau assez noir est dressé d’un catholicisme superficiel et non vécu, d’un christianisme primitif qui n’a pas suivi la formation intellectuelle des étudiants, d’un catholicisme à « l’état infantile » ; et le compte-rendu de conclure : « nous touchons ici le point central de toute notre enquête. Car il est évident que « la Catho ne peut valoir que ce que vaudra le catholicisme de ses étudiants ».

  • 73 Ambroise-Marie Carré (1907-2004), dominicain, rédacteur en chef de la Revue des Jeunes (1936-1939), (...)
  • 74 Mgr Barbier de la Serre (1880-1969), pionnier du développement de l’éducation physique, du sport et (...)
  • 75 Le docteur Antoine Delattre (1891-1983), connu pour avoir été un militant d’Action française, dont (...)

148Sans doute émane-t-il de ce compte-rendu un certain sentiment de supériorité des étudiants présents sur les autres mais ils donnent aussi quelques points de vues partiels mais intéressants sur l’ambiance de cette époque. Ces étudiants s’identifient plusieurs fois comme de jeunes bourgeois catholiques, même si la notion de bourgeois est souvent entendue de façon péjorative… Leurs références sont Daniel Rops, Robert Garric… Le RP Carré73 participe à la réunion du 16 février 1936, ainsi que Mgr de la Serre74, le 1er mars. Dans les deux cas la réunion suit son cours habituel. Outre celui de Pierre Bayart, est plusieurs fois cité le nom du professeur Delattre75. Louis Aujoulat de retour du Cameroun participe à une rencontre.

149On constate aussi que l’un des soucis récurrents est le recrutement des étudiants pour la Catho. On évoque la mauvaise réputation que lui auraient faite les premières générations d’étudiants de l’après-guerre, dans une période qui a laissé à désirer, ou encore les prises de positions politiques de certains professeurs et les divisions politiques entre catholiques en France (Jeunesses patriotes, Parti démocrate populaire, Croix de feu…). On plaide pour une légitime diversité d’opinions, preuve de l’indépendance de l’Église vis-à-vis des partis politiques, sous la seule réserve que ceux-ci ne soient pas condamnés par l’Église. Ces principes posés, des tensions apparaissent, cependant, au sein du groupe, à propos des Croix de feu, en particulier, à l’instar de celles qui règnent alors dans le monde catholique et entre les évêques eux-mêmes tandis que se développe l’agitation des ligues. L’ACA appelle à la vigilance, sans prendre parti, à la veille des élections de 1936. Le cardinal Liénart, de son côté, demande à la jeunesse catholique de se tenir éloignée des ligues. Ces propos sont diversement interprétés et Pierre Bayart montre qu’on va au-delà des paroles du cardinal quand, à droite comme à gauche, on conclut qu’il a condamné les Croix de Feu alors qu’il affirme seulement qu’on ne doit pas abandonner pour autant l’Action catholique.

150Le débat tend à se cristalliser sur la question des rapports entre l’Action catholique et l’action politique. Institution d’Église, la Catho ne peut se désintéresser de la formation du citoyen. Pie XI, lui-même, a présenté la politique comme le champ le plus vaste de la charité dans la mesure où elle regarde les intérêts de la société tout entière. Action catholique et action politique sont donc liées. De même il a mis en garde contre les excès du nationalisme tout en mettant en valeur un juste nationalisme, présenté comme l’une des formes de la charité collective. Dans ces perspectives, la Catho, estime Pierre Bayart, n’a plus à être envisagée comme elle l’était par les fondateurs comme une citadelle de défense anti-laïque face à un État athée et libéral, mais plutôt comme un foyer de conquête et de rayonnement, un puissant centre d’Action catholique. Or celle-ci fait débat.

151Une « joute » entre les deux aumôniers, Lepoutre et Prévost, lors de la réunion du 6 janvier 1936, aboutit à une mise au point sur l’Action catholique, qui « ne supprime rien de tout ce qui est bon et sain mais prétend tout vivifier ». On rappelle que les Croix de feu ne sont pas condamnées par l’Église mais qu’il y a nécessité d’y apporter un esprit d’Action catholique et de développer l’esprit Croix de feu jusqu’au bout de lui-même, par la prise de conscience des devoirs civiques, le sens social, le dépouillement des passions partisanes… L’évocation de la JEC, indique qu’elle a eu quelques difficultés à trouver droit de cité à la Catho. On souligne des progrès « depuis 10 ans » comme le fait que l’aumônier soit accepté au Cercle ce qu’il n’était pas, ou qu’il ait la possibilité de parler ouvertement de la messe. « La JEC et la ligue missionnaire sifflées au premier meeting de rentrée sont parfaitement acceptées maintenant » peuton lire, mais le débat reste ouvert, certains trouvant encore qu’elle n’y a pas sa place et qu’elle est faite pour les collèges. Pourquoi pas une ACU, comme prolongement universitaire de la JEC ? D’une manière générale on attribue à l’esprit d’Action catholique un changement d’atmosphère dans les collèges comme à la Catho. La JOC est souvent utilisée comme référence.

152La marque de Pierre Bayart, lui-même fondateur du mouvement de la « Bourgeoisie chrétienne », très influencé par la JOC et ses méthodes, est confirmée par un débat au conseil supérieur et au sein même des facultés en 1938, suscité par sa proposition d’un « projet de statut universitaire » daté du 19 mars 1938. Le débat porte sur les rapports Action catholique et action politique à partir de la question posée en novembre 1937, du statut des professeurs d’université. Pierre Bayart estime que le problème financier est soluble pour l’enseignement primaire comme pour le supérieur à condition « que l’Université catholique apparaisse à tous les égards – sans aucune contestation possible – comme étant placée sur le seul terrain de l’Action catholique et que ce caractère essentiel rayonne et resplendisse au point d’aveugler les esprits les plus prévenus, et en tout cas, d’éclairer tous les esprits loyaux »… Il pose alors la question « de l’activité du professeur en dehors de sa tâche d’enseignement proprement dit dans sa chaire et sa salle de cours ». La question ne peut être réduite aux incidents qui ont « fait tant de mal à l’Université », estime-t-il. Le problème est qu’il n’existe pas de statut des professeurs fixant d’une façon claire au vu et su de tout le monde, la limite exacte de leurs droits et de leurs devoirs vis-à-vis de l’université. Dès lors son « projet de statut universitaire » rappelle que la mission de l’Université catholique d’éducation et d’apostolat auprès de la jeunesse lui fait obligation « de se tenir en dehors et au-dessus des partis ». Ceci concerne les étudiants comme les professeurs qui doivent rester étrangers à toute compétition de partis, ne doivent pas participer à des manifestations politiques dans les locaux de l’université et même à l’extérieur si c’est de nature à compromettre celle-ci, ni briguer de mandat politique ou occuper un poste de dirigeant dans un parti. Étudiants et professeurs doivent s’inspirer dans toute leur vie des principes de l’Action catholique afin que l’Université catholique fasse autour d’elle le rassemblement unanime de tous les catholiques de bonne volonté, sans distinction d’opinions et se présente comme « le foyer supérieur de formation chrétienne où l’Action catholique est appelée à trouver ses meilleurs chefs et ses meilleurs militants. »

153Ce projet, d’abord approuvé par les évêques, est heureusement abandonné. Les doyens, la grande majorité des professeurs ecclésiastiques et l’unanimité des professeurs laïques se sont prononcés contre. Ils estiment que les facultés, dans leur enseignement, sont amenées à se prononcer sur les idées politiques et sociales, à enseigner les principes et les règles d’une bonne politique comme d’une bonne économie sociale. Faire de la politique pour l’université serait prêter ses locaux pour des rencontres ou meetings de parti, voir ses dirigeants s’engager eux-mêmes dans l’arène politique, mais étudiants et même professeurs ne sont pas suffisamment qualifiés pour engager l’université. L’engagement de professeurs de Louvain, par exemple, dans plusieurs partis différents, n’est pas considéré comme entraînant l’université elle-même. Tout citoyen a le droit d’avoir des opinions politiques. Celles-ci doivent être éclairées. Si les étudiants doivent s’occuper prioritairement de leurs études, on ne peut espérer qu’ils fassent abstraction de la politique. On peut leur interdire d’adhérer à des partis condamnés comme l’Action française, au socialisme et au communisme mais pas plus, ce serait de l’immixtion dans le domaine individuel et familial et ce serait d’ailleurs difficilement applicable sauf à instituer une forme d’inquisition. De même les étudiants sont libres par rapport à tout engagement dans l’Action catholique. Quant aux professeurs il est rappelé que selon une loi générale de l’Église, laïcs comme membres du clergé doivent s’abstenir de rien publier touchant la religion, la morale et les disciplines connexes sans avoir obtenu le visa de l’autorité épiscopale. Appliquer cette règle suffirait à empêcher « des hardiesses trop fortes ». Il semble par ailleurs impossible d’interdire aux professeurs toute manifestation d’opinions politiques et sociales sous prétexte qu’elles pourraient nuire aux intérêts de l’Université catholique et l’union entre les catholiques ne suppose pas la suppression totale des divergences. Aucune interdiction de ce genre n’existe en Belgique ou à Paris où des professeurs ont des mandats de députés ou sénateurs. Le débat est donc clos quant à ce projet de Pierre Bayart mais les problèmes qui le sous-tendaient, plus présents que jamais au moment où l’Église a besoin de mobiliser ses forces vives face à la montée des idéologies.

Dans le contexte de la montée des idéologies

154Le bulletin Facultés catholiques de Lille publie, dans son numéro de juillet 1938, la « Lettre de la Sacrée Congrégation des séminaires et universités à Monseigneur Lesne » datée du 13 avril 1938. Cette lettre rappelle la dénonciation par Pie XI, l’année précédente, de la persécution qui atteint l’Église catholique en Allemagne, précisant « ce qui afflige particulièrement le cœur du Saint Père, c’est que, pour excuser une si grande injustice, on lance d’impudentes calomnies et qu’en répandant de toutes parts des doctrines pernicieuses recouvertes du masque d’une fausse science, on s’efforce de pervertir les esprits et de déraciner la vraie religion ». Il est donc demandé aux universités et facultés catholiques d’appliquer tous leurs soins et tous leurs efforts à « défendre la vérité contre l’envahissement de ces erreurs » et « d’emprunter des armes à la biologie, à l’histoire, aux sciences juridiques et morales comme à la théologie, pour arracher le masque scientifique dont se revêtent les pernicieuses doctrines qui subordonnent la politique, la sociologie, la morale et la religion elle-même à la prétendue loi de la race et du sang ». Il s’agit de « réfuter avec compétence et solidité les thèses plus qu’absurdes »… sur le panthéisme évolutif, le racisme et l’État totalitaire. La publication de ce texte est suivie d’un vœu émis par l’ACA, qui concerne le soutien des évêques aux instituts catholiques qu’il faut encourager et développer en priorité, même s’il est important que ceux-ci adressent également leur ministère aux catholiques de l’Université « qui sont aussi leurs ouailles ».

155Lors de la messe de rentrée de l’année 1938, au lendemain de la Conférence de Munich, Mgr Lesne se réjouit de ce que la guerre se soit éloignée mais proteste contre l’abandon de la Tchécoslovaquie. La paix est sauvée, mais une paix qui n’est pas glorieuse et reste lourde, incertaine et face à laquelle Mgr Lesne rappelle le devoir de Français et de chrétien. Face à des pays où l’État est divinisé, où les droits de la personne sont supprimés, les individus subordonnés à sa conception de la race et de la nation supérieure, il faut opposer « notre idéal chrétien d’autorité, d’ordre, de respect de tous les droits et de l’éternelle justice », et Mgr Lesne de souligner que l’Université catholique est un des lieux où « cet idéal respectueux du droit des consciences libres » peut être le mieux respecté. Elle peut opposer « des armes de lumière ». Dans cet esprit, c’est par l’évocation de la lettre de la Sacrée congrégation que Mgr Lesne commence son rapport, rappelant la consigne donnée aux universités catholiques. Le cardinal Liénart, dans cette même séance, fait le lien entre l’appel du pape à réfuter les erreurs matérialistes et la nécessité de l’enseignement catholique pour que cette réfutation soit agissante et féconde. Et, en décembre 1938, le cardinal Pacelli, en réponse aux vœux présentés au souverain pontife par le recteur s’adresse à lui en ces termes : « Sa Sainteté n’ignore pas avec quel soin, sous votre sage direction, professeurs et élèves travaillent, pour la plus grande gloire du Christ, à porter la lumière de sa divine doctrine dans les intelligences, si menacées aujourd’hui par l’envahissement des doctrines erronées qui vont se multipliant et faisant des adeptes dans le monde ». Il est difficile de mesurer l’impact de ces consignes sur l’enseignement lui-même mais l’on sait, par exemple, que le père Delos prend part à diverses assemblées internationales, « en vue de la solution des grands problèmes juridiques et économiques qui préoccupent aujourd’hui le monde entier et conditionnent l’avènement d’une paix juste et durable ». C’est ainsi qu’il participe à La Haye à un Congrès sur l’Ordre international. Il organise des cercles d’études pour les étudiants de l’école des sciences sociales et politiques et ceux de la section des Missionnaires du Travail.

156Le Bulletin des Facultés catholiques de Lille, en avril et juin 1939 publie un double article de Léon Mahieu, doyen de la faculté de théologie, intitulé « Le Racisme (histoire et appréciation des doctrines) ». Après un bref rappel historique et un exposé des thèses racistes d’Hitler et de son « programme national-socialiste et raciste » avec à terme « l’éviction de l’Église romaine » (Rosenberg, Le mythe du XXe siècle, 1930) et l’avènement d’un « christianisme positif » Léon Mahieu le rappel de la condamnation par Pie XI dans l’encyclique Mit brenennder sorge en 1937, il s’arrête particulièrement sur la morale raciste qui consiste à « préserver et cultiver par tous les moyens la forme de la race et la pureté du sang ». Il rappelle d’abord l’erreur qui consiste à penser que le bien suprême de l’homme est un bien collectif et nie le droit individuel. Il s’étend longuement sur la pureté du sang en lien avec la question du mariage, discours moralisant et quelque peu alambiqué qui s’appuie sur la notion de races humaines différentes, et qui reste marqué par des conceptions aujourd’hui dépassées et un certain antijudaïsme. En effet, concernant les juifs il souligne que ce n’est pas la race que l’Église condamne en eux, pas plus qu’elle ne la condamne chez les « mahométans », mais elle redoute le rapprochement de croyances diverses qui mettraient en danger la foi de ses enfants.

  • 76 Cf. Robert Vandenbussche, « Options et attitudes de chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale »,(...)
  • 77 Paul Catrice (1905-1981), conférencier de la LMEF, co-fondateur d’Ad Lucem, fondateur et directeur (...)

157On sent bien un décalage entre les préoccupations du chanoine et de beaucoup des clercs de l’université à cette époque et la réalité du danger du nazisme et de son idéologie. Il est vrai aussi que le danger communiste, rendu davantage patent par la victoire du Front populaire, a quelque peu obscurci à la Catho comme chez les catholiques en général la spécificité du danger nazi. Les problèmes intérieurs occupent alors une grande place. Mgr Dutoit publie, en 1937, une brochure « Pour un ordre social chrétien ». Pourtant la presse catholique de la région semble assez bien informée des affaires allemandes et dénonce la course aux armements ou la marche vers l’Anschluss dès 193676. L’inquiétude suscitée par l’Allemagne y est assez vive comme elle l’est chez un certain nombre de militants catholiques notamment à la FNC. Celle-ci consacre plusieurs conférences à la situation en Allemagne avec le concours de professeurs de la Catho comme Louis Blanckaert ou de prêtres comme Paul Catrice77. Sont étudiés « les néo-païens allemands », « la situation des catholiques allemands », « Hitler et sa doctrine ». Dans les conférences de la FNC, le problème du nazisme passe toutefois au second plan à partir de 1937 pour resurgir à partir de 1939.

  • 78 Cette découverte par Gilbert Dehon a donné lieu à l’organisation d’un colloque, à la Catho, en nove (...)
  • 79 Auguste Leman (1879-1945), professeur d’histoire ecclésiastique, doyen de la faculté de théologie ( (...)
  • 80 La persécution antisémite y est aussi évoquée, mais de façon seconde car elle n’est pas l’objet de (...)

158La présence des bulletins Kulturkampf78 cachés en 1940 par Auguste Leman79 et qui n’ont été découverts qu’en 1975 par Gilbert Dehon, au dessus d’une armoire de la bibliothèque, témoigne de l’intérêt de certains professeurs pour la situation des chrétiens en Allemagne et des persécutions dont ils sont victimes. L’objectif de ces bulletins est de dévoiler les violations du Concordat par le Reich allemand et de dénoncer les efforts de déchristianisation et d’atteinte à la morale publique menés par le régime nazi. Auguste Leman n’a laissé aucune indication quant à l’origine et la nature de ce document. En mai 1940, ce résistant de la Première Guerre a jugé prudent de le faire disparaître en même temps que quelques documents datant de 1914-1918. Comme il est mort le 1er février 1945 il n’a jamais pu les reprendre et ils sont restés ignorés pendant 30 ans. C’était « un érudit de qualité », en même temps qu’un « homme informé, un patriote sincère et courageux ». La présence de ce bulletin à la Catho et son contenu attestent que quelques-uns au moins n’ignorent pas, alors, l’ampleur qu’a déjà prise la persécution en Allemagne contre les chrétiens80. La guerre va cependant montrer combien les esprits, au sein même de la Catho et plus généralement de l’ensemble des catholiques, sont inégalement préparés à faire face aux problèmes que celle-ci posera à leur conscience…

 

159L’éclat donné, en 1927, aux fêtes du cinquantenaire a marqué cette période. Le cardinal Charost, désigné pour l’occasion légat du pape, salue l’Université catholique de Lille comme une des plus rayonnantes, « ajustée à ce pays de la façon la plus originale et la plus heureuse » et aussi « une des plus unies au pape ». Cette célébration a dynamisé l’institution sur le plan intellectuel et matériel. Rappelant lors de la séance solennelle de rentrée en novembre 1927 le sens de cet anniversaire, Mgr Lesne le décrit à travers les scènes militaires gravées sur la colonne Trajane à Rome : à l’heure où l’étape franchie, l’armée tout entière s’arrête, offre un sacrifice, fait le bilan et où les généraux haranguent la foule rappelant les actions d’éclat des héros. « Cette brève halte au cours de l’année 1926-1927 a fait surgir, en la transfigurant, toute notre histoire, éclairé notre route et ravivé la flamme de l’idéal dont sont chargées nos enseignes ». L’armée s’est remise en marche, continue-t-il, en évoquant les grands traits de la vie de chaque faculté et école, lors de la dernière année universitaire. Sans doute les difficultés des années 1930 ont-elles tempéré cet optimisme. Consolidée sur le plan juridique, même si ses liens avec l’État restent problématiques, enrichie de nouvelles constructions, la Catho se débat sans cesse avec des finances impossibles à équilibrer sans un appel permanent à la générosité des catholiques et une inquiétude face à un certain affaissement de recrutement. Ces problèmes menacent d’ores et déjà la survie de l’institution et on les retrouvera de façon plus cruciale encore après la guerre. On peut aussi penser qu’elle est affaiblie par ses tensions internes, tensions qui traversent la société catholique en général dans un monde en crise, travaillé par la montée des idéologies. En 1935 Mgr Lesne exprime ainsi son inquiétude :

Manifestation à l’aula maxima à l’occasion des fêtes du cinquantenaire

Manifestation à l’aula maxima à l’occasion des fêtes du cinquantenaire

Cardinal Charost : photo publiée par le journal Catho à l’occasion de la mort du cardinal Charost en 1930.

Cardinal Charost : photo publiée par le journal Catho à l’occasion de la mort du cardinal Charost en 1930.

Il avait été le légat du pape à Lille à l’occasion des fêtes du cinquantenaire

  • 81 Extrait du rapport de Mgr Lesne au début de l’année 1935-36, FCL 1935-36.

« Savez-vous quel est le plus grand danger pour une Université comme celle-ci ? On a pu croire que c’était l’inimitié, la jalousie de l’État tenté par l’esprit de monopole, défiant vis-à-vis de la liberté, de l’État jacobin et de l’État sectaire donc aux ordres des Loges et, sous couleur de neutralité, hostile à tout idéal religieux. Si une Université devait périr par là, celle-ci serait morte en ces années […] qui ont été avant la Grande Guerre des temps de guerre religieuse […]. Ce péril peut reparaître ; mais il n’est pas le plus redoutable. Le plus grand péril pour une Université qui porte ce grand nom de catholique, c’est qu’elle ne le soit pas, c’est qu’elle ne le soit pas assez, c’est qu’elle soit une Université comme une autre »81.

160Sans doute n’est-ce pas une université comme une autre que Mgr Lesne quitte en 1940, en pleine débâcle. Elle peut s’enorgueillir de son histoire, de certaines de ses institutions et initiatives originales, de ses constructions, des publications de ses enseignants, du dévouement de ses médecins, de l’engagement de ses étudiants… Mais le désarroi y est alors à son comble.

Notes

1 Cardinal Désiré-Joseph Mercier (1851-1926), archevêque de Malines (Belgique) de 1906 à 1926. Il est un des promoteurs du renouveau thomiste et de l’œcuménisme (« conversations de Malines » avec les anglicans). « Défenseur de la cité », sa lettre pastorale « Patriotisme et endurance » en 1915 et les démarches qui la suivent lui ont valu l’hostilité des occupants allemands et la méfiance de Rome mais aussi une grand popularité dans les pays de l’Entente.

2 Camille Looten, « La mission en Amérique de M. le chanoine Dimnet » FCL, mars 1938.

3 Ernest Dimnet The Art of thinking, New York, Simon and Schuster, 1928

4 Projets généraux de réorganisation. ACUCL, K5Br.

5 Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la Fœderatio Universitatum Catholicarum prendra son essor. L’appellation Fédération Internationale des Universités Catholiques (FIUC) date de 1965.

6 L’Institut de coopération intellectuelle a été créé en 1924, par la France, dans le cadre de la SDN, en vue d’échanges scientifiques, littéraires, artistiques, etc.

7 Des statistiques précises restent impossibles car les chiffres donnés chaque année ne prennent pas tous en considération les mêmes éléments. Il semble que les chiffres envoyés au ministre donnent le nombre des étudiants régulièrement inscrits aux cours comme aux examens, alors que dans les divers rapports (du recteur, des doyens, chaque année, mais aussi au CA) les chiffres prennent en compte, sans précision, des auditeurs complets ou partiels et autres auditeurs libres dont le statut n’est pas le même selon les établissements.

8 P. Delerue, « La faculté des Sciences. Maîtres et chercheurs », Ensemble, 1976, op. cit. p. 253.

9 Catho paraît pour la première fois le 1er janvier 1930. Son rédacteur en chef, René Saive, est étudiant en journalisme. Il s’agit d’un magazine d’informations qui paraît tous les 15 jours. La rubrique des échos est confiée à Paul Hardy, étudiant en journalisme également, qui signe « Polar ». Les professeurs de toutes les facultés y sont « aimablement brocardés » (Deleforge). Il semble d’après Maurice Deleforge que cette revue contribue positivement à la publicité de la Catho et que les autorités académiques ont pris à cœur ses intérêts. Des anciens comme Robert Dupleix, ancien secrétaire trésorier adjoint de la Fédé, la soutiennent financièrement.

10 Mgr Charost a été nommé à titre temporaire après la mort de Mgr Hautcœur en juillet 1915 et confirmé officiellement dans sa charge en juin 1919.

11 Brigitte de la Sayette « Les vitraux de l’Église de l’Université catholique de Lille » Ensemble Juin 1996, p. 73.

12 Cf., « L’ESJ racontée par des témoins de sa vie. Documents et souvenirs réunis et accommodés par Maurice Deleforge », Les cahiers de l’ESJ, 1994.

13 René Pelatan, un des premiers élèves de l’école, deviendra directeur du Journal de la Marne à sa sortie de l’ESJ et par la suite directeur de La Dépêche de Tunis.

14 Entre Nous : le nom est le même que celui du bulletin du séminaire académique.

15 Valentine Charrondière (1878-1953) était institutrice de l’enseignement public dans la région lyonnaise, lorsqu’après un concours elle est envoyée à Rouen inspecter le travail à domicile (1907). Elle milite ensuite dans divers mouvements : ligue antialcoolique, mouvement familial, apostolat de la prière (1924). Elle fonde avec l’aide du P. Desbuquois les auxiliaires familiales. Elle quitte la Normandie en 1929 pour le Nord où sont implantées des maisons d’auxiliaires familiales, qu’elle dirige jusqu’en 1938.

16 Lettre de la Sacrée congrégation du concile à Mgr Liénart (1929) : texte important, qui dans le contexte des graves conflits sociaux qui ont agité la région dans les années 1920 et vu l’accession à l’épiscopat de Mgr Achille Liénart, constitue un désaveu des méthodes d’un certain patronat chrétien et une légitimation du syndicalisme chrétien, en particulier de la CFTC.

17 « Au service du monde du travail : les mémoires de fin d’année des étudiants de l’École des missionnaires d’Action catholique et d’Action sociale (1932-1973) » Mélanges de science religieuse, 1977, p. 109-127.

18 Lettre de la Sacrée congrégation à Eugène Duthoit.

19 Quelque 200 mémoires ont été rédigés pendant les 40 ans d’existence de l’école, qui témoignent de sa vocation à la mission apostolique de l’Église et sont aujourd’hui une source encore peu explorée sur les débuts de l’Action catholique et la pastorale du monde ouvrier au milieu du XXe siècle.

20 Henri Godin avec Yvan Daniel auteur en 1943, de France, pays de mission ? Lyon, 1943 éditions de l’Abeille, ouvrage qui a eu un impact important sur le cardinal Suhard et les origines de la Mission de France.

21 Cf. Jean-Pierre Ribaut op. cit. p. 115.

22 Henri Barbeau (1905-1983), originaire du diocèse de La Rochelle, a fait ses études à partir de 1930 à la faculté de théologie. Il est inscrit simultanément à l’école de journalisme et à l’école des sciences sociales et politiques. Ordonné prêtre en 1934, il revient à Lille en 1936 et est nommé directeur adjoint de l’école et directeur de la maison Saint-Louis jusqu’à la déclaration de guerre. Il donnera des conférences à Radio Vatican en 1947-49 puis sera directeur du Comité diocésain des émissions religieuses télévisées au Poste régional de Lille (1950-51). Il écrit aussi beaucoup (Ensemble, 1983, no 4). Il sera vice-recteur de la Catho de 1942 à 1960.

23 Georges Depape (1884-1969), enseignant à la faculté des sciences, directeur diocésain de l’enseignement libre de 1935 à 1949. Il dirige aussi l’école de formation pédagogique fondée en 1936 en lien avec les facultés de lettres et sciences.

24 École d’orientation professionnelle. La Croix du Nord 3 janvier 1945 « Une heureuse création, l’Institut des Conseillers d’orientation professionnelle », cité par Francis Denvers : « Les premières tentatives d’orientation professionnelle dans le Nord de la France », Ensemble, 1986, no 2 p. 71-78.

25 Un important colloque a eu lieu à l’Université catholique de Lille en 1994, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Eugène Duthoit (1944), dont les actes n’ont malheureusement pas été publiés. Les quelques références que nous y faisons sont extraites du dossier assez conséquent distribué alors aux participants.

26 René Théry, Ensemble, op. cit. 1976, p. 225.

27 La Bourgeoisie chrétienne est une création tout à fait originale du diocèse de Lille, mise en œuvre des méthodes de la JOC avec des hommes de la bourgeoisie. Cette initiative a été encouragée par le cardinal Liénart. Après la guerre le mouvement se fondra dans l’ACI.

28 Françoise Dekeuwer-Defossez, « Eugène Duthoit et le rôle de la femme dans la société », Colloque Eugène Duthoit (1869-1944), Université catholique de Lille, 1994 non publié.

29 Joseph Coppin (1885-1978). Sa thèse sur Montaigne a été couronnée par l’Académie française. Un volume de Mélanges (1966) lui est consacré. Il est aussi de longues années l’aumônier de la clinique Saint-Raphaël, tenue par les sœurs augustines dont il a écrit la biographie de la fondatrice, mère Monique.

30 Jean Dumortier, Ensemble 1978, p. 59.

31 Henri Platelle « La faculté des Lettres de 1900 à 1939 : variation sur un registre », Ensemble, 1976, op. cit. p. 230.

32 Auguste Angellier (1849-1911), professeur de langue et littérature anglaise, doyen de la faculté des lettres de Lille de 1897 à 1900.

33 Pierre-Henri Simon (1903-1972). Nous reviendrons sur sa querelle avec le général de Castelnau qui lui vaut quelques difficultés. Il intègre en 1938 l’enseignement public, afin de garder l’indépendance de sa plume.

34 Le chanoine Raymond Vancourt (1902-1978), « juste parmi les nations ». Cf. plus loin, chapitre 6.

35 Bernard Amoudru (1894-1986), se fait une réputation en publiant La vie posthume des Pensées de Pascal, 1936, Bloud et Gay et tient une grande place dans la vie intellectuelle des facultés catholiques.

36 « 1926-1986 : soixante années d’enseignement du polonais aux facultés catholiques de Lille » par Gabriel Garçon, Ensemble, 1987, no 2, p. 105-110

37 Mgr d’Herbigny, jésuite d’origine lilloise, recteur de l’Institut pontifical oriental, président de la commission pontificale pour la Russie (1927), a joué un rôle dans les relations complexes entre le Vatican et l’URSS aux lendemains de la révolution bolchevique. Il a été consacré secrètement évêque et a lui-même sacré clandestinement quatre évêques en URSS. Soutenu, dans un premier temps, par le pape Pie XI, il est subitement privé de toutes fonctions en 1934.

38 Georges Maklakoff (1892-1969), est le fils d’un ministre de l’Intérieur de Nicolas II, fusillé en 1918, qui avait organisé la mobilisation en 1914, petit neveu de Léon Tolstoï. Son oncle Basile Maklakoff était chef de l’opposition libérale de la Douma. La Révolution lui fait prendre le chemin de l’exil qui l’amène finalement à Lille, où sa candidature est agréée pour la chaire de russe en 1927. Marié, père de famille, sous-diacre laïc de l’Église orthodoxe, il consacre une partie de son temps au rapprochement entre les Églises orthodoxe et catholique avant de rejoindre cette dernière. Il est membre du comité du SIPUC (Service International de Presse des Universités Catholiques), ami d’Ad Lucem. Jean XXIII le fait inviter comme observateur à la seconde session du concile Vatican II.

39 « La fondation de la chaire de néerlandais à l’Université catholique de Lille et les deux premiers enseignants » par Michel Spanneut, Actes de la Journée d’études à l’occasion du 70e anniversaire de la chaire de néerlandais de l’Université catholique de Lille, 21 mars 1997.

40 Cf. dans Ensemble, 1978, p. 221-230 le compte-rendu de la thèse de Michel Nuyttens sur C. Looten qui évoque son rôle au Vlaams Verbond jusqu’en 1934 et ses liens avec l’abbé Gantois dont apparemment il ne partageait pas les idées extrémistes.

41 Henry Boulangé (1885-1969), militant syndical (CFTC) et familial est père de 10 enfants. Il sera à nouveau doyen de la faculté des sciences de 1950 à 1953.

42 André Caudron, « Former des médecins chrétiens : l’ambition de la faculté libre de médecine et de pharmacie entre les deux guerres » dans Entre science et foi une Université catholique, op. cit., p. 108-123.

43 André Le Grand (1895-1951), psychiatre sera doyen de la faculté de 1947 à sa mort. En 1927 il est médecin chef de Lommelet et en 1928 titulaire de la chaire de physiologie. Collaborateur des Études carmélitaines il a publié des textes aux confins de la philosophie et de la théologie (Génie et folie, Sainteté et folie).

44 Cité par Gaston Delépine devant la société des sciences de Lille, A. Caudron, 125e, p. 111

45 Georges Lemière (1860-1933), premier occupant de la chaire d’hygiène et de microbiologie.

46 Congrégation fondée en Alsace en 1849, pour le soin des malades, des personnes âgées, isolées, etc. et reconnue, par Rome en 1863 sous le nom de Sœurs du Très Saint Sauveur.

47 Mère Marie-Emmanuel meurt dans sa 100e année (1884-1983). Notice nécrologique Ensemble XL, 2 juin 1983, p. 97-98.

48 Lettre du 25 novembre 1926, signée par les étudiants. « Crise. Enquête sur l’état de la faculté de médecine » ACUCL K41G.

49 Jacques Liefooghe et Henri Ducoulombier op. cit.

50 Mgr Louis Duchesne (1843-1922), historien acquis aux méthodes de la jeune science historique appliquées à l’étude de l’Église ancienne. Il est l’objet de nombreuses attaques lors de la crise moderniste.

51 Gustave Bardy, Paul de Samosate. Étude historique, Paris, Champion, 1923.

52 Outre le conflit intellectuel que nous venons d’évoquer l’abbé Michel est au cœur d’un scandale, en raison de dénonciations concernant l’irrégularité de son mode de vie. Élu doyen de la faculté de théologie en 1925, il est obligé de démissionner aussitôt.

53 Le Manuel biblique, cours d’Écriture sainte à l’usage des séminaristes de F. Vigouroux (1837-1915), dont la première édition date de 1880, a été plusieurs fois réédité, la dernière fois en 1917 par le sulpicien A. Brassac.

54 La commission biblique est présidée par le cardinal Van Rossum. C’est le cardinal Merry del Val qui est secrétaire du Saint-Office. Il faut attendre le pontificat de Pie XII et l’encyclique Divino afflente spiritu, en 1943, pour qu’une véritable ouverture soit possible.

55 Léon Berthe « La Faculté de théologie : enseignement, recherche, ouverture pastorale », Ensemble, No 4, décembre 1976, p. 209-218.

56 La pensée de Pierre Tiberghien a eu une grande influence sur l’ouvrage des abbés Godin et Daniel France, pays de mission ? Éditions de l’Abeille, 1943.

57 L’ICAM (Institut catholique des arts et métiers) n’est pas sous la juridiction du recteur des facultés catholiques. Il n’intègrera la FUPL qu’en 1976.

58 Chanoine honoraire en 1924, Joseph Peter obtient, en 1934, le prix Thérouanne de l’Académie française et le prix Louis-Danel de la société des sciences de Lille. En 1923 il est commissaire général des fêtes du cinquantenaire de l’Université catholique.

59 André Caudron, « Un vivier de militants chrétiens. La faculté libre de droit de Lille entre 1895 et 1914 », Entre science et foi une Université catholique, op. cit.

60 Antonie Roux, décédée le 1er janvier 2001, à l’âge de 97 ans a été au service des étudiants, au Cercle, de 1935 à 1970, puis encore partiellement jusqu’en 1975. Elle y assurait l’accueil, le secrétariat, la comptabilité et était aussi secrétaire de l’association d’aide aux étudiants. Valentine et Gaston Dufay géraient le bar.

61 Jacques Dhondt, (1907-1977), devenu industriel, sera un des principaux responsables de la Mutuelle familiale de Lille et environs, avant de s’établir dans la région parisienne. Avec Robert Dupleix, il s’engage pendant la guerre avec « Combat », mais est au sein des « MUR » (Mouvements unis de résistance), en butte à l’hostilité des communistes.

62 Cf. David Golon, projet de thèse La Fédération française des étudiants catholiques, 1922-1966, sous la direction de Gilles Le Béguec, www.david-colon.fr/page2.htm Paris X Nanterre.

63 Père Vincent Lebbe (1877-1940), missionnaire lazariste belge naturalisé chinois ; fondateur en Chine des congrégations des petits frères de Saint-Jean-Baptiste et des petites sœurs de Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus ; cofondateur en Belgique de la société des auxiliaires des missions et inspirateur de la société des auxiliaires laïques des missions.

64 Georges Goyau (1869-1939), historien, académicien, penseur catholique de premier plan. On lui doit de nombreuses études d’histoire religieuse contemporaine.

65 Louis Aujoulat (1910-1973), médecin, sera élu en 1945 représentant du Cameroun à l’Assemblée constituante, membre du MRP et réélu l’année suivante à l’Assemblée nationale. Il occupera plusieurs postes ministériels.

66 Qui deviendra l’AEU (Association d’entraide Universitaire Lille-Vauban) au lendemain des événements de mai 1968. Cf. Vincent Verwaerde, mémoire de fin d’études, CPA-Nord, Les orientations stratégiques de l’Association d’Entraide Universitaire, non daté, début des années 2000.

67 René Benjamin (1885-1948), écrivain et journaliste français, collaborateur de l’Action française.

68 Bruno Béthouart, « Eugène Duthoit : un démocrate chrétien », Colloque Eugène Duthoit (1869-1944), Université catholique de Lille, 1994 non publié.

69 Mgr Paul Six (1860-1936), directeur des œuvres sociales du diocèse de Lille, qui avait fondé la revue Démocratie chrétienne (1894-1908). Il est aussi le fondateur de l’École normale ouvrière (1924)

70 Louis Blain (1888-1938) et Charlemagne Broutin (1884-1963) sont des syndicalistes chrétiens qui ont participé à la fondation de la CFTC.

71 Le général Édouard de Castelnau (1851-1944), qui a perdu trois fils pendant la guerre, a fondé en 1924 la Fédération nationale catholique (FNC) dont le but est de réagir à la politique jugée antireligieuse du Cartel des gauches.

72 Dossier intitulé « Action catholique Universitaire 1935-38 ». Comptes-rendus adressés à « Berger » et conservés par le chanoine Melchior dans les dossiers concernant les étudiants. Les autres documents faisant allusion à ces débats sont conservés dans les dossiers du conseil supérieur. Il semble que ce groupe se soit réuni plusieurs fois en 1935-36, mais que ses rencontres ont cessé dès mai 1936.

73 Ambroise-Marie Carré (1907-2004), dominicain, rédacteur en chef de la Revue des Jeunes (1936-1939), lancée en 1920. Cette revue a pour objectif de promouvoir la pensée de saint Thomas d’Aquin auprès d’un large public, notamment étudiant. Grand prédicateur le P. Carré sera élu à l’Académie française en 1975.

74 Mgr Barbier de la Serre (1880-1969), pionnier du développement de l’éducation physique, du sport et du scoutisme dans l’enseignement libre.

75 Le docteur Antoine Delattre (1891-1983), connu pour avoir été un militant d’Action française, dont il a été vice-président régional avant 1926. Il a créé le cercle Feron-Vrau et établi un enseignement de déontologie en faculté de médecine, dont il sera doyen après la guerre.

76 Cf. Robert Vandenbussche, « Options et attitudes de chrétiens pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue du Nord, no 238, juillet-Septembre 1978, p. 507.

77 Paul Catrice (1905-1981), conférencier de la LMEF, co-fondateur d’Ad Lucem, fondateur et directeur de l’agence Univers, dont le bulletin mensuel publie des informations sur la situation internationale.

78 Cette découverte par Gilbert Dehon a donné lieu à l’organisation d’un colloque, à la Catho, en novembre 1999, dont les actes ont été publiés par les éditions de Lille 3 : Textes réunis par Danielle Delmaire, Catherine Masson Thibaut Tellier, Les Église allemandes persécutées par les nazis. Que savait-on ? Le bulletin Kulturkampf, 1936-39. Éditions Lille 3.

79 Auguste Leman (1879-1945), professeur d’histoire ecclésiastique, doyen de la faculté de théologie (1928-1931), auditeur assidu des Semaines sociales. Pendant la guerre de 14-18, il avait participé à la confection et à la diffusion de L’Oiseau de France.

80 La persécution antisémite y est aussi évoquée, mais de façon seconde car elle n’est pas l’objet de la publication qui porte sur le combat des Églises persécutées.

81 Extrait du rapport de Mgr Lesne au début de l’année 1935-36, FCL 1935-36.

Table des illustrations

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Titre Mgr Lesne, recteur
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Titre Le recteur avec des enseignants et des étudiants
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Titre Le chanoine Ernest Dimnet. Couverture de son livre Art of thinking
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Titre Effectifs des facultés et des écoles de 1875 à 1913
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
Légende Les maisons de famille comprennent outre les chambres d’étudiants, une chapelle, une salle de lecture, une salle de jeux et un réfectoire
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : La maison de famille Saint-Louis (façades avant et arrière), rue du Port, et la maison de famille Saint-Michel, bd Vauban.
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Titre Étudiantes, en 1936
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Titre Étudiantes en bibliothèque
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Titre Article de Pierre-Henri Simon publié dans Catho le 15 mai 1931.
Légende Cette revue est alors considérée par le conseil supérieur comme un « danger ».
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Titre Construction de l’aile droite de l’hôtel académique
Légende L’aile de droite abrite à gauche de la tour lanterne la salle des actes et l’aula maxima, à droite, les locaux affectés à l’école des hautes études commerciales (rez-de-chaussée) à l’école des sciences sociales et politiques et à l’école de journalisme (1er étage) et à la faculté des lettres (2e étage), photo 1927
URL http://books.openedition.org/septentrion/docannexe/image/45159/img-16.jpg
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Titre Couloirs de l’hôtel académique, à partir de l’entrée du 60 bd Vauban
Légende atrium de l’aile droite et escalier vers l’aula maxima avec les entrées de la salle des actes et de la salle Montalembert (aujourd’hui amphi René Théry).
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Titre Atrium de l’hôtel académique, entre la cour d’honneur et le jardin et couloir
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Titre Couloir de l’hôtel académique vers la rue François Baës avec à droite le secrétariat et plus loin la bibliothèque.
Légende Remarquer la statue de saint Pierre
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Titre Vue des ailes de l’Aula maxima et de la chapelle depuis le perron
Crédits Photo G. Leroy-ICL
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Titre La salle des actes peut contenir (estrade, parterre, tribune) 500 personnes.
Légende Elle sert aux soutenances de thèses, aux cours et conférences d’un intérêt général
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Titre L’aula maxima est destinée aux séances solennelles.
Légende Elle peut contenir 3 000 personnes. Le parterre incliné a 25 m de large sur 23 m de longueur. Deux étages de tribunes s’élèvent sur les trois côtés, sans qu’aucune colonne de soutènement gène les mouvements et les regards du public. L’estrade peur recevoir 200 personnes.
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Titre La Chapelle universitaire : reprise et achèvement des travaux.
Légende État de la construction en 1921
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Titre Entre le chœur et la chapelle absidiale
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Titre Chapelle terminée
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Titre La Chapelle universitaire extérieur : façades des transepts.
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Titre Statue de l’archange saint Michel dominant la façade nord
Crédits Photo G. Leroy-ICL
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Titre Le programme des vitraux établi par Mgr Lesne.
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Titre Quelques vitraux réalisés
Légende Guérison de l’aveugle et du paralytique
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Titre Le semeur et le bon pasteur, avec la signature de Pierre Turpin
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Titre Vitrail en l’honneur de Mgr Baunard adoration des mages et présentation au temple
Crédits Photos G. Leroy-ICL
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Titre Vitrail en l’honneur de Mgr Lesne (recevant la Légion d’honneur)
Crédits Photos G. Leroy-ICL
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Titre Détails des vitraux avec les dédicaces
Crédits Photos G. Leroy-ICL
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Titre Le chanoine Paul Melchior, responsable de la souscription
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Titre Paul Verschave et des étudiants de l’école de journalisme, 1930-31
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Titre Les quatre pages du tract en vue de la souscription, années 1930
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Titre Le père Joseph Loiselet, jésuite fondateur de la LMEF
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Titre Session d’initiation médicale pour les missionnaires, années 1930
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Titre Moqueries du journal Catho à l’endroit des étudiantes en droit
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Titre Clémence Dupont, futur enseignante de la faculté de droit dont elle a été étudiante dans les années 1930
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Titre Le père Delos,
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Titre Les étudiants reçus par Eugène Duthoit et son épouse
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Titre Pierre Bayart 1905
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Titre Faculté des lettres. Quelques-uns des enseignants : Joseph Coppin, Pierre Defontaines, Camille Looten Pierre-Henri Simon, Raymond Vancourt, Auguste Leman
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Titre Faculté des sciences. Quelques enseignants : Edmond Charron, Gonzague Dubar, Dorothée Le Maître, François Puche
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse
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Titre Quelques installations de la faculté de médecine et pharmacie : Le laboratoire d’Ambleteuse
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Titre Faculté de médecine : quelques enseignants : Henry Billet, Louis Courty, Jules Dereux, Henri D’Hour, André Le Grand, Georges Lemière, Carlos Lepoutre, Maurice de Vaugiraud
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Titre La maternité Sainte-Anne et Sainte-Monique, fondée en mai 1926.
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Titre L’hôpital Saint-Philibert rue de La Bassée, inauguré en 1933
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Titre Hôpital Saint-Antoine
Légende chaque salle peut accueillir 12 enfants malades, soignés par des sœurs franciscaines. Il y est donné 8500 consultations par an aux enfants et nourrissons. Parmi ses médecins le professeur Billet.
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Titre Mère Marie-Emmanuel
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Titre L’école d’infirmières, 72 rue du Port
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Titre Henri Desmet supérieur du séminaire académique et François Agnius, directeur.
Légende Tous deux appartiennent à congrégation des prêtres de la Mission, dite des lazaristes.
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Titre Les enseignants et étudiants du séminaire académique.
Légende Au centre Mgr Charles Lecomte, évêque d’Amiens (1921-1934)
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Titre Léon Mahieu, doyen de la faculté de théologie
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Titre Mgr Achille Liénart évêque de Lille depuis 1928
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Titre Le chanoine Pierre Tiberghien 1880-1963 (à la fin de sa vie)
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Titre Promotion HEI en 1925.
Légende Au centre le directeur l’abbé Florent Fenaert
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Titre Quelques photos des étudiants d’HEI en cours ou TP
Crédits photos du Courrier des ingénieurs HEI, no 50, juin 1985, centenaire d’HEI, 1885-1985
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Titre Joseph Peter directeur d’EHEC
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Titre Congrès eucharistique de 1931
Légende participation des enseignants de la Catho à plusieurs manifestations dans ses locaux et à l’extérieur
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Titre Plusieurs cercles d’études sont consacrés à l’encyclique Rerum novarum.
Légende Le chanoine Pierre Tiberghien en est un des principaux animateurs
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Titre L’abbé Robert Prévost, aumônier des étudiants
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Titre Le cercle, rue Meurein, schéma situant les différents services
Légende les étudiants y trouvent un café-restaurant, une salle des fêtes avec théâtre, une salle d’escrime, une bibliothèque. Un aumônier y est à leur disposition chaque soir
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Titre Action catholique : instructions épiscopales dans le premier numéro de la revue des étudiants Catho, daté du 1er janvier 1930
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Titre Louis Aujoulat en 1947, lors de la visite au Cameroun du cardinal Liénart.
Légende Celui-ci baptise le fils d’un infirmier baptisé Marie-Achille
Crédits Photo d’après La Vie catholique illustrée, no spécial, 1947
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Titre Une équipe de Rugby
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Titre Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier
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Titre Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier
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Titre Quelques « fédés sortantes » autour de leur aumônier
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Titre Quelques aspects de la vie universitaire vus par les rédacteurs de la revue Catho (1931­1936)
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Titre Monômes et bizutages
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Titre L’Affaire de L’Escholier lillois. Couverture d’un numéro de 1912 de L’Escholier lillois. Couverture du numéro de février-mars 1926 de L’Escholier lillois dans lequel a été publié le poème mis en cause par Henri Dutoit
Légende Poème « l’Automne »
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Titre Manifestation à l’aula maxima à l’occasion des fêtes du cinquantenaire
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Titre Cardinal Charost : photo publiée par le journal Catho à l’occasion de la mort du cardinal Charost en 1930.
Légende Il avait été le légat du pape à Lille à l’occasion des fêtes du cinquantenaire
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