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Tatouages d’Océanie

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Sébastien Galliot

Missions chrétiennes et colonisation : l’abandon du tatouage

Texte intégral

1Il n’est pas exagéré d’attribuer à la présence missionnaire la plus grande responsabilité dans la disparition du tatouage en Océanie. En dépit des différentes congrégations religieuses qu’ils représentaient, les missionnaires ont généralement œuvré pour une pacification des rapports entre les insulaires, pour l’alphabétisation et l’accès aux rudiments de médecine occidentale de l’époque concernée, à savoir principalement le xixe siècle. Mais cette entreprise globalement humaniste avait pour corollaire l’abandon des pratiques jugées « païennes » comme la polygamie, certaines danses qualifiées d’« obscènes », les croyances poly­théistes, le culte de certaines effigies et le tatouage dont la sauvagerie était principalement liée au marquage corporel en désaccord avec les textes sacrés, la souffrance et les dépenses jugées « inutiles » qu’il occasionnait.

2En un siècle environ, entre la fin du xviiie et le début du xxe siècle, la quasi totalité des îles d’Océanie a été christianisée. Et si les institutions de tatouage pré-chrétien sont si difficiles à reconstruire, c’est précisément parce que les sources disponibles proviennent de contextes insulaires dans lesquels la propagation de la foi chrétienne était en cours. L’effort des missionnaires pour interdire le tatouage passa par des entreprises discrètes de découragement de la population par le biais de prêches des missionnaires. Cependant, des actions plus officielles ont aussi existé sous la forme de décrets, de codes de lois, ou de constitutions rédigées par les chefs indigènes convertis sous le contrôle des missionnaires ou par des administrateurs coloniaux. Ainsi, à Tahiti le code Pomare (1819), à Tonga le code de Vava’u (1839), à Samoa la constitution Steinberger (1873), en Micronésie l’administration civile japonaise (1922-1948) sont autant de formes législatives visant à rendre le tatouage illégal et à punir les contrevenants de diverses manières : amendes, travaux forcés, excommunication.

3Entre le xviiie et le début du xxe, l’abandon du tatouage fut entériné par la présence de puissances coloniales multiples, dans un contexte de disparition des systèmes religieux indigènes et de leur remplacement par les liturgies catholiques et protestantes. En prenant possession de la quasi totalité des territoires d’Océanie, les Espagnols, les Allemands, les Français, les Japonais, les Anglais et les Américains ont profondément transformé les anciens modes d’administration et ont précipité des changements profonds dans les systèmes politiques insulaires. Ainsi, là où elles n’avaient pas totalement disparu, les pratiques de tatouage perdirent progressivement leur raison d’être puisque les contextes religieux, sociaux et politiques sur lesquels elles reposaient étaient en pleine mutation. Seuls quelques îlots et atolls isolés comme Tikopia, Ontong Java ou Fais continuaient à pratiquer cet art dans la deuxième moitié du xxe siècle, tandis que l’archipel des Samoa reste le seul grand ensemble d’îles polynésiennes où l’on constate une telle continuité.

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