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Voyage de Normandie

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Bernardin De Saint-Pierre

Du jeudi 16

Texte intégral

1Demandes à faire à monsieur G. :

2Si le château d’Arques est bien ancien.

3Combien d’hommes au Pollet ?

4S’il a des mémoires sur la pêche de Dieppe.

5Temps où les poissons fraient.

6Vu des feuilles aux ormes du cours de Dieppe.

7Vu Marthon Ferrand, huîtrière, dit-on, de M. de Marigny. [Fumeuse de ?] poisson. Fille très vive, très naïve.

8Histoire de Jean Manière, matelot du Pollet, racontée par ma sœur. Il était venu porter ses plaintes de gens qui avaient voulu, disait-il, l’assassiner. Il apportait un gros caillou dont ils avaient enfoncé sa porte. Ma tante lui disait qu’il fallait pardonner. Cet homme étant appelé chez un de ses parents, parcourait tout de la ville. « Je suis bon chrétien. Si j’allais communier comme c’est la coutume des femmes, et viendrais me remettre à la sainte table après avoir le cœur net, car je suis bon chrétien. » Pour vie scandaleuse, sa femme le questionne, ma sœur étant présente. Pourquoi il vivait mal avec sa femme ? « C’est que, dit-il, elle trouvait que je marchais comme un prince. Elle était toujours après moi. Pour dire vrai, je marchais bien. Tous, dit-il, dans la famille. Pierre Manière, Adrien Manière. Je lui disais : “Marche comme moi”. Or, à cause de ça, nous nous sommes séparés. Après ça, dit-il, quand je revenais tout seul, je m’ennuyais, je n’avais personne pour faire sécher mon paletot, pour tirer mes bottes. Je pris une fille. Avec cela, dit-il, on ne peut pas, dit-il, s’empêcher de s’aimer. Mais j’aimais toujours ma femme. Quand elle tomba malade, je fus la voir. Le chirurgien me défendit de lui bailler à manger. Je lui portai un poulet en cachette et lui baillai le bout d’une aile. “Ne mange pas, lui dis-je, suce.” Elle suça et elle mourut. Quand elle fut morte, je n’épargnai rien pour son enterrement afin qu’elle [eût ?] comme les autres. »

9Cette espèce d’hommes très fidèles. Trait. Négociant qui donne un 5 louis.

10On compte à Dieppe un quart de protestants.

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