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Élites et progrès agricole

 | 
Nadine Vivier

Troisième partie. Grands propriétaires et progrès agricole aux XIXe-XXe siècles

Aristocratie foncière et progrès agricole en Espagne au XIXe siècle1

Juan Carmona

Texte intégral

  • 1 Je souhaite remercier Nadine Vivier pour ses commentaires. Le travail a aussi reçu le soutien du p (...)
  • 2 Pascual Carrion, Los latifundios en España : su importancia, origen, consecuencias y solución, Bar (...)
  • 3 Juan Carmona et James Simpson, El laberinto de la agricultura española. Instituciones, contratos y (...)

1Un des aspects les plus importants de la politique réformiste de la Deuxième République espagnole (1931-38) est bien la Réforme Agraire, mise en place très peu de temps après le changement de régime. Pascual Carrión, un des promoteurs et idéologues de la réforme explique, dans son œuvre en 1932, l’importance de ce projet par l’état d’abandon des exploitations des grands propriétaires absentéistes2. L’aristocratie est plus précisément la cible visée par les réformateurs, et le fait d’avoir le titre de Grand d’Espagne devient un motif d’expropriation en soi. Ce n’est donc pas seulement une question de distribution de la propriété foncière qui mène à la réforme, mais aussi la constatation que les grands propriétaires sont un obstacle à l’introduction de nouvelles techniques de cultures plus intensives, plus favorables au développement agricole. Le retard agricole est bien réel comme le prouve l’évolution des rendements et de la productivité : ainsi, en 1910, la productivité de la main-d’œuvre agricole n’atteint que 32 % de la productivité anglaise, et 55 % de son rendement par hectare3. Cependant, jusqu’à quel point ce retard est-il dû au manque d’initiative de la part des élites agricoles, et plus spécialement des grands propriétaires absentéistes ? Cette question recouvre en réalité deux problèmes bien différents. D’une part, on peut se demander si les grands propriétaires, en particulier les aristocrates, sont peu enclins au développement agricole, il s’agirait alors d’un problème de valeurs. D’autre part, quelles sont les ressources dont disposent les grands propriétaires en tant qu’innovateurs ?

  • 4 Raymond Carr, España 1808-1936, Barcelona, Ariel, 1970, p. 414.
  • 5 Diego Pazos, La cuestión agraria de Irlanda y referencias a la de España, Madrid, 1908, p. 135 ; D (...)
  • 6 Par exemple, Angel Bahamonde, « Crisis de la nobleza de cuna y consolidadción burguesa (1840-1880) (...)

2La critique formulée par les réformateurs est surtout celle des valeurs de la vieille aristocratie4. L’absentéisme est associé au comportement rentier et passif, à la minimisation des investissements, à l’absence de coopération avec les colons et un manque d’intérêt envers l’innovation5. Dans la mesure où les aristocrates étaient les plus grands propriétaires du pays et adhéraient généralement à des valeurs conservatrices, ce comportement serait le résultat d’une mentalité différente de celle des autres groupes sociaux ; mais une telle explication a été reconsidérée au cours des dernières décennies6. Cependant, s’il est vrai que l’importance de leurs richesses pouvait amoindrir les incitations à la maximisation des profits, leurs dépenses les obligeaient à chercher le moyen d’augmenter leurs revenus. Il existe de nombreux exemples de l’intérêt que les familles aristocratiques les plus traditionnelles montraient envers la modernisation de leurs exploitations agricoles.

  • 7 Yujiro Hayami et Keijiro Otsuka, The Economics of contract Choice. An Agrarian Perspective, Oxford (...)

3Quel est donc le rôle du grand propriétaire dans l’innovation agricole ? En effet, les grands propriétaires, spécialement en Espagne, sont rarement cultivateurs, et les innovations ne sont pas toujours faciles à introduire. Les coûts de surveillance, les problèmes d’information, importants en agriculture à cause des aléas naturels, sont des obstacles majeurs à l’efficacité des initiatives dirigées à distances7. Le fait que les grands propriétaires veuillent jouer un rôle n’implique pas cependant que leur intervention soit efficace, comme le montrent de nombreux exemples. Néanmoins la possession de la terre est aussi le moyen d’obtenir des capitaux moins onéreux. De plus, les grands propriétaires sont, de par leur meilleure éducation, mieux informés. Ces avantages sont d’autant plus importants à l’époque où le marché des capitaux est insuffisant et cher, et les taux d’analphabétisme élevés, ce qui est justement le cas du monde rural espagnol. Certains investissements, comme les bâtiments, terrasses, canaux d’irrigation et les plantations (vignobles ou arbres fruitiers) sont leur apanage, et ils sont essentiels pour l’agriculture méditerranéenne.

4Dans ce chapitre, nous envisageons la relation entre la grande aristocratie foncière et le progrès agricole. L’historiographie a mis souvent en relief le fait que la grande noblesse est parvenue à conserver son patrimoine lors de la révolution libérale du deuxième quart du XIXe siècle et bien souvent à l’augmenter au long du siècle. En 1875, la plupart des grands contribuables fonciers font encore partie de la vieille aristocratie et ceci encore en 1932, bien que leur nombre ait fortement diminué par les expropriations. Ils réussissent à maintenir, surtout dans le sud, une emprise très importante. Nous montrons cependant que leurs mentalités ne sont pas forcément hostiles au progrès agricole. Par contre la grande taille, et surtout la dispersion de leurs patrimoines expliquent les difficultés d’organisation et de gestion.

La grande propriété aristocratique.

  • 8 Ángel González de la Peña, Estadística de los presupuestos generales del Estado y de los resultado (...)
  • 9 Duc d’Osuna dans Ignacio Atienza et Rafael Mata, « La quiebra de la Casa de Osuna », Moneda y Créd (...)
  • 10 Angel Bahamonde et Enrique Otero, « La reproducción patrimonial de la elite burguesa madrileña en (...)

5La noblesse espagnole, en particulier la vieille aristocratie, réussit à conserver un vaste patrimoine foncier pendant toute cette période. La plus haute aristocratie, Grandeza de España, réunissait une soixantaine de familles. à cette distinction, s’ajoutaient de nombreux titres qui pouvaient remonter jusqu’au bas moyen âge. Les 25 familles les plus importantes cumulaient en leur sein 72 grandezas et 142 titres nobiliaires. De plus ces élites possédaient les plus grosses fortunes du pays, au moins jusqu’au dernier tiers du XIXe siècle : un inventaire fiscal de 1857 indique que 9 des 10 principaux contribuables et 37 des 53 premiers étaient des aristocrates8 (voir tableau 1). Ils possédaient également les plus grands patrimoines fonciers, probablement jusqu’au début du XXe siècle. Les possessions du Duc de Osuna, 230 000 hectares en 1863 (0,5 % du territoire national) étaient exceptionnelles, mais la plupart des patrimoines comptaient plus de 10 000 hectares, et souvent plus de 50 0009. Néanmoins leurs possessions étaient extrêmement dispersées dans tout le pays, les fortunes composées de 3 à 4 000 parcelles dispersées entre 20 ou 30 circonscriptions administratives différentes n’étaient pas rares. Comme le montre le tableau 1, les 32 familles les plus riches payaient des impôts fonciers dans 10 provinces en moyenne, et encore ces propriétés se trouvaient-elles couramment dispersées au sein de chacune de ces provinces. C’est bien une caractéristique spécifique de cette élite aristocratique puisque les autres propriétaires fonciers ne payent d’impôt que dans 2 provinces, comme les 28 000 hectares du nouveau riche Marquis de Mudela, dont 88 % se trouvaient dans la région de la Manche (1885), ou celui de Vazquez dont la totalité se trouvait à Séville10. La dispersion exigeait un système administratif imposant, dirigé par un grand nombre d’agents territoriaux et la mise en place de mécanismes favorisant la coopération des agents ou la répression des fraudes.

Tableau 1. La dispersion du patrimoinie foncier de l’aristocratie espagnole en 1854

Contribuables

Nombres

Contribution totale (en milliers de réales)

Contribution moyenne (en milliers de réales)

Nombre moyen de provinces où sont payées les contributions

% des contributions payées dans la province plus importante/total

Grandes de España

32

4944

154,5

10

35,6

Autres grands contribuables

21

1850

88,1

2

85,6

Total 53 premiers contribuables

53

6794

128,2

6

44,7

Source : Carmona (2001), p. 21-2.

Quelle est la fonction du propriétaire rentier ?

6La critique de l’absentéisme se base sur la conviction du rôle essentiel joué par le propriétaire rentier dans la production agraire. Mais en fait, les propriétaires qui ne désiraient pas faire valoir directement leurs terres avaient à leur disposition diverses formes de contrats agraires. Le contrat de location en argent offrait aux colons les incitations nécessaires pour maximiser la production en utilisant la combinaison de facteurs de productions plus performants. Cependant, les propriétaires auraient peut-être pu avoir un rôle de plus en plus important à mesure que l’agriculture devenait plus intensive en capital et le progrès technologique plus rapide.

  • 11 Gilles Postel-Vinay, « Pour une apologie du rentier ou que font les propriétaires fonciers ? », Le (...)
  • 12 Bien qu’il existe une littérature plus critique envers le grand propriétaire anglais. Par exemple, (...)
  • 13 Gilles Postel-Vinay, La terre et l’argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début (...)
  • 14 Ce qui peut expliquer une bonne partie des différences de productivité entre les grandes et les pe (...)

7Postel-Vinay dans son article « Pour une apologie du rentier ou que font les propriétaires fonciers ? », se demandait quel avait été le rôle d’un propriétaire,11 même rentier, dans l’agriculture française. Il mentionnait entre autres, les investissements en bâtiments, plantations et améliorations diverses, qui dépendaient plus du propriétaire que du fermier ou métayer, et qui pouvaient souffrir de grandes variations d’un propriétaire à l’autre. Dans le cas anglais, le protagoniste de la révolution agricole aurait été le grand propriétaire, alors12 que les contrats de fermages prédominaient. Le propriétaire rentier peut aider son fermier d’une autre façon, comme il arrive aujourd’hui dans les pays en voie de développement. D’abord, il peut obtenir des capitaux à de bien meilleurs taux d’intérêts que ses colons, pour trois raisons principales : sa meilleur réputation comme emprunteur, à moins qu’il n’ait une relation personnelle ou familiale avec le prêteur ; le fait d’avoir les terres suffisantes comme garantie de l’emprunt ; et finalement, l’avantage des grands emprunteurs quand les coûts fixes liés aux prêts sont très élevés, comme c’était le cas dans le monde rural espagnol de cette période13. L’intervention du propriétaire est d’autant plus avantageuse lorsque les colons sont pauvres ou n’ont pas de garanties14. Ce capital obtenu à un taux plus bas peut être prêté au fermier par le biais de contrats imbriqués, ou peut être investi directement sous forme d’améliorations. D’un autre côté le propriétaire rentier a normalement un meilleur accès aux nouveautés, aux revues ou publications spécialisées ; il visite les grandes expositions agricoles. Ces avantages se font plus importants au fur et à mesure que le changement technologique se fait plus rapide.

  • 15 Juan Carmona et James Simpson, “The ‘Rabassa Morta’in Catalan viticulture : the rise and decline o (...)
  • 16 Ricardo Robledo, Economistas y reformadores españoles : La cuestión agraria (1760-1935), Madrid, M (...)

8Un exemple de cette combinaison d’avantages financiers et techniques du grand propriétaire se voit dans la reconstitution du vignoble détruit par le phylloxera à la fin du XIXe siècle. Dans le cas catalan, par exemple, non seulement les grands propriétaires ont financé les replantations par leurs rabassaires ou métayers, mais la plupart aidèrent aussi à sélectionner de nouveaux cépages adaptés aux conditions locales15. Comme l’indique cet exemple, le rôle du propriétaire rentier peut être crucial quand il s’agit de cultures exigeantes en capitaux, et c’est la raison qui explique que la plupart des contemporains aient souligné l’importance de la grande propriété pour l’agriculture pauvre du milieu du XIXe siècle16.

  • 17 Debraj Ray, op. cit, p. 448-49.
  • 18 E. Lecouteux, Cours d’économie rurale, Paris, 1889. En France, Gilles Postel-Vinay, La terre..., o (...)
  • 19 En Catalogne, Carmona et Simpson, “The ‘Rabassa Morta’... op. cit.”.
  • 20 Par exemple Carrión, op. cit., p. 316.

9Cependant, les grands domaines ont certains inconvénients. L’emploi de main-d’œuvre et de capital en agriculture conduit en général à rebours des économies d’échelles17. Ces dépenses sont encore plus importantes quand il s’agit d’un type de culture où la qualité du travail a une grande influence sur la valeur du produit final ou sur une utilisation correcte des moyens de production. C’est surtout le cas des cultures employant une abondante main d’œuvre comme la viticulture, la production d’oranges, l’olivier, ou l’élevage car les animaux sont susceptibles de souffrir d’un mauvais traitement. Les coûts de transactions augmentent à mesure que l’intervention du propriétaire est plus importante et ceci essentiellement de deux manières : d’un coté, le propriétaire qui n’habite pas ses terres se voit obligé de déléguer la gestion du capital investi ; s’il s’agit d’un faire-valoir direct, le volume et la structure des investissements décidés par le régisseur ne sont pas nécessairement les plus judicieux pour le propriétaire ; s’il s’agit d’un faire-valoir indirect, il doit confier le soin de ses investissements à ses colons, ce qui peut en faire diminuer le volume prévu. Mais la gestion directe des investissements par les propriétaires n’est pas une garantie de succès. Lecouteux se plaignait en 1870 du fait que les grands propriétaires de domaine accordaient leur attention au luxe du parc, du château, à l’aménagement du paysage et à la beauté des bâtiments bien plus qu’à leur utilité ou leur utilisation pratique18. Inversement, le faire-valoir indirect générait aussi des difficultés. Une direction de l’exploitation trop étroite (justement le contraire de l’absentéisme) pouvait créer des frictions avec les colons, ce qui fut justement un problème majeur de certaines régions de métayage en France ou en Catalogne19. Ces restrictions montrent que l’absence d’investissements n’implique pas nécessairement le manque d’intérêt pour le fonctionnement de l’exploitation ou une préférence pour les dépenses somptuaires20. Ainsi, si le propriétaire peut jouer un rôle important dans l’exploitation de ses domaines, ses marges de manœuvres sont loin d’être illimitées et dépendent d’autres facteurs.

Mentalité et progrès agricole

  • 21 Un exemple dans Ma Teresa Pérez Picazo, El mayorazgo en la historia económica de la región murcian (...)
  • 22 François Héran, op. cit., Ma Teresa Pérez Picazo, « Riqueza territorial y cambio agrícola en la Mu (...)
  • 23 Par exemple le Marqués de San Adrián (en Navarra) dans José Miguel Lana Berasain, “Trabajo, técnic (...)

10Les contemporains et mêmes certains historiens d’aujourd’hui ont tendance à attribuer aux propriétaires rentiers, et à plus forte raison aux nobles absentéistes un ensemble de valeurs où prime la recherche des profits ou des rentes faciles, avec peu ou pas d’investissements, et une coopération très limitée entre le propriétaire et le colon ou le travailleur de la terre, ce qui impliquerait en somme que le propriétaire ne remplissait pas sa responsabilité ou rôle social. En fait, cette attitude envers la terre ne serait pas inhérente aux grands propriétaires, mais ne serait que l’apanage d’un groupe en particulier, la vieille aristocratie, qui se distinguerait de la « bourgeoisie agraire » proprement dite21. De récentes études ont montré qu’il existait d’autres types de propriétaires agricoles qui étaient, par contre, innovateurs et ont joué un rôle important dans la modernisation agricole. Ce sont des notables locaux, comme Ignacio Vázquez, ou des membres de la nouvelle aristocratie tel le Marquis de Manzanedo. Ces propriétaires achetèrent des machines, introduisirent de nouvelles cultures ou créèrent de nouveaux réseaux de commercialisation, en obtenant généralement de gros profits22. Dans d’autres cas moins visibles, on trouve aussi d’importants efforts d’innovations23. Mais il s’agit de cas exceptionnels, donc difficiles à extrapoler à l’ensemble des grands propriétaires, et il est difficile de ne pas établir un lien entre leurs réalisations et les facteurs mentaux.

11Jusqu’à quel point les valeurs de l’aristocratie foncière furent-elles réellement un obstacle à l’introduction de changements dans leurs propres domaines ? Il est vrai que si leurs compromis politiques et sociaux les empêchaient de diriger personnellement leurs administrations, des banquiers et administrateurs les aidaient à organiser et gérer leurs patrimoines. Mais en fait ils montrèrent un intérêt réel pour la modernisation de leurs exploitations, en suivant l’exemple de la noblesse anglaise ou française. La vision stéréotypée et populaire est bien celle de l’aristocrate rentier qui abandonne le contrôle de ses domaines dans les mains de ses agents plus ou moins corrompus ou incapables, pour s’adonner à la politique ou la vie mondaine. L’absence d’initiative de l’aristocratie espagnole expliquerait son manque de compétitivité dans un environnement nouveau, une gestion peu performante et même le fait qu’elle puisse être un obstacle sérieux à la croissance des régions où elle possédait beaucoup de terres.

  • 24 Ángel Bahamonde, op. cit., Richard Herr, « Fincas dispersas, cotos redondos y cambio económico en (...)
  • 25 Ricardo Robledo, “Un grande de España en apuros. Las rentas del Marqués de Cerralbo en 1840”, Revi (...)
  • 26 Bahamonde, op. cit., p. 339.
  • 27 Bartolomé Yun Casalilla, “Mercado de cereal y burguesía en Castilla, 1750-1868 (Sobre el papel de (...)
  • 28 Rafael Mata Olmo, Pequeña y gran propiedad agraria en la depresión del Guadalquivir, Madrid, Minis (...)

12Cependant, certains auteurs ont mis en doute le manque de rationalité du comportement économique des membres de l’aristocratie espagnole, même lorsque leurs stratégies paraissaient répondre au désir de maximiser leurs revenus24. Les Grandes auraient souffert plus que d’autres grands propriétaires terriens des conflits et incertitudes de la Révolution Libérale, ce qui expliquerait leur endettement. Ils avaient souffert également du nonpaiement de nombreuses rentes pendant le premier tiers du XIXe siècle, ce qui pourrait expliquer que l’aristocratie trop occupée par la réorganisation de ses patrimoines n’aurait pas pu profiter des nouvelles opportunités économiques25. À ces réserves près, l’aristocratie foncière aurait optimisé la gestion de ses rentes grâce à une utilisation habile des contrats existants pour obtenir la meilleure rentabilité tout en réduisant au minimum ses apports de capitaux et les risques26. Bartolomé Yun Casalilla et Ricardo Robledo ont, par exemple, souligné le rôle des fermages en nature dans les régions à blé de la Vieille Castille pour expliquer l’absence de modernisation agraire27. Ce modèle aurait également pu se reproduire dans d’autres régions à grands patrimoines nobiliaires comme l’Andalousie28. En somme, les problèmes financiers justifieraient l’absence de modernisation des patrimoines aristocratiques, en revanche, leur mentalité expliquerait leur préférence pour le faire-valoir indirect.

  • 29 Ricardo Robledo, La renta... op. cit., p. 74-81.
  • 30 Antonio Miguel Bernal, Economía e historia de los latifundios, Madrid, Espasa Calpe, 1988, p. 149  (...)
  • 31 Juan Carmona, La aristocracia terrateniente y el cambio agrario en España en el siglo XIX : la Cas (...)
  • 32 Pour l’Angleterre, F.M.L. Thompson, English Landed Society in the Nineteenth Century, London, 1963 (...)
  • 33 Juan Carmona, op. cit., p. 184-5 ; aussi Angel García Sanz, « Explotación y renta de una dehesa sa (...)
  • 34 Les marquis de Sentmenat ou de Castelldosrius (Cataluña) dans Ramón Garrabou et Jordi Planes, “La (...)

13Il n’y a pas de doute, si les propriétaires espagnols ont l’habitude de louer leurs terres, cette habitude est encore plus répandue chez les aristocrates. Les études régionales montrent bien l’importance de la location en argent en Castille et Andalousie, précisément dans les régions où se trouvaient la plupart des patrimoines aristocratiques29. Mêmes les grandes fermes, comme les cortijos (domaines à blé) ou les dehesas (de vastes exploitations agro-sylvo-pastorales clôturées) où la culture à grande échelle aurait permis l’utilisation de régisseurs, étaient couramment louées jusqu’à la Guerre Civile30. L’absence de faire-valoir direct explique ainsi que les inventaires de fortunes soient aussi avares en outils et en animaux de trait, en contraste avec de nombreux propriétaires locaux31. Néanmoins, l’absence de capital d’exploitation n’empêche pas a priori l’utilisation de mécanismes qui permettent l’introduction de nouvelles techniques ou le changement de cultures, comme on l’observe chez de nombreux rentiers européens32. Il est vrai que les contemporains critiquent souvent le manque de flexibilité des clauses des contrats de locations qui prédominent dans une grande partie de l’Espagne ; toutefois de récentes études ont mis en relief le fait que les clauses limitatives n’empêchaient pas d’importantes transformations agraires, comme les défrichements ou les rotations et même des stimulations plus directes comme la plantation de vignobles ou l’introduction de nouvelles cultures comme la betterave sucrière33. Mais si le fermage domine, il n’exclut pas la coexistence avec d’autres types de contrats, comme le métayage. L’exploitation directe est certes minoritaire mais toujours présente34.

  • 35 Parmi eux, le duc de Osuna et les marquis de Perales et Alcañices ; El Museo Universal, 1 (1857, 1 (...)
  • 36 Article de Mendigutía « En el Campo », El Campo, II, (1877, 1er novembre), no 23, p. 321-322.
  • 37 El Campo, año III (16 avril 1878), no 10, p. 149.
  • 38 Angel Bahamonde, op. cit., p. 337-8. Blanca Jiménez, « La nobleza madrileña en el reinado de Alfon (...)

14De nombreux exemples prouvent l’intérêt personnel de l’aristocratie pour les innovations agricoles, analogue à celle d’autres propriétaires terriens. L’Exposition de l’Agriculture et l’Élevage de Madrid en 1857 fut l’occasion de montrer les succès de grandes familles nobiliaires dans le domaine de la sélection d’animaux de trait35. En 1877, certains journalistes décrivaient la nouvelle « mode » des longs séjours à la campagne et son excellent exemple pour le progrès agricole36. L’année suivante, un bon nombre de Grands d’Espagne créèrent dans l’hôtel de la duchesse de Medinaceli, la « Sociedad General protectora de la Agricultura española », dans le but d’encourager l’agriculture37. Les valeurs nobiliaires n’étaient donc pas un obstacle suffisant pour les empêcher d’avoir une participation active aux différents projets d’innovation. Ces aristocrates voyaient clairement le prestige qui pouvait être associé à l’introduction d’innovations, d’une façon proche de celle de leurs aïeux du siècle précédent. Les inventaires de fortunes de cette époque n’hésitaient pas à préciser les moindres détails des nouveautés, comme les achats de nouvelles machines, les améliorations aux bâtiments faites par les grands propriétaires qui faisaient valoir leurs terres directement38. En plus, il faut souligner la grande estime que ces propriétaires avaient pour le faire valoir direct, non seulement à cause du prestige, mais parce qu’ils le considéraient comme plus rentable et efficace.

  • 39 Angel Bahamonde, op. cit., p. 337-8. Blanca Jiménez, op. cit., p. 52-83 ; Jean-François Ponsot, «  (...)
  • 40 Jean-François Ponsot, op. cit., p. 85-102.
  • 41 Juan Carmona, op. cit., p. 220-222.

15Ceci peut expliquer le fait que la plupart des grandes maisons aristocratiques mirent en place des fincas modelos, des exploitations modèles, à partir des années 1850 : les marquis de Alcañices à Cadreíta et Algete, les ducs de Fernán Núñez à Aranjuez, la comtesse de Montijo, future impératrice, à Baños et Moya, et sa mère dans son domaine de Carabanchel, le marquis de Benalúa en la Hacienda Benalúa en Alicante, Bedmar à Canillejas, les ducs de Medinaceli dans leur ancienne seigneurie de Navas del Marqués, etc.39. Dans ces grandes exploitations modèles les propriétaires essayaient de nouvelles cultures (betterave, canne à sucre, pommes de terre, vignobles surtout et prés irrigués), de nouvelles machines et les pratiques de culture les plus innovantes. La réforme initiée en 1862 par la comtesse de Montijo, Impératrice des Français, dans deux de ces domaines, le marquisat de Moya (Cuenca) et le comté de Baños de Rioja (Burgos) a été analysée par Ponsot à partir des rapports des régisseurs français responsables des projets40. À Moya, il s’agissait de moderniser l’exploitation des vastes forêts de pin et la création d’une exploitation modèle de 62 hectares munie d’un outillage moderne pour la culture de betterave, de la pomme de terre et de blé. Dans le second cas, il s’agissait de créer 32 fermes, un pré irrigué et un vignoble de 150 hectares. Dans les deux cas les investissements furent considérables, près de 2 millions de reales en huit ans. Un autre exemple est celui du marquis de Alcañices qui entreprit d’importantes réformes dans son domaine de Cadreita (Navarre), entre autres la plantation d’un vignoble de 50 hectares en 1862, et d’une cave avec un équipement moderne qui suivait l’exemple des grands propriétaires de la Rioja41.

  • 42 Ibid., p. 195-202.
  • 43 Jean-François Ponsot, op. cit, p. 85-102.
  • 44 Juan Carmona, op. cit., p. 220 y ss.

16Cependant, l’aristocratie foncière n’était pas seulement mue par une mentalité favorable à l’innovation agricole. En fait, leur vie mondaine obligeait ces élites à d’importantes dépenses qui stimulaient la recherche de nouveaux revenus. Si certains d’entre eux étaient tellement endettés qu’il leur était impossible d’investir, la majorité avait en général un accès assez facile au marché de crédit et à de bas taux d’intérêts42. Néanmoins, ces facteurs favorables ne furent pas suffisants pour garantir le succès de leurs projets. Ainsi, dans le cas de la comtesse de Montijo, son exploitation modèle de Moya ne produisit aucun revenu entre 1867 et 1897 ; le vignoble et le pré de Baños, après plus de 15 ans sans bénéfice ne produisirent que 6 000 reales l’an vers la fin du siècle, un chiffre bien inférieur aux attentes43. C’est aussi le cas du vignoble du marquis d’Alcañices qui fut abandonné 15 ans après sa plantation à cause des problèmes de commercialisation de ses crus, précisément à une époque où les vins espagnols atteignent leur plus grande prospérité44.

  • 45 Iturralde et Elorrieta, op. cit., p. 5.
  • 46 Blanca Jiménez, op. cit., p. 52-83.
  • 47 María Teresa Pérez Picazo, op. cit., p. 39-95 et Pérez Picazo et alii, « Formas de gestión y coyun (...)

17Le duc de Médinaceli n’eut pas plus de succès dans son exploitation forestière de Navas del Marqués45. Il est difficile de savoir si ces exemples sont généralisables, et il est probable que de nombreuses exploitations modèles aient pu subsister mais avec de médiocres résultats. En fait, les inventaires de fortunes des années 1870 et 1880 prouvent bien que les grands patrimoines aristocratiques étaient surtout composés de terres céréalières et de pâturages extensifs46. Les rares travaux comparatifs montrent que les élites locales adoptèrent des innovations avec plus de succès. C’est le cas des Carbonell, producteurs d’huile d’olive, du Sévillan Vazquez, ou du comte de San Juan en Murcie. Dans ce dernier cas, en l’espace de quarante ans (1863-1902), il changea de cultures, abandonna les moins rentables comme le mûrier et changea plusieurs fois le mode d’exploitation, du métayage au fermage et vice-versa, une flexibilité qui fait défaut dans les grands domaines aristocratiques47.

La gestion des patrimoines fonciers

  • 48 Thrain Eggertsson, Economic behavior and institutions, Cambridge University Press, 1990, p. 41-5.
  • 49 Rafael Serrano García, “La quiebra de un modelo expansivo : las crisis financiera y agrícola en Ca (...)
  • 50 Juan Carmona, op. cit., p. 126-8 et 240-1, et Javier Moreno, « Administración y rentas del patrimo (...)

18Ces problèmes nous conduisent à expliquer d’une autre façon l’absence de dynamisme de l’aristocratie et à la mettre en rapport avec l’organisation des patrimoines. En effet, la gestion d’un patrimoine foncier étendu exige non seulement une certaine capacité à mobiliser des ressources matérielles, mais aussi des ressources humaines afin d’éviter des problèmes de coopération. Dans la mesure où le propriétaire doit déléguer la plupart des décisions quotidiennes concernant l’exploitation de ses terres, il fait aussi face aux problèmes de gestion : régisseurs ou administrateurs ne gèrent pas nécessairement les biens de la meilleure façon pour les intérêts du propriétaire, puisqu’ils ne jouissent d’aucun système d’intéressement approprié et qu’ils peuvent utiliser à leur profit l’information à laquelle ils ont accès48. En fait, l’étude des administrations des grands domaines met en évidence l’importance des systèmes de comptabilité, des méthodes de sélection du personnel, les encouragements, et les mécanismes de contrôle. Néanmoins, les grandes maisons aristocratiques éprouvaient des problèmes très différents de ceux des autres propriétaires ; en particulier, la dispersion des patrimoines (tableau 1) et la possession de biens et droits d’origine seigneuriale et juridiquement peu clairs. La plupart de ces propriétés et rentes, avaient réussi à rester dans les mains de ces propriétaires après les réformes libérales de 1821-23 et 1835-1845, surtout dans le Nord de l’Espagne. Certaines terres d’origine communale, bien que théoriquement appropriées, étaient finalement louées aux habitants locaux solidairement ou directement à la commune. Les foros, l’emphytéose, mais aussi de vieux droits seigneuriaux convertis en « concordes », étaient payés en nature par toutes les communes d’une même région à l’ancien seigneur et faisaient l’objet de nombreux conflits. Conserver ces rentes pendant de longues années sans recourir aux tribunaux était rare, et les procès revenaient cher car ils s’accompagnaient de la cessation de tout paiement, ce qui devint de plus en plus fréquent et presque habituel pendant les périodes révolutionnaires49. Il est vrai que la plupart de ces rentes furent toujours légalement reconnues et disparurent seulement dans la deuxième moitié du XXe siècle, mais les administrateurs et comptables se plaignaient souvent dans les enquêtes du volume des arriérés, surtout dans les cas de locations solidaires, des fréquents conflits ou tout simplement de la disparition de rentes. Maîtriser ces risques dépendait de la volonté des administrateurs, et si leur inertie menait à la fin des paiements, il était nécessaire de réorganiser les administrations pour récupérer à nouveau les droits50. Ces conflits expliquent en partie les difficultés des grandes opérations locales puisqu’en général il était nécessaire de tenir compte des intérêts de la population locale, sinon de la franche opposition de l’oligarchie locale. Le recours au système judiciaire coûteux et lent était encore important pour l’exploitation de certains biens et administrations dans les premières décennies du XXe siècle.

  • 51 Les achats de biens desamortisés dans Ricardo Robledo, La renta..., op. cit., p. 41-3. L’envergure (...)
  • 52 Ignacio Atienza, Aristocracia, poder y riqueza en la España moderna. La Casa de Osuna, siglos XV-X (...)
  • 53 Juan Carmona, op. cit., 242-4.

19Du point de vue du morcellement, l’aristocratie mit plusieurs décennies à rationaliser le nombre des administrations. D’un côté le prix élevé de la terre, surtout entre 1845 et 1875, ne favorisa pas un processus de concentration à grande échelle, bien que la plupart des propriétaires aient réalisé d’importants achats pendant les désamortissements de 1837 et 185651. Par contre, il était difficile de se défaire des biens dont les titres de propriété étaient douteux. La lenteur du changement explique le fait que ces élites conservèrent de nombreux traits des systèmes de gestion de l’ancien régime, comme le montrent les exemples du Duché de Médinaceli, des marquisats de Cerralbo, Alcañices, ou Lozoya ou du comte de Bornos52. Dans le cas du marquis d’Alcañices, un patrimoine de 30 000 hectares était dispersé dans plus de 200 communes, et donc géré par plus de 32 administrateurs en 1868, après une réforme. L’élaboration d’un inventaire de biens pouvait mettre plus de 3 ans dans les régions à petites exploitations du nord-ouest de l’Espagne (León)53.

  • 54 Javier Moreno, op. cit., Juan Carmona, op. cit., 251-4, Antonio Miguel Bernal, La lucha por la tie (...)
  • 55 Par exemple Javier Moreno, op. cit.
  • 56 Ibid.
  • 57 Rafael Mata, op. cit., p. 259-65.
  • 58 Juan Carmona, op. cit., p. 230-1 et 254.
  • 59 Angel García Sanz, op. cit., p. 350-1 et 369-70.

20Chaque régisseur concentrait en principe toutes les fonctions administratives, comme la mise aux enchères des terres à affermer, la signature des contrats, la surveillance, la perception des revenus, et la vente des produits si la rente était perçue en nature ce qui était souvent le cas dans le nord du pays. Il s’occupait aussi des affaires extraordinaires, tels les procès, les conflits ou la vente des biens. Cette grande indépendance explique l’existence d’un système complexe de contrôle, comme le maintien d’une correspondance, au maximum mensuelle, où l’on traitait surtout du prix du blé, un compte détaillé des opérations effectuées tout au plus tous les six mois et un bilan annuel54. Ces informations étaient suivies par le comptable de l’administration centrale, souvent de manière très minutieuse, comme on peut le voir par les petites corrections, généralement interprétées comme un signe de l’efficacité du contrôle55. Mais il y a de nombreux indices qui indiquent le contraire : en premier lieu, l’asymétrie de l’information qui était entièrement dans les mains de l’administrateur local. En fait la correspondance mentionne rarement d’autres sources d’information complémentaires (pour les prix du blé, par exemple) ou pour savoir si les fermiers se trouvaient vraiment en détresse, ce qui explique l’attitude généralement défiante de l’administration centrale, et parallèlement ses difficultés pour éviter la fraude. Ainsi, dans le cas du comte de Bornos, la vitalité de l’administrateur... n’empêche pas ses soupçons sur le manque d’honnêteté de plusieurs de ses agents locaux, et spécialement leurs trop bonnes relations avec les fermiers56. Une façon de limiter la trop grande influence de l’administrateur local était de contrôler directement les contrats de fermage des plus grandes exploitations, qui pouvaient même être signés à Madrid, lieu de résidence habituel de l’élite aristocratique. Mais ceci n’était possible que s’il existait un important marché de location dans les grandes villes provinciales, ce qui n’était le cas qu’en Andalousie pour les cortijos ou les grands oliviers, ou les dehesas (pâturages) du Sud Ouest57. Une autre façon de réduire les coûts de surveillance était d’offrir un système d’encouragement pour s’assurer la loyauté des agents et leurs coopérations. Généralement 10 % du chiffre d’affaires était consacré à une prime pour encourager l’encaissement des fermages et obtenir les meilleurs prix pour la vente des produits, mais la faible dimension d’un grand nombre d’administrations ne permettait que de médiocres revenus. Dans ces cas-là, le prestige et les excellents contacts du « Amo » ou Seigneur leur permettaient d’obtenir des places de juges de paix, ou de sortir un parent de prison, en somme l’obtention d’une protection qui permettait vraisemblablement l’établissement d’une relation de confiance58. Mais il y avait d’autres façons d’obtenir la fidélité : le marquis de Lozoya, par exemple, offrait à l’agent qui s’occupait de l’exploitation de ses pâturages, le fermage de quelques terres ; dans ce cas là, en échange de sa tranquillité, le propriétaire renonçait totalement au contrôle de la ferme59.

  • 60 Jean-François Ponsot, op. cit., p. 110-111.
  • 61 Juan Carmona, op. cit., p. 253-62.

21Le recrutement des administrateurs dépendait de leurs fonctions, ce qui explique que la plupart faisaient partie des notables locaux : les notaires, avocats ou fonctionnaires de formation juridique, et assez souvent amis personnels du comptable ou de l’administrateur général étaient les plus aptes à négocier, pactiser ou lutter en faveur des intérêts de la propriété. Mais ce profil n’était pas indispensable dans les régions du latifundium où les agents ne faisaient que percevoir les fermages et donc étaient en général recrutés parmi les grands propriétaires dont les biens pouvaient garantir les revenus ou avancer les sommes au propriétaire. Les besoins techniques que demandait l’introduction de nouvelles cultures exigeaient le recrutement d’ingénieurs coûteux dont le rôle était de conseiller les serviteurs fidèles de la maison. Mais une excellente formation technique n’était pas la garantie d’une bonne gestion de l’administration. Dans le cas de la comtesse de Montijo, la raison la plus évidente de son échec réside surtout dans la maladresse des ingénieurs français qui font face à l’ensemble de la population locale60. En revanche, ce sont les administrateurs traditionnels des grands domaines du marquis d’Alcañices à Cadreita ou Cuellar qui résolvent les nombreux problèmes légaux qui accompagnent les changements de cultures et de contrats de métayage ou fermage61.

  • 62 Ibid., p. 250-51.

22En somme, les grands patrimoines aristocratiques disposaient d’un système d’administration assez traditionnel, avec des agents mieux formés aux questions juridiques qu’aux problèmes techniques agricoles ou même à la comptabilité ; de surcroît ils jouissaient d’une grande autonomie vis-à-vis de l’administration centrale. Mais on a montré aussi que le choix de ce système de gestion n’était pas dû aux caractéristiques traditionnelles de la noblesse, mais plutôt aux caractéristiques des patrimoines. Néanmoins, ce système traditionnel n’était pas le plus approprié pour la gestion de fermes modèles. D’un coté, l’information était dans les mains des agents qui n’étaient généralement pas qualifiés pour suggérer des innovations. Ainsi, un questionnaire envoyé aux agents locaux en 1857 par l’administrateur central du Marquis d’Alcañices, le banquier Francisco de Goicorrotea, incluait une question sur les investissements suggérés. La plus grande partie des réponses se limitait à considérer la réparation d’un mur, d’une clôture, ou le toit d’un moulin, à l’exception de l’administrateur de Cadreita qui proposa la possibilité d’introduire de nouvelles cultures et la plantation d’un vignoble pour profiter de l’ouverture d’une nouvelle ligne de chemin de fer62. D’un autre côté, les petites dimensions de la plupart de ces administrations ne permettaient pas l’emploi des techniciens nécessaires pour un changement plus important.

  • 63 Juan Carmona et James Simpson, El laberinto..., op. cit., p. 34.
  • 64 Antonio López Ontiveros et Rafael Mata Olmo, Propiedad de la tierra y reforma agraria en Córdoba ( (...)
  • 65 Juan Carmona, op. cit., 183.

23Finalement, il n’est pas très sûr qu’au XIXe siècle les fermes modèles furent une alternative efficace face à l’exploitation traditionnelle. Le défrichement offrait encore en Espagne la possibilité d’augmenter la production : entre 1800/09 et 1870/9, la surface cultivée augmenta de plus des deux tiers, en conséquence des désamortissements63. De ce point de vue, le modèle de gestion traditionnelle était bien adapté à la culture peu intensive et à bas rendements du blé, étant donné qu’il était peu exigeant en supervision et ne demandait pas un grand effort d’investissements. Le risque de non-paiement des rentes de la part des fermiers les plus modestes pouvait était mitigé par l’utilisation de la tacite reconduction, qui encourageait le fermier à honorer les termes du contrat, spécialement quand la demande de terres était suffisamment grande. Les fermiers les plus riches offraient des garanties en forme de terres ou en bestiaux, et il n’était pas rare que les contrats se maintiennent dans la même famille pendant plusieurs générations. L’étude d’un échantillon de 30 cortijo de Cordoue montre que la moitié avait renouvelé leurs contrats plus de neuf fois64. L’absence d’intervention active du propriétaire dans l’exploitation de ses terres n’empêchait pas d’importants changements dans les modalités d’exploitations ou même la croissance de la production. Le défrichement exigeait l’autorisation du propriétaire, et même sa mention dans le contrat de fermage, et l’extension de la surface cultivable explique la majeure partie de la croissance du revenu dans une grande partie des fermes, surtout dans le centre et sud de l’Espagne. Dans le cas du marquis d’Alcañices par exemple, les produits de ses pâturages à Salamanque augmentèrent de 5,6 % par an entre 1835 et 187265.

  • 66 Dans le cas de la viticulture catalane, Juan Carmona et James Simpson, « The Rabassa morta..., op. (...)
  • 67 Ma Teresa Pérez Picazo, “Riqueza territorial”..., op. cit., p. 39-95, Ma Teresa Pérez Picazo et al (...)
  • 68 Juan Carmona, op. cit., tableau 4.9.

24Par contre, ils eurent moins de succès dans le développement de cultures exigeantes en main-d’œuvre, la viticulture ou les cultures irriguées, car leur système de gestion manquait de flexibilité et avait des coûts de gestion plus élevés. à la différence du blé, les produits tels le vin, l’huile et les produits horticoles ou la betterave, non seulement étaient orientés vers des marchés plus vastes et compétitifs, mais ils étaient plus sensibles aux fluctuations de la demande et des prix. Même si le propriétaire était prêt à utiliser des contrats de locations, la coopération avec les colons devenait beaucoup plus importante. Les chocs exogènes comme les fluctuations des prix ou de la demande exigeaient des changements dans les clauses des contrats, la distribution des produits ou de nouvelles techniques66. La plupart des études sur l’innovation chez les riches propriétaires fonciers locaux mentionnent non seulement des investissements importants, mais aussi la flexibilité des contrats et leur adaptation aux fluctuations des marchés67. Les propriétaires absentéistes disposaient de moindres avantages pour la commercialisation. Il est vrai qu’ils avaient la possibilité de profiter des réseaux d’information que mettaient à leur disposition leurs agents locaux pour la vente de leurs propres récoltes, et ils s’assuraient ainsi les meilleurs prix de vente, mais exclusivement dans le marché local puisque c’était là où les administrateurs locaux développaient leurs transactions. Sauf de rares exceptions, comme le comte de Bornos, ils n’organisèrent pas de plus grands réseaux qui auraient pu canaliser le produit directement vers les marchés urbains, ne créèrent pas de services destinés à chercher les acheteurs sur d’autres marchés. En fait chaque vente exigeait l’autorisation du comptable central, même dans le cas de Bornos, ce qui ajoutait au manque de flexibilité des grandes administrations. En somme ces caractéristiques peuvent expliquer la quasi absence de vignobles ou de cultures irriguées dans les patrimoines aristocratiques. Dans le cas d’Alcañices, 1,4 % des superficies étaient en vignobles en 1868, et en général de piètre valeur, alors que les céréales occupaient presque 95 % du total68.

  • 69 Juan Carmona, “Contratos agrarios, costes de transacción y riesgo en el cultivo de secano en Casti (...)
  • 70 Juan Carmona, Aristocracia..., op. cit., p. 248 y ss.
  • 71 Iturralde y Elorrieta, op. cit., p. 145 ; Juan Carmona, « El comportamiento económico de la noblez (...)

25Vers la fin du XIXe siècle, certains facteurs ont précipité des changements dans ce mode d’organisation administrative. Tout d’abord, la concurrence des blés d’outre-Atlantique augmenta les cas de non-paiement et dans beaucoup de cas provoqua l’expulsion de nombreux fermiers, interrompant ainsi l’efficacité de la tacite reconduction comme mécanisme de paiement de la rente foncière69. D’un autre côté, la plus grande intégration des marchés locaux de céréales a réduit les marges de manœuvres des administrateurs locaux pour profiter des rentes de situations, et les grands commerçants de grains de Barcelone ou Valence, deviennent progressivement les principaux acheteurs de grains70. Autre facteur encore, l’implication de plus en plus fréquente des entreprises de transformation de matière première, comme l’industrie sucrière, résineuse, ou les commerçants de vin permet en de nombreuses occasions l’établissement de mécanismes de coopérations, généralement de longue durée entre les grands propriétaires et les firmes. Et ce sont elles qui introduisirent les changements techniques et supervisèrent leur application. C’est notablement le cas des immenses forêts de pins des ducs de Médinaceli et du marquis d’Alcañices que commença à exploiter l’Union Resinera à la fin du XIXe siècle, ou des exploitations de betteraves sucrières de nombreuses maisons nobiliaires dans leurs terres irriguées d’Aragon ou Navarre71.

Conclusion

  • 72 Gaston Aguas et Lana, op. cit., p. 255.

26Dans quelle mesure la persistance de l’aristocratie foncière a-t-elle pu contribuer au retard agricole espagnol ? Une grande partie des réformistes du premier tiers du XXe siècle en étaient convaincus, surtout à cause du caractère extensif des fermes nobiliaires, cortijos, dehesas ou montes du Sud et de l’Ouest du pays. Mais les principaux arguments pour démontrer l’impact négatif de l’absentéisme sur la production et la productivité agricoles sont surtout spéculatifs, en particulier le manque d’intervention du propriétaire sur ses terres, l’absence d’investissements ou d’améliorations, et l’abus du fermage dû au manque d’intérêt du grand propriétaire foncier. Cependant, on a mis en évidence dans ce chapitre, que les élites aristocratiques avaient de bonnes raisons pour augmenter leurs rentes, n’étaient pas forcement hostiles à l’innovation technique, bien au contraire, et même si elles dépensaient d’énormes sommes d’argent dans leurs villes de résidences, elles avaient une grande possibilité d’endettement (contrairement au XVIIIe siècle) grâce à leurs contacts avec les banquiers et prêteurs privés. Le paradoxe de la critique des contemporains sur l’absentéisme des aristocrates et son impact sur l’innovation agricole, c’est qu’ils firent justement le contraire, ils essayèrent de gérer leurs propriétés comme de bons propriétaires, mais sans succès. La raison de cet échec peut être attribuée en partie à des problèmes de gestion, dus au morcellement des patrimoines fonciers ; ceci était une conséquence de leurs succès à conserver leurs rentes pendant la révolution libérale, et les conflits potentiels associés à la conservation des droits seigneuriaux. C’est ce qui nous mène à analyser ce problème en termes de “path-dependency”. Ces élites auraient peut-être pu réduire leurs coûts d’organisation en essayant d’obtenir l’information locale nécessaire aux améliorations ou au contrôle plus étroit de leurs fermiers, mais il n’est pas certain que cette stratégie eût été efficace. Puisque seules les grandes administrations présentaient les économies d’échelles suffisantes pour l’emploi de régisseurs spécialisés, ce qui ne garantissait pas le succès, on comprend mieux que ces propriétaires aient préféré minimiser leurs coûts administratifs et avec ceux-là leur capacité de transformation, avec la conséquence, non désirée, de légitimer les arguments en faveur d’une réforme agraire72.

27Le fait que la plupart de leurs terres étaient localisées dans les régions où dominait la culture extensive du blé ou l’élevage extensif nous font penser que les conséquences économiques de ce type de gestion ne furent peut-être pas trop importantes, et en fait cela n’empêcha pas une croissance importante de la production jusqu’à la fin du siècle. En revanche l’aristocratie foncière était absente du cadre où les propriétaires locaux eurent plus de succès, c’est-à-dire, dans la viticulture ou les cultures irriguées, grâce à leur plus grande capacité de supervision. Le fait que les élites aristocratiques se spécialisèrent dans la céréaliculture eut cependant un impact institutionnel qui va beaucoup plus loin que la réorganisation de leurs patrimoines. Leur présence à la chambre des députés et au sénat, leur influence à la cour jouèrent sûrement un rôle important pour le succès d’une législation protectionniste favorable aux céréales. Et cette protection, plus que l’absentéisme des grands propriétaires fonciers que mettaient en cause les contemporains, eut sûrement une influence plus décisive sur le développement de l’agriculture espagnole depuis la fin du XIXe siècle.

Landowners and progress in Spanish agriculture

28This chapter examines the relationship between the Spanish aristocracy and agricultural improvement. The literature has often stressed the fact that aristocracy was successful in keeping and even increasing their wealth during the liberal revolution of the second quarter of the 19th Century. In 1875, most of the country’s highest tax-payers belonged to the old nobility and in 1932 they still owned large properties, especially in the South. For the reformers of this period, the persistence and influence of aristocracy were an essential cause of agricultural backwardness, mainly because of their supposed lack of interest in improvements and their abuse of tenancy contracts as a way to maximize profit at the expense of improvements. This chapter shows however that the aristocratic elites, far from being hostile to agricultural improvements, tried to take advantage of investment opportunities, such as in the period of agricultural expansion between 1850 and 1875. But despite farm investment and an interest to behave as good landlords, they were not usually successful at increasing profits. The main explanation for this failure was the difficulty in managing their large properties that were scattered in thousands of small holdings throughout the country.

Notes

1 Je souhaite remercier Nadine Vivier pour ses commentaires. Le travail a aussi reçu le soutien du programme SEJ 2006-08188/ECON.

2 Pascual Carrion, Los latifundios en España : su importancia, origen, consecuencias y solución, Barcelona, Ariel, 1932 [1975]. [Le latifundium en Espagne : de son importance, origine, conséquences et solution]

3 Juan Carmona et James Simpson, El laberinto de la agricultura española. Instituciones, contratos y organización entre 1850 y 1936, Zaragoza, Prensas Universitarias de Zaragoza, 2003, p. 29.

4 Raymond Carr, España 1808-1936, Barcelona, Ariel, 1970, p. 414.

5 Diego Pazos, La cuestión agraria de Irlanda y referencias a la de España, Madrid, 1908, p. 135 ; Domingo Aller, Las grandes propiedades rústicas en España. Efectos que producen y problemas jurídicos, económicos y sociales que plantean, 1912. Pascual Carrión, op. cit., p. 315-316.

6 Par exemple, Angel Bahamonde, « Crisis de la nobleza de cuna y consolidadción burguesa (1840-1880), Madrid en la sociedad de la Restauración, Bahamonde et Otero Carvajal, éd., Madrid, 1986, p. 325-376, ou Guillermo Gortázar, Alfonso XIII, hombre de negocios, Madrid, Alianza Editorial, 1987.

7 Yujiro Hayami et Keijiro Otsuka, The Economics of contract Choice. An Agrarian Perspective, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 4.

8 Ángel González de la Peña, Estadística de los presupuestos generales del Estado y de los resultados que ha ofrecido en liquidación, años 1850 a 1890-1891, Madrid, 1891, p. 82-86.

9 Duc d’Osuna dans Ignacio Atienza et Rafael Mata, « La quiebra de la Casa de Osuna », Moneda y Crédito, 176,1986, p. 71-95, p. 94.

10 Angel Bahamonde et Enrique Otero, « La reproducción patrimonial de la elite burguesa madrileña en la Restauración. El caso del marqués de Mudela. 1834-1882 », La sociedad madrileña durante la Restauración. 1876-1931, Bahamonde y Otero Carvajal, éd., Madrid, p. 523-594, p. 533-534 ; Ignacio Vázquez dans François Héran, Tierra y parentesco en el campo sevillano. La revolución agraria del siglo XIX, Madrid, MAPA, 1980, p. 16.

11 Gilles Postel-Vinay, « Pour une apologie du rentier ou que font les propriétaires fonciers ? », Le mouvement social, 115, 1981, p. 26-50.

12 Bien qu’il existe une littérature plus critique envers le grand propriétaire anglais. Par exemple, Robert Allen, Enclosure and the Yeomen. The Agricultural Development of the South Midlands, 1450-1850, Oxford, Claredon Press, 1992 et Patrick O’Brien, « Quelle a été exactement la contribution de l’aristocratie britannique au progrès de l’agriculture entre 1688 et 1789 ? », Annales, E.S.C., 1987, p. 1391-1409, pour le XVIIe et XVIIIe siècles, et Avner Offer, “Farm tenure and land values in England, c. 1750-1950”, Economic History Review, xliv, 1991, p. 1-20, pour le XIXe siècle.

13 Gilles Postel-Vinay, La terre et l’argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début du XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998, p. 211. En Espagne, Juan Carmona et James Simpson, op. cit.

14 Ce qui peut expliquer une bonne partie des différences de productivité entre les grandes et les petites exploitations. Debraj Ray, Development Economics, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 454-56.

15 Juan Carmona et James Simpson, “The ‘Rabassa Morta’in Catalan viticulture : the rise and decline of a long term sharecropping contract, 1670s-1920s”, The Journal of Economic History, 59-2, 1999, p. 290-315.

16 Ricardo Robledo, Economistas y reformadores españoles : La cuestión agraria (1760-1935), Madrid, MAPA, 1993, p. 56-7. Ma Dolores Dueñas, « Poder y prestigio de la labranza. A modo de introduccion », Ayer, 48, 2002, p. 11-40, p. 36-37.

17 Debraj Ray, op. cit, p. 448-49.

18 E. Lecouteux, Cours d’économie rurale, Paris, 1889. En France, Gilles Postel-Vinay, La terre..., op. cit., p. 212.

19 En Catalogne, Carmona et Simpson, “The ‘Rabassa Morta’... op. cit.”.

20 Par exemple Carrión, op. cit., p. 316.

21 Un exemple dans Ma Teresa Pérez Picazo, El mayorazgo en la historia económica de la región murciana, expansión, crisis y abolición (S. XVII. XIX), Madrid, MAPA, 1990, p. 213-243.

22 François Héran, op. cit., Ma Teresa Pérez Picazo, « Riqueza territorial y cambio agrícola en la Murcia del siglo XIX. Aproximación al estudio de una contabilidad privada. (Circa, 1800-1902) », Agricultura y Sociedad, 61, p. 39-95, et Rafael Castejón Montijano, La Casa Carbonell de Córdoba. 1866-1918. Genesis y desarrollo de una Sociedad Mercantil e Industrial en Andalucía, Córdoba, Publicaciones del Monte de Piedad y Caja de Ahorros de Córdoba, 1977.

23 Par exemple le Marqués de San Adrián (en Navarra) dans José Miguel Lana Berasain, “Trabajo, técnica y mercado en la viticultura navarra : los viñedos del Marqués de San Adrián en Monteagudo durante el siglo XIX”, Noticiario de Historia Agraria, 10, 1996, p. 135-163, p. 147 ; les comtes de Ripalda et le marquis de Rafal (Valencia) dans Salvador Calatayud et alii, “El ideal del propietario agrícola y estabilidad de la sociedad de clases. Discurso y gestión en la nobleza valenciana del siglo XIX”, VII Congreso de Historia Agraria. Salamanca, mayo de 1997, Universidad de Salamanca, 1997, p. 335-348, p. 342-3.

24 Ángel Bahamonde, op. cit., Richard Herr, « Fincas dispersas, cotos redondos y cambio económico en España », Revista de Historia Económica, 1, 1983, p. 59-77, p. 59, Ramón Garrabou et Ricardo Robledo, « Algunos temas de historia agraria de la España contemporánea », Boletín Monográfico del Centro Studi per la Storia Comparata de ile Societá Rurali in Etá Contemporánea, 1989-1990, p. 49-73.

25 Ricardo Robledo, “Un grande de España en apuros. Las rentas del Marqués de Cerralbo en 1840”, Revista Internacional de sociología, 45, 1987, p. 105-24.

26 Bahamonde, op. cit., p. 339.

27 Bartolomé Yun Casalilla, “Mercado de cereal y burguesía en Castilla, 1750-1868 (Sobre el papel de la agricultura en el crecimiento económico regional)”, Estudios sobre capitalismo agrario, crédito e industria en Castilla (siglos XIX y XX), Yun Casalilla, éd., Valladolid, 1991, p. 169-184, 178 et Ricardo Robledo, La renta de la tierra en Castilla la Vieja y León, 1836-1913, Madrid, Banco de España, 1984, chapitre 3.

28 Rafael Mata Olmo, Pequeña y gran propiedad agraria en la depresión del Guadalquivir, Madrid, Ministerio de Agricultura, 1987, 2 vols., vol. 2, p. 90 et ss. Et Maria Jesús Baz Vicente, Señorío y propiedad foral de la alta nobleza en Galicia (siglos XVI-XX) : la Casa de Alba, Madrid, MAPA, 1996, p. 382.

29 Ricardo Robledo, La renta... op. cit., p. 74-81.

30 Antonio Miguel Bernal, Economía e historia de los latifundios, Madrid, Espasa Calpe, 1988, p. 149 ; Ricardo Robledo, La renta, op. cit., p. 78.

31 Juan Carmona, La aristocracia terrateniente y el cambio agrario en España en el siglo XIX : la Casa de Alcañices, 1790-1910, Valladolid, Junta de Castilla y León, 2001, p. 176.

32 Pour l’Angleterre, F.M.L. Thompson, English Landed Society in the Nineteenth Century, London, 1963, R.A. Parker, Coke of Norfolk : a financial and agricultural study, 1707-1842, Oxford, 1975, J.R. Wordie, Estate management in eighteenth-century England: the building of the Leveson-Gowere fortune, London, Royal Historical Society, 1982 et J.V. Beckett, The Aristocracy in England. 1660-1914, Oxford, Basil Blackwell., 1986, ou Claude Isabel Brelot, « Une politique traditionnelle de gestion du patrimoine foncier en Franche-Conté au XIXe siècle », Les noblesses européennes au XIXe siècle, Gérard Delille (éd.), Paris, E. de l’École de Rome, 1988, p. 221-254.

33 Juan Carmona, op. cit., p. 184-5 ; aussi Angel García Sanz, « Explotación y renta de una dehesa salmantina durante el siglo XIX : Miguel Muñoz. 1802-1895 » El medio rural español. Cultura, paisaje y naturaleza, Calero Diéguez, et alii, ed., 1992, Salamanca, Universidad de Salamanca, p. 347-80, p. 369 ; pour Aragon, Alberto Sabio Alcutén, “La penetración del capitalismo agrario a través de la renta a fines del XIX : la contabilidad de Tomás Castellano, hacendado y ministro”, VII Congreso de Historia Agraria. Salamanca, mayo de 1997, Universidad de Salamanca, 1997, p. 485-500, p. 491-493. Le cas andalou dans Antonio Miguel Bernal, op. cit., p. 145-149 et Grupo de Historia Social de Historia Andaluza, “El arrendamiento como estrategia patrimonial en la gestión de los cortijos de la Campiña de Córdoba (ss. XVI-XX)”, VII Congreso de Historia Agraria. Salamanca, mayo de 1997, Salamanca, Universidad de Salamanca, 1997, p. 403-418, p. 410-411. La plantation de vignobles et betteraves, Calatayud et alii, op. cit., p. 341-3.

34 Les marquis de Sentmenat ou de Castelldosrius (Cataluña) dans Ramón Garrabou et Jordi Planes, “La aparcería y la gestión de la gran propiedad territorial en la Cataluña contemporánea”, VII Congreso de Historia Agraria. Salamanca, mayo de 1997, Universidad de Salamanca, 1997, p. 379-402, p. 386 et suivantes.

35 Parmi eux, le duc de Osuna et les marquis de Perales et Alcañices ; El Museo Universal, 1 (1857, 15 octobre), 19, p. 152.

36 Article de Mendigutía « En el Campo », El Campo, II, (1877, 1er novembre), no 23, p. 321-322.

37 El Campo, año III (16 avril 1878), no 10, p. 149.

38 Angel Bahamonde, op. cit., p. 337-8. Blanca Jiménez, « La nobleza madrileña en el reinado de Alfonso XII », Mémoire de maitrise, Universidad Complutense, 1986.

39 Angel Bahamonde, op. cit., p. 337-8. Blanca Jiménez, op. cit., p. 52-83 ; Jean-François Ponsot, « Économie traditionnelle, techniciens étrangers et poussée capitaliste dans les campagnes espagnoles au XIXe siècle. L’exemple de deux domaines d’Eugénie de Montijo », Études sur le XIXe siècle espagnol, Córdoba, 1981, p. 85-102 ; Juan Carmona, op. cit., p. 218 ; Iturralde et Elorrieta, Estudio sobre la resinación de los montes españoles en sus aspectos botánicos, forestal, industrial y económico, Madrid, 1914, p. 5.

40 Jean-François Ponsot, op. cit., p. 85-102.

41 Juan Carmona, op. cit., p. 220-222.

42 Ibid., p. 195-202.

43 Jean-François Ponsot, op. cit, p. 85-102.

44 Juan Carmona, op. cit., p. 220 y ss.

45 Iturralde et Elorrieta, op. cit., p. 5.

46 Blanca Jiménez, op. cit., p. 52-83.

47 María Teresa Pérez Picazo, op. cit., p. 39-95 et Pérez Picazo et alii, « Formas de gestión y coyuntura en los sistemas agrarios de la región murciana (1830-1860) », VII Congreso de Historia Agraria. Salamanca, mayo de 1997, Universidad de Salamanca, 1997, p. 435-452, p. 442 ; Garrabou et Planes, op. cit., p. 396-7 pour la Catalogne. Antonio Miguel Bernal, op. cit., p. 153-154.

48 Thrain Eggertsson, Economic behavior and institutions, Cambridge University Press, 1990, p. 41-5.

49 Rafael Serrano García, “La quiebra de un modelo expansivo : las crisis financiera y agrícola en Castilla (1864-1868)”, Estudios sobre capitalismo agrario, crédito e industria en Castilla (siglos XIX y XX), Yun Casalilla, éd., Valladolid, 1991, p. 77-130.

50 Juan Carmona, op. cit., p. 126-8 et 240-1, et Javier Moreno, « Administración y rentas del patrimonio rústico del estado de Bornos, 1814-1924 », ¿Interés particular, bienestar público ? Granes patrimonios y reformas agrarias, Ricardo Robledo et Santiago López, ed., Zaragoza, Prensas Universitarias de Zaragoza, 2007, 185-222, p. 200-07.

51 Les achats de biens desamortisés dans Ricardo Robledo, La renta..., op. cit., p. 41-3. L’envergure d’une réorganisation du patrimoine dans Juan Carmona, op. cit., tableau 4.6.

52 Ignacio Atienza, Aristocracia, poder y riqueza en la España moderna. La Casa de Osuna, siglos XV-XIX, Madrid, Siglo XXI, 1987, p. 291-327. Le duc de Medinaceli dans Antonio Miguel Bernal, La lucha por la tierra en la crisis del antiguo régimen, Madrid, Taurus, 1979 ; le marquisat de Cerralbo dans Ricardo Robledo, « Un grande de España..., op. cit.. », p. 105-24 ; Blanca Giménez, op. cit. ; les difficultés du marquis de Lozoya pour contrôler ses terres dans Angel García Sanz, « Explotación y renta..., op. cit., p. 351-3.

53 Juan Carmona, op. cit., 242-4.

54 Javier Moreno, op. cit., Juan Carmona, op. cit., 251-4, Antonio Miguel Bernal, La lucha por la tierra en la crisis del antiguo régimen, Madrid, Taurus, 1979.

55 Par exemple Javier Moreno, op. cit.

56 Ibid.

57 Rafael Mata, op. cit., p. 259-65.

58 Juan Carmona, op. cit., p. 230-1 et 254.

59 Angel García Sanz, op. cit., p. 350-1 et 369-70.

60 Jean-François Ponsot, op. cit., p. 110-111.

61 Juan Carmona, op. cit., p. 253-62.

62 Ibid., p. 250-51.

63 Juan Carmona et James Simpson, El laberinto..., op. cit., p. 34.

64 Antonio López Ontiveros et Rafael Mata Olmo, Propiedad de la tierra y reforma agraria en Córdoba (1932-1936), Córdoba, Universidad de Córdoba, 1993, p. 117-20. Grupo de Historia Social de Historia Andaluza, op. cit., p. 410-411.

65 Juan Carmona, op. cit., 183.

66 Dans le cas de la viticulture catalane, Juan Carmona et James Simpson, « The Rabassa morta..., op. cit.

67 Ma Teresa Pérez Picazo, “Riqueza territorial”..., op. cit., p. 39-95, Ma Teresa Pérez Picazo et alii, op. cit., p. 442 et ss ; Ramón Garrabou et Jordi Planes, op. cit., p. 396-7 ; Alberto Sabio Alcutén, op. cit., p. 488-491.

68 Juan Carmona, op. cit., tableau 4.9.

69 Juan Carmona, “Contratos agrarios, costes de transacción y riesgo en el cultivo de secano en Castilla, 1830-1936”, Agricultura y sociedad, 82, 1997, p. 115-150.

70 Juan Carmona, Aristocracia..., op. cit., p. 248 y ss.

71 Iturralde y Elorrieta, op. cit., p. 145 ; Juan Carmona, « El comportamiento económico de la nobleza española en el siglo XIX : la Casa de Alcañices. 1790-1910 », Thèse de doctorat, Universidad Complutense de Madrid, 1991, p. 377-380 ; Jose Miguel Gastón Aguas et José Miguel Lana, « Condenados al absentismo ? La administración del conde de Zaldívar en Cortes de Navarra (1859-1935 », ¿Interés particular, bienestar público ? Grandes patrimonios y reformas agrarias, Ricardo Robledo et Santiago López, ed., Zaragoza, Prensas Universitarias de Zaragoza, 2007, p. 223-256, p. 237-40.

72 Gaston Aguas et Lana, op. cit., p. 255.

Auteur

Professeur titulaire, département d’histoire économique et institutions, Université Carlos III, Madrid, Espagne.

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