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Élites et progrès agricole

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Nadine Vivier

Première partie. Princes, gentilshommes et laboureurs des XVIe-XVIIIe siècles

Élites foncières et progrès dans l’agriculture anglaise, 1500-1750

Richard W. Hoyle
Traduction de Nadine Vivier

Texte intégral

  • 1 Les principaux types de contrats sont : Copyhold : le contrat d’occupation de la terre est transcr (...)

1Selon la vision habituelle, l’Angleterre est une nation dominée par les landlords et les grands domaines. Le système tripartite est composé des landlords qui apportent la terre, des fermiers qui apportent le capital circulant et les compétences en agriculture, et un prolétariat rural de journaliers pour le travail. Les historiens ont tendance à antidater l’apparition de ce système, qui est sans doute plus caractéristique du XIXe siècle que du XVIIIe ; alors que certaines formes archaïques d’organisation ont survécu étonnamment longtemps au XIXe siècle, telles que les freeholders1, les servantes de ferme sous contrat annuel.

  • 2 Robert C. Allen, “Landlords and economic development in England, 1450-1800”, in P. Janssens and B. (...)
  • 3 M. Overton, Agricultural revolution in England. The transformation of the agrarian economy, 1500-1 (...)
  • 4 L’étude récente qui fait autorité sur ce thème de l’élite des propriétaires fonciers est celle de (...)

2Quelle fut la contribution des landlords à l’agriculture, en dehors de la possession de la terre, avant le plein développement de ce système tripartite ? Allen a récemment parlé de leur caractère de parasite. « Alors que la gentry et l’aristocratie anglaises ont une réputation de progressistes, on se rend compte que c’est largement usurpé... Les vrais héros de la révolution agricole anglaise étaient les yeomen, et non la gentry et l’aristocratie qui étaient les propriétaires de ces terres cultivées par les yeomen2 ». On a dit de cet article de R. Allen qu’il était insuffisamment documenté, mais en réalité il voulait continuer à démontrer sa préférence pour une révolution agricole faite précocement par les yeomen. Tournons-nous maintenant vers un texte bien argumenté comme celui de Mark Overton3. Que font la gentry et l’aristocratie en faveur du progrès agricole en Angleterre ? Il devrait être facile de répondre, mais en réalité la réponse est plutôt vague4.

Les difficultés d’une typologie des élites foncières

  • 5 Northumberland n’a jamais fait l’objet de l’étude approfondie qu’il mériterait, voir cependant G. (...)
  • 6 Harlakenden est étudié longuement dans H. R. French and R. W. Hoyle, The character of British rura (...)

3L’hétérogénéité du groupe de la gentry et de l’aristocratie empêche toute réponse simple. « Les élites foncières » incluaient aussi bien celles d’envergure nationale possédant des terres dans plusieurs comtés que des individus ayant un seul manoir dominant un simple village et ses alentours. Ainsi à une extrémité, on trouve le neuvième comte de Northumberland (1564-1632) qui possédait des domaines dans le Cumberland, Northumberland, Yorkshire et Sussex, une grande maison à London house et un domaine à Syon près de Isleworth. Il fut involontairement absent à cause de son incarcération durant seize ans à la Tour de Londres sous l’inculpation de complicité dans le complot des poudres de 1605. Il agit pourtant constamment en faveur de l’amélioration de ses domaines et il fut un pionnier dans l’utilisation des cartes qu’on lui apportait afin qu’il juge de tout ce qu’il ne pouvait voir5. À l’autre extrémité du spectre se trouvait un homme comme Richard Harlakenden de Colne Priory dans l’Essex. Son père avait acheté les manoirs d’Earls Colne ainsi que la maison et le manoir de Colne Priory lors de la liquidation des domaines des comtes d’Oxford et il avait établi sa famille dans le village d’Earls Colne6.

  • 7 B. A. Holderness, “The agricultural activities of the Massingberds of South Ormsby, Lincolnshire, (...)
  • 8 James M. Rosenheim, The emergence of a ruling order. English landed society, 1650-1750 (1998), p.  (...)

4Le comte de Northumberland vivait des loyers payés par les fermiers et confiait la gestion à une administration d’intendants et d’huissiers. Tout comme un PDG d’une multinationale d’aujourd’hui, il n’était sans doute que peu concerné par les détails de mise en œuvre sur le terrain. Harlakenden avait aussi des fermiers, en revanche, il est clair qu’il traitait directement avec eux, enregistrant les paiements et les baux dans son propre livre de compte. De plus, il cultivait ; en cela il est probablement représentatif de la majorité de la petite gentry dont les rentes ne pouvaient leur assurer le style de vie auquel ils aspiraient, ce qui les obligeait à cultiver pour avoir des revenus et approvisionner la maison. Ces revenus pouvaient représenter une part importante de leur revenu total de propriétaire. Holderness estime que pour Drayner Massingberd de South Ormsby (Lincolnshire) mort en 1689, les revenus (et non le profit) de ses activités agricoles égalaient les fermages dans les bonnes années et qu’elles atteignaient en général 60 % de son revenu7. Un gentleman du Norfolk de moindre envergure, John Berney, prit part au commerce vers la Suède et au cabotage vers Londres afin de vendre ses propres produits agricoles en une période de marchés peu porteurs8. Cette attitude active de la petite gentry était sans doute moins un choix qu’une nécessité de survie ; ceci invaliderait une typologie fondée sur la division tripartite évoquée plus haut.

5Une autre typologie des propriétaires peut être tentée, selon qu’ils recherchent un profit rapide ou à plus long terme. Certains considéraient leur domaine comme un héritage des générations précédentes à transmettre à la génération suivante ; il en découle une attitude qui repose sur des préoccupations à long terme. Sir John Lowther of Lowther dans le Cumberland en est un exemple. Lorsqu’il entreprend en 1640 de tenir un journal des améliorations réalisées dans le domaine de Lowther, il commence par celles antérieures à 1637, l’année de son héritage, puis il consigne ses observations sur les travaux de chaque année qui peuvent être l’agrandissement de la maison de Lowther, des granges et des jardins, l’achat de terres, l’enclosure et la culture. Ainsi en 1641, il écrit :

« J’ai nettement amélioré Graystans, the Edge and the Parks par le chaulage : ces terres ont produit pendant de nombreuses années plus de céréales avec moins de fumier alors que les années précédentes, elles étaient pleines d’ajoncs ; et quand elles arrivèrent en ma possession, elles rendaient à peine la semence par manque de bonne pratique agricole et mon petit investissement fut triplement récompensé... J’ai naturellement beaucoup aimé les améliorations du sol, considérant l’amendement des terres incultes comme aussi bonne agriculture que l’achat de nouvelles terres. »

6Et en 1654

  • 9 Sir John Lowther, “Memorable observations and remembrances of the house and grounds at Lowther...” (...)

« Et au printemps, j’ai reconstruit la maison ou étable au centre du domaine de Park Plain pour y ranger le grain, et pour y produire le fumier pour engraisser la terre car je considérais le transport des grains jusqu’à la ferme, puis le transport de retour des fumiers comme long et coûteux9 »…

  • 10 C’est ce que montre l’étude de John Broad sur les Verneys à Middle Clayton, dont l’enclosure a pri (...)
  • 11 J. Cottis, “A country gentleman and his estates, c. 1720-68: Sir Mark Stuart Pleydell Bart, of Col (...)

7Le propriétaire prudent, songeant au futur, agit progressivement, et en prenant des précautions face à ses fermiers qu’il ne menace jamais10. Sir Mark Stuart Pleydell a obtenu le consentement de ses fermiers pour une enclosure à Coleshill (Berkshire) en 1726, et il œuvrait encore à sa réalisation à sa mort en 176811.

  • 12 L. A. Parker, “The agrarian revolution at Cotesbach, 1501-1612”, in W. G. Hoskins (ed.), Studies i (...)

8Une autre catégorie de propriétaires, en particulier ceux qui viennent d’acquérir un manoir, sont plus pressés, réclamant les redevances des tenanciers ou pressant pour une enclosure, dans le but d’obtenir un rapide accroissement de leur revenu. Le marchand londonien John Quarles achète en 1596 Cotesbach (Leicestershire) mais il fut incapable d’asseoir sa possession dans les cinq ans. Il obtint l’autorisation d’enclore en août 1603 et ce fut achevé à la fin de cette même année. Quarles perdit à la fin de 1606 le manoir qui fut revendu deux fois dans les deux années suivantes12.

Une partie de la gentry cultive ses terres

  • 13 French and Hoyle, Character of English rural society, ch. 1.
  • 14 Il est dommage que cet article n’ait jamais été publié. Les conclusions en sont reprises dans son (...)
  • 15 R. W. Hoyle, “The cattle herds and sheep flocks of the Earls of Cumberland in the 1560s”, YAJ 73 ( (...)

9Une des caractéristiques de la période 1540-1640, souvent commentée par les historiens, est la prolifération d’une gentry possédant un seul manoir, à l’instar de Harlakendens13. Cette gentry a besoin de cultiver pour compléter les revenus procurés par les loyers, ce qui la rend dépendante de la baisse des profits agricoles après 1660. Agriculture et statuts de la gentry n’étaient en rien incompatibles, on ignore l’étendue du phénomène. Il y a plus de vingt ans, Joan Thirsk s’est penchée, dans un article non publié, sur les domaines agricoles d’un nouveau style14. Une façon de connaître l’implication de cette gentry est d’utiliser les inventaires après décès. Néanmoins, il est impossible d’affirmer que le grain et le bétail recensés dans l’inventaire ont bien été produits sur les terres et non achetés. Par exemple, la comptabilité du deuxième comte de Cumberland dans les années 1560 prouve que les bovins et ovins présents lors de l’inventaire étaient majoritairement des animaux achetés adultes et gardés sur place jusqu’à ce qu’ils soient utilisés par les cuisines. Les grains provenaient aussi des dîmes. Il faut donc nuancer fortement l’idée d’une véritable entreprise agricole et trouver d’autres preuves15. La présence d’instruments agricoles – charrues, chariots à blé, charrette à fourrage – est plus probante, de même que la mention de champs ensemencés en blé, de vaches à lait et taureaux, laiterie et fromagerie. Le tableau 1 illustre l’application de cette méthode aux inventaires de la gentry du comté de Worcestershire dans l’ouest des Midlands.

  • 16 M. Wanklyn, Inventories of Worcestershire landed gentry, 1537-1786 (Worcestershire Historical Soci (...)

10Tout en sachant que les inventaires ne recensent pas toujours les mêmes objets, ce tableau montre au début du XVIIe siècle la pratique d’une agriculture mixte, sans grand changement au début du XVIIIe siècle16.

Tableau 1. Les activités agricoles de la gentry du Worcestershire, selon les biens recensés dans les inventaires après décès

Nombre d’inventaires

1601-24

1700-30

14

17

Présence de :

Grains dans les granges

08

17

Grains sur pied ou grain semé

11

13

Équipement agricole

09

15

Bœufs

09

01

Laiterie ou animaux pour le lait

11

10

Production de lait

06

04

Production de fromage

09

14

Moutons

11

10

Source : M. Wanklyn, Inventories of Worcestershire landed gentry, 1537-1786 (Worcestershire Historical Society, 16, 1998), nos. 30-48 (excluant 32, 38-9, 44), 94-114 (excluant 10-13, 105, 108).

  • 17 M. E. Fitch, The wealth of five Northamptonshire families, 1540-1640 (1956), p. 47-8, app. 1.
  • 18 J. Walter, “‘A rising of the people’? The Oxfordshire rising of 1596”, Past and Present 107 (1985) (...)

11Le maintien d’une ferme du seigneur pour l’approvisionnement de la maison n’a rien à voir avec les activités commerciales des membres de la gentry du XVIe et début XVIIe siècles qui s’étaient lancé dans l’élevage des moutons, tels les Spencers d’Althrop (Northamptonshire) qui possédaient 10 000 bêtes en 162817. Des documents montrent aussi des membres d’une petite gentry ayant des domaines d’élevage ovin de grande ampleur dans le North Oxfordshire à la fin du XVIe siècle18.

12Il semble que cet élevage ovin par les membres de la gentry ait été un phénomène régional restreint à l’est des Midlands et l’East Anglia.

La stimulation du marché

  • 19 L. Stone, Crisis of the aristocracy, 1558-1640 (1965), p. 300.

13Lawrence Stone pensait que l’aristocratie était en train d’abandonner son important engagement dans l’agriculture avant 1600, et que la dépression des années 1620 eut raison de cet intérêt : « vers 1640, tous les grands propriétaires pour lesquels nous avons des archives, ont réduit leur agriculture domaniale, pour la plupart dans les limites étroites d’une ferme pour répondre aux besoins domestiques19 ». En somme, ils préféraient les rentes à l’agriculture et étaient trop contents de laisser tout le risque des cultures à leurs tenanciers.

  • 20 Hypothèse de Rosenheim, Emergence, ch. 3, elle est confirmée par Liz Griffiths, “Responses to adve (...)

14S’il y a eu retrait à grande échelle, certains historiens ont aussi suggéré que les propriétaires du XVIIIe siècle étaient moins directifs, s’investissaient moins personnellement dans leurs domaines que leurs prédécesseurs de la fin du XVIIe20 siècle. Nous voulons montrer qu’il y avait de bonnes raisons pour que la génération active à partir de 1660 ait été plus impliquée dans ses domaines : la question à résoudre est de savoir si l’expérience de ces décennies est une aberration ou bien une phase particulière qui se termine vers le début du XVIIIe siècle.

15L’engagement dans l’agriculture n’impliquait pas nécessairement un engagement pour l’innovation agricole. À partir du milieu du XVIIe siècle, il existait un intérêt pour augmenter la rente en exploitant la demande de terres au moyen des enclosures. Il y eut toujours le désir d’acquérir plus de terres, et comme les ventes de terres de la Couronne furent insuffisantes, la quête se tourna vers les drainages des marécages à partir des années 1590 et la déforestation vers 1610. Mais la gentry trouvait-elle un intérêt intellectuel à l’agriculture ? Était-elle intéressée à son développement par l’adoption de nouvelles semences et technologies ? La littérature prônant l’innovation agricole, ou l’amélioration des pratiques agraires, ne manquait pas à partir du début du XVIIe siècle et on trouve couramment ces ouvrages dans les bibliothèques de la gentry.

  • 21 Thirsk, “Fashioning of the Tudor-Stuart gentry”, art. cit.

16La possession d’ouvrages ne prouve en rien la lecture, et l’audience de cette littérature des améliorations est encore moins claire. Joan Thirsk a écrit sur ces réseaux de la gentry qui adaptèrent intelligemment les nouvelles cultures21. Évidemment, nombre de ces propriétaires cultivaient eux-mêmes, mais il serait intéressant de savoir s’ils ont transmis leur savoir à leurs tenanciers. On peut douter de la dépendance des tenanciers envers la gentry à cet égard : ils pouvaient acheter les mêmes livres, voir la croissance des nouvelles plantes et, tout aussi important, discuter avec les marchands la possibilité d’ensemencer quelques ares pour en vendre la production. En fait, grâce à la stimulation du marché, il est vraisemblable que les tenanciers et yeomen étaient capables d’augmenter la productivité au XVIIe siècle sans recourir à de grandes innovations techniques, c’est l’idée défendue par Allen. Il ne faut pas oublier que sans la stimulation du marché, cette conviction de pouvoir vendre sur le marché à un prix raisonnable, les fermiers auraient été peu susceptibles de changer leurs méthodes pour produire plus. Le lien est donc complexe entre l’apparition d’une innovation et son adoption quand le marché lui est propice.

17Malgré tout, l’impact du marché fut inégal. Les historiens du monde agricole connaissent bien l’essor de la spécialisation après 1660 qui distingua terres arables et pastorales et poussa quelques districts à délaisser le blé pour l’élevage laitier ou à viande. Ce fut un pas de plus dans ce processus commencé au début du XVe siècle il s’accéléra encore avec la dépression qui commença dans les années 1660 et dura jusque vers 1750, oscillant dans sa sévérité. Pendant toute cette période l’agriculture anglaise fut soutenue par les restrictions aux importations (bétail irlandais) et subventions aux exportations (the Corn Bounties). C’est la raison pour laquelle notre texte ne peut apporter une réponse simple. Les élites foncières couvrent un large spectre d’individus dont l’implication dans l’agriculture a sans doute évolué au gré des changements des possibilités du marché. C’est pourquoi nous montrerons qu’il est impossible d’aboutir à une conclusion simple et définitive sur l’attitude des élites face au progrès agricole.

La préférence de l’aristocratie pour le fermage

  • 22 Sur les Harlakenden, cf. French and Hoyle, Character, op. cit., p. 55-6 : sur la gentry du Worcest (...)

18Il pourrait être simple de présenter un modèle général et voir ensuite les exceptions. Les landlords ont souvent gardé des terres mais ils n’étaient guère intéressés à cultiver eux-mêmes. Ils préféraient obtenir des rentes et leur contribution à la production fut sans doute insignifiante. Bien sûr, il y eut des exceptions, mais il est difficile de trouver l’exemple d’un gentilhomme de premier rang qui aux XVIe ou XVIIe siècle serait engagé dans la grande culture. La plupart des membres de la gentry cultivant furent des figures de second ordre qui avaient besoin d’un revenu, comme Harlakendens à Earls Colne et ceux du Worcestershire qui avaient de grandes superficies en houblon, culture commerciale par excellence22.

19L’une des caractéristiques des tenanciers anglais était la longue durée de leurs baux, à 21 ans ou à trois vies. Ceci, dit-on, donnait aux tenanciers la sécurité nécessaire pour faire des investissements et en obtenir les fruits. Du point de vue du landlord, ceci réduisait son obligation d’investissement sur les terres louées, mais signifiait aussi que sa propriété était immobilisée pour un temps long, handicap pour apporter changements et améliorations.

  • 23 J’ai discuté l’impact de l’offre des tenanciers sur les relations entre tenanciers et landlords da (...)

20Cette préférence pour le fermage eut plusieurs conséquences. L’aristocratie et la gentry avaient peu de capitaux disponibles pour l’équipement, et l’achat d’animaux. Préférer les tenanciers au faire-valoir direct les préserve du risque immédiat mais les place à la merci de leurs tenanciers. Ceux-ci avaient besoin de capitaux pour leur exploitation et ils devaient pouvoir absorber le choc d’une mauvaise année. Ils devaient aussi posséder le savoir-faire pour l’exploitation. Les landlords n’avaient pas seulement besoin de sécuriser ces gens, ils devaient aussi les retenir lorsque d’autres possibilités s’offraient à eux ailleurs ou quand les temps étaient durs. En fait, ces tenanciers constituaient le point faible de la situation du lord : lorsque les bons tenanciers se faisaient rares, le lord s’efforçait de les garder de peur de voir leurs terres revenir en leur mains. Au besoin, il diminuait les loyers, tolérait les dettes, acceptait de prendre en charge des réparations et les impôts. Toute analyse du rôle du lord en période de dépression ou de manque de tenanciers diffère de celle en période d’expansion23.

Faibles investissements d’infrastructure par les lords

  • 24 Pour une première approche de la création de marchés, R. W. Hoyle, “New markets and fairs in the Y (...)
  • 25 N. Thrift, “Transport and communication, 1730-1914”, in R. A. Dodgshon and R. Butlin, An historica (...)
  • 26 VCH Oxon XIV, p. 78.

21En conséquence, il nous paraît évident que les propriétaires fonciers n’ont fourni aucune infrastructure dans les plaines anglaises (lowland), il est évidemment possible de trouver des contre-exemples. Reprenons la question des marchés. Les nouvelles fondations de marchés ne sont pas exceptionnelles dans l’Angleterre du XVIIe siècle bien que personne n’ait jamais essayé de recenser les dons et les donateurs. Mon travail sur la fondation de nouveaux marchés dans le Yorkshire Dales montre que, si un petit nombre de propriétaires recherchaient les fondations de marché comme élément de développement du domaine, ces attributions à des propriétaires ne concernaient qu’une minorité des chartes de marché. Le cas le plus fréquent était celui d’habitants, de comités d’habitants ou même un simple habitant mandaté qui négociait la charte pour la ville ou le village demandeur. Dans un document précis, un peu plus tardif (1731), un landlord local, Sir Thomas Lowther arrangea l’attribution d’une charte de marché au village de Cartmel dans le nord du Lancashire ; la correspondance subsistante prouve qu’il attendait le remboursement de ses dépenses par les habitants, et une fois la charte obtenue, il déplaça le marché à la ville, n’y gardant aucun intérêt personnel24. Il n’y a pas de preuve non plus d’investissements des lords dans les routes, ponts, canaux et ports. Une fois de plus, il serait sans doute possible de trouver des exemples, mais il semble bien que s’il y en eut, ils furent rares. On peut aussi rappeler le cas des turnpike roads dans lesquelles les propriétaires se sont impliqués. Dans son principe, le turnpike devait, par les droits de péage, autofinancer ses améliorations ; il ne pesait pas sur les revenus du domaine, c’était une sorte de charge qui pesait sur les tenanciers et ceux pratiquant le commerce. Mais ceci se passait bien plus tard, en 1750 encore, il n’y avait que peu de turnpikes et ce n’est que dans les 20 années suivantes que le réseau s’est constitué25. Même si les propriétaires n’ouvraient pas leur bourse pour ces investissements, leur soutien aux initiatives était très important. Nous avons déjà évoqué le rôle de Sir Thomas Lowther qui a garanti la charte de marché de Cartmel. Dans les années 1670, la ville de Witney (Oxfordshire) alors en déclin, envoyait une pétition au seigneur, Henry Hyde, Earl of Clarendon, lui demandant son soutien pour l’aider à avoir plus de foires et marchés, améliorer la navigabilité de la rivière Windrush et avoir un gouvernement local autonome (self-government)26. La ville recherchait l’influence du lord bien plus que son argent.

Les enclosures : recherche du profit plus que du progrès

  • 27 Il n’existe pas de bilan des enclosures en Angleterre qui soit vraiment satisfaisant, mais on peut (...)

22Les enclosures constituèrent le changement structurel le plus important de la campagne anglaise de cette période27. Leur impact sur le paysage fut évident pour les contemporains, leurs effets sur l’économie et la société furent plus difficiles à cerner. L’enclosure, et ses deux compères, migration de population et regroupement des terres, était à l’œuvre partout en Angleterre depuis le XVe siècle ; et malgré cela, on connaît mal les lieux et dates de ce processus. Il y avait trois types d’enclosure. Le premier était l’enclosure qui dépeuplait car les terres arables étaient mises en herbe, moutons et bétail remplaçaient les habitants ; ceci affecta une large région de l’Angleterre centrale du XVIe et début XVIIe siècle. Dans le second type d’enclosure, les terres ouvertes étaient converties à divers usages et les terres du manoir remembrées ; ses intentions et ses conséquences n’induisaient pas forcément le départ de population. Enfin, troisième type, des terres vaines et vagues à faible rendement (landes, communaux, marécages), étaient converties à plusieurs usages. Elles pouvaient être utilisées de façon plus ou moins intensive, elles devenaient maintenant productrices de revenu. L’enclosure qui dépeuplait les campagnes était un mal aux yeux des gens du début du XVIIe siècle. La suppression des terres vaines fut un bénéfice pour la communauté bien qu’elle ait engendré les plaintes de ceux qui avaient perdu leurs droits traditionnels de dépaissance. L’inégale répartition régionale des enclosures fut manifeste en 1597 quand le parlement remit en vigueur, uniquement pour quelques comtés des Midlands, la loi contre la dépopulation abandonnée en 1593.

  • 28 Un propriétaire opposé à une enclosure pouvait la bloquer. Broad a décrit comment les Verneys ont (...)
  • 29 Parker, “The agrarian revolution at Cotesbach”; John E. Martin, Feudalism to capitalism. Peasant an (...)
  • 30 Voir les définitions note 1.
  • 31 Broad, “The Verneys as enclosing landlords”, art. cit., note 10, p. 34.

23L’enclosure était inévitable. Son processus dépendait de la configuration politique : quand l’enclosure transférait les communaux aux tenanciers, ils la soutenaient, inversement ils s’y opposaient lorsque les communaux risquaient de passer aux mains du landlord. Ainsi, l’enclosure pouvait être, dans les Midlands, le début d’un processus de fermeture les terres auparavant soumises à des usages collectifs, ou bien un processus imposé qui a privé tout ou partie de la population de ses terres (ou en le lui laissant dans des conditions moins avantageuses). C’est pourquoi il est impossible de simplifier en disant que l’enclosure était invariablement demandée par les élites propriétaires, que les tenanciers s’y opposaient inévitablement. On peut avancer que plus l’influence du landlord était faible, plus celle des tenanciers s’affirmait, ceci vaut tout particulièrement pour les domaines de la Couronne dont la surveillance était lointaine. Dans certains villages, le lord contrôlait parfaitement le déroulement bien que la planification de toutes les étapes préalables, ait pu durer des années ou des décades, surtout quand il fallait concilier des intérêts rivaux28. À Cotesbach en Leicestershire, John Quarles s’est ménagé une liberté de manœuvre en provoquant l’extinction des baux des tenanciers, ce qui les laissait sans droit, et en achetant les terres des freeholders, si bien qu’il maîtrisait toutes les terres du manoir et put mener une enclosure en 1603. D’autres manoirs offrent des cas similaires dans ces marges des comtés de Leicestershire, Warwickshire et Northamptonshire, région de désordres au cours de l’année difficile de 160729. Autre exemple, au sud des Midlands, Sir Edmund Verney a enclos le manoir de Middle Claydon, par étapes, en 1621, 1635-6 et enfin en 1655-6. Verney a longuement travaillé à résoudre les obstacles, indemnisant les freeholders, changeant les copyholds en leaseholds30 et incluant une clause dans leurs baux lui permettant d’enclore à l’avenir, apaisant l’opposition de ses propres fermiers en leur louant les terres encloses à un prix sous-évalué. « Ceux qui ont payé les rentes dont les domaines commençaient à avoir besoin furent ceux qui venaient d’autres paroisses pour prendre à bail de nouvelles fermes ». La dernière étape de l’enclosure ne se fit pas sans opposition. Verney demanda à son bailiff de brasser une quantité de bière double de l’habitude pour distraire ses tenanciers pendant les négociations31.

  • 32 D. S. Reid, The Durham crown lordships (1990), p. 78-82, 137-55.

24À Long Newton dans le comté de Durham, autre cas étudié, l’enclosure par agrément fut envisagée en 1636, immédiatement après l’acquisition du manoir par Sir Henry Vane, mais elle ne fut pas réalisée car il s’est avéré que le sujet divisait les tenanciers. Un accord fut signé entre le lord, les freeholders et les tenanciers en 1652 mais rien ne fut mis à exécution avant 1658. Pendant ces années, le lord, Sir Henry Vane puis son fils, Sir George, a renforcé sa position par le rachat de baux ; il a aussi envisagé de racheter les freeholds, mais ne l’a pas fait32.

  • 33 A. Gooder, Plague and enclosure. A Warwickshire village in the seventeenth century (1965).
  • 34 G. N. Clark, “Enclosure by agreement at Marston, near Oxford”, English Historical Rev. 42 (1927), (...)

25Ce modèle du propriétaire qui réussit à assurer sa domination sur les terres du manoir pour obliger à l’enclosure ne fut pas le seul modèle possible. Dans un autre manoir proche de ces foyers de troubles en 1607, Clifton-upon-Dunsmore, l’enclosure a été différée jusqu’en 1648 mais il semble bien qu’elle ait été le fruit d’un réel accord entre le lord et huit freeholders, néanmoins le lord a décidé le calendrier et pris l’initiative33. À Marston, aujourd’hui banlieue de la cité d’Oxford, l’enclosure par agrément eut lieu en 1655. Il n’y avait aucun seigneur dominant ici ; les fermiers mêlaient copyholds et baux auprès des collèges d’Oxford. Apparemment, les tenanciers ont pris l’initiative et le rôle du seigneur fut limité à son consentement. Le décret de la Chancellerie affirme que les tenanciers ont dépensé plus de 500 livres pour creuser les fossés et enclore. Bien que le décret fasse référence à un problème local (la destruction de la propriété pendant le siège d’Oxford durant la guerre civile) il est vraisemblable que l’enclosure avait pour but d’autoriser les tenanciers à passer de la culture à l’élevage laitier34.

26Les enclosures des incultes pouvaient être menées soit par les lords, soit par les tenanciers, selon l’équilibre des pouvoirs locaux. Dans certaines localités, l’enclosure fut partielle, marquée par la création de quelques petites fermes en bordure des landes.

  • 35 BL, Add. Ch. 13938; S. Kershaw, “Power and duty in the Elizabethan aristocracy: George, earl of Sh (...)

27Là où ce fut consensuel, nous avons peu de traces ; en revanche, lorsque les lords ont imposé leurs vues à leurs tenanciers ou lorsqu’il y eut des querelles avec les propriétaires voisins, il y eut souvent procès. Ainsi, en 1578 une plainte contre les enclosures du sixième comte de Shrewsbury dans le Honour of Bolsover (Derbyshire) fut présentée à la reine. Elle renvoyait les tenanciers à deux juges qui rendaient une décision d’arbitrage en dehors de la cour ; celle-ci permit au comte de garder les 240 acres déjà encloses et d’en enclore encore 120 dans le lieu voisin de Shuttlewood à Bolsover et les communaux restants étaient réservés aux seuls tenanciers. Une telle plainte auprès de la reine était humiliante, mais juste retour pour les méthodes brutales de Shrewsbury. D’ailleurs, cela lui est arrivé une seconde fois, ses tenanciers de Glossopdale en Derbyshire se plaignant de son oppression35.

  • 36 TNA, CRES 40/18, fo. 80r.
  • 37 Parker, “Agrarian revolution”, art. cit., p. 70.

28L’enclosure est donc diverse, tout en nuances. À certains égards, nous devrions être prudents avant de la considérer comme un progrès. En fait les enclosures initiées par les lords étaient plus motivées par la recherche de rentes que par un idéal de progrès. Bien que Sir Robert Johnson, au début du XVIIe siècle, ait recommandé l’enclosure des terres arables pour leur meilleure productivité du travail36, c’était la rente plus élevée des terres encloses qui intéressait le seigneur. Là où il y avait conversion en pâture, les gains étaient encore supérieurs, comme à Cotesbach où la rente doubla37. Le régisseur de Sir Ralph Verney écrivait à son maître en 1648 :

  • 38 Broad, “Verneys as enclosing landlords”, art. cit., p. 36.

« S’il y a 20 acres de terre arable sans prairie alentour qui vaille... environ 5s. l’acre ce qui fait £ 5 par an... clôturez-le et il vaudra £20 par an.38 »

  • 39 R. B. Outhwaite, “Progress and backwardness in English agriculture, 1500-1650”, EcHR 39 (1986), p. (...)

29Cet accroissement des gains peut aussi provenir d’un passage des rentes coutumières à des rentes soumises aux lois du marché, ce qui n’impliquerait pas une augmentation analogue de la production. L’enclosure des incultes d’altitude ne fut sans doute pas immédiatement bénéficiaire, mais faire payer pour ce qui était auparavant gratuit a pu augmenter les rentes du lord. La création de petites fermes qui n’offraient que de pauvres conditions a pu faire baisser la productivité nationale (ce que suggérait R. B. Outhwaite39).

La conquête de terres par le drainage

  • 40 Ouvrages sur le drainage, Cf. H. C. Derby, The changing fenland (1983), M. Williams, The draining (...)
  • 41 Ce texte de Bradley est cité dans H. C. Darby, The draining of the Fens (2e éd., 1956), p. 264-9.

30Le drainage des zones humides peut être considéré comme une. forme spéciale d’enclosures40. Le drainage fut pratiqué dans trois régions principales. Les marais littoraux salés furent asséchés sur la côte du Lincolnshire ; les plus grands marais d’eau douce drainés le furent dans le nord du Cambridgeshire et au sud du Lincolnshire ; une troisième zone plus petite concernait le Level du nord Somerset. Toutes ces zones présentaient trois points communs : chacune couvrait plusieurs manoirs ; les revendications des usagers des marais devaient être écoutées ; le drainage imposait la coopération entre lords à cause de son coût et de la nécessité d’un aménagement concerté. Les motivations de ceux qui se lançaient dans le drainage étaient mêlées. Certains insistaient sur les avantages pour la collectivité. Un des premiers à écrire sur ce sujet, un Brabant du nom (peu vraisemblable) de Humphrey Bradley brosse un tableau enthousiaste des gains espérés du drainage (1589). Les marais deviendraient « un entrepôt pour tout le royaume », avec des surplus pour l’exportation, ils feraient vivre 200000 familles et 300000 têtes de bétail. Il croyait aussi que l’essentiel de la tâche serait accompli en six mois avec 700 ou 800 hommes41. Un appel analogue au bien public motiva le drainage de King’s Sedgemoor (Somerset) après 1618. Un résumé donnait dix bonnes raisons à utiliser pour convaincre les usagers de leurs avantages dans le drainage ; la onzième raison faisait appel au bien général :

  • 42 Somerset RO, DD/PH 225/35.

« Finalement, tous les bons sujets qui désirent l’abondance et le bien de la communauté doivent considérer la somme dépensée annuellement par le pays [le royaume] pour acheter les victuailles et prévenir disette et famine, blé du Danemark et ailleurs, viande et bétail sur pied d’Irlande et fromage des Pays-Bas, alors que nous pourrions assurément trouver tout cela en abondance chez nous par les dons que Dieu nous a naturellement offerts dans ces terres de qualité si nous ne les perdions pas volontairement en les laissant sans soin et sans récolte et apportant si peu d’assistance au peuple42. »

  • 43 Darby, Changing Fenland, op. cit., p. 63.
  • 44 Hoyle (ed.), Crown Lands, op. cit., p. 388.

31Deux ans plus tard, Jacques Ier entreprit le drainage des Fens : « pour l’honneur du royaume, il ne supporterait pas plus longtemps que cette terre soit abandonnée au bon vouloir des eaux, ni qu’elle reste inculte et sans profit43 ». En 1630, ces justifications semblaient périmées44.

  • 45 VCH Cambridgeshire, IX, p. 402-3. M. Spufford, Contrasting Communities (1974), p. 121-7.

32La rhétorique du bien public n’était guère plus qu’un vernis. Chaque lord ayant des zones marécageuses dans son manoir cherchait à la mettre en valeur en la clôturant, mais il fallait d’abord assurer le drainage avant de pouvoir en tirer profit. Sir Miles Sandys acheta en 1601 le manoir de Willingham (Cambridgeshire) qui contenait près de 3000 acres de marécages, choix qui fut peut être dicté par les potentialités de développement. Ses tentatives pour enclore engendrèrent rapidement des conflits avec ses tenanciers, et ce jusqu’au début des années 1620. Ensuite, il investit dans le drainage du Great Level dont le comte de Bedford prit l’initiative en 1631 ; l’entreprise n’eut que des succès partiels jusqu’à ce que ces pionniers soient dépossédés et le chantier repris par Charles Ier en 163845.

  • 46 Hoyle, Crown lands, p. 371-2. Dans Bread for the Poor (1653), Moore se décrit lui-même comme un hom (...)
  • 47 La phrase est de L. E. Harris, Vermuyden and the Fens. A study of Sir Cornelius Vermuyden and the (...)
  • 48 L’ouvrage le plus complet sur les oppositions au drainage : K. Lindley, Fenland riots and the Engl (...)

33Cette entreprise du comte de Bedford, constituée de landlords ayant un intérêt dans le drainage de leurs propres terres, fut une exception. Habituellement, ceux qui se lançaient dans le drainage étaient des individus ou groupes d’individus demandant à la Couronne une licence de drainage, en échange de laquelle ils recevaient une partie des terres conquises et en donnaient une autre part à la Couronne. L’entreprise était financée par des hypothèques ou même la vente de terres marécageuses. Le plus fameux de ces promoteurs fut l’ingénieur hollandais Vermuyden et la plupart étaient des marchands londoniens aux activités variées. Par exemple, les entrepreneurs de King’s Sedgemoor furent Adam Moore et John Shotbolt alias Battalion, ce dernier essayait aussi en 1628-9 d’obtenir un monopole sur le commerce du charbon londonien46. Dans les années 1620 et 30, le drainage se fit avec l’aide de la Couronne parce que les fonds exigés étaient trop élevés et trop de publicité était faite sur les échecs. Les profits possibles étaient néanmoins considérables. La perspective de créer d’immenses surfaces de terres, combinée à une sous-évaluation des taches d’ingénierie, encourageait les investisseurs à croire dans l’Eldorado des Fens alors que les prudents auraient investi ailleurs47. Le drainage a engendré beaucoup de conflits locaux ; les ingénieurs devaient affronter un contexte difficile : mauvaise volonté, destruction périodique de leurs travaux, violences contre leurs ouvriers48.

  • 49 John Virgoe, “Thomas Fleetwood and the draining of Martin Mere”, Trans. Historic Society of Lancas (...)

34Les documents nécessaires à une étude précise des retours sur investissements dans ces drainages n’ont pas survécu. Selon des indices, le consortium du comte de Bedford était en difficultés en 1638, il avait pris un engagement à durée indéterminée pour financer le drainage. Les capacités techniques des ingénieurs du XVIIe siècle ne permettaient pas un drainage parfaitement réussi. Leurs problèmes étaient accrus par les variations de la surface en tourbe : des rapports montraient les inondations saisonnières à la fin du siècle et en général les marais ne devenaient pas les terres arables fertiles espérées. On peut aussi soupçonner les investisseurs de rechercher les gains en capital à court terme plutôt que les investissements à long terme. Ce fut aussi le cas des déboisements des domaines de la Couronne : les terres étaient concédées à des courtiers ou investisseurs qui recherchaient en général un profit rapide par la vente. Quelqu’un s’est-il enrichi par le drainage ? On ne sait pas mais il est sûr que c’était moins un Eldorado qu’un miroir aux alouettes : une tentative de drainage des marais d’eau douce de Martin Mere en Lancashire dans les années 1690 a frôlé la banqueroute49.

Loyers et investissements adaptés à la conjoncture

  • 50 Stone, Crisis of the aristocracy, p. 324.
  • 51 Gooder, Plague and Enclosure, p. 29-30.

35Si nous laissons à part le cas de l’assèchement des marais, on a l’impression que les landlords pouvaient conduire le changement mais leur motivation essentielle était l’augmentation de leur revenu. Cela leur demandait-il de lourds investissements ? La réponse n’est pas évidente. Stone, qui écrivait pendant la période 1540-1640, pensait que, en dehors des coûts limités de clôture des domaines et parcs, « toutes les autres améliorations étaient à la charge des tenanciers car la longue durée de leurs baux devait les encourager à entreprendre eux-mêmes50 ». Ceci est vraisemblable. Dans la période antérieure à 1640, la demande de terres était telle que les landlords étaient assurés de trouver des tenanciers qui acceptaient de construire, enclore, marner et améliorer les terres en échange d’un bail à long terme ; les coûts étaient répartis sur une longue période. à Clifton-upon-Dunsmoor, un projet de bail de 1669 exigeait du fermier la plantation de haies alors que. l’enclosure avait eu lieu vingt ans plus tôt51.

  • 52 Reid, Durham crown lordships, p. 151.

36À Long Newton, des comptabilités montrent qu’une partie des travaux de clôtures étaient réalisées par les fermiers et créditées en déduction de leur loyer. Le lord achetait de bonnes quantités de plantes pour les haies et employait des ouvriers pour creuser les fossés et monter les haies52. Il serait donc faux de croire que tous les coûts d’enclosure retombaient sur les tenanciers. En s’appuyant sur le petit nombre d’études d’enclosure, nous pouvons conclure que les lords s’engageaient dans de grandes dépenses en rachetant les freeholds et les baux des tenanciers, en faisant arpenter, clôturer ; et là où les tenanciers en place avaient été amenés à accepter les enclosures par la stabilité de leurs loyers, le profit de l’enclosure ne s’est peut être pas fait sentir avant la deuxième génération. Les lords n’ont donc pas supporté tout le poids financier, ils ont recherché une satisfaction différée. Au lieu de débourser de l’argent, ils ont emprunté à leurs tenanciers et leur ont payé un intérêt sur le capital sous la forme de loyers réduits. Finalement, ce fut un jeu à somme nulle mais la forme spécifique de cet investissement montre bien que si les lords étaient riches en capital, ils avaient peu d’argent frais disponible pour l’investissement.

  • 53 Clay, “Landlords and estate management”, p. 226.
  • 54 Ibid., p. 248.
  • 55 Broad, Transforming English rural society, p. 144-6; Griffiths, “Responses to adversity”; Cottis, “ (...)
  • 56 Edward Laurence, The duty of a steward to his lord (1727, reprint en fac similé, 1971), p. 3.

37Les landlords pouvaient souffrir si les terres nouvellement encloses ne trouvaient pas de locataire. À Long Newton, certains locataires n’ont pas renouvelé leur bail après l’enclosure et Vane eut toutes les peines du monde à trouver preneur au tarif qu’il voulait. Il a dû garder ses terres au cours des années 1660 et début 1670. Il dut alors se rendre à l’évidence, il ne pouvait louer au prix rêvé car à ce moment là, la dépression sévissait et le marché s’était renversé au profit des locataires. Une lettre du régisseur de Lord Fitzwilliam expliquait qu’un des locataires déclarait vouloir partir car son loyer était trop élevé, et le régisseur ajoutait : « mais je ne sais pas où trouver un locataire qui paiera », signifiant ainsi qu’il fallait adapter les loyers aux capacités de paiement des locataires53. Ceci obligeait les lords à accepter plus de responsabilités dans les réparations, la construction de nouveaux bâtiments et payer tout ou partie de l’impôt foncier. Lorsque les tenanciers ont le choix, « un logement misérable n’attirera que des tenanciers misérables54 ». John Broad montre que les Verneys ont fourni des « avantages cachés » après 1680, comme des engrais pour aider les tenanciers à avoir de meilleurs profits. Les nouveaux arrivants pouvaient demander de nouveaux bâtiments d’exploitation ou une aide à la remise en état d’une pâture dégradée. Elisabeth Griffiths montre des landlords du Norfolk réduits à fournir à leurs locataires de nouveaux bâtiments et jusqu’à des vaches pour les aider à se lancer dans l’élevage laitier, panacée de la fin du XVIIe siècle. Au milieu du XVIIIe siècle, autre temps de dépression, Sir Mark Stuart Pleydell avançait de l’argent à ses tenanciers du Berkshire pour l’achat de bétail55. Ce sont des stratégies d’aide aux tenanciers ; lorsque Laurence en 1727 dans son The duty of a steward to his lord lance l’observation selon laquelle les tenanciers du nord n’ont pas autant de ressources en capital que ceux du sud, on en déduit que l’aide des landlords du nord était encore plus sollicitée56.

  • 57 Clay, “Landlords and estate management”, p. 248.

38On peut en conséquence déceler un rapport inverse entre les loyers et l’investissement. Quand les loyers avaient tendance à baisser, le revenu du landlord était encore réduit par sa prise en charge des réparations et impôts ; quand les loyers avaient tendance à augmenter, ces charges retournaient au locataire. Aucune étude n’a été faite sur le niveau d’investissement des landlords du XVIIe siècle, toutefois à titre indicatif, on sait que sur les domaines des ducs de Kingston en Nottinghamshire, les dépenses pour réparations sont montées à 4 % au cours de la difficile décade 1740, et retombées à 1,4 % lorsque la crise s’est dissipée dans les années 175057. Les landlords ont investi dans leurs domaines d’une façon inconnue auparavant, en réponse aux mauvaises conditions commerciales ; lorsqu’elles s’amélioraient, ils transféraient à nouveau les charges vers les locataires.

  • 58 Ibid., p. 234.
  • 59 Clay, “Landlords and estate management”, p. 215, et la discussion, p. 214-30.
  • 60 Holderness, “Massingberd”, p. 23-4 ; S. Wade Martins and T. Williamson, Roots of change. Farming an (...)
  • 61 Laurence, Duty, p. 118-32; Cottis, “Pleydell”, p. 35, 41-2.
  • 62 Clay, “Landlords and estate management”, p. 236.

39On peut se demander si les lords ont utilisé les clauses des baux pour introduire de nouvelles pratiques. Par exemple, le régisseur d’un lord absentéiste du Yorkshire lui dit en 1729 avoir suggéré aux locataires de faire de l’élevage laitier ; ceux-ci ne sont pas enthousiastes : « comme de vieux chevaux de trait, rien ne peut les sortir des vieux sentiers ; ils ne sont pas convaincus58 ». Le régisseur suggère donc de modifier les baux lorsqu’ils sont à renouveler. Une telle utilisation des baux a fait l’objet de débats. Clay, qui faisait autorité, pensait que « avant 1750, les landlords semblent n’avoir presque jamais utilisé les clauses des baux comme moyen de faire progresser les locataires59 ». Ceci a été mis en doute par bon nombre d’historiens. Holderness trouve une élaboration croissante des clauses des baux des Massingberds à South Ormsby à partir de 1690. Selon Williamson et Wade Martins les baux de l’East Anglia comportaient généralement des clauses détaillées sur l’agriculture dans la première moitié du XVIIIe siècle ; ils étaient néanmoins sceptiques sur le rôle que cela jouait pour introduire de nouvelles pratiques. Plus récemment, E. Griffiths a trouvé l’utilisation de tels baux à partir de 1665 environ dans quelques fermes du Norfolk60. Sans pouvoir aller plus loin ici, on peut dire que Clay a raison ; sa conclusion n’empêche pas des domaines de l’East Anglia et du Lincolnshire d’avoir été très précoces pour introduire de nouveaux systèmes agricoles. Les clauses sur les méthodes agricoles n’apparaissent sur le domaine des Pleydell qu’en 1735, avec 34 contrats auxquels s’ajoutent 40 supplémentaires en 1744. Il ne fait aucun doute que Pleydell avait une claire vision du développement de son domaine et qu’il utilisait les contrats pour y amener ses tenanciers61. On peut aussi se demander si ces baux étaient toujours novateurs. Le caractère de la bonne agriculture imposée dans les contrats pouvait fort bien viser, en période de crise, à empêcher les fermiers d’augmenter leurs profits par une surexploitation avant de partir et laisser une ferme exsangue. Cette recherche du profit à court terme était un souci de Laurence dans les années 1720. C’est ce qui motivait les instructions du comte de Nottingham à son régisseur en Essex, pour interdire de semer le colza ou la guède62.

Des élites novatrices ?

40Les clauses concernant l’agriculture dans les baux sont donc loin d’être aussi simples à interpréter que les historiens l’ont dit. Pouvons-nous encore dire que les élites propriétaires anglaises, dans leur ensemble, étaient des innovateurs agricoles au XVIIe et début XVIIIe siècle ?

  • 63 Holderness, “Massingberd”, p. 18.

41Les Massingberds de South Ormsby ont été l’objet d’une étude de quatre générations entre 1636 et le milieu du XVIIIe siècle : Holderness prouve leur intérêt constant pour l’innovation agricole : enclosure progressive, utilisation précoce de contrats (bien que Holderness précise : « ils concernaient plus les restrictions que la promotion du changement agricole63 »), ils ont expérimenté l’élevage des chevaux et la culture des légumineuses. Drayner Massingberd (mort en 1689) fut l’un des premiers fermiers du Lincolnshire à essayer de vendre directement ses moutons sur le marché au bétail de Londres. Son fils Burrell (mort en 1728) fut un défenseur précoce du trèfle et des navets. Le domaine semble avoir été particulièrement bien entretenu. Sainfoin et navets étaient essayés dans la ferme du domaine, les tenanciers encouragés à les adopter. Néanmoins, Holderness aboutit à deux conclusions qui méritent considération. D’une part, les Massingberds n’ont pas échappé à la dépression des années 1720-30 malgré leurs pratiques éclairées. Ils ont souffert de la faillite d’un de leurs meilleurs fermiers et des difficultés des autres. D’autre part, leurs innovations n’étaient pas adoptées alentour :

  • 64 Ibid., p. 25.

« [les Massingberds] étaient exceptionnels parmi leurs contemporains..., le nord du Lincolnshire est resté jusqu’aux années 20 et 30 du XIXe siècle une région attardée, une communauté agraire repliée sur elle-même, où les bonnes semences des Massingberd se perdaient dans un sol pierreux, excepté sur les coteaux ensoleillés de Ormsby64. »

42Les générations successives des Massingberds semblent donc avoir prêté un intérêt inhabituel à l’innovation agricole ; la raison en est peut être qu’ils étaient aussi bien des exploitants que des membres de la gentry. Ils étaient confrontés aux problèmes agricoles, contrairement aux landlords qui ne traitaient qu’avec leur régisseur et ils avaient la puissance financière pour tenter des expériences. Mais il ressort de l’étude de Holderness que, dans le North Lincolnshire, des membres de la gentry connaissaient bien les innovations des Massingberds et n’avaient pas envie de les adopter, sans doute parce qu’elles n’offraient aucune panacée contre la dépression.

  • 65 J. Thirsk, “Agricultural innovations and their diffusion”, in Agrarian History V (ii), p. 533-89.
  • 66 The Great Diurnall of Nicholas Blundell of Little Crosby, Lancashire (Record Society of Lancashire (...)

43Joan Thirsk donne bien d’autres exemples de membres de la gentry dont le passe-temps intellectuel dans la 2e moitié du XVIIe siècle était l’innovation agricole, dans un sens large incluant l’élevage des chevaux et les fruits65. Certains allèrent jusqu’à consigner leurs améliorations, tel Sir Richard Weston qui appliqua à l’Angleterre ce qu’il avait vu lors de ses voyages en Flandres. On ne peut qu’approuver la conclusion de J. Thirsk qui décèle la curiosité d’une partie de la gentry pour les nouvelles cultures. Prenons l’exemple du landlord catholique du sud du Lancashire, Nicholas Blundell, qui a tenu quotidiennement un journal détaillé de 1702, date de la mort de son père, à 1728. Blundell est un bon exemple de petit gentleman qui surveille l’agriculture et les tenanciers de son domaine. Le journal parle beaucoup de son intérêt pour l’agriculture et l’horticulture. Ainsi, en novembre 1723, il note avoir semé des graines de chou frisé d’hiver, planté des choux, repiqué des laitues et replanté des arbres fruitiers reçus de Londres. Il a aussi marné le sol et n’était donc pas étranger à l’idée d’amélioration. Il voyagea en Oxfordshire pour rencontrer celle qu’il allait épouser. C’est là qu’il notait, le 18 mai 1703 : « j’ai chevauché avec Lord Gerard et John Webb, vu un champ de Sink Foyle [sainfoin] ». Ce fut donc une occasion de voir une plante nouvelle pour lui et il trouva que cela valait la peine de le noter. Le sainfoin n’est plus mentionné avant 1712, quand Blundell expérimente quatre sortes d’« herbes » (« Clover, Trefoyl, St Foyn and Rye grass »), aucune ne réussit bien. L’année suivante, il réessaya et nota que le trèfle et l’ivraie vivace réussissaient le mieux. Le sainfoin disparut ensuite du journal66.

  • 67 Clay, “Landlords and estate management”, p. 235-6.

44D’après ces apparences, une partie de la gentry trouvait une satisfaction intellectuelle dans ces innovations et ils les mettaient en œuvre, dans leur ferme, comme les Massingberds ; d’autres étaient au courant mais pensaient peut être que cela ne leur apporterait rien ; et il est probable qu’une grande partie de la gentry trouvait ces améliorations ennuyeuses et se consacrait aux sciences expérimentales, la théologie, la politique locale et l’administration, les constructions ou évidemment à la boisson, l’adultère et la chasse. à la fin du XVIIe siècle, ils essayaient de maintenir leurs rentes, ce qui impliquait d’aider leurs fermiers à se tourner vers l’élevage laitier. De façon croissante, ils ont employé des régisseurs compétents en agriculture ; ce sont eux que Clay nous décrit en train d’introduire le colza à Thorney en 174567.

Stabiliser la main-d’œuvre en temps de crise

  • 68 Broad, The transformation of English society, p. 159-62 ; Holderness, “Massingberds”, p. 19 ; Cotti (...)
  • 69 La meilleure étude est celle de S. Hindle, On the parish ? The micropolitics of poor relief in rur (...)
  • 70 Rowland Vaughan, Most approved and long experienced waterworks (1610), E2v.

45Face à la récession, certains membres de la gentry étaient pessimistes et préféraient une politique d’économies ; d’autres y voyaient une opportunité et continuaient à développer leur domaine. Les landlords pouvaient encore s’efforcer de diminuer le poids des taxes sur leurs locataires en surveillant l’administration de la loi sur les pauvres. La paroisse avait la responsabilité d’assister ses pauvres, il était donc de son intérêt d’en avoir le plus petit nombre possible. L’une des méthodes était de contrôler les logements. John Broad a montré comment les Verney, après 1660, refusaient des logements vacants à des gens qui risquaient de tomber dans la pauvreté. Les cottages et les fermes abandonnés étaient rendus inhabitables ou même détruits pour empêcher une occupation illégale. Des indices donnent à penser que les Massingberd en Lincolnshire et les Pleydell en Berkshire ont utilisé des méthodes similaires68. La solution inverse était d’accepter les pauvres dans la paroisse et leur procurer du travail, ce qui était une priorité des lois sur les pauvres de 1597 et 1601. Les registres paroissiaux du travail n’ont guère survécu. D’après ceux qui restent, il semble que les paroisses aient eu du mal à gérer les approvisionnements et couvrir leurs coûts69. Certains propriétaires privés ont trouvé des arrangements. Rowland Vaugham présentait dans son livre Most approved and long experienced waterworks (1610), « la démonstration d’un projet pour le plus grand bénéfice des communautés, en général et en particulier celles du Herefordshire ». Vaughan analysait d’abord les problèmes que rencontraient les pauvres dans son district du Herefordshire : « à un mile et demi alentour de ma maison, il y a 500 habitations de pauvres dont l’essentiel des moyens consiste à filer lin et chanvre70 ». Il identifiait les sources de leur pauvreté :

  • 71 Ibid., E3v.

« aucun parmi eux n’a 5 shillings pour acheter une balle de lin, ils doivent emprunter de l’argent et courir à Hereford pour la chercher, en perdant une journée de travail. Une fois cela fait, ils iront acheter un demi-boisseau de blé à 3 ou 4 miles de là et à leur retour, attendre pour sa mouture... ils passent une journée à tisser et ensuite, pour réussir à vendre, ils font beaucoup de déplacements sur les marchés ou chez les honnêtes gens. Ainsi de nombreuses journées sont perdues71 »

46La solution était double. Vaughan bâtit d’abord un moulin afin que ses voisins fassent moudre leur grain près de chez eux sans longs déplacements. Puis il proposa la construction de ce qui peut être appelé une usine, bâtiment regroupant au moins 40 métiers. Il visait à réunir ici des activités ancillaires, excepté les fileurs et cardeurs, car on suppose qu’il les voyait comme activités domestiques. Il voulait fournir aux ouvriers la nourriture :

  • 72 Ibid., E4v.

« Ainsi, ils ne perdront pas la moindre heure à s’approvisionner : pain, viande de bœuf, agneau, beurre et fromages de ma propre production seront disponibles, sans difficulté ou perte de temps sur les marchés ou autre, et au meilleur prix dans le royaume72. »

47Vaughan leur prévoyait aussi un prêtre. Le plan qui était joint à ce schéma montrait le réfectoire et autres bâtiments de résidence, un moulin, une brasserie, un abattoir, une chapelle puis une cour entourée de greniers, ressemblant à un cloître d’Oxbridge, avec l’inscription « cinquante logements d’ouvriers ». Enfin, il y avait aussi un hospice et un jardin. L’une des raisons pour lesquelles il a publié ce livre était la recherche d’un soutien financier, mais il semble qu’aucune de ses aspirations n’aient pu se réaliser.

48Ces grands projets pour organiser le travail des pauvres étaient probablement plus caractéristiques de la période antérieure à 1640, mais ne s’arrêtèrent sans doute pas à ce moment. À la fin des années 1660, Sir Edward Dering, magistrat du Kent rédigea une note sur les raisons de la baisse des rentes et sur les remèdes. Au premier plan de ces remèdes, il plaidait pour la création d’un fonds monétaire régional.

  • 73 J. Thirsk and J. Cooper (eds), Seventeenth-century economic documents (1972), p. 87.

« Et, nous pouvons attirer dans notre région de nouvelles manufactures de laine, soit les bays de Colchester, les serges d’Exeter, ou les étoffes de Norwich en leur avançant des fonds pour le travail ou en leur louant une maison à faible coût ou même en leur laissant l’occupation gratuite jusqu’à ce qu’ils soient bien installés, fassent venir des apprentis et leurs familles et que nous ne craignions plus leur départ73. »

49Ce projet de Dering échoua mais d’autres aboutirent. Lorsque Celia Fiennes visita la petite ville de Malton dans le Yorkshire en 1697, elle découvrit que Lady Palmes avait utilisé les communs et la conciergerie de l’hôtel particulier « pour le tissage du lin et l’établissement d’une manufacture de lin qui employait beaucoup de pauvres ». Le monument funéraire de Sir Richard Shirburn of Stonyhirst dans le Lancashire (mort en 1717) dit ceci :

  • 74 C. Morris (ed.), The journeys of Celia Fiennes (1947), p. 93 ; T. D. Whitaker, History of Craven ( (...)

« Sir Nicholas Shirburn était un homme de grande bonté qui se souciait du bien de l’humanité et fit beaucoup d’actions charitables ; en particulier, il installa une filature de laine, fit venir un homme qui enseigna à peigner la laine, et une femme le filage, les hébergea chez lui et accorda des locaux qu’il avait dans l’une des cours de Stonihurst : ils y travaillaient et les voisins venaient aussi filer. Les fileurs venaient chaque jour et filaient durant tout leur temps libre ; ils ont continué d’avril 1699 à août 1701. Lorsqu’ils eurent appris, il donna à chacun d’eux une livre et demi de laine prête à filer, et un rouet, ce qui fit grand bien sur cette partie nord (sur la rive nord) de Ribble en Lancashire74. »

50Malheureusement, les sources sur ce sujet semblent maigres. Ceci étant, nous devrions sans doute considérer cette création de travail comme un moyen, mineur certes, mais significatif, pour les propriétaires d’aider l’économie rurale. Fournir du travail aux femmes et aux enfants alimentait l’économie domestique, en fournir aux chômeurs réduisait un peu le nombre de pauvres.

Recherche des rentes plus que du progrès

51Essayons de tirer quelques conclusions. Les élites foncières ne pratiquaient pas l’agriculture ou, si elles l’avaient fait, elles avaient abandonné en 1640 et leurs terres étaient exploitées par des fermiers. Elle s’appuyait de plus en plus sur des régisseurs pour s’occuper des fermiers et des domaines. La petite gentry cultivait par nécessité et surveillait ses fermiers. Tous les landlords tentaient d’enclore dès que l’opportunité se présentait, toutefois cela pouvait prendre des années. Dans le siècle qui a précédé 1640, les landlords ont probablement fort peu investi dans leurs domaines et ils ont laissé les améliorations à la charge de leurs fermiers qui y gagnaient la sécurité par des baux à long terme. Après 1660 dans un contexte de dépression agricole, les landlords ont dû assumer certains coûts d’améliorations, à la demande des fermiers. Ils pouvaient même être obligés d’aider leurs fermiers durant les mauvaises années par des crédits, moratoires de loyers, prêts d’animaux ou autres. Tout ceci devait leur permettre de sauvegarder leurs rentes. Les enclosures ont généré une augmentation des rentes et induit un changement des pratiques. On peut dire que c’est ce souci des rentes qui guidait avant tout leur attitude envers le progrès.

52Que serait-il advenu s’il n’y avait pas la gentry ? Certes, extraire un seul élément d’un ensemble est profondément contraire aux méthodes historiques mais il me semble que les résultats ont été essentiellement déterminés par le marché ; les landlords et leurs fermiers en étaient également prisonniers. Globalement, nous voyons un phénomène analogue à celui de la révolution des yeomen décrit par Allen.

  • 75 Nos ignorances sont aussi dues au fait que la plupart des études ont porté sur le sud et l’est de (...)

53Si au contraire on se demandait ce que fit l’élite foncière en faveur du progrès économique plutôt qu’en faveur du progrès agricole, les réponses seraient différentes. Là où les propriétaires avaient des ressources minières sur leur domaine – en particulier le charbon –, ils n’hésitaient pas à en faire une exploitation commerciale. Les démarcations académiques écartent les mines de charbon de l’histoire agraire, mais on sait que les propriétaires du XVIIe siècle n’eurent aucune hésitation à exploiter le charbon là où il était peu profond (ex : à l’est du Warwickshire, sud du Lancashire, centre du West Riding, ouest du Cumberland et le comté de Durham)75. De la même façon, de célèbres aristocrates de la fin du XVIe siècle furent d’actifs industriels dans l’extraction de minerais de fer, plomb et dans la fonderie ; parmi eux, le comte de Shrewsbury qui procéda à des enclosures fut aussi entrepreneur de fonderie et mines de charbon. Là où se présentaient des opportunités de développement industriel, aucune inhibition n’empêchait les élites de les exploiter.

  • 76 David Harrison, The bridges of medieval England. Transport and society, 400-1800 (2004).
  • 77 Eric Richards and Monica Clough, Cromartie: highland life, 1650-1914 (1989), p. 41-6.
  • 78 Mais en Écosse, il existait aussi la pratique répandue de ne pas faire de bail et de garder des te (...)
  • 79 J. G. Jones, The Wynn family of Gwydir. Origins, growth and development, c. 1490-1674 (1995), p. 6 (...)

54L’infrastructure pouvait constituer une limitation. L’Angleterre était un vieux pays. On a récemment remarqué que le nombre de ponts n’avait pas augmenté entre la fin du Moyen Age et le XVIIIe siècle, que l’infrastructure était restée adaptée durant toute cette période76. Évidemment, on pourrait objecter qu’il n’existait pas de mécanisme public pour construire de nouvelles infrastructures avant le XVIIIe siècle (par opposition à l’entretien et la réparation). En Écosse et en Irlande, les propriétaires ont investi beaucoup dans les infrastructures au XVIIe siècle, c’était pour une eux une nécessité pour exploiter les zones rurales. Par exemple, George Mackenzie, vicomte Tarbat et premier comte de Cromartie (1630-1714) développait ses domaines de Cromartie dans le nord ouest de l’écosse à la fin du XVIIe siècle77. Il recevait ses loyers en nature : de l’orge qu’il exportait par bateau le long de la côte orientale vers Edinburgh et le Forth. Il fit construire un mur pour le port et un grand grenier à Portmahomack. Il entretenait une correspondance sur les assolements et les navets fourragers. Il prit part à la vente du saumon fumé et essaya de développer les pêcheries de hareng. Il possédait des parts dans les entreprises écossaises qui se développaient dans le dernier quart du siècle. C’était un aristocrate entrepreneur, œuvrant au progrès économique sur ses domaines ; ceci montre ce qu’il pouvait faire et ce qui avait déjà été fait dans l’Angleterre des plaines78. Dans les hautes terres d’Angleterre et du Pays de Galles, on se demande si l’investissement des propriétaires ne servit pas à combler les manques. Lowther investissait beaucoup dans ses domaines ; les apparences sont analogues pour Sir John Wynn of Gwydir (mort en 1627) dans le nord du Pays de Galles qui introduisit des améliorations et fit campagne pour la mise en valeur des marais d’eau salée de Porthmadog79.

55Nous voyons la volonté des élites foncières d’investir dans leurs domaines lorsqu’ils ont confiance dans de bons retours sur investissement. L’ampleur de cet investissement variait en fonction du marché. Leur manque d’entreprise sur leurs domaines agricoles peut refléter les difficultés à lancer des améliorations en un temps où la demande en produits agricoles était atone, mais en aucun cas un manque d’inclination envers l’odeur de l’argent !

Landowning elites and progress in English agriculture, 1500-1750

56England, it is commonly held, was a nation dominated by landlords and great estates. The tripartite system is familiar: landlords provided land, tenants provided working capital and farming skills, and a proletariat of rural day labourers provided the muscle. Historians are prone to ante-date the appearance of this system – it is probably more characteristic of the nineteenth century than the eighteenth. So what did landlords contribute other than land before the emergence of the fully-fledged tripartite system?

57Generally, the landed elite did not farm and where they had, they had largely given up by 1640: they exploited their land through tenants. Increasingly they relied on stewards to deal with their tenants and offer advice on estate issues. Small gentry were nearer the land and, out of necessity, farmed. They also supervised their tenants personally. Landlords of all kinds pressed forwards with enclosure when the opportunity arose although it might take many years to contrive an enclosure. In the century before 1640 landlords probably invested relatively little in their estates and left improvement to their tenants who were rewarded with the security of long leases. After 1660, as agricultural depression closed in, landlords were increasingly forced to take responsibility for some of the costs of improvement at the insistence of tenants. Indeed, they might be forced to support their tenants in poor years with credit and rent remissions, even loans of cattle and other capital stock. This was all done to protect rents. It may be said that it was the interest in rent above everything else which characterises their attitude to improvement. Enclosure generated new or higher rents. It implied a change in farming practice and it was this, rather than the introduction of new innovative practices, which the elite used to increase their rent. But, we might ask, how much of this would have happened if there had been no gentry? Of course, to take one element out of the equation is deeply unhistoric, but the answer, it seems to be me, is virtually all of it – doubtless in a different way and with a different timing, but the outcomes were determined by the market, and both landlords and their tenants were equally prisoners of what was, and was not, possible. In the end, we have something akin to Prof. Allen’s ‘yeomen’s revolution’.

58If, however, we were to ask what the landowning elite did to advance economic rather than agricultural progress, then the answer would be correspondingly different. Where landowners had mineral resources on their estates – notably coal – they had no hesitation about exploiting them commercially We can see a willingness on the part of the landed elite to invest in their estates when they were confident of securing a return. The form and scale of that investment varied according to market conditions, but the lack of entrepreneurialism, which the elite often seem to show towards their agricultural estates, may well reflect the difficulties of bringing about improvements at a time when the demand for agricultural commodities was fairly flat, and not any disinclination to follow the smell of money.

Notes

1 Les principaux types de contrats sont : Copyhold : le contrat d’occupation de la terre est transcrit sur les registres de la cour manoriale (court rolls) et le tenancier en conserve une copie. Le copyholder est donc un tenancier dont le contrat est régi par la coutume du manoir. Cette forme de contrat est progressivement remplacée par des baux : dans le système du freehold, le tenancier est libre car c’est la loi commune à l’ensemble du royaume qui la régit (common law). Il peut vendre, hypothéquer et léguer (NdT).

2 Robert C. Allen, “Landlords and economic development in England, 1450-1800”, in P. Janssens and B. Yun-Casalilla (eds), European aristocracies and colonial elites. Patrimonial management strategies and economic development, 15th-18th centuries (2005).

3 M. Overton, Agricultural revolution in England. The transformation of the agrarian economy, 1500-1800 (1996). “Landlords and improvement” a deux renvois dans l’index.

4 L’étude récente qui fait autorité sur ce thème de l’élite des propriétaires fonciers est celle de C. Clay, “Landlords and estate management in England”, in J. Thirsk (ed.), The agrarian history of England and Wales V (2 vols, 1985), ii, p. 119-251.

5 Northumberland n’a jamais fait l’objet de l’étude approfondie qu’il mériterait, voir cependant G. R. Batho, “The finances of an Elizabethan nobleman: Henry Percy, ninth Earl of Northumberland”, EcHR sec. ser. 9 (1957); id., The household papers of Henry Percy, ninth Earl of Northumberland (Camden Soc., 93, 1962).

6 Harlakenden est étudié longuement dans H. R. French and R. W. Hoyle, The character of British rural society: Earls Colne, 1550-1750 (2007), chs. 2-5.

7 B. A. Holderness, “The agricultural activities of the Massingberds of South Ormsby, Lincolnshire, 1638-c. 1750”, Midland History I (1972), p. 19.

8 James M. Rosenheim, The emergence of a ruling order. English landed society, 1650-1750 (1998), p. 77-8.

9 Sir John Lowther, “Memorable observations and remembrances of the house and grounds at Lowther...”, in C. B. Phillips (ed.), Lowther family estate books, 1617-75 (Surtees Soc., 191, 1979), p. 233-55, citation des pages 236 et 241. Le terme ajoncs est la traduction du terme Catt whins. The Oxford English Dictionary avance que « catt whin » pourrait être une catégorie de buissons épineux. (NdT).

10 C’est ce que montre l’étude de John Broad sur les Verneys à Middle Clayton, dont l’enclosure a pris près d’un demi-siècle. John Broad, “The Verneys as enclosing landlords, 1600-1800”, J. Chartres and D. Hey (eds), English rural society, 1500-1800: essays in honour of Joan Thirsk (1990), et sa monographie, The transformation of English rural society. The Verneys and the Claydons, 1600-1820 (2004).

11 J. Cottis, “A country gentleman and his estates, c. 1720-68: Sir Mark Stuart Pleydell Bart, of Coleshill, Berkshire”, in C. W. Chalklin and J. R. Wordie (ed.), Town and countryside. The English landowner in the national economy, 1660-1860 (1989), p. 32.

12 L. A. Parker, “The agrarian revolution at Cotesbach, 1501-1612”, in W. G. Hoskins (ed.), Studies in Leicestershire agrarian history (1949), p. 41-76.

13 French and Hoyle, Character of English rural society, ch. 1.

14 Il est dommage que cet article n’ait jamais été publié. Les conclusions en sont reprises dans son article: “The fashioning of the Tudor-Stuart gentry”, in Bull. John Rylands Library 72 (1990), p. 69-85. à la p. 69, Thirsk attribue l’intérêt renouvelé pour l’agriculture à la curiosité intellectuelle plutôt qu’à des nécessités économiques.

15 R. W. Hoyle, “The cattle herds and sheep flocks of the Earls of Cumberland in the 1560s”, YAJ 73 (2001), p. 75-84.

16 M. Wanklyn, Inventories of Worcestershire landed gentry, 1537-1786 (Worcestershire Historical Society, new ser. 16, 1998). Exemple contraire, les Verneys n’avaient « aucune ferme en propre entre 1660 et 1730 » et « comme bien des membres de l’élite foncière, les Verneys ne se sont engagés dans l’agriculture que lorsque des terres ne trouvaient pas de fermier », Broad, Transformation, p. 124-5.

17 M. E. Fitch, The wealth of five Northamptonshire families, 1540-1640 (1956), p. 47-8, app. 1.

18 J. Walter, “‘A rising of the people’? The Oxfordshire rising of 1596”, Past and Present 107 (1985), passim.

19 L. Stone, Crisis of the aristocracy, 1558-1640 (1965), p. 300.

20 Hypothèse de Rosenheim, Emergence, ch. 3, elle est confirmée par Liz Griffiths, “Responses to adversity: the changing strategies of two Norfolk landowning families, c. 1665-1700”, in R. W. Hoyle (ed.), People, landscape and alternative agriculture. Essays for Joan Thirsk (2004), p. 74-92.

21 Thirsk, “Fashioning of the Tudor-Stuart gentry”, art. cit.

22 Sur les Harlakenden, cf. French and Hoyle, Character, op. cit., p. 55-6 : sur la gentry du Worcestershire cf. Wanklyn (ed.), Inventories, p. 333 (20 000 perches de houblon et un four à houblon) and p. 358 (apparemment 12½ acres de houblon).

23 J’ai discuté l’impact de l’offre des tenanciers sur les relations entre tenanciers et landlords dans « Brenner and the Atlantic World » (texte non publié, 2008).

24 Pour une première approche de la création de marchés, R. W. Hoyle, “New markets and fairs in the Yorkshire Dales, 1550-1750”, in P. S. Barnwell and M. Palmer (eds), Landscape History after Hoskins, III, post medieval landscapes (2007), p. 93-106. Sur Cartmel, voir Lancashire Record Office, DDCa/22/2.

25 N. Thrift, “Transport and communication, 1730-1914”, in R. A. Dodgshon and R. Butlin, An historical geography of England and Wales (sec. edn, 1990), p. 457-60 donne un bon résumé.

26 VCH Oxon XIV, p. 78.

27 Il n’existe pas de bilan des enclosures en Angleterre qui soit vraiment satisfaisant, mais on peut se reporter, pour la politique gouvernementale, à Joan Thirsk, “Enclosure and engrossing”, in Thirsk (ed.), The agrarian history of England and Wales, IV (1967), p. 200-55 and Overton, Agricultural revolution, p. 147-67.

28 Un propriétaire opposé à une enclosure pouvait la bloquer. Broad a décrit comment les Verneys ont bloqué l’enclosure de Steeple Claydon par l’acquisistion d’une simple maison, p. 233-4.

29 Parker, “The agrarian revolution at Cotesbach”; John E. Martin, Feudalism to capitalism. Peasant and landlord in English agrarian development (1981), p. 180-91.

30 Voir les définitions note 1.

31 Broad, “The Verneys as enclosing landlords”, art. cit., note 10, p. 34.

32 D. S. Reid, The Durham crown lordships (1990), p. 78-82, 137-55.

33 A. Gooder, Plague and enclosure. A Warwickshire village in the seventeenth century (1965).

34 G. N. Clark, “Enclosure by agreement at Marston, near Oxford”, English Historical Rev. 42 (1927), p. 87-94.

35 BL, Add. Ch. 13938; S. Kershaw, “Power and duty in the Elizabethan aristocracy: George, earl of Shrewsbury, the Glossopdale dispute and the Council” in G. W. Bernard, The Tudor Nobility (1992). p. 266-95.

36 TNA, CRES 40/18, fo. 80r.

37 Parker, “Agrarian revolution”, art. cit., p. 70.

38 Broad, “Verneys as enclosing landlords”, art. cit., p. 36.

39 R. B. Outhwaite, “Progress and backwardness in English agriculture, 1500-1650”, EcHR 39 (1986), p. 15.

40 Ouvrages sur le drainage, Cf. H. C. Derby, The changing fenland (1983), M. Williams, The draining of the Somerset Levels (1970), R. W. Hoyle, “Disafforestation and drainage: the Crown as entrepreneur”, in Hoyle (ed.), The estates of the English crown, 1558-1640 (1992).

41 Ce texte de Bradley est cité dans H. C. Darby, The draining of the Fens (2e éd., 1956), p. 264-9.

42 Somerset RO, DD/PH 225/35.

43 Darby, Changing Fenland, op. cit., p. 63.

44 Hoyle (ed.), Crown Lands, op. cit., p. 388.

45 VCH Cambridgeshire, IX, p. 402-3. M. Spufford, Contrasting Communities (1974), p. 121-7.

46 Hoyle, Crown lands, p. 371-2. Dans Bread for the Poor (1653), Moore se décrit lui-même comme un homme du Somerset.

47 La phrase est de L. E. Harris, Vermuyden and the Fens. A study of Sir Cornelius Vermuyden and the Great Level,(1953), p. 27.

48 L’ouvrage le plus complet sur les oppositions au drainage : K. Lindley, Fenland riots and the English revolution (1982). Une illustration de l’agitation dans les marais en 1638, est donnée dans la lettre de Sir Miles Sandys l’ancien à Sir Miles Sandys le jeune, Calendar of State Papers Domestic, 1638, p. 493-4.

49 John Virgoe, “Thomas Fleetwood and the draining of Martin Mere”, Trans. Historic Society of Lancashire and Cheshire 152 (2003), p. 27-49.

50 Stone, Crisis of the aristocracy, p. 324.

51 Gooder, Plague and Enclosure, p. 29-30.

52 Reid, Durham crown lordships, p. 151.

53 Clay, “Landlords and estate management”, p. 226.

54 Ibid., p. 248.

55 Broad, Transforming English rural society, p. 144-6; Griffiths, “Responses to adversity”; Cottis, “Pleydell”, p. 36-7.

56 Edward Laurence, The duty of a steward to his lord (1727, reprint en fac similé, 1971), p. 3.

57 Clay, “Landlords and estate management”, p. 248.

58 Ibid., p. 234.

59 Clay, “Landlords and estate management”, p. 215, et la discussion, p. 214-30.

60 Holderness, “Massingberd”, p. 23-4 ; S. Wade Martins and T. Williamson, Roots of change. Farming and the landscape in East Anglia, c. 1700-1870 (1999), p. 183-87, Griffiths, “Adversity”, p. 88.

61 Laurence, Duty, p. 118-32; Cottis, “Pleydell”, p. 35, 41-2.

62 Clay, “Landlords and estate management”, p. 236.

63 Holderness, “Massingberd”, p. 18.

64 Ibid., p. 25.

65 J. Thirsk, “Agricultural innovations and their diffusion”, in Agrarian History V (ii), p. 533-89.

66 The Great Diurnall of Nicholas Blundell of Little Crosby, Lancashire (Record Society of Lancashire and Cheshire, 110, 112, 114, 1968-72), III, p. 119-121 ; I, p. 36, (l’éditeur note le nom de la plante sous la forme Cinquefoil); II, p. 16, 18, 60.

67 Clay, “Landlords and estate management”, p. 235-6.

68 Broad, The transformation of English society, p. 159-62 ; Holderness, “Massingberds”, p. 19 ; Cottis, “Pleydell”, p. 38-9.

69 La meilleure étude est celle de S. Hindle, On the parish ? The micropolitics of poor relief in rural England, c. 1550-1750 (2004), ch. 3. Clay, dans la partie intitulée “Landlords, cottagers and the provision of employment”, p. 236-41 ne traite pas ce thème.

70 Rowland Vaughan, Most approved and long experienced waterworks (1610), E2v.

71 Ibid., E3v.

72 Ibid., E4v.

73 J. Thirsk and J. Cooper (eds), Seventeenth-century economic documents (1972), p. 87.

74 C. Morris (ed.), The journeys of Celia Fiennes (1947), p. 93 ; T. D. Whitaker, History of Craven (third edn, 1878, repr. 2 vols 1973), I, p. 27.

75 Nos ignorances sont aussi dues au fait que la plupart des études ont porté sur le sud et l’est de l’Angleterre où les possibilités de développement industriel étaient limitées. L’étude la plus complète sur les intérêts miniers et industriels de l’élite d’avant 1640 est celle de Stone, Crisis of the Aristocracy, ch. 7 ; Il n’existe rien d’analogue pour la période postérieure à 1660.

76 David Harrison, The bridges of medieval England. Transport and society, 400-1800 (2004).

77 Eric Richards and Monica Clough, Cromartie: highland life, 1650-1914 (1989), p. 41-6.

78 Mais en Écosse, il existait aussi la pratique répandue de ne pas faire de bail et de garder des tenanciers à bail précaire (tenants at will). Les commentateurs anglais du XVIIe siècle (et quelques écossais) y voyaient la cause du retard écossais.

79 J. G. Jones, The Wynn family of Gwydir. Origins, growth and development, c. 1490-1674 (1995), p. 68 et pour d’autres projets, p. 71.

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