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La Garde républicaine

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Fabien Cardoni

Troisième partie. Garder Paris

Chapitre VII. Fluctuat nec mergitur. De l’Empire à la Commune

Texte intégral

1Après avoir fait preuve d’une efficacité certaine lors des troubles de 1869 et des huit premiers mois de 1870, la garde va se révéler totalement impuissante à empêcher la « révolution » du Quatre septembre. En effet, dès le début de septembre 1870, la garde navigue à vue. Les premiers revers de l’armée française sur le front de l’Est annoncent la défaite de la garde à Paris. Avec l’avènement de la République, la garde subit un nouveau changement de régime politique mais qui, pour la première fois, ne la condamne pas à mort. Durant le blocus de la capitale, la garde, organisée en régiment de marche, disparaît aux yeux des Parisiens. Elle réapparaît en tant que force de l’ordre le 22 janvier 1871, dans un contexte explosif. Après la fin de la guerre, incapable de contrôler la rue parisienne, la garde contribue, en participant à la tentative de reprise des canons de la garde nationale, à mettre le feu aux poudres. Le 18 mars 1871, la garde de la République évacue Paris à la suite du Gouvernement. Pour la garde, une nouvelle histoire commence.

2Dans un premier temps, quelle est la nature de cette journée du 4 septembre 1870 ? Comment expliquer que la garde ne soit pas parvenue à empêcher la foule de renverser le régime ? Le Quatre septembre, la garde laisse en effet les Parisiens franchir le Rubicon vers la République. Ce jour-là, le Rubicon, c’est la Seine.

Une révolution de velours : le 4 septembre 1870

  • 1 Déposition du préfet de police Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la d (...)
  • 2 « Un mobile blessé dans la bagarre fut porté au Louvre, on le conduisit au milieu de l’émotion pop (...)
  • 3 Juliette Adam, Le siège de Paris, op. cit., p. 4.

3La défaite de Sedan et la reddition de l’Empereur sont connues de la majorité des Parisiens le 3 septembre dans la journée. Très vite, des troubles se produisent sur les Boulevards. En début de soirée, un poste de police est attaqué sur le boulevard Bonne-Nouvelle. Des sergents de ville chargent, occasionnant des blessés et quelques arrestations. Le rassemblement se reforme sur le boulevard Montmartre. Vingt-cinq sergents de ville sont mis en bataille par un officier de paix et dispersent la colonne1. De nouveaux incidents sont signalés dans la rue Montmartre, où retentissent des coups de revolver et où un mobile est blessé2. La séance exceptionnelle de la Chambre, prévue à minuit, laisse craindre des violences. Le Corps législatif est protégé par un dispositif composé de sergents de ville et de gardes. La foule, rassemblée sur la place de la Concorde, se disperse cependant sans heurt à la fin de la séance parlementaire. Lors de cette soirée, les forces de l’ordre habituelles n’ont pu réprimer les rassemblements trop importants. « Le boulevard depuis la rue Montmartre jusqu’au nouvel Opéra ressemble à un immense forum », commente Juliette Adam3. La foule a pris possession de la rue. Une colonne où se trouvent pêle-mêle des ouvriers et des gardes mobiles venus du camp de Saint-Maur, parvient à la Bastille. Elle entre dans le faubourg Saint-Antoine avant de revenir sur le boulevard Montmartre. Enfin, Jules Favre propose la déchéance de l’Empereur et de la dynastie. Cette motion sera discutée à la séance du lendemain mais cette annonce est déterminante. Le mot est prononcé, l’idée est lancée, le rendez-vous est pris, la révolution est en route.

Le Corps législatif assiégé

  • 4 Les versions proposées sont souvent imprécises, ou trop succincte, ou encore comprennent des erreu (...)
  • 5 Stéphane Rials en fait une recension très complète.
  • 6 Des trois, ce militaire est le seul témoin direct des mouvements devant le Corps législatif.
  • 7 Sans oublier des détails glanés parmi les propos de nombreux déposants devant la commission d’enqu (...)
  • 8 Il est surprenant que le colonel Valentin, commandant la garde de Paris au 4 septembre et préfet d (...)

4Les historiens du Quatre septembre ne s’entendent pas entre eux sur la disposition exacte des troupes ce jour-là autour du Corps législatif4. Par ailleurs, il n’est guère possible de se fier aux souvenirs des contemporains, y compris lorsque ceux-ci ont été des témoins oculaires des événements5. À partir des dépositions du préfet de police Piétri, du général Soumain commandant la place de Paris, du lieutenant-colonel Allavène commandant les détachements du 1er régiment de gendarmerie à cheval6 et du rapport du comte Daru sur la journée du 4 septembre7, il est cependant possible de retracer précisément le déroulement des événements8. En une heure environ, tout est fait.

5Ce dimanche de septembre, la gendarmerie à cheval se place sur les quais à droite et à gauche du Corps législatif, bloquant les voies d’accès.

  • 9 Selon M. Floquet (futur adjoint au maire de Paris), témoin oculaire du 4 septembre, une première c (...)
  • 10 Elle attendra 100 000 à 150 000 personnes selon Stéphane Rials (op. cit., p. 69).
  • 11 Voir sur ce point le témoignage d’Anatole Claveau, secrétaire-rédacteur au Corps législatif, ainsi (...)
  • 12 « L’officier qui commandait le peloton de gardes à cheval, sur le pont, donna probablement l’ordre (...)
  • 13 Le lieutenant-colonel Allavène raconte : « On a voulu me faire crier : “Vive la République !” J’ai (...)
  • 14 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. (...)
  • 15 Musée Carnavalet, salle 130, p. 1222. On en trouve des reproductions (en noir et blanc) dans Georg (...)
  • 16 Rémi Gossez écrit (« Le 4 septembre », op. cit., p. 523) : « Quand les bataillons de la garde nati (...)

6Une partie de cette troupe est stationnée sur la place de Bourgogne. Deux bataillons du 36e de ligne et les 15e et 18e bataillons de la garde nationale occupent l’intérieur du Corps législatif. Les sergents de ville et les fantassins de la garde de Paris stationnent devant le pont de la Concorde, du côté de la place, formant ainsi un premier rideau. La garde municipale à cheval barre le pont sur le quai d’Orsay. À partir de onze heures du matin, la foule commence à s’assembler sur la place de la Concorde9. Elle grossit d’heure en heure10. Un bataillon de la garde nationale (le 6e de la Chaussée d’Antin, donc plutôt sûr) arrive en renfort sur la place. Il s’intercale entre le premier rideau et la cavalerie de la garde, tournant le dos au Palais-Bourbon. D’autres bataillons, moins sûrs, venant de Belleville et de Ménilmontant, se présentent sur la place et demandent à garder l’Assemblée. Le barrage du pont n’est pas totalement hermétique car des députés accompagnés de différentes personnes parviennent jusqu’au perron11 et des gardes nationaux rejoignent peu à peu les rangs de leur bataillon. Sur un ordre, les sergents de ville et les gardes de Paris à pied quittent leur position. Le 6e bataillon de la garde nationale, désormais en première ligne, a le plus grand mal à contenir la foule sur le pont. On distingue plus particulièrement aux premiers rangs de cette cohue, des gardes mobiles et des gardes nationaux des bataillons nouvellement formés depuis le début du conflit, avec pour seul uniforme un képi. Au débouché du pont sur le quai d’Orsay, une ligne de cavaliers (gendarmes et gardes) est prête à charger mais, faute d’ordre, elle n’avance pas sur la foule. Les cavaliers rengainent les sabres. Ils sont alors submergés par la foule12 : « Un escadron de la garde municipale demeura immobile, noyé dans la foule, aux abords du pont ; il se retira à trois heures et en fut quitte pour des insultes. Moins heureux que ses soldats, le colonel qui les commandait fut maltraité, jeté à bas de son cheval et n’échappa qu’avec peine aux fureurs de quelques misérables (déposition du colonel Alavoine13 [ sic, Allavène])14. » Les manifestants vont ensuite passer les grilles du Corps législatif. À deux heures et quart de l’après-midi, l’hémicycle est envahi. Le célèbre tableau de Jules Didier et Jacques Guiaud, L’annonce de l’abolition du régime impérial devant le palais du Corps législatif le 4 septembre 1870, illustre exactement la situation décrite par les sources manuscrites et imprimées15. On y voit nettement des gardes de Paris et des gendarmes à cheval au milieu de la foule. Les gendarmes et les gardes ne fraternisent pas16. Ces militaires sont représentés passifs, inertes. Seul un officier de la garde à cheval, au premier plan, semble aux prises avec un individu en blouse.

  • 17 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)
  • 18 « Le Sénat a tenu séance jusqu’à quatre heures » (Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. II, (...)

7Lors de cette journée, la garde a également pour mission de protéger le Sénat. Le général Soumain avait écrit au préfet de police pour qu’il mette à la disposition du grand référendaire du Sénat une compagnie de la garde, casernée à Tournon. Cette compagnie s’ajoute à une centaine de douaniers déjà en place17 mais le Sénat n’est pas inquiété lors de cette révolution de velours18. La Préfecture de police, quant à elle, passe sans incident des mains de Piétri qui l’a quitté depuis trois heures de l’après-midi, à celles du comte de Kératry. Ce dernier raconte cet épisode dans sa déposition :

  • 19 Déposition de Kératry, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)

« Accompagné de M. Dubost, je descendis sur le quai, où je pus rallier neuf gardes nationaux bien décidés […] Fort cette escorte, je me rendis à la Préfecture de police. Quand j’y arrivais toutes les portes étaient fermées. À travers les interstices de la barrière élevée sur le quai de la Conciergerie, on apercevait tous les sergents de ville rangés derrière les officiers de paix. La garde municipale, l’arme au pied, attendait les ordres du colonel Valentin. J’avoue qu’à ce moment difficile, je tenais mon revolver à la main, résolu à en faire usage pour la défensive. Je réclamai à haute voix l’ouverture de la porte : elle me fut d’abord refusée. J’annonçai alors que nous allions pénétrer de force. Après avoir parlementé moins d’une minute, on me livra le passage. […] Je fis demander aussitôt le colonel Valentin et lui déclarai que s’il me donnait sa parole de soldat de veiller uniquement au maintien de la sûreté publique avec les troupes qu’il avait dans les mains, cela me suffirait, certain d’avance que j’étais qu’il ne se livrerait à aucun agissement politique. Le colonel me donna sa parole et l’a fidèlement tenue durant ma gestion. Je lui donnai aussitôt l’ordre de faire rentrer ses troupes dans leurs quartiers et d’inviter les sergents de ville à regagner nuitamment leur domicile, par groupes réduits19. »

8La facilité avec laquelle se déroule le changement de régime ne cesse d’étonner. Comment expliquer l’échec total du dispositif mis en place ce jour-là ?

Un maintien de l’ordre sans ordre

  • 20 Rapport du comte Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)
  • 21 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)
  • 22 Déposition de Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale… (...)
  • 23 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. (...)

9Le rapport du comte Daru tend à prouver que l’envahissement du Corps législatif était évitable. Il rappelle pour cela la manifestation qui accompagna l’enterrement de Victor Noir : « Au retour, la foule fut facilement dispersée, après les sommations légales, par quelques escadrons de hussards, placés aux Champs-Élysées près du palais de l’Industrie20. » Le général Soumain se réfère lui aussi à cette journée du 12 janvier 1870 : « À l’enterrement de Victor Noir, il y avait peut-être deux cent mille personnes ; deux escadrons de cavalerie avaient suffipour les disperser21. » Toujours à propos du même évènement, le préfet de police d’alors affirme, goguenard, qu’« un commissaire de police et un tambour [en] eurent bien vite raison, car au rond-point des Champs-Élysées, à la seconde sommation, il ne resta sur le terrain que des chapeaux et quelques individus moins lestes que leurs camarades22 ». La déposition de Piétri insiste sur la facilité avec laquelle, selon lui, la foule a toujours été dispersée en 1869 et en 1870 jusqu’au 4 septembre. En effet, en août 1870, des troubles plus sérieux ont été réprimés avec énergie et des moyens limités. Le 9 août, le petit jardin attenant au Corps législatif a été envahi, mais la Chambre a été préservée23. Une autre manifestation devant le Palais-Bourbon, le 15 août, a également été aisément contenue.

  • 24 Stéphane Rials, op. cit., p. 60.

10Pour expliquer, le Quatre septembre, la thèse du complot a été avancée. Le comte Daru décèle ainsi une préméditation dans la demande de Kératry, devant les députés, de remplacer la troupe et les sergents de ville aux abords de la Chambre par la garde nationale. Faut-il y voir la volonté sincère d’éviter des affrontements ou bien une tentative pour faciliter l’envahissement du Corps législatif ? Quoi qu’il en soit, la proposition Kératry n’est pas retenue par les députés, mais quelques minutes plus tard, les sergents de ville seront éloignés de la foule. On sait en outre que des députés républicains ont fait des signes à la foule, comme des appels à se rapprocher du perron. Enfin, des révolutionnaires « patentés », des blanquistes, ont été repérés parmi les manifestants les plus virulents de la place de la Concorde. « Là fut sans doute le rôle des révolutionnaires disséminés dans la foule : l’animer de telle façon que l’envahissement de l’assemblée devienne malaisément évitable à moins d’une résistance très ferme des forces de l’ordre24. » Nous partageons cette opinion de Stéphane Rials qui invite, par ailleurs, à chercher du côté des forces de l’ordre les raisons de l’envahissement de la Chambre.

  • 25 Étienne Lamy (op. cit., p. 804) parle de sept mille hommes. Georges Carrot estime à au moins cinq (...)

11Tout d’abord, les forces en place autour du Corps législatif ce jour-là sont-elles suffisantes ? Il est possible de les dénombrer approximativement : deux bataillons de gendarmes à pied (1 200 hommes), trois escadrons de gendarmes à cheval (400 hommes), deux bataillons d’infanterie de ligne (800 hommes), deux bataillons de la garde nationale (600 hommes), 800 gardes de Paris à pied et à cheval (sans les officiers), 200 inspecteurs de police et un nombre important (700 ?) de sergents de ville, soit un total d’environ 4 700 hommes25. À ces effectifs s’ajoutent de fortes réserves :

  • 26 Lettre du général Soumain au général Caussade du 4 septembre 1870 (à midi cinquante-cinq) fournie (...)

« Il reste trois escadrons de gendarmerie à cheval au palais de l’Industrie et deux escadrons du 9e cuirassiers, à la caserne de Grenelle. Vous pouvez les requérir, “mais avec modération” attendu qu’il ne vous restera après cela que deux escadrons de la garde impériale. Vous savez qu’un bataillon de 600 gendarmes à pied est caserné rue de Lille, et en outre vous pouvez appeler près de vous soit des troupes de votre division, soit le 23e régiment de marche, qui est à la Pépinière26. »

  • 27 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)

12Le général Soumain qui a écrit ces lignes dispose également de deux bataillons aux Invalides et d’un bataillon à la caserne Napoléon. Il rappelle en outre que, dans toutes les casernes, un bataillon était consigné27. Le préfet de police a également eu le temps de réquisitionner les forces sous son autorité. Le ministre de la Guerre a complété les mesures du préfet. Le commandement militaire déploie ainsi des troupes de ligne et des gendarmes départementaux enrégimentés. La répartition des forces chargées de défendre le Palais-Bourbon est rationnelle, équilibrée et doit permettre d’empêcher toute surprise. Le dispositif est imposant. Les effectifs sont suffisants. Mais il faut encore s’interroger sur la manière dont sont coordonnées ces troupes.

  • 28 Lettre de Soumain à Trochu, du 3 septembre 1870, Shat, Lv 12.
  • 29 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale (...)

13Le ministre de la Guerre, le comte de Palikao, a confié au commandant de la Place, le général Soumain, le soin de prendre les mesures nécessaires à la défense du Corps législatif. Le général Soumain a remplacé au pied levé – il appartient à la réserve de l’armée depuis mars 1870 – le maréchal Baraguay d’Hilliers, évincé brutalement malgré ses succès dans le maintien de l’ordre à Paris. Prétextant que le dispositif du 4 septembre 1870 ne concerne pas la défense de la capitale, le ministre Palikao tient à l’écart le général Trochu, gouverneur militaire de Paris. Une opposition ouverte entre le ministre et le gouverneur, nommé le 17 août par l’Empereur, sans l’accord de la régente et du Conseil des ministres, explique que Palikao court-circuite ainsi la hiérarchie militaire. Ce procédé exclut par ailleurs un général populaire chez les soldats et les Parisiens, dont l’autorité aurait peut-être pu éviter l’envahissement de l’Assemblée. Le commandant de la Place, Soumain, qui a informé Trochu des dispositions prises pour le 4 septembre28, ne reçoit donc ses ordres que du ministre de la Guerre29.

  • 30 Déposition de Lebreton, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense national (...)

14Cependant l’ensemble des forces mobilisées relève de différentes autorités. Ainsi, les questeurs et le président du Corps législatif commandent directement les effectifs (ligne et garde nationale) stationnés à l’intérieur de l’enceinte. Les sergents de ville sont commandités par la Préfecture de police et placés sous l’autorité des commissaires de police et des officiers de paix. Les gardes de Paris agissent sur la réquisition du préfet de police et, sur place, sur celles des commissaires de police, sous les ordres de leurs officiers. Les troupes, et notamment les gendarmes enrégimentés, sont également tenues de répondre aux réquisitions des commissaires. Enfin, le général Caussade est responsable sur le terrain de l’ensemble du dispositif. En vertu de la loi sur l’état de siège, il commande toutes les forces de l’ordre à l’extérieur du Palais-Bourbon. Le maintien de l’ordre repose donc sur ce général apoplectique30.

  • 31 Lettre de Soumain à Caussade, du 4 septembre 1870 à midi cinquante-cinq, fournie à l’appui d’une l (...)
  • 32 Stéphane Rials, op. cit., p. 63.

15La décision, grave de conséquences, de remplacer les sergents de ville et les gardes de Paris par la garde nationale, ne peut relever que de lui. Le préfet de police assure que ses commissaires n’ont pu prendre seuls une telle décision. De plus, selon Piétri, les commissaires ont refusé d’accéder aux demandes des questeurs de l’Assemblée de faire retirer les sergents de ville. Les mêmes questeurs, de leur côté, nient toute intervention auprès de Caussade ou des commissaires en vue de bouleverser le dispositif des forces placées à l’extérieur de la Chambre. Des députés républicains ont en revanche demandé au général Caussade le retrait des policiers et des gardes. Caussade a-t-il en outre l’expérience nécessaire à ce type de situation délicate ? Soumain lui écrit à midi cinquante-cinq : « Consultez les commissaires de police qui ont l’habitude de ces mouvements populaires et prenez au besoin les ordres du ministre de la Guerre qui est à l’Assemblée31. » Si Caussade avait consulté les commissaires, il n’aurait sans doute pas retiré les forces de police. Les commissaires Macé et Bellanger, responsables des abords du Palais, se targuent en effet d’avoir voulu, jusqu’au dernier moment, empêcher le rapprochement de la foule. Le ministre de la Guerre n’a par ailleurs pas eu le temps ou la volonté de donner des ordres fermes de disperser de la foule. Ainsi, Caussade, vraisemblablement soucieux d’éviter l’effusion de sang, a fait retirer de sa propre initiative la seule barrière solide face à la foule. Plus encore que la responsabilité de Caussade, l’indécision du ministre de la Guerre, présent sur les lieux, est à relever. Depuis la séance de nuit, Palikao sent que le pouvoir lui échappe. Le 4 septembre, la constitution très prochaine – la motion va très certainement être adoptée – d’une commission de gouvernement et de défense nationale, le décharge déjà en partie du poids du pouvoir. Ce flottement au plus haut niveau – rappelons que l’Empereur est prisonnier et que l’Impératrice s’apprête à reconnaître son éviction de fait32 –, ajoutée à la dilution de l’autorité sur le terrain, sont les principales causes de la « révolution » endimanchée du Quatre septembre.

  • 33 Déposition de Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale… (...)
  • 34 Ibid.
  • 35 Rémi Gossez, « Le 4 septembre », op. cit., p. 510-511 et Louis Girard, Nouvelle histoire de Paris, (...)
  • 36 Rapport d’inspection individuel de 1869, Shat, dossier Allavène, 8 Yd 4 009.
  • 37 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. (...)

16Le préfet de Piétri accuse en outre Trochu d’avoir favorisé l’affaiblissement du pouvoir : « La proclamation du gouverneur de Paris, sa théorie sur la force morale, alors que l’agitation révolutionnaire était à son comble, le retour des mobiles à Paris et les motifs donnés à ce retour, personne ne le contestera, remplirent, d’une grande confiance tous les ennemis de l’Empire et portèrent du même coup une atteinte sérieuse à l’autorité spécialement investie de la mission de veiller au respect de l’ordre et de la sécurité publique33. » Au Louvre, face aux manifestants qui lui présentent un mobile blessé, Trochu aurait déclaré : « Allez, le peuple sera bientôt en armes, et il fera sa police lui-même34. » En réalité, l’armement de la garde nationale, qui a commencé le 8 août 1870, est un élément plus déterminant que l’attitude du gouverneur de Paris. Rémi Gossez et Louis Girard35 insistent à juste titre sur cet aspect. Parallèlement à la déliquescence du régime autoritaire, le peuple en armes se réveille. En outre, la ligne n’a jamais, sauf en juin 1848, tiré sur la garde nationale. Des gendarmes en sont-ils plus capables ? Un régiment de gendarmerie a en effet été mis sur pied. Il est sous la direction du lieutenant-colonel Allavène dont les principes politiques sont « jugés très sûrs, très dévoués à l’Empereur et à sa dynastie36 ». Ces gendarmes, issus des brigades, sont regroupés à Versailles, et entrent dans Paris le 27 août. Ils sont casernés au palais de l’Industrie, tout près du Corps législatif. Fraîchement arrivés de province, ces militaires, peu habitués au service parisien, ne sont pas placés au contact immédiat de la foule. Le dispositif repose en fait sur les professionnels du maintien de l’ordre parisien et tout spécialement sur la garde de Paris, qui possède une force de frappe plus importante que les sergents de ville, aussi nombreux soient-ils. Daru décrira la garde comme « la seule barrière qui s’opposait aux entreprises des factieux37 ». Elle est efficace et en conséquence redoutée.

17Nous possédons un témoignage précieux sur l’état moral de cette troupe, à l’aube de 4 septembre. En effet, le matin, le journaliste républicain Dreyfous est à la caserne de la Cité où il apprend, depuis quelques jours déjà, le maniement d’arme.

  • 38 Maurice Dreyfous, Ce qu’il me reste à dire 1848-1870, Paris, Ollendorff, 1913, p. 64-65.

« Nous trouvâmes nos instructeurs dans un état d’esprit tout à fait extraordinaire chez des soldats disciplinés et solides comme ils en étaient. Cette fois, dans la caserne, tous les soldats de ce corps d’élite avaient des allures étranges ; ils marchaient la tête basse et comme des gens qui maîtrisent leur révolte. Des groupes se formaient de-ci de-là, dans la cour et dans les couloirs. Partout on entendait proférer à mi-voix des exclamations comme celles-ci : “Oh ! le salaud ! Oh ! le lâche ! Dans ces cas-là, on se fait casser la gueule, mais il est trop lâche pour ça !” On entendait même murmurer : “S’ils croient qu’on marchera pour des lâches de son espèce, ils se trompent !”
Ainsi parlaient-ils de leur Empereur, prisonnier à Sedan, ces soldats, la veille encore bonapartistes et de tous temps les modèles impeccables de la plus pure discipline. D’officiers, on n’en voyait aucun, hormis, dans la cour, le colonel Valentin, toujours dans sa robe de chambre grise. Il faisait en sorte de paraître ne rien voir ni ne rien entendre, mais sa présence seule et son silence morne lui créaient déjà toute une complicité tacite avec ses chers soldats, maintenant prêts à toutes les révoltes. C’est à cette place et par ces braves que les élèves de la caserne de la Cité apprirent le désastre de Sedan le matin du 4 septembre.
Si le gouvernement impérial a pu se trouver surpris de ce qui s’est passé, à une heure de l’après-midi, le 4 septembre, devant la Chambre des députés, le colonel de la garde municipale ne l’a certes pas été. Il avait été commandé, avec ses hommes pour défendre le Palais-Bourbon contre l’invasion qui était prévue. Mais lorsque la foule fut devenue compacte, il devint vite tout à fait incertain pour lui que ces soldats, qu’il avait vus et entendus le matin même dans la cour de leur quartier, lui obéiraient s’il leur ordonnait de sévir. Aussi jugea-t-il que, pour éviter qu’ils fissent cause commune avec l’émeute, le plus prudent serait de leur commander demi-tour38. »

  • 39 Déposition de Bellanger, en charge de la surveillance du pont de la Concorde, le 4 septembre 1870,(...)
  • 40 Déposition de Trochu, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale(...)
  • 41 Étienne Lamy, op. cit., p. 818.
  • 42 Rémi Gossez, « Le 4 septembre », op. cit., p. 522.
  • 43 Rapporté par Juliette Adam, Le siège de Paris, op. cit., p. 18-19. L’auteure est semble-t-il arriv (...)

18Renforçant la crédibilité de ce témoignage, le commissaire Bellanger raconte qu’au moment où il tente d’arrêter la progression de la foule, il réquisitionne six gardes qui alors « n’obéissaient presque plus39 ». Trochu estime, lui aussi, que la gendarmerie était « très atteinte dans son moral » et « qu’à l’arrivée de la nouvelle de Sedan elle devenait radicalement impuissante, comme toute autre troupe, à livrer bataille à la foule. Il y a des circonstances de péril public et d’angoisse publique, où les troupes, profondément atteintes dans leur moral, ne tiennent jamais40 » ! L’historien Étienne Lamy résume ainsi la situation : « Une armée humiliée par la guerre extérieure est incapable de défendre par une guerre civile le Gouvernement qu’elle accuse de sa honte41. » Doit-on croire en outre que les officiers et les soldats savaient que la République était proclamée à Lyon, où l’armée avait fraternisé avec le peuple42 ? Est-il vrai par ailleurs qu’un officier de gendarmerie lisait ce jour-là, ostensiblement, sur son cheval, un journal d’opposition (Le Rappel43) ? Nous ne pourrions l’affirmer.

  • 44 Pour Jules Pointu, « il est probable qu’il n’y eut aucun ordre donné, et que les troupes se sont r (...)
  • 45 L’historique de la garde républicaine nous apprend que les gardes de Paris, présents aux abords de (...)
  • 46 À propos des hésitations des officiers ce jour-là, voir Jules Vallès, Jacques Vingtras. L’insurgé. (...)
  • 47 À noter sur la perception de la météorologie de cette journée, les remarques de Stéphane Rials (op (...)

19En revanche, tous les contemporains s’accordent pour dire que les sabres étaient tirés et que la cavalerie s’apprêtait à charger. Aucun d’eux ne fait mention de sommations. Les gendarmes de la garde de Paris sont en droit d’user de leurs armes si l’officier présent sur les lieux estime qu’ils ne peuvent défendre le Palais-Bourbon dont ils ont la garde autrement que par la force. Les armes sont sorties sur l’ordre du commandant de l’escadron, et c’est lui qui ordonne44 de les rengainer et de se replier. Ce chef d’escadron45 s’est ravisé car il a sans doute refusé d’endosser seul la responsabilité de l’engagement des affrontements46, le Gouvernement ne s’étant pas manifesté. Les souvenirs de février 1848, où la garde municipale avait affronté quasi seule l’émeute populaire, sont encore dans tous les esprits. De plus, il est probable qu’une charge de cavalerie dans une masse aussi compacte n’aurait eu que peu d’effet. Enfin, parmi la foule, en ce beau47 dimanche, il est possible d’apercevoir des femmes et des enfants. L’amorce d’une action violente, à ce moment-là, pouvait déclencher une insurrection que les faibles effectifs de l’armée à Paris et le délabrement moral des troupes rendraient très difficile à réprimer. Le 4 septembre, la garde est la clé de voûte de la défense du régime. Si l’Empire meurt, c’est en grande partie parce qu’il était déjà mort dans le cœur des gardes.

  • 48 Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. II, p. 94.
  • 49 Pinard estime qu’il y eut une révolution « traditionnelle » en trois actes que « La Révolution du (...)
  • 50 Plus que d’un scénario écrit à l’avance de concert entre les députés de Paris et les révolutionnai (...)

20« Le Gouvernement de la défense nationale déclare que le peuple français a “devancé la Chambre qui hésitait”, (L’euphémisme est joli) et que pour sauver la patrie en danger il a demandé la République48. » En réalité, le 4 septembre 1870 est à peine une « journée49 », tout juste quelques heures. Cet événement n’est pas une insurrection, pas même une émeute, encore moins le résultat d’un complot50. Il est notamment la conséquence d’une opération de maintien de l’ordre confuse et de l’opportunisme des « députés de Paris », en quelque sorte le coup d’État à l’envers. Comme en 1848, l’attitude de la garde a grandement influencé la tournure des événements. En février 1848, les interventions de la garde municipale avaient radicalisé la contestation. En septembre 1870, la garde de Paris évite l’affrontement. Aux deux reprises, son impuissance contribue à l’avènement de la République.

Protéger Paris des Parisiens ? La garde pendant le siège

  • 51 Comme le fait justement remarqué Louis Girard, il ne s’agit pas à proprement parler d’un siège mai (...)

21Avec la défaite de Sedan, Paris est menacé par l’avancée des troupes allemandes coalisées. Le Gouvernement de la défense nationale, qui est présidé depuis le 4 septembre par le général Trochu avec les pleins pouvoirs militaires, organise, dans l’urgence, la défense du pays avec toutes les forces disponibles, mais ne peut empêcher, à partir du 19 septembre 1870, l’encerclement total de la capitale. L’état-major allemand dispose dans un premier temps de 150 000 hommes, mais après la capitulation de Metz, ce sont quelque 400 000 soldats qui assiègent Paris51. Le commandement des alliés exclut un assaut de la ville, qui se transformerait en une guerre de rue à l’issue incertaine. Dans Paris, environ 500 000 hommes, d’une valeur militaire très inégale, sont fermement décidés à résister. Cette force comprend 100 000 hommes de la garde nationale mobile de la Seine et des départements, 300 000 hommes de la garde nationale parisienne et des unités de volontaires, corps francs, francs-tireurs, éclaireurs. Aux côtés de ces troupes parfois indisciplinées, souvent mal équipées et peu entraînées, 80 000 soldats des troupes régulières, dont 14 000 marins, constituent le socle de la défense de la ville.

  • 52 Pétition du colonel et des officiers délégués aux membres du Gouvernement de la défense nationale, (...)

22Pendant les jours qui suivent le 4 septembre, les gardes républicains disparaissent de la voie publique. La plupart sont restés discrètement dans leur caserne où ils sont relativement à l’abri des vengeances. Rapidement, les officiers réclament auprès du ministre de la Guerre d’être envoyés aux avant-postes, car le corps se plaint « d’être mis en suspicion et insulté journellement par la population52 ». Chassée de la rue et menacée dans Paris, la garde demande à servir en première ligne.

  • 53 À cette occasion, certains gardes ont l’idée opportune de faire fondre leurs anciens attributs dis (...)
  • 54 Ainsi une partie de la gendarmerie maritime est appelée à Paris avec des régiments de marins (Léon (...)
  • 55 Indication fournie dans le rapport de Chaper sur la situation militaire, Enquête parlementaire sur (...)
  • 56 Le 13e corps est organisé par un décret du 13 août 1870 et le 14e par un décret du 31 août 1870.
  • 57 Voir notre article, « La gendarmerie pendant le siège de Paris », RHA, no 243, 2006/2, p. 124-131.

23Lors du siège, les gendarmes et les gardes se confondent, et sont ainsi souvent confondus. Les gardes ont en effet abandonné tout signe distinctif et leur uniforme est désormais très proche de celui des gendarmes départementaux53. Par ailleurs, des officiers de la garde servent dans les régiments de gendarmes constitués à Paris. Ces gendarmes, présents à Paris au début du siège, proviennent d’unités diverses54. Au début du siège, l’ensemble de ces gendarmes représente un effectif d’un peu moins de 6 900 hommes de troupe et officiers, dont environ 1 800 cavaliers55. Ils sont répartis dans les 13e et 14e armées56, cette dernière regroupant des corps spéciaux : train, administration, douaniers et forestiers. Tous ces gendarmes sont ainsi enfermés dans Paris entre septembre 1870 et janvier 187157.

  • 58 Le décret du 1er mars 1854 portant règlement sur le service et l’organisation de la gendarmerie, p (...)
  • 59 « Il eût peut-être mieux valu faire de ces corps d’élite une pépinière de bons sous-officiers dont (...)
  • 60 « art. 1. Les militaires en activité appartenant à la gendarmerie républicaine ou départementale e (...)
  • 61 1er corps d’armée : grand-prévôt : chef d’escadron Guillemard ; 1re division : N. [non], 2e divisi (...)

24En outre, la garde est embrigadée aux côtés des régiments de gendarmerie et leurs missions sont alors semblables. Ainsi, des gendarmes à cheval, de tous grades, sont très fréquemment détachés de leurs régiments58. De nombreux gendarmes sont en poste pour des gardes à l’état-major général, à l’Hôtel de Ville, à la Préfecture de police, à la direction des Télégraphes ou dans les prisons. Ils sont employés de préférence, car ils connaissent bien la ville. Le service médical de la garde républicaine est désorganisé par le départ des médecins, du pharmacien, des vétérinaires pour d’autres régiments. Des gendarmes, anciens artificiers, œuvrent dans les arsenaux. On peut lire59 que les gendarmes, exclus de fait des combats, n’auraient pas été suffisamment utilisés pour former les cadres des nouvelles unités, et ceci au détriment de l’efficacité de la défense de la capitale. Cette remarque est en grande partie inexacte. Tout d’abord, une partie des personnels de la garde républicaine contribue à l’organisation et à l’encadrement des bataillons de gendarmerie récemment formés. Ensuite, d’autres gardes républicains sont chargés de l’organisation d’unités composées d’éléments civils. Enfin, des gendarmes, anciens artilleurs, vont encadrer des batteries sur les fortifications60. Dans ces nouvelles affectations, le commandement a cherché à éviter de mettre en contact des gendarmes et des citoyens-soldats fiévreusement républicains. La gendarmerie, durant le siège, fournit également des prévôts aux armées61. Elle se distingue des autres corps par la variété des missions que le commandement lui confie. Fortement sollicités, les gendarmes (et les gardes) font ainsi la preuve de la polyvalence qui les caractérise en temps de paix. Cependant, à l’image des troupes de la résistance parisienne, ils sont indéniablement patriotes mais aussi mal préparés à une guerre de siège que la majorité des soldats de Paris dont ils partagent les difficiles conditions de vie.

  • 62 « J’ai l’honneur de vous informer que l’insuffisance des fusils chassepot, modèle cavalerie, n’a p (...)
  • 63 Journal de marche de la division de cavalerie de la 3e armée, Shat, Li 78.
  • 64 « J’ai l’honneur de vous rendre compte que, hier, à 10 heures du soir, deux obus sont tombés dans (...)
  • 65 Rappelons que les gendarmes sont propriétaires de leur cheval.
  • 66 Louis Lèques, Histoire de la gendarmerie, Paris, Léautey, 1875, p. 137.
  • 67 Jules Claretie, Paris assiégé. Tableaux et souvenirs, septembre 1870-janvier 1871, Paris, A. Lemer (...)
  • 68 Ces deux mêmes casernes reçoivent des obus lors du bombardement allemand, qui dure de la fin décem (...)
  • 69 Guillaume-Émile Cresson, op. cit., p. 108.

25Afin de saisir l’état d’esprit des gendarmes durant le siège, il faut rappeler, brièvement, les difficultés quotidiennes : angoisse de voir le rationnement devenir de plus en drastique, quoique – trop ? – tardivement instauré ; impuissance face aux bombardements ; armement insuffisant62. À la fin du siège, les chevaux les moins propres à un service actif vont alimenter la population63. D’autres sont victimes du bombardement64. De plus, la gendarmerie a dû, au début de la guerre, fournir la cavalerie en montures. Le montant de la somme d’indemnisation65 sera longtemps un sujet de ressentiment66. Le moral est également affecté par l’absence de nouvelles des proches. En effet, les cadres et nombre de gendarmes ont pour résidences habituelles des départements aussi divers et éloignés que le Calvados, l’Aisne, la Mayenne ou encore le Jura, la Loire, le Puy-de-Dôme (l’avancée allemande et la mobilisation en toute hâte expliquent la diversité de leurs origines géographiques). À cela s’ajoute l’inconfort du casernement improvisé. Le 1er régiment de gendarmerie à cheval campe autour de Paris et notamment à Neuilly-sur-Marne et Vincennes jusqu’à la fin du siège. Le 2e régiment de gendarmerie à cheval bivouaque depuis août dans le palais de l’Industrie sur les Champs-Élysées. Ce bâtiment héberge également une ambulance67. Les casernes Mouffetard et Tournon68 accueillent des blessés ce qui permet par ailleurs au préfet de police de déplacer les gardes qui s’y trouvent, et ainsi « de centraliser autour de l’Hôtel de Ville, à Lobau, les forces de la garde de Paris69 ».

26Malgré les rancunes facilement imaginables à l’égard d’anciens fidèles de l’Empire – considérés par certains comme membres d’une police politique –, seuls quelques incidents anecdotiques concernent des gardes nationaux ou mobiles et des gendarmes. Il semble que l’union patriotique prévale. En réalité, noyés dans la masse des hommes en armes qui résident dans Paris, les quelques milliers de gendarmes n’attirent guère l’attention. Ensuite, leurs faits d’armes ne les distinguent pas suffisamment pour que les mémorialistes et les historiens les signalent. Le siège de Paris constitue néanmoins une épreuve unique dans l’histoire de la gendarmerie. Constitués en unités combattantes, dans une ville – Paris de surcroît –, et en position d’assiégés, ces gendarmes vivent un moment tout à fait singulier.

27À la différence du Premier Empire, la gendarmerie du Second Empire, à l’exception du régiment de gendarmerie de la garde impériale pendant la guerre de Crimée, n’a pas participé à des campagnes militaires autrement qu’en tant qu’unités prévôtales. Composés dans leur immense majorité d’anciens soldats, les gendarmes, mariés pour la plupart, ont une moyenne d’âge relativement élevée et sont peu entraînés au combat. Dans ces conditions, Trochu peut douter de l’efficience des gendarmes en première ligne. Ils n’en sont pas moins également des militaires aguerris, qu’il est important de conserver comme troupe de réserve. Cette gendarmerie enrégimentée se place à part dans le dispositif de défense car elle fut plus volontiers employée à assurer la police et le maintien de l’ordre dans et autour de Paris. En définitive, durant le siège, la gendarmerie et la garde n’ont pas eu beaucoup l’occasion de se distinguer contre les armées allemandes, elles ont guère plus été utilisées contre les Parisiens jusqu’au 22 janvier 1871.

  • 70 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, t. 2 : L’armistice et la Commune, opérations de l’a (...)
  • 71 Jules Claretie, op. cit., p. 188-189.
  • 72 Jules Favre, Gouvernement de la défense nationale, Paris, H. Plon, 1871-1875, t. 2, p. 358.

28Après l’échec à Buzenval de l’ultime tentative de percée française du blocus, une grande partie des Parisiens n’a plus confiance dans le commandement et le Gouvernement, taxés d’incompétence et qualifiés de capitulards. Le 22 janvier, plusieurs bataillons de la garde nationale manifestent aux cris de « Guerre à outrance ! Vive la Commune ! » et se rassemblent sur la place de l’Hôtel de Ville. Le général Vinoy, qui vient de remplacer Trochu démissionnaire, est déterminé à utiliser la force. Il a fait rentrer des troupes dans Paris. « Le général Blanchard, qui occupait la gare de Montparnasse, était prêt à agir avec un petit corps de troupes, ainsi que la cavalerie du général Bertin de Vaux et la gendarmerie sous les ordres du général de Malroy. […] À deux heures et demie, deux bataillons de gendarmerie, sous les ordres du général Malroy, se forment sur la place du Carrousel70. » Plus tard dans l’après-midi, une fusillade éclate entre les mobiles bretons chargés de la défense de l’édifice et les gardes nationaux des quartiers populaires. L’origine des premiers coups de feu est très difficile à établir. Jules Claretie, présent le 22 janvier sur la place de l’Hôtel de Ville, affirme que ce sont les manifestants qui ont tiré les premiers71. Quoi qu’il en soit les insurgés occupent les maisons voisines et dressent des barricades. Le souci du légalisme, dans le cas particulier de l’état de siège, retarde sans doute l’arrivée des gardes appelés en renfort. Les escadrons du 2e régiment de gendarmerie à cheval arrivent, eux, pour dégager les alentours de la place. Cette fois le sang a coulé, on dénombre cinq morts et dix-huit blessés72.

  • 73 Éric Bonhomme, « Paris assiégé : le transfert des barricades », in La barricade, op. cit., p. 301.
  • 74 La commission des barricades, instituée le 19 septembre 1870, avait réactivé ce procédé de la guer (...)

29Si Trochu a toujours refusé de faire appel aux troupes de ligne ou à la gendarmerie pour réprimer les manifestations populaires, Vinoy, lui, ne recule plus devant l’affrontement. La gendarmerie intervient lorsque le Gouvernement ne peut plus compter pour maintenir l’ordre sur le soutien notamment de la garde nationale des quartiers de l’ouest. Le 22 janvier 1871, le Gouvernement, en dépit d’une autre alternative, finit par utiliser la gendarmerie pour se défendre. La gendarmerie et notamment la garde, apparaissent à nouveau comme le dernier recours. Ce retour de courte durée des gendarmes sur l’avant-scène, coïncide avec la « renaissance du réflexe révolutionnaire73 », déjà perceptible durant le siège74. Leur intervention symbolise le divorce entre le Gouvernement et une partie de la population parisienne. Le 22 janvier est la clé du 18 mars.

Vers la Commune

  • 75 Convention d’armistice, article 7 : « La garde nationale conservera ses armes ; elle sera chargée (...)
  • 76 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871…, op. cit., p. 226

30Le cessez-le-feu intervient le 26 janvier 1871. L’armistice entre en vigueur deux jours plus tard. Pour prévenir les troubles, les conditions d’armistice autorisent de maintenir en armes une partie des gendarmes aux côtés de la garde nationale ainsi qu’une division de 12 000 hommes75. La ville n’est pas occupée et le ravitaillement peut reprendre librement (le premier ravitaillement arrive le 4 février), mais les partisans de la poursuite de la guerre ne décolèrent pas. Paris boue toujours. Le préfet de police d’alors dit que la ville lui faisait l’effet « d’une grande maison d’aliénés76 ».

De l’armistice au coup de force

  • 77 Dossier Gremelin, lieutenant-colonel commandant le régiment de gendarmerie à pied, Shat, 8 Yd 3 99 (...)

31Le 29 janvier, un détachement des gendarmes à pied enrégimentés intervient pour interrompre un début de pillage des halles centrales77.

  • 78 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, op. cit., t. 2, p. 120.
  • 79 À Paris même, les radicaux ne sont pas majoritaires.
  • 80 Lettre de Cresson à Picard du 2 février 1871, BN, papiers d’Ernest Picard, N. A. fr. 24 370, fo 19 (...)
  • 81 Lettre de Cresson à Picard du 10 février 1871, BN, papiers d’Ernest Picard, N. A. fr. 24 370, f o (...)

32L’ouverture partielle du blocus entraîne des troubles78. Le 8 février, le résultat des élections annonce une Assemblée royaliste79, car pacifiste. Sur la question de la paix, il existe une incompréhension entre Paris et la province. En proposant une première fois sa démission, le 2 février 187180, le préfet de police Cresson explique à son ami et ministre de l’Intérieur Picard qu’il est impuissant81 dans la situation actuelle. Le 11 février, à bout de force et de patience, il démissionne et est remplacé provisoirement par son beaufrère, Choppin. La Préfecture de police ne contrôle plus l’ordre public à Paris. Les gardiens de la paix sont incapables de rétablir l’autorité. De la même façon que pendant le siège, la garde est fréquemment mobilisée mais reste le plus souvent cantonnée dans ses casernes. Depuis le 17 février 1871, la gendarmerie de la Seine patrouille dans toute la zone neutre entre les avant-postes allemands et l’enceinte de Paris.

  • 82 Déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 212-21 (...)
  • 83 Rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 8.
  • 84 Le commissaire Macé confirme, dans ses mémoires, qu’il fut témoin oculaire du lynchage du policier (...)
  • 85 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 223.

33Des troubles graves se succèdent, notamment de nombreux pillages de cartouches, d’armes et de vivres82. Le 24 février, des bataillons de la garde nationale défilent toute la journée place de la Bastille pour célébrer l’anniversaire de la Révolution de 1848. Ces « pèlerinages révolutionnaires [étaient] une sorte d’émeute en permanence83. » Le 26, dans la soirée, un agent de police (le sous-brigadier Vincenzini) meurt noyé après avoir été jeté par la foule dans la Seine. Un commissaire de police, Macé, qui a tenté d’aider cet agent, est obligé de se réfugier dans la caserne des Célestins84. Le préfet de police, demande, ce soir-là, une intervention de la garde républicaine pour disperser les attroupements sur la place. Selon lui, « l’opération se fit sans encombre85 ». Dans la soirée, des prisonniers de Sainte-Pélagie sont libérés par la garde nationale.

  • 86 Philippe Riviale, op. cit., p. 229-230.

34Le 27 février, le risque d’une collision entre les Parisiens et les troupes allemandes est réel. La garde républicaine et toute la gendarmerie présente à Paris sont mobilisées86. Les coalisés ne rentreront pas dans la capitale, mais des bataillons de la garde nationale vont chercher les canons entreposés au Ranelagh et place Wagram, et les ramènent, dans un premier temps, au parc Monceaux, avant de les disperser à Montmartre, aux Buttes-Chaumont et sur les places des Vosges et d’Italie. Le 18 mars au matin, ces canons seront principalement à Montmartre, sur la place Puebla et aux Buttes-Chaumont.

  • 87 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 223.
  • 88 Ibid.
  • 89 Rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 11.
  • 90 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 222.
  • 91 Rapport du préfet de police du 5 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658, vol. I : rapports journaliers du (...)
  • 92 Jean Delmas (dir.), Histoire militaire de la France de 1715 à 1871, op. cit., p. 566.
  • 93 Souvenirs mars-mai 1871, p. 63, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 94 Rapport du préfet de police du 10 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.

35Dans la nuit du 3 au 4 mars, le poste de la mairie du XIIIe arrondissement aux Gobelins est attaqué. Il est défendu par soixante-dix gardiens de la paix et quarante douaniers. Ce poste contient plus d’un million de cartouches87. Les douaniers négocient la reddition du poste. Le préfet de police compte sur la garde pour reprendre en main la situation88. Cependant, les gardes arrivent quand tout est terminé, évitant ainsi un affrontement car la garde est loin d’être « populaire » partout dans Paris. Le 4 mars, la caserne Mouffetard, trop isolée dans un quartier franchement hostile, est évacuée. Les gardes se replient sur celle de la rue de Tournon89. Les forces de l’ordre reculent devant l’agitation. Déjà tous les postes des gardiens de la paix que les préfets de police Cresson et Choppin avaient réussi à restaurer, sont désarmés par les gardes nationaux90. Un rapport du préfet de police Choppin dépeint une situation extrêmement tendue91. Dans ce contexte, les réunions publiques véhiculent en outre les rumeurs les plus affolantes. L’annonce du transfert de l’Assemblée, non pas à Paris, mais à Versailles – cette « décapitalisation » de Paris92 – est ressentie comme une défiance. Parallèlement l’armée est désorganisée et la propagande socialiste vise tous les régiments, nouveaux ou anciens. Le général Susbielle rend compte de la situation délicate de l’armée de Paris à la veille du 18 mars93. À ce moment beaucoup de militaires qui regagnent leurs corps ou se rendent à leurs domiciles passent par Paris. De nombreux mobiles, notamment de la Seine, et des soldats errent, désarmés, dans la capitale. Dans certains quartiers, des francs-tireurs ont conservé illégalement leurs armes. La menace d’une peste bovine s’éloigne lentement. Le 7 mars, le Gouvernement décrète une mesure impopulaire auprès des plus modestes : le retour du régime normal du Mont-de-piété. Malgré toutes les difficultés, le préfet de police fait preuve d’optimisme et refuse le fatalisme d’une collision94.

  • 95 Robert Tombs, La guerre contre Paris 1871, traduit de l’anglais par J. -P. Ricard, Paris, Aubier, (...)
  • 96 Rapport du préfet de police du 11 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.
  • 97 Déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 216.
  • 98 Rapport du préfet de police du 16 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.
  • 99 Elle est vraisemblablement consignée depuis plusieurs jours.
  • 100 Souvenirs mars-mai 1871, p. 58, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262 et Robert Tombs, La guerre contre P (...)

36Le 11 mars, Choppin déclare ne pas avoir les moyens d’arrêter vingt-neuf meneurs95. Le même jour, Vinoy suspend six journaux et Flourens et Blanqui sont condamnés à mort par contumace. « On attend toujours semble-t-il un chef et une occasion d’engager la lutte96 », explique alors Choppin. Malgré les mises en garde du préfet, le Gouvernement poursuit l’annonce de mesures maladroites. Le 13 mars, il autorise la reprise des effets de commerce ce qui provoque d’innombrables faillites. Le 15 mars apparaît comme une journée particulièrement chaude97. Le préfet de police signale que « Montmartre était, d’ailleurs un peu plus fiévreux hier [le 15] que ces jours derniers ; peut-être dans l’attente d’une attaque. On y continue des travaux de fortifications, même en y employant la mine. C’est, dit-on, du moins, à une explosion de cette nature, qu’était due une détonation qui a fait tressaillir hier soir la moitié de Paris98 ». Le préfet de police a consigné le 15 mars la garde républicaine99. Un bataillon de gardes associé à un bataillon de gendarmes sont prêts à obtenir de force la libération de deux employés de chemin de fer allemands, retenus par un comité populaire à La Villette100. Les otages allemands sont finalement relâchés dans la nuit après une longue négociation.

  • 101 On lira avec intérêt le portrait qu’en fait un fonctionnaire de la Préfecture de police (Albert Bi (...)
  • 102 Le 18 mars dans la soirée, une députation de maires d’arrondissement parisien propose, en signe d’ (...)

37Le 16 mars, le général Valentin, commandant alors une brigade de l’armée de réserve, est installé à la Préfecture de police. La nomination de ce militaire, ancien chef de la garde républicaine, symbolise la volonté de reprise en main de Paris par le Gouvernement. Avec Valentin101, le Gouvernement dispose d’un homme habitué aux troubles parisiens et prêt à employer des mesures énergiques pour rétablir, dans les faits, l’autorité légale. Sa nomination peut être considérée comme une des causes du Dixhuit mars102. Notons enfin que c’est la deuxième fois qu’un gendarme parvient à ce poste. En décembre 1848, après le coup d’État, la nomination de Rébillot, colonel de la 1re légion de gendarmerie annonçait déjà une politique de fermeté. Ce préfet avait eu à pourchasser les opposants au Deux décembre.

  • 103 Voir la déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p (...)

38Comme le montrent les rapports du préfet de police, la situation est très tendue, mais un affrontement armé n’est pas inéluctable. L’annonce du retour prochain de l’Assemblée dans la capitale va cependant précipiter les événements, car il faut en préalable nécessaire enlever les canons pointés sur Paris103.

La journée du 18 mars 1871

39Lors de cette journée, nous suivrons plus particulièrement la garde républicaine. Le 18 mars, des ruelles de Montmartre ou de Belleville jusqu’à la route de Versailles, le parcours de la garde illustre la déroute du pouvoir légal.

40Les canons détenus par la garde nationale qui doivent être récupérés sont extrêmement dispersés dans Paris. Les militaires ciblent en conséquence leur action sur les deux parcs les plus importants, à Montmartre et aux Buttes-Chaumont. La tactique adoptée pour s’emparer de plus de deux cents canons consiste à surprendre et à désarmer les gardiens de cette artillerie. Les canons doivent ensuite être évacués le plus vite possible. Le général Faron avec le 42e régiment, des sapeurs, des gardiens de la paix et des gardes à cheval, doit occuper la mairie du XXe arrondissement. La brigade de La Mariouse, comprenant le 35e régiment, des gardiens de la paix et des gardes républicains doit se rendre maître des canons des Buttes-Chaumont. La brigade Derroja avec une partie du 109e et du 110e de marche soutient le mouvement vers les Buttes. Le général Susbielle a en charge l’opération à Montmartre avec la 2e division d’infanterie. Elle comprend les brigades des généraux Paturel et Lecomte.

  • 104 Joseph Chevalier, « Récit de 68 jours de captivité sous la Commune », cahier manuscrit, cellule hi (...)
  • 105 Situation militaire de M. Pichon, lieutenant à la 2e légion de la garde républicaine depuis l’orig (...)
  • 106 Rapport du capitaine de la garde républicaine Kluber au général Paturel sur la journée du 18 mars, (...)
  • 107 Souvenirs mars-mai 1871, dactylographié, 260 p. (recto + annexes), Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 108 Rapport du général Susbielle sur la journée du 18 mars 1871, Shat, Lu 7.
  • 109 Shat, Li 126.

41Sur les événements de Montmartre, nous avons pu consulter des témoignages de gardes républicains : le texte du garde Chevalier104, le récit du lieutenant Pichon105, le rapport du capitaine Kluber106. Nous utilisons également les souvenirs inédits et très peu utilisés du général Susbielle107 ainsi que son rapport sur la journée du 18 mars108, et enfin celui du commandant Vassal109, chef des gardiens de la paix engagés ce jour-là. Tous s’accordent sur la même version des faits.

42Un détachement de soixante-dix gardes quitte la caserne Lobau, à une heure et demie du matin. Il évite les quartiers centraux en passant par les quais jusqu’à la place de la Concorde et la rue Royale, et chemine ensuite jusqu’à la plaine Monceaux, lieu de réunion des troupes de la division Susbielle.

  • 110 Souvenirs mars-mai 1871, p. 71, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

« Une première colonne composée des 17e bataillon de chasseurs à pied (commandant Moynier), 76e régiment de marche (lieutenant-colonel Rousset), un détachement de gardiens de la paix, un détachement de garde républicaine [capitaine Kluber, 3e compagnie du 2e bataillon], une section du génie (commandant Michon), se dirige, sous les ordres du général Paturel, vers la partie ouest des hauteurs de Montmartre, par la route de Saint-Ouen, la rue Marcadet, la rue des Saules, dans le but de contourner le mamelon du moulin de la Galette, et de s’en emparer.
Un bataillon du 76e (commandant Lartet) devait s’arrêter et stationner dans la rue Marcadet, pour s’opposer à toute surprise sur les flancs de cette brigade.
Une deuxième colonne composée des : 18e bataillon de chasseurs à pied (commandant Poussargue [ sic, Poussargues]), 88e régiment de marche (lieutenant-colonel Moret), un détachement de gardiens de la Paix (commandant Vassal), une demi-compagnie de garde républicaine (capitaine Picaut) [ sic, Piquot, 6e compagnie du 2e bataillon], une section du génie, sous les ordres du général Lecomte, a pour mission d’occuper la Butte Montmartre, en cheminant par les boulevards Rochechouart et Ornano, puis en gravissant ensuite les pentes qui permettent d’aborder le plateau de l’église Saint-Pierre.
L’artillerie sous la conduite du chef d’escadron Jaubert se réunit au pont d’Iéna vers 2 heures du matin. Elle comprend : quatre mitrailleuses (capitaine Dubois), six pièces de 4 (capitaine Garillaud), une batterie de 7 (capitaine Douradou). Cette dernière est mise à la disposition du général Lecomte et doit le rejoindre sur le boulevard Rochechouart110. »

  • 111 « Récit de 68 jours de captivité sous la Commune », op. cit.
  • 112 Ibid.
  • 113 Voir la photographie de ces canons, Georges Bourgin, op. cit., p. 162.
  • 114 Copie du rapport de Vassal, commandant les gardiens de la paix en opération à Montmartre, le 18 ma (...)
  • 115 Ibid. Susbielle parle de 178 canons (rapport du général Susbielle sur la journée du 18 mars 1871, (...)

43Dans sa progression, la colonne sous les ordres du commandant Vassal attaque une première barricade faiblement défendue. Mais déjà des cris de « Trahison nous sommes vendus, on veut reprendre nos canons111 ! » résonnent dans le quartier. À cet instant, « la compagnie de chasseurs à pied avait disparu ; quelques soldats avaient laissé leurs armes112 ». Ce qui reste de cette petite troupe s’empare ensuite d’une des barricades qui protègent l’accès à la rue des Rosiers (XVIIIe arrondissement). L’autre partie de la colonne arrive à revers. Quelques coups de feu sont échangés, mais très vite les défenseurs sont prisonniers et réunis au n° 6 de la rue des Rosiers, dans la maison du comité de la garde nationale. Les sentinelles qui gardent les canons sur le plateau113, quelques mètres plus loin, sont facilement neutralisées par les gardes républicains du capitaine Piquot114. Le 1er bataillon du 88e prend en charge la défense du parc du côté des rues habitées et les chasseurs à pied couvrent les côtés sud et est du plateau. Les 2e et 3e bataillons du 88e sont placés sur le boulevard d’Ornano et rue Marcadet. Sans grande résistance, les 171 canons115, le poste de la rue des Rosiers, l’église Saint-Pierre et le sommet de la butte sont pris avant six heures du matin. Les forces ainsi dispersées attendent l’arrivée des trains d’artillerie permettant la deuxième phase de l’opération, l’évacuation des canons.

44De son côté, la brigade du général Paturel enlève deux postes rue Marcadet et arrête sans résistance la trentaine d’hommes chargés de la garde du parc d’artillerie, près du moulin de la Galette. Le 17e bataillon a en charge les canons. Le 76e de marche, placé à l’entrée du parc, garde les rues Marcadet et Saint-Ouen. Les attelages arrivent au moulin de la Galette entre huit et neuf heures. Un premier convoi escorté par deux compagnies de chasseurs, puis un second escorté par une seule compagnie de chasseurs, commencent à descendre la butte. Averti des difficultés que rencontrent dans leur progression les deux convois, qui n’en forment désormais plus qu’un, le général Paturel donne l’ordre à la compagnie du capitaine Kluber d’aller les aider. Le capitaine de la 8e compagnie du 2e bataillon de la garde raconte ainsi son action :

  • 116 Rapport du général Paturel au général Susbielle sur la journée du 18 mars, du 21 mars 1871, Shat, (...)

« Je fis placer immédiatement ma compagnie en tête de la colonne qui, intimidée par la résistance qui lui était opposée n’osait avancer. Il nous fallut sous une grêle de pierres et de bouteilles faire avancer nos canons sur lesquels les insurgés se jetaient en essayant de s’en emparer en coupant les traits. À ce moment, je voyais mes troupes sérieusement compromises, mais, grâce à l’énergie et au courage des gardes de ma compagnie, j’ai pu dégager ma colonne et me frayer un passage sans tirer un coup de fusil. Pendant tout le parcours de la rue Lepic, très populeuse et très accidentée, j’ai eu à lutter contre une foule des plus hostiles. Arrivée sur le boulevard de Clichy, la colonne a pu continuer sa marche et conduire ses canons à l’École militaire. Les trois compagnies de chasseurs à pied du 17e bataillon placés sous mon commandement qui n’osaient d’abord se frayer un passage devant la foule agressive, ont bien secondé ma compagnie dans cette circonstance difficile116. »

  • 117 Le général Vinoy pense qu’il aurait fallu trois jours (rapport de Delpit, Enquête parlementaire su (...)

45Le sang-froid de la compagnie permet d’éviter une fusillade avec la foule. Il est cependant erroné de croire que ce succès laborieux prouve que le rapatriement des canons était réalisable. Il est certain que les effectifs sont insuffisants pour réussir cette mission et que le retard pris dans l’enlèvement de l’artillerie a considérablement compromis son bon déroulement. De plus, même sans l’opposition de la population, l’opération devait prendre plusieurs jours117. Gênée de la sorte, elle devenait impossible.

  • 118 Le général Lecomte, le commandant Poussargues (18e bataillon de chasseurs) et le capitaine Franck (...)
  • 119 Rapport du général Paturel au général Susbielle sur la journée du 18 mars, du 21 mars 1871, Shat, (...)

46Parallèlement, au contact de la population depuis plusieurs heures, le 1er bataillon du 88e régiment de marche se laisse désarmer et fraternise avec la foule. Sur le plateau de la Galette, deux colonnes de gardes nationaux se présentent. La compagnie du 76e les laisse passer sans résistance. Les autres soldats obéissent mollement aux ordres des officiers de repousser la foule. Le parc est envahi malgré les efforts du général Lecomte118 qui ne donne pas l’ordre de faire feu, presque certain de ne pas être obéi. Très vite, le général Paturel est également cerné par la foule. Il est blessé d’un coup de crosse à la joue et dégagé avec difficulté. Les troupes abandonnent en ordre le plateau de la Galette. Paturel impuissant les suit jusqu’au campement. Il dénoncera, dans son rapport, « l’inertie des hommes119 ».

  • 120 Situation militaire de M. Pichon, lieutenant à la 2e légion de la garde républicaine depuis l’orig (...)
  • 121 Le fourrier Pelcat et une « dizaine de gardes » (Mémorial de la gendarmerie : Livre d’or…, op. cit (...)
  • 122 Souvenirs mars-mai 1871, p. 83, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 123 Paul Martine, Souvenirs d’un insurgé. La Commune de 1871, Paris, Librairie académique Perrin, 1971 (...)
  • 124 Robert Tombs, La guerre contre Paris, op. cit., p. 56.
  • 125 Lorsqu’on demande à Clemenceau, le 18 mars au soir, de se joindre à la réunion des maires à la mai (...)

47Au même moment, les gardes surveillent une centaine de prisonniers de la garde nationale dans la maison du comité120. Une colonne provenant du parc d’artillerie, où se mêlent des habitants du quartier et des soldats du 88e de marche, s’avance vers le poste. Jugeant le combat inutile et la retraite impossible, le capitaine Piquot accepte de se rendre. Seul le garde Carlotti, qui sera fusillé plus tard, proteste. Le commandant Vassal parvient lui à s’échapper avec quelques gardes121 et gardiens de la paix122. Un témoin, qui prétend avoir escorté les gardes faits prisonniers, s’étonne de leur docilité123. Sur cet aspect, toutes les sources font apparaître que les gardes sont abattus devant le « laisser-aller général » dont parle Robert Tombs124. Isolés, impuissants devant la coalition de la population, des gardes nationaux et des soldats qui ont fraternisé, les gardes ont rendu les armes sans combattre. Les soixante-six officiers, gradés et gardes sont retenus dans un premier temps au poste des gardiens de la paix de la mairie du XVIIIe arrondissement, place des Abbesses. Vingt-deux sergents de ville sont avec eux. Le 19 ou le 20 mars, ils sont conduits au dépôt de la Préfecture de police. Durant ces deux jours, ils doivent leur vie à la protection du maire du XVIIIe arrondissement, Georges Clemenceau125.

  • 126 Dans son rapport, Paturel parle de treize canons. Dans ses souvenirs, Susbielle dit qu’il y avait (...)
  • 127 Souvenirs mars-mai 1871, p. 77, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 128 Souvenirs mars-mai 1871, p. 93, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

48Ajoutons enfin que, dans la matinée, le général Paturel envoie le 1er bataillon du 76e, précédé par des gardiens de la paix, rue des Moines. Ce détachement s’empare, entre neuf heures et demie et onze heures, de treize126 canons, qui sont emmenés à l’École militaire127. Ajoutés aux vingt-huit canons128 qui arrivent de la rue Lepic, c’est là le seul bilan positif des opérations à Montmartre.

  • 129 Souvenirs mars-mai 1871, p. 101-102, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 130 Le rapport de Delpit assure que les chasseurs « hésitent et remettent trois fois leur sabre au fou (...)
  • 131 Rapports de Susbielle, Shat, Lu 7.
  • 132 Souvenirs mars-mai 1871, p. 102, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.
  • 133 « Un officier de gendarmerie fut blessé à la jambe, et cinq de ses hommes légèrement blessés. Troi (...)

49Sur la place Pigalle, le général Susbielle dispose, depuis le matin du 18 mars, d’un bataillon de gendarmes à pied, de deux escadrons de gendarmes et d’un escadron de chasseurs à cheval. Quatre mitrailleuses et six pièces de 4 protègent les accès à la place. Descendant de Montmartre, une foule composée de gardes nationaux, de femmes, d’enfants et de soldats du 88e régiment se dirigent vers la place Pigalle par le boulevard Rochechouart. Le général Susbielle a décrit la scène129. D’après ce témoignage, les gardes à pied refusent de faire feu sur les manifestants qui s’avancent. Or aucun autre document n’en fait état. Il paraît plus plausible que le général Susbielle pense tout d’abord à utiliser les chasseurs à cheval130 et que, après que l’on ait tiré sur le capitaine de Saint-James, commandant les chasseurs, et après la fusillade, il lance (à deux reprises131 ?) une charge de gendarmes à cheval132. La foule est trop compacte. Les charges sont inopérantes. Susbielle ne peut tenir le boulevard. Il y a de nombreux blessés et tués133. Il ordonne à un détachement de gardes républicains de protéger la retraite des pièces d’artillerie et se replie avec ce qui reste de son escorte, dont les escadrons de gendarmerie. Le lieutenant-colonel commandant le 2e régiment de gendarmerie à cheval défend l’action de ces hommes place Pigalle. Le 24 mars 1871, il écrit dans ce sens, au général commandant en chef :

  • 134 Lettre du lieutenant-colonel commandant le 2e régiment de gendarmerie au général commandant en che (...)

« La plupart des journaux font intervenir dans le triste épisode de la place Pigalle les gardes républicains à cheval qui, dit un de ces journaux, ont seuls soutenus l’honneur de l’armée [souligné dans le texte]. Or la seule gendarmerie à cheval qui se trouvait sur la place Pigalle au moment où les émeutiers firent feu sur la troupe est le 2e régiment que j’ai l’honneur de commander et auquel peuvent parfaitement s’appliquer les paroles du journal, car il est resté, dans la meilleure attitude, le dernier sur le terrain, qu’il n’a quitté qu’avec M. le général Susbielle134. »

  • 135 Paul Martine, op. cit., p. 38.
  • 136 Signalons que lors des affrontements qui ont lieu sur le boulevard, le maréchal des logis à la gar (...)

50Dans ces Souvenirs, Paul Martine évoque d’une façon peu crédible, un autre accrochage qui aurait eu lieu sur le boulevard Rochechouart135. Il n’y a pas, à notre connaissance, de commandant de gendarmerie tué ce jour-là et pas non plus de gardes républicains en haut de la rue Rochechouart136. Martine a semble-t-il mélangé plusieurs faits de cette journée et n’a pas assisté personnellement à l’affrontement sur le boulevard. Le récit de cet « insurgé » est par ailleurs truffé d’autres approximations, incohérences et erreurs.

51Après ce qui reste comme le seul affrontement sérieux de la journée, le général Susbielle se rend au Louvre puis, sur ordre, réunit ce qui reste de sa division sur le Champ-de-Mars, avant de partir pour Versailles.

  • 137 Situation militaire du chef d’escadron Denoyelle, déclaration du 16 septembre 1871, dossier Denoye (...)
  • 138 Robert Tombs, La guerre contre Paris, op. cit., p. 78.
  • 139 Rapport du lieutenant-colonel du 42e régiment, Shat, Li 120.
  • 140 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 158.

52La deuxième partie de l’opération du 18 mars se déroule aux Buttes-Chaumont. La division Faron en charge d’occuper ces hauteurs, rassemble deux compagnies de gardes à pied (les 1re et 7e compagnies du 1er bataillon commandé par le capitaine Denoyelle137) et un escadron de gardes. Dans la matinée, les gardes à pied mènent la colonne jusqu’aux canons. Les cavaliers de la garde restent eux auprès du général de brigade sur la place de l’église de Belleville. Là encore, les militaires s’emparent facilement des canons. Quelques-uns (dix-huit) sont rapidement amenés jusqu’à l’École militaire escortés par une vingtaine de gardes138, mais les autres attelages se font désespérément attendre. Les militaires sont désarmés par la foule et fraternisent. « Ma conviction est que les hommes n’auraient pas tiré, ils n’ont pas fait la moindre résistance pour rendre leurs fusils, et sont partis bras dessus bras dessous, fraternisant et chantant avec les gardes nationaux », raconte le lieutenant-colonel du 42e régiment alors à Belleville, place Puebla139. Un piquet de cavaliers de la garde, chargé de la surveillance des pièces d’artillerie est désarmé et détenu quelques heures dans la salle La Marseillaise, avant d’être relâché140.

  • 141 Rapport de l’officier responsable des deux bataillons du 110e de marche à la caserne du Prince-Eug (...)
  • 142 Rapport du colonel du 109e sur le 18 mars, Shat, Li 120.
  • 143 Rapport du colonel Roblastre du 110e sur le 18 mars, Shat, Li 120.
  • 144 Déposition de Le Flô, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 208.

53Au-delà de ces deux échecs, les autres militaires présents à Paris battent eux aussi en retraite. Deux compagnies du 110e de marche livrent ainsi sans coup férir la caserne du Prince-Eugène, sur l’actuelle place de la République, aux manifestants dans la matinée141. Le colonel du 109e de marche, qui occupe avec des détachements de son régiment le nord-est de Paris dont les deux gares du Nord et de l’Est, ne peut occuper La Marseillaise. Il est contraint de se replier avec ses hommes sur la caserne Napoléon, abandonnant ainsi les canons dont il avait la charge142. Trois compagnies du 110e, de garde à Sainte-Pélagie, à la Banque de France et au Panthéon sont désarmées, ainsi que de petits détachements occupant d’autres postes. Ils rentreront successivement à Versailles dans les jours qui suivent143. Depuis les premières heures du 18 mars, la place de la Bastille est occupée par la brigade Wolf de la division Maudhuy. Un escadron de la caserne des Célestins y stationne avec ces troupes. Le ministre de la Guerre, le général Le Flô, se présente sur la place et tente de discuter avec les manifestants. Il est méfiant : « Avant de m’avancer dans le groupe j’avais donné l’ordre à un officier, qui commandait un escadron de la garde républicaine, de venir à moi s’il me voyait lever ma casquette. Je fis le signal convenu, la troupe s’avança et je fus dégagé sans lutte144. » Les gardes se retirent ensuite dans leur caserne lorsque la division Maudhuy se replie sur l’École militaire.

  • 145 Dépêche de Ferry à Valentin, du 18 mars à trois heures du soir, déposition de Ferry, Enquête parle (...)
  • 146 La curiosité d’Edmond de Goncourt l’emmène, le 18 mars, à l’Hôtel de Ville, où il voit « au loin, (...)
  • 147 Rapports des colonels du 110e et du 109e de marche sur la journée du 18 mars, au général Vinoy, Sh (...)

54À l’Hôtel de Ville, vers deux heures et demie, le colonel Vabre accompagné d’un officier de gendarmerie de la caserne Lobau informe le maire de Paris, Jules Ferry, qu’ils doivent tous abandonner la mairie centrale ainsi que les casernes environnantes. Ferry s’oppose fermement à cet ordre : « Il y a 83 hommes dans la caserne Lobau et 40 000 cartouches impossibles à enlever. La caserne commande le jardin de l’Hôtel de Ville. Il vaudrait mieux renforcer la garnison. […] Je m’oppose à l’exécution de cet ordre évidemment irréfléchi145. » Le maire de Paris a fait stocker des vivres afin d’être en mesure de résister plusieurs jours. En plus des gardes républicains à Lobau, le 109e régiment de marche et onze compagnies du 110e de marche sont répartis dans l’Hôtel de Ville. Des éléments des mêmes régiments sont cantonnés dans la caserne Napoléon. Cette dernière résiste dans la journée à des tentatives peu sérieuses d’envahissement146. Dans l’après-midi, devant le refus de la troupe de faire feu sur les manifestants, ce sont des officiers qui tirent quelques coups de fusils147. En début de soirée, les ordres de Vinoy sont authentifiés et confirmés. Tous ces militaires évacuent les casernes vers neuf heures trente. C’est sans pression populaire que Ferry quitte le dernier l’Hôtel de Ville, vers vingt-deux heures trente. Sans avoir résisté, la mairie centrale est ainsi offerte aux insurgés.

  • 148 Copie d’une lettre de Valentin à Cresson du 27 novembre 1874 dans une lettre de Cresson à Picard d (...)

55À la Préfecture de police, le préfet-général Valentin a pris des dispositions afin de pouvoir résister à une attaque. L’ancien préfet de police Cresson vient lui proposer ses services et son concours148. Un fonctionnaire présent témoigne :

  • 149 Albert Bizouard, op. cit., p. 162.

« À six heures et demie du soir, il se tenait avec M. Ansart, chef de la police municipale, dans la cour du Harlay, sur les marches de l’escalier faisant face à la place Dauphine. Il indiquait les endroits que devaient occuper les gardiens de la paix.
– “Vous placerez ici, disait-il en désignant l’escalier, cinquante hommes auxquels on distribuera dix paquets de cartouches à chacun. Puis, vous échelonnerez le restant de vos forces jusqu’à la porte de mon propre cabinet.” À ce moment, nous intervînmes afin de prévenir le préfet que M. Choppin avait une communication extrêmement urgente à lui faire de la part de M. Thiers149. »

  • 150 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, op. cit., t. 2, p. 415, appendice xlix : ordre de m (...)
  • 151 On trouvera la liste du personnel dans Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 162.
  • 152 Situation militaire du chef d’escadron Denoyelle, déclaration du 16 septembre 1871, dossier Denoye (...)
  • 153 Ces gendarmes seront employés jusqu’au 1er mai, aux postes avancés près de la route de Paris à Ver (...)

56Il est six heures trente-cinq. Choppin annonce l’ordre d’évacuation générale à Valentin, qui avait l’intention de mener une résistance jusqu’au-boutiste. Le préfet de police, réfractaire à l’idée d’abandonner la capitale, est contraint de suivre le chef du pouvoir exécutif. La caserne de la Cité, où se concentre l’essentiel de la garde qui n’a pas été engagé le matin150, est évacuée en même temps que la Préfecture de police. Seul le personnel responsable de l’infirmerie et des services vétérinaires, ainsi que les femmes et les enfants restent à la Cité151. Dans toutes les casernes, les gardes mariés sont obligés de quitter leur famille. La garde républicaine se regroupe à l’École militaire. L’essentiel du corps quitte Paris le 19 mars à quatre heures du matin pour se rendre à Versailles152. Le régiment de gendarmes à pied se réunit lui aussi à l’École militaire. Il reçoit pour mission de couvrir le départ de l’armée de Paris en occupant les ponts de Sèvres et de Saint-Cloud153.

Les séquelles du 18 mars

  • 154 Sur ces gendarmes départementaux lors de cette journée, on lira avec intérêt, le rapport au minist (...)
  • 155 À noter également qu’un bataillon de la gendarmerie casernée au Louvre (Georges Bourgin, op. cit., (...)
  • 156 « Dans la même séance [du 4 mars au café de Mulhouse], un orateur, en annonçant que le poste de la (...)

57Lors de cette retraite improvisée, une centaine de gendarmes de la Seine sont oubliés au cœur de la ville, dans la caserne des Minimes. Parmi eux, une partie s’échappera en civil, certains resteront auprès de leur famille et pour s’occuper des chevaux154. Par ailleurs, si les gardes de la caserne Tournon ont pu quitter Paris sans être inquiétés155, le poste de la prison Mazas, occupé depuis peu par la garde156, reste particulièrement menacé. Le 18 mars, le détachement de soixante-deux hommes, commandé par le lieutenant Juge, s’est enfermé dans la prison. Le 19 mars, après des négociations, les gardes obtiennent le droit de se rendre à la porte de Vincennes. Ils rejoignent ensuite Versailles. D’autres gardes isolés sont faits prisonniers lors de cette journée. Ils sont généralement relâchés après avoir été désarmés. Mais trois gardes de service à l’état-major de la Place, capturés le 18 mars, seront fusillés, le 23 mai, sur le chemin de ronde de la prison Sainte-Pélagie.

  • 157 Louis Féron et Alfred Rey, Livre d’or des morts…, op. cit., p. 213 et Mémorial de la gendarmerie : (...)

58Le 26 mai, rue Haxo, ce sont trente-trois autres gardes qui seront fusillés au côté de trois gendarmes157.

  • 158 Lettre anonyme du 6 septembre [1871, 1872 ou 1873], Shat, dossier Allavène, 8 Yd 4 009.
  • 159 Lettre du général d’Argentolle, inspecteur général du 1er arrondissement de gendarmerie pour 1873 (...)
  • 160 Le lieutenant Pichon est issu du 24e régiment d’infanterie. Il est nommé le 23 juillet 1870 pour e (...)
  • 161 Son récit se trouve dans son dossier personnel au Shat (5 Yf 51 532).
  • 162 Avis du général commandant la 1re subdivision de la 1re division militaire, situation militaire de (...)
  • 163 Lettre de Piquot (supplémentaire à sa narration) au général de division, directeur du personnel au (...)
  • 164 Note du colonel de la garde de Paris pour l’inspection individuelle de Piquot de 1871, citée dans (...)
  • 165 Rapport fait au ministre par la 2e direction Justice et gendarmerie du 3 septembre 1879, Shat, dos (...)
  • 166 Dossier Piquot, Shat, 5 Yf 81 336.
  • 167 Lettre d’Allavène au général Vinoy, du 6 mai 1871, Shat, Li 123. Le lieutenant-colonel Grémelin, c (...)

59Après la Commune, le colonel Allavène est accusé d’avoir abandonné deux de ses compagnies dans Paris158. L’inspecteur général chargé de l’affaire, affirme qu’« au milieu d’une évacuation précipitée et de la confusion des ordres, tout le monde a eu tort159 ». Il propose de ne pas donner suite à la lettre anonyme qui dénonçait le colonel. En revanche, pour les officiers de la garde qui ont été faits prisonniers à Montmartre, les conséquences du 18 mars sont beaucoup plus graves. Le lieutenant Pichon160 explique qu’il fut libéré le 27 avril en échange de la promesse de ne pas porter les armes contre la Commune161. Cette déclaration déclenche les foudres de la hiérarchie militaire162. Le général commandant la 1re subdivision s’intéresse également au parcours du capitaine Piquot libéré dans les mêmes conditions le 10 mai 1871. Piquot est capitaine, à la garde de Paris depuis le 14 juillet 1866. Il s’est marié le 4 janvier 1871 et est caserné à Lobau. Il se défend d’avoir manqué à sa parole prétextant que son régiment n’a pas pris les armes contre la Commune163. On reproche à ces deux officiers de ne pas avoir suffisamment résisté à Montmartre, d’avoir abandonné à leur sort leurs hommes (« qui ont tous été fusillés », est-il affirmé164) et d’avoir promis de ne pas se battre contre les insurgés. Une fois l’affaire révélée, les deux officiers sont contraints de quitter la garde républicaine, car la troupe leur est hostile. Le capitaine Piquot est envoyé à Dignes, le 17 janvier 1872, et le lieutenant Pichon à la 2e compagnie de la légion d’Afrique, le 24 janvier 1872. Mais ces accusations de trahison et de lâcheté les poursuivent dans leurs nouvelles affectations165. Piquot sera admis d’office à faire valoir ses droits à la retraite par limite d’âge, le 30 mars 1883. On lui reprochera en sus de ne posséder qu’une instruction militaire médiocre, d’avoir épousé, le 4 janvier 1871, son ancienne maîtresse, sans l’accord de son père, pour donner un état civil à son enfant. Pichon atteint lui d’une maladie chronique a fait montre en outre d’une mauvaise volonté évidente en Algérie, ce qui lui vaut d’être mis en non-activité par retrait d’emploi, par décision présidentielle du 22 mars 1873166. Ces deux officiers avaient été décorés de la Légion d’honneur (chevalier le 23 juin 1871 pour Pichon, officier pour Piquot le 24 juin 1871) pour être parvenus à s’enfuir de Paris. Les capitaines Denoyelle et Kluber n’ont pas été décorés pour leur action le 18 mars. Le capitaine Kluber, le général Paturel et le colonel Allavène ont demandé des récompenses pour les hommes de la 8e compagnie du 2e bataillon. Le 6 mai 1871, alors que des propositions plus récentes en faveur de la cavalerie de la garde ont déjà abouti, l’infanterie du corps n’est pas encore récompensée167.

  • 168 Jacques Rougerie, Paris libre, op. cit., p. 100.
  • 169 Stéphane Rials, op. cit., note 3, p. 250.
  • 170 Georges Bourgin, op. cit., p. 174.
  • 171 Philippe Riviale, op. cit., p. 240.
  • 172 Pour une présentation simple et précise de toutes les troupes à Paris, voir Georges Bourgin, op. c (...)
  • 173 Garnier-Pagès explique très justement que : « La guerre dans Paris est donc une question de politi (...)
  • 174 Philippe Riviale, op. cit., p. 152.
  • 175 Ibid., p. 273.
  • 176 Ibid., p. 233-273. Voir également la synthèse des explications du 18 mars et le point de vue éclai (...)
  • 177 Déposition de Thiers, Enquête sur l’insurrection du 18 mars, op. cit., p. 175.
  • 178 Le général Susbielle, commandant la 2e division de l’armée de Paris, précise que cette manœuvre «  (...)
  • 179 Hervé Robert, « Paris et la guerre au XIXe siècle », op. cit., p. 177.
  • 180 Il convient de remarquer qu’à l’exception du mont Valérien, il n’existe pas de forts « protégeant  (...)

60Si tout explose, ou plutôt implose, le 18 mars, la « bombe communarde » possède plusieurs mèches lentes. Comme l’explique Jacques Rougerie : « Le 18 mars n’a pas été un “complot” (de la part des “insurgés” du moins). Rien de moins inattendu pourtant dans cette révolte de la Ville. En vérité, l’insurrection a commencé bien avant la date qu’on lui assigne168. » Le Dixhuit mars est une « journée parisienne » atypique, tout aussi délicate à définir que le Quatre septembre. Le Dix-huit mars n’est pas une insurrection169, car il s’agit d’une série « d’événements extrêmement localisés170 » et non d’une prise d’armes dans toute la ville. Si le Dix-huit mars est bien une descente des quartiers du nord-est sur le Paris central, ce n’est pas une vague déferlante, mais plutôt une multitude de ruisseaux timides qui coulent doucement vers l’Hôtel de Ville. Cette journée ne constitue pas non plus une « déclaration de guerre171 », même si l’occupation militaire d’une partie de Paris peut être interprétée comme une provocation172. Du point de vue du rétablissement de l’ordre, Thiers poursuit en 1871 la tactique du « qui perd gagne » de Cavaignac en Juin. Ce dernier avait laissé une partie de la capitale à l’insurrection pour mieux la réduire, Thiers, lui, abandonne l’ensemble de la ville aux insurgés, pour ensuite les écraser173. Depuis Juin 1848, le rapport de force condamne toute insurrection qui ne peut empêcher le déclenchement d’une vraie bataille174. Ainsi Thiers, comme Cavaignac, tente de clarifier le conflit. Il veut une guerre « armée contre armée175 ». L’opération du 18 mars n’avait-elle ainsi d’autre but que d’extraire une armée démoralisée et prête à se mutiner, d’un Paris au bord de l’insurrection176 ? Thiers se vante d’avoir pu mettre en œuvre une stratégie qu’il avait projetée en février 1848 pour sauver le régime de Juillet177. A-t-il mûri cette idée dès les années 1840, lorsqu’il supervisait la construction de ces fortifications encerclant Paris178 ? Cet « embastillement de Paris179 » a été en effet souvent décrié comme plus menaçant pour les faubourgs parisiens que pour un ennemi étranger180.

  • 181 Robert Tombs, op. cit., p. 67.
  • 182 Sur l’état d’esprit qui règne dans l’armée : Jean-Claude Freiermuth, « L’armée et l’ordre en 1870- (...)

61Le 18 mars est surtout un coup de poker manqué. Les opérations-commandos tournent au fiasco en raison de l’impréparation de l’évacuation des canons de la garde nationale et en l’absence de réserve disponible. En outre, les militaires n’ont pas respecté deux conditions impératives au succès d’un tel coup. Ils ont dispersé des détachements trop peu nombreux et laissé la troupe en contact avec la population. La police et la garde républicaine sont les forces les plus sûres parmi les troupes employées. Robert Tombs pense que les gardiens de la paix sont présents au sein de ces colonnes d’attaque pour pouvoir procéder à de nombreuses arrestations181. Or les gardiens de la paix n’en n’ont guère l’occasion, ni les moyens. Il est également important de noter que les gardiens de la paix sont en tête des deux colonnes de Montmartre et que les gardes les suivent immédiatement. Sont ainsi disposées, en condensé dans ces colonnes, les différentes strates du rétablissement de l’ordre. Détestés par une partie de la population et aguerris aux combats de la rue parisienne, les sergents de ville et les gardes sont a priori une garantie de fermeté face à toute forme de résistance. Leur résolution doit également servir à entraîner les militaires qui les accompagnent182.

62Mais les gardes sont, eux aussi, fragilisés par les épreuves du siège et par la faiblesse du Gouvernement face aux agitations et aux meneurs. Leur attitude est contrastée : manque de détermination sur le boulevard, faible résistance à Montmartre, fermeté et sang-froid dans la rue Lepic. Le désarmement de nombreux gardes, l’abandon précipité des familles et des casernes, la retraite nocturne, les prisonniers, bientôt otages et futurs fusillés, constituent autant de traumatismes. Une nouvelle fois depuis le 4 septembre, la garde est contrainte de se retirer devant l’émeute qui gronde. Comme en février 1848, elle est obligée de fuir Paris.

Notes

1 Déposition du préfet de police Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 114.

2 « Un mobile blessé dans la bagarre fut porté au Louvre, on le conduisit au milieu de l’émotion populaire jusque chez le général Trochu qui fut obligé de venir haranguer la foule à laquelle il promit que justice serait faite » (rapport du comte Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 180).

3 Juliette Adam, Le siège de Paris, op. cit., p. 4.

4 Les versions proposées sont souvent imprécises, ou trop succincte, ou encore comprennent des erreurs ou des incohérences. Étienne Lamy, « La fin du Second Empire », La Revue des deux mondes, 1895, t. I : p. 70-96, 316-353, 787 à 822 ; Rémi Gossez, « Le 4 septembre : initiatives et spontanéités », in Actes du 77e congrès des sociétés savantes, Grenoble, Paris, Impr. nationale, 1952, in-8, p. 505-534 ; Stéphane Rials, op. cit., p. 55-84. On se reportera également pour cette journée à la bibliographie que propose ce dernier auteur.

5 Stéphane Rials en fait une recension très complète.

6 Des trois, ce militaire est le seul témoin direct des mouvements devant le Corps législatif.

7 Sans oublier des détails glanés parmi les propos de nombreux déposants devant la commission d’enquête. Toutes ces dépositions se trouvent dans l’Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit.

8 Il est surprenant que le colonel Valentin, commandant la garde de Paris au 4 septembre et préfet de police à Paris du 15 au 18 mars 1871, n’ait été interrogé ni par la commission sur les actes du Gouvernement provisoire, ni par la commission sur les événements du 18 mars 1871. La déposition du général de Caussade, en charge de la défense de l’Assemblée, décédé d’une apoplexie quelques semaines après le 4 septembre, fait également défaut.

9 Selon M. Floquet (futur adjoint au maire de Paris), témoin oculaire du 4 septembre, une première charge de gardes à cheval avorte (déposition de M. Floquet, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871…, op. cit., p. 297).

10 Elle attendra 100 000 à 150 000 personnes selon Stéphane Rials (op. cit., p. 69).

11 Voir sur ce point le témoignage d’Anatole Claveau, secrétaire-rédacteur au Corps législatif, ainsi que son récit des événements à l’intérieur de l’enceinte de l’Assemblée nationale lors de cette journée (Souvenirs politiques et parlementaires d’un témoin, Paris, Plon-Nourrit, 1913, t. I, p. 496 et suiv.).

12 « L’officier qui commandait le peloton de gardes à cheval, sur le pont, donna probablement l’ordre de charger la foule. Il se fit un mouvement parmi les cavaliers, puis ils remirent le sabre au fourreau et se rangèrent pour laisser passer le flot populaire qu’ils étaient impuissants à contenir » (Sébastien Commissaire, Mémoires et souvenirs de Sébastien Commissaire, ancien représentant du peuple, Lyon, Meton, 1888, t. II, p. 241).

13 Le lieutenant-colonel Allavène raconte : « On a voulu me faire crier : “Vive la République !” J’ai même été renversé de mon cheval ; puis quelques personnes m’ont tiré des mains des exaltés qui voulaient me faire crier » (déposition d’Allavène, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 388).

14 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 182.

15 Musée Carnavalet, salle 130, p. 1222. On en trouve des reproductions (en noir et blanc) dans Georges Bourgin, La guerre de 1870-1871 et la Commune, iconographie de l’époque réunie sous la direction de Max Terrier, Paris, les Éditions nationales, 1939, p. 84 ; Louis Girard, Nouvelle histoire de Paris, op. cit., p. 415 et, en couleur, dans Stéphane Rials, op. cit., p. 10-11.

16 Rémi Gossez écrit (« Le 4 septembre », op. cit., p. 523) : « Quand les bataillons de la garde nationale forceront le pont au cri de “Vive la ligne”, le bataillon d’infanterie de la garde municipale qui longeait le jardin du Président courra aux faisceaux, mais pour mettre la crosse en l’air (Simon, p. 385). » Or, la référence de page est erronée. De plus, la déposition de Jules Simon ne dit rien de la sorte. Enfin, il est avéré que c’est un bataillon de l’infanterie de ligne qui stationne dans le jardin de la présidence.

17 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 406.

18 « Le Sénat a tenu séance jusqu’à quatre heures » (Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. II, p. 94), mais comme personne ne venait les envahir les sénateurs se séparent.

19 Déposition de Kératry, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 297.

20 Rapport du comte Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 179.

21 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 407.

22 Déposition de Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 117.

23 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 180.

24 Stéphane Rials, op. cit., p. 60.

25 Étienne Lamy (op. cit., p. 804) parle de sept mille hommes. Georges Carrot estime à au moins cinq mille, le nombre d’hommes rassemblés (Le maintien de l’ordre en France…, op. cit., t. II, p. 579).

26 Lettre du général Soumain au général Caussade du 4 septembre 1870 (à midi cinquante-cinq) fournie à l’appui d’une lettre de réclamation du neveu du général de Caussade, du 13 août 1873, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 99.

27 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 405.

28 Lettre de Soumain à Trochu, du 3 septembre 1870, Shat, Lv 12.

29 Déposition de Soumain, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 406.

30 Déposition de Lebreton, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 382.

31 Lettre de Soumain à Caussade, du 4 septembre 1870 à midi cinquante-cinq, fournie à l’appui d’une lettre de réclamation du neveu du général de Caussade, du 13 août 1873, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 99.

32 Stéphane Rials, op. cit., p. 63.

33 Déposition de Piétri, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 114.

34 Ibid.

35 Rémi Gossez, « Le 4 septembre », op. cit., p. 510-511 et Louis Girard, Nouvelle histoire de Paris, op. cit., p. 411-412.

36 Rapport d’inspection individuel de 1869, Shat, dossier Allavène, 8 Yd 4 009.

37 Rapport de Daru, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 180-181.

38 Maurice Dreyfous, Ce qu’il me reste à dire 1848-1870, Paris, Ollendorff, 1913, p. 64-65.

39 Déposition de Bellanger, en charge de la surveillance du pont de la Concorde, le 4 septembre 1870, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 386.

40 Déposition de Trochu, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. V, p. 126.

41 Étienne Lamy, op. cit., p. 818.

42 Rémi Gossez, « Le 4 septembre », op. cit., p. 522.

43 Rapporté par Juliette Adam, Le siège de Paris, op. cit., p. 18-19. L’auteure est semble-t-il arrivée après l’envahissement de l’Assemblée.

44 Pour Jules Pointu, « il est probable qu’il n’y eut aucun ordre donné, et que les troupes se sont retirées d’elles-mêmes, parce que toute résistance leur semblait inutile » (Jules Pointu, Histoire de la chute de l’Empire (6 juillet-4 septembre 1870) d’après les documents officiels, les enquêtes parlementaires et les journaux du temps, suivie de nombreuses pièces justificatives, Paris, Le Chevalier, 1874, note p. 168).

45 L’historique de la garde républicaine nous apprend que les gardes de Paris, présents aux abords de la Chambre, étaient sous le commandement du chef d’escadron Gillet qui appartient à l’étatmajor du corps. Pour cette mission, il aurait reçu des consignes de modération de la part du préfet de police (Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 147). Son dossier individuel nous présente un vétéran des campagnes africaines (1843-1852) qui intègre la garde de Paris le 1er avril 1869. Il est fait officier de la Légion d’honneur le 10 avril 1871 (dossier Gillet, Shat, 4 Yf 100 161).

46 À propos des hésitations des officiers ce jour-là, voir Jules Vallès, Jacques Vingtras. L’insurgé. 1871, Paris, Charpentier, 1886 ; rééd. sous le titre L’insurgé, Paris, Folio classique, 2001, p. 189.

47 À noter sur la perception de la météorologie de cette journée, les remarques de Stéphane Rials (op. cit., p. 59, note 22). Juliette Adam écrit avec style : « Le temps est splendide ; les conservateurs sont effarés » (op. cit., p. 9, voir aussi p. 11-12).

48 Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. II, p. 94.

49 Pinard estime qu’il y eut une révolution « traditionnelle » en trois actes que « La Révolution du 4 septembre devait avoir, elle aussi, ses trois journées ; elle commence le 3 septembre par la séance de nuit du Corps législatif : elle se poursuit le 4 par l’envahissement de la Chambre ; elle s’achève le 5 par l’installation définitive du Gouvernement provisoire » (Pierre-Ernest Pinard, Mon journal, Paris, E. Dentu, 1892, t. II, p. 87).

50 Plus que d’un scénario écrit à l’avance de concert entre les députés de Paris et les révolutionnaires parisiens, il est tout juste possible de parler d’une coalition opportuniste en vue du renversement du régime. Le rapport du député Saint-Marc de Girardin explique qu’il n’existe aucune preuve de préparatifs de coup contre le Corps législatif, ni par les opposants à l’Empire, ni du reste par le gouvernement impérial (rapport de Saint-Marc de Girardin, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. I, p. 26).

51 Comme le fait justement remarqué Louis Girard, il ne s’agit pas à proprement parler d’un siège mais plutôt d’un blocus (Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. II, p. 102).

52 Pétition du colonel et des officiers délégués aux membres du Gouvernement de la défense nationale, du 7 septembre 1870, citée par Havard, La guerre de 1870-1871. L’investissement de Paris, Paris, Libraire militaire, R. Chapelot et Cie, 1908, t. 1, p. 298, note 1.

53 À cette occasion, certains gardes ont l’idée opportune de faire fondre leurs anciens attributs distinctifs (boutons, plaques de ceinturons, shakos) pour les transformer en pièces de canons (François Cudet, op. cit., p. 112, repris dans Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 147).

54 Ainsi une partie de la gendarmerie maritime est appelée à Paris avec des régiments de marins (Léonce Rousset [commandant], Histoire générale de la guerre franco-allemande, Paris, À la librairie illustrée, 1895, t. 3, p. 64).

55 Indication fournie dans le rapport de Chaper sur la situation militaire, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. 1, p. 299. Il ne serait plus que 1 585 cavaliers, le 21 octobre 1870 (pièce justificative n o 3 : situation de l’armée de Paris le 21 octobre 1870, Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la défense nationale…, op. cit., t. 1, p. 373).

56 Le 13e corps est organisé par un décret du 13 août 1870 et le 14e par un décret du 31 août 1870.

57 Voir notre article, « La gendarmerie pendant le siège de Paris », RHA, no 243, 2006/2, p. 124-131.

58 Le décret du 1er mars 1854 portant règlement sur le service et l’organisation de la gendarmerie, précise dans son article 506 (chapitre v : Service de la gendarmerie aux armées) : « La gendarmerie n’est employée au service d’escorte et d’ordonnance que dans le cas de la plus absolue nécessité » (Mémorial, p. 84). Il semble bien qu’il y a eu un emploi abusif des gendarmes pour ces types de mission.

59 « Il eût peut-être mieux valu faire de ces corps d’élite une pépinière de bons sous-officiers dont l’absence, dans les corps de nouvelle formation, se faisait si péniblement sentir » (commandant Léonce Rousset, Histoire générale de la guerre franco-allemande, op. cit., t. 3, en note p. 67). Même idée chez Édouard Detaille (L’armée française…, op. cit., p. 205).

60 « art. 1. Les militaires en activité appartenant à la gendarmerie républicaine ou départementale et au régiment des sapeurs-pompiers qui ont antérieurement servi dans l’artillerie peuvent être appelés à concourir à la formation des nouvelles batteries qui s’organisent pour la défense de la capitale […] art. 3. Les uns et les autres resteront titulaires de leur grade […] et ils conserveront, en outre, dans leur position provisoire, la solde spéciale qui leur est actuellement affectée » (décret du Gouvernement de la défense nationale du 23 octobre 1870, Shat, Li 2).

61 1er corps d’armée : grand-prévôt : chef d’escadron Guillemard ; 1re division : N. [non], 2e division : prévôt : lieutenant Mabille ; 3e division : lieutenant Lacresse ; 2e corps d’armée, grand-prévôt : chef d’escadron Lamarche ; 1re division : capitaine Hurstel ; 2e division : N. ; 3e division : lieutenant Thomas ; 3e corps d’armée : infanterie : N. ; division de cavalerie : lieutenant Riffaut (informations tirées d’Alfred Duquet, Guerre de 1870-1871. Siège de Paris, t. VI, VII, VIII), Paris, E. Fasquelle, 1890-1912, t. VII, p. 374-385).

62 « J’ai l’honneur de vous informer que l’insuffisance des fusils chassepot, modèle cavalerie, n’a pas permis de compléter l’armement du 16e dragons qui fait partie de la division dont le commandement m’est confié. Il y a lieu de penser que quelques fusils, petit modèle, se trouvent entre les mains de la garde républicaine à pied. J’ai en conséquence l’honneur de vous proposer de faire livrer ces armes au 16e régiment de dragons et de donner en échange aux gardes républicains à pied le fusil chassepot, modèle d’infanterie » (lettre du général Bertin au général, commandant en chef la 3e armée, du 14 décembre 1870, Shat, Li 68, liasse : 3e armée, 2e formation, état-major général, division de cavalerie, général Bertin de Vaux, 3 novembre 1870-16 janvier 1871).

63 Journal de marche de la division de cavalerie de la 3e armée, Shat, Li 78.

64 « J’ai l’honneur de vous rendre compte que, hier, à 10 heures du soir, deux obus sont tombés dans la partie de la gare Montparnasse où sont placés les chevaux du détachement du 2e régiment de gendarmerie à cheval faisant le service auprès de M. le général Blanchard et que deux de ces chevaux ont été tués sur le coup » (lettre du lieutenant-colonel Blondel au général Bertin, commandant la division de cavalerie de la 3e armée, du 13 janvier 1871, Shat, Li 78, liasse : division de cavalerie).

65 Rappelons que les gendarmes sont propriétaires de leur cheval.

66 Louis Lèques, Histoire de la gendarmerie, Paris, Léautey, 1875, p. 137.

67 Jules Claretie, Paris assiégé. Tableaux et souvenirs, septembre 1870-janvier 1871, Paris, A. Lemerre, 1871, p. 43.

68 Ces deux mêmes casernes reçoivent des obus lors du bombardement allemand, qui dure de la fin décembre jusqu’au cessez-le-feu. Le 8 janvier 1871, huit obus sont tombés sur la caserne Tournon sans faire de victime (situation militaire du lieutenant-colonel Blondel pendant le siège de Paris, dossier Blondel, Shat, 6 Yf 4 639). Un obus a éclaté sans blesser personne à la caserne Mouffetard le 10 janvier à six heures du matin (rapport du général commandant la 1re division militaire au ministre de la Guerre, du 10 janvier 1871, Shat, G9 2).

69 Guillaume-Émile Cresson, op. cit., p. 108.

70 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, t. 2 : L’armistice et la Commune, opérations de l’armée de Paris et de l’armée de réserve, Paris, H. Plon, 1872, p. 13-15.

71 Jules Claretie, op. cit., p. 188-189.

72 Jules Favre, Gouvernement de la défense nationale, Paris, H. Plon, 1871-1875, t. 2, p. 358.

73 Éric Bonhomme, « Paris assiégé : le transfert des barricades », in La barricade, op. cit., p. 301.

74 La commission des barricades, instituée le 19 septembre 1870, avait réactivé ce procédé de la guerre des rues, mais il visait, alors, à combattre les Allemands. « À l’évidence, l’édification des barricades servit avant tout à canaliser l’agitation populaire ; lorsqu’elles furent terminées, le pouvoir peu soucieux qu’elles se retournent contre lui, découragea les efforts pour les rendre opérationnelles » (Éric Bonhomme, « Paris assiégé : le transfert des barricades », in La barricade, op. cit., p. 305).

75 Convention d’armistice, article 7 : « La garde nationale conservera ses armes ; elle sera chargée de la garde de Paris et du maintien de l’ordre. Il en sera de même de la gendarmerie et des troupes assimilées, employées dans le service municipal, telles que la garde républicaine, douaniers et pompiers ; la totalité de cette catégorie n’excédera pas 3 500. » Documents pour servir à l’histoire de la guerre de 1870-1871, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1871, t. 7, p. 92. Le général Valentin, ancien chef de corps de la garde, commande, avant d’être nommé préfet de police, une des brigades de la seule division (12 000 hommes) autorisée à Paris par la convention d’armistice.

76 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871…, op. cit., p. 226.

77 Dossier Gremelin, lieutenant-colonel commandant le régiment de gendarmerie à pied, Shat, 8 Yd 3 992.

78 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, op. cit., t. 2, p. 120.

79 À Paris même, les radicaux ne sont pas majoritaires.

80 Lettre de Cresson à Picard du 2 février 1871, BN, papiers d’Ernest Picard, N. A. fr. 24 370, fo 190.

81 Lettre de Cresson à Picard du 10 février 1871, BN, papiers d’Ernest Picard, N. A. fr. 24 370, f o 197.

82 Déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 212-216.

83 Rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 8.

84 Le commissaire Macé confirme, dans ses mémoires, qu’il fut témoin oculaire du lynchage du policier mais n’évoque pas sa fuite (Gustave Macé, La police parisienne. Le service de sûreté, par son ancien chef, Paris, G. Charpentier, 1884, p. 27).

85 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 223.

86 Philippe Riviale, op. cit., p. 229-230.

87 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 223.

88 Ibid.

89 Rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 11.

90 Déposition de Choppin, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 222.

91 Rapport du préfet de police du 5 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658, vol. I : rapports journaliers du préfet de police 28 février 1871-30 juin 1872 (450 fos).

92 Jean Delmas (dir.), Histoire militaire de la France de 1715 à 1871, op. cit., p. 566.

93 Souvenirs mars-mai 1871, p. 63, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

94 Rapport du préfet de police du 10 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.

95 Robert Tombs, La guerre contre Paris 1871, traduit de l’anglais par J. -P. Ricard, Paris, Aubier, 1997, p. 62.

96 Rapport du préfet de police du 11 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.

97 Déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 216.

98 Rapport du préfet de police du 16 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658.

99 Elle est vraisemblablement consignée depuis plusieurs jours.

100 Souvenirs mars-mai 1871, p. 58, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262 et Robert Tombs, La guerre contre Paris 1871, op. cit., p. 64.

101 On lira avec intérêt le portrait qu’en fait un fonctionnaire de la Préfecture de police (Albert Bizouard, Vingt ans de police. Souvenirs et anecdotes d’un ancien officier de paix, Paris, E. Dentu, 1881, p. 157-159).

102 Le 18 mars dans la soirée, une députation de maires d’arrondissement parisien propose, en signe d’apaisement, le remplacement de Valentin par Edmond Adam, plus populaire (Jules Favre, Gouvernement de la défense nationale, Paris, H. Plon, 1871-1875, t. III, p. 225).

103 Voir la déposition de Vinoy, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 216.

104 Joseph Chevalier, « Récit de 68 jours de captivité sous la Commune », cahier manuscrit, cellule historique de la garde républicaine, quartier des Célestins. Il existerait aux Archives nationales des « Mémoires d’un otage de la Commune de Paris », écrits par le maréchal des logis Vincelet.

105 Situation militaire de M. Pichon, lieutenant à la 2e légion de la garde républicaine depuis l’origine de la dernière guerre jusqu’à la fin de la lutte contre l’insurrection, du 16 août 1871, Shat, dossier Pichon, 5 Yf 51 532.

106 Rapport du capitaine de la garde républicaine Kluber au général Paturel sur la journée du 18 mars, Shat, Lu 7.

107 Souvenirs mars-mai 1871, dactylographié, 260 p. (recto + annexes), Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

108 Rapport du général Susbielle sur la journée du 18 mars 1871, Shat, Lu 7.

109 Shat, Li 126.

110 Souvenirs mars-mai 1871, p. 71, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

111 « Récit de 68 jours de captivité sous la Commune », op. cit.

112 Ibid.

113 Voir la photographie de ces canons, Georges Bourgin, op. cit., p. 162.

114 Copie du rapport de Vassal, commandant les gardiens de la paix en opération à Montmartre, le 18 mars 1871, fait à Versailles le 26 mars 1871, « Témoignages et dépositions divers relatifs à des faits de l’insurrection de la Commune (assassinat des généraux Lecomte et Clément Thomas, envahissement du ministère des Affaires étrangères) », ms. relié, n. p., Shat, Li 126.

115 Ibid. Susbielle parle de 178 canons (rapport du général Susbielle sur la journée du 18 mars 1871, Shat, Lu 7).

116 Rapport du général Paturel au général Susbielle sur la journée du 18 mars, du 21 mars 1871, Shat, Lu 7.

117 Le général Vinoy pense qu’il aurait fallu trois jours (rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur le 18 mars 1871, op. cit., p. 14).

118 Le général Lecomte, le commandant Poussargues (18e bataillon de chasseurs) et le capitaine Franck (18e bataillon) sont faits prisonniers et emmenés au Château-rouge où ils rejoignent le général Clément Thomas. Les deux généraux seront exécutés le même jour à quatre heures et demie de l’après-midi.

119 Rapport du général Paturel au général Susbielle sur la journée du 18 mars, du 21 mars 1871, Shat, Lu 7.

120 Situation militaire de M. Pichon, lieutenant à la 2e légion de la garde républicaine depuis l’origine de la dernière guerre jusqu’à la fin de la lutte contre l’insurrection, du 16 août 1871, Shat, dossier Pichon, 5 Yf 51 532.

121 Le fourrier Pelcat et une « dizaine de gardes » (Mémorial de la gendarmerie : Livre d’or…, op. cit., p. 256).

122 Souvenirs mars-mai 1871, p. 83, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

123 Paul Martine, Souvenirs d’un insurgé. La Commune de 1871, Paris, Librairie académique Perrin, 1971, p. 39-40.

124 Robert Tombs, La guerre contre Paris, op. cit., p. 56.

125 Lorsqu’on demande à Clemenceau, le 18 mars au soir, de se joindre à la réunion des maires à la mairie du IIe arrondissement, il répond : « Mais j’ai là dans ma cave cinquante gendarmes et gardiens de Paris qu’il faut sauver. Il y a des gens qui pourraient savoir qu’ils sont là, et alors qu’arriverait-il ? » (déposition du colonel Langlois, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 495).

126 Dans son rapport, Paturel parle de treize canons. Dans ses souvenirs, Susbielle dit qu’il y avait dix-sept.

127 Souvenirs mars-mai 1871, p. 77, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

128 Souvenirs mars-mai 1871, p. 93, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

129 Souvenirs mars-mai 1871, p. 101-102, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

130 Le rapport de Delpit assure que les chasseurs « hésitent et remettent trois fois leur sabre au fourreau ». Il ne parle pas de charge de gendarmes (rapport de Delpit, Enquête parlementaire sur le 18 mars, op. cit., p. 15). Le rapport du général Vinoy au ministre de la Guerre sur la journée 18 mars, du 23 mars 1871 (Shat, Li 120), ne fait aucune mention de l’action des gendarmes.

131 Rapports de Susbielle, Shat, Lu 7.

132 Souvenirs mars-mai 1871, p. 102, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262.

133 « Un officier de gendarmerie fut blessé à la jambe, et cinq de ses hommes légèrement blessés. Trois artilleurs pris sous les balles furent tués, et trois autres blessés » (Robert Tombs, La guerre contre Paris, op. cit., p. 76). Il y a sûrement des victimes du côté des civils.

134 Lettre du lieutenant-colonel commandant le 2e régiment de gendarmerie au général commandant en chef, du 24 mars 1871, Shat, Li 120. Il ajoute dans la même lettre : « Mes officiers désireraient qu’une rectification fût envoyée aux journaux. J’ai l’honneur, Mon général, de vous soumettre la question. Mais je crois pouvoir me permettre de leur donner dès à présent une première satisfaction en vous transmettant un duplicata du rapport que j’adressai le soir même à M. le général commandant la 1re division militaire, rapport qui aurait bien pu s’égarer au milieu des désordres de cette fatale journée et dont il est cependant juste qu’il reste des traces. » Nous n’avons pas trouvé ce rapport. Une lettre du même jour du général Gallifet, commandant la brigade de cavalerie, appuie les demandes du commandant du 2e régiment de gendarmerie à cheval.

135 Paul Martine, op. cit., p. 38.

136 Signalons que lors des affrontements qui ont lieu sur le boulevard, le maréchal des logis à la garde Adamy est blessé. Il mourra le 2 avril à l’hôpital Saint-Martin (Louis Féron et Alfred Rey, Livre d’or des morts…, op. cit., p. 200, et Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 157).

137 Situation militaire du chef d’escadron Denoyelle, déclaration du 16 septembre 1871, dossier Denoyelle, Shat, 5 Yf 93 925.

138 Robert Tombs, La guerre contre Paris, op. cit., p. 78.

139 Rapport du lieutenant-colonel du 42e régiment, Shat, Li 120.

140 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 158.

141 Rapport de l’officier responsable des deux bataillons du 110e de marche à la caserne du Prince-Eugène le 18 mars 1871, Shat, Li 120.

142 Rapport du colonel du 109e sur le 18 mars, Shat, Li 120.

143 Rapport du colonel Roblastre du 110e sur le 18 mars, Shat, Li 120.

144 Déposition de Le Flô, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 208.

145 Dépêche de Ferry à Valentin, du 18 mars à trois heures du soir, déposition de Ferry, Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, op. cit., p. 202.

146 La curiosité d’Edmond de Goncourt l’emmène, le 18 mars, à l’Hôtel de Ville, où il voit « au loin, sur les quais, dans un brouillard de poussière, des charges inoffensives de municipaux, […] des voyous donnent l’assaut, avec des cris, des huées, des pierres, aux deux casernes derrière l’Hôtel de Ville » (Edmond de Goncourt, Journal des Goncourt. Mémoires de la vie litéraire, Paris, G. Charpentier, 1887-1896, t. IV, p. 230).

147 Rapports des colonels du 110e et du 109e de marche sur la journée du 18 mars, au général Vinoy, Shat, Li 120.

148 Copie d’une lettre de Valentin à Cresson du 27 novembre 1874 dans une lettre de Cresson à Picard de novembre 1874, BN, papiers d’Ernest Picard, N. A. fr. 24 370, f o 698.

149 Albert Bizouard, op. cit., p. 162.

150 Joseph Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, op. cit., t. 2, p. 415, appendice xlix : ordre de mouvement du 18 mars 1871.

151 On trouvera la liste du personnel dans Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 162.

152 Situation militaire du chef d’escadron Denoyelle, déclaration du 16 septembre 1871, dossier Denoyelle, Shat, 5 Yf 93 925.

153 Ces gendarmes seront employés jusqu’au 1er mai, aux postes avancés près de la route de Paris à Versailles (dossier Gremelin, lieutenant-colonel commandant le régiment de gendarmerie à pied, Shat, 8 Yd 3 992).

154 Sur ces gendarmes départementaux lors de cette journée, on lira avec intérêt, le rapport au ministre de la Guerre du colonel Bouttier, commandant la 1re légion de gendarmerie, sur le 18 mars 1871, du 22 mars 1871 (Shat, dossier Bouttier, 8 Yd 3 944).

155 À noter également qu’un bataillon de la gendarmerie casernée au Louvre (Georges Bourgin, op. cit., p. 167) qui monte la garde aux Tuileries avec le 89e régiment de marche et le 119e régiment, ainsi que les escadrons de gendarmerie casernés au palais de l’Industrie, ne seront pas inquiétés lors de cette journée.

156 « Dans la même séance [du 4 mars au café de Mulhouse], un orateur, en annonçant que le poste de la prison Mazas est occupé par la gendarmerie [en réalité la garde] dit que c’est un affront fait à l’arrondissement. L’on décide qu’au jour prochain, on ira s’emparer de ce poste, en forces et avec fusils chargés » (rapport du préfet de police au général commandant en chef l’armée de Paris et de la garde nationale de la Seine, du 13 mars 1871, BN, N. A. fr. 20 658).

157 Louis Féron et Alfred Rey, Livre d’or des morts…, op. cit., p. 213 et Mémorial de la gendarmerie : Livre d’or…, op. cit., p. 259-260. On signale la présence, dans le cimetière de Belleville, d’un monument aux gardes et gendarmes morts lors de la Commune.

158 Lettre anonyme du 6 septembre [1871, 1872 ou 1873], Shat, dossier Allavène, 8 Yd 4 009.

159 Lettre du général d’Argentolle, inspecteur général du 1er arrondissement de gendarmerie pour 1873 au ministre de la Guerre, du 7 octobre 1873, Shat, dossier Allavène, 8 Yd 4 009.

160 Le lieutenant Pichon est issu du 24e régiment d’infanterie. Il est nommé le 23 juillet 1870 pour entrer dans la garde de Paris. Il arrive à Paris, le 2 août. Du 8 octobre au 14 décembre 1870, il est détaché au régiment de gendarmerie à pied, puis il retourne dans la garde.

161 Son récit se trouve dans son dossier personnel au Shat (5 Yf 51 532).

162 Avis du général commandant la 1re subdivision de la 1re division militaire, situation militaire de M. Pichon, lieutenant à la 2e légion de la garde républicaine depuis l’origine de la dernière guerre jusqu’à la fin de la lutte contre l’insurrection, du 16 août 1871, Shat, dossier Pichon, 5 Yf 51 532.

163 Lettre de Piquot (supplémentaire à sa narration) au général de division, directeur du personnel au ministère de la Guerre, du 31 janvier 1871, Shat, dossier Piquot, 5 Yf 81 336.

164 Note du colonel de la garde de Paris pour l’inspection individuelle de Piquot de 1871, citée dans une note du ministère de la Guerre du 18 février 1872, Shat, dossier Piquot, 5 Yf 81 336.

165 Rapport fait au ministre par la 2e direction Justice et gendarmerie du 3 septembre 1879, Shat, dossier Piquot, 5 Yf 81 336.

166 Dossier Piquot, Shat, 5 Yf 81 336.

167 Lettre d’Allavène au général Vinoy, du 6 mai 1871, Shat, Li 123. Le lieutenant-colonel Grémelin, commandant le régiment de gendarmerie à pied, écrit directement au président de la République le 21 avril 1871 pour demander des récompenses pour lui et ses gendarmes. Cette démarche est qualifiée d’insolente par le ministre de la Guerre outré qui estime que la gendarmerie a déjà été très récompensée (Shat, Li 123).

168 Jacques Rougerie, Paris libre, op. cit., p. 100.

169 Stéphane Rials, op. cit., note 3, p. 250.

170 Georges Bourgin, op. cit., p. 174.

171 Philippe Riviale, op. cit., p. 240.

172 Pour une présentation simple et précise de toutes les troupes à Paris, voir Georges Bourgin, op. cit., p. 164-167.

173 Garnier-Pagès explique très justement que : « La guerre dans Paris est donc une question de politique beaucoup plus qu’une question de stratégie : l’état de Paris doit décider s’il est mieux de disséminer les troupes ou de les concentrer. Et autant c’est une faute grave de laisser croître, par le retrait conjuré des troupes, une insurrection que l’on aurait pu réprimer à son début, autant c’est un acte insensé d’éparpiller ses forces sur un espace qu’elles n’ont point la puissance d’embrasser et d’étreindre » (Louis-Antoine Garnier-pagès, Histoire de la Révolution de 1848, op. cit., t. I, p. 278).

174 Philippe Riviale, op. cit., p. 152.

175 Ibid., p. 273.

176 Ibid., p. 233-273. Voir également la synthèse des explications du 18 mars et le point de vue éclairant de Stéphane Rials, op. cit., p. 234-243.

177 Déposition de Thiers, Enquête sur l’insurrection du 18 mars, op. cit., p. 175.

178 Le général Susbielle, commandant la 2e division de l’armée de Paris, précise que cette manœuvre « s’appuyait sur le souvenir de Barras, décidé à retirer ses troupes de Paris, pour les concentrer sur les hauteurs de Meudon, dans le cas où le coup d’État du 9 thermidor eut échoué devant la popularité de Robespierre [et] sur l’exemple plus récent du maréchal de Windischgraetz à Vienne [en 1848]… » (Souvenirs mars-mai 1871 du général de Susbielle, p. 107, Shat, fonds Susbielle, 1 K 262).

179 Hervé Robert, « Paris et la guerre au XIXe siècle », op. cit., p. 177.

180 Il convient de remarquer qu’à l’exception du mont Valérien, il n’existe pas de forts « protégeant » l’ouest de Paris.

181 Robert Tombs, op. cit., p. 67.

182 Sur l’état d’esprit qui règne dans l’armée : Jean-Claude Freiermuth, « L’armée et l’ordre en 1870-1871 : le cas Vinoy », in Maintien de l’ordre et polices en France et en Europe au XIXe siècle, op. cit., p. 41-52.

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