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Musiciennes en duo

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Sylvie Granger
, 
Caroline Giron-Panel
, 
Raphaëlle Legrand
, 
et al.

Troisième partie. Les duos face à la société : de la nécessité au choix

Compositrices et mariées au XIXe siècle : quatre itinéraires positifs

Florence Launay

Résumé

Louise Farrenc, Loïsa Puget, Clémence de Grandval et Marie Jaëll : quatre compositrices du XIXe siècle qui non seulement ont pu, grâce un entourage familial favorable, développer leurs talents musicaux puis acquérir un statut de compositrices professionnelles reconnues par le public et leurs pairs, mais ont aussi rencontré dans leurs époux, respectivement flûtiste et éditeur, auteur dramatique, mélomane, et pianiste virtuose, des soutiens sans faille à leurs ambitions professionnelles. Les vies des quatre couples sont examinées tour à tour sous les angles de l’accès des épouses à des études approfondies de composition après le mariage, les réalisations artistiques communes, les enfants, et les aspects matériels de la vie de couple, révélant l’engagement des époux dans des relations d’égalité d’une grande modernité.

Texte intégral

1Parmi les compositrices françaises identifiées comme actives entre 1789 et 1914 à un niveau professionnel (voir figure no 1, en annexe), la majorité ont été mariées. Si l’on ne sait encore que peu de choses de la plupart de ces unions, quatre d’entre elles ont été notoirement heureuses, dont trois enrichies de surcroît par la collaboration artistique entre les époux : celles de Louise et Aristide Farrenc, Loïsa Puget et Gustave Lemoine, Clémence et Charles de Grandval et Marie et Alfred Jaëll.

2Pourquoi s’attarder ainsi sur un élément biographique d’ordre privé dont on pourrait juger qu’il est faiblement pertinent en regard d’une carrière artistique ? Ce serait méconnaître l’importance extrême que prend au XIXe siècle le mariage comme seul objectif de vie des femmes, une obsession reflétée à l’envi dans la littérature sentimentale jusque bien avant dans le XXe siècle. En 1809, Julie Candeille, qui nous intéresse particulièrement puisqu’elle fut autant autrice que compositrice, publie un roman au titre révélateur, Lydie ou les Mariages Manqués. À l’autre bout du siècle, la baronne Staffe se fera la chantre de la « femme au foyer », devenue l’idéal des femmes de tous milieux. Ainsi s’ouvre son ouvrage La Maîtresse de maison, par une préface qu’elle sous-titre sans hésiter « Le Royaume de la femme » :

  • 1 Baronne Staffe, La Maîtresse de maison, Paris, Victor-Havard, 1892, p. 2.

« S’il est une royauté enviable pour la femme, c’est celle qu’elle exerce à l’intérieur de sa maison. Si elle doit ambitionner une puissance, c’est celle de rendre heureux ceux qui lui sont chers, ceux à qui elle est chère. […] Donner du bonheur doit être le but que la femme se propose, c’est la plus haute expression de sa destinée. Et c’est le seul moyen qu’elle ait d’être heureuse. Qu’elle ne croie pas atteindre jamais à la félicité par les tristes joies que procure l’orgueil. Oh ! Que peu de choses sont l’admiration banale de la foule, la louange souvent mensongère des indifférents, les triomphes de la vanité1. »

  • 2 Launay Florence, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref histor (...)

3Les musiciennes qui, au XIXe siècle, ont déjà derrière elles une longue histoire d’activités professionnelles, jusqu’aux postes de prestige2, sont nécessairement visées par la réprobation de la baronne à l’égard des femmes ambitieuses. La pratique musicale féminine est encouragée si elle se limite aux arts d’agrément dans un cadre amateur et domestique ; les talents ainsi exposés peuvent justement favoriser la réalisation du « beau mariage » tant souhaité. À l’inverse, les compositrices qui, par leur musique, prennent la parole sur la place publique, un lieu réservé aux hommes, seront assimilées vers la fin du siècle aux féministes, à ces femmes qui refusent leur « nature », quand bien même peu d’entre elles ont témoigné d’un esprit revendicateur. « Tante Marguerite », dans un ouvrage intitulé La Femme qui réussit, Professions féminines, s’exprime vers 1900 sur la nécessaire mentalité altruiste des travailleuses :

  • 3 Tante Marguerite, La Femme qui réussit. Professions féminines, Paris, Albin-Michel, s. d. [ca 1900 (...)

« Pensons et proclamons que la femme doit, avant tout, rester au Foyer. C’est parfait. Mais encore faut-il qu’elle en ait un. Il suffit que le travail féminin, quel qu’il soit, n’ait pas, comme élément inspirateur, la tendance maladive vers le féminisme. Qu’il soit une contribution à l’œuvre familiale lorsque la famille se constitue ; un élément d’indépendance et de dignité d’existence, lorsqu’elle ne se constitue pas. Mais jamais un dissolvant, un facteur capable d’éloigner la femme de ses fonctions naturelles, normales, fonctions dans l’heureux accomplissement desquelles elle trouvera toujours les meilleures chances de satisfaction, d’estime des autres et d’estime de soi-même3. »

4On comprend donc que certaines compositrices aient perçu qu’il y avait là un choix exclusif : famille ou carrière. Nadia Boulanger, Henriette Renié et Cécile Chaminade, notamment, n’en ont pas fait mystère. Les deux premières sont restées célibataires. Cécile Chaminade se maria tardivement, un mariage clairement de convenance. Une interview qu’elle donna lors de sa tournée aux USA en 1908 met en lumière l’absurdité de la situation des femmes au talent créateur :

  • 4 The New York Herald, 15 novembre 1908, p. 9-10, cité en traduction française par Tardif Cécile, Por (...)

« – Demandez-lui si elle préférerait être compositeur ou femme ?
– Compositeur. Il y a quelque chose à propos de son art à soi, de son œuvre, de l’art pour l’art, à propos des chagrins et des joies qui viennent d’une vie vouée à l’art, qu’aucune autre forme de vie ne peut approcher. […] Entre être une mère et être une artiste, je préfère être une artiste.
– Trouvez-vous qu’il soit difficile d’être les deux ?
– Cela dépend. Le mariage doit s’adapter à la carrière. Quand il s’agit d’un homme, tout cela est entendu et prévu. Mais s’il s’agit d’une femme, cela dérange les normes, les conventions, les accommodements habituels, et de façon générale, cela détruit l’art de la femme. Bien que j’aie été mariée et que je sois veuve aujourd’hui, je crois qu’il est difficile de concilier vie domestique et vie artistique. Une femme devrait choisir l’une ou l’autre4. »

  • 5 Pour plus de précisions, voir Launay Florence, « Les alliés des compositrices françaises du XIXe s (...)

5Les quatre compositrices qui vont être évoquées ici n’ont pas eu à faire ce choix. Elles ont épousé des hommes qui ont non seulement admis les ambitions créatrices de leur épouse, mais les ont même favorisées en y participant ou en les promouvant. Aristide Farrenc (1794-1865), Gustave Lemoine (1802-1885), Charles de Grandval (1813-1886) et Alfred Jaëll (1832-1882) font partie, dans le domaine privé, des « alliés » des compositrices françaises du xixe siècle5. Ils ont encouragé les études approfondies de composition que leurs épouses ont entreprises à l’âge adulte, ont conduit avec elles des collaborations artistiques, se sont impliqués dans l’éducation des enfants et ont partagé les apports matériels de la vie du couple, des attitudes d’une étonnante modernité.

Les études de composition

  • 6 Fétis François-Joseph, Biographie universelle des musiciens, Paris, Firmin-Didot, 1884, reprint Par (...)
  • 7 Sand George, Histoire de ma vie, Œuvres autobiographiques, Paris, Gallimard, 1970-1971, t. II, p.  (...)
  • 8 A Dictionary of Music and Musicians, Londres, Macmillan and Co. Ltd, 1900, vol. III, p. 45.

6Louise Farrenc (1804-1875), née Louise Dumont, qui avait étudié le piano dès l’enfance en cours privés, prit à l’adolescence des cours d’harmonie avec le compositeur Anton Reicha, professeur de contrepoint au Conservatoire de Paris. Après son mariage en 1821, à l’âge de 17 ans, avec le flûtiste, compositeur et éditeur Aristide Farrenc, elle « doubla son cours d’harmonie avec son maître Antoine Reicha, et apprit de lui le contrepoint, la fugue et l’instrumentation », d’après François-Joseph Fétis qui connut bien le couple6. Loïsa Puget (1810-1889) se forma auprès de sa mère, cantatrice : c’est une éducation musicale par l’exemple, typique des enfants de musiciens. George Sand qui l’a connue enfant a témoigné de ses talents et de son apprentissage un peu erratique7. Elle se maria tard, en 1845, à l’âge de trente-cinq ans, avec son poète de toujours, Gustave Lemoine. Si son éducation musicale avait largement suffi à la production de ses romances à succès, qu’elle publia à partir de 1830, on sait qu’elle travailla l’orchestration avec le compositeur Adolphe Adam8, un approfondissement de ses capacités très certainement lié à la composition en 1836 de son opéra-comique Le Mauvais Œil, dont Gustave Lemoine avait écrit le livret en collaboration avec Eugène Scribe.

  • 9 Fétis F.-J., Biographie universelle des musiciens, op. cit., t. 5, p. 436.
  • 10 Ingelaere Marie-Laure, « Marie Jaëll, concertiste-compositrice », Revue d’Alsace, no 125, 1999, p.  (...)

7Clémence de Grandval (1828-1907), née Clémence de Reiset, fut formée à la musique durant son enfance et son adolescence par des cours privés, avec notamment Frédéric Chopin pour le piano et le compositeur allemand Friedrich von Flotow pour la composition. C’est après son mariage en 1851, à l’âge de vingt-trois ans, qu’elle reprit des études de composition, cette fois avec Camille Saint-Saëns9. Ce dernier se chargea également des études de composition de Marie Jaëll (1846-1925). Pianiste prodige, formée en cours privés puis au Conservatoire de Paris, Marie Trautmann épouse en 1866, à presque vingt ans, le célèbre pianiste Alfred Jaëll. Elle débute en 1870 des études de composition avec César Franck, puis se tourne dès 1871 vers Camille Saint-Saëns, pour une formation de longue durée dont leur correspondance témoigne et qui continuera après la disparition d’Alfred Jaëll en 188210.

Les collaborations artistiques

  • 11 Friedland Bea, Louise Farrenc, 1804-1875, Composer, Performer, Scholar, Ann Arbor, UMI Research Pr (...)
  • 12 Plusieurs femmes pianistes ont ainsi publié des œuvres en collaboration avec des virtuoses, voir L (...)
  • 13 Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 45-46
  • 14 Ibid., p. 57-74 ; Heitmann Christin, Die Orchester und Kammermusik von Louise Farrenc, Wilhelmshave (...)

8C’est justement en jouant ensemble, Louise Dumont au piano et Aristide Farrenc à la flûte, lors des concerts plus ou moins formels qui se donnaient à la colonie d’artistes de la Sorbonne qui hébergeait la famille de la musicienne, que les jeunes gens se plurent11, ce qui souligne la profonde communion intellectuelle et sensitive que peut signifier le « faire de la musique ensemble » réussi. À cette époque, Aristide Farrenc a encore quelque ambition comme compositeur pour son instrument. Les deux musiciens écrivent alors ensemble des pièces pour flûte et piano, dans la tradition d’alors, où deux virtuoses s’associent pour des morceaux en variations sur des thèmes connus12. Louise continue seule la composition. Son époux développe son entreprise d’édition musicale, et devient de surcroît l’éditeur de sa femme. Sa correspondance révèle son souci de promouvoir ses œuvres. Il crée même, en 1852, une Société Symphonique, dont les buts sont de faire connaître des œuvres de compositeurs contemporains (dont son épouse), ainsi que des œuvres peu connues de compositeurs du passé ; son existence fut malheureusement brève. Aristide Farrenc tente aussi, mais sans succès, lors d’un voyage en Allemagne en 1856, de faire jouer les symphonies de Louise à Leipzig et à Francfort13. Un très important projet commun du couple, à partir de la fin des années 1850, fut l’édition du Trésor des pianistes, une anthologie pionnière d’œuvres de claviéristes du XVIe au XIXe siècle née de la passion de collectionneur d’Aristide et de l’intérêt de Louise pour l’interprétation des musiques du passé. Elle parut en vingt volumes à partir de 1861, accompagnée de concerts pour faire connaître les œuvres. Après le décès d’Aristide en 1865, Louise publia encore, seule, onze volumes14.

  • 15 Launay F., Les Compositrices en France, op. cit., p. 388-389.
  • 16 Blanchard Henri, « La Bonne Providence, de Mlle Loïsa Puget », Revue et Gazette musicale de Paris,(...)

9Loïsa Puget et Gustave Lemoine partageront quant à eux le succès public, puisque Gustave Lemoine est l’auteur de la majorité des poèmes des plus de trois cent romances que la compositrice aurait publiées. De plus, outre l’ouvrage lyrique évoqué plus haut, Le Mauvais Œil, créé au Théâtre de l’Opéra-Comique en 1836, les deux époux conçurent ensemble une autre œuvre lyrique, une opérette intitulée La Veilleuse ou les Nuits de Milady, qui marqua leur retour à la vie musicale parisienne, en 1869, après une longue éclipse15. Si ces deux ouvrages ne connurent pas de succès durable, le couple fut présent au théâtre par ses romances, reprises à l’envi dans les théâtres de vaudevilles. Gustave Lemoine exploita même le succès d’une romance publiée en 1835, À la grâce de Dieu, en écrivant avec son collègue Adolphe d’Ennery un drame en cinq actes intitulé La Grâce de Dieu, créé à Paris le 16 janvier 1841, qui fut un succès tout au long du XIXe siècle et inspira à son tour Gaetano Rossi, le librettiste de Linda di Chamounix (1842), opéra de Gaetano Donizetti. La romance célèbre était bien entendu chantée au cours du spectacle, comme une autre romance à succès du couple, La Dot d’Auvergne, dont le critique Henri Blanchard rapporte : « […] cette même chansonnette vient d’être chantée deux cent vingt fois de suite au théâtre de la Gaieté dans une pièce intitulée : À la Grâce de Dieu, qui a été faite sur une romance touchante de Mademoiselle Puget portant le même titre16 ».

  • 17 Lettre à Pauline Viardot, château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.
  • 18 Collection particulière. Je remercie Caroline Hedengren pour ces informations.

10Le couple Grandval symbolise pour sa part l’union d’une musicienne avec un mélomane. Charles de Grandval était officier, et si l’on sait de lui peu de choses, ses origines sociales laissent sans peine imaginer qu’il avait reçu l’éducation musicale poussée habituelle aux jeunes gens de son milieu, ce qui devait le mettre à même de comprendre et d’encourager le talent créatif de son épouse. Une lettre de celle-ci à son amie la compositrice et cantatrice Pauline Viardot donne un éclairage très émouvant sur le soutien que son mari a pu lui apporter. Elle est clairement une réponse à une lettre de condoléances après le décès de Charles : « Ma vie est brisée, c’est tout ce que je puis vous dire : l’ami que j’ai perdu m’était dévoué comme jamais personne ne le sera désormais17. » La correspondance entre Clémence de Grandval et son éditeur Heugel donne des exemples de ce dévouement, que l’on peut rapprocher d’un rôle de secrétaire : l’on y voit Charles de Grandval se charger de correspondre avec un imprésario ou de rassembler d’éventuelles critiques parues dans la presse musicale18. Ce soutien moral et matériel peut expliquer le fait que Clémence de Grandval ait beaucoup composé, un cas rare parmi les compositrices françaises du XIXe siècle.

  • 19 Ingelaere Marie-Laure, « Alfred Jaëll, ami de Brahms et de Liszt : un pionnier », L. Hurpeau (dir. (...)
  • 20 Revue et gazette musicale de Paris, no 9, 4 mars 1877, p. 70.

11Enfin, pour le couple Jaëll, la collaboration artistique est d’abord celle de deux pianistes à la carrière internationale. Déjà très célèbre, Alfred Jaëll est sollicité en 1865 par la jeune Marie Trautmann pour des conseils. Ils se marient l’année suivante et dès lors se produisent fréquemment dans les mêmes concerts lors de tournées dans toute l’Europe, et parfois à quatre mains (Valses, op. 39 de Johannes Brahms), ou à deux pianos (Concerto en do majeur de Johann Sebastian Bach, Concerto pathétique de Franz Liszt, Variations, op. 35 de Camille Saint-Saëns, Variations, op. 46 de Robert Schumann, Concerto de Joachim Raff)19. La correspondance d’Alfred Jaëll avec Franz Liszt atteste qu’il apporta beaucoup d’encouragements à son épouse lorsqu’elle commença à s’intéresser à la composition (lui-même était compositeur, dans le genre de la musique « de salon »). Ils interprétèrent à plusieurs reprises en concert les Valses, op. 8, de Marie. On sait aussi qu’Alfred Jaëll joua l’Andante et le Scherzo de son Quatuor avec piano lors d’une tournée dans le Nord de la France en 187720. À la mort de son époux, en 1882, Marie Jaëll a déjà composé la moitié de son œuvre. Pourtant, un mystère subsiste, car elle écrivit en 1878 à son ami Édouard Schuré :

  • 21 Klipffel Thérèse, « Biographie », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll…, op. cit., p. 16.

« À la femme, qu’elle soit douée ou non, l’homme prend à peu près toutes les choses dont il tire ses forces pour produire. Il lui prend la vie. Combien de fois me suis-je vue sombrer avec tous mes rêves dans ce seul fait. L’union de deux êtres peut, certes, être belle, splendide, merveilleuse ; mais, […] la femme doit-elle toujours succomber et faire le choix entre les ailes du corps et celles de l’âme, sacrifier les unes aux autres ? Ne peut-elle garder quatre ailes ? C’est un mystère dont j’ai voulu voir la fin ; le rêve était-il trop téméraire21 ? »

  • 22 Launay F. et Pasler J., « Le Maître and the“Strange Woman,” Marie Jaëll… », op. cit., p. 93-95.

12Écrivit-elle ceci dans un de ces moments d’exaltation dont sa correspondance donne maints exemples ? Le quasi arrêt de la composition se situera vers 1894, et semble lié aux opinions critiques que Camille Saint-Saëns aurait donné de ses nouvelles œuvres, à la grande originalité, notamment ses monumentales Pièces pour piano22.

Des enfants ?

  • 23 Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 184-188.
  • 24 Heitmann C., Die Orchester und Kammermusik…, op. cit., p. 45-47.
  • 25 Paris, BnF : fonds Fétis, Lettre du 3/4 janvier 1862, p. 384 recto, citée par Heitmann C., Die Orc (...)
  • 26 Paris, BnF : fonds Fétis, Lettre du 11 avril 1863, p. 415 recto.

13Le couple Jaëll est resté sans enfants. Louise Farrenc a vingt-deux ans lorsque naît Victorine, le 25 février 1826, enfant unique du couple. Cette naissance semble avoir ralenti jusqu’en 1830 les activités de composition de Louise, et elle donne aussi moins de concerts23. Dès l’âge de cinq ans et demi, Victorine devient élève de sa mère pour le piano et la suit au Conservatoire quand celle-ci y est nommée professeur en 1842. Elle obtient en 1844 un premier prix de piano et entame une carrière de concertiste et de compositrice, un cas rare de transmission des activités de composition de mère en fille, que l’on retrouvera, vers 1870, chez Pauline Viardot et sa fille aînée Louise Héritte-Viardot. Mais la mauvaise santé de Victorine Farrenc l’éloigne dès 1846 des salles de concert, et elle meurt en 1859, après des années d’invalidité24. Cette disparition sonne pratiquement le glas des activités de composition de Louise. Aristide écrit à François-Joseph Fétis en 1862 : « Aujourd’hui 3 janvier est l’anniversaire de la mort de notre chère Victorine : nous sommes bien tristes. Ma femme a demandé un congé au Conservatoire, car le vendredi est un de ses jours de classe ; elle n’a point donné de leçons chez elle ; le piano est resté muet25. » Et, informé du succès à Bruxelles, en 1863, de la Troisième Symphonie (1847) de Louise, il répond au même François-Joseph Fétis, qui avait dirigé l’œuvre : « […] hélas les belles années sont passées et le peu [de] temps que ma femme n’emploie pas à donner des leçons est consacré au Trésor des pianistes26 ! »

  • 27 « Obsèques de Loïsa Puget », L’Indépendant des Basses-Pyrénées, 18 octobre 1889.
  • 28 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 176 (9), 12 janvier 1853.
  • 29 « Nécrologie. – Loïsa Puget. », L’Indépendant des Basses-Pyrénées, 17 octobre 1889.

14La date de naissance d’Henri Puget-Lemoine, lui aussi enfant unique, est pour le moment inconnue, mais il est plus que probable qu’il est né après le mariage de ses parents, célébré le 6 novembre 1845, à Pau. Le pianiste et compositeur Paul Fournier, qui fut élève de Loïsa, précise dans son éloge funèbre : « Venue à Pau en 1846 [sic], elle épousa son illustre collaborateur Gustave Lemoine et abandonne sa glorieuse carrière pour se consacrer entièrement à la vie de famille. […] Dieu a voulu lui donner la dou[c]eur suprême de la présence de son fils à ses derniers moments, de ce fils modèle, si religieusement adoré et élevé par elle, et dans l’éducation duquel son mari restait encore son fidèle et heureux collaborateur27. » Une lettre de Loïsa Puget (qu’elle signe « L. Lemoine ») à la marraine de son fils, Fanny, témoigne de la passion du couple pour son enfant : « Henri avance bien doucement dans ses études ; il est vrai que nous ne le tourmentons guère. Pendant leur grande promenade de Bagnères, son père lui a appris plusieurs fables ; il les dit à merveille ; il les comprend et y met l’intonation et les gestes les plus comiques ; il appelle cela : réciter en comédie28. » Les commentateurs soulignent que Henri Puget-Lemoine ne suivit pas les voies artistiques de ses parents : à l’époque du décès de sa mère, en 1889, il était receveur particulier des finances à Bagnères-de-Bigorre29.

  • 30 Je remercie Jacques d’Arjuzon pour ces renseignements.

15Quant à Clémence de Grandval, on sait qu’elle mit au monde deux filles, peu après son mariage. Adélaïde-Marie-Thérèse naquit en 1852 à Paris et Isabelle-Antoinette-Jeanne en 1853 à Saint-Rémy-des-Monts dans la Sarthe, là où Clémence de Reiset était elle-même née en 182830. Cette deuxième enfant a dû décéder très tôt, plus aucune trace de son existence n’étant décelable après cette date. Clémence de Grandval vivait dans un milieu et à une époque où les mères n’étaient pas censées s’occuper de leurs enfants. Elle put donc se consacrer à son œuvre et put probablement aussi déléguer ses tâches de maîtresse de maison. Sa fille Thérèse de Grandval épousa en 1876 Charles-Antoine Marochetti, fils du célèbre sculpteur Carlo Marochetti. Elle accueillit sa mère, veuve en 1886, au Château de Vaux-sur-Seine. Clémence de Grandval dit notamment dans la lettre à Pauline Viardot citée plus haut, écrite de Vaux :

  • 31 Pauline Viardot avait perdu en 1883 son mari, Louis Viardot, et son ami l’écrivain russe Ivan Tour (...)
  • 32 Lettre à Pauline Viardot, Château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.

« J’ai une adorable fille : mais nous le disions vous et moi à l’époque de vos malheurs31, chacun a sa place et les enfants ne peuvent combler celle du vieux compagnon de la vie. Oui, je tache de me remettre au travail. Mais en face de ce grand opéra auquel je travaillais avec tant d’entrain, [illisible] que le découragement [illisible] assez de ne pas faire peser sur les miens ma mortelle tristesse32. »

  • 33 Launay F., Les Compositrices en France…, op. cit., p. 436-441.

16Le soutien de sa famille peut avoir contribué au fait que Clémence de Grandval, après une période de découragement, resta prolifique après la disparition de son époux, avec notamment la composition de son opéra en cinq actes Mazeppa, créé avec succès à Bordeaux en 189233.

Gagner sa vie en couple ?

  • 34 Le catalogue de la vente montre l’extraordinaire richesse de cette collection : Catalogue de la bi (...)
  • 35 Si le testament de Charles-Jean Chartier stipulait 700 francs, le prix fut ramené à 500 francs par (...)
  • 36 Guide pour le choix d’un état ou Dictionnaire des professions, Paris, Librairie Veuve Lenormant, 18 (...)
  • 37 Paris, Archives de la Seine : D.Q. 7. 10674, cité par Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 6 (...)
  • 38 Paris, Archives de la Seine : D.Q. 7. 12367, Déclaration de la succession no 1201, p. 80 verso, ci (...)

17Chez les Farrenc, on assiste au début de la vie du couple à un partage de la recherche des moyens de subsistance. Louise enseigne et donne des concerts, Aristide dirige sa maison d’édition. Dès 1837, il la dissout pour se consacrer à sa collection de manuscrits et d’éditions musicales anciennes34. On peut considérer qu’à partir de cette époque Louise est seule à assumer la vie matérielle de la famille. Elle devient en 1841-1842 maîtresse de piano du duc d’Orléans, puis, de 1842 à 1873, professeure de piano au Conservatoire de Paris. Si certaines de ses pièces pour piano, destinées aux amateurs et publiées par son époux, ont pu constituer une source de revenus, si elle obtint à deux reprises, en 1861 et 1869, le Prix Chartier de 500 francs35 décerné par l’Académie des beaux-arts, c’est l’enseignement qui a essentiellement fait vivre Louise Farrenc et sa famille : au Conservatoire, elle reçoit un salaire annuel de départ de 1 000 francs, qui atteindra par augmentations successives 2 000 francs – le salaire maximum des professeurs d’instrument – peu avant sa retraite. Ce revenu modeste est complété par les leçons privées, qui pouvaient être lucratives grâce à la réputation que donnait le fait d’être professeur au Conservatoire. Le Guide pour le choix d’un état signale en effet : « Dans les grandes villes, le nombre de professeurs de musique libres ou au cachet qui gagnent 5 000 à 6 000 francs est considérable : on en cite quelques-uns qui se font un revenu de 15 000 à 20 000 francs par an36. » Outre la disparition de Victorine qui a constitué un arrêt moral, cette situation a pu aussi contribuer au fait que Louise Farrenc a cessé de composer, les leçons de musique étant une activité chronophage. Elle laisse un corpus réduit, notamment lorsqu’on le compare à celui de ses contemporains de statut semblable dans la vie musicale française, Henri Reber et George Onslow. Le milieu de moyenne bourgeoisie auquel appartient le couple laisse aussi supposer que Louise devait assumer certaines charges domestiques ou du moins leur supervision. À la mort de son mari en 1865, elle hérite de 4 000 francs en argent comptant et biens mobiliers37. Elle vend la presque totalité de la remarquable collection de son époux, et peut ainsi continuer à publier, avec succès, le Trésor des pianistes. À sa retraite du Conservatoire, en 1873, elle ne pouvait compter que sur une petite pension. À sa mort le 15 septembre 1875, le total de la succession s’élevait à 2 346 francs et 70 centimes38.

  • 39 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 176 (9), 12 janvier 1853. Les mots ic (...)
  • 40 J.-A. Delaire écrit en 1845 que les éditeurs : « paient 500 francs une romance et jusqu’à 6 000,00 (...)
  • 41 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 168, s. d.
  • 42 Sand George, Correspondance, G. Lubin (éd.), Paris, Garnier, 1964, t. I, p. 435-459.
  • 43 SACD : Dossier Loïsa Puget.

18Le couple Puget-Lemoine eut une vie difficile. La lettre de 1853 à Fanny, la marraine d’Henri, citée plus haut, contient une phrase sans ambigüité : « Lorsqu’on n’a pas même de quoi vivre à Pau, on ne peut penser au voyage de Paris39. » Il est vrai que comme « romanciers », le couple était déjà presque passé de mode (son dernier Album de romances date de cette époque). Il ne gagnait rien de l’utilisation intensive de ses romances par les théâtres de vaudevilles puisque la SACEM en était alors à ses tout débuts. Les ouvrages de Gustave Lemoine n’obtenaient peut-être alors qu’un succès ponctuel (la même lettre mentionne l’espoir que « Le Fils de Famille ne terminera pas de sitôt sa brillante carrière ; un pareil succès doit durer trois mois »). Loïsa Puget donnait-elle déjà les leçons de musique dont parlent ses nécrologies ? Il est en tout cas certain que le prix des leçons de musique à Pau était bien inférieur à celui de Paris. Autre supposition : la compositrice signale à son amie Fanny, à deux reprises, des inquiétudes au sujet de l’action du climat sur les récoltes, (« Janvier sera sans doute, aussi beau que Décembre à moins que la glace et la neige n’arrivent, ce qui serait très bon pour la terre, mais fort mauvais pour le théâtre […]. Les brouillards du matin et du soir suffisent pour tout mouiller ; il fait très doux et cela fait craindre pour les récoltes, car il faut que l’hiver arrive tôt ou tard. »). Cela peut laisser penser que le couple avait entrepris une reconversion en propriétaire terrien et éprouvait des difficultés. Auparavant, Loïsa Puget et Gustave Lemoine avaient connu le succès et certainement des années fastes. La compositrice pouvait négocier jusqu’à 12 000 francs un album auprès de son éditeur Meissonnier à l’époque de sa gloire, vers 184040. Elle se faisait payer 200 francs pour une courte participation à une soirée privée41, où elle s’accompagnait elle-même, et enchaîna pendant plusieurs années des tournées dans toute la France. Ses adresses parisiennes successives témoignent d’une aisance croissante. Par ailleurs, on sait par la correspondance de George Sand que le père de Loïsa Puget, qui s’occupait des finances de la mère de l’écrivaine, était un piètre gestionnaire42. La compositrice vécut en famille jusqu’à son mariage et il est possible que son père ait fait des placements hasardeux avec ses gains. De son côté, Gustave Lemoine fut un auteur prolifique et apprécié. Il était sociétaire de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Son épouse reçut elle-même à partir de 1884 une pension de 600 francs de la SACD43.

  • 44 Paris, AN : Minutier Central, L 1227, Me Delapalme Jeune, Notaire à Paris, contrat de mariage de M (...)
  • 45 Duchesneau Michel, L’Avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1871 à 1939, Liège, Mardaga, (...)
  • 46 Fétis F.-J., Biographie universelle des musiciens, op. cit., t. V, p. 436.
  • 47 Lettre à Pauline Viardot, Château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.
  • 48 Vincennes, Service Historique de la Défense : 5yf 53837, État des Services de M. Enlart de Grandva (...)

19Clémence et Charles de Grandval vivaient dans l’aisance au début de leur vie conjugale, leur contrat de mariage en témoigne44. Une aisance qui a dû contribuer à la prolificité de la compositrice, notamment dans le domaine de la musique symphonique, lui permettant d’organiser des concerts, en payant copistes et musiciens, de participer financièrement à la publication de ses œuvres, etc. Elle passait pour un des mécènes de la Société Nationale de Musique45, et y fut, dans les débuts, un des compositeurs les plus joués. Cette position de « dilettante » fut d’ailleurs difficile, mais elle finit par convaincre ses contemporains. Arthur Pougin écrit notamment dans la Biographie universelle des musiciens : « Quoique sa haute situation et son état de fortune ne fassent considérer Mme de Grandval que comme un amateur, elle est cependant douée de facultés assez remarquables et d’une puissance de production assez rare, surtout chez une femme, pour qu’on puisse sans complaisance lui accorder le titre d’artiste46. » Qu’a-t-elle pu gagner par sa musique ? Ses ouvrages lyriques, pourtant bien reçus pour la plupart, n’ont pas obtenu de succès durable, et il demeure encore à établir ce que pouvaient lui rapporter les nombreuses exécutions de son Stabat Mater et de sa Messe dans les grandes églises françaises. Elle obtint, comme Louise Farrenc, le Prix Chartier, en 1890. La lettre à Pauline Viardot montre en tout cas qu’il n’était plus question d’une situation privilégiée en 1886 : « Comme affaires, je n’ai que des soucis, plus du tiers de mes modestes revenus s’éteignant avec mon pauvre mari47. » La pension de chef d’escadron d’état-major de Charles de Grandval était de 2 078 francs, en date du 20 novembre 1864 ; il fut alloué à Clémence, le 18 avril 1887, une pension de 1 333 francs48.

  • 49 Laloy Louis, « Marie Jaëll », La Revue musicale, no 7, mai 1925, p. 142.
  • 50 Klipffel Thérèse, « Biographie », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll…, op. cit., p. 18-21.

20Marie et Alfred Jaëll connurent l’aisance d’un couple d’artistes à succès. Marie continua sa carrière de concertiste après le décès de son époux et se consacra par ailleurs de plus en plus à l’enseignement du piano, créant une véritable méthode appuyée par de nombreux écrits. Louis Laloy dit dans sa nécrologie : « Si l’on met à part quelques compositions pour le chant ou le piano, auxquelles elle n’attachait pas elle-même beaucoup d’importance, les seuls écrits qu’elle ait publiés ont trait à l’enseignement du piano49. » Elle forma ainsi un cercle d’élèves dévoué. e. s qui lui vinrent en aide, notamment après la Première Guerre mondiale, alors qu’elle vivait dans le dénuement50.

  • 51 Pour les femmes peintres copistes, voir Sofio Séverine, « Les vertus de la reproduction », Travail (...)
  • 52 Pour des listes des « premières » dans les diverses professions, voir Rennes Juliette, Le Mérite e (...)

21Chacun à sa manière, les couples Farrenc, Puget-Lemoine, Grandval et Jaëll ont réalisé un équilibre rare, que seules permettaient les professions artistiques51 ou littéraires puisqu’aucune autre voie d’excellence n’était alors ouverte aux femmes : rappelons qu’exception faite des domaines de la musique et du théâtre, grâce à la création du Conservatoire de Paris en 1795, les femmes n’ont eu accès à des diplômes d’enseignement supérieur qu’à partir de 186852. Quelques indices révèlent l’importance qu’avaient au XIXe siècle les musiciennes en tant que groupe professionnel. Le Guide pour le choix d’un état ou Dictionnaire de professions mentionné plus haut n’évoque la possibilité d’une profession pour les femmes qu’à sa notice « Musicien » :

  • 53 Guide pour le choix d’un état…, op. cit., p. 433.

« L’éducation d’une femme n’est pas complète sans la musique ; ajoutons que la musique est, de tous les arts, celui qu’une femme peut apprendre, cultiver et même exercer comme profession avec le moins d’inconvénients, avec le plus d’avantages. Le sort des femmes obligées de travailler pour vivre est si déplorable que nous ne devions pas négliger cette observation, quoique ce livre ne s’adresse directement qu’aux jeunes gens53. »

  • 54 Pawlowski Auguste, Les Syndicats féminins et les syndicats mixtes en France, Paris, Librairie Féli (...)
  • 55 Revue et gazette musicale de Paris, no 10, 11 mars 1877, p. 78.
  • 56 Le Ménestrel, no 27, 4 juillet 1908, p. 215.
  • 57 Vilcosqui Marcel-Jean, La Femme dans la musique française de 1871 à 1946, Étude d’histoire musical (...)
  • 58 Daubresse Michel, Le Musicien dans la société moderne (1914), Paris, Le Monde musical, [vers 1935] (...)
  • 59 Ibid., p. 107-109.
  • 60 Il faut attendre 1912 pour voir la création du Groupement amical des avocates de France, suivi en (...)

22Au début du XXe siècle, une enquête américaine relayée par M. Debrol, le correspondant du Temps (12 janvier 1909), montrait que les « femmes professeurs de musique » étaient aux États-Unis le groupe le plus important des femmes exerçant « des carrières rétribuées, jusqu’alors réservées, en général, au sexe fort ». On en compte 34 579, aux côtés de 10 000 maîtresses d’art, 25 000 professeurs et institutrices, 11 000 télégraphistes, 1 150 prédicatrices, 5 000 doctoresses, 888 journalistes, 1 000 avocates, 39 chimistes, 19 guides, 279 détectives et 3 000 auteurs54. Des femmes participent dès ses débuts à l’Association des artistes musiciens créée en 1843 par le baron Taylor. En 1877, la compositrice Pauline Thys fonde l’Association des femmes artistes et professeurs55. La pianiste et célèbre pédagogue Hortense Parent crée en 1882 une Association pour l’enseignement professionnel du piano pour les femmes56. Suivent en 1894 l’Association mutuelle des femmes artistes de Paris, dont font partie des musiciennes57, en 1904 l’Union des femmes professeurs et compositeurs de musique58 et en 1910 l’Union des femmes artistes musiciennes59. Les femmes artistes sont en France les premières femmes exerçant des professions libérales à s’être constituées en association60.

Annexes

Annexe

Figure 1 – Les principales compositrices ayant exercé en France au XIX e siècle

Figure 1 – Les principales compositrices ayant exercé en France au XIX             e              siècle

Notes

1 Baronne Staffe, La Maîtresse de maison, Paris, Victor-Havard, 1892, p. 2.

2 Launay Florence, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref historique d’une longue professionnalisation », Travail, Genre et Sociétés, no 19, 2008, p. 41-63 ; Granger Sylvie, « Les musiciennes de 1790 : aperçus sur l’invisibilité », Revue de musicologie, t. 94, no 2, 2008, p. 289-308 ; Giron-Panel Caroline, « Entre Église et théâtre, la fugue de deux musiciennes vénitiennes en 1783 », Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, no 25, 2007, p. 93-113.

3 Tante Marguerite, La Femme qui réussit. Professions féminines, Paris, Albin-Michel, s. d. [ca 1900], p. 298.

4 The New York Herald, 15 novembre 1908, p. 9-10, cité en traduction française par Tardif Cécile, Portrait de Cécile Chaminade, Montréal, Louise Courteau, 1993, p. 136.

5 Pour plus de précisions, voir Launay Florence, « Les alliés des compositrices françaises du XIXe siècle », F. Rochefort et É. Viennot (dir.), L’Engagement des hommes pour l’égalité des sexes, Saint-Étienne, Publications de l’Université, 2013, p. 59-71.

6 Fétis François-Joseph, Biographie universelle des musiciens, Paris, Firmin-Didot, 1884, reprint Paris, La Bibliothèque des Introuvables, 2001, vol. 2, p. 192.

7 Sand George, Histoire de ma vie, Œuvres autobiographiques, Paris, Gallimard, 1970-1971, t. II, p. 22 ; voir aussi Launay Florence, « Loïsa Puget et George Sand, une amitié de jeunesse », l’ull crític, Segona etapa, nos 13-14, 2009, p. 333-342.

8 A Dictionary of Music and Musicians, Londres, Macmillan and Co. Ltd, 1900, vol. III, p. 45.

9 Fétis F.-J., Biographie universelle des musiciens, op. cit., t. 5, p. 436.

10 Ingelaere Marie-Laure, « Marie Jaëll, concertiste-compositrice », Revue d’Alsace, no 125, 1999, p. 163 ; Hurpeau Laurent, « Correspondance Jaëll-Saint-Saëns : une Alsacienne et un maître à penser de la musique française », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll, « un cerveau de philosophe et des doigts d’artiste », Lyon, Symétrie, 2004, 336 pages, p. 99-142 ; Launay Florence, et Pasler Jann, « Le Maître and the “Strange Woman”, Marie Jaëll : Two Virtuoso-Composers in Resonance », J. Pasler (dir.), Camille Saint-Saëns and his World, Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2012, p. 85-101.

11 Friedland Bea, Louise Farrenc, 1804-1875, Composer, Performer, Scholar, Ann Arbor, UMI Research Press, 1980, p. 11-12.

12 Plusieurs femmes pianistes ont ainsi publié des œuvres en collaboration avec des virtuoses, voir Launay Florence, Les Compositrices en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2006, p. 257-258.

13 Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 45-46

14 Ibid., p. 57-74 ; Heitmann Christin, Die Orchester und Kammermusik von Louise Farrenc, Wilhelmshaven, Florian Noetzel, 2004, p. 49-55.

15 Launay F., Les Compositrices en France, op. cit., p. 388-389.

16 Blanchard Henri, « La Bonne Providence, de Mlle Loïsa Puget », Revue et Gazette musicale de Paris, no 54, 10 octobre 1841, p. 444.

17 Lettre à Pauline Viardot, château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.

18 Collection particulière. Je remercie Caroline Hedengren pour ces informations.

19 Ingelaere Marie-Laure, « Alfred Jaëll, ami de Brahms et de Liszt : un pionnier », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll…, op. cit., p. 33-53 ; Launay F. et Pasler J., « Le Maître and the “Strange Woman,” Marie Jaëll… », op. cit, p. 86-87.

20 Revue et gazette musicale de Paris, no 9, 4 mars 1877, p. 70.

21 Klipffel Thérèse, « Biographie », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll…, op. cit., p. 16.

22 Launay F. et Pasler J., « Le Maître and the“Strange Woman,” Marie Jaëll… », op. cit., p. 93-95.

23 Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 184-188.

24 Heitmann C., Die Orchester und Kammermusik…, op. cit., p. 45-47.

25 Paris, BnF : fonds Fétis, Lettre du 3/4 janvier 1862, p. 384 recto, citée par Heitmann C., Die Orchester und Kammermusik…, op. cit., p. 46 et p. 270, n. 210.

26 Paris, BnF : fonds Fétis, Lettre du 11 avril 1863, p. 415 recto.

27 « Obsèques de Loïsa Puget », L’Indépendant des Basses-Pyrénées, 18 octobre 1889.

28 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 176 (9), 12 janvier 1853.

29 « Nécrologie. – Loïsa Puget. », L’Indépendant des Basses-Pyrénées, 17 octobre 1889.

30 Je remercie Jacques d’Arjuzon pour ces renseignements.

31 Pauline Viardot avait perdu en 1883 son mari, Louis Viardot, et son ami l’écrivain russe Ivan Tourguéniev.

32 Lettre à Pauline Viardot, Château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.

33 Launay F., Les Compositrices en France…, op. cit., p. 436-441.

34 Le catalogue de la vente montre l’extraordinaire richesse de cette collection : Catalogue de la bibliothèque musicale théorique et pratique de feu M. A. Farrenc, Paris, J.-F. Delion, Libraire, 1866.

35 Si le testament de Charles-Jean Chartier stipulait 700 francs, le prix fut ramené à 500 francs par un décret du 15 janvier 1859 de l’Académie des beaux-arts (Heitman C., Die Orchester und Kammermusik…, op. cit., p. 270, n. 212).

36 Guide pour le choix d’un état ou Dictionnaire des professions, Paris, Librairie Veuve Lenormant, 1842, p. 439.

37 Paris, Archives de la Seine : D.Q. 7. 10674, cité par Friedland B., Louise Farrenc, op. cit., p. 66 et p. 245, n. 32.

38 Paris, Archives de la Seine : D.Q. 7. 12367, Déclaration de la succession no 1201, p. 80 verso, cité ibid., p. 77 et p. 247, n. 8.

39 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 176 (9), 12 janvier 1853. Les mots ici soulignés le sont dans les originaux manuscrits

40 J.-A. Delaire écrit en 1845 que les éditeurs : « paient 500 francs une romance et jusqu’à 6 000,00 francs une collection de six romances d’un compositeur en vogue » (Combarieu Jules, Dumesnil René, Histoire de la musique, Paris, Librairie Armand Colin, 1955, t. III, p. 247).

41 Paris, BnF : Lettres autographes de Loïsa Puget, vol. 87, no 168, s. d.

42 Sand George, Correspondance, G. Lubin (éd.), Paris, Garnier, 1964, t. I, p. 435-459.

43 SACD : Dossier Loïsa Puget.

44 Paris, AN : Minutier Central, L 1227, Me Delapalme Jeune, Notaire à Paris, contrat de mariage de M. de Grandval & de Mlle de Reiset, 10 mars 1851. Je remercie Jacques d’Arjuzon de m’avoir fourni une copie de ce document.

45 Duchesneau Michel, L’Avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1871 à 1939, Liège, Mardaga, 1997, p. 23-24 et p. 57, n. 32.

46 Fétis F.-J., Biographie universelle des musiciens, op. cit., t. V, p. 436.

47 Lettre à Pauline Viardot, Château de Vaux-sur-Seine, [1886], collection particulière.

48 Vincennes, Service Historique de la Défense : 5yf 53837, État des Services de M. Enlart de Grandval (Charles, Grégoire, Amable), ministère de la Guerre, 1re Direction ; Mémoire de Proposition pour l’Admission à la Pension de Veuve […]. Pour Madme Enlart de Grandval Charles, Grégoire, Amable, née de Reiset Marie Félicie Clémence. Je remercie Jacques d’Arjuzon de m’avoir fourni une copie de ces documents.

49 Laloy Louis, « Marie Jaëll », La Revue musicale, no 7, mai 1925, p. 142.

50 Klipffel Thérèse, « Biographie », L. Hurpeau (dir.), Marie Jaëll…, op. cit., p. 18-21.

51 Pour les femmes peintres copistes, voir Sofio Séverine, « Les vertus de la reproduction », Travail, Genre et Sociétés, no 19, 2008, p. 23-39.

52 Pour des listes des « premières » dans les diverses professions, voir Rennes Juliette, Le Mérite et la nature, une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige 1880-1940, Paris, Fayard, 2007, p. 554-566 ; voir aussi Bodinier Bernard, Gest Martine, Lemonnier-Delpy Marie-Françoise et Pasteur Paul (dir.), Genre et éducation, Former, se former et être formée au féminin, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2009.

53 Guide pour le choix d’un état…, op. cit., p. 433.

54 Pawlowski Auguste, Les Syndicats féminins et les syndicats mixtes en France, Paris, Librairie Félix Alcan, 1912, p. 6. Le correspondant du Temps était en fait une correspondante, la journaliste et écrivaine Marguerite Deville Chabrol Storrs (1881-1959), qui publiait sous le pseudonyme de Marc Debrol.

55 Revue et gazette musicale de Paris, no 10, 11 mars 1877, p. 78.

56 Le Ménestrel, no 27, 4 juillet 1908, p. 215.

57 Vilcosqui Marcel-Jean, La Femme dans la musique française de 1871 à 1946, Étude d’histoire musicale et sociale, thèse de doctorat d’État, université de Paris IV-Sorbonne, 1986, p. 525.

58 Daubresse Michel, Le Musicien dans la société moderne (1914), Paris, Le Monde musical, [vers 1935], p. 99-104.

59 Ibid., p. 107-109.

60 Il faut attendre 1912 pour voir la création du Groupement amical des avocates de France, suivi en 1916 de l’Aide aux femmes de profession libérale, en 1920 de l’Association des Françaises diplômées des universités, etc. (Rennes J., Le Mérite et la nature…, op. cit., p. 566).

Table des illustrations

Titre Figure 1 – Les principales compositrices ayant exercé en France au XIX e siècle
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Auteur

Docteure en musicologie de l’université de Rennes 2, Florence Launay est co-fondatrice du CReIM. Elle a publié en 2006 aux éditions Fayard un ouvrage issu de sa thèse, Les Compositrices en France au XIXe siècle. Elle est l’auteure d’articles sur les compositrices Mel Bonis, Lili Boulanger, Cécile Chaminade, Louise Farrenc, Sophie Gail, Marie Jaëll, Armande de Polignac et Blanche Selva, ainsi que d’articles examinant l’accès des femmes aux professions de la musique. Également artiste lyrique, elle se consacre à la romance, à la mélodie, aux chansons françaises et languedociennes, et à la musique vocale contemporaine, en liaison avec ses recherches musicologiques.
Contact : launay-cook@gmx.net

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