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Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV

 | 
Charles Frostin

Préface

François Lebrun

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Géographique :

France

Texte intégral

1François Lebrun

2Le cyclone qui a frappé La Nouvelle-Orléans en mars 2005 a donné sans doute l’occasion à beaucoup de Français d’apprendre l’existence au nord de la grande ville américaine du lac Pontchartrain. Mais combien parmi ceux qui connaissaient ce lac et son nom savaient à qui renvoyait exactement cette dénomination ? De même que la ville a été baptisée en 1717 en l’honneur du régent Philippe d’Orléans, l’immense étendue d’eau qui s’étend au nord a reçu son nom par référence à Jérôme de Pontchartrain, secrétaire d’État à la Marine de 1699 à 1715.

3Il est de fait que si les noms de Colbert et de Louvois sont associés, dès l’école, à celui de Louis XIV, ceux de Louis de Pontchartrain et de son fils Jérôme, dont le rôle n’a pas été moindre dans la dernière partie du règne, sont généralement ignorés. Cette méconnaissance s’explique d’autant plus aisément que depuis toujours les historiens ont focalisé sur Colbert et Louvois, rejetant dans l’ombre les autres ministres du Roi-Soleil. Ce n’est que depuis peu que l’intérêt s’est déplacé sur ces derniers, Seignelay, fils de Colbert, Barbezieux, fils de Louvois, mais aussi Torcy et Chamillart, Desmaretz et Pontchartrain père et fils, qui ont joué un rôle non négligeable et contribué, à leur place, à la gloire du règne.

4Le premier mérite de Charles Frostin est d’avoir consacré aux deux Pont-chartrain une étude biographique sans équivalent jusque-là et d’autant plus fouillée qu’elle met en œuvre tous les documents disponibles, notamment l’impressionnante correspondance administrative des deux ministres, sans compter les nombreuses lettres échangées entre le père et le fils, si révélatrices de leurs relations. Rappelons les fonctions cumulées par les deux hommes entre 1689 et 1715. Louis est nommé contrôleur général des Finances en 1689 et, l’année suivante, ministre d’État, avec entrée au Conseil, et secrétaire d’État à la Marine et à la Maison du Roi, cependant que dès 1693, son fils Jérôme, qui n’a pas vingt ans, reçoit la survivance du double secrétariat d’État dont son père restait titulaire. Quand celui-ci est nommé chancelier en 1699 et abandonne toutes ses autres charges, Jérôme assume pleinement la double fonction à laquelle il s’était exercé sous la tutelle paternelle. Louis démissionne en juillet 1714 et Jérôme reste en poste jusqu’à la mort du roi l’année suivante. Un tel cumul de fonctions exercées durant plus de vingt-cinq ans par le père et le fils n’est pas sans rappeler celui d’un Jean-Baptiste Colbert dans la première partie du règne.

5Suppléant une lacune de l’historiographie, Charles Frostin a analysé avec une extrême minutie le rôle capital joué par les deux ministres, notamment dans le domaine de la marine et dans celui des colonies, le lac Pontchartrain en gardant le lointain souvenir dans le Nouveau Monde. On est presque tenté de reprendre le mot de Voltaire à propos de Louis XIV : « Non seulement il s’est fait de grandes choses sous leur ministère, mais c’est eux qui les faisaient. »

6Mais l’intérêt exceptionnel de ce livre réside dans l’étude annoncée par son sous-titre, Alliances et réseau d’influence sous l’Ancien Régime. Certes, on sait depuis longtemps le rôle joué par les réseaux d’influence basés sur les liens de parenté et le clientélisme dans la société d’Ancien Régime, notamment dans les allées du pouvoir. Denis Richet, cité par Charles Frostin, le note en 1973 : « Les hommes de pouvoir sont moins des individualités que des membres de familles, de lignages, enserrés par des liens de clientèle et de fidélité. »

7L’exemple des Colbert est désormais bien connu grâce aux travaux des historiens depuis quarante ans. Plus éloquent encore est celui des Phélypeaux. Louis Phélypeaux, comte de Ponchartrain, appartient à une lignée ministérielle depuis le début du xviie siècle, lignée bientôt divisée en deux branches, les Phélypeaux et les La Vrillière. L’enquête menée par Charles Frostin est à cet égard exemplaire. Scrutant inlassablement registres d’état civil ancien et minutes notariales, il a mis à plat dans une impressionnante série de tableaux généalogiques, les liens multiples et enchevêtrés noués par les Phélypeaux avec toute une série de familles de robe, les Talon, les Fouquet, les Maupeou, les Bignon, mais aussi éventuellement avec la vieille aristocratie, liens qui se renforcent éventuellement aux générations suivantes. Or ces liens sont vivants et animent des réseaux susceptibles de jouer en tel lieu ou en telle circonstance, grâce à la présence d’un membre ou d’un client du clan. Au-delà d’intérêts personnels, qui pouvaient jouer éventuellement, c’est l’intérêt de l’État qui était en cause, et le roi qui n’ignorait rien d’un tel fonctionnement, ne pouvait qu’approuver tacitement et utiliser un système dont l’efficacité était évidente.

8Avec un tel livre, on est très loin de la biographie historique de type classique. Dans la mesure même où la carrière des deux Pontchartrain est inséparable du réseau qui les porte, les ressusciter supposait de dépasser leurs personnes et de reconstituer patiemment ce réseau. Mais il convenait en même temps de faire leur place à la personnalité de l’un et de l’autre et de tous les hommes et femmes qui gravitaient autour d’eux. C’est le grand mérite de Charles Frostin d’avoir su maîtriser cette double approche, en menant à bien une tâche d’une extrême complexité et en contribuant ainsi magistralement à une meilleure connaissance du fonctionnement de l’État monarchique.

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