Mare economicum
|Première partie. La filière des produits de la mer
Conclusion de la première partie
La filière des produits de la mer
Texte intégral
1Le secteur français des pêches a-t-il encore un avenir ? L’aquaculture peut-elle compenser les emplois perdus dans la pêche ? Les réponses à ces questions sensibles ne laissent filtrer qu’une faible lueur d’espoir tant les mauvaises nouvelles économiques s’accumulent sur la filière française des produits de la mer (état critique de nombreux stocks, surcapacité, coût de l’énergie, changement climatique…).
2Dans le premier chapitre sur la Politique commune de la pêche, force est de reconnaître que les ajustements de capacité aux possibilités de production offertes par les conditions écosystémiques ont probablement été trop tardifs et trop timides au regard du progrès technique considérable accumulé par la flottille de pêche européenne. Le prix à payer aujourd’hui, pour un retour vers une pêche durable, est celui de saignées importantes dans les emplois en mer et la recherche de nouveaux instruments de gestion plus coercitifs. Non, la mer ne fait pas bien vivre tous ses marins pêcheurs. Le vieillissement des hommes et des bateaux (23 ans de moyenne d’âge pour ces derniers) ainsi que les nombreuses sorties de flotte témoignent de ces difficultés croissantes et de l’urgence des solutions politiques à trouver (chap. 2). En revanche, si la rentabilité des chalutiers est sensiblement affectée par la hausse récente des coûts de carburant, d’autres segments de la flotte (fileyeurs par exemple) s’en tirent beaucoup mieux et les mesures à prendre doivent tenir compte de ces disparités.
3Les ports de pêche français éprouvent, quant à eux, de plus en plus de difficultés à équilibrer leurs comptes d’exploitation avec les 5 400 bateaux de pêche restant et les 230 000 tonnes de produits écoulés dans les criées. Ils doivent donc faire preuve d’ingéniosité et d’ouverture pour ne pas sombrer (pluri-activité, coopération inter-ports, systèmes électroniques de cotation et vente à distance, labels régionaux…) (chap. 3). La gestion combinée avec d’autres activités maritimes (commerce, avitaillement, plaisance) comble une partie des recettes en tissant de nouveaux liens entre secteurs maritimes. Les 380 mareyeurs compensent la faiblesse des apports locaux par un recours croissant aux importations (2 milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 657 millions d’euros pour la valeur vendue en criée par les pêcheurs).
4L’aquaculture constitue elle aussi un apport indéniable aux besoins du marché de consommation français mais présente une certaine étanchéité par rapport aux emplois de la pêche (chap. 4). La pisciculture a peu d’avenir en France métropolitaine à une grande échelle faute de l’espace suffisant pour la déployer, mais la conchyliculture française, forte de la dualité entre son organisation artisanale (les emplois familiaux représentent le tiers de la main-d’œuvre) et la modernisation de son fonctionnement (restructuration des bassins, triploïdie, naissain d’écloserie, marchandisation des droits à produire), occupe toujours une place prépondérante en Europe, à condition de savoir maîtriser son développement et les nombreux risques qui se présentent à elle (réchauffement climatique, épizooties, renouvellement des professionnels). Elle peut globalement compter sur un marché des produits de la mer dynamique en France (36 kg de poisson consommé par an et par personne contre 24 kg il y a dix ans) dominé aujourd’hui par la grande distribution (chap. 5). Cette dernière a considérablement fait évoluer le marché en y présentant davantage de produits d’élevage et de poissons des mers lointaines qui viennent concurrencer la production domestique. Si les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux critères écologiques lors de leur décision d’achat, ils privilégient néanmoins la fraîcheur (pour la santé), la qualité et le prix des produits de la mer qu’ils consomment. Des comportements à faire évoluer pour restaurer l’état des stocks européens et défendre les productions écologiquement responsables.
5Parmi les facteurs d’intégration des différents secteurs maritimes, l’intrusion de la finance qui gagne de plus en plus de domaines d’application figure en bonne place (chap. 6). Risquées par nature (épizooties, avaries, collisions, tempêtes, piraterie, pollution et maintenant réchauffement climatique), les activités maritimes se tournent de plus en plus vers les instruments financiers pour maîtriser les risques du marché. La conjoncture est propice avec le relatif désengagement des pouvoirs publics, l’accroissement des échanges et de la volatilité des cours, la concentration du secteur de la distribution en aval et la place occupée par les services dans la chaîne de valeur. Le transport maritime a déjà ses adeptes (qui opèrent sur IMAREX par exemple) et certains produits de la mer en voie de standardisation au niveau mondial s’y engagent (aujourd’hui le saumon Atlantique et la crevette tigrée, demain le thon tropical et le poisson blanc ?). Sans être la panacée, la stabilisation du revenu des producteurs aurait certainement des incidences intéressantes à étudier sur les stratégies d’exploitation des ressources naturelles.
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