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Le feu et la folie

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Laurent Vissière
, 
Marion Trévisi

Deuxième partie. Peur, panique, sidération

Des chevaliers irréfléchis ? Panique et témérité dans les traités d’art militaire (c. 1330-c. 1530)

Christophe Masson

Texte intégral

  • 1 Sur cette question, on verra entre autres Drévillon H., L’Individu et la Guerre. Du chevalier Baya (...)

1Aujourd’hui encore, malgré les travaux fondamentaux de Jan-Frans Verbruggen, Claude Gaier ou Philippe Contamine, une importante frange du grand public tout comme certains historiens soutiennent l’idée que les chevaliers du Moyen Âge étaient des combattants dépourvus de tout ce qui fait le guerrier « moderne », à savoir une conscience de la stratégie, une connaissance et une mesure des risques encourus et un raisonnement tactique développé. Leur dénier ainsi toute connaissance de l’art militaire tel qu’il « doit » être – la frontière de l’anachronisme mental est franchie à grandes enjambées, on le voit – revient donc à leur refuser toute place de choix dans l’histoire universelle de l’art de la guerre. Plus encore, cela conduit à questionner, mettre en doute, voire simplement refuser une rationalité au combat médiéval, le réduisant à un choc de deux troupes ayant placé toute leur énergie dans les invocations au Seigneur, dont seul peut dépendre la victoire. Nulle raison dans l’armée médiévale ? Plus encore, la question de la connaissance de leurs émotions, et donc de leur attitude vis-à-vis de l’irrationnel, constitue un véritable défi pour l’historien médiéviste. Un défi qui s’assimile parfois à un véritable parcours d’obstacles plus ou moins aisément franchissables1.

  • 2 Voir entre autres Antoine de La Sale, Œuvres complètes, t. I, La Salade, éd. Desonay F., Liège-Par (...)

2Il ne semble toutefois pas inutile de s’attarder quelque peu sur cet « âge sombre de la guerre », tant il se révèle, évidemment, bien plus riche et intéressant que ce que d’aucuns en disent. Pour ce faire, nous avons pris pour objet un ensemble de textes particuliers, à savoir les traités didactiques d’art militaire reçus dans l’espace français à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes. Avant même de les aborder, la première question à se poser est celle de la frontière entre ce qui est rationnel et ce qui ne l’est pas dans le monde de la guerre médiévale. On le sait depuis longtemps, ce que nous qualifions aujourd’hui d’irrationnel – l’action de divinités comme juges, voire acteurs, des batailles, la croyance en l’existence de monstres ou la divination sous toutes ses formes – était alors considéré comme relevant de la Nature, entendue dans le sens large de manifestations de la toute-puissance divine, et, à ce titre, comme parfaitement rationnel. Il n’est qu’à voir certains des esprits militaires les plus pragmatiques, comme Antoine de La Sale2, pour constater le poids que ceux-ci attribuent à l’action divine et à l’importance de se concilier les bonnes grâces du Créateur en vue de triompher à la guerre, sans qu’il s’agisse d’une convention rhétorique à laquelle ces auteurs n’adhéreraient pas, mais à laquelle ils seraient obligés de souscrire publiquement pour cause de respectabilité. Or, si l’on considère cela comme rationnel, quels sont les événements irrationnels que pouvait rencontrer l’homme de guerre médiéval ? Où se niche donc l’irrationnel de la guerre ?

3Si l’on veut répondre à ces questions, il faut évidemment définir l’irrationalité et, pour cela, dans un premier temps, dresser le portrait de cette fameuse rationalité guerrière que nous évoquions plus haut. Celle-ci se découvre peut-être avec le plus de clarté dans les traités d’art militaire, comme ceux de Philippe de Clèves et de Christine de Pizan, mais aussi dans les chroniques du temps, comme celles de Froissart et de Jean de Wavrin, très préoccupés par les actions de la chevalerie, ou dans les textes juridiques ou assimilés, et ici on songe à L’Arbre des batailles d’Honoré Bovet.

  • 3 C’est ce que conseille Christine de Pizan manifestement marquée par l’expérience de Charles V (Par (...)
  • 4 Le Rosier des guerres, enseignements de Louis XI roy de France pour le dauphin son fils, transcript (...)
  • 5 Rimé B., « Les émotions médiévales. Réflexions psychologiques », in Boquet D., Nagy P. (dir.), Pol (...)
  • 6 La référence à la raison dans la conduite de la guerre se trouve d’ailleurs sous la plume d’auteur (...)
  • 7 Jean de Meun, Li abregemenz noble homme Vegesce Flave René des establissemenz apartenanz à chevale (...)

4Dans toutes ces œuvres, on rencontre une même attention apportée à la figure du capitaine, éventuellement sublimée dans celle du souverain à qui l’on conseille, mais pas toujours3, de prendre en personne la tête de ses armées. Véritablement au centre des préoccupations, le capitaine est la figure sur laquelle comptent tous les auteurs du temps, que ce soit pour emporter la victoire ou, plus spécifiquement, pour organiser et mener une armée en campagne, pour assurer le bon état des troupes ou d’une place forte. Incarnation des qualités que l’on aurait aimé voir chez les autres gens d’armes, il sert de pierre de touche aux réflexions sur la pratique de la guerre médiévale. C’est la raison pour laquelle Le Rosier des guerres fait de la lâcheté du capitaine le plus grand danger que peut courir un ost, tant elle peut, par voie de contagion, encourager la fuite des hommes qui auraient dû aller au combat4. En cela, le chef de guerre partage avec nombre d’autres figures d’autorité le devoir, ici suggéré plus qu’affirmé, mais néanmoins catégorique, de demeurer le maître de ses émotions5. Les conseils, appuyés sur la connaissance de l’Antiquité grecque ou romaine, d’un passé plus récent ou d’actions contemporaines – auxquelles ont parfois pris part les auteurs mêmes de ces textes – et consignés avec plus ou moins d’exhaustivité ou de rigueur car la démarche est plus prescriptive que descriptive, servent à l’édification d’un portrait du capitaine idéal, et donc, par l’exemple, à la formation du lecteur. La ligne de force de ces textes se trouve résumée dans l’idée que ne peut qu’être victorieux celui qui incarne ce « capitaine de papier ». Rationnel est donc celui qui fait son profit de ces enseignements, soit tout homme de guerre qui se veut valeureux et honorable6 ou qui le sait, le cas échéant. Déraisonnable paraît en revanche, sans qu’évidemment les textes ne prennent la peine de le souligner, le choix de fouler ces enseignements aux pieds en étant conduit par ses seules émotions, car « en maintes batailles est avenu que cil qui estoient au desouz venoient puis au desus, quant il ne se desesperoient pas7 ». L’irrationnel sur lequel nous nous arrêterons ici est celui qui résulte du refus de ce modèle donné par les textes didactiques. Certes, ce terme, pas plus que son contraire (« rationnel »), n’est utilisé par nos auteurs : ils se limitent à parler de « raison » ; mais le concept d’irrationnel, comparable dans ce contexte à celui de désordre, semble pertinent pour analyser le discours des sources.

  • 8 C’est le contexte qui, dans ces traités, permet d’identifier le « type » de peur évoqué : angoisse (...)
  • 9 Delumeau J., La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècle), Paris, Hachette Littératures, 1999, p. 14, (...)

5L’on pourrait objecter à cette façon d’appréhender les choses que, dans aucun des traités consultés, n’apparaît de section spécifiquement consacrée à ce qui ne suit pas la norme du commandement idéal. On chercherait en effet vainement un chapitre dédié à la panique des hommes de guerre ou à la furie qui peut les saisir en cas de bataille acharnée. Toutefois, ces données ne sont pas absentes. Elles apparaissent de façon ponctuelle, au détour de passages traitant de la meilleure façon de prendre une ville ou d’organiser un ost sur le champ de bataille. Écrits pragmatiques, les traités théoriques d’art militaire n’ont pas pour vocation de décrire ce que les hommes d’armes connaissent déjà – comme le prouvent les surnoms de « sans peur », voire de « sans peur et sans reproche » – ni de faire œuvre d’étude sur les sentiments humains, mais bien de conseiller les chefs de guerre sur les attitudes efficaces à adopter en campagne. Illustrant cette omniprésence des émotions, les textes usent abondamment du terme « paour », parfois défini plus clairement grâce à l’adjonction de compléments8, pour définir des notions aujourd’hui distinctes, mais assimilées sous la plume de nos auteurs comme elles le furent encore par la psychologie classique. Les auteurs de ces textes didactiques ne cachent donc pas la peur, comme le font d’autres textes du temps, gênés par les jugements de valeur qu’elle charrie. Ces observations nuancent donc fortement l’hypothèse de Jean Delumeau, suivi par plusieurs autres chercheurs, selon laquelle « les chevaliers d’autrefois, impulsifs, habitués à la guerre et aux duels et qui se jetaient à corps perdu dans les mêlées, étaient moins conscients que les soldats du XXe siècle des dangers du combat, et donc moins accessibles à la peur9 ». Au vu de la place occupée par la peur dans nos textes et de la difficulté d’amener un élément probant allant dans le sens de cette supposition, il nous semble en effet très compliqué de se rallier à cette affirmation. Geoffroi de Charny affirme d’ailleurs sans ambiguïté que tout nouveau venu dans le monde des armes connaîtra la peur lors de son « baptême du feu », si l’on peut utiliser cette figure de style quelque peu anachronique :

  • 10 « Le livre messire Geoffroi de Charny », éd. Piaget A., Romania, t. XXVI, 1897, p. 396-411, ici p. (...)

« Paour te faut avoir souvent/Quant vois tes ennemis devant/Vers toi venir,/Lances bessiees, pour toy ferir,/Les espees pour revenir/Toi courre sus ;/Garros, quarriaux te vienent sus ;/Tu ne scez duquel tu dois plus/Ton corps garder10. »

  • 11 Une constatation qui est aussi celle des auteurs de chansons de geste. Longhi B., « Li plus hardiz (...)
  • 12 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 119 ; Le livre de l’art de chevalerie de Vegesce. Traduc (...)
  • 13 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 42, 6e chap., section Des regles de batailles].
  • 14 Cette même observation sera posée, plusieurs siècles plus tard, par Ardant du Picq C., Études sur (...)
  • 15 On rejoindra donc l’approche de Scott A., Kosso C., dans leur Introduction à Fear and Its Represen (...)

6Pour lui, le péril, et donc la peur, sont permanents en temps de guerre11. On signale ainsi que ceux qui, déjà, ont eu peur en campagne retrouveront ce même sentiment lors de leur prochaine « mobilisation12 » et qu’il sera extrêmement ardu de les en guérir13. Au vrai, de la même façon qu’un chevalier charge la lance couchée en appui sur son arrêt de cuirasse, il advient un moment où, pour des raisons qui tiennent à la nature même du combat, l’esprit des combattants quitte les cadres que, normalement, il devrait respecter14. C’est ce moment, cette façon de composer avec l’« imprévu » qui nous occupera ici15.

  • 16 Nagy P., Boquet D., « Pour une histoire des émotions. L’historien face aux questions contemporaines (...)

7Quels sont ces excès ? Les émotions ne sont, certes, connues par les historiens que dans leurs manifestations extérieures, dans le cadre des constructions culturelles produites ou relayées par les auteurs du temps16, mais peut-on tout de même distinguer une forme raisonnable de peur ou de hardiesse – celle que l’on ressent à l’approche d’un danger ou d’une victoire facile – et sa variante déraisonnable – celle qui fait oublier ce que l’on a appris et poser les choix les moins réfléchis ? La nuance est subtile, et les auteurs que l’on peut consulter ne distinguent d’ailleurs pas les deux concepts, usant très souvent du même terme pour les désigner tous deux. À l’historien donc de comprendre, grâce au contexte et à sa familiarité avec les sources, ce qui excède la norme et ce qui y est inclus. C’est donc par souci de clarté que l’on utilisera ici les termes de témérité et de panique de préférence à hardiesse et peur dès lors que l’on abordera les situations d’irréflexion, et donc de comportements irrationnels.

  • 17 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 45. Christine de Pizan ne dit pas autre chose (BnF, (...)
  • 18 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 84 ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. (...)
  • 19 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 7 r°.
  • 20 Geoffroide Charny « Le livre de chevalerie », éd. dans Jean Froissart, Chroniques, t. I-III, éd. K (...)

8Première des deux émotions que l’on approchera ici : la témérité. Dérive, pourrait-on dire, de la hardiesse, elle se rencontre au moment où, emportés par l’énergie batailleuse, les hommes d’armes oublient les ordres qui leur ont été donnés. Sa condamnation est rendue compliquée par le fait que la hardiesse est précisément une des qualités que l’on cherche chez les chefs des armées. C’est ce que dit par exemple la traduction anonyme du traité de Végèce réalisée en 1380 : les combattants ne doivent « pas tant seulement [être] fors, mais [aussi] courageaux et hardiz17 ». Robert de Balsac, suivi par Bérault Stuart, illustre l’ambivalence de la hardiesse. Il distingue ainsi ceux qui déconseillent une entreprise et qui, si celle-ci est finalement conduite, se montrent très hardis, et ceux qui l’encouragent, exhibant leur courage loin de la bataille, mais qui, une fois en route, se montreront les « plus espouvantez18 ». Pour Christine de Pizan, il est bon de se montrer hardi, à condition toutefois de ne pas être trop pressé ou porté à la colère19. Geoffroi de Charny, pour sa part, qualifie de preux ceux qui ont fait montre d’une belle hardiesse, même si cela allait contre les ordres qui leur avaient été donnés. Et sont encore plus preux ceux qui allient cette hardiesse aux qualités tactiques d’un capitaine20. Ironie de la situation où le meilleur capitaine est précisément celui qui sait ne pas respecter les ordres d’un capitaine… La hardiesse paraît presque une qualité indispensable à qui veut embrasser le métier des armes : sans elle, nul succès n’est possible.

  • 21 Honoré Bovet, L’arbre des batailles, éd. Nys E., Bruxelles, Muquardt, 1883, p. 81-82.
  • 22 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 55-57.
  • 23 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137.
  • 24 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 243 ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 161 (ci (...)

9Une critique claire de ceux qui se sont comportés trop hardiment, donc avec témérité, au mépris des ordres reçus, et donc de la ratio incarnée dans le capitaine, se rencontre toutefois dans plusieurs textes. Honoré Bovet, qui est plus un théoricien de la guerre que de l’art militaire, consacre un long développement à la question de savoir s’il convient de condamner à mort « ung chevalier sage et hardy à toute sa compagnie [qui] contre le commandement du connestable ou du mareschal de l’ost va assaillir les ennemis et les desconfist et met à neant ». Reprenant la technique de l’argumentation pro et contra, il oppose le risque que ce chevalier a fait courir à son camp au bénéfice que tous en ont retiré et à la « bonne intention » qui était la sienne. Au final, il refuse de se prononcer et laisse le choix décisif au capitaine, qui pourra tout aussi légitimement condamner que pardonner le chevalier téméraire21. De ce fait, celui qui désobéit par témérité reste implicitement coupable, puisqu’il doit être pardonné. La témérité est donc soumise à l’autorité du capitaine, qui doit idéalement la maîtriser. Preuve, d’ailleurs, qu’elle n’est pas considérée comme absolument mauvaise, le conseil d’Antoine de La Sale de mentir à ses troupes afin de les rendre « esmeuz en ire » et donc plus redoutables sur le champ de bataille22. Conscient de l’influence de la témérité et de la hardiesse sur le cœur des hommes, Jean de Meun, dans ses Abregemenz des establissemenz apartenanz à chevalerie, recommande aux chefs d’armées de savoir si l’ennemi en face est « fol ou sage23 » – la folie étant ici certainement entendue comme synonyme de la témérité et de l’irréflexion. Et ce défaut doit ensuite être exploité en vue de la victoire. Le terrain d’action favori de cette « folle témérité » est celui de la chasse, quand, une fois la victoire emportée, on se précipite derrière les fuyards adverses afin d’en faire des prisonniers, ou les ultimes victimes de la journée. Or, « qui folement o gens espandues chace ses anemis, il veult donner a ses anemis la victoire qu’il meismes avoit receue24. »

  • 25 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 39.
  • 26 Voir ainsi, pour le cas de Charles de Bourgogne, dit « le Téméraire » : Smagghe L., Les émotions d (...)

10La nature de cette « folle hardiesse et hastiveté » ne nécessite en général pas de développement de la part des auteurs25, signe à la fois que la chose était bien connue et qu’il demeurait difficile de la condamner sans entrer dans des détails et des nuances que, visiblement, l’on n’a pas voulu aborder. La hardiesse n’est pas « mauvaise » par nature et peut même offrir de grandes réussites à ses hérauts, mais, devenue témérité, elle exclut ceux qu’elle étreint hors de la norme et s’avère, dès ce moment, l’un des plus graves défauts ; ce jugement ne se limite d’ailleurs pas aux hommes de guerre, mais s’applique également aux princes et gouvernants26. Au final, c’est au capitaine qu’il revient de contrôler cette hardiesse, de la susciter le cas échéant, en somme de l’utiliser pour le plus grand bien de la cause qu’il défend.

  • 27 On remarquera que les circonstances de cette panique ainsi que les « solutions » que l’on peut y a (...)
  • 28 Geoffroi de Charny « Le livre de chevalerie », op. cit., p. 488-489 est assez éloquent sur le suje (...)
  • 29 C’est ce que dit la « sagesse commune » du temps (Delumeau J., La peur en Occident, op. cit., p. 1 (...)
  • 30 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 144 ; Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 100, (...)
  • 31 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137 (citation), 161 ; Löfstedt L., « Aucuns notables ext (...)

11Seconde de ces émotions irrationnelles : la panique. Celle-ci non plus ne dit pas son nom dans nos textes, mais elle se trouve plus régulièrement évoquée que la témérité27. Certes, elle est plutôt considérée comme le propre des faibles28, voire des humbles29, mais le fait que les sources ne précisent pas sur qui elle peut s’abattre empêche de limiter sa terre d’élection à la piétaille, comme on pourrait le faire en se fiant trop aux chroniqueurs30. Comme le dit Végèce – par la plume de Jean de Meun –, il convient que ses lecteurs sachent si leur « ost [est] doutant ne paoureus31 », ce qui sous-entend qu’elle peut se loger dans le cœur de tout homme d’armes. Les effets physiques de la panique ne sont pas à négliger :

  • 32 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 140 (citation), 143.

« Cil qui oncques ou lonc tens passé ne virent homes navrer ne ocirre, quant il ce voient premierement, il tremblent orriblement et sont si confondu de paour qu’il ne commencent plus a penser de fouir que de combatre32. »

  • 33 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 46.
  • 34 GeoffroideCharny « Le livre de chevalerie », op. cit., p. 489-490. Jean de Meun, Li abregemenz, op (...)

12Plus grave encore, quand elle se diffuse dans les rangs d’une armée, elle entraîne sa désorganisation. Or, c’est quand l’ost « est devisé et desordonné [qu’il] se soubzmet a grant peril de vers les ennemis33 ». La crainte est grande, et répétée à de nombreuses occasions, de voir une troupe désorganisée, car sa cohésion et sa puissance de choc constituent, selon la tactique du temps, une très grande part de ses chances de triomphe. Bref, la panique nuit tout autant aux qualités martiales qu’à la réputation du chevalier qui en est atteint34.

  • 35 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137 ; Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 100, (...)
  • 36 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 56, 71, 106 (où l’auteur affirme que « les choses qui (...)
  • 37 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 23 r° ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 144.
  • 38 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 80 ;Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre (...)
  • 39 Jean de Bueil, Le Jouvencel, éd. Favre C., Lecestre L., Paris, 1887-1889, 2 vol., t. II, p. 60.
  • 40 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LVIII r°, recopié par Bérault Stuart, T (...)
  • 41 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 89 ; Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livr (...)
  • 42 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 88. Pour un contexte certes différent, celui de la S (...)
  • 43 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 25 v°-26 r° ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit. ; p. 160. Le livre de l (...)

13La situation n’est pourtant pas désespérée. Il est possible, et au vrai indispensable, de répondre à ces manifestations de panique. La peur peut en effet être étouffée dans l’œuf dès lors que le capitaine livre à ses hommes quelque « saige admonnestement35 », les réconfortant par la force de son verbe ; il doit veiller à ce que, justement, ses troupes n’offrent aucune ouverture à ceux qui les affrontent, et leur éviter ainsi panique et désorganisation. C’est pour la même raison qu’il s’assure que les bannières soient toujours visibles, car elles donnent un repère à ses hommes. Ce dernier conseil nous permet de voir ce qui, dans l’esprit des auteurs, offre un champ fertile à la panique : la perte de repères36. En évitant la désorganisation, ces repères empêchent également le développement de la panique au sein des rangs. C’est en cela que les conseils donnés par les traités didactiques portent non seulement sur les dispositions à suivre pendant le combat, mais également sur les façons d’habituer, avant celui-ci, les hommes d’armes à suivre ces fameux repères. Cet entraînement peut se faire « à blanc », par les joutes, les tournois ou l’exercice militaire, mais aussi par des escarmouches réelles. Celles-ci sont en effet bénéfiques du point de vue de la formation pratique de la guerre et permettent d’éviter, lors de campagnes de plus grande ampleur, la crainte que l’on dit inhérente à la découverte d’un nouvel adversaire37. Une fois accoutumés à la bataille, les combattants sauront déjà, à l’avance, quelle attitude adopter face à l’ennemi. Le topos est connu : « Comme le chevalier bien exercité desire bataille, cellui qui n’en est pas exercité […] la redoubte38. » La Hire aurait conseillé, s’il faut en croire Jean de Bueil, que « se tu veulx te garder de n’avoir jamaiz paour, garde que tu soyes tousjours à frapper les premiers coups39 ». Au lendemain d’une défaite, il convient de renforcer ses troupes d’hommes frais, afin de leur rendre espoir et courage40. Réorganisés au milieu de leurs repères, les « doubteux et paoureux » retrouveront par la même occasion leurs qualités martiales et se débarrasseront de leur panique. Cette habitude des armes et de la sociabilité guerrière, que vient parfois renforcer la crainte des sanctions41, entraînent avec elles une émulation positive au sein des troupes42. Les théoriciens du Moyen Âge parlent à ce sujet de « remedes » ou de « medecines » conte la panique. L’expérience du « métier des armes » permet même de combattre une situation désespérée en regroupant autour du capitaine une troupe bien organisée afin de disloquer l’armée adverse, en chassant déjà les fuyards – la chasse étant, on l’a déjà dit, le moment où une troupe apparaît comme étant la plus vulnérable43.

  • 44 Le livre de l’art de chevalerie (op. cit., p. 100) recommande ainsi « que l’en ne mette mie en bat (...)
  • 45 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 23 r° ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LX v°, r (...)
  • 46 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 88-89.
  • 47 Celle-ci se rencontre également dans les textes littéraires (Longhi B., « Li plus hardiz est couar (...)

14Dans le cas où l’on ne peut soigner ce mal, deux attitudes sont conseillées afin qu’il ne nuise pas à l’efficacité de la troupe44. La première est d’en empêcher la diffusion – en celant les mauvaises nouvelles à ceux qu’elles pourraient épouvanter ou en ne lançant pas trop rapidement les cris de guerre qui peuvent effrayer les moins hardis45. La seconde est d’amputer les membres atteints, en les éloignant de l’armée où ils pourraient contaminer d’autres éléments plus sains. On conseille par exemple de les charger d’une mission lointaine, qui ne ressemble pas à une sanction. Même si l’explication d’une telle décision n’est pas donnée, il est évident qu’on ne veut pas insulter publiquement un membre de l’armée en l’accusant de couardise. Outre le respect dû à un compagnon d’armes, même subalterne, il s’agit pour le capitaine de ne pas laisser d’espace au développement d’une contestation interne, car celle-ci pourrait se révéler plus dangereuse encore pour la bonne conduite de sa mission que la présence d’hommes peureux. De manière plus radicale, Végèce et ses traducteurs préconisent la peine de mort pour empêcher certaines personnes de diffuser leur panique46. En dernière analyse, donc, c’est au capitaine que revient le contrôle de la peur au sein de ses rangs. Les traités dénient presque totalement aux hommes de troupe – qui ne constituent pas le lectorat initial de ces textes, plutôt destinés aux élites – la capacité de lutter contre la panique. Le trait est incontestablement forcé, mais il participe de la responsabilisation, ou plutôt d’une « sur-responsabilisation », du chef dans la conduite de la guerre47. Il ne peut, ni ne doit, faire confiance aux autres pour mener à bien sa mission.

  • 48 Piaget A., « Le chapel des fleurs de lis par Philippe de Vitri », Romania, t. XXVII, 1898, p. 55-9 (...)
  • 49 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 45, 6e chap., section Des regles de batailles] ; Löfste (...)
  • 50 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 42, 6e chap., section Des regles de batailles].
  • 51 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 113.
  • 52 Robert de Balsac (« La nef des batailles », op. cit., fol. LVI v°, recopié par Bérault Stuart, Tra (...)
  • 53 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 47.
  • 54 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 51, 6e chap., section De fuyte].
  • 55 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LVIII r°, recopié par Bérault Stuart, T (...)
  • 56 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 160.
  • 57 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 45 v°-46 r° ; Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 62 ; Jean de Meun (...)

15La panique dans ses propres rangs est un mal qu’il faut éradiquer. Pour autant, puisqu’elle est universelle, il convient de tout faire pour qu’elle se répande parmi les troupes adverses, tant elle apparaît comme l’un des éléments à même d’apporter la victoire. « Aguez soudains, paour poverte./Grievent trop plus que guerre ouverte », pour reprendre les vers de Philippe de Vitri48 ; « Choses soudeines et nouvelles espouantent les ennemis », selon un abréviateur de Végèce49 ; « Mieult vault vaincre ses ennemys par mesaise et par survenues ou par paour, que par vertu », d’après Le Rosier des guerres50. Outre les leçons apportées en creux – ce que l’on redoute pour ses propres troupes peut être réalisé au détriment des adversaires –, plusieurs passages ont pour principal objet l’instillation de la panique dans les rangs ennemis. Il s’agit par exemple de les amener à mal s’organiser sur le champ de bataille51. Encore une fois, la peur apparaît comme l’une des données à maîtriser, au même titre que l’organisation des gens d’armes et de trait. Il ne faut d’ailleurs pas attendre la bataille pour en user. Dès avant l’engagement, on doit s’assurer que l’ennemi apprenne, même et peut-être surtout si l’information est fausse, que des renforts vont arriver : cela le convaincra que sa victoire est désormais impossible52, et le poussera donc à commettre des erreurs. Une fois la campagne débutée, il est recommandé d’aller porter la guerre non dans les zones où opère l’adversaire, mais en arrière de celles-ci, voire sur ses propres terres, pour jouer la peur contre la peur53. À l’occasion d’un siège, on diffusera la panique par le spectacle conjugué des engins, à trébuchet ou à poudre, des cris des hommes d’armes montant à l’assaut et du son des trompettes54. Enfin, un succès et la crainte qu’il fait naître dans le camp des vaincus doivent être immédiatement exploités, car on « fera plus en ung jour qu’[on] ne ferait de dix paravant55 ». Et où mieux que sur le champ de bataille même, les cris de joie doivent ainsi épouvanter les adversaires encore présents56 ? Plus cynique encore. Au moment de l’encerclement, épisode où la crainte de la mort se fait la plus forte, il ne faut pas réaliser la manœuvre complète car, dans ce cas, la panique se mue en énergie du désespoir et l’adversaire, consumé de la fureur téméraire, se fait alors plus redoutable. Il convient au contraire de lui laisser l’espace par lequel fuir. La débandade ainsi provoquée, et aussi désordonnée que les fuyards seront nombreux, permettra de les abattre « comme bestes » en leur tendant par exemple des embuscades – c’est ce que recommande Christine de Pizan57.

  • 58 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LX r°, recopié par Bérault Stuart, Trai (...)
  • 59 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 233-234, 241.
  • 60 Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 299.
  • 61 C’est ce que recommande Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 37 ; il met l’accent sur la ca (...)

16Bref, c’est au capitaine que revient la responsabilité du combat contre l’irréflexion, ou, dans un sens contraire, de son inoculation aux troupes adverses ; c’est bien lui qui incarne la rationalité au combat. Sans lui, « tout demeure confus et en desordre58 ». Chevalier choisi pour son expérience des armes59 qui, comme tout Français ou Bourguignon, n’a ni trop peur de perdre son sang – trait attribué aux combattants du Sud –, ni trop de témérité – dont débordent les gens du Nord60 –, il constitue le centre de gravité de toutes les considérations développées dans les traités didactiques, en ce compris la relation à la panique et à la témérité. C’est lui qui doit y remédier, en mentant à ses troupes au besoin61. Les stratagèmes qu’il déploie afin de composer avec la panique et la témérité ne sont jamais jugés du point de vue éthique, mais ne sont mis en avant que pour leur utilité tactique ou stratégique. Ces chefs de guerre se distinguent par leur habileté à tromper l’adversaire, que celui-ci se trouve face à eux ou se cache parmi ses propres rangs. À ce titre, c’est bien par les sentiments et les émotions que l’on peut triompher à la guerre, puisque là aussi réside la faiblesse du combattant.

  • 62 C’est ce qu’indique Taylor C., « Military Courage and Fear in the Late Medieval Chivalric Imaginat (...)

17L’évocation de l’irrationnel permet de souligner que tous les hommes d’armes ne se valent pas : pour remporter la victoire il importe d’utiliser les défauts de l’adversaire, tout en remédiant aux carences de ses propres hommes. Si la peur est unanimement critiquée dans des textes à vocation édifiante62, elle ne peut être abordée de la même façon quand on recherche le pragmatisme et l’efficacité. En somme, grâce aux manifestations de la panique et la témérité, on ébauche une culture de la distinction au sein de ceux qui portent les armes, trop nombreux pour être tous remarquables. Les auteurs sont unanimes : mieux vaut une poignée de combattants de valeur que des troupes d’incapables. Si aucun n’indique clairement qu’en ne dirigeant que des hommes courageux, on limite les mouvements irrationnels, cette idée ne peut leur être tout à fait étrangère – ce qui nous semble a fortiori plus vrai encore des lecteurs. En éliminant l’irrationnel, ou en apprenant à le contrôler, pour reprendre le titre de la contribution de Benjamin Deruelle, les auteurs des traités d’art militaire font de la peur et de la hardiesse des éléments sensibles, importants sur le champ de bataille, à la manière de la position du soleil, de la topographie ou du ravitaillement.

Notes

1 Sur cette question, on verra entre autres Drévillon H., L’Individu et la Guerre. Du chevalier Bayard au Soldat inconnu, Paris, Belin, 2013, p. 81-109 (chap. 3, « Comment peut-on être soldat ? »).

2 Voir entre autres Antoine de La Sale, Œuvres complètes, t. I, La Salade, éd. Desonay F., Liège-Paris, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, 1935, p. 241.

3 C’est ce que conseille Christine de Pizan manifestement marquée par l’expérience de Charles V (Paris, Bibliothèque nationale de France [désormais BnF], Ms. Fr. 603, fol. 5 v°).

4 Le Rosier des guerres, enseignements de Louis XI roy de France pour le dauphin son fils, transcription du manuscrit, éd. Diamantberger M., Paris, François Bernouard, 1925, n. p. [p. 41, 6e chap., section Des regles de batailles ; 50, 6e chap., section De fuyte]. Christine de Pizan limite son propos à affirmer que le bon capitaine ne doit jamais désespérer, s’il est sage (BnF, Ms. Fr. 603, fol. 26 r°).

5 Rimé B., « Les émotions médiévales. Réflexions psychologiques », in Boquet D., Nagy P. (dir.), Politiques des émotions au Moyen Âge, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2010, p. 317 (l’auteur s’arrête par exemple sur la figure du marchand).

6 La référence à la raison dans la conduite de la guerre se trouve d’ailleurs sous la plume d’auteurs comme Jean Juvénal des Ursins ou Christine de Pizan dans son Corps de policie (Allmand C. T., The De Re Militari of Vegetius. The Reception, Transmission and Legacy of a Roman Text in the Middle Ages, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 260). La valeur et l’honneur concourent ainsi à la compréhension du monde contemporain en justifiant l’action martiale (Jouanna A., « Recherches sur la notion d’honneur au XVIe siècle », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, t. XV, 1968, p. 598).

7 Jean de Meun, Li abregemenz noble homme Vegesce Flave René des establissemenz apartenanz à chevalerie, éd. Löfstedt L., Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1977, p. 159.

8 C’est le contexte qui, dans ces traités, permet d’identifier le « type » de peur évoqué : angoisse, peur, panique.

9 Delumeau J., La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècle), Paris, Hachette Littératures, 1999, p. 14, 21 (citation), 30.

10 « Le livre messire Geoffroi de Charny », éd. Piaget A., Romania, t. XXVI, 1897, p. 396-411, ici p. 401.

11 Une constatation qui est aussi celle des auteurs de chansons de geste. Longhi B., « Li plus hardiz est couarz devenuz. Les Formules mentionnant la peur, indices de l’évolution des chansons de geste ? », in Louviot É. (dir.), La Formule au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2012, p. 35-37. « Le livre messire Geoffroi de Charny », op. cit., p. 406-407.

12 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 119 ; Le livre de l’art de chevalerie de Vegesce. Traduction anonyme de 1380, éd. Löfstedt L. et al., Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1989, p. 84 ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », Id. et Symphorien Champier, La nef des Princes et des Batailles de noblesse avec autres enseignemens utilz et profitables a toutes manieres de gens pour congnoistrea bien vivre et mourir dediques et envoyes a divers prelas et seigneurs ainsi qu’on pourra trouver cy apres. Item plus le regime d’ung jeune prince et les proverbes des princes et aultres petis livres tresutilz et profitables, Lyon, Guillaume Balsarin, 1502, fol. LVIII v°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, éd. de Comminges É., La Haye, Nijhoff, 1976, p. 11 ; Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 41, 6e chap., section Des regles de batailles ; 46, 6e chap., section De multitude de ost].

13 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 42, 6e chap., section Des regles de batailles].

14 Cette même observation sera posée, plusieurs siècles plus tard, par Ardant du Picq C., Études sur le combat. Combat antique et combat moderne, Paris, Champ libre, 1978 [1re éd. Paris, Hachette, 1880], p. 74-75, 79-82.

15 On rejoindra donc l’approche de Scott A., Kosso C., dans leur Introduction à Fear and Its Representations in the Middle Ages and Renaissance, Turnhout, Brepols, 2002, p. xiii.

16 Nagy P., Boquet D., « Pour une histoire des émotions. L’historien face aux questions contemporaines », in Nagy P., Boquet D. (dir.), Le sujet des émotions au Moyen Âge, Paris, Beauchesne, 2008, p. 15-51, ici p. 37-38.

17 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 45. Christine de Pizan ne dit pas autre chose (BnF, Ms. Fr. 603, fol. 5 v°). Même Thomas d’Aquin fait l’éloge de l’intrépidité (cité dans Contamine P., La guerre au Moyen Âge, 5e éd., Paris, PUF, 1999, p. 407). Voir aussi Id., La noblesse au royaume de France, de Philippe le Bel à Louis XII, Paris, PUF, 1997, p. 296.

18 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 84 ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LXI v°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 22.

19 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 7 r°.

20 Geoffroide Charny « Le livre de chevalerie », éd. dans Jean Froissart, Chroniques, t. I-III, éd. Kervyn de Lettenhove J. B. M. C., Bruxelles, Hayez, 1873, p. 503-504.

21 Honoré Bovet, L’arbre des batailles, éd. Nys E., Bruxelles, Muquardt, 1883, p. 81-82.

22 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 55-57.

23 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137.

24 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 243 ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 161 (citation). Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 45, 6e chap., section Des regles de batailles].

25 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 39.

26 Voir ainsi, pour le cas de Charles de Bourgogne, dit « le Téméraire » : Smagghe L., Les émotions du prince. Émotion et discours politique dans l’espace bourguignon, Paris, Garnier, 2012, p. 195-212.

27 On remarquera que les circonstances de cette panique ainsi que les « solutions » que l’on peut y apporter se retrouvent dans une enquête conduite auprès de vétérans américains de la Guerre d’Espagne. Il pourrait s’avérer stimulant de reprendre les questions posées par cette enquête afin d’enrichir la problématique de la peur martiale au Moyen Âge, qui nous semble devoir encore être étudiée en profondeur (Dollard J., Fear in Battle, Yale, Yale University Press, 1943).

28 Geoffroi de Charny « Le livre de chevalerie », op. cit., p. 488-489 est assez éloquent sur le sujet.

29 C’est ce que dit la « sagesse commune » du temps (Delumeau J., La peur en Occident, op. cit., p. 15-16).

30 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 144 ; Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 100, 113, 133. Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 41-42, 6e chap., section Des regles de batailles].

31 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137 (citation), 161 ; Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », Neuphilologische Mitteilungen. Bulletin de la Société néophilologique d’Helsinki, t. LXXXIII-III, 1982, p. 297-312, ici p. 303.

32 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 140 (citation), 143.

33 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 46.

34 GeoffroideCharny « Le livre de chevalerie », op. cit., p. 489-490. Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 163.

35 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 137 ; Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 100, 106 ; Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 303 ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LVI v°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 8. Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 44, 6e chap., section Des regles de batailles].

36 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 56, 71, 106 (où l’auteur affirme que « les choses qui sont d’usaige ne sont mie si doubtees »).

37 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 23 r° ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 144.

38 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 80 ;Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 299. De plus, l’entraînement aux armes permet, en période de siège, d’éviter que l’oisiveté propre aux troupes assiégeantes ne provoque des troubles internes. Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 124.

39 Jean de Bueil, Le Jouvencel, éd. Favre C., Lecestre L., Paris, 1887-1889, 2 vol., t. II, p. 60.

40 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LVIII r°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 10.

41 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 89 ; Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 309.

42 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 88. Pour un contexte certes différent, celui de la Seconde Guerre mondiale, J. G. Gray estime que le « sens de l’union » avec les compagnons d’armes est ce qui explique que les soldats oublient ou parviennent à taire la peur panique de la mort (Au combat. Réflexion sur les hommes à la guerre, Paris, Tallandier, 2013, p. 163). Cette explication ne nous semble pas devoir être exclue a priori pour la période médiévale, même si nos sources ne nous permettent pas de nous prononcer de façon catégorique.

43 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 25 v°-26 r° ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit. ; p. 160. Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 125.

44 Le livre de l’art de chevalerie (op. cit., p. 100) recommande ainsi « que l’en ne mette mie en bataille commune l’ost, quant il est doubteux et paoureux ».

45 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 23 r° ; Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LX v°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 18.

46 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 88-89.

47 Celle-ci se rencontre également dans les textes littéraires (Longhi B., « Li plus hardiz est couarz devenuz », op. cit., p. 37).

48 Piaget A., « Le chapel des fleurs de lis par Philippe de Vitri », Romania, t. XXVII, 1898, p. 55-92, ici p. 83. Christine de Pizan indique elle aussi que les actions soudaines sont effrayantes pour l’ennemi (BnF, Ms. Fr. 603, fol. 26 r°).

49 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 45, 6e chap., section Des regles de batailles] ; Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 308 (citation).

50 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 42, 6e chap., section Des regles de batailles].

51 Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 113.

52 Robert de Balsac (« La nef des batailles », op. cit., fol. LVI v°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 8) n’utilise pas le mot « peur », mais c’est évidemment cette émotion qu’il compte mobiliser.

53 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 47.

54 Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 51, 6e chap., section De fuyte].

55 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LVIII r°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 11.

56 Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 160.

57 BnF, Ms. Fr. 603, fol. 45 v°-46 r° ; Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 62 ; Jean de Meun, Li abregemenz, op. cit., p. 154-155. Le livre de l’art de chevalerie, op. cit., p. 119 (citation). Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 307 ; Le Rosier des guerres, op. cit., n. p. [p. 50, 6e chap., section De fuyte]. Philippe de Vitri ne traite que de la force extraordinaire de celui qui n’a aucun espoir d’échapper à la mort (Piaget A., « Le chapel des fleurs de lis par Philippe de Vitri », op. cit., p. 85).

58 Robert de Balsac, « La nef des batailles », op. cit., fol. LX r°, recopié par Bérault Stuart, Traité sur l’art de la guerre, op. cit., p. 16.

59 Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 233-234, 241.

60 Löfstedt L., « Aucuns notables extraits du livre de Végèce », op. cit., p. 299.

61 C’est ce que recommande Antoine de La Sale, La Salade, op. cit., p. 37 ; il met l’accent sur la capacité de répartie orale, tout autant que tactique, du chef de guerre, qui ne doit jamais perdre son prestige auprès de ses hommes.

62 C’est ce qu’indique Taylor C., « Military Courage and Fear in the Late Medieval Chivalric Imagination », Cahiers de Recherches médiévales et humanistes, t. XXIV, 2012, p. 129-147, ici p. 133-134.

Auteur

Maître de conférence à l’université de Liège (Département Transitions), il consacre ses recherches à l’histoire militaire des anciens Pays-Bas, de la France et de l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début des Temps modernes. Ses travaux se structurent autour de deux approches complémentaires : l’étude des armées comme celle de micro-sociétés répondant à leurs propres lois, coutumes, usages, hiérarchies, structures sociales et normes ; la culture militaire au travers des mémoires rédigés par des vétérans et des traités théoriques d’art militaires.

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