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L'Europe des sciences et des techniques

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Liliane Hilaire-Pérez
, 
Fabien Simon
, 
Marie Thébaud-Sorger

Cultures visuelles

Focus document. Le De re metallica de Georg Agricola (1556)

Paul Benoit

Texte intégral

1En 1556, paraissait le De re metallica, publication posthume du médecin humaniste Georgius Agricola, latinisation de Georg Bauer, né en Saxe en 1494 et mort en 1555. À quelques mois près il est le contemporain de Rabelais. Après des études en Saxe, il fit, comme beaucoup de jeunes humanistes, le voyage d’Italie en passant par Bâle pour y rencontrer Érasme. En Italie, il paracheva sa formation médicale. Son voyage lui a permis de visiter de nombreux districts métallifères. De retour en Europe centrale, il exerça son métier de médecin dans de grands centres de production de métaux non-ferreux, d’abord à Joachimstahl, maintenant Jachimov, au nord-ouest de la Bohême, puis à Chemnitz en Saxe dont il devint maire. Personnage important dans sa ville, il était aussi très proche de la cour de l’électeur de Saxe. Il s’est marié deux fois, une fois avec la veuve du Bergrichter (juge des mines) de Schneeberg, une autre avec la fille du propriétaire d’une fonderie. Soignant mineurs et métallurgistes, marié avec des femmes issues de ce milieu, il y avait aussi d’importants intérêts financiers. Ce sont sans doute des placements dans les mines et la métallurgie qui, avec la politique, ont fait de lui un des douze hommes les plus riches de Chemnitz.

2Agricola a beaucoup écrit : son premier, une grammaire latine élémentaire, date de 1520. Il a touché à de nombreux sujets, depuis l’histoire jusqu’aux poids et mesures, mais le milieu où il vivait l’a conduit à s’intéresser aux mines et à la métallurgie.

3En 1530, il publia un Bermannus, sive de re metallica dialogus, dialogue entre un vieux mineur et un novice. Cette œuvre fut suivie de traités plus conséquents. Le De Ortu et causis subterraneu (1544) traite, comme son nom l’indique, traite de la naissance des montagnes mais aussi des gisements de minerais. Agricola y ébauche le travail qu’il complétera plus tard. L’ouvrage est suivi en 1548 du De natura fossilium libri X, un traité de minéralogie, fossilis devant être pris au sens du latin classique : ce qu’on extrait de la terre. L’auteur y propose une nouvelle classification des minéraux. L’importance de l’œuvre a été reconnue par les plus éminents minéralogistes des XVIIIe et XIXe siècles.

4Son œuvre maîtresse porte pour titre Georgi Agricolae de re metallica libri XII. Le De re metallica est un gros ouvrage in-folio de 488 pages. Agricola en a probablement commencé l’écriture vers 1530 et l’a achevé en 1550, mais la réalisation des 292 gravures sur bois et l’édition de l’ouvrage ont retardé la publication jusqu’en 1556, un an après le décès de l’auteur. L’image joue un rôle essentiel dans la description des techniques et des machines utilisées. Ces gravures ont très largement participé au succès de l’ouvrage. Entre 1555 et la fin du XVIIIe siècle, le De re metallica a été édité onze fois, cinq fois en latin, autant de fois en allemand et une fois en italien. Agricola décrit les filons, les méthodes de prospection et fournit des éléments de droit minier ; il explique la mesure des mines, connaissance indispensable aux hommes à qui il s’adressait, susceptibles d’être propriétaires de parts de mine ou exploitants. Il s’intéresse ensuite à l’abattage et au transport du minerai avant de présenter les techniques d’exhaure et d’aérage. Puis il passe aux essais des minerais, indispensables pour savoir s’il est profitable d’exploiter un filon découvert.

5Agricola en vient alors aux procédés de préparation des minerais, tri, concassage, lavage, grillage avant de passer à la fonte. Les produits qui sortent des fourneaux sont le plus souvent un composé de différents métaux et il s’agit de séparer un « métal précieux » d’un « métal commun ». Il s’attache en particulier à présenter la coupellation, méthode la plus commune pour séparer le plomb de l’argent. Le fait est pour lui essentiel puisque ce métal qui fait la richesse de l’Europe centrale se trouve essentiellement dans la galène, sulfure de plomb qui peut posséder d’intéressantes teneurs en argent. Mais au XVIe siècle l’argent manque, alors que le cuivre devient un métal très recherché notamment pour fournir le bronze nécessaire à la fonte des canons. Le traitement des cuivres argentifères présente alors très grand intérêt et le texte d’Agricola est particulièrement précis et documenté à ce sujet. L’ouvrage se termine par un chapitre où l’auteur présente les méthodes pour obtenir du sel, du salpêtre, de l’alun, du vitriol, du soufre et du verre, autant de produits dont aucun n’est un métal.

6Le De re metallica s’intéresse, en fait, essentiellement aux métaux non ferreux et d’abord au cuivre, au plomb et à l’argent ainsi qu’à leurs alliages. Un des buts d’Agricola étant de s’adresser à des hommes essentiellement susceptibles d’engager leurs capitaux dans l’exploitation des minerais, il insiste beaucoup sur ces métaux précieux, principalement sur l’argent abondant en Saxe et en Bohême. Dans une industrie de pointe, à l’origine de la grande fortune du siècle, celle de Jacob Fugger, Agricola présente des connaissances techniques exceptionnelles.

Auteur

Professeur honoraire à l’université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, il y a enseigné l’histoire des techniques. Historien et archéologue, il a essentiellement travaillé sur les énergies et les matériaux au Moyen Âge et à l’époque moderne. Il s’est plus particulièrement intéressé aux mines et la métallurgie du fer et des non-ferreux, ainsi qu’aux moulins et à leurs applications industrielles.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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