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Éduquer dans et hors l’école

 | 
Bruno Garnier
, 
Pierre Kahn

Cinquième partie. Communes, acteurs politiques et associations

Les cours publics municipaux d’Angers (1885-1914) : autour de Julien Bezard, professeur de lettres

Michaël Devaux

Texte intégral

  • 1 O. Couffon, Discours de rentrée, Angers, Roulière, 1904, p. 2.

« [J]’ai compulsé les dossiers poudreux de nos archives départementales et municipales. Rassurez-vous ! ils sont fort légers concernant nos cours1. »
À Claire Isnardon.

Introduction

  • 2 Ailleurs, certains de ces cours devinrent célèbres, citons ceux de Paris, Lyon ou Toulouse par exe (...)
  • 3 Julien Bezard était le responsable de l’enseignement secondaire des humanités nouvelles. Voir B. G (...)

1Cette enquête sur les cours publics municipaux d’Angers2 vise ultimement à mettre en perspective la figure du pédagogue et responsable de l’Université nouvelle qu’est Julien Bezard3. Sa participation à ces cours en est la raison accidentelle et curieuse. Bien sûr on trouvera ici une présentation générale desdits cours, tendue néanmoins vers la figure de Bezard : c’est à son propos que le plus de matière se rencontre dans les dossiers des archives municipales d’Angers et la presse locale. Bezard est, en effet, selon mes relevés, le seul enseignant de littérature de cette institution pour lequel on dispose d’un triple éclairage permettant une double comparaison : a) son discours de rentrée qui annonce le plan de son cours durant une année, b) la reconstitution possible des séances semaine après semaine cette année-là, et c) le contenu détaillé de ses enseignements au lycée (ultérieurs de quelques années). De la sorte, la spécificité de ce qu’il enseigne hors l’école et de ce qu’il enseigne à l’école pourra trouver à être mise en perspective. Les programmes se recoupent-ils ? Qu’apporte l’expérience de l’un pour l’exercice de l’autre, et réciproquement ? La forme pédagogique de l’un sert-il de modèle à l’autre ? Les publics sont-ils socialement les mêmes ou non ?

  • 4 Voir le Rapport général remis en 1914 à la ville d’Angers par Julien Koszul.

2J’ai borné chronologiquement cette enquête aux années 1885-1914. La première raison est purement extérieure aux Cours eux-mêmes : c’est bien entendu la rupture de la Grande Guerre. Elle se double d’une raison archivistique : la lacune concernant les nominations entre 1915 et 1933. Elle se redouble d’un projet concurrent des cours municipaux en 1914 : la création de cours d’apprentissage professionnel et de cours de perfectionnement pour jeunes ouvriers et ouvrières4.

  • 5 Cet article ne constitue qu’un volet étroit, qui plus est approché historiographiquement, d’une re (...)

3Comment élaborer la question éducative qui structure cette institution que sont les cours publics municipaux d’Angers ? Sont-ils assimilables administrativement et pédagogiquement à des cours d’adultes ? Leurs objectifs, auditeurs et maîtres sont-ils les mêmes ? Leur appréciation est paradoxale, on le verra en conclusion. Le relevé ici proposé débouchera en cela sur une problématisation qui permettra, par ailleurs, d’apprécier ces cours de littérature de façon globale5 avec le préalable modeste mais nécessaire que constitue cette description de ces cours publics municipaux d’Angers.

  • 6 Voir les articles de Roger Hahn, Bruno Belhoste et Antoine Prost signalés en bibliographie.
  • 7 Voir [http://gehfa.com/fr/bibliographie].
  • 8 Voir P. Marchand, « Une expérience de formation professionnelle d’adultes, le cours municipal de c (...)
  • 9 N. Terrot, Histoire de l’éducation des adultes en France, Paris, L’Harmattan, 1997.

4Les appuis scientifiques pour retracer l’histoire de cette institution ne sont pas légion. Nous sommes à la confluence de l’Éducation populaire, de l’éducation des adultes et de la nouvelle phase de l’histoire de la Ligue de l’enseignement avec l’élargissement au post-scolaire à partir de 1894. La base bibliographique d’histoire de l’éducation indique bien des travaux ponctuels sur les cours d’adultes mais ils se concentrent sur la période prérévolutionnaire et le début du XIXe siècle d’une part, et d’autre part sur les années 1920-19806. De son côté, la bibliographie du groupe d’étude – Histoire de la formation des adultes7 ne présente qu’une seule étude concernant un cours municipal sur une période englobant la nôtre, celui de Lille entre 1858 et 19398. Un recours se trouve néanmoins dans le livre de Noël Terrot9, pour rappeler l’arrière-plan et le contexte. On sera attentif au fait que ces cours municipaux publics ne sont pas des cours d’adultes au sens où l’entend habituellement, la description de cette institution à Angers vise justement à le montrer.

5Je m’appuierai principalement sur le dépouillement des archives municipales d’Angers, des archives départementales du Maine-et-Loire, et de la presse locale (Le Petit Courrier). Je présenterai, sur cette base, d’abord l’histoire de ces cours entre 1885 et 1914 d’un point de vue institutionnel et organisationnel ; puis je me concentrerai sur le recrutement des enseignants ; avant – pour finir – de me focaliser sur l’enseignement des lettres avec la figure de Julien Bezard, dont j’ai dépouillé le dossier de fonctionnaire conservé aux Archives nationales.

Histoire des cours publics municipaux d’Angers (1854-1914)

6Que sont concrètement les cours publics municipaux d’Angers à cette époque ? Je présenterai d’abord leur statut administratif, et l’importance sociale qu’on peut leur attribuer ; ensuite les cours (matières) qui y sont enseignés ; et enfin les publics qui s’y instruisaient.

Administrativement

  • 10 Voir le Rapport de M. Bleunard à M. le maire, 31 juillet 1893, p. 3 (1 R 149), et la lettre de M. (...)
  • 11 Durant cette période, les Cours publics municipaux sont dirigés tour à tour par Albert Bleunard (d (...)

7Les « Cours publics municipaux » (tel est leur nom officiel) ont été créés par délibération du conseil municipal d’Angers le 29 avril 1885 pour ouvrir le 15 octobre de cette même année. Pour la période qui nous occupe, des rumeurs de fermeture ont couru en 1893 et 191210, mais l’institution a perduré (jusqu’à aujourd’hui). À leur tête est placé un directeur11, qui coordonne l’ensemble et remet un rapport d’activité annuel au maire.

  • 12 Angers perdit son académie (fondée en 1804) quand leur nombre en France fut réduit à seize en juin (...)
  • 13 Bergson, alors professeur à Angers (1882-1883), a donné un cours de littérature à l’École supérieu (...)
  • 14 Deux personnes seulement ont obtenu ce diplôme entre 1856 et 1885 ! Voir C. Port, « École supérieu (...)
  • 15 Voir A. Bleunard, « Cours municipaux. Association française pour l’avancement des sciences – comit (...)

8Les cours publics municipaux ont remplacé l’École préparatoire à l’enseignement supérieur des sciences et des lettres (décrétée en 1854 et ouverte en 1856)12, qui périclitait depuis une dizaine d’années avec l’ouverture des facultés libres de l’Ouest (devenues Université catholique de l’Ouest). L’École supérieure des sciences et lettres était rattachée à l’Université impériale et à ce titre ses professeurs venaient du lycée13 et un diplôme était délivré par un jury présidé par un professeur de faculté d’État14. Toutes les branches de la connaissance y étaient enseignées. Ce qui ne sera plus le cas pour les Cours municipaux dont les objectifs furent plus modestes15, et qui ne dépendaient plus de l’université.

  • 16 Le Petit Courrier (organe de l’Union républicaine) présente ainsi le maire Jean Joxé dans son éditi (...)
  • 17 Voir pour l’organisation le dossier 1 R 165 du service archives – documentation – photothèque de l (...)
  • 18 Bulletin de la Société d’études scientifiques d’Angers, NS 24, 1904 (1905), p. xlii.

9Néanmoins, en 1904, la mairie (où le parti radical est aux affaires16) a organisé ce qu’on appelle alors officiellement le « cinquantenaire de la fondation des Cours publics des Sciences et des Lettres17 ». Autrement dit, on considérait bien qu’il y avait un continuum entre l’École supérieure des sciences et des lettres et les cours publics municipaux. Les membres de la Société d’études scientifiques d’Angers sont alors invités à assister à cette séance solennelle18. Outre le discours d’Olivier Couffon sur l’histoire des cours, une conférence de M. Préaubert sur l’air liquide est donnée. La Société française de l’acétylène dissous apporte son concours « en raison de cette solennité ».

L’importance sociale

  • 19 Le Petit Courrier du dimanche 18 octobre 1896, p. 2a. À l’issue de cette année 1896-1897, le maire (...)
  • 20 Imprimé dans Le Petit Courrier du lundi 19 octobre 1896, p. 3a-c.
  • 21 Le Petit Courrier, dimanche 18 octobre et lundi 19 octobre 1896.

10L’année 1896 semblait déjà marquer sinon un tournant, du moins une exception. Le maire de la ville, M. Joxé, préside cette année-là une cérémonie organisée pour l’ouverture des cours qui acquiert « une solennité qui lui manquait jusqu’alors19 ». Albert Bleunard, le directeur des cours, prononce un discours20 avant la première séance du cours de littérature de Julien Bezard. Assistent à cette séance mondaine : M. Robert inspecteur d’Académie, M. Germain proviseur du lycée, MM. Vannier et Appraillé inspecteurs primaires, M. Jeanvrot conseiller à la Cour, M. Beauvais secrétaire général de la préfecture, M. Cadi, conseiller municipal, M. Quélin bibliothécaire de l’école de médecine, M. Joubin bibliothécaire de la ville, et cinq médecins21.

Les matières enseignées gratuitement

  • 22 En 1893, prenant acte du fait que « Les sciences théoriques ont moins d’attrait pour le public : n (...)
  • 23 Aucun cours de mathématiques ni de dessin n’est dispensé : ceux de l’École supérieure des sciences (...)
  • 24 Des conférences ont aussi été données régulièrement à partir de 1891-1892, concurrentes de celles (...)
  • 25 Les cours d’allemand furent créés dès 1874 et étaient payants. L’anglais suivit. Rapidement, la ma (...)

11On y enseigne la littérature, l’histoire et la géographie, la physique, la chimie, l’hygiène22, l’anglais et l’allemand23. Un cours de sténo-dactylo est créé en 1908, et un cours d’espéranto en 1912. La régularité est d’un cours d’une heure hebdomadaire24, parfois répété trois fois par semaine, comme c’est le cas pour les sections de langues25. Les cours de science se distinguent par la qualité et la quantité de matériel utilisé (« belle collection d’appareils ») et des expériences qu’il permet. Le fait que le directeur des cours soit successivement pendant notre période, le professeur de chimie puis le professeur de physique joue sans doute. Tous deux appartenaient aussi à la Société d’études scientifiques d’Angers.

Le public visé

  • 26 Voir 1 R 151 ; un certain nombre d’affiches sont conservées (6 Fi 69-74, 1003-1004).

12Il est celui des classes populaires, mais non exclusivement. Une cinquantaine d’auditeurs par cours semble être la moyenne, avec une augmentation sensible à partir de 1897. Les publicités pour ces cours se font par affichage dans toute la ville, sur une trentaine de lieux26.

  • 27 A. Bleunard, op. cit., p. 406.

« Les Cours municipaux sont destinés à compléter l’instruction des jeunes gens qui sortent des écoles primaires. Ils intéressent également les personnes qui désirent se tenir au courant des découvertes scientifiques et des nouveautés littéraires et géographiques. L’étude des langues vivantes, essentiellement pratique, permet aux jeunes gens qui se destinent au commerce de voyager utilement dans les pays étrangers27. »

13Ce texte indique donc la coexistence de trois publics différents : les anciens élèves de l’école primaire, les personnes (quelle que soit leur instruction) soucieuse d’actualité, et ceux qui ont besoin d’apprendre les langues.

14 Les classes populaires – Concernant le premier public, le rapport d’activités de 1892 dit que :

« Cette institution si profitable aux intérêts des classes laborieuses de la ville, est loin de péricliter […] C’est une œuvre essentiellement démocratique, car son but est l’instruction du peuple. Par la science seule, ne l’oublions pas, l’ouvrier devient digne d’occuper un rang honorable dans la société ! »

15Le discours d’ouverture de 1896 explique :

  • 28 Le Petit Courier du lundi 19 octobre 1896, p. 3b. Ce discours va dans le sens des rapports annuels (...)

« C’est en voyant une expérience de physique ou de chimie qu’un ouvrier intelligent peut être mis sur la voie d’une grande découverte. À qui doit-on cette admirable machine qui fournit l’électricité à torrent pour l’éclairage électrique et pour les tramways ? À un simple ouvrier français, Gramme. À qui doit-on l’invention du phonographe et tant d’autres merveilleuses découvertes ? À un simple ouvrier américain, Edison. Oui, l’étude des sciences est éminemment utile au peuple28. »

  • 29 Incident de 1894 (1 R 162).

16 Un public avide d’actualité – Remarquons que si les cours de littérature sont au moins dans un premier temps particulièrement tournés vers l’actualité, ils semblent avoir été suivis par un public que l’on peut identifier autrement que sous ce masque du présent. Si Robineau signale en effet qu’il s’agit d’un « public choisi29 » en 1894, Albert Bleunard en donne l’explication dans son rapport de 1896 : « Le cours de littérature, par son charme et son caractère d’un intérêt plus général, s’adressant à toutes les intelligences, a attiré, comme les années précédentes, un public attentif et choisi. » Et l’on apprend que le cours de Léon Levrault en 1898 « très attrayant et demandant moins de connaissance technique a été particulièrement fréquenté par les femmes »… De ce point de vue, le cours de littérature sur lequel nous nous concentrerons peut apparaître comme une exception.

  • 30 Les cours de littérature consacrent une année aux relations France-Allemagne avant guerre (histoir (...)
  • 31 Le Petit Courrier du 19 octobre 1896, p. 3c.

17 Les langues vivantes – Les cours d’anglais et allemand sont destinés aux commerçants, mais pas seulement. On rencontre plusieurs fois l’idée selon laquelle il en va du patriotisme30. Par exemple, on peut lire en 1896 : « Vous me permettez de ne pas insister davantage sur l’utilité que peuvent retirer nos officiers et nos soldats de la connaissance de la langue d’un étranger quand on va chez lui autrement que pour y commercer, mais pour y reprendre son bien31. »

Les critères de recrutement des professeurs

18Alors que rien n’oblige plus à ce que cela soit le cas, l’usage de l’École supérieure des sciences et des lettres perdure qui consiste à confier les cours municipaux aux professeurs du lycée David d’Angers. Cela vaut pour toutes les matières. Quelques cas voient l’explicitation d’arguments pour justifier cette tradition.

La question de principe, la vulgarisation et les avantages financiers

  • 32 Rapport de M. Préaubert à M. le maire d’Angers, 15 juillet 1907 (dossier Candidatures, 1 R 166).

« Il est de tradition que le poste de professeur de chimie aux Cours municipaux soit réservé à un professeur du lycée. Je suis d’avis que cette tradition doive être conservée pour les raisons suivantes.
D’abord un professeur d’enseignement secondaire est bien plus indiqué, bien mieux préparé qu’un médecin pour professer un cours de chimie de vulgarisation. Toutes les études ont été dirigées vers l’enseignement, et la pratique journalière et exclusive de l’enseignement lui assure une supériorité qu’il est difficile de nier.
[…] D’autre part, le professeur n’a pas, comme le médecin, la possibilité de trouver dans une clientèle extérieure le moyen de donner de l’élasticité à son budget ; toute source de profit en dehors de sa profession lui est interdite ; les avantages que lui procuraient autrefois les leçons particulières ont à peu près complètement disparu, depuis l’application des nouveaux programmes. Il semble donc équitable de lui réserver et de lui conserver le bénéfice d’une fonction qui cadre parfaitement avec l’enseignement des lycées. Et cela est si vrai que, parmi les avantages qui entrent en ligne de compte dans l’Université, lorsqu’il s’agit de la nomination d’un professeur au lycée d’Angers, figure la probabilité d’une chaire aux Cours municipaux32. »

La politique de recrutement

19Une lettre de 1906, pour le recrutement du professeur d’histoire Le Moy qui resta en poste de 1906 à 1934, met à jour l’arrière-plan politique qui préside à certaines nominations. Ainsi, le directeur des cours municipaux M. Préaubert, écrit-il au postulant (qu’il connaît pour avoir été son collègue au lycée) :

  • 33 Lettre de M. Préaubert à M. Le Moy citée dans la lettre de M. Le Moy à M. le maire du 28 juillet 19 (...)

« D’abord pour ce qui est des titres universitaires, je ne pense pas qu’il y aurait là d’obstacles très sérieux, ce n’est pas de ce côté qu’ils surgiraient, mais bien plutôt du côté politique. Vous n’ignorez sans doute pas que cette question a joué un rôle des plus sérieux dans la nomination de M. Tourriol. À tort ou à raison, pour moi, je pense, à tort, le personnel du Lycée d’Angers passe pour être inféodé aux idées cléricales et réactionnaires, et les adversaires de la candidature Tourriol ont mis en avant cette objection, d’où une sorte de suspicion à son égard. Il a dû prouver par ses attaches de famille qu’il était franchement républicain, et n’ayant aucune accointance avec la réaction. On ne peut d’ailleurs en vouloir à une municipalité républicaine et anticléricale de prendre ses précautions. S’il en a été ainsi pour une chaire de chimie, il n’est pas douteux que la question se représentera avec plus d’acuité encore pour une chaire d’histoire. […] On pourra vous demander comment que depuis 5 ans que vous êtes à Angers et avez contracté une alliance dans le pays, vous avez lutté contre le cléricalisme qui malheureusement infeste l’Anjou33. »

  • 34 Le contexte est exposé par Isabelle Émeriau, « Les manifestations de l’anticléricalisme dans l’Oue (...)

20Capacité de vulgarisation, avantages financiers, anticléricalisme : tels sont les critères qui président à l’attribution des postes (explicités ainsi en 1906-1907 du moins, au lendemain de la loi la séparation des Églises et de l’État qui paraissait être une anomalie dans cet « Anjou chrétien » comme on disait alors34), sachant que la concurrence cherche à rompre la tradition d’attribution d’office des postes aux professeurs du lycée. L’attachement au personnel scolaire met en lumière le lustre et pour ainsi dire le professionnalisme de l’école que l’on cherche à conserver pour des cours hors l’école.

Le cours de littérature

Que la littérature contemporaine ?

  • 35 Charles Fernand Robineau, agrégé en 1882.
  • 36 Agrégé en 1890.
  • 37 Joseph Grégoire Léon Levrault, agrégé en 1889, quittera Angers pour Rouen. Auteur de la quinzaine (...)
  • 38 Agrégé en 1896, voir Auguste Dupouy, 1872-1967, éd. par Pierre Dufief & Jean-Pierre Dupouy, CNRS, (...)
  • 39 Daniel Louis Bruno Brizemur, agrégé de grammaire en 1897, membre de l’École française d’Athènes (1 (...)
  • 40 Agrégé en 1907, auteur d’une thèse sur Fénelon au XVIIIe s. en France (1715-1820), Paris, Hachette (...)
  • 41 O. Couffon, op. cit., p. 4-5, qui cite aussi MM. Lieutaud et Guy respectivement en histoire nature (...)
  • 42 Voir L. Benaerts, « Bezard », Association amicale de secours des anciens élèves de l’École Normale (...)

21Le cours de littérature occupe la première place sur toutes les affiches jusqu’en 1908. Il est celui qui voit se succéder le plus de professeurs. Pour la période qui nous occupe, on peut en dénombrer cinq au moins. Il s’agit successivement de Fernand Robineau35 jusqu’en 1894, Julien Bezard de 1894 à 189736, Léon Levrault de 1897 à 190337, Auguste Dupouy de 1903 à 190838, Daniel Brizemur de 1908 à 191139, et d’Albert Chérel à partir de 191140. Tous furent professeurs au lycée David d’Angers. Parmi les hommes les plus érudits qu’Olivier Couffon évoque en 1904 figurent justement MM. Bézart (sic) et Levrault ; et pour les cours les plus mémorables, ceux sur Rabelais et Zola41. Un autre témoin attire l’attention sur ceux consacrés à Augier et Labiche42. Nous proposons en annexe I une récapitulation chronologique des objets retenus par chacun de ces professeurs pour leurs enseignements.

22Les cours qui sont proposés insistent d’abord sur la période la plus récente (le romantisme) : « Littérature française contemporaine », « Les prosateurs de la période romantique », « Les caractères généraux de la littérature contemporaine (1850-1890) », « Le théâtre français au XIXe siècle », « Les principaux romanciers depuis Rabelais jusqu’à nos jours », « La Comédie en France, depuis la Renaissance jusqu’au XIXe siècle », « L’esprit français dans la littérature, depuis les origines jusqu’au romantisme », « Histoire du romantisme en France » (nous soulignons). En cela, cet enseignement hors l’école a pris ses distances avec un enseignement scolaire qui tend à ne considérer comme classique que ce qui a déjà subi la critique du temps.

23Un infléchissement s’opère en 1902 (année de réforme à l’école également !), où désormais la période classique est mise à l’honneur : « Le mouvement littéraire au XVIIe siècle » (1902), « Les grands auteurs du XVIIe siècle » (1907), « Histoire du théâtre (suite, 1913) ». Les cours à part entière ou majoritaire sur d’autres périodes ont également lieu, que ce soit pour le Moyen Âge (« Histoire de la littérature française au Moyen Âge », 1905, « Le théâtre en France, des origines [au milieu du XVIIe siècle] », 1912) ou le XVIIIe siècle (« La littérature française au XVIIIe siècle », 1903, « Les salons littéraires », 1908). Cette fois, sans que l’on puisse attribuer cette option à un professeur en particulier, le programme de ces cours est parallèle à celui des lycées : les cours hors l’école copient ceux de l’école.

24Mais le romantisme et le XIXe siècle conservent la part belle : « Histoire du mouvement romantique » (1904), « Le romantisme » (1909), « Les débuts du romantisme » (1910).

L’exemple de Bezard

25Bezard est à Angers de la rentrée 1892 à juin 1897, auparavant il était à Annecy et il sera ensuite jusqu’à la fin de sa carrière au lycée Hoche de Versailles. Durant sa période angevine, Bezard est d’abord professeur de seconde (1892-1894), puis professeur de Rhétorique (1894-1897).

  • 43 Voir dans les archives municipales d’Angers le dossier 1 R 167 contenant les lettres de candidatur (...)

26 Son recrutement – À la vacance du poste de littérature aux Cours municipaux en 1894, Léon Bénard (avec un n) pose sa candidature. Agrégé de grammaire, il est aussi docteur ès lettres, et enseigne alors au lycée d’Angers depuis quatre ans. Mais il n’est pas le professeur de lettres de la classe de Rhétorique. Or c’est un réquisit spécifique du titulaire de la chaire de littérature aux Cours municipaux. On nomme donc Julien Bezard, qui vient d’obtenir cette promotion en Rhétorique, et on avertit – non sans l’avoir fait attendre une bonne semaine – Bénard qu’on ne peut rompre avec l’usage de donner le cours public au professeur de lettres de Rhétorique43.

27 Les échos dans son dossier de fonctionnaire – Le proviseur Germain dans son rapport pour l’année 1895-1896 dit que « Son cours public est bien suivi et apprécié pour les mêmes mérites que son enseignement du lycée » c’est-à-dire un « savoir étendu et précis avec le charme d’une parole aisée, de la distinction et du tact ». L’année suivante (1896-1897), le même proviseur reprécise ces qualités : « Son savoir est étendu, précis, sans cesse entretenu et accru par des travaux personnels. Sa parole est élégante sans recherche, précise sans sécheresse, abondante » ; et nous apprend que Bezard a « un public nombreux eu égard à celui qui se groupe autour des autres chaires municipales ».

28Le recteur Jarry surenchérit le 30 mai 1896 : « Le Cours municipal, dont il est chargé, lui fait à Angers une situation avantageuse. » Au-delà de la dimension sociale, cet avantage est aussi financier : Bezard, qui avait un salaire de 3 600 F mensuels comme professeur au lycée en 1895 recevait 1 000 F supplémentaires annuels pour son enseignement aux cours municipaux.

29Pour sa dernière année à Angers (1896-1897), l’inspecteur général Eugène Manuel dit que : « M. Bézard fait, en ville, un cours public très suivi sur les prosateurs de la période romantique. Il est fort goûté, et donne une idée avantageuse de l’enseignement du lycée. […] dans sa chaire de lycée, comme au dehors, c’est un maître ingénieux, aimable. » L’enseignement hors l’école est une fenêtre, une vitrine de celui de l’école.

  • 44 La plupart des autres cours viennent jusqu’à la période contemporaine, lui s’y consacre exclusivem (...)

30 Le cours de 1896-1897 – Profitant de la promotion des cours d’adultes et des conférences du soir par le ministère de l’Instruction publique à partir de 1894, les cours publics municipaux ont connu un nouveau lustre inédit à la rentrée de 1896. Bezard y enseigne alors la littérature et met au programme la plus contemporaine, celle des quarante années qui viennent alors de s’écouler : le plus ancien texte étant sans doute celui d’Octave Feuillet, Le Roman d’un jeune homme pauvre (1858) et le plus récent Les Origines de la France contemporaine d’Hippolyte Taine (1893). Il se tient en cela au programme annoncé44. Excepté son thème, étranger et complémentaire des enseignements donnés au lycée, il propose un « cours en 30 leçons », comme cela se pratiquait dans les lycées avant la réforme de 1902.

31Une comparaison entre le plan annoncé lors de l’ouverture des cours et la progression affinée annoncée semaine après semaine (voir l’annexe II) fait déplorer l’indétermination où il faut rester concernant les cinq premières séances. Mais l’on voit qu’il est impossible de faire coïncider la progression prévue en début d’année avec celle annoncée semaine après semaine : les séances sur Taine et Renan (qui permettent de se repérer dans la progression et d’effectuer cette comparaison) montrent que l’ordre envisagé n’a pas été respecté : la critique de Lemaître n’est finalement pas traitée avant mais après eux, des auteurs majeurs à nos yeux, dont l’étude était planifiée, semblent passés sous silence (Zola, Flaubert, Sainte-Beuve) tandis que des minores comme Feuillet ou Rod occupent les dernières séances, et qu’à l’inverse Daudet qui n’était pas mentionné fait l’objet de cinq séances.

  • 45 Ouvrage destinés tant aux lycéens qu’au public cultivé.
  • 46 Le meilleur exemple pour ce que l’on peut en juger est la place assignée à Zola dans le cours inau (...)

32Une piste pour apprécier l’originalité de cette approche consiste à entreprendre la comparaison avec L’Histoire de la littérature française de Gustave Lanson45 dont la quatrième édition est alors publiée (1896, 1re éd. 1894) : les livres ii-iii de la VIe partie portent sur le même programme (p. 1013-1096). Réduit, sans le secours des notes de ces cours, à interpréter des progressions, l’on voit cependant que Lanson suit l’ordre « critique, poésie, comédie, roman » alors que Bezard semble adopter l’ordre « comédie, critique, poésie, roman », mais est-ce significatif ? Si l’ordre d’exposition peut conférer une préséance dans un traité, et valoir raison, dans des leçons publiques, l’attention au public l’emporte avant tout (Bezard étant attentionné à l’excès pour ses élèves, on l’imagine mal ne pas chercher à convaincre son auditoire des cours municipaux, donc à ne pas suivre ce que la logique commande si la pédagogie l’exige). De plus, relire sa progression comme un passage en revue des genres est sans doute insuffisant car il commence par les romans de Daudet, comme il finira par d’autres romans. Pour le reste, les seules thèses que l’on peut entrevoir ressemblent à celles des grands critiques de l’heure46.

  • 47 On y apprend que son maître en la matière était Jules Lemaître et ses Contemporains et Impressions (...)

33Une comparaison plus détaillée quant aux positions tenues par Bezard pourrait s’autoriser de son fameux livre De la méthode littéraire (cours versaillais de l’année 1909-1910). Elle nous permettra, dans un autre cadre, d’apporter des éléments supplémentaires et plus vastes. On peut en effet y retrouver certains traits. Mais ces leçons sont postérieures à la réforme de 1902. Soulignons seulement ici pour finir qu’il y déborde explicitement programme du cours de Première, pour préparer à juger de l’actualité littéraire47 (p. 697 et 709). Cette fois, l’enseignement à l’école semble s’appuyer sur sa pratique d’enseignant hors l’école. L’expérience angevine des cours publics a pu lui permettre d’enrichir son enseignement scolaire.

Conclusions

34Les cours municipaux d’Angers s’inscrivent dans une longue durée. Héritiers ou remplaçants d’une École supérieure, ils se distingueront toujours des ‘simples’ cours d’adultes. C’est le premier paradoxe : c’est un cours d’adultes qui ne ressemble pas à ce qu’on appelle alors un cours d’adultes. Organisés par la mairie, leur promotion sera toujours assurée par une voie d’affichage spécifique, avec un personnel issu de l’enseignement secondaire en priorité, à la différence des cours d’adultes assurés par les instituteurs. La coexistence de deux affiches bien distinctes en 1899 le montre bien. L’objectif n’est pas de donner une instruction élémentaire, encore moins d’alphabétiser.

35L’objectif est double. Le premier est d’être utile à l’ouvrier. Les cours de sciences s’y emploient en priorité. Cette utilité se décline avec les cours de langues destinés aux commerçants et aux militaires. Enfin, il s’agit de donner les moyens de juger la valeur des productions culturelles ou inventions actuelles : le cours de littérature en est le lieu emblématique. C’est le deuxième paradoxe : le cours le plus emblématique, celui qui est mis en avant par l’institution est le cours le moins suivi par les ouvriers, mais qui est le plus fréquenté par la bonne société.

  • 48 Je remercie ceux qui, depuis 2008, ont contribué à rendre possible cette recherche : Lydia Dosso ( (...)

36De ce point de vue, le cas de Julien Bezard se révèle exceptionnel. On sait que son public était plus nombreux que celui des autres cours municipaux. Il a également eu la chance d’avoir à donner la leçon inaugurale l’année où la mairie a organisé une rentrée solennelle, la seule à notre connaissance. Cela nous permet d’apprendre (voir annexe II) quelle était la logique et la progression, semaine après semaine, d’un de ces cours48.

Bibliographie

SOURCES DOCUMENTAIRES

Archives nationales, F17 24179, dossier du fonctionnaire Bezard.

Archives départementales de Maine-et-Loire, série 54 alpha.

Bezard J., De la méthode littéraire, Paris, Vuibert, 1911.

Couffon O., Discours de rentrée [Cours municipaux, rentrée du 14 octobre 1904], Angers, J. Roulière et Cie, 1904 (larges extraits reproduits dans la Revue de l’Anjou, NS 49, 1904, p. 323-325).

Fabre M.-L., Beroldi S. (dir.), Inventaire 6 Fi – Affiches, ville d’Angers, 2012, [http://www.angers.fr/fileadmin/plugin/tx_dcddownloads/FRAC049007_Fi_06Fi_tt.htm].

Le Petit Courrier. Organe de l’union républicaine, 1896-1914, [http://www.archives49.fr/acces-directs/archives-en-ligne/presse/].

Poirier A., Le Naoures C. (dir.), Les Cours municipaux (1874-1956)/1 R 144-174, ville d’Angers, 2001 (répertoire détaillé).

Service archives – documentation – photothèque de la ville d’Angers, 1 R 144, 149, 151, 162, 165-167, 169-170.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Terrot N., Histoire de l’éducation des adultes en France, Paris, L’Harmattan, 1997.

Annexes

ANNEXE I. Liste des programmes de littérature

Sources : (A) Affiches ; (J) Journal local Le Petit Courrier ; (R) Rapport du directeur des cours (Bleunard) ; (AN) Archives nationales (dossier du fonctionnaire Bezard).

– 1885-1886 : Robineau, Littérature française au XVIe siècle49.

– 1886-1892 : Robineau, Titres non retrouvés.

– 1892-1893 : Robineau, Littérature française contemporaine (A).

– 1893-1894 : Robineau, Titre non retrouvé.

– 1894-1895 : Bezard, Titre non retrouvé.

– 1895-1896 : Bezard [Les caractères de l’esprit français50] (J).

– 1896-1897 : Bezard, Les caractères généraux de la littérature contemporaine (1850-1890) (A, J) – Les prosateurs de la période romantique (AN).

– 1897-1898 : Levrault, Le théâtre français au XIXe siècle (R, J).

– 1898-1899 : Levrault, Les principaux romanciers depuis Rabelais jusqu’à nos jours (R).

– 1899-1900 : Levrault, La Comédie en France, depuis la Renaissance jusqu’au XIXe siècle (A).

– 1900-1901 : Levrault, L’esprit français dans la littérature, depuis les origines jusqu’au romantisme (J).

– 1901-1902 : Levrault, Histoire du romantisme en France (J).

– 1902-1903 : Levrault, Le mouvement littéraire au XVIIe siècle (J).

– 1903-1904 : Dupouy, La littérature française au XVIIIe siècle (A).

– 1904-1905 : Dupouy, Histoire du mouvement romantique (A).

– 1905-1906 : Dupouy, Histoire de la littérature française au Moyen Âge (J).

– 1906-1907 : Dupouy, Histoire des relations littéraires entre la France et l’Allemagne au XIXe siècle (J).

– 1907-1908 : Dupouy, Les grands auteurs du XVIIe siècle (J).

– 1908-1909 : Brizemur, Les salons littéraires [XVIIe-XIXe s.] (J).

– 1909-1910 : Brizemur, Le romantisme (J).

– 1910-1911 : Brizemur, Les débuts du romantisme (A).

– 1912-1913 : Chérel, Le théâtre en France, des origines à nos jours51 (A).

– 1913-1914 : Chérel, Histoire du théâtre (suite) [de Molière à Beaumarchais et Ducis] (J).

– 1914-1915 : Chérel (mobilisé) remplacé par Boquel, Le patriotisme dans la littérature française des XVIIe et XIXe siècles (A, J).

ANNEXE II. Le cours de Julien Bezard en 1896-1897 : les caractères généraux de la littérature contemporaine

Avec un rare talent, M. Bezard traite « Les caractères généraux de la littérature contemporaine ».
Il passe brièvement en revue tous les historiens, romanciers ou prêtres célèbres de puis 1850 jusqu’à nos jours, se promettant dans les 30 leçons qu’il donnera aux cours municipaux, d’examiner une à une la vie et les œuvres de chacun.
Dans ses leçons, il parlera :
De la fin du romantisme en 1850, des débuts et des principes de l’école nouvelle et de l’art réaliste.
Du développement de l’art réaliste de 1850 à 1860.
– Modification du théâtre et de la poésie.
– Dumas fils.
– Augier et Leconte de Lisle.
– Triomphe du roman réaliste, de l’histoire et de la critique.
– Flaubert, Taine. Renan et Sainte-Beuve.
De l’exagération du principe et des erreurs des naturalistes.
– L’art naturaliste de Zola.
– Le pessimiste contemporain.
– La morale « naturaliste ».
4° L’évolution naturelle du réalisme et sa prodigieuse fécondité.
– Comment les hommes de talent ont échappé au mauvais naturalisme :
1° Par le respect de la langue et des traditions classiques ;
2° Par le culte de la science et le noble amour de la vérité ;
3° Par la part chaque jour plus grande qu’ils rendent à la morale et au sentiment.
M. Bezard terminera ses cours en parlant sur l’état actuel du réalisme et de sa lente évolution. Comme on peut en juger, les cours de M. Bezard seront très intéressants. […]
Nous félicitons l’administration municipale, dans la personne de M. Joxé, d’avoir bien voulu présider l’ouverture des Cours municipaux et donner à cette ouverture une solennité qui lui manquait jusqu’ici.
Le Petit Courrier, 18 octobre 1896, p. 2.

Ouverture (15/10/1896)
[Littérature contemporaine (23/10) ?]
Littérature contemporaine (30/10)
Littérature contemporaine (6/11)
[Titre inconnu] (13/11 ?)
L’analyse psychologique dans un roman d’A[lphonse] Daudet : Le Nabab (20/11)
L’observation dans le roman de [Alphonse]
Daudet. Caricature et vérité : Tartarin (27/11)
L’art de la composition dans les contes de [Guy de] Maupassant (4/12)
Littérature moderne (11/12)
[Littérature moderne (18/12) ?]
Auteurs modernes (8/1/1897)
Observation de la nature dans Amour d’Automne de [André] Theuriet (15/1)
Le Monde où l’on s’ennuie de [Édouard] Pailleron (22/1)
L’observation dans la comédie contemporaine (29/1 et 1er /2) Les Origines de la France contemporaine et le talent de [Hippolyte] Taine (8/2)
Renan et la peinture du monde antique (15/2)
La critique de Jules Lemaître (22/2)
Pas de cours (1er /3)
[La critique de Jules Lemaître] (8/3)
La critique de Jules Lemaître (15/3)
L’« humanité » d’A[lphonse] Daudet (22 et 29/3)
La poésie de [René-François]
Sully-Prudhomme (5/4)
A[lphonse] Daudet – Fromont jeune et Risler aîné (12/4)
Vacances de Pâques du 15 au 26 inclus
[Les peintures de la vie populaire dans [François] Coppée et Daudet] (3/5)
Les peintures de la vie populaire dans [François] Coppée et Daudet (suite) (10/5)
Les romans d’O[ctave] Feuillet (17/5)
Les romans de M. [Édouard] Rod (24/5)
L’éloquence contemporaine (31/5)
Congé de Pentecôte (7/6)
Reconstitution d’après Le Petit Courrier.

Notes

1 O. Couffon, Discours de rentrée, Angers, Roulière, 1904, p. 2.

2 Ailleurs, certains de ces cours devinrent célèbres, citons ceux de Paris, Lyon ou Toulouse par exemple, mais il y en eut aussi à Rouen, Saint-Étienne, Lille ou Nantes.

3 Julien Bezard était le responsable de l’enseignement secondaire des humanités nouvelles. Voir B. Garnier, Les Compagnons de l’Université nouvelle, éd. critique, Lyon, INRP, 2008, p. 158.

4 Voir le Rapport général remis en 1914 à la ville d’Angers par Julien Koszul.

5 Cet article ne constitue qu’un volet étroit, qui plus est approché historiographiquement, d’une recherche générale sur l’œuvre pédagogique de Bezard ; l’appréciation de la méthode philosophique sous-tendant ses enseignements dépasse le cadre de ce volume. Pour entrevoir l’étendue de son influence, signalons simplement le livre de R. W. Brown, Comment le petit français apprend à écrire, Paris, Hattemer, 2015, dans lequel est décrit l’enseignement littéraire de Bezard, mais il faudrait citer aussi la traduction américaine de son journal de classe de seconde par Phyllis Robbins (et ses appréciations dans ses propres livres), sans parler des études japonaises de Nakanishi Kazuhiro.

6 Voir les articles de Roger Hahn, Bruno Belhoste et Antoine Prost signalés en bibliographie.

7 Voir [http://gehfa.com/fr/bibliographie].

8 Voir P. Marchand, « Une expérience de formation professionnelle d’adultes, le cours municipal de chauffeur-mécanicien de Lille, 1858-1939 », Histoire de l’éducation, mai 1995, no 66, p. 137-158. Ce cours municipal présente un nombre important de différences avec ceux qui nous retiennent à Angers. Le cours lillois est directement et exclusivement pratique, et même professionnel (technique), et permet d’obtenir un diplôme. Son évolution après 1918 est aussi différente puisque la loi Astier (1919) encadre les cours professionnels.

9 N. Terrot, Histoire de l’éducation des adultes en France, Paris, L’Harmattan, 1997.

10 Voir le Rapport de M. Bleunard à M. le maire, 31 juillet 1893, p. 3 (1 R 149), et la lettre de M. Préaubert à M. le maire, 22 mai 1912 (1 R 144).

11 Durant cette période, les Cours publics municipaux sont dirigés tour à tour par Albert Bleunard (de 1891 à 1904) puis Ernest Préaubert de 1905 à 1930 (qui furent par ailleurs respectivement vice-président (1887-1900) et président (1905-1921) de la Société d’études scientifiques d’Angers). Sur Bleunard, voir [http://sciences.gloubik.info/spip.php?article1169] ; sur Préaubert, voir [http://cths.fr/an/prosopo.php?id=2492#]. Tous leurs rapports sont sous la cote 1R149 aux archives municipales.

12 Angers perdit son académie (fondée en 1804) quand leur nombre en France fut réduit à seize en juin 1854. Dès le 22 août de la même année, le ministère de l’Instruction publique autorisa la création de l’École supérieure des sciences et des lettres. Voir O. Couffon, Discours de rentrée, Angers, J. Roulière et Cie, 1904 p. 2-4.

13 Bergson, alors professeur à Angers (1882-1883), a donné un cours de littérature à l’École supérieure (voir M. Alanic, La Province d’Anjou, 1932, p. 141, et J. Levron, « Bergson, professeur de littérature », Les Nouvelles Littéraires, 1947, no 12) ; les cours de philosophie furent créés aux Cours municipaux en 1939.

14 Deux personnes seulement ont obtenu ce diplôme entre 1856 et 1885 ! Voir C. Port, « École supérieure des Sciences et des Lettres », Dictionnaire historique, géographique et critique de Maine & Loire et le l’ancienne province d’Anjou, revu et mis à jour par J. Levron et P. d’Herbécourt, Angers, Siraudeau, 1965, t. I, p. 119a.

15 Voir A. Bleunard, « Cours municipaux. Association française pour l’avancement des sciences – comité d’Angers », Angers et l’Anjou. Notices historiques, scientifiques et économiques rédigées à l’occasion du 32e congrès (août 1903), Angers, Germain & G. Grassin, 1903, p. 406 ; C. Port, « Cours municipaux », Dictionnaire historique, géographique et critique du Maine & Loire et de l’ancienne province d’Anjou, revu et mis à jour par J. Levron et P. d’Herbécourt, Angers, Siraudeau, 1965, t. I., et O. Couffon, op. cit.

16 Le Petit Courrier (organe de l’Union républicaine) présente ainsi le maire Jean Joxé dans son édition du 8 mars 1897 (à nouveau maire en 1904) : « M. Joxé est républicain, même par une ironie suggestive des étiquettes, radical. Qui s’en douterait ? Il n’est point, en effet, que nous sachions, de radicalisme plus doux, plus libéral, plus indulgent et plus conciliant que le sien. » Un rappel utile, aux vues moins locales et partisanes, se lit chez S. Berstein, Histoire du parti radical, vol. I, La recherche de l’âge d’or, 1919-1926, Paris, Les Presses de Sciences-Po, 2012, notamment le premier chapitre qui couvre les années 1835-1914, et situe l’âge d’or en 1901-1905.

17 Voir pour l’organisation le dossier 1 R 165 du service archives – documentation – photothèque de la ville d’Angers.

18 Bulletin de la Société d’études scientifiques d’Angers, NS 24, 1904 (1905), p. xlii.

19 Le Petit Courrier du dimanche 18 octobre 1896, p. 2a. À l’issue de cette année 1896-1897, le maire accuse réception du rapport, félicite et demande de continuer ainsi. Est-ce un hasard si c’est le seul courrier du maire en direction du directeur des cours qui nous soit conservé ou a-t-il été l’unique lettre de félicitation, tout comme l’ouverture solennelle semble l’avoir été également ?

20 Imprimé dans Le Petit Courrier du lundi 19 octobre 1896, p. 3a-c.

21 Le Petit Courrier, dimanche 18 octobre et lundi 19 octobre 1896.

22 En 1893, prenant acte du fait que « Les sciences théoriques ont moins d’attrait pour le public : notre siècle est utilitaire », on songe à faire évoluer le cours de sciences naturelles en cours d’hygiène qui n’est qu’une application pratique des données de l’histoire naturelle. Le rapport de 1898 enregistre le succès de cette évolution : le public vient plus nombreux au cours d’hygiène.

23 Aucun cours de mathématiques ni de dessin n’est dispensé : ceux de l’École supérieure des sciences et lettres faisaient déjà double emploi avec ceux de l’École régionale de dessin. – La musique ne fait partie de la liste des matières enseignées aux cours publics municipaux : une « Institution musicale », totalement indépendante, a ouvert à l’initiative de professeurs de musique en 3 novembre 1897 (Le Petit Courrier, lundi 18 octobre 1897).

24 Des conférences ont aussi été données régulièrement à partir de 1891-1892, concurrentes de celles de l’université catholique d’Angers dont la Revue d’Anjou et la Revue des facultés catholiques de l’Ouest se font l’écho dans leurs « Chroniques ».

25 Les cours d’allemand furent créés dès 1874 et étaient payants. L’anglais suivit. Rapidement, la mairie fait en sorte que ces cours deviennent gratuits. En 1881, la ville d’Angers assure déjà des « Cours municipaux (gratuits) d’Allemand et d’Anglais » sur deux niveaux (anciens/nouveaux élèves, voir les affiches 6 FI 1002). Ils sont intégrés à la nouvelle structure des cours municipaux en 1885. En 1892-1893, les cours d’anglais et d’allemand sont divisés en cours élémentaire, moyen, supérieur, auxquels s’ajoute un cours d’éléments de la langue (affiche 6 FI 1003).

26 Voir 1 R 151 ; un certain nombre d’affiches sont conservées (6 Fi 69-74, 1003-1004).

27 A. Bleunard, op. cit., p. 406.

28 Le Petit Courier du lundi 19 octobre 1896, p. 3b. Ce discours va dans le sens des rapports annuels remis au maire. L’idée est déjà développée dans celui de 1891 selon laquelle les professeurs « ont à cœur de contribuer par leur travail au développement intellectuel des habitants de la ville. Le fruit de leurs leçons n’est perdu pour personne, et plus d’un auditeur reçoit en germe une idée qu’il développera plus tard et qui pourra peut-être servir au progrès général ». Il ne semble pas s’agir que d’une déclaration d’intention, ce que confirme encore un rapport ultérieur « Le public se recrute principalement dans la classe ouvrière, de plus en plus avide de s’instruire, principalement sur les progrès de la colonisation et des sciences industrielles » (1898).

29 Incident de 1894 (1 R 162).

30 Les cours de littérature consacrent une année aux relations France-Allemagne avant guerre (histoire des relations littéraires entre la France et l’Allemagne au XIXe siècle) (1906). L’éclatement de la guerre suscite un cours en 1914-1915 consacré au patriotisme : « Le patriotisme dans la littérature française des XVIIe et XIXe siècles », assuré par un remplaçant, le titulaire étant mobilisé. Bezard avait fait cours sur le patriotisme dans les séances du mois d’avril-mai 1896 du cours annuel sur « les caractères de l’esprit français ». On ne peut malheureusement pas comparer ce cours de Bezard avec celui de Levrault sur le même sujet en 1900-1901, la collection conservée et numérisée étant lacunaire pour les dimanches de cette année-là, jour habituel où les programmes des cours sont publiés.

31 Le Petit Courrier du 19 octobre 1896, p. 3c.

32 Rapport de M. Préaubert à M. le maire d’Angers, 15 juillet 1907 (dossier Candidatures, 1 R 166).

33 Lettre de M. Préaubert à M. Le Moy citée dans la lettre de M. Le Moy à M. le maire du 28 juillet 1906 (dossier Candidature 1906-1908, 1 R 166).

34 Le contexte est exposé par Isabelle Émeriau, « Les manifestations de l’anticléricalisme dans l’Ouest avant 1905 » (notamment p. 23 sq.), O. Landron, « L’après-séparation dans les paroisses d’Angers », in É. Poulat (dir.), La Séparation et les Églises de l’Ouest, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 149-158 et V. Bernaudeau, « 1906-1907, la crise des inventaires dans les prétoires angevins ou les actes de résistance à la loi de Séparation et leur répression judiciaire », in S. Humbert et J.-P. Roger (dir.), Auteurs et acteurs de la Séparation des Églises et de l’État, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2007, p. 319-356.

35 Charles Fernand Robineau, agrégé en 1882.

36 Agrégé en 1890.

37 Joseph Grégoire Léon Levrault, agrégé en 1889, quittera Angers pour Rouen. Auteur de la quinzaine de volumes de la série « Les Genres littéraires » chez Delaplane, entre autres manuels.

38 Agrégé en 1896, voir Auguste Dupouy, 1872-1967, éd. par Pierre Dufief & Jean-Pierre Dupouy, CNRS, 2008, 262 p. Sa carrière s’achèvera au lycée Louis-le-Grand (en 1937).

39 Daniel Louis Bruno Brizemur, agrégé de grammaire en 1897, membre de l’École française d’Athènes (1900).

40 Agrégé en 1907, auteur d’une thèse sur Fénelon au XVIIIe s. en France (1715-1820), Paris, Hachette, 1917.

41 O. Couffon, op. cit., p. 4-5, qui cite aussi MM. Lieutaud et Guy respectivement en histoire naturelle et histoire-géographie. Sur Rabelais, Léon Levrault (24 octobre 1898).

42 Voir L. Benaerts, « Bezard », Association amicale de secours des anciens élèves de l’École Normale Supérieure, Paris, 1935, p. 62, rapportant les souvenirs de Charles Larget-Piel.

43 Voir dans les archives municipales d’Angers le dossier 1 R 167 contenant les lettres de candidature de Léon Bénard (28 septembre 1894), de Julien Bezard (du 29) ; l’arrêté de nomination de Bezard (1er octobre), et la fin de non-recevoir envoyée à Bénard (le 9) : « De tout temps cette chaire a été confiée au professeur de Rhétorique du lycée. Il n’a pas paru possible à l’administration de rompre avec cet usage. »

44 La plupart des autres cours viennent jusqu’à la période contemporaine, lui s’y consacre exclusivement.

45 Ouvrage destinés tant aux lycéens qu’au public cultivé.

46 Le meilleur exemple pour ce que l’on peut en juger est la place assignée à Zola dans le cours inaugural, subsumée sous l’idée d’exagération du principe et des erreurs des naturalistes, cf. G. Lanson, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1896, p. 1060-1063 et F. Brunetière, Le Roman naturaliste, Paris, Calmann Lévy, 1896 (7e éd.), p. 121-148.

47 On y apprend que son maître en la matière était Jules Lemaître et ses Contemporains et Impressions de théâtre (étudié dans le cours angevin), quoi qu’il emprunte aussi aux Essais sur la littérature contemporaine de Ferdinand Brunetière.

48 Je remercie ceux qui, depuis 2008, ont contribué à rendre possible cette recherche : Lydia Dosso (archives départementales de Maine-et-Loire), Bernard Lecoq (Institut municipal d’Angers), Bruno Amiot, Sylvain Bertoldi, Marc-Édouard Gautier, Claire Isnardon, Philippe Jeanneteau (ville d’Angers).

49 S. Bertoldi, « L’Institut municipal, une école pour tous », Vivre à Angers, juin 2006, no 302.

50 Titre déduit de la récurrence de l’expression dans les cours de janvier à juin 1896.

51 L’affiche (6 Fi 74) détaille le programme du cours, qui n’a été étudié que dans ses deux cinquièmes.

Auteur

Ancien pensionnaire de la Fondation Thiers, docteur, est PRAG en philosophie (Alençon). D’abord dix-septièmiste, il est aussi spécialiste de Tolkien. Dans le champ éducatif, il fut chargé de mission au MÉN pour L’Instruction morale à l’école (2012). Il travaille sur l’éducation nouvelle avec la figure de Bezard. Il édite les brouillons de Condorcet sur l’instruction publique.

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