L'écrivain et l'imprimeur
|Une lettre de Sébastien Brant en 1501 sur la mise en page de la Bible dans l’officine bâloise de Johann Froben
Texte intégral
1Johann Froben, en collaboration avec Amerbach et Petri, avait édité de nombreuses Bibles avant l’arrivée d’Érasme à Bâle en 1514. Regardons-les pour mieux mesurer la modernité du travail de l’humaniste de Rotterdam. La Bible glosée de 1498, imprimée par Petri et Froben, avait été acquise dans son entièreté par le libraire Anton Koberger. Lorsque Johann Petri décide, en 1501, de la réimprimer avec Johann Froben, Koberger manifeste son mécontentement auprès de Johann Amerbach, car il n’avait pas épuisé le stock acquis en 1498. Loin pourtant de répondre aux demandes du libraire de Nuremberg, Johann Amerbach s’associe avec les deux autres Hans pour mettre en chantier la réédition de 1501-1502.
2L’édition de 1498 possède au verso du titre une lettre de Sébastien Brant, sans intérêt ici. Par contre, au verso du titre général de l’édition de 1501-1502 figure une nouvelle lettre de l’humaniste alsacien adressée à Froben, qui intéresse davantage notre propos, car elle témoigne de la façon dont on édite la Bible dans l’officine frobénienne avant l’arrivée d’Érasme. Le texte latin de la lettre de Sébastien Brant est donné in extenso en annexe, ce qui permettra d’en commenter les passages significatifs pour notre enquête dans notre article.
- 1 Bibliœ iampridem renovatœ pars prima, complectens pentateuchum, una cum glosa ordinaria et l (...)
3Regardons d’abord la page de titre. Le titre est composé dans un pavé sur six lignes, avec deux corps de caractères gothiques (ill. 1). Le titre mentionne les gloses de Nicolas de Lyre (ca 1270 – 1349) ainsi que les additions de Paul de Burgos (1351-1435) et les répliques de Matthias Döring (1427-1461), de même que les nouveautés : les distinctiones, les marginales, les summarii et les annotationes1
4Au verso, la dédicace de Brant est composée en gothique, comme le reste de l’ouvrage, à la différence de l’édition de 1498 où la dédicace est composée en romain. Le titre sur deux lignes se détache par l’utilisation d’un caractère plus grand et par un retrait identique des deux lignes. La lettre commence par un alinéa rentrant et se termine par une ligne creuse (ill. 2).
5Sébastien Brant s’adresse le 13 septembre 1501, de Strasbourg, uniquement à Froben, et non à l’ensemble des associés. Au début de la lettre, il traite Froben de confrère (suavissime compater) et lui rappelle qu’il a imprimé déjà une édition de la Bible il y a trois ans.
6Dans la dédicace de 1501, Brant décrit longuement la mise en page de cette Bible. Essayons, en nous aidant des illustrations, de déchiffrer ce mode d’emploi typographique.
Quandoquidem singula textus verba glossulas suas tam interlineares quam marginales sive ordinarias ita appropriate itaque distinctim eadem etiam facie et aspectu signaturis suis præferunt, usque adeo ut pro minimo (ut ita dixerim) verbulo sive dictiuncula ne folium quidem vertere opus sit.
En effet, chaque mot du texte présente ses gloses, tant interlinéaires que marginales ou ordinaires, avant la signature du cahier, et c’est tellement bien fait, tellement clair, tellement harmonieux que même pour le plus petit mot, le vocable le plus infime, il n’est jamais besoin de tourner la page.
7Dès le départ Sébastien Brant donne le la de la mise en page : cette Bible glosée est une boîte close dans laquelle chaque page, pensée de façon autonome, doit se suffire à elle-même. Le principe choisi consiste à faire cohabiter sur une page unique tous les commentaires afférents au passage biblique imprimé dans la « fenêtre », au centre de la page.
8La mise en page se donne pour objectif (elle n’y arrivera quasiment jamais) de contenir sur une page unique la glose ordinaire de Walafrid Strabon (ixe siècle), la glose interlinéaire d’Anselme de Lyon (xie siècle) et les postilles de Nicolas de Lyre (xive siècle). Il y a donc trois unités textuelles qui dialoguent avec le texte biblique, sous la forme d’une glose soit encadrante (glose ordinaire ou postilles), soit interlinéaire (ill. 3). À cela s’ajoutent d’autres commentaires que Sébastien Brant va bientôt décrire.
Eratprœterea videre in hoc quod dixi opere : suo loco et ordine doctissimi patris Nicolai de Lyra plurimum utilis concinnaque tam litteralis quam moralispostillatio. Et (quod plurimum imprimisque lectorem recreare potest) non desit Iuris canonici una cum cuiuscumque alterius etiam loci Bibliœ concordantia, sive concors in margine utrimque apposita consonantia. Quod si media cuiusque charta utrolibet inspiciatur facies, mox sese offert grandioris aliquantulum characteris textus, parvas quasdam litterulas sua indicantes glossomata desuper habens.
Autre chose remarquable dans cet ouvrage : à sa place, et dans l’ordre, le commentaire tant littéraire que moral du très savant Père Nicolas de Lyre, commentaire particulièrement utile et pertinent. Ne manque pas non plus, et c’est hautement profitable au lecteur, une concordance du droit canonique avec les passages de la Bible, concordance qui se retrouve dans la marge de chaque côté. Si l’on observe le centre de chaque page, que ce soit à droite ou à gauche, on voit tout de suite le texte écrit en caractères assez grands, avec, de haut en bas, de petites lettres indiquant les gloses.
9Sébastien Brant souligne dans ce passage le travail scientifique qui a été apporté sur cette bible, l’ajout de la Postilla litteralis super totam Bibliam et de la Postilla moralis seu mystica du franciscain Nicolas de Lyre, celles-ci étant réordonnées afin de suivre le déroulement du texte biblique (suo loco et ordine), et la présence d’une concordance du droit canonique (rappelons que l’éditeur est juriste de formation).
- 2 Charles Schmidt pense que Brant ne s’occupa que de la révision finale, le travail de révision des (...)
10En 1496, deux ans avant la première bible pour Froben et Petri, Sébastien Brant avait par ailleurs édité la Concordance biblique2 de Conrad d’Halberstadt († après 1362) dans un volume in-folio.
11L’éditeur nous signale que la concordance se trouve dans la marge de chaque côté et attire notre attention sur la fenêtre centrale. Dans celle-ci, le texte biblique est imprimé en grand et est pourvu de petites lettres, à gauche et à droite (ill. 4).
12Chaque glose commence par un pied de mouche, précédé de la lettre qui renvoie au texte. Les gloses sont découpées en plusieurs séquences, précédées chacune d’un pied de mouche et du nom du glossateur dans un caractère plus grand (ill. 5).
13Si l’on observe la fenêtre centrale, on constate que les petites lettres commencent à gauche et à droite par la lettre a. L’explication en est donnée dans la phrase suivante (ill. 6).
Sin vero dextræ partis conspiciatur cornu, ut plurimum manu annotata glossa offenditur ordinaria. Et ex eiusdem lateris parte characteruli quidam tam textui quam margini appositi sibique invicem correspondentes. Ex adverso autem, id est sinistrorsum, nihilominus advertendœ sunt litterulœ prope textum vagantes. Illœ nempe divi patris Lyrani glossas repræ sentant. Quia vero nonnullæ ex eisdem (quas dixi) litterulis cruce munitæ reperiuntur, hæ procul dubio moralitates Lyra (proprium iam suum vendicantes locum) patefaciunt.
En haut à droite on trouve la glose ordinaire, signalée par une manicule. Du même côté, de petits caractères sont apposés tant au texte qu’à la marge : ils correspondent les uns aux autres. De l’autre côté, c’est-à-dire à gauche, il y a aussi, çà et là, de petites lettres auprès du texte. Celles-ci représentent les gloses du saint Père de Lyre. Certaines de ces petites lettres sont marquées d’une croix : elles indiquent le commentaire moral de Lyre, qui occupe sa propre place.
14Ici surgit une difficulté dans le texte latin. Sébastien Brant signale qu’au sommet (cornu) droit de la page se trouve une manicule. Or cette manicule est bien observée dans tout l’ouvrage, mais toujours en haut de la page à gauche (ill. 7). Bien qu’il insiste dans la phrase suivante sur ce rapport gauche-droite, indubitablement, la réalisation du volume contredit le « mode d’emploi » de Sébastien Brant.
15Le repérage dans le texte se fait d’une double manière : si l’on prend la glose ordinaire, on doit regarder la fenêtre centrale et repérer les petites lettres marginales à gauche du texte. Ces lettres renvoient aux capitales dans la marge des deux colonnes de la glose, lesquelles signalent (plus ou moins) où se trouve dans la colonne le début de la glose, marqué par une lettre minuscule et un pied de mouche (ill. 8).
16Le texte de la glose ordinaire commence quand le texte de la glose ordinaire de la page précédente est terminé. Par exemple, sur le folio 24 r°, la glose A débute à la quatrième ligne de la colonne de gauche. Les trois premières lignes reproduisent la fin de la glose ordinaire commencée sur le folio 23 v°.
17Sébastien Brant signale que les lettres minuscules dans la fenêtre centrale qui se trouvent en regard (selon lui, à gauche, selon ce que nous montre le livre, à droite…) permettent de repérer les Postilles de Nicolas de Lyre.
18Sur chaque page, ce que n’indique pas l’éditeur, on a veillé pour la facilité du lecteur à marquer la césure entre la glose ordinaire et les Postilles en plaçant dans un caractère plus grand le nom « Nicolaus de Lyra ».
19Une distinction, en outre, a été établie entre la Postilla litteralis et la moralis en apposant une croix (crux) qui signale le début de la Postilla moralis. L’imprimeur a placé, en sus, une manchette en bas de casse, à hauteur de la croix dans le texte qui signale (plus ou moins) le début du commentaire « Moraliter » (ill. 9).
Quo quidem in opere etiam illud omittere non fuit animus : quod in fine videlicet cuiuslibet columnœ., signa quadam et certa verba sibi invicem correspondentia apposita inveniuntur. Ex quibus quidem hoc signum [une manicule], in principio vel fine locatum, glossœ ordinariœ continuationem significat. Verbum vero continuationispositum cum * rosula in fine unius columna quod similiter repetitur in principio alterius concomitantis columna commentariorum Lyræ denotat subsequentiam. Stellula autem si quandoque occurrat, ipsius Lyra moralitates aptatissimas irradiat.
Encore une chose que l’on n’a pas voulu omettre dans cet ouvrage : à la fin de chaque colonne se trouvent apposés certains signes et mots qui correspondent entre eux. La manicule, placée au début ou à la fin, indique la continuation de la glose ordinaire. Le mot suivant, placé avec une petite rose à la fin d’une colonne, et se répétant de la même façon au début de la colonne suivante, marque la suite des commentaires de Lyre. La petite étoile met en évidence les commentaires moraux de Lyre les plus pertinents.
20L’éditeur, pour consolider cette architecture complexe, a décidé de poser des fondations en détournant de sa fonction d’origine le système des réclames, qui consiste à placer à la fin d’une page le (ou les) premier(s) mot(s) de la page suivante.
21Ce système a été mis au point, à l’origine, à l’attention des relieurs. Pour l’édition de cette Bible, ce procédé est développé et les différentes parties des commentaires sont « chaînées » les unes aux autres par ces « réclames » qui permettent de donner une continuité de lecture entre les différents niveaux du texte (d’une colonne à l’autre, d’une page à l’autre, ou à l’intérieur d’une même colonne) (ill. 10).
22Trois conventions graphiques marquent les enchaînements : la glose ordinaire est encadrée par deux manicules, l’une au début de la colonne de gauche, l’autre à la fin de la glose ordinaire composée sur la colonne de droite ; la Postilla litteralis de Nicolas de Lyre est « chaînée », non avec une manicule comme pour la glose ordinaire, mais avec une petite rose (rosula) ; non seulement Sébastien Brant distingue la Postilla litteralis et la Postilla moralis, mais en outre, il attire l’attention du lecteur sur les commentaires moraux les plus utiles de Nicolas de Lyre, au moyen d’une petite étoile (stellula) (ill. 11).
Addo quod et singularis doctrinæ viri magistri Burgensis ad Lyram additiones cum replicis expolitissimis magistri Matthiæ Doring in fine cuiuslibet capituli subiunctæ reperiuntur.
En outre, à la fin de chaque chapitre, on trouve les ajouts que le grand savant Paul de Burgos a faits au commentaire de Lyre, ainsi que les brillantes répliques de Matthias Döring.
23Sébastien Brant en vient maintenant aux commentaires apportés à la glose ordinaire. Les ajouts de Paul de Burgos (Additiones) sont mentionnés dans le titre courant (« Additio ») et graphiquement dans le texte, par un alinéa rentrant et un intertitre dans un caractère plus grand précédé d’un pied de mouche (« Additio. j » ; « Additio. ij », etc.).
24De même, les répliques de Matthias Döring, extraites du Defensorium postillœ Nicolai Lyrani (ca 1450), sont annoncées selon le même procédé graphique, dans le titre courant (« Replica »), et par un alinéa rentrant. Parfois, un intertitre justifié dans la colonne les signale (ill. 12).
25Si la quantité de texte du commentaire le permet, l’Additio et la Replica sont composées sur des colonnes plus larges.
Quod si propter varias diversasque Bibliœ interpretationes textus aliquando sibi invicem discordat, vel aliter atque aliter translatus reperitur, continuo utrimque sibi f crucis correspondet effigies, his adiunctis verbulis : alias sic vel sic etiam.
Et si, en raison d’interprétations diverses de la Bible, le texte est parfois en désaccord avec lui-même ou se retrouve traduit de façons différentes, alors une croix indique l’endroit, avec ajoutés ces petits mots : « ailleurs ainsi ou encore ainsi.
26Les variantes du texte sont signalées dans le texte biblique par une croix qui renvoie à une manchette dans un corps identique à celui du texte de la glose, où se lit d’abord le mot « Alias », puis une croix, puis la variante (ill. 13).
Multa vero ex his iampridem per te noviter sunt vel immutata, vel elegantius innovata, quœ diligens lector haud gravatim notare poterit. Verum enimvero tu sollers et mire opifex rerum hoc tali tantoque et tam prœstantissimo nondum contentus labore, cum denuo atque ex integro formis excudere pristinum opus proposueras, et tamen adhuc aliquid deesse tibi videretur, quod ad tam splendidi operis illustrationem accedereposse arbitrareris, voluisti tu quidem, humanissime compater, nonnihil oneris etiam humeris nostris (tametsi imbecillibus) imponere. Quodque et glossas singulas perlegerem. Et ex his quœque notatu digna cum textus ipsius distinctionibus excerperem atque margini annotarem tu me solus et quidem sedulo exorasti. Adhibui pro mea virili (etiam inter occupationes meas cum publicas tum privatas non mediocres) hanc operam petitam. Idque eo libentius studiosiusque, quo multis hunc nostrum laborem et placiturum et profuturum non modo sperabam, sed et certo certius intelligebam.
Beaucoup de ces éléments constituent des modifications ou des innovations apportées par toi il y a déjà longtemps : le lecteur attentif les reconnaîtra sans peine. Mais le travailleur et l’artiste que tu es ne s’est pas contenté d’une telle entreprise, si grande et si éminente fut-elle : ayant décidé de rééditer cet ouvrage dans son entièreté, comme il te semblait qu’il y avait encore moyen d’ajouter à l’éclat d’une œuvre aussi splendide, tu as voulu, excellent confrère, mettre également une charge sur mes faibles épaules. Tu m’as demandé de passer en revue toutes les gloses. C’est toi aussi qui m’as prié avec insistance de sélectionner les plus remarquables d’entre elles et de les noter en marge, avec des appels au texte lui-même. J’ai fait ce que tu me demandais selon mes moyens, occupé comme je l’étais par les affaires publiques et privées. Et je l’ai fait d’autant plus volontiers que j’avais l’espoir, et même la certitude, que ce travail serait agréable et utile à bien des lecteurs.
27Tous les procédés décrits par Sébastien Brant et attribués comme autant de nouveautés à Johann Froben ont en réalité été mis en place bien avant l’imprimeur bâlois, dans les manuscrits scolastiques et juridiques médiévaux.
28Quand Sébastien Brant évoque les corrections apportées par Froben, il s’agit en réalité d’un euphémisme, car il était déjà personnellement responsable de la Bible de 1498. Il signale toutefois la nouveauté du travail d’édition exécuté en 1501-1502 : Brant a révisé les gloses et a pourvu l’exemplaire de manchettes signalant les plus significatives d’entre elles (ill. 14).
29Brant a également placé des concordances bibliques dans la marge, qu’il a signalées dans le texte par le même système de croix (ill. 14).
Exornat autem mirum in modum hanc tuam repetitam impressionem elegans ista extensaque papyrus : quæ et ampliores prœ se fert margines et oblonga lataque exhibet frontispicia…
Par ailleurs, ta nouvelle édition que voici est admirablement mise en valeur par le papier employé, élégant et de plus grande taille : il offre des marges plus larges, des plages de texte longues et larges.
30Sébastien Brant, avant de conclure, souligne la qualité typographique du volume imprimé sur grand papier, ce qui permet des marges généreuses et lui offre l’occasion d’imprimer de grandes quantités de texte. Le texte latin emploie le mot frontispicium, mais il paraît peu crédible de traduire par « page de titre ». Il faut sans doute comprendre ce mot dans l’acception de la face d’une page, c’est-à-dire la surface noircie par l’encre. Le frontispicium est le visage de la page.
- 3 Pour le Nouveau Testament, les mesures ont été relevées sur l’exemplaire de la Pierpont Morgan Lib (...)
31Quand l’humaniste alsacien loue les dimensions de la Bible, ces propos sont réels, car si l’on compare cette entreprise frobénienne à celle menée quinze ans plus tard avec Érasme, les chiffres sont éloquents. Le texte de la Bible en 15011502 est composé sur 58 lignes contre 39 en 1516 (ill. 20-21). Si l’on compare la glose encadrante avec le volume des Annotationes, on compte 78 lignes pour la glose encadrante et 49 lignes seulement chez Érasme3.
32L’exemplaire consulté à la Bibliothèque universitaire de Bâle de l’édition de 1501-1502, don des deux imprimeurs Froben et Petri à la chartreuse de la ville, a une dimension de 342 x 230 mm (ill. 2). Elle est de 6 cm plus haute, et de 2 cm plus large que l’exemplaire du Novum Instrumentum d’Érasme de 1516 (ill. 15).
- 4 4621, 5 feuilles imprimées de 1498 à 1509, pour cinq éditions seulement.
33Sébastien Brant, puis Conrad Leontorius qui s’occupent de la réédition de cette Bible en 1506, dirigent ces « grosses productions » scolastiques, imprimées avec des caractères gothique, avant qu’Érasme n’arrive à Bâle. Quand on additionne les nombres de feuilles imprimées de ces bibles4, on constate que si ces entreprises bibliques rencontrent un succès évident, il est certain que ces livres sont très éloignés de l’idéal intellectuel et esthétique de l’humaniste de Rotterdam.
- 5 Charles Schmidt, commentant le travail de Sébastien Brant, écrit significativement : « Le travail (...)
34La mise en page des ouvrages édités sous la direction de Leontorius ne diffère pas des productions dirigées par Sébastien Brant. La lecture qui a été donnée de la lettre préface de l’humaniste strasbourgeois, ainsi que les images qui l’illustrent, montrent comment, pour exprimer la richesse des différentes strates du commentaire médiéval, on était arrivé à un paroxysme de complication typographique5.
- 6 Nikolaus Gerbel est jurisconsulte, il a été l’élève de Reuchlin et le condisciple de Melanchton à (...)
35Cela explique mieux pourquoi les lecteurs du xvie siècle ont été frappés par la disposition du texte sur deux colonnes du Nouveau Testament édité par le Rotterdamois. Le débat sur la mise en page de ce texte avait lieu au sein même de l’officine bâloise. Pour préparer l’impression de ce volume, Érasme avait fait appel à un correcteur qui travaillait chez Matthias Schürer à Strasbourg, Nikolaus Gerbel6.
- 7 Les deux lettres sont écrites de Strasbourg, la première le 9 septembre 1515 (Allen 351 I), la sec (...)
36Dans deux lettres passionnantes7, Nikolaus Gerbel reproche à l’humaniste ce choix d’éditer le Nouveau Testament sur deux colonnes (version latine en regard du texte grec) :
Ton secrétaire [John Smith] m’a appris quelques détails sur ton ouvrage qui est en train de voir le jour, sur sa présentation (qua forma), ses caractères, dans quelle succession, à ton estime, il fallait l’imprimer ; à savoir en sorte qu’une colonne réponde à une colonne, et que tout soit entrecroisé, en passant de ce qui est en grec à ce qui est en latin, puis de ce qui est en latin à ce qui est en grec. Je crains beaucoup, très savant Érasme, que cette disposition (hæcfigura) soit condamnée avec le temps à ne pas plaire, même pas à toi, et cela pour de nombreuses raisons que j’ai jugé bon de t’écrire comme au meilleur de mes amis. » (Allen 352 II, Strasbourg le 11 septembre 1515, l. 5-12 : Rettulit mihi minister tuus nonnulla de opere tuo in lucem prodigendo, qua forma, quibus typis, quo ordine excudendum etputaveritis ; scilicet ut columna columnæ respondeat, sintque intex-mixta omnia, Græca Latinis et rursum Latina Græcis. Vereor plurimum, Erasme doctissime, ne vobis quidem hœc figura procedente tempore non sit placitura, atque id ob multas causas quas ad te amicum optimum placuit scribere).
37Les raisons invoquées ensuite par Nikolaus Gerbel sont de deux ordres : ceux qui savent le grec n’ont que faire de la traduction latine et ceux qui ne savent pas assez bien le grec seront retardés dans leur apprentissage par la présence du latin. À la première difficulté rencontrée, ces derniers abandonneront la lecture du grec pour se réfugier dans la colonne de droite. Pédagogiquement parlant, le lecteur qui désire apprendre le grec se familiarisera mieux avec cette langue si le texte est séparé de sa traduction. Selon Nikolaus Gerbel, le grec sera plus aisément perçu, s’il est isolé. Le lecteur le retiendra mieux en se concentrant sur lui seul (l. 26-28 : Ad hoc omnino fieri videmus, ut separata a Latinis Grœca facilius percipiantur et hœreant tenacius, videlicet in uno solo ingenio occupato).
- 8 Nikolaus Gerbel mit en application ses théories et édita un Novum Testamentum Grœce, avec le texte (...)
38Les remarques de Nikolaus Gerbel ne furent pas entendues par Érasme qui fit imprimer le Nouveau Testament avec cette figure : les deux versions côte à côte. Pour Érasme, l’important était ailleurs. Dès 1514, il avait annoncé à Jakob Wimpheling que le Nouveau Testament serait imprimé sur deux colonnes, avec en outre les annotations (Allen 305 II, l. 222-224 : Superest Novum Testamentum a me versum et e regione Grœcum, una cum nostris in illud annotamentis.) Pour l’humaniste, cette édition n’avait pas pour vocation d’apprendre le grec, mais de dégager le texte saint des commentaires qui envahissent les pages des bibles imprimées sous la direction de Sebastien Brant et Leontorius. Bien que favorisant l’étude du grec et de l’hébreu, il était conscient que peu de personnes seraient capables de lire la colonne de gauche de son édition. La version latine était encore indispensable. L’humaniste désirait en premier lieu séparer les annotations du texte saint ; quant à rejeter la version latine dans le volume des commentaires, c’était une idée pieuse, mais trop révolutionnaire en 1516. Érasme n’était pas utopiste8.
Annexes
Biblia Latina cum glossulis tam marginalibus quam interlinearibus ordinariis una cum Nicolai de Lyra postillis, Bâle, Johann Amerbach, Johann Petri et Johann Froben, 15.05.1502, in-fol, f. [1] v°.
Cette lettre est réimprimée dans l’édition de 1506-1508, également au verso du titre. Elle a été reproduite dans l’ouvrage Sébastien Brant, Kleine Texte, ed. Thomas Wilhelmi, Stuttgart-Bad Cannstadt, Frommann-Holzboog, 1998, n° 78.
Sébastienus Brant Iohanni Froben de Hammelburg impressoriæ artis insigni chalcographo,compatri sibi longe amato Salutem. |
Sébastien Brant à Jean Froben de Hammelbourg, typographe distingué et très cher confrère, salut. |
Quod facere navium gubernatores solent ut maria portus litora insulas intra unam paginam colligant, unde quantum peractum quantumque supersit itineris ratiocinentur, idem tibi nunc arbitror faciendum, suavissime compater : In Bibliæ per te iam ex integro repetita eris exaratione. |
Les navigateurs ont coutume de rassembler mers, ports, rivages et îles en une seule page, pour avoir un aperçu du chemin parcouru et à parcourir ; tu devrais faire la même chose, excellent confrère, à propos de l’édition de la Bible que tu as déjà entièrement reprise. |
Nam cum triennio iam ferme transacto totius divinæ historiœ paginam (quam Bibliam vocant) sedulo ac noviter tua chalcographia excuderes, incredibile dictu est quam præclarum quamque accommodatissimum omnibus litterariæ palæstræ studiosis per te prodierit opus. Quandoquidem singula textus verba glossulas suas tam interlineares quam marginales sive ordinarias ita appropriate itaque distinctim eadem etiam facie et aspectu signaturis suis præferunt, usque adeo ut pro minimo (ut ita dixerim) verbulo sive dictiuncula ne folium quidem vertere opus sit. |
Car, il y a près de trois ans, tu as imprimé avec soin et de manière nouvelle l’histoire divine que l’on appelle la Bible, offrant ainsi à tous ceux qui s’appliquent à l’étude des lettres un ouvrage incroyablement remarquable et utile. En effet, chaque mot du texte présente ses gloses, tant interlinéaires que marginales ou ordinaires, en face de leurs marques, et c’est tellement bien fait, tellement clair, tellement harmonieux que même pour le plus petit mot, le vocable le plus infime, il n’est jamais besoin de tourner la page. |
Erat præterea videre in hoc quod dixi opere : suo loco et ordine doctissimi patris Nicolai de Lyra plurimum utilis concinnaque tam litteralis quam moralis postillatio. Et (quod plurimum imprimisque lectorem recreare potest) non desit Iuris canonici una cum |
Autre chose remarquable dans cet ouvrage : à sa place, et dans l’ordre, le commentaire tant littéraire que moral du très savant Père Nicolas de Lyre, commentaire particulièrement utile et pertinent. Ne manque pas non plus, et c’est hautement profitable au lecteur, |
cuiuscumque alterius etiam loci Bibliæ concordantia, sive concors in margine utrimque apposita consonantia. |
une concordance du droit canonique avec les passages de la Bible, concordance qui se retrouve dans la marge de chaque côté. |
Quod si media cuiusque chartæ utrolibet inspiciatur facies, mox sese offert grandioris aliquantulum characteris textus, parvas quasdam litterulas sua indicantes glossomata desuper habens. Sin vero dextrœ partis conspiciatur cornu, ut plurimum manu annotata glossa offenditur ordinaria. Et ex eiusdem lateris parte characteruli quidam tam textui quam margini appositi sibique invicem correspondentes. Ex adverso autem, id est sinistrorsum, nihilominus advertendœ sunt litterulæ prope textum vagantes. Illæ nempe divi patris Lyrani glossas repræsentant. Quia vero nonnullæ ex eisdem (quas dixi) litterulis cruce munitœ reperiuntur, hœ procul dubio moralitates Lyrœ (proprium iam suum vendicantes locum) patefaciunt. |
Si l’on observe le centre de chaque page, que ce soit à droite ou à gauche, on voit tout de suite le texte écrit en caractères assez grands, avec, de haut en bas, de petites lettres indiquant les gloses. En haut à droite on trouve la glose ordinaire, signalée par une manicule. Du même côté, de petits caractères sont apposés tant au texte qu’à la marge : ils correspondent les uns aux autres. De l’autre côté, c’est-à-dire à gauche, il y a aussi, çà et là, de petites lettres auprès du texte. Celles-ci représentent les gloses du saint Père de Lyre. Certaines de ces petites lettres sont marquées d’une croix : elles indiquent le commentaire moral de Lyre, qui occupe sa propre place. |
Quo quidem in opere etiam illud omittere non fuit animus : quod in fine videlicet cuiuslibet columnœ, signa quœdam et certa verba sibi invicem correspondentia apposita inveniuntur. Ex quibus quidem hoc signum [manicule], in principio vel fine locatum, glossœ ordinariœ continuationem significat. Verbum vero continuationis positum cum * rosula in fine unius columnœ quod similiter repetitur in principio alterius concomitantis columnœ commentariorum Lyrœ denotat subsequentiam. [’étoile] Stellula autem si quandoque occurrat, ipsius Lyrœ moralitates aptatissimas irradiat. |
Encore une chose que l’on n’a pas voulu omettre dans cet ouvrage : à la fin de chaque colonne se trouvent apposés certains signes et mots qui correspondent entre eux. La manicule, placée au début ou à la fin, indique la continuation de la glose ordinaire. Le mot suivant placé avec une petite rose à la fin d’une colonne, et qui se répète de la même façon au début de la colonne suivante, marque la suite des commentaires de Lyre. La petite étoile met en évidence les commentaires moraux de Lyre les plus pertinents. |
Addo quod et singularis doctrinœ viri magistri Burgensis ad Lyram additiones cum replicis expolitissimis magistri Matthiœ Doring in fine cuiuslibet capituli subiunctœ reperiuntur. |
En outre, à la fin de chaque chapitre, on trouve les ajouts que le grand savant Burgensis a faits au commentaire de Lyre, ainsi que les brillantes répliques de Matthias Doring. |
Quod si propter varias diversasque Bibliœ interpretationes textus aliquando sibi invicem discordat, vel aliter atque aliter translatus reperitur, continuo utrimque sibi [une croix] crucis correspondet effigies, his adiunctis verbulis : alias sic vel sic etiam. |
Et si, en raison d’interprétations diverses de la Bible, le texte est parfois en désaccord avec lui-même ou se retrouve traduit de façons différentes, alors une croix indique l’endroit, avec ajoutés ces petits mots : « ailleurs ainsi ou encore ainsi ». |
Multa vero ex his iampridem per te noviter sunt vel immutata, vel elegantius innovata, quœ diligens lector haud gravatim notare poterit. Verum enimvero tu sollers et mire opifex rerum hoc tali tantoque et tam prœstantissimo nondum contentus labore, cum denuo atque ex integro formis excudere pristinum opus proposueras, et tamen adhuc aliquid deesse tibi videretur, quod ad tam splendidi operis illustrationem accedere posse arbitrareris, voluisti tu quidem, humanissime compater, nonnihil oneris etiam humeris nostris (tametsi imbecillibus) imponere. Quodque et glossas singulas perlegerem. Et ex his quœque notatu digna cum textus ipsius distinctionibus excerperem atque margini annotarem tu me solus et quidem sedulo exorasti. Adhibui pro mea virili (etiam inter occupationes meas cum publicas tum privatas non mediocres) hanc operam petitam. Idque eo libentius studiosiusque, quo multis hunc nostrum laborem et placiturum et profuturum non modo sperabam, sed et certo certius intelligebam. |
Beaucoup de ces éléments constituent des modifications ou des innovations apportées par toi il y a déjà longtemps : le lecteur attentif les reconnaîtra sans peine. Mais le travailleur et l’artiste que tu es ne s’est pas contenté d’une telle entreprise, si grande et si éminente soit-elle : ayant décidé de rééditer cet ouvrage dans son entièreté, comme il te semblait qu’il y avait encore moyen d’ajouter à l’éclat d’une œuvre aussi splendide, tu as voulu, excellent confrère, mettre également une charge sur mes faibles épaules. Tu m’as demandé de passer en revue toutes les gloses. C’est toi aussi qui m’as prié avec insistance de sélectionner les plus remarquables d’entre elles et de les noter en marge, avec des appels au texte lui-même. J’ai fait ce que tu me demandais selon mes moyens, occupé comme je l’étais par les affaires publiques et privées. Et je l’ai fait d’autant plus volontiers que j’avais l’espoir, et même la certitude, que ce travail serait agréable et utile à bien des lecteurs. |
Exornat autem mirum in modum hanc tuam repetitam impressionem elegans ista extensaque papyrus : quæ et ampliores præ se fert margines et oblonga lataque exhibet frontispicia. |
Par ailleurs, ta nouvelle édition que voici est admirablement mise en valeur par le papier employé, élégant et de plus grande taille : il offre des marges plus larges, des plages de texte longues et larges. |
Ceterum mi compater exoptatissime, cura (ut facis) quo singula veluti occepisti in finem usque castigate elimateque perficiantur. Nam et inde apud immortalem Deum œternitatis prœmium, et ex hominibus laudem sis habiturus et honorem. Itaque tua diligentia reliqua absolve et me ama. |
Veille, très cher confrère, à ce que toutes tes entreprises soient menées à bien de manière aussi correcte et parfaite. Tu en tireras, auprès de Dieu immortel, la récompense de l’éternité, et auprès des hommes, gloire et honneur. Continue donc diligemment ton travail et aime-moi. |
Ex Argentina Idibus Septembribus Anno Domini 1501. |
Strasbourg, le 13 septembre 1501. |
Illustration 1
F. [1] r° = [ai] r°.
Page de titre de la Bible de 1501-1502 éditée par Sébastien Brant.
Illustration 2
f. [1] v° : [ai].
Dédicace de Sébastien Brant à l’imprimeur Johann Froben. Cette lettre sera réimprimée dans l’édition de 1506-1508, également au verso du titre. La dédicace de Brant est composée en gothique, comme le reste de l’ouvrage, à la différence de l’édition de 1498 où elle était composée en romain. Le titre sur deux lignes se détache par l’utilisation d’un caractère plus grand et par un retrait identique des deux lignes. La lettre commence par un alinéa rentrant et se termine par une ligne creuse.
Illustration 3
f. 24 r° : [dij]
Quatre textes cohabitent sur cette page : le texte biblique, la glose ordinaire de Walafrid Strabon (ixe s.), la glose interlinéaire d’Anselme de Lyon (xie s.) et les postilles de Nicolas de Lyre (xive s.).
Illustration 4
f. 24 r° : [dij]
Détail de l’illustration 3 qui montre le double système des lettres qui entourent le texte biblique dans la fenêtre centrale.
Illustration 5
f. 24 r° : [dij]
Détail de l’illustration 3 qui montre le découpage des gloses en séquences, précédées de pieds de mouche, et du nom du glossateur dans un caractère plus grand.
Illustration 6
Les gloses ordinaires sont signalées dans le texte biblique par une lettre minuscule à gauche de la colonne de texte dans la fenêtre centrale. La glose commence par un renvoi à la lettre, suivi d’un pied de mouche, et des premiers mots du texte glosé dans un caractère plus grand.
Illustration 8
f. 24 r° : [dij]. Les lettres minuscules à gauche du texte biblique renvoient à la glose ordinaire de W. Strabon. Les lettres minuscules à droite du texte biblique renvoient aux postilles de Nicolas de Lyre (littérales et morales).
Illustration 9
f. 51 v° : [h i]. Les postilles morales sont signalées par une croix. Les postilles remarquables par une étoile. Le début des postilles morales est signalé par une manchette.
Illustration 11
f. 24 r° : [dij]. Les début et fin de chaque catégorie de texte sont signalés par des signes distinctifs : manicule pour la glose ordinaire, rose pour la postille littérale (rosula), et étoile pour la postille morale (stellula).
Illustration 12
f. 39 v°. Les Additiones de Paul de Burgos (1351-1435) et les Replica de Matthias Döring (1427-1461) extraites du Defensorium postillæ Nicolai Lyrani, disposées sur deux colonnes, à la suite de la glose ordinaire.
Illustration 13
f. 58 r° : [i ii]. Une croix dans le texte biblique annonce une variante dans la marge, signalée par « Alias », suivi d’une croix, et de la variante.
Illustration 14
f. 39 r° : [f iij]. Le travail de Brant a consisté à introduire notamment des manchettes qui signalent les gloses les plus remarquables et des concordances bibliques.
Notes
1 Bibliœ iampridem renovatœ pars prima, complectens pentateuchum, una cum glosa ordinaria et litterali moralique expositione Nicolai de Lyra, necnon additionibus Burgensis ac replicis Thoringi novisque distinctionibus et marginalibus summariisque annotationibus.
2 Charles Schmidt pense que Brant ne s’occupa que de la révision finale, le travail de révision des indications de concordance ayant été confié précédemment à un théologien, cf. Schmidt C., Histoire littéraire de l’Alsace à la fin du xve et au commencement du xvie siècle, Paris, Librairie Sandoz et Fischbacher, 1879, 2 vol., p. 206.
3 Pour le Nouveau Testament, les mesures ont été relevées sur l’exemplaire de la Pierpont Morgan Library. La première partie (le Nouveau Testament) a une dimension de 288 x 210 mm. La surface d’empagement est de 212 x 142 mm : grec (212 x 62 mm.), latin (212 x 70 mm.) ; les Annotationes (210 x 142 mm.)
4 4621, 5 feuilles imprimées de 1498 à 1509, pour cinq éditions seulement.
5 Charles Schmidt, commentant le travail de Sébastien Brant, écrit significativement : « Le travail (de l’édition de la Bible) dura deux ans ; Brant (…) dut en éprouver une fatigue extrême, car bien qu’il admire la disposition du texte, des gloses et des commentaires, elle est tellement compliquée sur ces grandes pages in-folio que, malgré tout ce qu’il dit pour les rendre claires, on a une peine infinie à s’y retrouver. » Cf. Charles Schmidt, Histoire littéraire de l’Alsace, p. 206.
6 Nikolaus Gerbel est jurisconsulte, il a été l’élève de Reuchlin et le condisciple de Melanchton à Pforzheim, où il est né entre 1485 et 1490. Après des études à l’université de Vienne, où il suit les cours de Conrad Celtes et de Cuspinianus, il s’inscrit à la Faculté de Cologne. Proche de Luther, il l’informe des positions des réformateurs strasbourgeois pendant les années 15231530. Il meurt à Strasbourg le 20 janvier 1560. Il collabore à Vienne avec la maison Alantsee en 1512-1513 avant de se rendre en Italie en 1514, où il visite l’officine d’Alde Manuce. Il obtient son titre de docteur en droit canon à Bologne. À son retour il se fixe à Strasbourg, attiré par la perspective d’une belle carrière d’avocat. Il collabore régulièrement avec Matthias Schürer à partir de 1515. Une des premières éditions qu’il surveille en tant qu’éditeur est celle des Lucubratiunculæ d’Érasme en septembre 1515. Sur le personnage, cf. L’Allgemeine deutsche Biographie s.v. « Nikolaus Gerbel », 1878, t. 8, p. 716-718 ; Adolf Büchler, Der Humanist Nikolaus Gerbell aus Pforzheim, Durlach, Beilage zum Programm des Pro-und Realgymansium Durlach, 1886 ; Conrad Varrentrap, « Nikolaus Gerbel. Ein Beitrag zur Geschichte des wissenschaftlichen Lebens in Straßburg im 16. Jahrhundert », 1901 ; Jean Rott, « L’humaniste strasbourgeois Gerbel et son diaire (1522-1529) », Bulletin philosophique et historique, 1946-1947, Paris, 1950, p. 1-10. Repris dans Investigationes historicœ. Églises et société auxvie siècle, ed. Marijn de Kroon et Marc Lienhard, Strasbourg, Librairie Oberlin, Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, coll. Grandes Publications, tome XXXII, 1986, II, p. 313-322. ; François Ritter, Histoire de l’imprimerie alsacienne aux xve et xvie siècle, Préface de Georges Collon, Strasbourg-Paris, Éditions F.-X. Le Roux, 1955, p. 166 et l’appendice 153, p. 514 ; Miriam U. Chrisman, s.v. « Nikolaus Gerbel », in Contemporaries of Erasmus, ed. Peter Bietenholz, Toronto, Toronto Univ. Press., 19851987, vol. II, p. 90-91 et Jean Rott, « Nicolaus Gerbel », in Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, ed. Jean-Pierre Kintz, Strasbourg, Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace, 1999, p. 1153-1155.
7 Les deux lettres sont écrites de Strasbourg, la première le 9 septembre 1515 (Allen 351 I), la seconde, le 11 (Allen 352 II).
8 Nikolaus Gerbel mit en application ses théories et édita un Novum Testamentum Grœce, avec le texte grec seul, chez Thomas Anshelm en 1521. Après les trois éditions en format in-folio d’Érasme (1516, 1519) et de Francesco Asolano (1518), c’est la première Bible à donner la version grecque dans un format in-quarto.
Table des illustrations
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-1.jpg |
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Fichier | image/jpeg, 27k |
Légende | Illustration 1F. [1] r° = [ai] r°.Page de titre de la Bible de 1501-1502 éditée par Sébastien Brant. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 815k |
Légende | Illustration 2f. [1] v° : [ai].Dédicace de Sébastien Brant à l’imprimeur Johann Froben. Cette lettre sera réimprimée dans l’édition de 1506-1508, également au verso du titre. La dédicace de Brant est composée en gothique, comme le reste de l’ouvrage, à la différence de l’édition de 1498 où elle était composée en romain. Le titre sur deux lignes se détache par l’utilisation d’un caractère plus grand et par un retrait identique des deux lignes. La lettre commence par un alinéa rentrant et se termine par une ligne creuse. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 758k |
Légende | Illustration 3f. 24 r° : [dij]Quatre textes cohabitent sur cette page : le texte biblique, la glose ordinaire de Walafrid Strabon (ixe s.), la glose interlinéaire d’Anselme de Lyon (xie s.) et les postilles de Nicolas de Lyre (xive s.). |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-4.jpg |
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Légende | Illustration 4f. 24 r° : [dij]Détail de l’illustration 3 qui montre le double système des lettres qui entourent le texte biblique dans la fenêtre centrale. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-5.jpg |
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Légende | Illustration 5f. 24 r° : [dij]Détail de l’illustration 3 qui montre le découpage des gloses en séquences, précédées de pieds de mouche, et du nom du glossateur dans un caractère plus grand. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-6.jpg |
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Légende | Illustration 6Les gloses ordinaires sont signalées dans le texte biblique par une lettre minuscule à gauche de la colonne de texte dans la fenêtre centrale. La glose commence par un renvoi à la lettre, suivi d’un pied de mouche, et des premiers mots du texte glosé dans un caractère plus grand. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 843k |
Légende | Illustration 7f. 24 r° : [dij]. Manicule signalant la glose ordinaire. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 845k |
Légende | Illustration 8f. 24 r° : [dij]. Les lettres minuscules à gauche du texte biblique renvoient à la glose ordinaire de W. Strabon. Les lettres minuscules à droite du texte biblique renvoient aux postilles de Nicolas de Lyre (littérales et morales). |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 881k |
Légende | Illustration 9f. 51 v° : [h i]. Les postilles morales sont signalées par une croix. Les postilles remarquables par une étoile. Le début des postilles morales est signalé par une manchette. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-10.jpg |
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Légende | Illustration 10f. 24 r° : [dij]. Quatre réclames permettent aux textes de « s’enchaîner ». |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 816k |
Légende | Illustration 11f. 24 r° : [dij]. Les début et fin de chaque catégorie de texte sont signalés par des signes distinctifs : manicule pour la glose ordinaire, rose pour la postille littérale (rosula), et étoile pour la postille morale (stellula). |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-12.jpg |
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Légende | Illustration 12f. 39 v°. Les Additiones de Paul de Burgos (1351-1435) et les Replica de Matthias Döring (1427-1461) extraites du Defensorium postillæ Nicolai Lyrani, disposées sur deux colonnes, à la suite de la glose ordinaire. |
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Légende | Illustration 13f. 58 r° : [i ii]. Une croix dans le texte biblique annonce une variante dans la marge, signalée par « Alias », suivi d’une croix, et de la variante. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-14.jpg |
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Légende | Illustration 14f. 39 r° : [f iij]. Le travail de Brant a consisté à introduire notamment des manchettes qui signalent les gloses les plus remarquables et des concordances bibliques. |
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Légende | Illustration 15Novum Testamentum ab Erasmo recognitum, Bâle, Johann Froben, février 1516, in-folio, p. 3 : f. A 2 r°. Anderlecht, Maison d’Érasme, E-878. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/38648/img-16.jpg |
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