Version classiqueVersion mobile

La recomposition des droites

 | 
Gilles Richard
, 
Jacqueline Sainclivier

Troisième partie. Approches régionales et figures

Le banquet des Mille

Michèle Cointet

Entrées d'index

Géographique :

France

Texte intégral

1N’est-il pas paradoxal qu’une des premières manifestations publiques de la droite se soit placée sous le patronage de la révolution de 1848 ?

2Le banquet des 1 000, le 14 mars 1948, célèbre à la fois le centenaire de la Seconde République et annonce le retour sur la scène publique des exclus de l’épuration. L’épisode, mal connu, n’est pas simple exploitation, médiocrement réussie, d’un calendrier commémoratif, il est révélateur d’un mouvement de réinsertion dans la communauté nationale d’hommes que certains résistants auraient voulu exclure à jamais du débat public. Il clôt une période et ouvre des perspectives que les organisateurs du banquet sont loin de percevoir bien clairement. Il témoigne d’un changement des esprits né de la conjoncture internationale et des échéances électorales.

  • 1 Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Le Seuil, 1987

3L’examen de ses origines révèle moins la fascination de Vichy1 qu’un projet de reconstruction politique qui se cherche. Le déroulement du banquet coïncide avec le mûrissement d’un choix qui ne se confondra pas avec une nostalgie stérilisante mais qui sera celui de l’action. Ainsi se justifie la tentative de faire sortir de l’oubli ces agapes politiques.

Aux origines du banquet des Mille

  • 2 Travail remarquable de François Rouquet, L’Épuration de l’administration française, cnrs, 1993.

4Deux mouvements sont à l’origine de l’événement. L’un est proprement politique autour de Pierre-Étienne Flandin, président de l’Alliance démocratique, l’autre est culturel, issu du traumatisme de l’épuration judiciaire d’une grande ampleur qui visait à imposer une morale civique et nationale qui laissa une partie de l’opinion indifférente et dont une autre récusa la légitimité. L’épuration, contrairement à l’avis de certains résistants, a eu une très grande ampleur, plus grande qu’on ne l’estimait au début des recherches historiques où l’on se focalisait sur l’épuration judiciaire avec ses 6 763 condamnations à mort et ses 38 266 peines d’emprisonnement. Il faut aussi tenir compte de l’auto-épuration administrative et professionnelle opérée par les organismes2 et les mouvements. Elle ne donnait pas de très lourdes sanctions mais elles ont beaucoup blessé. D’abord parce qu’elles furent nombreuses : 10 % de sanctionnés par exemple au ministère de l’enseignement et aux ptt qui ne sont pourtant pas parmi les administrations les plus exposées au risque politique. Ensuite parce qu’elle frappa les cadres, et souvent pour des raisons touchant à l’exercice normal de l’autorité, confondu avec l’expression de sentiments politiques inacceptables, enfin, parce que ceux qui en furent chargés n’étaient pas toujours respectés (employés politisés, partisans, personnel de petit grade peu représentatif dans la profession). Ainsi se développa chez des notables français, touchés par de faibles sanctions, une humiliation mêlée d’un sentiment d’injustice. La conviction se forgea d’être victime d’une justice de classe inspirée par les communistes. Le personnel politique, outre les poursuites judiciaires éventuelles, a subi une épuration par les partis. Au parti radical, treize parlementaires issus du groupe des « 80 » et 26 militants ont exclu 33 parlementaires. La sfio fut plus sévère encore. Tout cela s’ajoute à l’indignité nationale (49 000 peines) empêchant, en principe, toute participation à la vie civique.

5Après la honte initiale, génératrice de paralysie pour la personne concernée et de rejet par les citoyens, les sentiments ont évolué. La guerre froide permet de mettre en cause la légitimité démocratique et nationale du Parti communiste rendu responsable d’une épuration dont les intentions deviennent suspectes. Il était vu comme l’inspirateur d’une épuration assimilée non à une sanction pour faute nationale mais à un processus révolutionnaire. La condamnation à mort de Jean Bassompierre en 1948 suscita une polémique inimaginable au cours des années antérieures. Le condamné a reçu le soutien d’un résistant aussi prestigieux que le père Bruckberger. En 1948 sortent de prison des bénéficiaires célèbres de non-lieux. P.-É. Flandin, condamné à cinq ans de prison, est relevé de sa peine pour faits de résistance. Marcel Peyrouton, ancien ministre de l’Intérieur de l’État français, actif à Alger en 1943 où il est nommé gouverneur de l’Algérie avant de faciliter l’accès au pouvoir de Charles de Gaulle par une célèbre démission, envoyée à l’homme du 18 juin et non au général Giraud, est acquitté par la Haute-Cour.

6Au-delà des cas individuels se construit un mouvement culturel de justification des pétainistes-patriotes. À son origine se trouve sans doute Jean Jardin, ancien collaborateur de Pierre Laval et directeur littéraire des éditions « À L’enseigne du cheval ailé », très influent parmi les émigrés français en Suisse. Ces exilés prudents et volontaires voudraient assimiler la Confédération à Guernesey. S’ils ne préparent pas leur retour, ils édifient une justification. Jean Jardin publie des ouvrages d’histoire et des témoignages d’acteurs de Vichy qui deviennent de gros succès d’édition. La liste a été ouverte par le philosophe français du libéralisme, Louis Rougier, avec sa Mission secrète à Londres. Les Accords Pétain-Churchill. L’ancien directeur du cabinet civil de Pétain, Henri Dumoulin de Labarthète s’engouffre dans la brèche avec Le Temps des illusions. L’ancien ministre des Affaires étrangères ­– au comportement mal élucidé pendant l’occupation (ses carnets, prolixes pour l’entre-deux-guerres, sont muets pour cette période) – se lance à son tour dans une auto-justification du pacifisme. Ainsi se dessine la représentation d’un Vichy de Pétain, naïf et secrètement favorable aux Anglo-Saxons, à côté d’un Vichy de Laval, collaborateur. L’édition française, envieuse du succès, brave les interdits et publie Roger Martin du Gard, Paul Baudouin. La revue Écrits de Paris fondée en 1947, donne un écho à toutes ces publications.

  • 3 Sur ces épisodes, Michèle Cointet, Pétain et les Français.1940-1951, Perrin, 2002, p. 289-298.

7Le mouvement pour l’amnistie est lancé. Un ecclésiastique va y jouer un rôle très actif. Le chanoine Desgranges, député du Morbihan, apparenté avant la guerre au Parti démocrate populaire, est l’auteur en 1948 du pamphlet Les Crimes masqués du résistancialisme (éditions de l’Élan) où jouant du succès de la mode existentialiste, il espère le même succès médiatique pour son concept qu’il rattache aussi à l’anticléricalisme (déviation regrettable d’un mouvement légitime quand il se garde des excès). Le chanoine vengeur fonde une filiale de l’ordre de la Merci qui depuis des siècles se consacre aux prisonniers et à leurs familles. Il recherche la protection pontificale. Il ne se contente pas d’organiser des réunions des membres des familles des épurés mais il tente, en homme politique avisé, d’obtenir, la collaboration d’hommes politiques et même de héros de la Résistance. Il noue les fils d’étranges réseaux et se trouve à l’origine de l’affaire Rémy3. Le pieux fondateur du réseau Confrérie Notre-Dame témoigne de la compréhension du général de Gaulle pour le prisonnier de l’île d’Yeu. Le général, oublieux de ses conversations de l’avenue Kléber ou conscient de la différence à établir entre un propos lancé devant un compagnon et l’image historique qu’il veut laisser de l’action de la France libre, le rappela à l’ordre après l’avoir utilisé dans une mission de rapprochement avec la droite. Or le chanoine Desgranges préside le Banquet des 1 000. Il en présente les orateurs, se réjouissant qu’un tel capital de talents, d’expérience et de patriotisme concoure enfin au redressement du pays. Il tire les conclusions des discours après avoir proposé une minute de silence pour les « milliers d’innocents » qui demeurent derrière les barreaux des prisons et il demande aux convives un engagement pour lutter en vue de leur réhabilitation : « Entourons les nouveaux Dreyfus, innombrables, de notre respect pieux ».

  • 4 Paroles françaises, 20 février 1948.

8La vague culturelle s’accompagne d’un mouvement plus strictement politique Au congrès de l’Alliance démocratique des 7-8 février 1948, P.-É. Flandin fait sa rentrée politique. Élu président du mouvement par acclamation, il prononce un discours. Il défend l’idée que la guerre aurait pu être évitée ( !), attaque les juridictions exceptionnelles et le dirigisme. À la table du banquet figurent le fidèle Portmann, Paul Faure, Antoine Pinay, Gratien Candace, Chamant, Baréty, Giaccolbi, François-Poncet et l’inévitable chanoine Desgranges qui fonde dans le même temps une Association des Élus de la IIIe République4. Elle s’adresse aux parlementaires inéligibles, aux maires, aux conseillers généraux ayant perdu leurs mandats à la suite des manœuvres des dirigeants de la IVe République. La première réunion de l’Association, salle des ingénieurs civils à Paris, donne la parole à Jean-Louis Tixier-Vignancour et à Lucien Lamoureux. Sous la houlette du chanoine Desgranges, ils rejoignent l’Association des Représentants du peuple de la IIIe République fondée en 1946 dont le secrétaire général André Dupont définissait alors trois finalités :

  • la sauvegarde des traditions et des gloires de la IIIe République,
  • la restauration des libertés républicaines : presse, justice régulière, respect du suffrage universel, réparation des injustices commises par les tribunaux,
  • développement chez les jeunes Français du culte de la justice et de l’amour de la liberté.

9Depuis deux ans l’Association travaille à l’avancement de ces valeurs. Les membres se réunissent pour des déjeuners fraternels. Au cours d’une de ces réunions chères aux Bourguignons et autres originaires des plantureuses provinces, naquit l’idée d’élargir ces agapes. N’était-ce pas le meilleur moyen de faire parler de soi avec sympathie en ces années où les Français émergeaient des temps de privations, où l’on se passait entre amis les adresses des petits restaurants où l’on mange bien c’est-à-dire, plantureusement ? Il n’était pas encore question de nouvelle cuisine mais de retrouver les plaisirs des copieux repas d’avant-guerre.

10À un banquet, il faut des convives, et nombreux. Le modèle était le grand banquet des maires de France conviés le 18 août 1889 à Paris. Les élus locaux, proches du monde rural, constituaient le grand vivier où pêcher convives, fournisseurs de denrées alimentaires et praticiens d’une bonne cuisine électorale. Des courriers furent envoyés, des contacts établis jusque dans l’Outre-Mer. L’idée plut. Les adhésions furent réalisées et les produits, affluèrent à Paris par les trains de l’amitié. On espérait que les journalistes invités viendraient nombreux et exprimeraient leur satisfaction. On avait de quoi satisfaire leur appétit.

  • 5 Écrits de Paris, novembre 1948.

11La date fut fixée au 14 mars 1948 pour commémorer le centième anniversaire d’une République qui planta des arbres de la Liberté, instaura le suffrage universel et se lia aux révolutions européennes des libertés contre les tyrannies. La culture historique des élus leur ferait apprécier cette réédition de la campagne des banquets si efficace dans le déclenchement de la révolution de 1848. La commémoration officielle avait été célébrée sans éclat. On ferait mieux. Le 2 février 1948, il neigeait sur Paris et le peuple avait préféré rester à la maison pour tenter de se réchauffer au maigre feu des boulets de charbon encore rationnés. Le président de la République, Vincent Auriol, traversa la place de la Bastille sous un parapluie, qui évoquait plus le roi bourgeois détrôné que les virils combattants révolutionnaires, et visita la crypte de la place de la Bastille. Elle était lugubre. L’humidité l’en chassa rapidement. L’après-midi, il se rendit à l’Hôtel de Ville où il subit le discours du vice-président du conseil municipal sur la nécessité d’un gouvernement fort. Lui-même prononça un discours fort modéré que Daniel Halévy interprète comme un appel à renoncer à la révolution : « Je commémore parce que ma fonction m’y oblige, mais pour l’amour de Dieu, ne recommencez pas5 ».

14 mars 1948 : le banquet

12Au Palais des expositions, le 14 mars 1948, l’invitée d’honneur figurait sur les menus : la République sous les traits d’une sirène aux longs cheveux, tenant dans ses mains un bonnet phrygien portant un phylactère orné d’un « III » avec l’inscription : « Marianne, reprends ton bonnet ! ». Quatre orateurs donnèrent un sens politique au Banquet : un élu local, l’élégant et discret maire de Dax, Milliès-Lacroix et trois revenants de la IIIe République : Paul Faure, Lucien Lamoureux et Pierre-Étienne Flandin.

  • 6 Paul Faure voulait célébrer Flandin, éphémère ministre des Affaires étrangères en janvier 1941 qui (...)

13Paul Faure, l’ancien secrétaire de la sfio, incarnation du pacifisme d’avant guerre, secrétaire général du Parti social démocratique, se présente comme l’initiateur et l’organisateur du Banquet. Il est animé d’une véhémente colère contre les « falsificateurs » de l’histoire qui vise Maurice Thorez auquel sa « désertion devant l’ennemi » a valu les plus grands honneurs et le droit de juger officiers et fonctionnaires de la République. La liberté n’appartient pas seulement à ceux qui l’ont conquise dans la Résistance. Elle est, en République, le bien de tous afin que s’établisse le rassemblement fondé sur la tolérance. « Au-delà des deux catégories impardonnables – les dénonciateurs de leurs compatriotes et les collaborateurs vénaux – Paul Faure en appelle à tous les bons Français, “le maquisard probe et sincère, les soldats de l’armée Leclerc, les soldats de Bir-Hakeim, l’armée d’Italie et l’armée du Rhin”, les professionnels – ouvriers et patrons – qui ont maintenu l’entreprise sous l’occupation, les maires demeurés à leur poste » et évidemment « les ministres de Vichy qui signaient (sic) des traités secrets avec l’Angleterre » (une catégorie introuvable pour l’historien…6). Après le discours aigre, le discours fleuve en forme de réquisitoire. Lucien Lamoureux voit dans le Banquet des Mille la préface à la fin d’un régime qui a perdu tout crédit en moins de trois ans. Un complot a anesthésié le peuple qui n’a réagi que mollement à une constitution absurde rédigée par « un Letton fraîchement naturalisé » (?) et qui fut mis en style noble par un « député indigène de Côte d’Ivoire ». On appréciera le relent de xénophobie des propos de l’ancien député de l’Allier. De ce nouveau régime qu’attendre d’autre qu’un bilan de faillite : plus d’armée, désordre administratif, justice de classe, dirigisme économique incohérent, gaspillage des deniers publics, révolte de l’Empire ? Lucien Lamoureux propose un programme de redressement : réforme constitutionnelle, fin du régime des partis, rétablissement du Sénat, amnistie.

14Pierre-Étienne Flandin ne fut pas à la hauteur des attentes des convives en se bornant à décrire platement l’œuvre de la République, plus particulièrement dans l’établissement des grandes libertés. Chargé de présenter un programme politique détaché des contingences et capable de rassembler, il s’empêtra dans des considérations de philosophie politique qui voulaient se hisser au niveau des visions de Charles de Gaulle. Son discours n’atteint pas le même niveau que ceux du modèle, entraîné par les années londoniennes, l’exemple de Churchill et les enjeux du conflit entre le monde de la liberté et le totalitarisme nazi. Pour Flandin le choix est entre « le moule totalitaire et la mort ». « Il ne faut ni rester en arrière, ni perdre le souffle en accélérant trop », tout en proclamant la réalité de l’universel qui fait dépendre du perfectionnement de l’individu l’amélioration du sort de l’humanité. Promoteur de la fédération européenne, disciple de Jaurès, de Briand, de Poincaré, d’Albert de Mun, il demande de reprendre l’offensive républicaine « contre le mensonge, l’imposture et la trahison, pour l’émancipation et l’union des hommes libres dans la paix du monde enfin rétablie ».

15Avec Milliès-Lacroix s’opérait la descente vers des propos plus réalistes. Son expérience récente éveillait l’espoir politique de nombreux assistants. Il se présentait comme un martyr parlementaire du fameux vote du texte du 10 juillet 1940 fondant l’État français qui valait à ses partisans d’être inéligibles. Sans se laisser intimider, il s’est présenté aux élections du 19 octobre 1947 où il a été triomphalement élu. Quand le conseil de préfecture a annulé son élection il s’est pourvu en Conseil d’État. Le pourvoi étant suspensif il a conservé sa fonction. À tous de l’imiter : « Nous étions éligibles puisque nous avons été élus. Nous étions éligibles puisque nous exerçons nos fonctions de maire et que personne ne peut nous l’interdire. ». Tous communièrent dans son mot d’ordre : « Préparons-nous à la bataille électorale. ».

16Le retentissement dans l’opinion publique du Banquet des Mille ne saurait être le moins du monde comparé à celui de la campagne des Banquets de la Monarchie de Juillet. Les organisateurs n’en attendaient quand même pas une révolution. Ils ne croyaient même pas que puisse se réaliser une série de banquets départementaux souhaités par un orateur. Mais ils avaient affirmé une conscience sans complexe et leur légitimité à participer aux alléchantes échéances électorales.

17Le Monde du 16 mars 1948 traita l’affaire avec dérision, parlant d’un « repas de famille présidé par un ecclésiastique ». Il y consacra moins de lignes qu’à un événement culturel bourguignon : « Dijon fête le retour temporaire dans son musée du trésor des ducs de Bourgogne ». Il ironisa sur l’aspect anachronique de la cérémonie avec ses trois heures de discours fleuves, le retour des anciens – « Trois heures ont passé en discours. Mais trois ans aussi ont passé » –, sur les espérances électorales mal dissimulées et d’un trait annonça l’échec : « Plutôt que l’Exposition ce fut une rétrospective. ».

18À l’Assemblée nationale, André Tourné, député communiste, ne le prit pas avec autant d’humour. Le 19 mars 1948, il dénonçait la « contre-offensive brutale des traîtres et des demi-traîtres vichyssois ». Le Garde des Sceaux, André Marie, déplora l’excès d’impatience des organisateurs du Banquet et mit en cause le mouvement littéraire suspect de réhabilitation de l’État français. Mais, à part la promesse d’un examen avec le ministre de l’Intérieur des moyens de mettre fin à la campagne éditoriale, il ne fournit aucune indication précise sur la volonté du gouvernement de ne pas laisser « relever la tête à des hommes qui se sont complus dans une erreur criminelle ». Tout cela resta au niveau des intentions et les parlementaires choqués (mais en petit nombre) purent tout au plus participer au meeting des organisations de Résistance mis en place par Rémy Roure le 20 avril 1948 à la salle Wagram. Le Banquet fut vite oublié et fut éclipsé par une campagne qui suscita des échos hostiles mais importants dans les milieux littéraires : la dénonciation de l’initiative de Louis Madelin en faveur de la libération de Philippe Pétain.



19Unis pour l’organisation du banquet des Mille les divers courants manifestaient déjà le jour des réjouissances leurs finalités divergentes. Le mouvement du chanoine Desgranges visait, à travers les milieux politiques, et en particulier gaullistes, à obtenir la libération du maréchal Pétain. Les anciens de la IIIe République, non résistants, n’étaient pas pour les croisés du pétainisme le meilleur soutien moral dans un combat qui cherchait une profonde transformation de l’opinion et une révision des mythes et croyances historiques. Les routes allaient se séparer. L’autre courant qui émerge plus furtivement le 14 mars 1948, a trouvé son modèle dans le très discret maire de Dax. Sans plus défendre des causes perdues, il se tournait vers les électeurs des provinces fidèles, indifférents aux envolées lyriques révolutionnaires, sceptiques sur le « sens de l’histoire », pour rebâtir, à partir des élections aux assemblées administratives, une carrière politique. L’examen des réactions de la presse après le banquet des Mille aboutit à la conclusion qu’un renouvellement des hommes était aussi nécessaire pour le combat pragmatique de la politique. De ce point de vue, le Banquet apparaissait comme une erreur mais il révélait la rapide déculpabilisation d’un milieu politique, facilité par l’anticommunisme et le retour aux libertés politiques et qui allait profiter de la dynamique politique dans un espace public reconstruit. L’inspiration n’était pas si mauvaise de se placer sous le patronage du régime qui avait fondé le suffrage universel.

Notes

1 Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Le Seuil, 1987

2 Travail remarquable de François Rouquet, L’Épuration de l’administration française, cnrs, 1993.

3 Sur ces épisodes, Michèle Cointet, Pétain et les Français.1940-1951, Perrin, 2002, p. 289-298.

4 Paroles françaises, 20 février 1948.

5 Écrits de Paris, novembre 1948.

6 Paul Faure voulait célébrer Flandin, éphémère ministre des Affaires étrangères en janvier 1941 qui ne fit rien de tel. Le seul ministre de l’État français qui établit une liaison secrète avec Churchill fut Jacques Chevalier qui purge alors une très lourde peine de prison et n’appartient pas à la configuration des Mille. Une réécriture de l’histoire fréquente chez le futur auteur de De Munich à la Cinquième…

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search